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Body Count : impitoyable [Interview]

Dans dix jours sort le très attendu nouvel album du légendaire gang de Los Angeles BODY COUNT. Et après un « Carnivore » sans concession passé malheureusement un peu sous les radars en raison de la pandémie, le groupe n’a pas l’intention de lever le pied et se présente avec « Merciless », qui est probablement l’une de ses meilleures réalisations à ce jour. Comme de coutume, on y retrouve des invités, une reprise et surtout le mordant et l’intacte férocité des Californiens. Après une série de dates en Europe cet été, Ernie C., guitariste en chef et fondateur du combo avec Ice T., nous parle de ce huitième opus. Et puis, c’est aussi une petite exclusivité française, puisque l’interview a été réalisée le 20 octobre dernier…  

– « Merciless » devait sortir cet été et le public le découvrira finalement en novembre. A quoi est dû ce retard ? La raison est-elle est la grosse tournée estivale, car j’imagine qu’il n’est pas facile de faire la promotion d’un album en sillonnant l’Europe notamment ?

Oui, c’est vrai et « Merciless » sortira finalement ce 22 novembre ! Il en aura fallu du temps. D’abord, bien sûr, il y a eu la pandémie, alors que nous venions juste de terminer « Carnivore ». Comme il est arrivé au début des confinements, nous nous sommes dit que nous devions commencer à travailler sur un autre disque. Ce que nous avons fait. D’ailleurs, il n’y avait même pas eu de tournée pour défendre « Carnivore ». Les nombreux concerts de cet été ont permis de le présenter enfin au public…

– D’ailleurs, vous nous avez mis l’eau à la bouche avec la sortie de trois singles (« Psychopath », « Fuck What You Heard » et « Comfortably Numb »). C’est une manière de vous faire un peu ‘pardonner’ de ce retard, ou avez-vous succombé aux nouvelles pratiques qui consistent à occuper le terrain sur les réseaux sociaux avec de nouveaux morceaux ?

Tu sais, ça, ce sont des trucs de maisons de disques. Ils sortent les disques lentement, au compte-goutte, c’est comme ça. Avant, c’était souvent comme ça qu’on faisait les disques. Les labels sortaient quelques singles et ensuite, l’album arrivait enfin… J’imagine qu’ils essaient de le faire un peu à l’ancienne.

– Lors de notre dernière interview à la sortie de « Carnivore », tu me disais que tu étais presque surpris par la dimension musicale de BODY COUNT aujourd’hui, par rapport au côté Punk de vos débuts. Tu ajoutais que vous étiez dorénavant un vrai groupe de Metal. C’est d’ailleurs quelque chose qui saute aux oreilles dès l’into de « Merciless »…

Oui, c’est vrai. En fait, c’est tout simplement ce que nous sommes aujourd’hui. Je ne pense pas que nous serons à nouveau un jour ce groupe Punk que nous étions à nos débuts. Mais  c’est une progression assez naturelle de notre style musical, à mon avis…

– Pour ce huitième album, on retrouve toujours votre ‘troisième guitariste’ Will Putney à la production et le résultat est toujours aussi impressionnant. Vous n’imaginez pas un album sans lui ? Ne serait-ce que pour essayer une nouvelle approche musicale ? Est-il en quelque sorte le garant du son de BODY COUNT ?

Putney est évidemment un élément important de BODY COUNT. Nous aimons vraiment travailler ensemble. Ce que nous apprécions aussi, c’est que les choses sont très simples avec lui. En fait, nous ne voulons pas nous compliquer la vie, juste être efficace. Et il reste simple dans son approche, ce qui nous convient très bien. Et puis, je ne veux plus produire de disques de BODY COUNT, c’est plus simple de jouer de la guitare… (Sourires)

– Avant de parler des invités qui figurent sur « Merciless », il en est un qui a étonné tout le monde, car on n’aurait jamais imaginé qu’il se joigne à BODY COUNT : c’est bien sûr David Gilmour, ex-Pink Floyd, sur « Comfortably Numb ». De quelle manière deux univers aussi différents se sont-ils retrouvés car, même si Ice T a apporté du texte, on est très loin de South Central ? Et la reprise est magnifique…  

Ice est arrivé avec la chanson et il voulait que je puisse la jouer sans aucune limite. Il faut savoir que dans la première version, je joue la première guitare et c’est Richie Sambora qui joue la seconde. Ensuite, nous l’avons donc envoyée à l’entourage de David Gilmour pour obtenir son approbation. Ils nous ont répondu qu’il adorait la version, mais qu’il voulait savoir s’il pouvait jouer dessus… et là, on s’est dit : ‘Oh putain, oui, tu peux !’ (Rires) Ce fut vraiment un honneur et un privilège de l’avoir sur le morceau. Nous l’avons ensuite renvoyée à Roger et son management nous a donné son accord… Le fait que ces deux-là, David et Ice, soient d’accord sur une chanson me donne foi et espoir pour le monde… (Rires)

– D’ailleurs à propos de reprises, sur « Carnivore », vous aviez repris « Ace Of Spades » de Motörhead et donc cette fois, c’est Pink Floyd. Le spectre s’élargit. C’est une manière de dire aussi que BODY COUNT peut surgir là où on ne l’attend pas ?

En fait, on ne l’a pas vraiment imaginé dans cette optique-là. Finalement, c’est juste notre façon de dire que nous écoutons toutes sortes de musique au sein de BODY COUNT. Nous ne nous mettons jamais de limites à ce qu’on peut jouer en termes de style. Et nous ne savons pas non plus ce qui arrivera dans les futurs albums… (Sourires)

– Parlons des guests qui figurent sur l’album, une vieille habitude maintenant. Ici, ils sont tous issus directement de la branche extrême du Metal. On retrouve Max Cavalera de Soufly, Joe Bad de Fit For An Autopsy, Howard Jones de Killswitch Engage et George ‘Corpsegrinder’ Fisher de Cannibal Corpse. C’est assez surprenant compte tenu de leur groupe respectif. C’est ça qui vous a attiré ? De confronter les styles ?

Tu sais, nous avons déjà tourné avec Cannibal Corpse par le passé. On se connait bien maintenant. Quant à Joe Bad, il joue avec Will Putney dans Fit for An Autopsy. Ca nous a donc paru assez évident. A y regarder de plus près, ce n’est pas si incohérent de retrouver ces artistes sur notre disque. Et pour Killswitch Engage, nous avons également fait de nombreux concerts ensemble. Et enfin, Max est un ami et il est à nos côtés depuis les années 90 maintenant…

– A y regarder de plus prêt, et si j’ai de bons yeux, ne serait-ce pas l’ami George Fisher entre les mains d’Ice T sur la pochette de l’album ? Comment se porte-t-il après cette petite séance de relaxation ?

(Rires) Georges va très bien, merci pour lui ! (Rires)

– Parlons un peu de ton jeu, qui est toujours aussi tranchant. Comment as-tu abordé la composition de « Merciless », car l’album est nettement plus sombre encore que « Carnivore » ?

Tu sais, c’est très simple. Avec le reste du groupe, nous avons juste abordé la composition de « Merciless » comme on le fait toujours, de la même manière et comme pour chaque album. Alors maintenant, je ne saurais te dire si ça sonne plus sombre que les précédents. Ce n’est pas vraiment quelque chose que je prends en compte. C’est tout simplement sorti de cette façon. Je n’ai pas vraiment de formule et il n’y a aucun calcul.

– Et enfin, vous venez de faire une grosse tournée en Europe après une longue absence due à la pandémie. J’imagine que les retrouvailles avec votre public ont été incroyables ?

Oh oui, c’était génial d’être de retour en Europe pour cette série de concerts. J’espère que nous pourrons revenir voir tous nos fans l’été prochain, car cette tournée était essentiellement consacrée à l’album « Carnivore ». Donc la prochaine fois, nous pourrons vraiment nous concentrer sur « Merciless ». Et ce qui m’a aussi marqué, c’est que les gens étaient vraiment heureux de nous voir. Tous nos concerts ont affiché complet, ce qui nous fait toujours très plaisir ! Keep rocking and keep rolling ! (Sourires)

Le nouvel album de BODY COUNT, « Merciless », sera disponible le 22 novembre chez Century Media Records.

Retrouvez l’interview d’Ernie C. accordée au site à la sortie de « Carnivore » :

Photos : Alessandro Solca, sauf 5.

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Livre Metal

Metal, Diabolus In Musica : sous le regard du Malin [Livre]

Alors que Gojira vient d’enflammer la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, la Philharmonie de Paris, quant à elle, n’a pas attendu les sportifs pour mettre un coup de projecteur sur le Metal à travers une exposition qui se tient depuis le 5 avril et jusqu’au 29 septembre. Le Musée de la Musique, situé à la Villette dans la capitale, propose une immersion dans ce monde finalement assez peu connu du grand public pour y dévoiler et en expliquer les principaux codes. Avec METAL, DIABOLUS IN MUSICA, on retrouve cette musique souvent mal-comprise et perçue comme subversive, à travers un chemin initiatique, qui déconstruit certaines croyances populaires.  

METAL, DIABOLUS IN MUSICA

Corentin Charbonnier/Milan Garcin

Gründ/Philharmonie de Paris

Avant même d’ouvrir METAL, DIABOLUS IN MUSICA, il faut reconnaître qu’on a un bel objet entre les mains. De la sobriété de la couverture aux tranches imprimées, la conception est particulièrement soignée et on a plus qu’une envie : tourner les pages et en découvrir le contenu. Bien sûr, en se lançant dans un ouvrage aussi général, on se doute bien que l’ensemble ne saurait être complet et que la liste des chapitres est bien entendu non-exhaustive. Le Metal ne peut se résumer à 250 pages et ce n’est d’ailleurs pas le propos des auteurs, qui se veulent avant tout pédagogues.

Et puis, c’est quoi le Metal exactement ? Le terme a du apparaître au début des années 2000, où l’on pouvait soudain entendre des ‘j’écoute du Metal !’. Avant ça, les choses paraissaient bien plus simples. Il y avait le Hard Rock, le Heavy Metal, Le Thrash, le Death et quelques autres courants dérivés. Et on s’y retrouvait très bien et c’était même plus clair. Puis, chacun a commencé à vouloir se distinguer en créant d’innombrables sous-genres. Sous doute pour cette raison, METAL, DIABOLUS IN MUSICA a aussi la bonne idée de proposer une galaxie des multiples styles sur une double page dépliable bien réalisée.

Grâce à un travail iconographique très fouillé et une mise en page remarquable, on se laisse vite embarquer par la qualité des textes, plus pertinents qu’à l’habitude dans ce type d’exercice. Le regard de musiciens comme Robert Trujillo de Metallica et de sa fille Chloe, celui de Max Cavalera de Soufly, de Nergal de Behemoth ou de notre Stéphane Buriez national de Loudblast apporte également une vision différente et immersive. Et METAL, DIABOLUS IN MUSICA fait aussi de la place à deux sociologues, une doctorante, ainsi qu’au directeur des collections du Hard Rock Café. Le panel est intéressant et varié.

De la scénographie des concerts en passant par la customisation des instruments, le rapport à la musique classique et à l’art (Philharmonie oblige !), les rituels métalliques, les pochettes d’albums emblématiques, la presse spécialisée, les festivals et autres collectionneurs fétichistes, METAL, DIABOLUS IN MUSICA n’élude presque rien, survole certains sujets, c’est vrai, et a aussi tendance à insister sur la frange extrême du Metal. Mais pour qui souhaiterait une vision bien documentée et accessible, et même se replonger dans ses souvenirs et en apprendre aussi parfois un peu : c’est un volume de référence.

(En photo : Corentin Charbonnier, docteur en anthropologie co-commissaire de l’exposition ‘Metal, Diabolus in Musica’ à la Philharmonie de Paris)

264 pages – 23x27cm – 39,95€

Disponible en librairie et aux Editions des Flammes Noires

(https://edt-flammes-noires.com)

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Alternative Metal Groove Metal Modern Metal

Demon Hunter : entre lumière et tentation

Fondé en 2000 par les frères Clark dont il ne reste aujourd’hui que Ryan au chant (Don ayant décidé de se consacrer à sa famille), DEMON HUNTER est l’un des rares groupes de Metal chrétien à s’aventurer dans des registres massifs et des atmosphères très sombres. Entre Groove, Alternative et Modern Metal, les Américains bénéficient d’une belle et solide réputation que « Exile » vient contribuer à renforcer.

DEMON HUNTER

« Exile »

(Weapons MFG)

Après un report de quelques semaines, le dizième album des Américains de DEMON HUNTER pointe enfin le bout de son nez et il réserve de belles surprises. Le quintet de Seattle nous avait laissé avec « Peace/War » en 2019, doublement réussi, et réapparaît avec son premier album-concept, « Exile ». Produit et mixé par son guitariste, Jeremiah Scott, ce nouvel opus est rassembleur et percutant.  

Les douze morceaux reflètent le regard original d’un homme sans attaches dans une société civilisée venant de s’effondrer. DEMON HUNTER continue donc son exploration de la face obscure humaine, tout en y apportant de nombreuses notes d’espoir évidemment. Contrairement à son prédécesseur, « Exile » présente une unité musicale moins dispersée, mais toute aussi tranchante et mélodique.

Et pour épicer un peu l’ensemble, le groupe de Metal chrétien a fait appel à quelques invités de marque venus d’horizons très différents. Ainsi, Max Cavalera de Soufly (« Defense Mechanism »), Richie Faulkner de Judas Priest (« Godless ») et Tom S. Englund d’Evergrey (« Silence The World ») embellissent de belle manière cette réalisation bien musclée. DEMON HUNTER reste inspiré et frappe fort.

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Thrash Metal

Soulfly : tropical Metal

Comme à son habitude, Max Cavalera fait parler la poudre en invoquant les âmes ancestrales à grand renfort de riffs puissants et appuyés, tout en misant sur une efficacité sans faille et une maîtrise totale de son jeu. Avec « Totem », son douzième album, SOULFLY frappe toujours aussi fort en préservant un héritage musical inégalé.

SOULFLY

« Totem »

(Nuclear Blast)

Construit sur les bases des premiers Sepultura (du temps de leur vivant) et dans l’esprit de « Roots », ce douzième album de SOULFLY est une immersion dans une forêt ou une jungle profonde, épaisse et hostile. Toujours guidé par le grand Max Cavalera (guitare, chant), Mike Leon (basse) et du fiston Zyon à la batterie, le trio se passe une nouvelle fois du six-cordiste Marc Rizzo, mais a convié un musicien de session.

Avec « Totem », le Brésilien revient aux fondamentaux, à ce qui fait la force et l’originalité de SOULFLY depuis ses débuts en 1997. Le guitariste et frontman du trio s’inspire plus que jamais des pratiques spirituelles indigènes qui viennent planer dans un Metal d’une lourdeur incroyable entre Thrash et Heavy et dans cette démarche Old School qui a toujours animé le groupe.

Magistralement produit par Max et Arthur Rizk, « Totem » est un album frontal, d’une férocité et d’une rage puisée dans l’underground comme dans le Metal le plus moderne. Par ailleurs, les arrangements, notamment au niveau des guitares et de la voix, rendent ce nouvel opus très fouillé et nécessitant même plusieurs écoutes (« Spirit Animal », « Superstition », « Filth Upon Filth », « Ancestors », « Ecstasy Of Gold »). Immersif !

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Extrême Thrash Metal

Go Ahead And Die : Cavalera’s rules

Même s’il n’était pas encore né, Igor Amadeus, fils de Max Cavalera, semble avoir été bien élevé et biberonné au Thrash Metal si l’on en juge ses capacités à plonger dans le Metal extrême des 80’s. Allant jusqu’à écrire la quasi-totalité de cet album éponyme, le fiston (guitare, basse, chant) marche dans les pas de son père et GO AHEAD AND DIE porte bel et bien l’empreinte familiale.

GO AHEAD AND DIE

« Go Ahead And Die »

(Nuclear Blast)

Chez les Cavalera, on aime jouer de la musique en famille et en voici une nouvelle preuve. Durant le premier confinement, alors que les studios avaient fermé leurs portes et que les tournées étaient annulées, Max et son fils Igor Amadeus se sont dits que c’était enfin l’occasion de s’atteler ensemble et pour la première fois à la création d’un album. GO AHEAD AND DIE était né.

Forcément, la famille n’est pas très portée sur la Bossa Nova, alors c’est dans un registre Thrash Old School très brut que le leader de Soulfly a traîné le fiston, qui n’en demandait pas tant, puisqu’il a écrit la quasi-totalité de cet album éponyme. Et c’est l’excellent Zach Coleman (Khemmis, Black Curse) derrière les fûts qui vient compléter le line-up hyperactif de GO AHEAD AND DIE.

Direct et soutenu par une production digne du meilleur des 80’s, le power trio livre un brûlot très politique dans le propos (« I.C.E. Cage », « Toxic Freedom », « Worth Less Than Piss », « Truckload Full Of Bodies »). Efficace et frontal, le groupe maltraite les rythmique, appuie ses riffs et fait un superbe pied de nez au groove : réjouissant. GO AHEAD AND DIE est un bain de jouvence.