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Heavy Stoner Prog International

Stoned Jesus : from sun to earth [Interview]

Malgré la tragique situation dans laquelle se trouve son pays, STONED JESUS n’est pas du genre à baisser les gras et continue de mener son combat en musique. Une manière d’exister, évidemment, mais surtout de rester vivant et créatif dans ces heures sombres. Une sorte de résistance par les notes que son leader Igor Sydorenko entretient en lançant son power trio dans une trilogie, dont l’auteur-compositeur, chanteur, guitariste, bassiste et claviériste est le maître d’œuvre. Avec « Songs To Sun », les Ukrainiens livrent un Stoner Prog lumineux et accrocheur où chaque accord pèse de tout son poids. Le frontman revient sur les évènements en cours, sur ce nouvel album bien sûr et donne aussi quelques indices sur les deux volumes à venir.

– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que l’on parle de la tragique situation que vivent l’Ukraine et les Ukrainiens. Comment cela se passe-t-il pour vous au quotidien ? Alors que vous avez enregistré « Songs To Sun » en Pologne, vivez-vous toujours au pays ?

Merci beaucoup de poser la question sur l’invasion russe. Il est important de rappeler à tout le monde qu’elle est toujours en cours ! Oui, nous avons enregistré le nouvel album en Pologne au Monochrom Studio et nous sommes actuellement basés en Europe, mais pas en Pologne. Nous faisons de notre mieux pour aider les Ukrainiens, qui subissent l’enfer inhumain que les Russes leur font subir. A chaque concert de STONED JESUS, il y a une boîte à dons sur le stand, et grâce à nos incroyables fans, nous avons récolté plus de 15.000€ au cours des 15 derniers mois de tournée ! Ces fonds sont collectés de manière citoyenne, sans aucune autre organisation impliquée. C’est ainsi que nous avons créé ce projet, que nous le préservons et nous sommes éternellement reconnaissants à tous ceux qui nous ont aidés en cours de route et/ou qui nous aideront encore.

– Pour conclure sur ce sujet, existe-il encore une activité artistique concrète en Ukraine ? Est-il encore possible de se produire même en comité restreint ?

Il y a peut-être deux ou trois grands festivals d’été encore actifs, avec des abris antiaériens à proximité. Les autres spectacles sont généralement des concerts underground plus petits. Les jeunes continuent de jouer en groupe ou en solo, et à sortir de nouvelles musiques. Et certains nouveaux artistes deviennent même viraux grâce à TikTok et Instagram. Mais bien sûr, on ne peut pas qualifier la situation de normale, c’est simplement la façon dont les Ukrainiens s’adaptent.

– Parlons maintenant de « Songs To Sun » qui a bien sûr une résonnance émotionnelle particulière compte tenu du contexte. Le titre de l’album et sa pochette ont des significations fortes que chacun peut interpréter à sa manière. Quelle était ton intention de départ ? Etre le plus lumineux possible ?

En fait, comme c’est le premier volet de la trilogie et qu’il est principalement composé de chansons lourdes et intenses, « The Sun » est la métaphore de la chaleur qu’elles dégagent ! Mais je suis d’accord, dans les moments les plus sombres, il est très important d’apporter de la lumière.

– Depuis vos débuts, vous avez toujours sorti des albums très différents les uns des autres, tout en conservant une identité musicale forte. Cette fois encore, « Songs To Sun » nous emmène dans d’autres sphères. STONED JESUS est-il en quête permanente et en constante exploration à tes yeux ?

C’est absolument ça ! Excellente question et merci d’avoir remarqué notre progression ! (Sourires) On peut dire sans se tromper que chaque prochain album de STONED JESUS sera encore différent du précédent. C’est la seule façon pour moi de progresser artistiquement.

– Vous avez donc annoncé que « Songs To Sun » était le point de départ d’une trilogie. Est-ce que, dans ce cas-là, ce premier album vient poser les fondations et les bases de l’ensemble du projet ?

D’une certaine manière, oui. Mais cette trilogie s’intéresse surtout aux différentes facettes de mon écriture au sein de STONED JESUS. « Songs To Sun » est Heavy et intense, « Songs To Moon » sera sombre et expérimental et « Songs To Earth » parlera de mon amour pour le Rock Progressif classique. D’ailleurs, il n’y aura que deux morceaux longs de 20 minutes sur « Songs To Earth » !

– Ce qui est également notable sur « Songs To Sun », c’est la forte présence des guitares acoustiques et une production plus vintage et très organique. Est-ce que tu sondes le passé pour mieux enclencher peut-être de prochaines sonorités plus futuristes ?

Ah oui ! (Sourires) Et « Songs To Moon » aura encore plus de synthés vintage et de guitares acoustiques ! Ce sera en quelque sorte l’album frère de « Damnation » d’Opeth, mais interprété par  STONED JESUS ! (Sourires)

– Ce nouvel album est très immersif, sinueux et aussi plus progressif. Il est également très mélodique et accrocheur et il contient par ailleurs le morceau « Low », qui est très explosif avec ses fulgurances post-HardCore. On peut le comprendre comme un éclat de colère, tant il est violent et en contraste avec le reste. Comment faut-il le percevoir et comment veux-tu surtout qu’on le perçoive ?

Merci, je suis un grand fan de bonnes mélodies, mais pas de celles qui sont banales, c’est vrai ! Mais je fais de mon mieux pour en écrire plus ! (Rires) J’ai parlé de « Low », comme étant le morceau le plus Heavy de STONED JESUS à ce jour, dans une récente vidéo sur notre chaîne YouTube, mais pour faire court, c’est un hymne pour faire plaisir et en donner. Quand on essaie de plaire à tout le monde et qu’on n’y arrive pas, la frustration peut se manifester de la manière la plus rageuse qui soit ! (Sourires)

– Igor, tu as entièrement écrit, composé et aussi produit l’album, qui a été mixé et masterisé par Karl Daniel Lidén en Suède. C’est important d’être présent à toutes les étapes ? Est-ce aussi une manière d’avoir le résultat que tu avais en tête dès le départ ?

Absolument, je suis un vrai maniaque du contrôle ​​! (Rires) Et Karl a fait un travail formidable, et cela s’explique car il était évident dès le début qu’il comprenait parfaitement mes intentions artistiques. Mais je tiens évidemment à féliciter également les nouveaux membres du groupe : Andrew à la basse et au chant growlé et Yurii à la batterie. J’ai vraiment de la chance d’avoir des personnes aussi talentueuses pour m’aider à donner vie à ma vision musicale !

– Enfin, ce qui séduit aussi à l’écoute de « Songs To Sun », c’est la proximité sonore qu’offre la formule en trio. Il y a une immédiateté qui correspond parfaitement à l’approche très organique de STONED JESUS. Est-ce une sensibilité que tu ne pourrais pas obtenir avec une formation plus élargie ?

Pour être honnête avec toi, je n’ai jamais pensé à étendre ce format en trio. Je trouve que ça fonctionne parfaitement comme ça ! Juste trois gars simples, qui font du bruit dans des salles où l’on vient transpirer ! (Rires) Et je tiens aussi à te remercier pour l’interview et à bientôt sur la route !

Le nouvel album de STONED JESUS, « Songs To Sun », est disponible chez Season Of Mist.

Photos : Dania Forys (1, 2, 4)

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Heavy Stoner Psych post-Rock Stoner Prog

Ikitan : the breath of the earth

Après deux formats courts, les Transalpins passent enfin à la vitesse supérieure et après des années de travail durant lesquelles ils ont investi les Marsala Studios de leur ville de Gênes, voici « Shaping The Chaos ». Mêlant Heavy Stoner Psych et post-Rock progressif, IKITAN se fait très original et paraît avoir minutieusement assemblé ses nouvelles compos en prenant soin de chaque détail. Sur une production parfois rugueuse, mais lumineuse et organique, l’ensemble est fluide et très dynamique.

IKITAN

« Shaping The Chaos »

(Taxi Driver Records)

Découvert il y a cinq ans à l’occasion d’un EP audacieux, « Twenty-Twenty », constitué d’un seul titre de 20 minutes et 20 secondes, IKITAN avait ensuite récidivé l’année suivante avec « Darvaza y Brinicle », sorti en cassette à une poignée d’exemplaires. On retrouve d’ailleurs ces deux titres sur ce premier album que les Italiens travaillent depuis 2021. Ils y ont peaufiné leur Heavy Stoner Psych aux teintes post-Rock et progressives, et comme « Shaping The Chaos » est entièrement instrumental, il est franchement hypnotique.

Cette fois, le power trio propose près d’une heure de voyage sonore, où il nous offre sa vision d’évènements naturels ayant secoués la planète à des endroits bien spécifiques, neuf au total. Ainsi, ce concept commence avec « Chicxulud », qui fait office d’intro et livre le ressenti puissant et massif d’IKITAN sur le cratère de l’impact qui a tué les dinosaures. Deux minutes qui imposent « Shaping The Chaos » de belle manière. Et la suite nous mène dans la Vallée de la Mort, au Kenya, en Antarctique et même aux côté d’une baleine…

Toujours aussi progressif, variant les tempos et avec à un beau travail sur les tessitures, le groupe se montre particulièrement accrocheur. IKITAN monte en puissance au fil des morceaux, multipliant les riffs solides, les lignes de basse hyper-groovy et avec un batteur très aérien et parfois aussi assez Metal. D’atmosphères planantes en grondements sauvages, le combo fait preuve de beaucoup de créativité comme sur « Natron », pièce maîtresse du disque où s’invitent percussions et violon, ou encore le génial « 52Hz Whale ». Exaltant !

Retrouvez l’interview du groupe à la sortie de sa première production :

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Rock Progressif

Lesoir : l’art de la nuance

Si la délicatesse caractérise le jeu de LESOIR, son côté Rock et dynamique vient compléter une palette artistique lumineuse et positive, notamment grâce à des voix souvent doublées et des parties de guitares limpides et entraînantes. Sans faire étalage de leur technique, les Néerlandais sont pourtant extrêmement pointilleux et poussent le souci du détail dans ses retranchements. Avec « Push Back The Horizon », c’est avec beaucoup de maturité et d’inspiration, qu’ils nous invitent à un voyage musical coloré et envoûtant.

LESOIR

« Push Back The Horizon »

(V2 Records)

En l’espace de 15 ans aujourd’hui, la formation de Maastricht a su se faire un nom sur la scène progressive, malgré une trop grande discrétion à mon goût. Avec « Push Back The Horizon », c’est sa sixième réalisation et le style se fait de plus en plus précis. Musicalement d’une grande richesse, grâce à un travail impressionnant sur les textures et les arrangements, LESOIR sort vraiment du lot et le fait même avec beaucoup d’élégance. Et entre Prog soigné et Art-Rock, on est littéralement porté par la fluidité des mélodies.

Guidé par ses deux fondateurs et principaux compositeurs, Maartje Meessen (chant, claviers, flûte) et Ingo Dassen (guitare), le groupe trouve son équilibre sur des riffs efficaces et des orchestrations d’une grande finesse. Dans la continuité de « Mozaic », sorti il y a quatre ans déjà, « Push Back The Horizon » est à nouveau produit par le duo constitué de John Cornfield (Muse, Robert Plant) et Paul Reeve (Matt Bellamy), qui cerne parfaitement l’atmosphère du quintet et offre à LESOIR beaucoup de profondeur.

En ouvrant avec le morceau-titre, les Hollandais captent sans mal l’attention, tant l’harmonie entre le chant, les chœurs, la rythmique et le duo guitare-flûte est évidente. C’est toute la force de ce Rock pointu, qui alterne les ambiances en se faisant tour à tour aérien et mystérieux (« Fireflies », « You Are The World », « What Do You Want From Me ? », « As Long As Your Girls Smile »). Et sur certaines versions, LESOIR nous fait le plaisir des 20 minutes de « Babel », un titre d’anthologie datant de 2022 et son véritable joyau.

(Photo : Harry Heuts)

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Dark Folk Doom Rock

Ockra : doomy Folk

C’est dans le studio d’un petit village près d’Hambourg qu’OCKRA s’est rendu pour l’enregistrement de son premier opus. Au-delà de bien porter son nom, la réalisation des Scandinaves se veut très personnelle et une manière pour le combo d’évacuer certains évènements qui les ont touchés durant la pandémie. Puissant et mélodique, « Gratitude » conjugue douceur, créativité et force.

OCKRA

« Gratitude »

(Argonauta Records)

Né sur les cendres de Sulphur Dreams, groupe de Stoner Metal de Göteborg, OCKRA mène dorénavant sa barque depuis début 2018 dans un registre légèrement différent, et plus en phase avec l’état d’esprit des musiciens, désireux de s’ouvrir d’autres portes musicales. Désormais en trio, ils n’ont pas renié l’esprit Doom qui les habitait, mais l’orientation est plus Rock et flirte même avec le folk et certains passages Americana.

Depuis leur premier EP en 2020 (« Infinite Patterns »), les Suédois ont franchi un nouveau cap avec « Gratitude », où ils se montrent très sereins, presqu’apaisés, mais sans pour autant désavouer l’essence-même du Doom. Pourtant derrière une certaine noirceur et une mélancolie ambiante, OCKRA laisse passer une lueur d’espoir et un faisceau lumineux, qui viennent éclaircir des compositions très travaillées et solides.

Outre le classique guitare-basse-batterie, du mellotron vient ponctuer les morceaux de « Gratitude » pour lui donner à la fois du volume et un côté aérien irrésistible. Les titres de ce premier opus sont relativement longs, ce qui laisse à OCKRA le temps de poser des atmosphères captivantes, grâce aussi à une voix claire très planante (« Weightless Again », « Tree I Planted », « Imorgon Här » et le génial « We, Who Didn’t Know »). Très original !