C’est avec beaucoup de générosité, tant dans l’intention que dans l’interprétation, qu’ALBERT CASTIGLIA s’offre un nouvel opus en solo. Conçu et réalisé assez rapidement, il officie en véritable patron aux côtés de grands noms du Blues Rock actuel venus lui prêter main forte. Et si le nombre de covers dépasse celui des originaux, on se régale de ses talents d’autant que les artistes qui le soutiennent dans cette aventure sont exceptionnels. « Righteous Souls » va compter parmi les meilleures réalisations de cette année.
ALBERT CASTIGLIA
« Righteous Souls »
(Gulf Coast Records)
Tout juste auréolé d’un Grammy Award du meilleur album de Blues Rock à Memphis pour son duo ‘Blood Brothers’ avec son ami Mike Zito, également patron de son label et producteur de ce nouvel album, ALBERT CASTIGLIA remet le couvert et nous offre même un menu cinq étoiles. Car si on a l’habitude des duos, regrouper autant d’invités si prestigieux sur un même disque est assez incroyable. Et l’Américain ne se contente pas d’empiler les morceaux, il les lie sur une thématique forte et très personnelle.
Deux ans après « I Got Love » et quelques mois seulement après le « Live In Canada » en duo, c’est une nouvelle inspiration qui guide cette fois le guitariste et chanteur. Malgré un laps de temps trop court pour livrer à lui seul tous les titres, « Righteous Souls » compte quatre chansons inédites (« Centerline », « Mama, I Love You », « Till They Take It Away » et « No Tears Left To Cry »). Et sur ces nouveautés, ALBERT CASTIGLIA est accompagné par Popa Chubby, Christone ‘Kingfish’ Ingram, Ally Venable, Gary Hoey et sa Fille Rayne.
Sur des reprises savamment choisies parmi lesquelles on retrouve Willie Dixon, Buddy Guy, Eric Clapton, Luther Johnson et son mentor Junior Wells sur deux pistes, le New-Yorkais se montre brillant et son jeu toujours aussi affûté. Avec une saveur vintage très relevée, ALBERT CASTIGLIA accueille Alabama Mike, Danielle Nicole, Joe Bonamassa, Jimmy Carpenter, Josh Smith ou encore Monster Mike Welch. Et, cerise sur le gâteau, « Righteous Souls » garde sa patte malgré cette péliade de guests. Un travail somptueux et virtuose.
Retrouvez la chronique de son dernier album et celle de BLOOD BROTHERS en duo avec Mike Zito :
13 ans après sa disparition, la musique de Calvin Russell résonne toujours chez les amateurs de Blues aux saveurs Folk, Country et Rock. Ayant trouvé l’Eldorado en France dans les années 90/2000, le Texan n’a bien sûr pas manqué de créer de solides liens d’amitié, parmi lesquels on retrouve MANU LANVIN. Le leader des ‘Devil Blues’ avait d’ailleurs enregistré avec lui « Dawg Eat Dawg » en 2009, un moment fort dans sa carrière. Aujourd’hui, le chanteur et guitariste lui rend un magnifique hommage avec ce « Tribute », qui voit se succéder des artistes au horizon divers pour redonner vie à des chansons pour beaucoup inoubliables et dans tous les cas toujours très touchantes. Entretien avec ce ‘Frenchy’, qui redonne toutes ses lettres de noblesse au musicien d’Austin.
– On connait la genèse de l’album qui date donc de ce concert donné il y a deux ans à ‘La Traverse’ de Cléon, près de Rouen. De là à vouloir ensuite réaliser un disque, il y a un pas à franchir. Quel a été le déclic ? Y a-t-il eu une demande particulière, ou cela reste personnel ?
Non, il n’y a eu aucune demande. Cela aurait d’ailleurs pu être orchestré par des maisons de disques ou des éditeurs, mais ce n’est pas le cas. Cela fait suite à ce concert, qui m’avait été demandé, à ‘La Traverse’ qui est une salle que j’aime beaucoup. Il y a une programmation très qualitative avec beaucoup d’artistes anglo-saxons de Classic Rock, notamment, et de grands bluesmen. Ils m’ont demandé si je voulais faire revivre, le temps d’une soirée, la musique de Calvin Russell. J’ai accepté en leur disant que je souhaitais le faire avec des invités. On a la chance en France d’avoir des artistes très intéressants et qui sont américains. Ils sont donc plus légitimes pour défendre ce répertoire. Je pense à Neal Black, Beverly Joe Scott, qui est à côté en Belgique, Janet Martin… J’avais envie de personnes qui partagent ce langage-là et je voulais aussi que sa femme et sa belle-famille soit là et se sentent concernées. C’était une soirée très, très émotionnelle, en plus d’afficher complet. Il s’est passé quelque chose de très fort et c’est là que je me suis rendu compte que la musique de Calvin était encore inscrite dans le cœur des gens qui l’avaient connu. D’ailleurs, lors de mes concerts quand je vais au merchandising signé des albums, il n’y a pas une seule fois où on ne me parle pas de sa musique. Elle est toujours là et elle m’accompagne. Je trouvais que c’était un peu frustrant pour les gens qui n’avaient pas pu assister à ce concert-là de ne pas leur proposer une nouvelle lecture de certaines de ses œuvres. C’est donc ce que je me suis mis en tête de faire après ce concert. Je suis entré en studio avec mes musiciens, en reprenant d’ailleurs plus ou moins la même setlist qu’à ‘La Traverse’ et j’ai commencé mon petit casting dans ma tête.
– Tu avais un lien très fort et spécial avec Calvin Russell, qui était aussi un personnage atypique et attachant. Est-ce qu’il t’a fallu prendre un peu de recul lors de l’enregistrement pour mieux contrôler et canaliser ce flux d’émotion, ou au contraire l’immersion a-t-elle été totale ?
Je pense que le temps a joué en notre faveur. Je n’aurais pas pu faire cet album juste après sa disparition. Là, on a pu se détacher d’une forme d’emprise émotionnelle. Cela dit, bizarrement, cela m’est arrivé plusieurs fois pendant l’enregistrement. Juste à côté du studio ‘La Chocolaterie’, j’ai une petite maison de ville mitoyenne, où j’ai accueilli Calvin juste avant et pendant l’enregistrement de « Dawg Eat Dawg ». Ensuite, il y a eu la tournée et il dormait ici. Il y avait malgré tout son fantôme qui était là ! (Sourires) Il m’a d’ailleurs laissé quelques plumes qui sont toujours là, elles aussi. Ensuite, le travail est différent, car je suis le directeur artistique du projet. La question s’est donc posée de faire ou non du plagiat de Calvin Russell, ou est-ce qu’on allait essayer d’aller plus loin ? Ce qui était intéressant, c’était de moderniser certaines versions, de leur offrir une deuxième lecture et aussi de prendre certaines choses à contre-pied. Par exemple, personne ne s’attendait à ce que ce soit une femme (Beverly Joe Scott – NDR) qui chante « Crossroads », qui est le morceau emblématique de Calvin. Il fallait faire une sorte de passage de relais, car il a laissé un super catalogue. Il était très fort au niveau du songwriting et en me replongeant dans tout ça, j’ai retrouvé des trésors que je ne connaissais même pas à l’époque où je le côtoyais. Il y a vraiment des pépites ! Et les faire interpréter par d’autres artistes, c’est vraiment ça qui me plait dans ce genre d’hommage.
– La tracklist contient 14 chansons. Certaines s’imposaient comme bien sûr « Crossroads », « Trouble » ou « Soldier ». Pour les autres, comment s’est effectué le choix ? Certains artistes ont-ils proposé des morceaux qui les touchaient plus particulièrement, par exemple ?
En fait, je me suis beaucoup inspiré de la magie qui avait opérée à ‘La Traverse’. La tracklist n’a pas tellement bougé. Parfois, ce sont les circonstances qui décident. Il y a un équilibre avec des passages plus lents, d’autres plus Folk qu’on connait bien chez Calvin. Et puis, c’est aussi très Rock’n’Roll, car il avait vraiment ça en lui. Il aimait les morceaux avec de grosses guitares un peu sales, le Boogie aussi… Et c’est un aspect que je connais bien de lui, car j’ai eu la chance de l’accompagner sur scène. Il vibrait littéralement lorsque tu commençais à envoyer des décibels. J’aime aussi ce côté-là chez lui, ainsi que l’aspect très dépouillé, très acoustique, très intimiste et très introspectif finalement, tout comme des choses beaucoup plus brutes de décoffrage qui font bouger les gens. C’est ce que j’ai essayé de faire pour avoir cet équilibre sur l’album.
– Parlons des interprètes et d’abord des Américains qui, comme Calvin, ont aussi un lien très fort avec la France. C’est apparu comme une évidence dans le choix, car ils le connaissaient tous ?
Beaucoup de choses ont pesé dans la balance, en fait. J’ai d’abord trouvé ça intéressant que ce soient des amis de Calvin qui lui rendent hommage comme Beverly Joe Scott. Nous avions d’ailleurs donné son dernier concert ensemble dans le Sud, près de Manosque, sur les hauteurs. Elle était venue chanter le tout dernier morceau, « Ain’t Leaving Your Love », dont je me rappelle très bien, puisque c’était moi qui l’avait accueilli sur scène. C’était important pour moi qu’elle accepte de venir sur cet hommage. Pareil pour Popa Chubby, qui est un autre ‘exilé’ des Etats-Unis comme il le dit très bien. Ils auraient d’ailleurs tous voulu avoir la même carrière chez eux qu’ils ont eus en Europe, mais les circonstances ont fait que c’est ici que ça leur a souri. C’est ce qui s’est passé pour Calvin, qui a été ‘star’ sur le tard. Et contrairement à chez lui, c’est chez nous que ça a pris, et c’est exactement pareil pour Popa Chubby. C’est vrai aussi qu’on doit beaucoup à Patrick Mathé (fondateur du label New Rose – NDR), qui était un véritable découvreur de talents qui ne prenaient pas aux Etats-Unis et qu’il ramenait en France sur son label. Et ça fonctionnait plutôt pas mal. J’ai donc pris des gens qui le connaissaient et qui font aussi partie de mon réseau. Et puis, ça raconte une histoire. Si j’avais pris des artistes anglo-saxons, qui ne connaissaient pas l’histoire de Calvin, ça ne m’aurait pas paru intéressant pour cet hommage. Mais c’était aussi important d’avoir des gens qui ne connaissent pas forcément très bien son répertoire comme Théo Charaf, Craig Walker, Haylen et même Hugh Coltman. Et comme Calvin était une voix, il me fallait vraiment des chanteurs à voix. Je ne pouvais pas m’amuser avec des guignols ! (Rires) Il fallait que ce soit séduisant et il y ait certaines évidences aussi.
– Pour rester sur la France, il y a aussi des choix chez les interprètes qui peuvent surprendre, car ils ne viennent pas directement de l’univers du Blues. Je pense bien sûr à CharElie Couture, Axel Bauer et à ton père Gérard. C’est une manière de dire que Calvin ne touchait pas seulement les amateurs de Blues ?
Oui, je pense. Ce serait dommage de le classer comme un artiste destiné à quelques ‘happy fews’ et aux ayatollahs du Blues. D’ailleurs, Calvin n’aimait pas le Blues plus que ça. Il avait fait sa propre recette avec ce mélange de Rock, de Folk et de Blues. Le plus important pour moi était d’avoir des personnalités et des grains de voix, et peu importe le style musical d’où ils viennent. Après, il y a quand même beaucoup de similitudes. Quant à mon père, il a écrit « 5m² ». Ils étaient amis et, même s’il vient du cinéma, c’est une chanson qui raconte beaucoup de choses. C’est l’histoire de Charlie Bauer (militant révolutionnaire d’extrême gauche et ancien complice de Jacques Mesrine – NDR) que mon père a rencontré quand il a été consulté pour le film sur Mesrine. On sait très bien les années de prison que Calvin a fait de son côté et il y avait donc une belle histoire qui s’écrivait en enregistrant ce « 5m² » ensemble.
– D’ailleurs, « 5m² » qui est chanté par ton père et toi, et « Soldier » par Axel Bauer, le sont en français. C’est assez inattendu. D’où l’idée est-elle venue de traduire le texte de Calvin ?
C’est vraiment Axel Bauer qui m’a soufflé cette idée. Je ne pensais pas enregistrer « Soldier » en français. Et puis, face à ce qu’il m’a balancé le lendemain, j’ai trouvé ça bien et je me suis dit que cela pouvait ouvrir l’album à d’autres gens sans s’enfermer et qu’il ne soit pas écouté uniquement par celles et ceux qui connaissent déjà Calvin. Cela peut aussi ouvrir la porte au public d’Axel Bauer, par exemple, qui pourrait peut-être s’intéresser à qui est derrière tout ça. Ca remet en lumière l’artiste, mais aussi le songwriter qu’il était.
– L’album est donc très varié dans les ambiances avec même trois duos, ce qui le rend très collégial d’ailleurs. L’intention était-elle de dévoiler le plus possible l’univers de Calvin, qui était assez vaste, malgré certaines apparences ?
Oui, c’est ce que je pense avoir décodé chez lui. Il y a aussi tous les aspects de sa musique telle qu’elle était présentée. Je voulais être fidèle à ça, à ce côté collégial également qui apporte beaucoup de puissance à cet hommage quand tu as plusieurs interprètes qui échangent sur un titre. Cela dit, les chansons de Calvin ont déjà fait leur travail en termes d’émotion, bien avant cet album. On peut en récréer une autre, intacte, avec une nouvelle histoire, puisqu’elle est interprétée par plusieurs personnes. Je trouve que cela apporte une richesse de plus à l’album.
– Pour rester sur l’héritage laissé par Calvin Russell, ce qui me surprend vraiment, c’est de ne pas entendre souvent son nom revenir dans les influences de certains artistes, surtout américains d’ailleurs. Comment est-ce que tu l’expliques ? Il n’était pourtant pas si ‘confidentiel’ que ça…
Il l’était en tout cas aux Etats-Unis. J’allais souvent le voir là-bas à Austin. Quand je me baladais le soir sur la ‘5th Street’, on me demandait ce que faisait un Français ici. Quand je disais que je produisais et que j’étais le collaborateur artistique de Calvin Russell, on me répondait : ‘Ah oui, c’est le Texan qui fonctionne bien en France et en Europe !’. Ca s’arrêtait à ça. Il faisait quand même partie de cette communauté de musiciens des années 70/80 qui ne tournaient qu’à Austin, mais ça n’allait pas plus loin que les frontières de la ville. C’est vrai que c’est étonnant. Pour tout te dire, il y a une chose que j’ambitionne, ou que j’adorerai, c’est que l’histoire de cet album, qui fait lumière sur Calvin, puisse donner envie à la création d’un film ou d’un documentaire. On peut continuer l’histoire musicale d’un artiste après sa disparition. C’est peut-être jouable. J’ai beaucoup fait écouter l’album à des musiciens américains avec qui je travaille en ce moment. Ils sont sidérés et ils se demandent comment ils ont pu louper ça ! Et ils s’intéressent maintenant à l’original. Je ne suis qu’un relai avec ce disque. D’ailleurs, je pars jouer à New-York fin juillet et j’ai trois titres de Calvin dans ma setlist. Je continue à jouer sa musique dans son pays d’origine, qui ne le connait même pas. C’est insensé !
– Tu chantes également sur trois morceaux (« Wild Wild West », « Ain’t Leaving Your Love » en duo avec la chanteuse Haylen et « 5m² » avec Gérard). C’était important aussi pour toi d’interpréter tous ces titres de ce projet que tu portes depuis le début ?
Au début, mon équipe pensait que j’allais chanter tout l’album ! Comme l’idée était de faire un hommage, tout le monde avait imaginé que ce serait ‘Manu Lanvin chante Calvin Russell’. Pour moi, ça n’avait pas beaucoup de sens. A mon avis, plus il y a de participants, plus l’hommage est beau ! Et c’est ce qui m’a plu dans ce projet, que ce soit quelque chose de collectif. C’est ce qui me semblait intéressant. Pour l’anecdote, j’ai fait toutes les voix témoins des morceaux avant de les envoyer aux artistes. Quand Beverly Joe Scott a écouté « Crossroads », elle m’a dit que je devais le chanter, que c’était à moi de le faire ! Il y a eu une gentille petite bataille ! Il a fallu négocier ! (Rires)
– Un mot enfin au sujet de Popa Chubby qui livre d’ailleurs une version incroyable de ce « All We Got Is Rock And Roll », qui lui va si bien, et avec cette trompette quasi-cosmique et incroyable de Boney Fields. On le sait actuellement malade. Est-ce que tu as des nouvelles rassurantes sur son état de santé ?
On s’est vu récemment lors de son dernier Olympia (le 17 mars – NDR), où il m’a invité à monter sur scène avec lui pour un titre. Il répond moins depuis quelques temps, bien sûr. En tout cas, l’opération s’est bien passée. Maintenant, il faut que les résultats soient bons et que la convalescence aille bien aussi. Cela dit, Ted (son prénom – NDR) est très présent sur les réseaux sociaux et tant que je le vois poster des choses, je suis rassuré. Et puis, c’est un mec balaise. Il n’en donne peut-être pas l’impression avec ce poids imposant et sa béquille, mais c’est quelqu’un de très vif dans le regard. Il a malgré tout une énergie de dingue, il y a le feu chez lui dans les yeux et dans le regard. Il fait partie des guerriers et je pense qu’il va s’en sortir. J’ai toute foi. C’est quelqu’un qui a envie de vivre, il n’a pas envie de se laisser tomber. Ce n’est pas du tout le caractère de ce mec-là ! (Sourire)
« Tribute To Calvin Russell », orchestré par Manu Lanvin est disponible chez Gel Prod/Pias.
Authentique, direct et sincère, le songwriter a fait de la ‘Grande Pomme’ son terrain de jeu pour s’étendre aujourd’hui bien plus loin. Pourtant c’est chez lui que POPA CHUBBY et son BEAST BAND ont enregistré ce somptueux double-album live, le premier aussi sur le label du guitariste Mike Zito. Et même certains morceaux sont shuntés de manière assez maladroite, ce drôle de concert tient toutes ses promesses et tient aussi en haleine pendant 2h15.
POPA CHUBBY AND THE BEAST BAND
« Live At G. Bluey’s Juke Point NYC »
(Gulf Coast Records)
Personnage incontournable de la scène Blues mondiale, le New-Yorkais au toucher si particulier et unique s’est fait plaisir avec ce double-album live, qu’il a lui-même mixé et produit. Première réalisation aussi chez Gulf Coast Records pour POPA CHUBBY et son BEAST BAND et le résultat est assez phénoménal. Il faut aussi dire qu’il s’est mis dans les meilleures conditions, puisque « Live At G. Bluey’s Juke Point NYC » a été enregistré les 24 et 25 octobre dernier devant 25 heureux privilégiés chaque soir.
Entouré de ses fines gâchettes, le bluesman déroule son jeu, longuement, avec le même enthousiasme et la même énergie que s’il jouait devant 5.000 fans. Sont à ses côtés Michael Merritt (basse), Mike Dimeo (claviers) et Stefano Giudici (batterie). Tous à l’unisson, l’ensemble est d’une incroyable fluidité, même lorsque POPA CHUBBY décide d’improviser… ce qui lui arrive très souvent. Et que ce soit vocalement ou à la guitare, l’Américain se montre d’une diversité qui surprend encore et toujours.
Enregistré dans le complexe artistique de son ami Glenn Forrest à Long Island, Mr Horowitz parcourt son répertoire tout en réservant quelques surprises avec le feeling et la virtuosité qu’on lui connait (« Another Ten Years Gone », « Dirty Lie », « 69 Dollars », « It’s A Mighty Hard Road », « Embee’s Song », « Sweat »). Et malgré une bonne trentaine d’albums à son actif, POPA CHUBBY aime toujours autant revisiter quelques classique qu’il s’approprie avec sa verve légendaire (« Motorcycle Mama », « Hey Joe », « Over The Rainbow », « Hallelujah » et même le thème du « Parrain »).
Trois ans et trois albums déjà pour UNITED GUITARS, un projet guitaristique qui prend du volume au fur et à mesure que ceux-ci s’empilent dans les discothèques des amoureux de la guitare. Et voici le troisième ! Loin d’être un album de spécialistes pour les spécialistes, le concept se veut plutôt une découverte de l’instrument sous toutes ses facettes et à travers des registres aussi vastes que la très belle pléiade de musiciens présents sur ce « Volume 3 », qui s’étend sur un beau double-album.
UNITED GUITARS
« Volume 3 »
(Mistiroux Productions)
Et de trois ! C’est déjà le troisième volet de l’aventure UNITED GUITARS débutée fin 2019 à l’initiative de la productrice Olivia Rivasseau (productrice) et Ludovic Egraz (guitariste et réalisateur) et qui a vu défiler le gratin des guitaristes français, mais pas seulement, et uniquement en instrumental et dans des styles très différents, voire opposés, qui vont du Rock au Metal en passant par le Progressif, le Jazz et le Blues notamment. Un large panel entièrement dédié à la six-cordes sous toutes ses sonorités.
Pour ce « Volume 3 », c’est toujours au cœur du Studio 180 dans le nord-est parisien que les musiciens se sont succédés pour donner corps et vie à ce nouveau double-album, entièrement dédié à la guitare dans toute sa diversité. Et comme d’habitude, la production est remarquable, car elle respecte avant tout les musiciens, leur jeu, leur toucher et leur son propre. Et c’est là l’une des forces d’UNITED GUITARS : regrouper au sein d’une même entité des artistes aussi distinctifs que talentueux.
On retrouve aussi quelques habitués présents sur les deux premiers volets comme Judge Fredd, NeoGeofanatic ou Yvan Guillevic, qui croise ici le fer avec le grand George Lynch sur « Surrounded By Darkness », tout comme Saturax qui accueille sur sa composition, « How Strong Is Your Shield ? », Popa Chubby pour un Blues endiablé. Mais que l’on ne s’y trompe pas, UNITED GUITARS n’a pas vraiment besoin de ‘stars’ pour briller. Les 34 guitaristes ne sont pas là par hasard, et au-delà d’une technique de haut vol, c’est le feeling qui l’emporte.
Toujours basé sur un modèle participatif, ce « Volume 3 » a remporté une nouvelle fois son pari et c’est donc avec plaisir que toute l’équipe, menée par un Ludovic Egraz très présent aussi musicalement, repartira pour un nouveau challenge à l’abordage d’un « Volume 4 », qui devrait encore réussir à surprendre et séduire. Et bien sûr, UNITED GUITARS et sa flopée de guitaristes ne serait pas grand-chose sans ses rythmiques basse/batterie toutes aussi virtuoses et qui mettent elles aussi en avant un groove incroyable.
Résolument tourné vers l’hexagone, le concept se dote une fois encore de quelques participations internationales et d’une belle touche féminine avec les présences de Chloé Rebeiro et de Tora Dahle Aagård. Sur le rythme d’une réalisation par an, UNITED GUITARS a déjà ouvert son Kiss Kiss Bank Bank pour le « Volume 4 » avec en jeu une immense tombola dotée de 46.000 euros de matos à gagner offert par les 50 marques partenaires (lien ci-dessous). Eclectique et créatif, ce « Volume 3 » prête donc à nouveau à l’évasion avec brio.
Et pour participer à l’aventure, un seul lien pour cette nouvelle campagne :
POPA CHUBBY a repris du poil de la bête et les nouvelles compositions de « Emotional Gangster » sont enthousiasmantes et versent dans de nombreux courants Blues que le New-Yorkais maîtrise parfaitement. Musicalement vif et abouti, ce nouvel album manque pourtant d’une production véritablement à la hauteur, qui aurait donné plus de profondeur encore.
POPA CHUBBY
« Emotional Gangster »
(Dixiefrog/Pias)
Homme de scène, figure incontournable de la planète Blues et guitariste-chanteur au charisme évident, POPA CHUBBY mène une carrière exemplaire depuis plus de 30 ans. Ayant sévèrement accusé le coup après l’élection de Trump, puis avec la pandémie durant laquelle il a sorti « Tinfoil Hat », le New-Yorkais revient cette fois avec un album très positif où il montre un tout autre visage.
L’Américain semble avoir retrouvé le plaisir de jouer et de chanter un Classic Blues intemporel joyeux dans lequel il a toujours excellé, tout en y apportant une touche très moderne, grâce notamment à des textes pertinents et dynamiques. Et sur « Emotional Gangster », POPA CHUBBY s’en donne à cœur-joie sur des morceaux, qui ne manqueront pas de faire mouche sur scène, c’est certain.
Enjoué sur « Equal Opportunity » où il célèbre les femmes, fédérateur sur « Fly Away » et « Why You Wanna Make War ? » (dont la version française est loin d’être indispensable) ou entraînant sur « New Way Of Walking », le Bluesman rend une belle copie. Cependant en ayant enregistré et mixé lui-même son album, POPA CHUBBY n’apporte pas la fraîcheur, le relief et le son qu’il aurait mérité. Seul bémol.
«Tinfoil Hat » peut autant se percevoir comme un manifeste, un cri de colère, de rage ou d’amour tant le bluesman new-yorkais se livre sans détour dans un Blues Rock virulent, intime et plein de compassion. Moins sophistiqué que le reste de sa discographie, ce nouvel album de POPA CHUBBY est peut-être l’un des plus authentiques de l’artiste.
POPA CHUBBY
« Tinfoil Hat »
(Dixiefrog/PIAS)
L’an dernier alors qu’il célébrait ses 30 ans de carrière, le New-yorkais fut coupé dans son élan, privé de scène et sommé de rester confiné. L’insoumis bluesman, qui n’a de cesse de lutter contre toutes les injustices a du prendre son parti et cela a eu pour effet d’accroitre une inspiration déjà fertile. Refugié dans son home-studio, le Chubbyland, à contrecœur POPA CHUBBY a composé un album nourrie de rage et d’amour.
Poussé dans ses retranchements, POPA CHUBBY s’est inspiré de la situation sanitaire bien sûr, mais aussi des dégâts de l’administration de Trump dans son pays. Entre colère et espoir, le musicien chante un constat accablant sur des Etats-Unis, non sans humour à commencer par ce grand clin d’œil aux imbéciles et complotistes de tous poils (« Tinfoil Hat ») et surtout un beau message à ses fans (« Can I Call You My Friends ? »).
Le Blues Rock de POPA CHUBBY aura rarement été aussi saisissant et revendicatif. Décrivant sans concession le chaos ambiant sur « You Ain’t No Shit », « No Justice No Peace » et « Someday Soon (Change Is Gonna Come) », il est même de bon conseil (« Baby Put On Your Mask »). Toujours étincelant à la guitare, l’Américain a apporté un soin particulier au chant avec une humilité très empathique. Brillant.
La dernière année a bouleversé POPA CHUBBY, mais l’a également rendu très créatif… Une constante, certes. C’est avec son chapeau d’aluminium (« Tinfoil Hat »), que le New-Yorkais a composé ce nouvel album entièrement réalisé à la maison. Moqueur, tendre, en colère et toujours plein d’humour, le bluesman passe en revue les sentiments qui l’ont traversé ces derniers mois. Court entretien avant la sortie de l’album prévue le 12 mars chez Dixiefrog.
– Il y a un an, tu célébrais tes 30 ans de carrière avec l’excellent « It’s A Mighty Hard Road ». Quel regard portes-tu aujourd’hui sur l’album, et que ressens-tu de l’avoir si peu défendu sur scène ?
En fait, nous avions tourné en Europe début 2020, et donc réussi à défendre un peu le disque. Ensuite, nous avons terminé en Amérique du Nord le 16 mars, donc cette défense était en fait une attaque ! Et je prévois aussi de revisiter ce disque à mon retour sur scène.
– Sur ce même album, on ressentait un grand sentiment de liberté avec des morceaux très Blues Rock, mais aussi des sonorités latines, Reggae, Funk et une superbe reprise de Prince. Avec « Tinfoil Hat », tu reviens aux fondamentaux du Blues dans un style très épuré. Avant d’entrer dans les détails, on te sent moins insouciant, non ?
Au contraire, « Tinfoil Hat » est plus un cri de bonne santé mentale et de raison. Et c’était aussi un devoir artistique pour moi de commenter tous ces événements. Et je n’oublie jamais le public, non plus. Mais c’est vrai que « Mighty Hard Road » était plus une célébration.
– Parlons de « Tinfoil Hat », qui est autant un cri de colère que d’amour. On sait que tu as été très affecté par cette pandémie et par les événements que nous avons traversés …
Pour être honnête, je pense que le disque illustre toutes les émotions et les histoires que j’ai vécues pendant la pandémie. C’est un large éventail de ressentis formés de rage d’aimer, ainsi que de peur mais avec beaucoup l’humour. C’est toujours la muse qui dicte finalement. Et dans ce cas présent, elle a été gentille.
– Tu as entièrement joué et enregistré l’album chez toi, tout en étant très présent sur les réseaux sociaux. Comment t’es-tu adapté à cette situation inédite ? Rester en contact avec tes fans t’a semblé important compte tenu de l’absence de concerts ?
L’enregistrement chez moi n’est pas nouveau. ‘Chubbyland’ est mon laboratoire depuis de nombreuses années et entièrement équipé avec vraiment tout ce qu’il faut. La pandémie m’a permis d’atteindre de nouveaux niveaux sur tous mes instruments. Je pense que le résultat reflète mon expression la plus authentique. Et c’est vrai que les réseaux sociaux me permettent d’avoir un contact direct avec mes amis et mes fans, et c’est un moyen de partager le processus dans son immédiateté.
– En plus de parler du Covid, l’album évoque aussi très frontalement la situation politique américaine. Décidemment, quelle année chaotique ! Elle est à vite oublier, ou au contraire il y a quelques leçons à en tirer ?
Humm… Honnêtement, je déteste la politique, mais Trump a été une abomination. Cela a également vraiment mis en lumière ce qu’est l’Amérique : une nation raciste. La tendance à oublier a beaucoup à voir avec le maintien des personnes au pouvoir. Biden est le bon gars pour le moment. Uncle Joe ! Et c’est même étonnant de voir de quelle manière il a mis en place tant de choses en si peu de temps. Mais nous avons encore un long chemin à parcourir.
– Malgré de la colère, de la frustration et de la rage, on perçoit aussi beaucoup d’amour sur « Tinfoil Hat ». Comme toujours, tu es très sincère et authentique dans tes propos et tu es vraiment très soutenu par tes fans. C’est essentiel pour toi ? Pour continuer d’avancer ?
J’aime mon peuple, mais je ne peux pas calmer les fans, car cela impliquerait que je suis mieux. Et je ne le suis pas. Et puis, j’en connais tellement personnellement, ainsi que leurs histoires personnelles. Oui, ce sont mes amis et ils me soutiennent.
– Avec le rayon de soleil qu’offre ce nouvel album, quels sont tes souhaits et tes espoirs pour les mois à venir ? Un rapide retour sur scène ?
Je ne peux plus attendre ! Je veux partir tourner au plus vite ! J’espère que nous serons tous vaccinés et que je serai à l’Olympia en octobre 2021 !
« Tinfoil Hat » sera disponible le 12 mars chez Dixiefrog/PIAS.