Brumeux mais nerveux, le Stoner Psych Doom du trio américain fait de nouveaux ravages sur « Nemesis Lately », deuxième album du combo établi à Los Angeles. Rugueux, massif et puissant, SOMNUS THRONE ne baisse pas la garde et nous enferme dans un Metal très Fuzz, peu lancinant, compact et incisif. Saisissant.
SOMNUS THRONE
« Nemesis Lately »
(Heavy Psych Sounds Records)
Basé à la Nouvelle-Orléans puis à Portland, c’est dorénavant depuis Los Angeles que SOMNUS THRONE diffuse son Stoner ultra-Fuzz à travers lequel il ne manque pas de clins d’œil pour Lemmy et Iommi. Les deux idoles ont fortement influencé le trio, qui s’en donne à cœur-joie dans un registre où le Doom et le Psych se fondent dans un même Metal épais et enveloppant sur ce deuxième album.
Evan (guitare, chant), Ansel Bretz (basse) et Matt Davis (batterie) ont une vision assez singulière du Stoner et elle est étroitement liée à un Doom Psych bien enrobé de Fuzz. Après un premier album éponyme il y a deux ans, SOMNUS THRONE a resserré les boulons en rassemblant ses forces et en tirant dans le même sens vers un Metal gras et massif. « Nemesis Lately » s’impose avec vigueur.
Le chant incantatoire, frôlant le chamanique, renforce l’esprit Doom du combo, même si SOMNUS THRONE s’écarte du poids écrasant et lent du style. La richesse des riffs apporte beaucoup de vélocité aux morceaux en renforçant leur impact (« Snake Eye », « Dice And Scarecrow », « L-Dopatriptamine »). Pourtant les Américains s’offrent des parties acoustiques surprenantes (« Calm Is The Devil »). Ebouriffant !
Le Doom à l’état pur, originel. Voilà comment on pourrait résumer ce tant attendu nouvel album des Texans de LAS CRUCES. « Cosmic Tears » est un parfait concentré de ce que représente ce courant du Metal, qui compte aujourd’hui tant de branches. Epique et mélodique à souhait, reposant sur un chant très expressif et non-growlé, le combo distille des riffs qui nous plongent dans des torpeurs captivantes sur une rythmique redoutable.Un cran au-dessus !
LAS CRUCES
« Cosmic Tears »
(Ripple Music)
Fondé en 1994 à San Antonio au Texas, LAS CRUCES fait partie de la légende du Doom Metal américain au même titre que Trouble, notamment. Avec seulement quatre albums, dont « Cosmic Tears », et quelques singles, le trio (quintet en live) s’est fait un nom et est considéré aujourd’hui comme une référence incontestable du genre. Et après ses débuts fracassants, le groupe atteint de nouveaux sommets avec une classe éblouissante.
Si les vétérans avaient marqué les esprits avec « Ringmaster » (1998), il se pourrait qu’ils en fassent de même avec « Cosmic Tears », qui s’étale sur une heure et qui s’inscrit dans la plus pure tradition Doom. On retrouve chez LAS CRUCES beaucoup de similitudes avec d’autres maîtres du genre comme Candlemass, par exemple. Mais sans sonner Old School, les Texans présentent surtout une intemporalité assez incroyable jusque dans la production.
Sur ce quatrième album, on mesure toute l’influence du trio sur la scène internationale. Les riffs de George Trevino sont massifs et tranchants, la rythmique pesante et aérienne mène la danse et le chant de Jason Kane transcende les morceaux avec une clarté et une puissance très Heavy (« Cosmic Tears », « Wizard From The North », « Egypt », « Holy Hell »). LAS CRUCES fait une véritable démonstration de force avec un panache hors-norme.
Troisième album en moins de dix ans pour le quatuor du Nord, qui se surpasse sur ce « Ziusudra » avec un style plus incisif et percutant que jamais. Avec un formidable aplomb et un contrôle total de son jeu, SUNSTARE pose un Doom massif et lourd au sein duquel des tranchantes et racées semonces Sludge frappent à tout rompre. Fulgurant.
SUNSTARE
« Ziusudra »
(Source Atone Records)
Les Lillois nous la font à l’envers. A l’envers de 4.800 ans pour être précis avec ce « Ziusudra » qui nous renvoie aux épopées des sumériens et de la légende de Gilgamesh, cruel, roi d’Uruk. SUNSTARE pose ainsi le décor de son troisième album, où le Sludge du quatuor vient frapper un Doom massif, déjà très appuyé et parfaitement mis en valeur par une production très soignée.
Granitique, ce nouvel opus a de quoi en laisser plus d’un sur le carreau. Mené par le chant féroce de son frontman Peb, les sept morceaux de « Ziusudra » s’inscrivent avec modernité dans une atmosphère ancestrale brute. Tout en contraste, SUNSTARE évolue sur une solide base Doom écrasante que des fulgurances Sludge viennent perturber habillement sur une cadence effréné.
D’entrée de jeu, le morceau-titre plante le décor sur une plage instrumentale assez progressive, juste avant un déferlement compact dans les règles (« Abgal/The Very Wise », « Uru/The Wrath, The Flood »). SUNSTARE déploie un véritable mur de guitare à travers lequel la rythmique implacable trouve son équilibre sur des déflagrations très maîtrisées (« Ganzer/The Abyss », « Awîlum/L’Homme Libre »). Pleine face.
Depuis sa création en 2015, le trio de Göteborg s’est lancé dans une aventure, dont le concept de base est axé sur la science-fiction. Et CITIES OF MARS explore l’espace à travers ses textes aussi intensément que dans une musique très narrative. Avec ce troisième éponyme, les Suédois nous font voyager sur les reliefs chaotiques de Mars et dans un Doom Progressif intense et captivant.
CITIES OF MARS
« Cities Of Mars »
(Ripple Music)
Depuis maintenant sept ans, CITIES OF MARS s’est lancé dans la narration, sur fond de Doom Progressif, de l’histoire d’un astronaute soviétique en mission spatiale secrète en 1971. Celui-ci découvre une ancienne cité martienne et réveille du même coup une conspiration endormie depuis l’aube de l’humanité. Et avec ce troisième album éponyme, le trio relate un nouvel épisode, tout en apesanteur.
Album concept, « Cities Of Mars » nous invite à la découverte de l’histoire des sept villes de la planète rouge et le voyage est plus que saisissant. Danne Palm (chant, basse, claviers), Christoffer Norén (guitare, chant) et Johan Aronstedt (chant, batterie) font de CITIES OF MARS un groupe assez unique en son genre. A la fois sophistiqué et doté d’arrangements très soignés, ce Doom Progressif est d’un niveau exceptionnel.
Sur des effets savamment dosés et parfaitement orchestrés, la musique des Suédois devient très vite immersive et presqu’obsédante. Dans une atmosphère globalement Ambient, les riffs se font précis et lourds, et parfois même acoustiques. Et si les morceaux sont éthérés, la richesse des mélodies et le travail incroyable effectué sur les voix montrent que CITIES OF MARS et son univers Sci-Fi regorgent de créativité.
Avec son septième album, le trio de Dallas traverse encore des dimensions avec son Stoner déjà si transcendantal. WO FAT fait la démonstration avec « The Singularity » que son Heavy Doom terriblement bluesy a encore bien des contrées à explorer et des dimensions musicales à traverser. Les Texans s’échappent avec une puissance immense dans un dédale de sonorités Psych parfois irréelles. Un must !
WO FAT
« The Singularity »
(Ripple Music)
Depuis deux décennies, WO FAT représente l’excellence, la constance et une créativité infaillible. Caractérisé par un Doom Blues psychédélique, le Stoner du trio est devenu la référence du Heavy Rock américain. Et avec ce septième album, auquel il faut ajouter un Live et deux splits, le groupe continue son aventure et sa quête sonore. « The Singularity » est plus qu’un disque, c’est un voyage.
Dans une brume de Fuzz, Kent Stump (guitare, chant), Michael Walter (batterie) et Zach Busky (basse) donnent l’impression de faire dans le pachydermique tant la lourdeur du jeu de WO FAT est monumentale. Pourtant, c’est bel et bien le groove qui guide les Texans. Les lignes de basse et la frappe de son batteur tiennent l’édifice pendant que les guitares s’envolent dans une incroyable atmosphère de liberté.
Le gigantisme de « The Singularity » se déploie sur sept morceaux et 1h15, bâtis sur des structures très précises et une impression de flou apparente. Les imposantes textures paraissent même issues du cosmos et deviennent vite obsédantes (« Orphans Of The Singe », « Overwolder », « The Witching Chamber »). Enfin, WO FAT clôt l’album par son morceau-titre, suivi des 16 minutes du monumental « The Oracle ». Essentiel !
Sans afficher une lourdeur trop pesante, le Doom de GONEZILLA se précise au fil du temps et après deux EP et un album, les Lyonnais livrent leur deuxième réalisation, « Aurore », tout en accueillant la chanteuse Karen Hau. Venant contraster un growl ravageur, elle apporte un peu de douceur mélancolique au quintet, dont l’évolution gothique et progressive se précise aussi. Ce nouvel opus montre également une maturité évidente sur laquelle revient la frontwoman du groupe.
– Avant de parler du nouvel album, j’aimerais que l’on évoque ton parcours. Tu es arrivée au sein de GONEZILLA il y a moins de deux ans et tu œuvres toujours chez Octavus Lupus. Comment s’est passé ton arrivée et qu’est-ce qui t’a motivé à te lancer dans cette nouvelle aventure?
En fait, j’étais en contact avec Julien (Babot, lead guitare – NDR) depuis cinq ans sur Facebook. Les groupes amateurs de Metal se connaissant tous un peu. Et il m’a contacté un jour sans savoir encore si c’était pour prendre le relais sur GONEZILLA, ou pour un side-projet. Il m’a fait écouter ce qu’il faisait et le côté sombre m’a immédiatement plu. Ensuite, il m’a envoyé un instrumental avec un texte. J’y ai posé des lignes de chant et Clément (Fau, basse – NDR) et lui ont été convaincus.
– Tu l’as vécu comme un challenge, ou plus simplement comme l’évolution naturelle de ton parcours de chanteuse ?
Plutôt comme une opportunité. Je ne viens pas du Doom Metal, mais plutôt du Rock, du Symphonic et du Progressif. Il a donc fallu que j’en écoute et que je m’en imprègne. Mais la musique que m’a envoyée Julien m’a vraiment touché et j’ai tout de suite adhéré.
– L’album a été finalisé assez rapidement après ton arrivée. Tu as réussi à imposer ton style et tes idées, ou est-ce que « Aurore » était déjà entièrement écrit ?
En ce qui concerne l’instrumental, la plupart des morceaux était écrite et d’autres sont arrivés un peu plus tard. Pour les textes, Julien et moi les avons écrit au fur et à mesure. Comme le projet était ultra-motivant, tout s’est très vite enchaîné. On a tous été très réactifs et il y a eu une véritable émulation.
– Justement, pour rester sur le chant, GONEZILLA a la particularité de présenter des textes en français. C’est la volonté de se démarquer de la scène Metal et Doom hexagonale, sachant que peu de groupes osent s’y aventurer ? Ou alors pour faire aussi passer plus facilement vos paroles, puisque ton registre est clair ?
Il y a un peu des deux, c’est sûr. D’un côté, on voulait se démarquer et l’ensemble du groupe a aussi un certain goût pour la poésie française, tout simplement. La langue française permet aussi beaucoup de subtilités, déjà parce qu’on la maîtrise mieux, et aussi parce que je trouve, à titre personnel, qu’elle offre plus de nuances que l’anglais dans la majorité des cas.
– Musicalement, le Doom de GONEZILLA est très sombre bien sûr, mais il contient aussi de nombreux passages assez progressifs et même post-Metal. C’était important aussi pour vous de vous distinguer en apportant peut-être un peu plus de lumière et une certaine légèreté ?
En fait, Julien a clairement des influences progressives, je pense. De mon côté aussi, j’ai grandi en écoutant Pink Floyd, Led Zeppelin, du Rock Progressif et plus récemment du Metal Progressif. C’est un bagage qu’on a tous en commun. Je ne dirai pas pour autant que c’est pour apporter consciemment de la lumière à notre style. C’est quelque chose de plus inconscient, à mon avis.
– Votre album a également des aspects gothiques dans la musique comme dans les textes. C’est une extension assez naturelle lorsqu’on fait du Doom, car les deux univers sont souvent très différents ?
C’est vrai que l’on retrouve des influences gothiques qui sont venues naturellement, en fait. Même si nous ne sommes pas très, très fans des étiquettes, je pense qu’on peut quand même dire que GONEZILLA est un groupe de Doom Gothic, oui.
– Il y a aussi un gros travail d’effectué sur les atmosphères et les ambiances dans les morceaux, qui sont d’ailleurs assez longs. Vous travaillez vos textes en fonction, ou c’est la musique qui les inspire ?
En général, Julien compose et propose ensuite un squelette en précisant où se trouvent le chant féminin et le chant masculin, ainsi que l’ambiance attendue. A partir de là, j’écris les textes et on voit si cela correspond à ce qu’il avait en tête en composant le morceau. De mon côté, je fonctionne en écrivant d’abord le texte, la mélodie vient après.
– Justement sur le chant, il y a cette dualité entre ton chant clair et le growl de Florent (Petit – guitare, chant). De quelle manière construisez-vous ces deux aspects ? Y en a-t-il un qui guide l’autre ou il n’y a pas de véritable lead?
Pour le lead, il n’y en a pas vraiment, car c’est Julien qui nous dit où chanter. Pour l’essentiel, c’est beaucoup de communication entre nous. Florent et moi avons réussi, malgré la distance, à tisser des liens humains très importants. Cela nous permet d’avoir une vraie collaboration et beaucoup d’échanges. C’est presque un duo.
– GONEZILLA a maintenant un peu plus de dix ans d’existence, et le line-up semble aujourd’hui stabilisé. « Aurore » est-il une nouvelle étape pour le groupe ? Est-ce que vous le voyez comme ça ? Comme un cap de franchi ?
Pour te donner le point de vue du reste du groupe, qui est là depuis bien plus longtemps que moi, GONEZILLA est aujourd’hui ce qu’il aurait du être depuis des années déjà !
– Enfin, maintenant que la situation est revenue à la normale et que la reprise des concerts bat son plein, comment allez-vous organiser votre set-list ? GONEZILLA compte deux EP et deux albums. Allez-vous vous focaliser sur le dernier, sachant que c’est ton premier avec le groupe ?
Oui, l’attention va être portée sur le nouvel album, que l’on commence tout juste à défendre sur scène. Nous avons aussi du faire des choix sur les morceaux qu’on voulait présenter. Plus tard, on envisage de reprendre certains titres plus anciens. J’ai commencé à en travailler certains. Avec Céline (Revol, l’ancienne chanteuse – NDR), on n’a pas tout à fait la même tessiture de voix, donc il y aura sûrement des choses que j’interpréterai différemment. Tout en respectant ce qui a été fait, il y aura des nuances sur le volume et mon ressenti, je pense. On y réfléchit !
L’album « Aurore » de GONEZILLA est disponible depuis le 22 avril chez M&O Music.
SEUM est un concentré d’énergie brute et cela ne date pas d’hier. Avec un album et maintenant trois EP à son actif, le trio ne cesse de peaufiner son Sludge Doom, qui ne manque ni de profondeur, ni de relief. Avec « Blueberry Cash », le trio d’expats français mange la neige du Québec goulument et nous invite à transpirer avec lui, après un p’tit passage par sa belle box personnalisée…
SEUM
« Blueberry Cash »
(Independant/Meumeu Music)
Les plus fidèles d’entre vous savent que chez SEUM, les guitares sont bannies. Seuls une batterie, une basse chimérique et le chant ont lieu d’être. Et le trio bastonne, tabasse et prend son ampleur dans un maelstrom de grave à n’en plus finir. Le Doom’n Bass du groupe se révèle donc très créatif et surprenant à chacune de ses nouvelles réalisations, dont « Blueberry Cash » est la troisième. Tout juste le temps de se remettre des deux premières claques, en somme.
Malgré la pandémie, nos trois furieux Français (dont je vous laisse (re)-découvrir le parcours à travers l’interview et les chroniques ci-dessous) ne sont pas restés inactifs. Tout en prenant leurs marques au Québec, SEUM a composé, noué des liens et proposé de bien belles choses. Et avec « Blueberry Cash », le combo a fait appel à Greg Dawson pour le mix, tout en s’acopinant avec l’artiste Grind Malaysian Fadzee Tussock pour le visuel, ce qui compte aussi beaucoup pour le groupe.
Ce nouvel EP contient deux compos qui avaient été mises de côtés car elles n’entraient, à l’époque, pas tout à fait dans l’esprit de « Winterized », premier excellent album du trio. Jointes, elles se complètent à merveille et le Sludge qui s’en dégage n’en est que plus prenant (« Blueberry Cash », « John Flag). Et enfin, SEUM fait un superbe clin d’œil à l’ancien groupe de Gaspard (chant), Lord Humungus, avec « Hairy Muff ». Le combo s’affirme donc de plus en plus entre Doom et Sludge et avec une touche très personnelle. Encore !!!
La fameuse (et fumante) Blueberry Box est disponible dans le Bandcamp du groupe.
La dynamique musicale adoptée par ALUNAH sur ce sixième album révèle une extrême maturité et surtout une grande maîtrise, qui permet au groupe de marier son Doom des débuts à des phases Hard Rock, progressives et psychédéliques. Avec « Strange Machine », le quatuor de Birmingham, la cité du Sabbath, lorgne vers l’excellence en s’ouvrant à d’autres horizons toujours très Stoner.
ALUNAH
« Strange Machine »
(Heavy Psych Sounds Records)
Chaque album d’ALUNAH est toujours une petite surprise en soi, tant ils sont différents les uns des autres. Et même s’il existe évidemment une continuité dans la discographie du groupe, à savoir une base Doom, la créativité des Anglais les pousse toujours un peu plus loin dans l’expérimentation et la quête d’une identité encore plus forte. Et « Strange Machine » se pose comme l’un des albums majeurs du combo.
Les changements de line-up déjà à l’œuvre sur le précédent album, « Violet Hour », semblent porter leurs fruits et ont ouvert bien des portes à ALUNAH. Toujours guidé par leur frontwoman Siân Greenaway et sa voix à la fois Soul, sensuelle et envoûtante, les Britanniques ont ajouté de la couleur à leur répertoire, qui portent désormais vers des ambiances Stoner et presque Desert.
Très solaire par moment (« Fade Into Fantasy », « Psychedelic Expressway »), c’est pourtant dans un Hard Rock doomesque et aérien qu’évolue dorénavant ALUNAH, tout en gardant ce côté épique (« The Earth Spins » avec Shane Wesley de Crowbar à la guitare) et un groove à toute épreuve (« Dead Woman Walking »). Avec « Strange Machine », le groupe est subjuguant de beauté et de clarté et son Stoner est éclatant.
Tout en maîtrise et particulièrement créatif, LUX INCERTA a placé la barre tout en haut de la scène post-Metal et Doom française. Avec « Dark Odyssey », les Nantais effacent superbement la décennie passée à attendre ce deuxième album. Racée et magistralement orchestrée, cette nouvelle réalisation joue avec les ambiances et les atmosphères sans la moindre fausse note. Un modèle du genre.
LUX INCERTA
« Dark Odyssey »
(Klonosphere)
Il aura fallu attendre onze ans après « A Decade Of Dusk » avant d’avoir des nouvelles fraîches de LUX INCERTA. Il faut aussi préciser qu’entre-temps Benjamin Belot (chant) et Gilles Moinet (guitare) ont été occupés au sein de leurs formations respectives Penumbra et The Old Dead Tree. Mais cette longue décennie de patience en valait vraiment la peine, tant « Dark Odyssey » est un album saisissant et incroyable de diversité.
Sur la base d’un quintet pour l’enregistrement, car LUX INCERTA évolue aussi en concert, les Nantais nous plongent dans une aventure musicale où le Doom se fond dans un post-Metal parfois Black et même Sludge. Fort d’un univers très dark aux légers accents Gothic et New Wave, « Dark Odyssey » porte donc bien son nom et le travail d’écriture, d’arrangements et de production régale en tous points.
Sur les traces de leurs aînés et piliers du genre, les Français proposent un son très actuel à travers des morceaux très structurés et assez longs. Que ce soient les growls caverneux ou le chant clair (avec des passages en français sur « Decay And Agony »), LUX INCERTA brille de finesse et de puissance (« Far Beyond The Black Skies », « Dying Sun », « Farewell », « Fallen »). Enfin, les cordes apportent une touche profonde et délicate. Somptueux !
Architecte d’un Drone Doom Oriental original et envoûtant, le trio belge WYATT E. vient de livrer une nouvelle réalisation créative et atypique, où il nous renvoie quelques siècles dans le passé. « Āl Bēlūti Dārû » (« La ville éternelle » en langue akkadienne) donne du sens à une musique pourtant instrumentale en la structurant de manière très narrative. Sebastien (guitare/synthé) nous en dit un peu plus sur la démarche et la façon de travailler du groupe.
– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que tu reviennes sur votre parcours débuté en 2015. En l’espace d’un EP et d’un album, WYATT E. s’est taillé une belle réputation. Vous vous y attendiez ?
Absolument pas. Nous n’avions aucune velléité live pour ce groupe. Nous souhaitions faire de bonnes chansons, certes, mais nous ne souhaitions pas forcément en faire un objet live.
– Vous évoluez dans un registre qui combine le Drone Oriental et le Doom avec un sens du storytelling assez stupéfiant pour un groupe instrumental. Sur quoi vous basez-vous pour composer vos morceaux, car on peut penser à une grande jam ?
On construit nos chansons en fonction de ce dont on a envie de parler. Donc, en ce sens, il s’agit d’un processus très réfléchi. Mais pour cela, nous avons besoin de matière première. Celle-ci nous la devons essentiellement à de longues jams.
– WYATT E. est un trio et pourtant votre musique est particulièrement riche. S’il y a beaucoup de programmation et de synthé, votre son est très organique, à un point qu’on peut imaginer un ensemble de musiciens plus conséquent. Comment procédez-vous ? Vous enregistrez de manière acoustique certaines parties vous-mêmes avant de les sampler ?
Hors de toutes ces jams, on sort pas mal de pistes qu’on superpose sans vouloir faire de choix drastiques de coupes. Donc, on les conserve et on fait le choix des séquences que nous enregistrons, soit pour l’album, soit pour le live et sur lesquelles nous jouons. Le but étant d’interpréter un maximum de choses dans les limites du possible.
– Tout en étant instrumentale, votre musique repose sur des bases historiques ou légendaires. « Āl Bēlūti Dārû » relate un pèlerinage dans l’empire néo-babylonien. Est-ce qu’avant de composer vos titres, vous effectuez des recherches spécifiques sur ces époques pour vous inspirer des atmosphères qu’elles pourraient vous évoquer ?
Bien sûr, que ce soit au niveau de l’imagerie et des costumes aussi. L’idée n’est pas de faire de nous des historiens. Je nous vois plutôt comme des interprètes d’un film ou d’un opéra ‘basé sur des faits historiques’. Cette période, et cet épisode en particulier, relève d’un choix personnel lié à l’un de nos membres.
– Justement, cette nouvelle réalisation est composée de deux morceaux de 19 minutes chacun. C’est un format peu courant et très audacieux. C’est l’aspect expérimental qui vous intéresse le plus et qui vous guide ?
Nous aimerions que nos pistes puissent être plus longues. Le dernier album va encore plus loin dans cette direction, je pense. Elles s’enchaînent de manière très organique. Mais 19 minutes, c’est aussi la limite d’un disque 12” en vitesse 33rpm pour conserver la qualité de notre musique sans en altérer la définition. C’est plus une contrainte qu’une liberté pour nous, en fait.
– Il y a aussi beaucoup d’instruments traditionnels dans votre musique. Comment faites-vous le choix de les utiliser et en jouez-vous vous-mêmes, afin de mieux maîtriser l’ensemble ?
Il n’y en a pas tellement, je pense que c’est aussi notre son qui est particulier. Mais lorsque cela se présente, soit nous invitons des musiciens, soit nous expérimentons, soit il s’agit d’instruments que nous maîtrisons d’une certaine manière.
– Un mot sur la production qui est signée Billy Anderson et le master par Justin Weis, deux spécialistes du genre. Un style comme le vôtre nécessite des choix judicieux. Ces collaborations étaient une évidence pour vous ? Et comment cela s’est-il passé ? Vous leur avez laissé carte blanche, ou avez-vous au contraire suivi de près leur travail ?
Une évidence, oui. Aller chercher la bonne personne permet aussi de sublimer ton travail. Billy a effectué des choix très tranchés auxquels nous n’aurions pu nous résoudre seuls. Le mix s’est éclairci avec son travail. Et nous lui avons clairement laissé les mains libres.
– Aviez-vous des exigences particulières, comme notamment pouvoir réinterpréter l’ensemble à l’identique sur scène, par exemple ? Car, en studio, il est facile de réaliser des choses difficilement jouable en concert par la suite…
Cela revient un peu au début de notre conversation avec les choix que nous effectuons sur ce qui reste sur les bandes, ce qui en disparaît et ce que nous jouons. Une fois que le mix est terminé, nous réapprenons à jouer nos morceaux. Nous nous les réapproprions parfois en retirant des éléments, mais souvent en y ajoutant de nouveaux aussi. Je dirais que les morceaux sont sensiblement différents en live. Pas par la difficulté de les jouer, mais dans la gestion des instruments le plus souvent. Il s’agit surtout d’une organisation efficace de nos ressources.
– Enfin, pour avoir lu beaucoup de choses sur WYATT E., j’ai noté que l’on parlait presque systématiquement de performances plutôt que de concerts vous concernant. C’est aussi la vision que vous avez de vos prestations scéniques ?
Nous souhaitons, en effet, le temps d’un concert, emmener le public en immersion, les inviter à écouter l’histoire que nous avons à raconter. De la même manière qu’un film ou un opéra, comme nous l’évoquions plus haut.
L’album de WYATT E. « Āl Bēlūti Dārû » est disponible depuis le 18 mars chez Stolen Body Records.