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France Progressif

Nine Skies : sous des cieux bienveillants [Interview]

Avec « Sweetheart Grips », NINE SKIES présente un double-album concept brillant à plus d’un titre. Particulièrement inspiré, le groupe niçois a invité des artistes de grands talents et, aussi, a décidé de reverser la totalité des bénéfices à une association (« Ian’s Chain »), qui œuvre pour la prévention contre le suicide. Autant de bonnes raisons pour poser quelques questions à cette belle formation…

– Après la réédition l’an dernier de votre premier album « Return Home » dans une version spéciale, « Sweetheart Grips » vient de sortir. Là encore, il s’agit d’un concept-album. Pouvez-vous nous en décrire le thème principal ?

Ce titre fait référence à la pratique datant de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les soldats prenaient de précieuses photos de famille (et de Pin-ups) et les plaçaient sous les crosses de leurs pistolets 1911, appelées « Sweetheart Grips ». La plupart de ces poignées étaient fabriquées à partir de morceaux de fenêtres en plastique brisées par des  bombardiers.

Les différents titres de l’album mettent en lumière les souvenirs et les sentiments d’un jeune soldat exposé à un syndrome post-traumatique, soulevant le paradoxe entre la violence  évidente de la guerre et l’humanité sous-jacente enfouie en chacun de nous.

 – Musicalement, « Sweetheart Grips » est encore plus riche et la production particulièrement soignée. L’ampleur sonore de votre musique y est parfaitement restituée. Comment s’est passé le travail de studio et de production?

Pour « Sweetheart Grips », nous avons également voulu privilégier le son dans notre concept; un son le plus organique possible, mais plus puissant que « Return Home », compte tenu du concept qui lui est associé. Nous avons eu la chance de travailler avec Shahin Rafati (Studio Mercure) pour les enregistrements de batterie, puis Alexandre a fait le mixage et le  mastering dans son studio, comme pour « Return Home ». Ce processus a été particulièrement complexe, vu l’utilisation de plus de matériel analogique que dans le premier album.

– Un palier semble aussi avoir été franchi dans l’écriture, la composition et la structure des morceaux. On sent « Sweetheart Grips » plus complet. Vous aviez une idée précise de la  façon dont ce nouvel album devait sonner en entrant en studio ?

Merci beaucoup ! L’écriture, tout comme pour « Return Home », s’est faite par paliers de composition. A savoir que nous avons d’abord tous les deux (Alexandre et Eric) proposé des idées et parfois composé directement des morceaux ensemble (« Burn my Brain » par exemple), puis les démos se sont finalisées. Nous sommes ensuite revenus sur des arrangements, des modifications harmoniques, rythmiques et de structure après certains enregistrements. Enfin, le dernier palier consistait à travailler sur les finitions des morceaux.

Rien n’a été définitif jusqu’au dernier moment.

– « Sweetheart Grips » est un double-album, ce qui se fait de plus en plus rare. Votre intention était de créer deux parties distinctes, ou simplement de pouvoir développer des  titres plus complets et plus longs ?

L’album est devenu un double album naturellement, en écoutant les morceaux et en créant deux atmosphères bien distinctes ; la première partie est beaucoup plus sombre et torturée que la seconde, ce qui renforce encore plus l’idée de concept-album. Mais nous n’avions aucunement l’intention à la base d’en faire un double album.

– On note également une multitude de guests (et pas des moindres !), alors que NINE SKIES compte déjà huit musiciens. Pouvez-vous nous les présenter et revenir sur le contexte de ces participations ?

Nous avons eu la chance de travailler sur ce nouvel album avec de très grands musiciens tels que Craig Blundell (Steven Wilson, Steve Hackett, Frost, …) à la batterie et Clive Nolan (Pendragon, Arena…) au solo clavier sur « Burn my Brain », également Riccardo Romano (Ranestrane, Steve Rothery Band, Riccardo Romano Land) au chant sur le titre, Dave Foster (Steve Rothery Band, Panic Room, So & So, Dave Foster Band) à la guitare solo sur « Fields of Perdition », Johnny Marter (Annie Lennox, Marillion, Peter Gabriel, Roger Taylor, Brian May, Jeff Beck, Zucchero, Gloria Gaynor…) à la guitare  sur « The Thought Trader » et Pat Sanders (Drifting Sun) aux claviers sur « Soldiers of Shame ».

Etant basé en Angleterre depuis deux ans, Eric a entreprit l’initiative de contacter des musiciens pour leur proposer une participation sur l’album, ce à quoi ils ont répondu avec beaucoup de gentillesse et très favorablement, et nous les remercions chaleureusement pour leurs superbes contributions aux morceaux.

– Justement, j’imagine que vous allez défendre ce nouvel album sur scène. Cela ne doit pas être évident pour une formation nombreuse comme la vôtre … Certains invités sur le disque seront-ils aussi de la partie ?

Notre première scène sera le festival « Prog en Beauce » le 26 Octobre (immortalisé sur les photos illustrant l’interview – NDR) en compagnie de Clepsydra, Albion et Mystery. Je pense malheureusement que cela sera compliqué de solliciter la venue des invités sur scène, eux-mêmes étant très impliqués et investis dans leurs projets respectifs. Nous espérons défendre cet album, tout comme « Return Home », le plus possible par la suite !

– Enfin, les bénéfices des ventes de « Sweetheart Grips » iront à l’association « Ian’s Chain », qui soutient la prévention contre le suicide. Pourquoi ce choix ? De nos jours, c’est plutôt rare de voir des groupes à but non-lucratif … 😉

Nous avons opté pour ce choix car c’est une cause qui nous tient à cœur. De plus, Alan et Wendy Savill, les présidents de cette association, organisent tous les ans un festival appelé le « Savfest », où tous les groupes viennent jouer bénévolement pour soutenir cette cause. Nous avons trouvé le geste très honorable, et c’est pourquoi nous avons voulu les suivre dans cette démarche.

Retrouvez le groupe :

https://www.facebook.com/nineskiesmusic/

https://nineskiesmusic.com

http://youtube.com/nineskiesmusic

Pour soutenir la sortie du prochain album « 5.2 » :

https://www.kickstarter.com/projects/nineskies/album-520
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Progressif

Nine Skies : l’élégance d’un concept inédit

Avec « Sweetheart Grips », NINE SKIES livre un excellent double-album, doté d’un concept très original et d’une magnifique palette d’invités. Ce superbe disque renvoie à un Rock Progressif original et riche en virtuosité… En attendant le nouvel album du groupe, « 5.2 » à paraître dans les mois à venir, (re)découvrez cette pépite en deux volets.

NINE SKIES

« Sweetheart Grips »

(Anesthetize Productions)

Pour son deuxième album, NINE SKIES a placé la barre très haut. Non contents de faire simple, les Niçois sortent, avec « Sweetheart Grips », un double-album concept et le résultat est vraiment à la hauteur du projet : très accompli. Autour d’un noyau dur de huit musiciens, le groupe a même fait appel à de nombreux guests, et non des moindres. Le Rock Progressif du combo français se pose désormais aux côtés des meilleures formations du genre, et ce très bel album parmi les indispensables du registre pour cette année (2019 – NDLR).

Autour d’un concept basé autour de la seconde guerre mondiale, NINE SKIES narre une pratique ayant réellement existé. C’est donc sur cette idée que se décline ce double-album. Des titres comme « Vestige », « Burning my brain » ou le morceau-titre démontrent la qualité exceptionnelle du travail de production. Les guitares sont en harmonie totale avec les claviers et le saxophone, tandis que la paire basse/batterie fait des merveilles et garde le cap de compositions très inspirées.

Les deux volets composant « Sweetheart Grips » se complètent parfaitement et offrent finalement une belle respiration à l’ensemble. Très modernes dans leur approche, les morceaux du double-album naviguent entre fougue avec des passages très Rock et douceur avec des parties acoustiques très sensibles et délicates. Toute cette maîtrise artistique fait de cet opus un vrai monument, lequel est embelli par le magnifique artwork signé par Steve Anderson. Avec « Sweetheart Grips », NINE SKIES va marquer le petit monde du Rock Progressif pour un moment !

Bandcamp : https://nineskies.bandcamp.com/album/sweetheart-grips

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Progressif

Simulacrum : l’avenir et la tradition

Avec « Genesis », les Finlandais de SIMULACRUM sont parvenus à une combinaison idéale entre le Metal Progressif actuelle proche du Power et l’héritage plus Rock des années 70. Techniquement et dans la structure de l’album, le septet montre de très belles choses et des variations étonnantes. Très mélodiques dans leur approche, les Scandinaves se veulent fédérateurs sans être trop solennels.

SIMULACRUM

« Genesis »

(Frontiers Music)

L’histoire de SIMULACRUM est assez singulière, puisque le groupe finlandais sort son troisième album, « Genesis », en 20 ans d’existence ! Fondé autour du claviériste, compositeur et arrangeur Christian ‘Chrism’ Pulkkinen, le groupe a donc sorti en 2012 « The Master And The Simulacrum » puis « Sky Divided » trois ans plus tard. C’est suite à ce deuxième opus que les Scandinaves vont opérer de gros changements et affichent ici un line-up très complet et techniquement irréprochable.

Aujourd’hui, ce sont sept musiciens qui œuvrent au bon fonctionnement de SIMULACRUM. La particularité du combo réside notamment sur la présence de deux chanteurs, Niklas Broman et Erik Kraemer, dont les timbres de voix sont aussi différents qu’ils se complètent parfaitement. Musicalement, le septet évolue dans un registre Metal Progressif, où il côtoie aussi et avec respect le Rock Progressif des pères fondateurs des années 70, montrant une maîtrise aussi puissante que délicate sur des arrangements très soignés.

Très virulent et proche du Power Metal qui fait la réputation du pays, SIMULACRUM livre des titres très incisifs et tranchants, voire Thrash, sur la première partie de l’album (« Traumatized », « Arrhythmic Distortions », « Scorched Earth »). Place ensuite à la pièce maîtresse avec le morceau-titre « Genesis », s’étalant sur quatre parties pour un total de 30 minutes. Percutantes, planantes et très mélodiques, les ambiances y sont étonnamment variées et même jazzy par moment. Un album brillant et très accompli.      

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Heavy metal Progressif

Amon Sethis : un concept-album pharaonique

Très orchestré et épique, ce nouvel opus des Grenoblois d’AMON SETHIS se montre à la hauteur de l’histoire pharaonique qu’il embrasse pour la troisième fois. Spécialiste des concept-albums, le sextet livre un Metal Progressif et Symphonique flirtant avec le Power. Les Français ont vu et réalisé les choses en grand.

AMON SETHIS

« Part 0 : The Queen With Golden Hair »

(Independant)

Passionné par l’Egypte ancienne et surtout la septième dynastie des pharaons, Julien Tournoud (chant) met toute son énergie et sa créativité depuis 2007 au profit d’AMON SETHIS, entité métallique basée à Grenoble. Après un EP et deux concept-albums, le groupe livre un troisième volet qui se trouve pourtant être le prequel des deux autres dans la chronologie.

« Part 0 : The Queen With Golden Hair » plonge donc dans la genèse des précédents opus. AMON SETHIS déploie toujours un Metal Progressif très symphonique aux fulgurances Power, qui offrent une belle profondeur à l’ensemble. Très narratif, ce nouvel album montre beaucoup de puissance et des arrangements très soignés aux saveurs orientales bien sûr.

Très bien produites, les 15 plages sont très orchestrées sans être trop chargées et laissent place à des morceaux explosifs (« The Rise of Aoutef’s Army », « Mask of Wrath »). Sur ces compositions variées, AMON SETYHIS semble s’être aguerri depuis que le groupe a partagé la scène de Myrath, Vanden Plas ou Caligula’s Horse, et livre de beaux titres (« From Dust to the Stars »).

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Hard Rock Progressif

Jason Bieler And The Baron Von Bielski Orchestra : réunion au sommet

C’est par la grande porte et avec un line-up exceptionnel que l’Américain JASON BIELER revient avec un nouvel album. L’ex-Saigon Kick y fait le tour de ses influences sans rien se refuser, le tout dans un ensemble très Progressif allant du Rock au Metal sans complexe et suivant une belle inspiration.

JASON BIELER AND THE BARON VON BIELSKI ORCHESTRA

« Songs For The Apocalypse »

(Frontiers Music)

Membre fondateur du combo Glam/Rock Saigon Kick dans les années 90, le multi-instrumentiste JASON BIELER s’est entouré d’un groupe hors-norme pour ce « Songs For The Apocalypse » très varié et peut-être même un peu long. Globalement très Progressif, entre Metal et Rock, l’Américain fait le tour de ses influences en diversifiant les sonorités et en mettant en avant la grande technicité des guests présents. THE BARON VON BIELSKI ORCHESTRA a fière allure, et c’est peu de le dire.

Car il y a du monde sur cet album qui se veut la suite de son projet de 2014-2015. En effet, JASON BIELER AND THE BARON VON BIELSKI ORCHESTRA rassemble des pointures de tous horizons comme Todd LaTorre de Queensrÿche, Dave Ellefson de Megadeth, Devin Townsend, Pat Badger du groupe Extreme, Butch Walker, Ron ‘Bumblefoot’ Thal (Sons of Apollo), Clint Lowery (Sevendust), Benji Webbe (Skindred), Kyle Sanders (Hellyeah) et Jeff Scott Soto.

S’il est difficile de trouver un fil conducteur «  Songs For The Apocalypse », ceux qui aiment la variété vont être servis. Progressif sur « Beyond Hope », très groove sur « Apology », Punk joyeux sur « Alone In The World », Metal et technique sur « Bring Out Your Dead » et « Born In The Sun », JASON BIELER AND THE BARON VON BIELSKI ORCHESTRA garde tout de même l’identité reconnaissable du musicien américain, qui mène de main de maître ce line-up All-Stars. Créatif et expérimental.         

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Heavy metal Progressif

30 ans d’âge !

Dans ses tiroirs depuis près de 30 ans, le batteur Jeff plate (Savatage, Trans-Siberian Orchestra) sort enfin son album solo sous le nom d’ALTA REIGN, où il est très bien accompagné par des musiciens aussi aguerris que complices. Entre Heavy Metal et phases plus progressives, « Mother’s Day » est plutôt convaincant et inspiré.

ALTA REIGN

« Mother’s Day »

(Rat Pak Records)

Cela fait déjà trois décennies que Jeff Plate, batteur du Trans-Siberian Orchestra, Savatage et ex-Metal Church, mûrit ce projet. Et après toutes ces années d’écriture, d’apprentissage scénique et de studio, l’Américain a enfin senti que c’était le bon moment pour ALTA REIGN de présenter ce premier album aussi singulier que sa genèse.

Clairement ancré dans une veine Heavy Metal très 90’s, « Mother’s Day » traverse les époques avec une belle aisance que l’on doit au brillant casting d’ALTA REIGN. On retrouve la claviériste de TSO Jane Mangini, le bassiste Kevin McCarthy et les trois guitaristes Collin Holloway, Zack Hamilton et Tommy Cook également chanteur principal.

Les bons riffs et le solide groove basse/batterie offrent une belle tessiture à l’album. Sur des titres comme « Rise », ALTA REIGN plonge dans un Metal Progressif à la Dream Theater, se fait épique sur un bon Heavy relevé (« Immortal », « Thin Red Line »). Jeff Plate a fait du bon boulot et ce premier album en appelle déjà d’autres.

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Extrême Heavy metal Progressif

Lame de fond

Pendant très longtemps, SOILWORK a brouillé les pistes ou s’est cherché derrière un style, c’est selon. Avec ce nouvel EP, les Suédois affichent un style qui leur est propre et très personnel, effaçant toutes les étiquettes et brisant les cloisonnements musicaux qui les ont trop longtemps bridés.

SOILWORK

« A Whisp Of The Atlantic »

(Nuclear Blast)

Presque deux ans jour pour jour après le très bon « Verkligheten », SOILWORK revient en cette année noire avec un EP, qui vient s’ajouter aux onze albums du groupe suédois. Souvent sous-estimé, le quintet revient remettre les pendules à l’heure et David Andersson, guitariste du combo, a cette fois pris les choses en main pour livrer cinq titres au large spectre musical.  

Dès les premières notes du morceau-titre long de 16 minutes, on est saisi par la densité et la polyvalence dans la composition de cette fresque très progressive, où SOILWORK joue autant sur les émotions que sur la fulgurance de son jeu. On est très loin du Death mélodique des débuts, et c’est réjouissant. Guidé par le chant polymorphe de Björn Strid qui combine les parties claires et growl avec facilité, les Suédois font étalage de leur classe.

Audacieux et aussi technique qu’agressif, le groupe enchaine avec « Feverish » et « Desperado » entre tradition très Heavy et assez classique, mais toujours avec deux guitaristes, qui n’en font qu’à leur tête. « The Nothingness And The Devil » vient définitivement poser l’empreinte musicale de SOILWORK, qui s’affranchit enfin de toutes les étiquettes souvent malvenues qui leur collaient à la peau.

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France Progressif Rock

Une légende à écrire

MORGAN MARLET

Cette nouvelle décennie, MORGAN MARLET l’entame en franchisant un cap avec un très bon premier album solo, « LégendeS ». Bâti sur les musiques et quelques textes des opéras-Rock du Nantais Alan Simon, le chanteur y a apporté une touche toute personnelle. Et ce beau résultat est le travail d’une équipe de professionnels très soudée.

C’est en breton que MORGAN MARLET a souhaité interpréter une grande partie du disque, offrant une couleur très nouvelle et inédite à l’ensemble. Grâce à une production irréprochable et très actuelle, « LégendeS »  explore des registres qui vont du Rock à la chanson, avec des sonorités Progressives et parfois bluesy.

– Après avoir écumé de nombreuses scènes avec de multiples formations, d’où est venue l’idée d’un album solo ? Les groupes dans lesquels tu joues ne suffisaient pas ?

Il y a très longtemps que j’espérais enregistrer mon album solo. Comme tu le dis, j’ai participé à beaucoup de projets divers et variés. C’est toujours un plaisir de retrouver les amis avec lesquels je joue, pour certains depuis plus de 30 ans. Mais sortir un album en son nom propre, c’est autre chose. C’est un sentiment différent, on y met beaucoup de soi, c’est un investissement humain très important. Mais je savais que j’allais m’engager dans une telle aventure un jour.

L’ensemble de « LégendeS » est constitué de morceaux des opéras-Rock d’Alan Simon. Comment ce choix, et celui des morceaux, se sont-ils faits et pourquoi ne pas en avoir écrit de nouveaux ?

Après la première de « Chouans », Alan et moi étions invités à Minsk, en Biélorussie, pour l’anniversaire de son chorégraphe Nikolay Androsov. J’ai eu la chance d’y chanter des extraits d’« Excalibur » et de « Tristan & Iseult » et, bien sûr, un titre de « Chouans ». C’est ensuite que nous avons émis cette idée. Alan m’a proposé de choisir parmi les titres que j’aimais, et nous nous sommes tous les deux mis très vite d’accord sur une première sélection. Il a été question de les réécrire en français, car ils sont en anglais. Je lui ai tout de même demandé s’il avait un inédit à m’offrir… Il m’a alors fait parvenir un titre au piano: « The Tears ». L’autre inédit est signé Ronan Le Quintrec, avec qui nous nous étions promis de travailler ensemble un jour. C’est chose faite avec le magnifique morceau qu’il m’a offert : « Compagnon de Bordée ».

– D’où vient le choix de réécrire et de réadapter ces morceaux en breton ?

J’avais envie de faire figurer les deux tires que j’interprète dans « Chouans » (dans le rôle de Georges Cadoudal – NDR) : « L’Appel de Cadoudal » et « Mon Petit Frère ». Mais je ne voyais pas l’intérêt de les reprendre en l’état. En lisant une chronique du spectacle, le journaliste regrettait que Georges Cadoudal ne chante pas dans sa langue maternelle… J’ai eu un déclic immédiat, et j’ai proposé à Alan l’idée de les ré-enregistrer en Breton. Il a aussi trouvé cette opportunité intéressante, puis m’a suggéré d’en chanter d’autres. N’étant pas bretonnant, il me fallait donc être coaché pour apprendre, non pas à parler breton, mais savoir l’interpréter. J’ai donc sollicité Enora de Parscau, qui a rapidement accepté, puis traduit et adapté six des onze titres du disque. Elle m’a ensuite enseigné la manière de prononcer et de chanter les morceaux, et le résultat est au delà de mes espérances.

Chanter en breton n’est pas le choix le plus évident. Qu’est-ce qui diffère le plus d’avec le français ou l’anglais, et est-ce qu’il se marie facilement à un registre actuel ?

C’est une autre langue ! Pour ma part, j’ai toujours été baigné dans cet univers, puisque mes grands-parents parlaient breton. Mon arrière grand-mère maternelle ne s’exprimait qu’en breton. J’avais quelques prédispositions pour m’atteler à un tel exercice, Enora me l’a confirmé et nous avons travaillé sur la prononciation, les subtilités de la langue et ses difficultés. J’ai ressenti beaucoup d’émotion et de fierté à réussir cette épreuve. Concernant le mariage avec un registre actuel, il m’apparait comme un complément important pour un chanteur qui aime sa région. Intégrer une forme d’héritage culturel dans un projet musical n’est pas anodin. C’est un choix presque naturel et réfléchi, et pas pour faire joli ou amuser la galerie ! Ensuite, il y a le plaisir de découvrir le résultat de ce travail et là, ce fut une bonne surprise, à tel point que je m’ennuie presque lorsque je passe du breton au français…

– Sur « LégendeS », il y a aussi un titre que tu signes, « L’Ordalie ». Peux-tu en dire plus sur ce morceau ?

C’est presque un concours de circonstance. Alan étant très occupé, j’ai pris l’initiative d’écrire des textes, un exercice que j’avais abandonné depuis longtemps. J’ai demandé à Marine Dehy, une amie dont j’adore la plume, d’esquisser des idées de paroles sur quelques instrumentaux. Ce titre ne devait pas figurer initialement sur le disque, mais j’ai adoré le thème et j’ai trouvé qu’au final, une fois enregistré ça sonnait plutôt bien. Et Alan a aussi accepté ce choix.

Après cette belle expérience, est-ce qu’écrire et composer entièrement un album te démange-t-il ?

Bien sûr, même si je suis vraiment très fier de « LégendeS ». Un album où l’on partirait de zéro, et où il faudrait tout écrire et composer, c’est une toute autre aventure. Au départ, je me demandais bien à quoi pourrait ressembler cet album au final. Il a évolué au fil du temps, et a pris une toute autre couleur que celle initialement prévue.

Parlons un peu des nombreux invités figurants sur l’album. Comment cela s’est-il passé en studio, quel est était l’objectif premier et comment se sont faites ces rencontres ?

Qu’on ne s’y trompe pas, il s’agit bel et bien d’un album de reprises de titres existants, du moins neuf sur onze. Les parties instrumentales ont été conservées. Bien que les morceaux originaux aient subi un nouveau traitement audio, aient été améliorés par un nouveau mastering, nous n’avons changé que les paroles. Les six titres en breton sont des traductions assez fidèles, et les chansons ont gardé leur signification, ce qui n’est pas le cas des trois autres chantées en français dont les thèmes ont changé. Donc, malgré le fait que je partage parfois la scène avec des artistes comme John Hellywell (saxophoniste de Supertramp) pour ne citer que lui, il n’y pas eu d’interventions autres que celles des musiciens avec qui j’ai travaillé sur l’enregistrement de « The Tears ». Il s’agit de Patrick Boileau à la batterie, Bernard Clémence à la basse, Jean-Noël Rozé au piano, John Chaussepied à la guitare acoustique, électrique et pedal steel. En ce qui concerne l’autre titre enregistré en studio, Ronan Le Quintrec (Ronan One Man Band) est venu jouer ses propres parties de guitare, et Jean-Noël Rozé a posé quelques jolies nappes de claviers pour donner une ambiance spécifique à « Compagnon de Bordée ». Ronan m’a fait cadeau de ce morceau, et je lui en suis très reconnaissant car j’apprécie autant l’artiste que le bonhomme !

Pour conclure, que gardes-tu comme souvenirs les plus marquants, et qu’est-ce qui t’a le plus enrichi lors de l’enregistrement de « LégendeS » ?

Avant toute chose, je tiens à souligner l’énorme travail accompli par Patrick Boileau car, outre le fait qu’il soit un batteur extraordinaire, c’est lui qui m’a dirigé artistiquement. Il est ingénieur du son, à la tête du studio « Blue Field ». Sa sensibilité et son professionnalisme m’ont beaucoup aidé à construire ce disque. Il m’a apporté des solutions, y compris dans l’harmonie de certains chœurs, quand parfois j’étais à court d’idées. Son travail d’enregistrement et de pré-mixage ont permis à Marco Canepa, autre ingénieur du son italien, de me proposer un mixage et un mastering réalisés en un temps record ! Enora, quant à elle, m’a donné des clefs importantes et une précision nécessaire pour bien appréhender le travail de studio sereinement. Lorsqu’Alan a pu se libérer pour venir écouter les premières mises à plat, il a été immédiatement emballé par la nouvelle version de ses morceaux. Bernard, John et Jean-Noël, tour à tour, sont venus faire leurs prises pour donner vie au titre « The Tears », arrangé sur place et finalisé en Italie par Marco, qui a posé des parties d’orgue Hammond avant le mixage final. C’est donc bien un travail d’équipe, dont j’ai adoré toutes les étapes de la création. Souvent, nous nous regardions sans même parler et nos sourires en disaient long sur le plaisir que nous ressentions durant ces moments. Il faut le vivre pour comprendre à quel point on s’investit dans ce genre de projet, à quel point on donne ce qu’on a de meilleur. Aujourd’hui, c’est une autre aventure qui commence, car il va falloir défendre ce disque. Nous avons entamé une série de répétitions pour préparer le concert de présentation de l’album le 29 février à la salle Océanis à Ploemeur (56). Nous espérons réunir une belle assemblée pour fêter la sortie de « LégendeS » avec un plateau où d’autres invités nous rejoindront, et dont Ronan One Man Band assurera l’ouverture. A galon !

Billetterie et « Légendes » disponibles sur le site du chanteur : www.morganmarlet.art

(Photo : Autre regard… Photographies)

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Extrême International Progressif

Mekong Delta : une technicité en orbite !

Fondateur de MEKONG DELTA en 1985, Ralf Hubert, immense bassiste et tête pensante du groupe, m’a fait le plaisir de répondre à quelques questions suite à la sortie du nouvel album « Tales Of A Future Past ». Avec l’Allemand, rien n’est jamais simple en matière de musique, ce qui est peut-être du à une recherche perpétuelle et un perfectionnisme poussé à l’extrême.

– Six ans se sont passés depuis « In a Mirror Darkly », pourquoi avoir attendu si longtemps ?

C’est vrai que ça fait long, quatre ans environ pour le composer. Le truc, c’est que je compose tous les morceaux avant de les envoyer au reste du groupe. L’idée d’un album survient lorsqu’à court terme j’accumule plusieurs riffs qui s’assemblent bien. Ca ne veut pas dire qu’ils forment une chanson, juste qu’ils sont compatibles. Si après deux à quatre semaines, je les aime toujours, alors je commence à développer. C’est la base des compositions, et ça prend environ un an. Et si les éléments tiennent toujours la route, je travaille la structure finale, ce qui peut prendre encore un an. Ce n’est que lorsque tout cela est fait que les musiciens reçoivent les titres. Ensuite, la dernière étape commence avec la préparation de l’enregistrement. Cette dernière phase a pris environ deux ans, car les arrangements étaient plus complexes cette fois-ci.

– « Tales Of A Future Past » est vraiment brillant. Quel est le concept de ce nouvel album ?

Le concept est le suivant : des chercheurs retrouvent les restes d’une civilisation passée inconnue, puis découvrent les textes d’une personne qui décrit les problèmes qui ont conduit à leur chute. Quant à la pochette peinte par l’artiste David Demaret, elle était à l’origine pour une histoire de Lovecraft « Mountains of Madness ». Je l’ai découvert par hasard, en cherchant sur le Net une édition spéciale et illustrée d’un livre de l’histoire mentionnée. J’ai été tout de suite fasciné, et j’ai immédiatement pensé à l’idée de base de l’album que la peinture représentait en fait assez bien.

– Tu as dit avoir rencontré des difficultés lors de l’enregistrement, notamment concernant les parties de basse. Qu’est-ce qui était différent cette fois ?

Ce sont surtout la guitare et la basse qui m’ont posé quelques difficultés. Pour comprendre cela, vous devez savoir que tous les riffs de MEKONG DELTA sont basés sur l’upstroke/downstroke pour assurer le flux legato du riff. On peut le faire facilement sur une guitare ou une basse, mais si vous basculez entre deux cordes, ça se complique. Le premier thème de « Mental Entropy » est un bon exemple. L’accent est parfois mis sur le downstroke, et parfois sur l’upstroke. C’est assez lourd, mais c’est toujours possible, car nous avions déjà des riffs sous une forme simplifiée avec ce genre d’attaque. Mais les modulations à la baisse qui suivent, via des figures combinées parfois sur trois cordes, sont plus complexes. Et Peter et moi sommes partis dans cette folie sur nos instruments. Cela m’a pris près d’une semaine pour enregistrer ce stupide début de l’un de mes riffs. Et de tels heurts parcourent tout l’album. (Je laisse le soin aux spécialistes de m’éclairer, merci ! – NDR)

– « Tales Of A Future Past » est techniquement excellent et toujours aussi complexe. On a l’impression que tu repousses toujours tes limites…

Quel genre de musicien faut-il être pour ne pas essayer d’avancer encore plus dans les capacités de jeu et de composition, pour finalement franchir les limites musicales et techniques sur chaque nouvel album?

– Pas faux ! Depuis 2008, le line-up de MEKONG DELTA s’est stabilisé. Tu dois être content que le groupe reste enfin le même, non ?

Il y a eu un petit changement cette fois, car Erik n’a pas eu assez de temps pour s’occuper suffisamment des riffs, alors j’ai demandé à Peter Lake s’il avait du temps et il l’a fait. Personnellement, je crois aujourd’hui que chaque album de MEKONG DELTA est à la recherche de ses propres musiciens. Je sais que cela semble étrange, mais les trois derniers albums, en particulier pour les guitaristes, ont connu des changements et ils ont été positifs pour les albums par la suite. C’est un peu la même chose sur « Tales Of A Future Past ». Mais le reste du groupe est toujours le même : Martin au chant et toujours en pleine forme, Alex qui domine sa batterie, et puis ce bassiste… (Rires)

– Parlons de « Landscape », et ses 18 minutes, qui l’une des pièces majeures de l’album. Cela fait longtemps que tu mûris ce morceau ?

Les parties qui le composent ont une longue histoire. Je travaille depuis des années pour mettre en musique la nouvelle de Joseph Konrad, « Heart of Darkness ». Et cette tentative me plonge régulièrement dans la folie. Tous les titres qui composent « Landscape » sont en fait des études préliminaires d’un possible thème musical de la nouvelle. Tous les titres sont donc importants pour moi, car c’est la seule bonne façon de créer une bonne version musicale de la nouvelle de Konrad.

– Alors que de plus en plus de groupes utilisent des samples, MEKONG DELTA compose et joue comme au début. Vous n’avez jamais été tenté d’en inclure dans votre musique ?

Pour l’enregistrement, tu as raison. Nous jouons de tous nos instruments sans utiliser de samples. En revanche, pour la composition, tout ce que je joue à la basse est répertorié dans mon ordinateur. Pour les arrangements, j’utilise beaucoup les ordinateurs… depuis les premiers Atari ! Par exemple, pour le morceau « When all Hope is Gone », il a été enregistré sur 200 pistes avec huit bibliothèques différentes. Il nous aurait fallu un soi-disant grand orchestre, c’est-à-dire plus de 100 personnes, et cela dépasse tout budget !

Une grand merci à l’immense bassiste Ralf Hubert, maître d’œuvre de MEKONG DELTA pour sa gentillesse et sa disponibilité.

Retrouvez le groupe :

https://www.facebook.com/mekongdeltagermany/

http://www.mekongdelta.eu/

Albums et merchandising dispos :

mekongmerch@zedmedia.de

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Extrême France Progressif

Ascensionnel et épique

MAZZERI

Finalement, ce confinement a des côtés positifs. Moins de sorties d’album et du coup, un peu plus de place pour les autres. Après avoir chroniqué leur premier album et avoir été aussi piqué de curiosité, j’ai posé quelques questions au groupe corse MAZZERRI sur ce premier effort et la façon dont le groupe composait. Posez-vous, on n’est pas aux pièces !

– Afin de mieux cerner l’univers musical de MAZZERI, il faut expliquer que le mazzérisme est une croyance corse qui se traduit par un don de prophétie funèbre accompli en rêve. Durant le sommeil, le corps spectral du mazzeru devient un chasseur d’âmes ou un messager de la mort. Si musicalement, on est très loin de la tradition corse, c’est tout de même un beau clin d’œil et une belle manière d’affirmer son identité…

Jbaâl (synthés) : C’est un nom qu’on a mis du temps à fixer, mais qui nous a paru évident. C’était une manière de situer notre expérience sur la scène musicale locale.

Thomas (guitare, chant) : Et c’est l’un des aspects du folklore qui colle particulièrement au style.

Alexis (batterie) : Il s’avère que nos visions personnelles de notre culture sont complémentaires. Notre vécu a aussi beaucoup joué sur les thèmes présentés. Le Mazzeru, exilé et en dehors de la société, est condamné à vivre en solitaire le jour et à exécuter sa tâche la nuit.

– Et puis, vos textes aussi s’inspirent des contes et légendes du folklore corse. J’imagine que c’est une grande source d’inspiration pour un registre comme le vôtre ?

Thomas (guitare/chant) : Pour ce premier album, les textes sont plutôt centrés sur notre expérience, le folklore étant au second plan et servant plutôt de fresque symbolique. Mais  globalement le thème porteur est la vision d’un parcours qui mène à l’échec à travers la gloire. Le thème de la prophétie funeste inébranlable fait écho à la destinée du Mazzeru et à son don/malheur.

A : On a cette volonté de le faire transparaître dans notre musique, et apporter quelque chose de plus de ce qui se fait déjà sur l’île. On a une culture extrêmement riche qui se prête beaucoup au Metal et, du coup, au Doom.

– MAZZERI évolue donc dans un registre Doom aux sonorités Heavy et psychédéliques. En trois ans, votre style et votre son ont-ils évolué ou est-ce que vous aviez une idée très précise dès le départ ?

T : Énormément ! (Rires) On est parti sur un postulat de groupe de Doom au sens large, mais chacun avait sa propre lubie personnelle et sa vision du genre. A force d’écrire et de réécrire les morceaux, on a fini par intégrer de plus en plus d’influences externes.

Olivier (basse) : L’intégration des claviers, par exemple, s’est faite de manière progressive jusqu’à constituer un élément dominant dans les compositions.

A : J’ai dû refaire des parties de batterie entières. J’ai vraiment réappris à jouer. On est assez loin de ce qu’on faisait au départ, mais on a quand même réussi à garder l’âme qu’on voulait insuffler au projet.

– Vous venez de sortir votre premier album éponyme et autoproduit. Particulièrement bien réalisé, j’imagine qu’il est le fruit d’un long travail, car les arrangements notamment sont très soignés…

T : Ces trois années ont servi à mettre ces bases en place, trouver un son cohérent et voir si, une fois passée l’immédiateté de l’écriture, l’ambiance nous convenait toujours. Nos goûts ont évolué et on a plus osé avec le temps.

O : Pas mal de compromis ont du être faits à cause de divergences de point de vue.

A : On a jeté plusieurs compos, parce que ça ne collait plus à notre idée de MAZZERI.

J : L’enregistrement fut un travail de longue haleine, qui a pris plusieurs mois pour des raisons de logistiques entre autre. Mais ça nous a permis de prendre du temps pour équilibrer au mieux l’arrangement. J’ai enregistré les synthés, voir recomposé certains passages, après avoir effectué un premier mixage sommaire. Ça m’a permis de travailler au mieux mes sonorités, qu’elles soient le plus riche et le plus complémentaire possible avec le foisonnement des autres instruments.

– Avant d’entrer dans le détail de l’album, vous avez fait appel à une sommité du genre en la personne de l’Américain James Plotkin, connu pour son travail avec Nadja, Sunn O))), Isis ou Earth. Pour un premier album, vous n’avez pas fait appel à n’importe qui pour le mastering…

O : Étant donné que c’est Jbaâl qui s’est chargé de l’enregistrement et du mixage, j’ai insisté pour que le mastering soit réalisé par un professionnel. Surtout par souci d’apporter une oreille extérieure et de surcroît de quelqu’un dont c’est le métier. James Plotkin est une référence dans ce domaine, et notamment pour la musique Doom et les genres affiliés, mais aussi dans un registre plus expérimental ou électronique. Il me semblait être tout désigné pour s’occuper du mastering de l’album.

T : On ne voulait pas choisir n’importe qui. Il a travaillé sur des albums qui nous ont profondément marqué tous les quatre.

A : On est tous admiratifs de son travail, et ça a été un plaisir de lui confier cette tâche. J’espère qu’on retravaillera ensemble.

J : On a eu une confiance totale en lui. Il a tout de suite cerné ce qu’on attendait du master, sans même qu’on le lui décrive ! Il a respecté toute la dynamique de notre mixage, alors même qu’on ne voulait pas rentrer dans la « guerre du volume », qui tend à surcompresser le son. Ce fut une expérience à la hauteur de ce qu’on attendait d’un tel artiste.

– L’album est constitué de quatre morceaux qui oscillent entre plus de 8 et plus de 13 minutes. Ce n’est pas banal comme format et même plutôt audacieux…

O : C’est vrai que le format quatre titres peut rebuter. Les morceaux sont assez progressifs, avec des interludes et des changements d’ambiance à l’intérieur-même des structures. Nous avons cherché à créer une lecture plutôt narrative qui donne le sentiment d’écouter une histoire, et non pas une compilation de plusieurs morceaux.

T : J’ai du mal à écrire sur des structures courtes. Alors je mets en place des ambiances qui ont vocation à évoluer en suivant la thématique et le fil des paroles. J’ai toujours eu tendance à prêter une oreille plus attentive aux pièces maîtresses sur les albums classiques de Metal. On est loin du single concis et efficace, on est dans la fresque épique et dans le story-telling à tiroirs.

J : Il y a également un aspect cinématographique qu’on a voulu mettre en avant dans la structure et donc la composition des morceaux qui se présentent comme des actes et forment des scènes. L’artwork est d’ailleurs le compagnon visuel au scénario du disque.

T : Il a souvent été pris pour un EP d’ailleurs, malgré les 48 minutes !

A : Un autre format n’aurait fait qu’effleurer la profondeur de ce que l’on cherche à faire ressentir. Étant aussi un fan de Prog, qui est une grosse influence dans mon jeu, ce format m’a permis d’enfin explorer les différentes possibilités d’enchaînements de patterns et de constructions. C’est un travail assez colossal que je n’avais jamais vraiment soupçonné, malgré les écoutes répétées de Pink Floyd ou Eloy.

– Votre Doom Psych contient des guitares très Stoner et Heavy et on a l’impression que vous désirez remettre en lumière la fièvre des années 70 avec un son très actuel ?

O : Nous n’avons pas cherché à obtenir un son typé 70’s même si des éléments, synthétiseurs analogiques entre autres, rappellent cette période. Je ne qualifierais pas pour autant notre son de moderne. Nous avons voulu créer une musique intemporelle qui intègre à la fois des gimmicks modernes et d’autres plus vintages.

T : C’est l’approche organique de cette période qui a pu déteindre. On a travaillé un son « moderne », mais également loin des standards propres et souvent trop parfaits actuels. Comme si l’histoire de la musique en avait voulu autrement. On fait du Doom anachronique/dystopique! (Rires)

A : On est tous fans du son 70’s. J’ai récupéré ce qui me plaisait dans la manière de jouer, tout en apportant un peu de modernité, mais c’est surtout le son 80’s que je cherchais à retrouver.

– Si l’ensemble est assez Metal, « Mazzeri » contient aussi de belles parties de piano, de synthés et même de saxo sur « Gouffre », qui est d’ailleurs chanté en français. C’est très éclectique tout ça !

J : Pour les sonorités des claviers, des pianos aux drones Noisy en passant par les arpèges séquencés, il y a eu une volonté de les diversifier un maximum pour appuyer les intentions émotionnelles, sans les limiter au simple rôle d’instrument d’accompagnement. C’était aussi une manière de marquer notre univers, de toucher un peu plus à l’onirique.

T : En écrivant et même jusque dans la phase d’enregistrement, on a tenu à briser certains codes et certaines barrières pour juste prendre plaisir à composer. C’est quand même assez limitant de s’interdire un passage de sax ou un lead complètement Noise de synthé par peur de sortir de la bienséance d’un genre. Le texte en français de « Gouffre » passait mieux tout simplement : d’un côté pour la sonorité du français déclamé, de l’autre pour accrocher l’oreille en fin d’album.

A : On a essayé de brasser le plus largement tout en restant dans le Doom. J’ai essayé d’apporter une touche de jazz dans mes breaks et roulements, sans pour autant dénaturer le Doom/Heavy. Je suis très fan des parties synthés. J’ai toujours eu un faible pour ce genre d’envolées épiques qui sont assez rafraîchissantes, et cette touche de saxo m’a de suite convaincu.

O : Il est vrai que notre musique vient d’une souche très Metal, car le Doom en fait partie. Mais on a beaucoup d’autres influences, qui vont du Blues au Prog 70’s en passant par l’Electro, et j’imagine que ça se ressent d’une certaine manière dans notre musique. Mais j’avoue quand même qu’il n y a rien de plus jouissif que de balancer un gros power chord dans un ampli au taquet, et de ressentir les vibrations cosmiques parcourir l’échine. Concernant le sax sur « Gouffre », je parlerai plus d’un empilement de couches de bruit que d’une réelle performance, si c’est bien moi qui ai « joué » cette partie, je n’ai aucune idée de comment se servir de cet instrument pour en faire de la musique…

– Et puis, il y a aussi « Gloria », son crescendo et son atmosphère synthétique et pourtant très organique. Et là encore, le mix est savamment dosé…

T : L’exercice du morceau instrumental est toujours un peu compliqué. Il faut pouvoir jongler avec les ambiances et les détails pour se passer du texte. Le morceau étant représentatif de la culmination glorieuse avant la chute brutale vers la défaite, il fallait passer d’un extrême à l’autre en matière de ressenti.

O : Nous sommes partis d’un riff de base typé post-HardCore avec de grosses guitares pour en arriver à quelque chose de beaucoup plus éthéré. La plupart des synthés ont été rajoutés par la suite pour arriver à ce résultat que je trouve assez Prog et Psyché.

A : Elle était à la base beaucoup plus méchante, c’était une escalade dans la violence, qui se terminait sur un blast beat typiquement Black Metal.

J : Il devait créer une respiration après le final écrasant de « Megachurch », et avant l’inexorable et fatal « Gouffre ». C’est l’exultation, la décadence à son apogée, les synthés se devaient de leader le morceau, amener cette fièvre 70’s, dont tu parlais tout à l’heure.

– Un mot sur les parties de guitare entre riffs tendus et solos planants : il y a finalement beaucoup de Progressif chez MAZZERI…

T : J’aime les rouleaux compresseurs à riffs que sont Candlemass ou Warning, mais j’ai aussi beaucoup de passion pour Solstice ou encore Yob, qui sont des groupes qui texturent beaucoup leur parties guitares. J’écris plus volontiers en riffs qu’en structurant une suite d’accords, donc la guitare ne se fond jamais beaucoup dans l’ambiance, elle a plutôt tendance à dicter la marche.

J : Notre approche est en effet très Progressive et pas seulement dans les guitares. Les nouveaux arrangements pour le live, ainsi que les morceaux en cours de création, ne dérogent pas à cette règle. Le Rock Progressif est une référence majeure pour le groupe, cela nous a énormément guidé notre manière de construire les morceaux.

A : Encore une fois, on est tous influencés par le Prog 70’s, on voulait lui rendre hommage avec nos instruments respectifs. Le jeu de basse d’Olivier a aussi apporté énormément, il ne se contente pas d’accompagner. La basse a elle aussi une âme véritable. Notre section rythmique est un réel plus, nos quatre jeux se complètent.

– Finalement, ce premier album a une sonorité assez intemporelle et qui n’est pas forcément liée à votre registre. C’était l’un de vos objectifs en l’enregistrant ?

T : On voulait surtout pouvoir s’y retrouver avec la vision de chacun. C’est clair qu’on ne s’inscrit pas tellement dans les différents revivals ou dans les mouvances de Doom plus modernes. Notre approche est très personnelle et c’est agréable d’être qualifié d’intemporels !

J : C’était un objectif, et on a du passer par des décisions assez radicales au niveau du mixage, sur le choix de la place de chaque élément et la manière dont la voix a été traitée.

A : Un objectif, un espoir… Dans la mesure où on a commencé avec un style Doom/Stoner/Sludge, c’était assez compliqué… J’ai toujours voulu faire quelque chose qui sonne différemment, et cela est né de la complémentarité dont je parlais précédemment. Je pense qu’on n’y serait pas arrivé si on n’avait pas ce line-up. Chacun de nous quatre est essentiel au son MAZZERI.

O : Sans vouloir absolument sonner 70’s, notre volonté était d’obtenir un son à la fois lourd, dynamique, organique mais aussi planant.

– Dernière question inévitable, comment vivez-vous cette période de confinement ? Vous en profitez pour composer ou réfléchir à la suite, même si votre premier album vient tout juste de sortir ?

T : Pas si mal en fait ! La composition du suivant avance bien. Il y a pas mal de boulot à faire pour gérer la comm’ du groupe, et puis d’autres projets annexes qui pointent leur nez. Pas vraiment moyen de s’ennuyer devant Netflix !

A : On a tous nos projets solos… Jbaâl a TRAÎTRE CÂLIN et KHAOS ON GAÏA, mais il me seconde aussi dans mon projet Black Metal, AROZZA. Olivier a son projet ASTATE. Je travaille aussi en solo, ou en duo avec mon ami Défunt de BLØDNING… Pas le temps de s’ennuyer, même si mes camarades me manquent. J’ai vraiment très hâte de me remettre derrière les fûts. Le retour au studio sera bénéfique pour tous !

J : Thomas et Olivier avaient repris une première phase de composition chacun de leurs côtés pendant le mixage de l’album. Une seconde phase avait été entamée une fois le mix envoyé à James Plotkin, en groupe cette fois. On espère pouvoir défendre prochainement ce premier album sur scène, et proposer de nouveaux titres, en vue du second album dont le concept a déjà été grandement discuté. Pour ma part, je suis déjà en confinement toute l’année ! J’exagère, mais nous travaillons tous sur plusieurs autres projets. On n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer ou d’être improductif en cette période. Le travail en groupe manque quand même.

O : Beaucoup d’alcool et de masturbation ! (Rires) Plus sérieusement, je continue de bosser à l’extérieur, donc la question ne se pose pas, mais je dois dire que répéter ensemble me manque.