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Alternative Metal Dark Metal Metal Progressif Post-Metal

Final Coil : l’obscurité du monde

C’est du côté de Leicester en Angleterre que FINAL COIL élabore une trilogie depuis sept ans maintenant. Et c’est de main de maître qu’il a mené son projet à bien. Entre Metal, Prog et des climats très subtils, captivants et assez Cold, le spectre musical du trio touche à son apogée sur « The World We Inherited », dont la réalisation et le travail sur les arrangements sont remarquables. Avec sa vision très panoramique, l’ensemble est très technique et superbement structuré.

FINAL COIL

« The World We Inherited »

(Sliptrick Records)

Entamée avec « Persistence Of Memory » en 2017, suivi lʼannée suivante par « The World We Left Behind », FINAL COIL clot sa trilogie magistralement avec « The World We Inherited ». Toujours aussi immersif, le style des Anglais s’affine encore un peu plus, devient aussi plus personnel, tout en restant dans ce post-Metal Progressif et souvent alternatif, qui le caractérise. Très bien réalisé, ce nouvel opus joue autant sur les atmosphères que sur des mélodies accrocheuses extraites d’un univers très Dark.

Si les Britanniques donnent une vision du monde pour le moins sombre et pessimiste, « The World We Inherited » propose des compositions très abouties, parfois complexes et qui viennent se nicher dans un registre où Tool, Alice In Chains, Katatonia et Killing Joke se seraient rencontrés. Autant dire que le challenge est osé, mais FINAL COIL est très loin de manquer d’originalité. Au contraire, son univers est assez unique et reste très organique, malgré la présence d’éléments électroniques.

Composé de Phil Stiles (chant, guitare, claviers et programmation), Richard Awdry (guitare, programmation), Jola Stiles et ses lumineuses lignes de basse, accompagné sur le disque par Barry French derrière les fûts, le groupe brille aussi par une créativité intense. Soigneusement mis en valeur par la production de Russ Russell (Amorphis, Napalm Death), les morceaux concoctés par FINAL COIL vont ravir les curieux, grâce à un voyage musical saisissant (« Wires », « By Starlight », « Purify », « Humanity »). Déjà incontournable.

Photo : Ester Segarra
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International Rock Progressif

Eloy : dans les arcanes de l’Histoire [Interview]

La boucle est bouclée pour Frank Bornemann, guitariste, chanteur et compositeur d’ELOY. La trilogie autour de la vie de Jeanne d’Arc arrive donc à son terme avec le troisième volet de cette folle aventure avec « Echoes From The Past ». Faisant suite à « The Vision, The Sword And The Pyre Part I & II », ce nouvel opus se présente dans une ambiance légèrement différentes des précédents, puisqu’on y retrouve une touche très personnelle et propre au groupe allemand. Son leader nous en dit plus sur cette épopée musicale moyenâgeuse, et pourtant si actuelle dans le son et les morceaux.

– « Echoes From The Past » a une saveur un peu particulière, puisqu’il est non seulement le 20ème album studio d’ELOY, mais il est aussi le dernier volet de la ta trilogie consacrée à Jeanne d’Arc. Quel regard portes-tu sur cette carrière bien remplie ?

Etonné par sa durée, ému par la grande attention qui a été accordée à la musique d’ELOY, reconnaissant pour une si grande communauté de fans autour du globe qui m’a permis de faire cette carrière et d’être toujours en forme et en bonne santé.

– Ce nouvel album fait donc suite à « The Vision, The Sword And The Pyre Part I & II », une aventure débutée en 2017. Comment as-tu fait évoluer la narration dans un premier temps ? Et est-ce que cette trilogie a été écrite en une seule fois, ou au fur et à mesure ?

Dès le début, j’ai eu l’intention de créer une œuvre absolument authentique et historiquement correcte dans tous ses détails. Pour ce faire, j’ai consulté différents historiens, dont Régine Pernoud et Olivier Bouzy, le directeur du Centre Jeanne d’Arc à Orléans. C’est ainsi que je suis devenu un fin connaisseur de son histoire. Pour m’inspirer, j’ai visité de nombreux lieux où elle avait vécu et travaillé. Puis, j’ai commencé à travailler sur l’œuvre. J’ai d’abord cherché un titre intéressant et je l’ai trouvé avec « La vision, l’épée et le bûcher », et je me suis lancé. Comme il s’agit d’une œuvre très complexe, je l’ai divisée en deux albums et je me suis d’abord concentré sur le contenu du premier, qui est sorti en 2017 et a été très remarqué. Il a eu un grand succès et s’est placé dans plusieurs charts.

Encouragé par ce succès, j’ai immédiatement travaillé sur le deuxième volet, qui est sorti en 2019 et a également eu du succès en se classant aussi dans plusieurs charts. Au début, je n’avais pas pensé à un troisième album. Plus tard, je me suis rendu compte que le conteur, Jean de Metz, n’avait pratiquement rien dit de ses impressions, pensées, peurs et sentiments sur les deux albums. J’ai donc décidé de créer un troisième volet, dans lequel il serait le protagoniste des événements aux côtés de Jeanne d’Arc et refléterait les événements dans sa mémoire. C’est devenu un album très émotionnel que j’ai intitulé « Echos du passé ». Et l’album marche aussi très bien.

– Musicalement, de quelle manière es-tu parvenu à trouver cet équilibre, car les trois albums montrent une belle unité ?

Je ne sais pas. J’ai simplement composé, écrit des textes et je me suis mis dans la peau de Jean de Metz. Je me suis donc totalement identifié à lui. Je devais penser et ressentir comme lui, sinon cela n’aurait pas été possible. En ce qui concerne la musique, j’avais plus de liberté que dans les deux précédents. Ainsi, lors de la composition, des éléments typiques d’ELOY ont été introduits dans la musique, ce qui a probablement rappelé aux fans d’anciens albums. Pour moi, il était important que la musique s’accorde avec les deux premiers, malgré ses moments de force, de sensibilité et d’émotion variables. L’accueil positif réservé à « Echoes From The Past » me montre que j’ai probablement réussi à terminer la trilogie sur une bonne note.

– Ta fascination et ton admiration pour Jeanne d’Arc ne sont pas récentes, car tu avais déjà composé les morceaux « Jeanne d’Arc » en 1992 et « Company Of Angels » en 1994. Est-ce qu’à l’époque, tu avais déjà imaginé créer une telle épopée musicale ?

Oui, j’y pensais déjà lorsque j’ai composé le premier titre sur le thème de Jeanne d’Arc en 1990. Mais c’était trop tôt pour une grande œuvre conceptuelle, car je n’avais pas le temps et la tranquillité nécessaires à l’époque pour composer et produire un tel opus. C’est pourquoi nous en sommes restés sur une seule chanson. « Company of Angels », en 1984, était prévu pour un film américain, mais il n’a jamais vu le jour. J’ai donc placé ce titre sur l’album « The Tides Return Forever ». Ensuite, j’ai eu une période très chargée, avec de nombreuses productions dans mon studio, et je n’ai pas eu le temps de m’attaquer à une œuvre aussi importante. Ce n’est que bien plus tard que j’ai eu l’occasion de réaliser ce rêve.

– « Echoes From The Past » semble t’avoir pris plus de temps, puisqu’il n’y avait que deux ans entre les deux premiers albums. Cela est-il dû au Covid, ou l’album t’a-t-il demandé plus de travail ?

Oui, le problème a en effet été le Covid. Les musiciens et les ingénieurs du son étaient constamment absents. La production de cet album a été très éprouvante. Je suis d’autant plus heureux de ce succès.

– Comment pour les deux précédents, Jean de Metz, compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, est le protagoniste principal de l’histoire. Tu n’as pas été tenté de faire parler ton héroïne cette fois ?

Non, car cet album était dédié à Jean de Metz et à ses pensées et sentiments. Jeanne s’exprimait déjà sur « The Vision, the Sword & the Pyre Part 1 » avec la voix d’Alice Merton.

– Musicalement, ton Rock Progressif sonne très moderne aussi, tout en conservant ce côté intemporel propre à ELOY. Est-ce que le changement de line-up sur « Echoes From The Past » t’a également apporté un nouvel élan dans le jeu, la production et peut-être même dans la composition ?

Il n’y a pas eu de changement de casting, mais seulement des absences. Pendant la période de production, j’étais très souvent seul dans le studio. Les deux claviéristes, Hannes Folberth et Michael Gerlach, n’étaient pas là, et Steve Mann n’a pu participer aux claviers que pendant une période limitée, car il devait faire des tournées aux Etats-Unis, au Japon et en Angleterre en tant que guitariste. Au cours de la production, j’ai donc été très souvent seul en studio et je n’avais que sporadiquement des musiciens invités, auxquels j’expliquais ce qu’ils devaient jouer. Il n’y a eu aucun problème pour la basse et la batterie. Matze et Stephan ont apporté de superbes accents, qui ont donné un profil supplémentaire à l’album. Néanmoins, c’était une production épuisante et souvent solitaire pour moi, et finalement, j’ai dû mixer toute la musique et créer un pré-master.

– Ce qui est assez incroyable avec ELOY, c’est que tu as abordé des registres allant du Hard Rock au Space Rock en passant par le Krautrock, le Symphonique et bien sûr le Progressif. Pourtant, le style et le son du groupe sont immédiatement identifiables. Est-ce que c’est parce tu es le détenteur de cette identité depuis le début et que, finalement, ELOY ne pourrait pas continuer sans toi ?

Ce que tu supposes est vrai. J’ai effectivement fondé le groupe, j’ai fortement influencé son style par mes compositions et mon travail de production. J’ai également navigué à travers tous les changements de line-up. J’ai toujours tenu à ce que le groupe conserve son identité, et les fans m’ont largement récompensé pour cela.

– Enfin, lors de notre dernière interview, tu me disais que tu ne souhaitais pas faire de concerts autour de cette trilogie, mais un spectacle musical interprété par des artistes français. Où en est le projet aujourd’hui ?

Il est de facto impossible d’interpréter une telle œuvre uniquement avec une formation de groupe sous forme de concert avec de grands chœurs et des scénarios orchestraux. Dès le début, j’ai eu l’idée et l’intention de présenter « The Vision, the Sword and the Pyre » (sans « Echoes From The Part » et d’abord en France) comme un spectacle musical, à savoir un mélange de théâtre et de musique. Tous les dialogues et les paroles qui mènent l’action doivent provenir d’une troupe de comédiens français, qui se produisent sur scène. Les textes doivent bien sûr encore être écrits. Pour cela, je vais bientôt travailler avec un écrivain français. Il n’y aura pas de dialogues chantés, comme c’est le cas pour les comédies musicales. Si des représentations ont lieu à un moment ou à un autre dans d’autres pays, les textes parlés seront interprétés dans la langue du pays par une troupe de théâtre locale. Tu vois, le chemin à parcourir reste encore long et il n’est pas du tout certain que nous y parvenions. Croisons les doigts !

Le dernier album d’ELOY, « Echoes From The Past », est disponible chez Drakkar Entertainment.

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Folk Metal Pagan Metal Power metal

Elvenking : Metal Fantasy

Narratif et massif, le Heavy/Power Metal d’ELVENKING se peaufine au fil des albums et la trilogie entamée se dévoile peu à peu, grâce à ce nouveau chapitre de « Reader Of The Runes ». Les sonorités Folk et Pagan rendent le style des Italiens très vivant et la qualité d’écriture fait de « Rapture » un disque accrocheur et envoûtant.

ELVENKING

« Reader Of The Runes – Rapture »

(AFM Records)

ELVENKING est très probablement le groupe italien le plus talentueux et créatif de sa génération. Seul Lacuna Coil rivalise peut-être. Depuis 1997, le sextet s’est bâti une solide discographie et réussit aussi à apporter beaucoup de variations à son Metal. Toujours très Folk et de plus en plus Pagan, l’univers des Transalpins s’étoffe et se muscle depuis dorénavant onze albums. 

Passant du Heavy au Power en un claquement de doigt grâce notamment à son frontman Damna, à sa brillante rythmique et à son duo de guitaristes virevoltants, ELVENKING impose son style avec brio. Toujours très véloce et puissant, le combo oscille entre des moments forts aux mélodies imparables et des solos très relevés pour mieux narrer le monde très Fantasy qu’il affectionne tant.

« Rapture » est donc le deuxième volet de l’épique saga entreprise en 2019 avec « Divination ». Et la trilogie, qui s’intitule « Reader Of The Runes », se dessine en une quête mêlant désespoir, magie noire et une violence évidente. Le Heavy Folk d’ELVENKING est captivant, effréné et particulièrement bien composé (« Rapture », « The Cursed Cavalier », « Bride Of The Night », « Covenant », « The Repentant »). Enivrant !

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Dark Gothic Doom

Celestial Season : l’art du mystère

En trente ans de carrière, CELESTIAL SEASON a posé une empreinte conséquente sur le Doom, empruntant de multiples sentiers et osant des combinaisons audacieuses. Les sept musiciens qui composent cette institution se sont lancés cette année dans une trilogie, « Mysterium », dont le second volet sort aujourd’hui. Le Doom des Bataves joue sur des tonalités et des couleurs abyssales issues du Death, du Gothic avec une touche de classique et avec toute la finesse qu’on leur connait.   

CELESTIAL SEASON

« Mysterium II »

(Burning World Records)

Groupe au parcours atypique, CELESTIAL SEASON a retrouvé un second souffle depuis un peu plus de deux ans. En 2020, les Hollandais sont revenus avec la fameuse Box « The Doom Era », rompant ainsi de belle manière un silence assourdissant de 20 ans. Depuis, les vétérans du Doom se sont fixés autour d’un line-up solide de sept musiciens inspirés et créatifs et surtout un style unique en son genre.

En marge d’une flopée de singles et d’EP, « Mysterium II » est le huitième album de CELESTIAL SEASON et il surgit sept petits mois seulement après le premier volume. Avec cette seconde partie de la trilogie en cours, le sextet reprend les choses où elles en étaient et poursuit ce voyage sombre et ténébreux dans des atmosphères Death et gothiques où la mélancolie se noie dans un désespoir palpable et hypnotique.

Le travail et l’interprétation de Jiska Ter Bals (violon) et Eliane Anemaat (violoncelle), ainsi que des guitaristes Olly Smit et Pim Van Zanen font de CELESTIAL SEASON un combo hors-norme, qui prend encore de l’ampleur grâce à la voix toute en nuances de Stefan Ruiters. Et la métronomique, mais très organique, rythmique basse/batterie de Lucas Van Slegtenhorst et Jason Kohnen fait le reste. La symbiose est totale.

Musicalement, les morceaux prennent le temps de poser des ambiances saisissantes et « Mysterium II » se fait obsédant en jouant avec une grande maîtrise sur les contrastes (« The Divine Duty Of Servants », « Tomorow Mourning », « The Sun The Moon And The Truth », « Pictures O Endless Beauty – Cooper Sunset »). CELESTIAL SEASON voit et fait les choses en grand pour s’imposer avec maestria. Une habitude…