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International Technical Thrash

Coroner : creative theory [Interview]

32 ans ! Que l’attente fut longue, mais que l’offrande du power trio suisse est belle ! Officiellement reformé en 2010, il n’a pourtant pas été question de nouvelles compositions avant un interminable moment, juste de quelques apparitions scéniques. Ce sixième album vient donc sceller le retour du groupe également en studio, et on se sentirait presque au lendemain de la sortie de « Grin ». Le style de CORONER est décidemment indémodable, inégalable et paré d’une production actuelle, il fait toujours office de mètre étalon. « Dissonance Theory » est véloce, massif et puissant et le Technical Thrash des Helvètes parvient encore à s’élever, ce dont une majorité de groupes rêverait. Grand architecte du combo depuis ses débuts, le guitariste Tommy Vetterli revient sur les décennies écoulées et livre sa vision de ce nouvel opus, comme de son registre atypique et si personnel.

– La première question que j’ai envie de te poser est de savoir de quelle manière la pression de cette attente s’est traduite pour vous ? A-t-elle été une source de motivation, voire d’inspiration ?

Tu sais, en fait, on s’est réuni une première fois en 2011 et on voulait juste faire quelques concerts. Ensuite, il y a 14/15 ans, Mark (Edelmann aka ‘Marquis Marky’, batterie – NDR) a décidé d’arrêter. Mais Ron (Broder, chant et basse – NDR) et moi avions vraiment envie de continuer, car on y prenait beaucoup de plaisir. Alors bien sûr, nous étions un peu obligés d’écrire de nouveaux morceaux à ce moment-là. Evidemment, il y a eu un peu de pression avant de s’y mettre. On s’est demandé comment cet album devrait être, ce genre de questions. Mais je me suis assez rapidement rendu compte que cela n’avait aucun sens de regarder dans le passé. Je n’avais pas envie de réécrire un nouveau « R.I.P. » (sorti en 1987 – NDR). Nous sommes 40 ans plus tard, et je suis aussi une personne différente. Tu sais, on a toujours écrit pour nous, et non pour le public. C’est aussi pour ça que notre musique a toujours été un peu bizarre. (Sourires) On a juste pris notre temps et patienter un peu…

– En 30 ans, vos vies ne se sont pas arrêtées et chacun d’entre-vous a développé divers projets et activités. Que s’est-il passé après « Grin » ? Y a-t-il eu une forme de lassitude chez CORONER ?

Oui, nous nous sommes arrêtés en 1996. Après notre dernier concert, le manageur de Kreator m’a contacté et m’a demandé si je voulais rejoindre le groupe. J’ai donc joué dans Kreator pendant quatre ans. Ensuite, j’ai joué avec Stephan Eicher durant quelques années aussi. Finalement, j’ai toujours été très occupé ! Après, au début des années 2000, j’ai arrêté la guitare pour me concentrer sur la production. J’ai travaillé dans un grand studio, qui est d’ailleurs celui où je suis aujourd’hui. Par la suite, j’ai rencontré le groupe 69 Chambers, qui était celui de mon ex-femme. J’y suis allé pour leur donner un coup de main, un peu comme un roadie d’ailleurs ! (Rires) J’avais juste fait un titre comme ça pour m’amuser et j’y suis resté en fin de compte. Et j’ai donc recommencé à jouer…

– Chaque album de CORONER est d’une incroyable minutie, tant au niveau de la composition que de la production. Depuis combien de temps travaillez-vous sur « Dissonance Theory », et est-ce que ce sixième opus vous a demandé plus d’effort ?

J’ai commencé à écrire en 2015 et c’était d’ailleurs sur l’ouverture du riff de « Renewal ». Mais tu vois, j’ai terminé le morceau cette année, ou en fin d’année dernière. Cela a pris beaucoup de temps, et cela s’est aussi passé par blocs. Cela vient du fait que j’ai travaillé pendant très longtemps comme producteur. J’ai fait environ 60 albums durant cette période de pause du groupe. Par exemple, j’en ai fait deux pour Eluveitie et ils étaient en studio pendant deux ou trois mois, et je ne pouvais pas jouer de guitare à ce moment-là. Quand ils sont partis, il m’a fallu quelques jours pour réapprendre à jouer et retrouver mes marques sur ma guitare. Ensuite, j’ai aussi du retrouver le bon rythme et le bon état d’esprit pour composer. Pour diverses raisons, je n’arrivais pas à le faire dans mon propre studio car, dans chaque coin où je posais les yeux, j’y voyais toujours du travail. J’ai donc dû prendre quelques jours et je suis allé dans la montagne, tout seul, et tout s’est remis à fonctionner normalement. Ensuite, un nouveau groupe est arrivé et cela m’a freiné à nouveau. C’est la raison pour laquelle cela m’a pris dix ans. Et puis, il y a la vie aussi qui s’en mêle : des amis sont décédés, mon père est mort, j’ai divorcé de ma femme et après il y a aussi eu le Covid. Ca fait beaucoup, d’autant qu’on voulait vraiment faire un super album !

– « Dissonance Theory » est aussi le premier album avec Diego Rapacchietti (69 Chambers) à la batterie. Est-ce que son arrivée a elle aussi apporté une nouvelle impulsion à CORONER, sachant le rôle primordial de la rythmique chez vous ?

Oui, mais tu sais, je connais Diego depuis longtemps, bien avant qu’il ne joue avec 69 Chambers. J’avais beaucoup travaillé avec lui sur différentes productions dans mon studio. C’est un véritable batteur de session. Il est capable de jouer tous les styles que ce soit de la Pop ou du Metal… Il sait tout faire ! Lorsque nous avons travaillé pour la première fois ensemble, c’était il y a une vingtaine d’années. Nous partageons une forte connexion tous les deux. Pour moi, c’était une évidence qu’il devienne le nouveau batteur de CORONER quand Marky est parti. Et, étant donné qu’il peut absolument tout jouer, cela a été une grande liberté pour moi au niveau de la composition.

– Lorsqu’on a connu, comme moi, le groupe à ses débuts, la première écoute de « Dissonance Theory » a été un moment très particulier, entre une énorme impatience et aussi peut-être une certaine crainte, car on s’imagine légitimement toutes sortes de choses. Or, c’est un album qui est d’une incroyable fluidité et surtout qui n’a absolument rien de passéiste. L’idée était-elle de vous concentrer sur les envies de CORONER en 2025 ?

En fait, j’ai toujours eu les sonorités de l’album en tête, ainsi que la manière dont cela devait être assemblé. Tout d’abord, je voulais une production moderne, car cela sonne mieux que les anciennes. Quand c’est bien fait, en tout cas. Nous avons utilisé diverses machines actuelles, mais avec une approche un peu à l’ancienne. Aujourd’hui, beaucoup de groupes font juste deux prises et les retravaillent pendant des heures. De notre côté, nous avons préféré les refaire jusqu’à ce que nous soyons pleinement satisfaits du résultat. Nous n’avons pas réédité les choses à l’infini. Pas du tout, et même bien au contraire. Cette manière de faire nous a permis d’obtenir un son très moderne avec une approche Old School et je pense que toute la sensibilité de l’album s’en ressent.

– Ce qui est aussi fascinant sur « Dissonance Theory », c’est qu’il n’y a aucune redite et qu’il possède donc cette touche très moderne, fidèle à l’avant-gardisme dont vous avez toujours fait preuve. Pourtant, le CORONER du XXIème siècle est très brut et organique. C’était important aussi pour toi de garder cette grande proximité dans le son et la production ?

Oui, absolument, c’était vraiment très important. Nous avons pris beaucoup de temps pour enregistrer et trouver les différentes sonorités, car nous voulions juste faire le meilleur album possible. Nous avons utilisé uniquement des choses authentiques, de vrais amplis et même pour les claviers, ce sont de véritables Hammond. Tout ça sort directement des amplis et cela nous a bien sûr demandé beaucoup de temps. Mais nous voulions vraiment un disque chaleureux et honnête, pas quelque chose d’artificiel. C’était vraiment le plus important dans tout le processus.

– L’une des impressions qui domine aussi sur l’album est cette facilité dans votre jeu. Pourtant votre Technical Thrash est souvent très complexe. De quelle manière parvenez-vous à le rendre aussi abordable et évident ?

En fait, je pense que la différence principale avec ce que vous avons produit par le passé, c’est que nous ne jouons pas de manière très technique juste pour offrir un rendu esthétique pointu. Auparavant, nous voulions toujours montrer au monde entier que nous répétions beaucoup et que nous étions très forts techniquement dans le jeu. Peut-être trop démonstratifs d’ailleurs. Aujourd’hui, c’est surtout le côté émotionnel de la musique qui nous importe le plus, pas sa complexité. Donc, on se retrouve très bien dans ce Thrash Old School, et on ne le fait pas pour la façade.

– A l’écoute de votre nouvel album, vous donnez l’impression d’être littéralement dans votre monde, car vous ne ressemblez à personne et aucun nouveau groupe ne cherche d’ailleurs à vous ressembler. Vous coupez-vous volontairement de toute influence extérieure, ou est-ce que CORONER ne change pas, mais ne cesse juste jamais d’évoluer ?

Ah ! Tu sais, évidemment que j’écoute les nouveaux groupes et ce qu’ils font. Mais je pense que cela a déjà été fait. Je pense qu’il y a un vrai problème aujourd’hui. Beaucoup de nouvelles formations ont le même son, la même production, les mêmes plugins, des riffs similaires… Et ça ne m’intéresse pas du tout. CORONER est notre groupe, notre art et nous ne voulons bien sûr copier personne. Evidemment qu’il peut y avoir quelques influences aussi chez nous. Peut-être que certains accords ressemblent à d’autres, mais c’est aussi difficile de réinventer tout ça. Tu sais, nous composons avec notre cœur et voilà simplement ce qu’il en ressort ! (Sourires)

– Enfin, c’est très rare qu’un groupe fasse un tel retour. « Dissonance Theory » est tellement enthousiasmant, spontané et honnête qu’on ne souhaite qu’une seule chose, c’est que CORONER entame une deuxième partie de carrière la plus longue possible. Qu’est-ce ce que vous avez à l’esprit en ce moment ? Le retour des fans ? Les concerts à venir ?  

Oui, nous avons aujourd’hui une super équipe de management, une nouvelle agence de booking pour l’Europe et les Etats-Unis, comme pour le reste du monde. Tu sais, nous portons beaucoup d’espoir dans ce nouvel album de CORONER et nous souhaitons vraiment lui donner la meilleure exposition possible. Nous voulons jouer au maximum et le plus longtemps possible ! (Sourires) En ce moment, nous sommes tous très excités et motivés, d’autant que quelques festivals sont déjà confirmés. Et il y a encore beaucoup de choses en cours ! Nous voulons juste jouer le plus possible et que 2026 soit une très belle année ! (Sourires

Le nouvel album de CORONER, « Dissonance Theory », est disponible chez Century Media Records.

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Death Mélodique International Thrash Metal

Voice Of Ruin : massif et glacial [Interview]

15 ans après sa formation, les Suisses de VOICE OF RUIN sont loin d’avoir livrer l’entièreté de leurs idées et de leurs envies musicales. Dans un élan commun et avec la noirceur qui les caractérise, le quintet a pris son temps avant de présenter le successeur du très bon « Acheron », sorti en 2019. C’est d’ailleurs chez eux et sans intervenants extérieurs que les Helvètes ont élaboré ce « Cold Epiphany », plus Thrash dans le son, mais toujours globalement Melodic Death Metal. Nicolas Haerri, guitariste et réalisateur de ce nouvel opus, nous en dit plus sur ces quatre années écoulées et le processus de création de l’album. Entretien.

– On s’était quitté il y a quatre ans avec « Acheron », que vous étiez allés enregistrer en Suède à Göteborg avec Henrik Udd et Frederick Nordstorm. Le résultat était d’ailleurs assez stupéfiant et un cap avait été franchi. Avec qui et dans quelles conditions avez-vous travaillé pour « Cold Epiphany » ?

Cette fois, j’ai écrit, enregistré et produit l’album, qui a été fait entièrement à la maison. En fait, j’ai un studio d’enregistrement près de chez moi. On a fait plusieurs sessions. Après « Acheron », on a commencé à tourner avec des dates qui se sont enchaînées et ça partait bien. Le Covid est arrivé et tout s’est arrêté. On a fait un gros break d’environ quatre à six mois, durant lesquels on ne s’est pas beaucoup vu, on n’a pas non plus fait de musique. Ensuite, on a loué une maison avec les grattes, quelques bouteilles et on a commencé à composer tous ensemble. C’est là qu’on s’est dit qu’on allait prendre notre temps. De mon côté, j’avais beaucoup appris de notre expérience suédoise notamment, et je me suis senti suffisamment prêt pour enregistrer l’album moi-même.

– « Acheron » était un album très sombre et vous aviez utilisé pour la première fois pas mal de samples. Ce n’est pas le cas avec ce quatrième opus, où vous revenez à un style plus direct et plus brut aussi. C’était un désir de renouer avec un Thrash/Death, où la ‘technologie’ est un peu plus en retrait ? 

En fait, on en a vraiment pris conscience au milieu du processus de création de l’album. En commençant le mix, j’ai été étonné parce qu’on se dirigeait vers « Purge And Purify » (deuxième album du groupe sorti en 2017 – NRD). Pour les machines, on a mis pas mal de samples dès le début, alors que pour « Acheron », tout avait été réalisé vers la fin de l’enregistrement. Contrairement au précédent album, ces ajouts ont été pensés dès le départ.

– D’ailleurs, dans son ensemble, « Cold Epiphany » contient plus de sonorités Thrash que Death Metal. Il y a un aspect beaucoup plus organique avec un gros travail notamment sur les guitares. On a l’impression que vous avez cherché plus d’immédiateté pour afficher plus de puissance encore. C’était l’intention ?

C’est exactement ça, on voulait vraiment que ce soit plus massif en live, et être sûr de pouvoir reproduire les chansons dans n’importe quelles conditions. Les rythmes sont peut-être moins alambiqués, mais ils tirent plus vers un côté massif où on avance tous ensemble. On a cherché un effet ‘rouleau-compresseur’. C’est vraiment ce que tu décris.

– Le mix aussi libère beaucoup d’énergie et pourtant, ici encore, un grand soin est apporté aux arrangements et aux changements d’ambiances avec notamment plusieurs intros avec un son clair, dont « Prelude To A Dark Age » qui ouvre l’album. L’objectif était d’instaurer l’atmosphère de certains morceaux et plus largement celle de l’album ?

Oui, on voulait donner un contexte. On a vite remarqué qu’on avait des morceaux qui fonctionnaient très bien avec et d’autres qui, souvent, étaient posés comme ça, mais sans contexte. Cette fois, on a essayé de créer une liaison entre les différents titres et passages dans l’album avec plusieurs intros pour pouvoir alterner les morceaux bruts avec d’autres plus calmes, qui servent à créer un contraste.

– D’ailleurs, pour rester sur ce climat qui règne sur l’ensemble de « Cold Epiphany », est-ce que vous l’avez travaillé comme une sorte d’album-concept, car il y a une vraie synergie sur l’ensemble des titres ?

C’est vrai qu’on nous a plusieurs fois posé la question. A la base, oui, car quand on a commencé à discuter avec Randy (Schaller, chanteur du groupe – NDR) du thème de l’album, je me suis dit que ce serait sympa de prendre différents protagonistes pour créer des liens. Ensuite, les choses ont évolué, mais on a gardé cette envie de faire quelque chose de plus sombre, de plus massif et l’ensemble est venu comme ça. Mais à force de voir qu’on nous pose souvent la question, je me demande si on ne pourrait pas faire un album-concept la prochaine fois ! (Rires)

– D’ailleurs, si vous livrez des morceaux toujours Death Metal et mélodiques, certains passages sont aussi Groove et parfois Black Metal sur les parties de batterie notamment. Et vous abordez même des moments vraiment Technical Thrash comme sur « Lustful Gaze ». C’est guidé par le désir d’être assez inclassable, ou plus simplement parce que ce sont des styles que vous aimez et qui représentent finalement très bien VOICE OF RUIN ?

En fait, on a des influences très variées dans le groupe avec tous notre petite madeleine de Proust. C’est vrai qu’on a aussi le désir de les intégrer sur nos albums, histoire aussi de montrer cet aspect de chacun de nous. Peut-être que sur nos albums précédents, c’était un peu plus maladroit, mais là, on a vraiment fait attention pour ne garder que les chansons qui avaient un thème et qui représentaient quelque chose. Pour te dire, on a fait 40 démos pour l’album, c’est-à-dire 40 chansons enregistrées, mixées et prêtes à sortir. Et on n’en a gardé que dix… C’est aussi pour ça que nous avons tout fait à la maison, car pour réaliser tout ça en studio, nous n’aurions jamais eu le budget ! Ça n’aurait pas été possible, et c’est aussi pour cette raison qu’on a souhaité faire l’album différemment.

– Avec « Bloody Salvation », vous sortez le quatrième single extrait de l’album, ce qui correspond presqu’à la moitié du disque. Je sais bien que les temps ont changé et qu’il faut être très présent sur les réseaux sociaux notamment et/ou figurer sur les playlists des plateformes de streaming, mais n’est-ce pas un peu dommage de livrer la moitié d’un travail de longue haleine avant sa sortie et d’être, finalement, sacrifié sur l’autel du marketing ?

Tu sais, je suis d’une génération où j’attendais un album, j’allais l’acheter et je l’écoutais de A à Z. Aujourd’hui, on n’a pas le choix. Si on veut exister, si on veut être pris dans les playlists, on doit sortir du contenu avant. Sinon à la sortie de l’album, il ne se passe rien. Il n’y a plus aucun groupe de notre niveau, qui peut promouvoir un album en entier sans sortir quelques titres en amont. Donc oui, ça fait un peu chier de tout donner comme ça. En même temps, dans les jeunes générations, il n’y a plus personne qui écoute un album dans son entier. Ils prennent les playlists, il y a une chanson qu’ils aiment et ils ne vont pas écouter la suivante, parce qu’ils n’aiment qu’un titre. Alors oui, c’est un peu sacrifié sur l’autel du marketing, mais on n’a pas vraiment le choix. Et il y a même des plateformes qui refusent des chansons, parce que l’intro est trop longue ! Du coup, on zappe la playlist.

– Oui mais une fois qu’on a dit ça, on n’a rien dit. Qu’est-ce que vous y gagnez concrètement ? Parce qu’avoir des milliers de followers, etc… ça ne sert à rien pour vendre un album !

C’est sûr que les followers ne paient pas la facture à la fin du mois. Avec ce qu’on gagne, nous sommes une petite PME bien huilée, qui nous permet de beaucoup voyager, de découvrir plein de choses et de vivre notre passion, mais pas d’en vivre. Actuellement, VOICE OF RUIN s’autosuffit et l’argent qu’il génère sert à voyager et faire des albums. Par contre, comme je te l’ai dit : ça nous permet de vivre notre passion, mais pas d’en vivre !

– Pour conclure, j’aimerais qu’on dise un mot sur la participation de votre compatriote Anna Murphy, qui a œuvré une décennie avec Eluveitie, et qui apporte de la douceur et un peu de mystère sur le morceau « Cyanide Stone », où elle chante. Comment s’est passé cette collaboration et comment est-elle née ?

En fait, « Cyanide Stone » est le premier morceau que nous avons composé pour l’album. A l’époque, c’est Darryl (Ducret, guitariste – NDR) qui chantait les passages clean. Comme on avait cette volonté de faire un album que l’on pourrait reproduire facilement sur scène avec ce côté ‘rouleau-compresseur’ et comme il y avait du tapping en même temps, il nous a dit qu’il pouvait y avoir un risque. On a décidé de changer notre fusil d’épaule et on avait trois/quatre personnes en tête. Entre deux sessions d’enregistrement, on a fait plusieurs dates et sur l’une d’elles, on a fait un show-case où Anna Murphy était là pour présenter son projet solo. Erwin (Bertschi, bassiste – NDR) a toujours adoré ce qu’elle faisait et lui a envoyé un mail. Les agendas coïncidaient, elle était dispo, elle a aimé et les choses se sont faites comme ça. Au départ, les autres voulaient le faire un peu plus Metal, mais la voix et cette envolée devaient vraiment rester sous cette forme. Et la voix d’Anna est magnifique.

L’album de VOICE OF RUIN, « Cold Epiphany » est disponible chez Tenacity Music et sur le Bandcamp du groupe :

https://voiceofruin.bandcamp.com/album/cold-epiphany

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Avant-Garde Metal Progressif Technical Metal Thrash Metal

Voivod : l’avant-garde du Metal

Afin de célébrer de la plus belle des manières ses quatre décennies d’existence, VOIVOD a parcouru sa discographie et a choisi neuf morceaux qu’il s’est fait un plaisir de ré-enregistrer avec un son et une production actuelle, tout se réservant le plaisir d’offrir un titre inédit. Pour autant, l’esprit reste intact et les Canadiens ont même convié leurs anciens bassistes, E-Force et Jason ‘Jasonic‘ Newsted, sur quelques plages pour un revival absolument démoniaque.  

VOIVOD

« Morgöth Tales »

(Century Media Records)

Pour fêter en beauté ses 40 ans de carrière, VOIVOD a eu la riche idée de se plonger dans son back-catalogue et de revisiter avec son line-up actuel neuf titres figurant sur ses albums les plus emblématiques. Retour donc sur une période s’étalant de 1986 à 2003 et durant laquelle il est assez incroyable et spectaculaire de constater l’évolution du groupe, bien sûr, mais aussi la façon dont il a su préserver un style unique et en constante mutation. Il a ouvert la voie tout en se renouvellement perpétuellement… Une chose inimaginable aujourd’hui !

Ce quinzième album montre tout le talent, le savoir-faire, la créativité et surtout l’aspect très novateur de ce ‘Chevalier-vampire-androïd de l’ère post-nucléaire’ avant-gardiste, qui a influencé plusieurs générations de musiciens. On passe ainsi en revue la période Technical Thrash, Thrash Punk, Progressive Metal et Sci-Fi des Québécois qui n’ont eu de cesse de se réinventer. VOIVOD a retourné le monde du Metal avec tellement d’application que beaucoup ne l’ont même pas encore saisi.

On démarre avec « Condemned To The Gallows », morceau méconnu apparu sur la compilation « Metal Massacre V » en 1986 et ça défouraille ! S’en suivent avec des titres piochés sur les albums « Rrröööaaarrr », « Killing Technology », « Dimension Hatröss » (un chef-d’œuvre), « Nothingface », « Angel Rat », « The Outer Limits », « Phobos » et « Voivod ». Le festin est total jusqu’à « Morgöth Tales », l’inédit qui donne son titre à l’album. Les membres de VOIVOD se sont éclatés et cela s’entend ! En un mot : merci !

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Heavy metal Progressif

Witherfall : chauffé à blanc

Lorsque quatre virtuoses décident de se défouler et de n’en faire qu’à leur tête, ça peut vite tourner au cauchemar… ou au mal de crâne. Avec WITHERFALL, c’est plutôt une explosion de mélodies mêlées à une technique et un groove hors-norme qui prend le dessus. Animés par une rage très virulente, les Californiens sont venus pour en découdre et « Curse Of Autumn » fait ressortir toute la classe de cet incroyable quatuor.   

WITHERFALL

« Curse Of Autumn »

(Century Media)

En seulement deux EP et ce troisième album, WITHERFALL s’est fait une place de choix dans le paysage Metal. Terriblement Heavy, un brin vintage, hyper-technique et très mélodique, le quatuor américain s’est créé un univers autour d’un style unique et original. Il faut dire qu’avec un line-up et une équipe pareille, le quatuor est à même d’en laisser plus d’un sur le carreau. Et pourtant, les Californiens sont en colère et « Curse Of Autumn » a été conçu dans l’optique de régler certains comptes et d’exorciser leur exaspération.

Avec pour ambition d’enterrer littéralement tous ceux qui ont entravé leur parcours, la formation menée par le chanteur et claviériste Joseph Michael et l’incroyable guitariste Jake Dreyer se fait franchement plaisir. Accompagné par Marco Minnemann (Demons & Wizards) derrière les fûts et Anthony Crawford et son groove légendaire à la basse fretless, le duo prend le taureau par les cornes et s’abat comme la vérole sur le bas-clergé… WITHERFALL n’en fait qu’à sa tête en brouillant sans cesse les pistes.

Faisant sans trembler le grand écart entre un Heavy Metal musclé, un Metal Progressif très structuré et un Technical Thrash totalement débridé, les Californiens en rajoutent et ne se perdent jamais. Breaks et ponts à perte de vue, solos à faire pâlir un Malmsteen (« The Last Scar ») et longs titres épiques (« And They All Blew Away », « Tempest »), WITHERFALL met tout le monde à terre entre demonstrations hallucinantes et mélodies radieuses (« As I Lie Awake », « Curse Of Autumn », « The Other Side of Fear »). Juste éblouissant !

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Concerts

Metallian : 30 ans et toujours aussi tranchant !

Le magazine METALLIAN, référence du Metal dans l’hexagone, fête cette année ses 30 ans ! Et pour célébrer dignement son engagement sans faille et sa longévité, une belle Birthday Party s’imposait. Programmée sur trois jours les 19, 20 et 21 novembre prochain (avec une rallonge le 22 !), l’équipe a mis les petits plats dans les grands pour vous concocter une affiche plus que réjouissante !

Pour commencer, un petit trailer des 30 ans du magazine avant de vous dévoiler la superbe programmation de l’événement qui se déroulera au Centre Culturel L’Ilyade à Seyssinet, près de Grenoble, siège de METALLIAN :  

https://www.youtube.com/watch?v=zhWQMSXZfe4&fbclid=IwAR3ScNrGGziOlN_r2hiFfGe26_jXuAjl6tkHBerHZp8N-C–lP-QBcyNdIM

Et maintenant, le menu :

Vendredi 19/11

All Star Jam avec Christian ‘Zouille’ Augustin de Sortilège avec Nightmare, Burning Witches et Secret Sphere.

Samedi 20/11

Candlemass, Arkona, Loudblast, Benighted, Nightfall, Seth, Deathcode Society, Daemonium (concert unique !), Seide et That Old Black Magic (reformation pour ce concert !).

Dimanche 21/11

Coroner, Grave Digger, Holy Moses, Artillery, Misanthrope, Ellipsis, Deathless Legacy (premier concert en France !) et Sacral Night.

+ DATE SUPPLÉMENTAIRE à LYON le lundi 22/11 : Lyon au Transbordeur

Meshuggah et Zeal & Ardor.

Parce qu’on ne peut envisager que la METALLIAN BIRTHDAY PARTY ne puisse se dérouler dans la joie, la bonne humeur, les décibels et la sueur, n’hésitez pas à réserver dès à présent votre place !

Toutes les infos billetterie ici :  http://metallian.online/hellinthepark/#tickets

Et enfin, retrouvez les détails et toutes les infos sur www.metallian.online

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Extrême

Scarred : une ouverture musicale très pertinente

Ces trois ans d’absence semblent avoir été plus que bénéfiques à SCARRED qui revient avec un album éponyme brillant. Reflétant sa nouvelle identité musicale, on observe avec joie la métamorphose du quintet luxembourgeois qui élargit son champ d’action passant du Death Metal à des atmosphères très post-Metal et techniques.

SCARRED

« Scarred »

(Klonosphere/Season Of Mist)

SCARRED fait trembler le Grand-duché du Luxembourg depuis 2003 maintenant, et ce n’est pas ce très bon troisième album éponyme qui va rétablir le calme dans le pays. Toujours rattaché au Death Metal de ses débuts, le quintet semble prendre un virage nettement plus mélodique et atmosphérique, tout en restant très technique. « Scarred » penche très franchement vers un post-Metal qui ne dit pas son nom, et un chant qui présente aussi des surprises, tout en conservant une énergie et une force très présentes.  

La première vue d’ensemble montre un album très structuré avec un intro, une outro et deux interludes, qui posent une ambiance particulière, presque psychédélique et moins brutale qu’un simple album de Death Metal. Artistiquement, SCARRED semble avoir mûri. Les mélodies, tant vocales que dans les guitares et le samples, ont pris le dessus sur l’ensemble des 13 plages de l’album. Naviguant entre growl et scream, le chant a lui aussi évolué pour se faire même carrément clair sur « Petrichor ».

Dès « Mirage », les Luxembourgeois affichent une belle puissance, qui ne faiblit pas par la suite (« Chupacabra »). SCARRED créé la surprise sur le très accessible et mélodique « Merry-Go-Round », où le quintet s’exprime sur un refrain entêtant et des riffs très accrocheurs. Tout en maîtrise, « In Silent Darkness » confirme l’aspect post-Metal et chamanique sur « A.H.A.I.A. », tandis que « Dance Of The Giants » évolue dans un registre proche du Technical Thrash. La belle variété de « Scarred » le rend déjà indispensable.

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Extrême International Progressif

Mekong Delta : une technicité en orbite !

Fondateur de MEKONG DELTA en 1985, Ralf Hubert, immense bassiste et tête pensante du groupe, m’a fait le plaisir de répondre à quelques questions suite à la sortie du nouvel album « Tales Of A Future Past ». Avec l’Allemand, rien n’est jamais simple en matière de musique, ce qui est peut-être du à une recherche perpétuelle et un perfectionnisme poussé à l’extrême.

– Six ans se sont passés depuis « In a Mirror Darkly », pourquoi avoir attendu si longtemps ?

C’est vrai que ça fait long, quatre ans environ pour le composer. Le truc, c’est que je compose tous les morceaux avant de les envoyer au reste du groupe. L’idée d’un album survient lorsqu’à court terme j’accumule plusieurs riffs qui s’assemblent bien. Ca ne veut pas dire qu’ils forment une chanson, juste qu’ils sont compatibles. Si après deux à quatre semaines, je les aime toujours, alors je commence à développer. C’est la base des compositions, et ça prend environ un an. Et si les éléments tiennent toujours la route, je travaille la structure finale, ce qui peut prendre encore un an. Ce n’est que lorsque tout cela est fait que les musiciens reçoivent les titres. Ensuite, la dernière étape commence avec la préparation de l’enregistrement. Cette dernière phase a pris environ deux ans, car les arrangements étaient plus complexes cette fois-ci.

– « Tales Of A Future Past » est vraiment brillant. Quel est le concept de ce nouvel album ?

Le concept est le suivant : des chercheurs retrouvent les restes d’une civilisation passée inconnue, puis découvrent les textes d’une personne qui décrit les problèmes qui ont conduit à leur chute. Quant à la pochette peinte par l’artiste David Demaret, elle était à l’origine pour une histoire de Lovecraft « Mountains of Madness ». Je l’ai découvert par hasard, en cherchant sur le Net une édition spéciale et illustrée d’un livre de l’histoire mentionnée. J’ai été tout de suite fasciné, et j’ai immédiatement pensé à l’idée de base de l’album que la peinture représentait en fait assez bien.

– Tu as dit avoir rencontré des difficultés lors de l’enregistrement, notamment concernant les parties de basse. Qu’est-ce qui était différent cette fois ?

Ce sont surtout la guitare et la basse qui m’ont posé quelques difficultés. Pour comprendre cela, vous devez savoir que tous les riffs de MEKONG DELTA sont basés sur l’upstroke/downstroke pour assurer le flux legato du riff. On peut le faire facilement sur une guitare ou une basse, mais si vous basculez entre deux cordes, ça se complique. Le premier thème de « Mental Entropy » est un bon exemple. L’accent est parfois mis sur le downstroke, et parfois sur l’upstroke. C’est assez lourd, mais c’est toujours possible, car nous avions déjà des riffs sous une forme simplifiée avec ce genre d’attaque. Mais les modulations à la baisse qui suivent, via des figures combinées parfois sur trois cordes, sont plus complexes. Et Peter et moi sommes partis dans cette folie sur nos instruments. Cela m’a pris près d’une semaine pour enregistrer ce stupide début de l’un de mes riffs. Et de tels heurts parcourent tout l’album. (Je laisse le soin aux spécialistes de m’éclairer, merci ! – NDR)

– « Tales Of A Future Past » est techniquement excellent et toujours aussi complexe. On a l’impression que tu repousses toujours tes limites…

Quel genre de musicien faut-il être pour ne pas essayer d’avancer encore plus dans les capacités de jeu et de composition, pour finalement franchir les limites musicales et techniques sur chaque nouvel album?

– Pas faux ! Depuis 2008, le line-up de MEKONG DELTA s’est stabilisé. Tu dois être content que le groupe reste enfin le même, non ?

Il y a eu un petit changement cette fois, car Erik n’a pas eu assez de temps pour s’occuper suffisamment des riffs, alors j’ai demandé à Peter Lake s’il avait du temps et il l’a fait. Personnellement, je crois aujourd’hui que chaque album de MEKONG DELTA est à la recherche de ses propres musiciens. Je sais que cela semble étrange, mais les trois derniers albums, en particulier pour les guitaristes, ont connu des changements et ils ont été positifs pour les albums par la suite. C’est un peu la même chose sur « Tales Of A Future Past ». Mais le reste du groupe est toujours le même : Martin au chant et toujours en pleine forme, Alex qui domine sa batterie, et puis ce bassiste… (Rires)

– Parlons de « Landscape », et ses 18 minutes, qui l’une des pièces majeures de l’album. Cela fait longtemps que tu mûris ce morceau ?

Les parties qui le composent ont une longue histoire. Je travaille depuis des années pour mettre en musique la nouvelle de Joseph Konrad, « Heart of Darkness ». Et cette tentative me plonge régulièrement dans la folie. Tous les titres qui composent « Landscape » sont en fait des études préliminaires d’un possible thème musical de la nouvelle. Tous les titres sont donc importants pour moi, car c’est la seule bonne façon de créer une bonne version musicale de la nouvelle de Konrad.

– Alors que de plus en plus de groupes utilisent des samples, MEKONG DELTA compose et joue comme au début. Vous n’avez jamais été tenté d’en inclure dans votre musique ?

Pour l’enregistrement, tu as raison. Nous jouons de tous nos instruments sans utiliser de samples. En revanche, pour la composition, tout ce que je joue à la basse est répertorié dans mon ordinateur. Pour les arrangements, j’utilise beaucoup les ordinateurs… depuis les premiers Atari ! Par exemple, pour le morceau « When all Hope is Gone », il a été enregistré sur 200 pistes avec huit bibliothèques différentes. Il nous aurait fallu un soi-disant grand orchestre, c’est-à-dire plus de 100 personnes, et cela dépasse tout budget !

Une grand merci à l’immense bassiste Ralf Hubert, maître d’œuvre de MEKONG DELTA pour sa gentillesse et sa disponibilité.

Retrouvez le groupe :

https://www.facebook.com/mekongdeltagermany/

http://www.mekongdelta.eu/

Albums et merchandising dispos :

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