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Heavy Blues Heavy Rock

Birdstone : impulsions existentielles

Entre mysticisme et atmosphère vintage, le Heavy Blues Rock de BIRDSTONE se déploie avec toujours autant de résolution et de modernité dans le son. Rugueux, mais aussi aérien, le registre de la formation de Poitiers se renouvelle au fil des réalisations et « The Great Anticipation », sa troisième, atteint même des sommets en termes de créativité et de finesse dans l’interprétation. Près d’une décennie après ses débuts, le combo s’est forgé une identité artistique comme nul autre dans l’hexagone.

BIRDSTONE

« The Great Anticipation »

(La Cage)

Le trio approche les dix ans d’existence et livre un troisième album toujours aussi original et personnel dans un registre, qui voit s’entrechoquer un Heavy Rock fiévreux et un Blues très brut dans des couleurs Stoner. Au fil des productions, BIRDSTONE affine son style, ce qui le rend assez unique en son genre. D’ailleurs, c’est dans cet esprit qu’a été conçu « The Great Anticipation » qui vient en quelque sorte compiler les singles sortis depuis « Loss », précédent opus sorti en 2022 et qui était déjà lui aussi particulièrement massif.

Avançant en toute indépendance depuis sa création, BIRDSTONE s’est aussi résolu à fonder sa propre structure, La Cage, titre de son premier EP paru en 2017. Les temps ont changé donc, et les trois musiciens ont décidé de s’adapter à la nouvelle donne pour diffuser leur musique. Une chose ne change cependant pas, c’est le line-up composé d’Edwige Thirion (basse), de Basile Chevalier-Coudrain (guitare, chant) et de Benjamin Rousseau (batterie). Ces deux derniers évoluant également avec The Necromancers.

Etant donné que plusieurs titres ont déjà été dévoilés au fil de ces derniers mois, la surprise n’est donc pas totale concernant le contenu, même s’il reste quelques agréables découvertes. Et ce qui est aussi remarquable, c’est l’homogénéité de « The Great Anticipation », qui n’apparaît pas comme un empilement de morceaux. La cohésion est évidente et BIRDSTONE parvient sans mal à nous imprégner de son univers (« Eyes On The Calling », « Alcyon », « Cinnamon Creek » et « Méandres »).

Photo : Lise Lefebvre

Retrouvez la chronique de « Loss » :

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folk Psych

Dorian Sorriaux : éclatant de sérénité

La musique de DORIAN SORRIAUX est le signe d’une certaine intemporalité qui, pourtant, se renouvelle grâce à l’apport de sonorités variées. D’un classicisme assumé et d’une précision toute moderne et aérienne, l’élégance de ce premier album séduit autant par la diversité des ambiances à l’œuvre, que par une interprétation remarquable. Très organique, « Children Of The Moon » a été enregistré en Bretagne, mixé en Suède et les compositions n’en sont que plus éclatantes, tant leur esthétisme dégage une rare intensité.

DORIAN SORRIAUX

« Children of the Moon »

(The Sign Records)

Le Breton est réputé pour son esprit d’indépendance et DORIAN SORRIAUX s’inscrit parfaitement dans cette lignée. Alors qu’il avait entamé une belle carrière à l’international avec Blues Pills en tant que guitariste principal du groupe suédois, qui sortira d’ailleurs son nouvel opus, « Birthday », début août, il a préféré retrouver sa liberté artistique après six ans de bons et loyaux services. Un retour au bercail qui date de 2018 et depuis lequel le Finistérien s’est forgé un univers musical plus personnel.  

Du haut de ses 28 ans, le songwriter est, on le sait, déjà aguerri grâce à de multiples tournées, ainsi que par le travail en studio avec son ancienne formation. Après un premier EP, « Hungry Ghost » il y a six ans déjà, DORIAN SORRIAUX se livre sur la longueur avec dix morceaux relativement acoustiques et assez éloignés de son registre précédent. Délicat, paisible et intimiste, « Children Of The Moon » évolue dans une Folk très 70’s sur le fond, mais très contemporaine dans la forme, malgré des références assez évidentes.

Et le compositeur n’est pas seul, puisqu’on retrouve notamment la fratrie Moundrag à ses côtés apportant une touche psychédélique à un style assez éprouvé que DORIAN SORRIAUX pare de beaucoup de fraîcheur (« Light In The Dark », « Shine So Bright », « To The Water » et le troublant « Believe That You Can Change »). Sur des arrangements très soignés, l’ensemble est d’une profonde richesse et est mené par une vision authentique et préservée de toute intention nostalgique ou revival.

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Desert Rock Psych Stoner Rock

Drive By Wire : into the forest

Brumeuse et intimiste mais aussi explosive et massive, cette nouvelle production de DRIVE BY WIRE va mettre une fois encore tout le monde d’accord. Si la chanteuse de la formation des Pays-Bas se surpasse à nouveau pour livrer une très belle prestation, ses camarades de jeu ne sont pas en reste. Epais et incisif, le Stoner Rock du combo côtoie le Psych et le Desert Rock pour se faire lumineux. « Time Horizon » est vibrant, onirique et parfois même sonique et fascinant. Un moment très fort.

DRIVE BY WIRE

« Time Horizon »

(Argonauta Records)

C’est le temps de la majorité pour DRIVE BY WIRE, qui célèbre cette année ses 18 ans d’existence, tout comme la sortie de son premier album éponyme. Depuis, autour de sa fondatrice et charismatique frontwoman et guitariste Simone Holsbeek, l’autre pilier Alwin Wubben (guitare) tient le lead. Il est brillamment accompagné par Marcel Zerb (basse) et Ingmar Regeling (batterie), qui forment à eux deux une rythmique qui rend imparables les compos du groupe en leur permettant de créer des pics sonores et un relief très changeant.

Six ans déjà après le très bon « Spellbound », DRIVE BY WIRE est enfin de retour avec « Time Horizon », qui se trouve être largement à la hauteur de son prédécesseur. A noter que les Hollandais ont profité de la pandémie pour s’essayer à la musique de film, voyant même quelques morceaux apparaître dans les séries ‘Batwoman’ et ‘Riverdale’ (vous me direz !). Et c’est l’an dernier qu’ils ont décidé de s’isoler pour composer leur cinquième album, qui se veut particulièrement brut et spontané, aidé par une production très organique.

Les jams sessions réalisées en pleine forêt ont un caractère très direct et compact et invitent à une escapade psychédélique entre un Stoner solide et un Desert Rock plus aride et hypnotique. Aussitôt indentifiable sur « Northern Lights », DRIVE BY WIRE impose sa signature et apporte aussi une évolution dans son jeu. Le quatuor avance tout en contraste en multipliant les ambiances avec classe (« Shape Shifting », « Elements », « Dustfader », « Black Sails »). « Time Horizon » ouvre de nouvelles portes en restant insaisissable.

Photo : Marta Ros
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Blues Desert Rock folk Psych

Black Snake Moan : une incandescente narration

Dans un psychédélisme qui puise dans des ambiances ancestrales et très roots dans le ton, le Blues Folk de BLACK SNAKE MOAN fait corps avec un Desert Rock pour éclore dans un registre original et lumineux. Souvent aride, on passe pourtant par les rives du Mississippi entre rituels et mélodies enchanteresses. De cette intemporalité onirique émane un univers parfois chamanique construit sur une multitude de cultures musicales différentes, qui finissent par ne faire qu’une sur ce « Lost In Time » solaire et envoûtant.

BLACK SNAKE MOAN

« Lost in Time »

(Area Pirata Records/Echodelick Records)

Avec sa voix douce et chaude portée par une légère réverb’, BLACK SNAKE MOAN (un nom qui rend hommage au grand pionnier du Blues Blind Lemon Jefferson) nous embraque dans un voyage immersif entre mystères et spiritisme. Avec « Lost In Time », son troisième album, il traverse le temps et l’espace en nous guidant avec un style fait de Blues, de Folk, de Psych, de Desert Rock et doté une touche western, le tout n’étant pas sans rappeler une certaine époque des Doors. Et au fil des titres, les paysages défilent… 

A la tête de BLACK SNAKE MOAN se trouve l’Italien Marco Contestabile, compositeur, multi-instrumentiste (guitare, batterie, percussions, basse et claviers) et chanteur. C’est aussi lui qui a brillamment arrangé et produit de manière si organique ce nouvel opus. Car ce qui séduit sur « Lost In Time », c’est la proximité du son qui se dégage de ce one-man-band hors-norme. Très spirituel dans l’approche, le musicien se promène dans des songes hypnotiques, des atmosphères captivantes et des lieux variés. 

Sur des morceaux relativement courts d’environ trois minutes, excepté les très bons « Shade Of The Sun » et « Cross The Border », BLACK SNAKE MOAN nous emmène dans les déserts amérindiens, sur la terre des anciens Etrusques comme dans des prairies luxuriantes. On suit les étoiles entre lumière et obscurité sur un rythme délicat et parfois flottant (« Dirty Ground », « Come On Down », « Sunrise », « Goin’ Back », « Put Your Flowers », « West Coast Song »). Une épopée qui a des allures de rêves mystique.

Photo : Stefano Dili
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Grunge post-Rock Stoner Rock

Abrams : cold vibrations

Avec deux guitaristes qui se donnent le change et une rythmique lourde, ABRAMS s’envole grâce à la voix de son frontman, véritablement habité par les textes qu’il porte. Après le sombre « In The Dark » qui les avait propulsés, les Américains changent quelque peu leur fusil d’épaule pour un Stoner Rock costaud dans lequel lévitent des ambiances très personnelles, foudroyantes et parfois sourdes. « Blue City » n’est pas un disque comme les autres et le côté Noise de certains morceaux n’y est pas étranger.

ABRAMS

« Blue City »

(Blues Funeral Recordings)

Chef de file de la scène underground de Denver, ABRAMS poursuit son expérimentation musicale, comme s’il était en quête de sa véritable identité. Sludge Progressif et post-HardCore à ses débuts avant d’emprunter des sonorités Stoner Metal teinté de Rock, le quatuor livre un cinquième album encore différent et s’aventure cette fois dans des contrées toujours Stoner, bien sûr, avec un côté Psych assumé et une impression globale très aérienne, progressive et parfois même tirant sur l’Alternative Rock.

Cet étonnant mix à l’œuvre sur « Blue City » présente aussi des couleurs post-Rock assez grungy. Une sorte de post-Grunge pleine d’émotions aux sentiments très contrastés et accrochés à des refrains accrocheurs. Et il faut bien reconnaître que cette nouvelle réalisation a également un aspect très cinématographique, mis en évidence par une tracklist qui se tient et forme une belle unité. ABRAMS nous plonge dans un monde où l’épaisseur des riffs se mêle aux mélodies.

Et la formation du Colorado a fait appel au producteur idéal pour « Blue City ». C’est en effet Kurt Ballou (Converge, Torch, High On Fire) qui a parfaitement saisi la complexité de l’univers du groupe. Sur un groove massif et une fausse impression de flou, les titres défilent avec une froideur constante pourtant pleine d’énergie (« Tomorrow », « Fire Waltz », « Etherol », « Lungfish », « Narc »). ABRAMS et son chanteur Zachary Amster trouvent l’inspiration dans de multiples sources, tout en gardant une vibration permanente qui ensorcelle.

Photo : Guy Casavan
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Heavy Stoner Rock Psych

King Of None : irrésistible

Avec un son clair et puissant, KING OF NONE déroule son Stoner Rock avec détermination. « In The Realm », deuxième album des Scandinaves, vient confirmer un travail de longue haleine mené depuis une bonne décennie maintenant. Très varié et parfois même surprenant, on se laisse embarquer dans un univers, où le Metal vient faire cause commune avec des passages très progressifs, le tout dans une harmonie convaincante. Spatial et charnu, le combo ouvre un nouveau chapitre avec brio.

KING OF NONE

« In The Realm »

(Argonauta Records)

Cinq ans après son premier opus, « Weightless Waters », qui faisait lui-même suite à trois EP, la formation d’Helsinki est de retour avec un deuxième effort, qui vient définitivement imposer une touche très personnelle. KING OF NONE avait déjà laissé entrevoir avec les singles « Speeder Approaching », « Lizards For Brains » et « Low’n’Slow » que ce « In The Realm » serait costaud et doté d’une bien belle production. Et c’est le cas, puisque les neuf titres qui s’étalent d’ailleurs sur près d’une heure, montrent autant d’énergie que de diversité et avec un souci de la mélodie omniprésent.

Est-ce parce qu’ils ont gardé le même line-up depuis leur création en 2013, mais KING OF NONE montre une belle unité, qui fait sa force. Derrière son frontman, Miiro Kärki, les deux guitaristes Aleksi Kärkkäinen et Juha Pääkkö et la rythmique gonflée à bloc par Juho Aarnio à la basse et Patrick Enckell derrière les fûts, le quintet a presque fait de son Stoner Rock un laboratoire, où se croisent des ambiances Desert Rock, Psych, Grunge, clairement Hard Rock et Heavy aussi et même alternatives.

Mais loin de se disperser, le groupe se montre au contraire très complet en réussissant à intégrer tous ces éléments dans un même élan, faisant de son Stoner Rock une machine aussi captivante que véloce et percutante. KING OF NONE cultive son art du riff sur des morceaux relevés, où le combo prend soin de ne jamais en faire trop (« DPD », « For The Ride », « Snail Train », « The Man… », « Crab Nebula »). Compacts et efficaces, les Finlandais livrent un très bon album et mettre le doigt dedans, c’est ne plus le lâcher !    

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Blues Rock Hill Country Blues

Boogie Beasts : un Blues extra-large

Chaque production de BOOGIE BEASTS se distingue l’une de l’autre et c’est ce qui fait précisément sa force et ce qui forge même son identité. Avec « Neon Skies & Different Highs », la formation de Belgique va encore plus loin, teinte son Blues de Rock et de Fuzz, tout en restant à la fois très roots et résolument moderne. Un modèle du genre qui demeure toujours très pertinent et créatif. Ici, le Blues perd ses frontières, garde ses codes et regarde plus loin.

BOOGIE BEASTS

« Neon Skies & Different Highs »

(Naked)

Incontournable représentant de la scène Blues belge, en mode très alternatif, BOOGIE BEASTS nous fait le plaisir d’un nouvel album, le cinquième au total et le quatrième en studio. Et avec « Neon Skies & Different Highs », la surprise est belle, tant la richesse des morceaux est dense et la production signée Koenraad Foesters particulièrement soignée. Malgré des arrangements aux petits oignons, l’essentiel de la réalisation ne repose pas sur ces seuls détails, mais ils contribuent grandement à la solidité de l’ensemble.

Très différent de « Blues From Jupiter » (2022), l’approche du quatuor se veut plus profonde et il affiche un virage très mature en ne s’interdisant aucune incartade, que ce soit dans des contrées Desert Rock, Psych, R&B ou même légèrement Gospel. Si la base du jeu de BOOGIE BEASTS reste le Hill Country Blues pour l’aspect épuré, il prend ici une toute autre dimension. Toujours aussi identifiable, le son reste brut, parfois froid et assez urbain finalement. La chaleur se trouve ailleurs et elle est très présente encore.

Avec 18 pistes, dont quatre interludes, « Neon Skies & Different Highs » est particulièrement généreux, ce qui permet de multiples expérimentations à travers des ambiances toujours très maîtrisées. Comme de coutume chez BOOGIE BEASTS, l’harmonica mène le bal sur des sonorités propres à Chicago et, grâce à des riffs efficaces et un groove rythmique d’enfer, on passe d’un titre à l’autre avec un plaisir constant. Retenir juste quelques morceaux est presqu’une insulte à ce disque qui s’écoute dans son entier. Well done !

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International Psych Prog Rock 70's Stoner Rock

Sun Q : shamanic trip [Interview]

Entrer dans l’univers de SUN Q est à la fois une aventure et un voyage musical assez unique, faits de rêveries qu’on lit dans les détails souvent vertigineux de ses morceaux. Entre Psych Rock et Stoner, la marque vintage domine, tandis que l’approche est résolument moderne. Sur « Myth », son dernier album en date, le duo russe, composé d’Elena Tiron et Ivan Shalimov, brise les codes et les frontières artistiques pour créer un style très personnel. La voix de la chanteuse flirte avec des couleurs chamaniques très aériennes, pour l’instant suivant déferler dans des fulgurances puissantes et captivantes. Rencontre avec une frontwoman inspirée, déterminée et d’une saisissante créativité.    

– Sept ans se sont écoulés depuis votre premier album « Charms ». D’ailleurs à l’époque, vous vous présentiez comme un quatuor, contrairement à aujourd’hui, où vous vous affichez en tant que duo. Qu’est-ce qui a changé entre temps ? Vos chemins se sont séparés et vous avez préféré vous recentrer tous les deux ?

Notre groupe est jusqu’à présent un projet non-commercial, ce qui signifie qu’il nécessite une énergie et des ressources importantes qui ne sont pas récompensées financièrement. Certains membres, à un moment donné, ont réévalué leurs priorités. Même si nous nous positionnions auparavant comme un quatuor, tout au long de cette période, le noyau et la force motrice derrière les idées ont toujours été nous deux. Cependant, nous sommes toujours heureux de partager le processus créatif avec des musiciens talentueux.

– Cela dit, lorsque l’on voit le line-up à l’œuvre sur « Myth », on constate que vous êtes encore très nombreux sur l’enregistrement de l’album. C’est dû au fait que vous composiez tout tous les deux, et qu’ensuite vous construisez le groupe au gré des compositions ?

Au départ, quand les idées et les éléments ont émergé, nous avons recherché des personnes qui s’aligneraient là-dessus. Nous sommes restés ouverts aux suggestions, surtout lorsque nous avons trouvé des musiciens, qui pensaient être en phase avec nous et qui partageaient notre sens du beau et du goût. L’album comprend plusieurs moments qui ont été apportés pour certains lors de l’enregistrement ou de la composition, et ils constituent une partie essentielle de notre création artistique. Néanmoins, le résultat final et les décisions que nous prenons constamment en cours de route restent entièrement de notre responsabilité.

– D’ailleurs, si l’on revient sur votre discographie, il y a eu cinq singles avant « Charms » et autant avant « Myth », même si l’on y retrouve que trois morceaux. Pourquoi n’y avez-vous pas intégrer « Severe » et « Searching The Skull » ? Ils n’entraient pas dans l’atmosphère générale de l’album ?

En fait, nous avons bien inclus « Searching for the Skulls » dans le nouvel album, mais dans une interprétation différente. Il s’intitule « Still Searching for the Skulls » et il vient souligner que nous les recherchons toujours ! (Sourires) Pour l’album « Myth », nous avons décidé d’utiliser des synthétiseurs analogiques vintage, uniquement parce qu’ils correspondent mieux à notre concept sonore. La version album de cette chanson penche davantage vers le genre Synthwave et est plus calme. Nous avons aussi eu l’idée de créer une ‘pause’ entre les deux parties de l’album. La version single est sortie, parce qu’un de nos amis avait entendu la démo et avait hâte de tourner une vidéo. C’était quelque peu impulsif.

Quant à « Severe », nous adorons cette chanson, mais nous ne la percevons pas dans le cadre d’un album. Elle est très indépendante à nos yeux et a été créé à l’origine pour être ainsi. D’ailleurs, le chœur gospel, qui apparaît sur « Severe », a également été enregistré en partie pour la chanson « Tree ».

– Justement, la force de SUN Q réside précisément dans les ambiances. Tout en empruntant un nombre assez conséquents de styles différents, il y a une réelle unité musicale qui forme un son original, varié, parfois même opposé, mais où l’on se retrouve toujours. Finalement, votre identité sonore est constituée de nombreux éléments avec le Rock comme moteur. Pour qui ne vous connaîtriez pas, comment définissez-vous l’univers de SUN Q ?

Merci pour cette question, car nous accordons en effet une grande attention à la création des ambiances. Elles ont parfois magiques, parfois rêveuses, passionnées, désespérées, voire étranges, mais toujours captivantes. A travers nos chansons, nous visons à plonger l’auditeur dans une atmosphère qu’il aura envie d’explorer. Nous voulons que notre musique soit vibrante et émotionnelle. Lorsque nous écrivons une chanson, nous ne nous concentrons pas sur le style ou le genre, dans lequel elle s’intégrera. Ce qui compte le plus, c’est que l’auditeur trouve cela intriguant et se demande ce qui va suivre.

– Vous avez enregistré « Myth », chez vous en Russie, puis le mix a été réalisé en Angleterre. C’était compliqué pour vous de tout faire en un même endroit, ou est-ce que vous avez senti le besoin d’avoir un regard extérieur, peut-être pour mieux canaliser votre musique, qui ne manque pas de sonorités en tous genres ?

Nous croyons fermement que les personnes qui partagent notre direction créative peuvent améliorer et enrichir notre musique. Une nouvelle perspective dans la musique est toujours importante, surtout lorsque vous êtes dans le processus de production depuis très longtemps. Nous avons cherché pendant des mois un tel spécialiste dans le monde entier ! Nous sommes reconnaissants envers notre ingénieur qui a réalisé le mixage, Sean Genockey, car son œil extérieur a revitalisé notre musique et l’a rendue plus belle.

– Si l’on prend en compte les variations Stoner, Psych, Blues, Prog et Heavy Rock, ce qui ressort de SUN Q est une sorte de côté théâtral, une mise en scène musicale où le texte semble guider les chansons. C’est cet aspect narratif qui a le dessus sur le reste ?   

En fait, la musique russe met l’accent sur les paroles. Cela la distingue considérablement de la musique occidentale où, à notre avis, la musique joue souvent un rôle plus important. Même si nous penchons vers un concept occidental, il est intéressant de noter que notre musique donne toujours l’impression que les paroles prennent le dessus. En fait, nous apportons beaucoup d’efforts dans nos paroles, avec beaucoup d’attention pour chaque mot.

– Si l’on revient sur l’ensemble des musiciens qui vous accompagnent sur « Myth », on est assez surpris de voir à quel point tous se fondent dans un même élan, une même voie et ce grâce à un travail assez phénoménal sur les arrangements. Vous ne vous êtes trop arrachés les cheveux au moment du mix justement, au moment de faire une place à tout le monde ?

Nous étions terriblement inquiets de la façon dont l’ingénieur gérerait cette tâche, car nous avions parfois vraiment l’impression d’en faire trop. Néanmoins, il était important pour nous de transmettre notre musique telle que nous la souhaitions et avec tous les instruments, chacun apportant sa propre couleur.

– On l’a dit, le son de SUN Q est résolument Rock, avec de multiples variantes. Et pourtant, on y retrouve du saxophone, de la trompette, du violon, du violoncelle, du trombone et même (plus étonnant !) de la nickelharpa, un instrument traditionnel suédois. Toutes ces idées sont venues au fur et à mesure de la composition, ou plutôt au moment de l’enregistrement ?

Toutes ces idées sont apparues au cours du processus de composition, mais assez spontanément. Comme « Jane Doe » a un côté très Soul, nous avons pensé que ce serait une bonne idée d’enregistrer une section de cuivres. Dans « Crystal Doors », le saxophone a véritablement ajouté une ambiance noire sur la fin. Les autres cuivres ont rendu le tout plus épique. Ces idées sont venues indépendamment les unes des autres. Cependant, conceptuellement, cela a parfaitement fonctionné : l’album commence et se termine par des cuivres. Les cordes ajoutent une touche Folk sombre et même une touche plus underground.

Et lorsque nous avons découvert l’existence du nyckelharpa, il n’était pas nécessaire de discuter de l’endroit, ou de la manière dont il sonnerait. Nous avons vite réalisé que, sans son caractère médiéval, la chanson « Animals » ne serait pas complète. Nous sommes également très satisfaits de « I Am The Sun », où nous avons réussi à mélanger des percussions africaines, des parties de synthétiseur très 80’s, du Disco, des chœurs et des couplets très sombres. L’objectif n’était surtout pas de rassembler des éléments disparates, bien au contraire, tout s’est produit de manière très organique et naturelle.

– Et puis, il y a aussi cet esprit très 70’s qui domine et qui, par son atmosphère, libère une production très organique justement sur l’album. C’est aussi quelque chose qu’il était important pour vous de conserver ?

Oui, nous considérons le son vintage et le style Rock de cette époque comme le fondement de notre musique, que nous complétons ensuite avec d’autres éléments. Le son vintage possède une crudité, une authenticité et une imperfection que nous apprécions profondément et qui nous manquent dans le Rock moderne.

– Un mot tout de même sur ta voix, Elena, qui l’un des atouts majeurs de SUN Q. On te sent très à l’aise dans de nombreux registres, qui vont d’une douceur incroyable à des éclats plus bruts. C’est toujours très instinctif dans la perception qu’on en a, et aussi très captivant. Est-ce que cela vient de cet esprit psychédélique, parfois chamanique, qui parcourt ce nouvel album ?

Merci beaucoup ! Je m’efforce d’utiliser ma voix pour transmettre ce que nous considérons comme l’une des techniques les plus puissantes de la musique : le contraste. Je suis ravie que tu aies ressenti cet esprit chamanique, cela signifie que tout n’a pas été vain. Dans les régions du Nord de la Russie, plusieurs groupes ethniques entretiennent encore des traditions chamaniques et communiquent avec les forces de la nature. Cette ambiance correspond à notre désir de créer des images de cet héritage à travers nos chansons. Nous donnons beaucoup d’importance à toutes ces anciennes traditions, où il y a toujours quelque chose de magique.  Il y a en elles un grand pouvoir qui nous inspire.

– Enfin, sans entrer dans des considérations politiques, car ce n’est pas le lieu, est-ce que la guerre en l’Ukraine et la pression internationale ont mis un frein à l’activité artistique en Russie ? Et surtout, est-ce que cela vous a impacté directement ?

Oui, cela a un impact. La scène musicale a considérablement diminué en Russie. Les musiciens se retrouvent dans une situation délicate, soumis à une forte censure. Ils doivent surveiller attentivement chaque mot qu’ils prononcent, mais il y a toujours un risque de se retrouver sur les listes de ‘groupes interdits’, qui circulent dans les clubs du pays, interdisant les représentations. Nous sommes véritablement préoccupés par l’orientation de la culture musicale russe. Simultanément, des services comme Spotify ont quitté le pays et les labels internationaux retirent aussi leur musique des catalogues, ce qui rend difficile l’accès aux nouveautés étrangères. Nous pensons que les échanges culturels sont cruciaux et, malheureusement, ils ont considérablement diminué. Après le début de la guerre, il s’est avéré que la seule chose qui nous a aidés à faire face à l’état de choc et d’horreur a été de commencer à composer de nouvelles chansons. Elles seront sur notre prochain album, que nous espérons sortir malgré tout.

Le dernier album de SUN Q, « Myth », et les autres sont disponibles sur le Bandcamp du groupe, ainsi que les singles :

https://sunqband.bandcamp.com/

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Classic Hard Rock Proto-Metal Stoner Rock

Tigers On Opium : un panache hyper-Rock

Pour son premier album, c’est presqu’une leçon que donne TIGERS ON OPIUM, tant les sonorités à l’œuvre sur les titres de « Psychodrama » paraissent à la fois tellement évidentes et d’une grande créativité. C’est une espèce de revue des effectifs Rock et Metal qu’est parvenu à réaliser la formation, tant les ambiances et les mélodies impressionnent par leur maîtrise et leur originalité. On assiste très rarement à de telles entrées en matière aussi Heavy et planantes que groovy et percutantes.  

TIGERS ON OPIUM

« Psychodrama »

(Heavy Psych Sounds)

Après avoir écumé les scènes de l’Ouest des Etats-Unis et sorti deux EP, le fougueux groupe de Portland, Oregon, passe enfin aux choses sérieuses et présente « Psychodrama », un premier effort exceptionnel. On y découvre sur la longueur tout le talent des Américains à travers un style personnel très particulier, qui se trouve au croisement de nombreux registres qui se fondent dans une belle et fluide harmonie. TIGERS ON OPIUM développe un Classic Rock mâtiné de proto-Metal avec des éclats de Stoner Rock bien sentis et quelques solides coups de Fuzz.

« Psychodrama » est une sorte de concept-album, basé sur le modèle d’une thérapie de groupe dont le frontman Juan Carlos Careres s’est inspiré pour l’écriture des morceaux. Abordant des sujets graves, TIGERS ON OPIUM ne livre pourtant pas un album trop sombre, malgré quelques passages tempétueux, où il flirte même avec le Psych et le Doom. La richesse musicale du quatuor sort vraiment des sentiers battus et la production très organique de l’ensemble a un côté épique et solaire, avec ce grain 70’s parfaitement distillé.

Autour des deux six-cordistes, on se perd dans les twin-guitares, les riffs soutenus et les solos aériens. TIGERS ON OPIUM parvient toujours à capter l’attention grâce à la voix directe de son chanteur, soutenu par ses camarades aux chœurs. Les quelques parties de piano viennent apporter ce qu’il faut d’accalmie dans ce dédale d’émotion (« Black Mass », « Diabolique », « Sky Below My Feet »). Avec une grande liberté, le combo s’offre de magnifiques envolées, qui culminent sur les géniaux « Radioactive » et « Separation Of Mind ». Du grand art !

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Classic Rock Progressif Stoner/Desert

Big Scenic Nowhere : sans limite

Ils ont beau être très occupés tous les quatre avec leur groupe respectif et différents projets annexes, les membres de BIG SCENIC NOWHERE continuent l’aventure en se livrant cette fois dans un répertoire Classic Rock, toujours emprunt de Stoner et de Desert Rock, guidé par un groove tantôt progressif, tantôt plus costaud. « The Waydown », troisième album auxquels viennent s’ajouter deux EP, plonge dans des espaces plus identifiables, certes, mais tout en mélangeant toujours des tempos et des ambiances variés.

BIG SCENIC NOWHERE

« The Waydown »

(Heavy Psych Sounds)

Fondé il y a quatre ans sous l’impulsion d’un quatuor constitué de cadors de la scène Stoner/Desert Rock, BIG SCENIC NOWHERE continue de livrer des albums toujours plus aboutis et surprenants. L’une des particularités des Américains est aussi d’évoluer au fil des réalisations devenant un collectif dans lequel viennent se greffer et se fondre des invités prestigieux qui se prêtent à l’exercice avec talent et virtuosité. « The Waydown » révèle cette fois un visage nouveau, sans pour autant renier les fondements qui ont forgé son identité sonore et musicale.

Sur des bases aussi diverses qu’inamovibles, BIG SCENIC NOWHERE explore de nombreux horizons et va encore étonner tant le champ d’investigation est spectaculaire depuis sa première production, « Vision Beyond Horizon » en 2020. Bob Balch (Fu Manchu, Slower) à la guitare et sur tous les fronts actuellement, Tony Reed (Mos Generator) à la basse, aux synthés et surtout au chant, Gary Arce (Yawning Man) à la guitare et Bill Stinson (Yawning Man) à la batterie forment une entité très soudée et capable d’atteindre des sommets de créativité.

Avec « The Waydown », c’est dans une lignée Classic Rock, toujours très infuzzée, que BIG SCENIC NOWHERE s’engouffre en proposant des morceaux lumineux et hors du temps. Loin  des jams qui l’ont toujours caractérisé, le songwriting est plus traditionnel, faisant la part belle au Rock Progressif, à la Funk Psyché, à quelques passages Surf Rock et même Soul Blues. L’interprétation est magistrale et Reeves Gabrels (The Cure, Bowie), Per Wiberg (ex-Opeth) et Eliot Lewis (Hall And Oates) viennent aussi prêter main forte sur cet opus aussi accrocheur qu’envoûtant. Monumental !