Catégories
Heavy Stoner Doom Stoner Metal

High Reeper : un rugissement

Basé entre le Delaware et Philadelphie, le combo de la côte est américaine poursuit sa déferlante Metal et se montre même infernal dans sa façon de se renouveler depuis sa création. C’est peut-être d’ailleurs la conséquence d’un renouvellement de musiciens régulier. Avec « Renewed By Death », HIGH REEPER prend un tournant Heavy, tout en restant fidèle à un Stoner Metal profond, viscéral et teinté de Doom. Court, mais sulfureux, ce nouvel effort devient réellement addictif au fil des écoutes.

HIGH REEPER

« Renewed By Death »

(Heavy Psych Sounds)

A moins qu’il ne se cherche encore ou que l’expérimentation soit son champ préféré d’investigation musicale, HIGH REEPER parvient une fois encore à surprendre avec ce troisième opus, où il prend une nouvelle direction. Cependant, les Américains n’ont pas pour autant totalement délaissé leur épais Stoner Metal, ils y ont simplement apporté quelques modifications dans son orientation. Moins ancré dans le Doom Old School de leurs débuts, c’est le tranchant d’un Heavy Metal un brin vintage également qu’ils sont allés cueillir.

Après plusieurs changements de line-up depuis 2016, espérons aussi que « Renewed By Death » soit enfin l’album de la stabilité, puisque HIGH REEPER avance à l’unisson dans un Heavy Stoner Metal vigoureux et particulièrement massif. C’est d’ailleurs son lead guitariste, Shane Trimble, qui a enregistré, mixé, masterisé et produit cette nouvelle pépite. La dynamique et l’équilibre sont imparables et offrent une puissance et une robustesse à ces 35 (trop !) petites minutes, qui défilent malheureusement en un éclair.

Plus sombre dans son contenu, « Renewed By Death » reflète l’ambiance de la scène Heavy américaine des 80’s/90’s avec, bien sûr, un regard neuf, moderne et avec une interprétation véloce. Rangé derrière son solide frontman Zach Thomas, HIGH REEPER opère un beau virage, se montre écrasant et musclé (le Doom n’est jamais loin !) et le duo de guitaristes rivalise de riffs racés sur une rythmique bouillonnante (« Alluring Violence », « Broken Upon The Wheel », « Jaws Of Darkness », « Torn From Within » et le morceau-titre). Fulgurant !

Catégories
Americana Blues Soul

Abby Bryant & The Echoes : flamboyante

Un pied dans la Soul Rock et l’autre dans un Americana Bluesy, ABBY BRYANT a trouvé sa voie et donne surtout de la voix sur ce deuxième album aux sonorités agréablement rétro. Très bien écrites, les dix chansons de « Glowing » dévoilent une artiste accomplie très créative et qui a vraiment soigné sa deuxième réalisation. Egalement à la guitare, elle incarne une nouvelle génération qui n’a pas froid aux yeux et qui fait preuve d’audace dans ses choix artistiques.

ABBY BRYANT & THE ECHOES

« Glowing »

(Independent)

Trois ans après le très bon « Not Your Little Girl » sur lequel la chanteuse avait déjà présenté un univers très personnel, « Glowing » est la suite attendue d’un répertoire affirmé et de plus en plus convaincant. D’ailleurs, elle s’est entourée de la même et brillante équipe pour prolonger cette belle aventure. Produit par Adam Schools de Widespread Panic, également à la basse, ABBY BRYANT retrouve Adam MacDougall (Chris Robinson Brotherhood) aux claviers et John Kimock (Mick Gordon Band) à la batterie.

Basée à Asheville en Caroline du Nord, la musicienne évolue assez naturellement dans un  registre marqué par l’atmosphère Southern, où elle déploie un Americana teinté de Soul, de Blues et de Rock. Les saveurs vintage qui émanent des compositions d’ABBY BRYANT se montrent à la fois légères et feutrées, tout en affichant beaucoup de caractère, notamment dans les textes. Les mélodies à l’œuvre sur « Glowing » deviennent vite entêtantes et les références musicales très américaines apportent aussi un côté roots très authentique.

Vocalement irrésistible, ABBY BRYANT chante avec passion et ose nettement plus de choses que sur « Not You Little Girl ». Elle semble vraiment tenir fermement les rênes de ce nouvel opus, et même si quelques singles ont précédé sa sortie, il reste quelques belles surprises à découvrir (« One Year », « How Can I Trust You », « Say The Word », « Sing Me A Song », « No Good »). La frontwoman impose son style avec talent et commence véritablement à s’installer dans le paysage musical avec évidence.

Catégories
Hard 70's Psych

Alunah : ultimes vibrations

En actant le départ de Siân Greenaway, dont la présence derrière le micro va cruellement manquer, ALUNAH risque de voir ses fans, et beaucoup d’autres, se précipiter sur ce chant du cygne vinylique. Mais que tout le monde se rassure, le désormais trio est décidé à poursuivre son effort, dès qu’il sera de nouveau au complet. « Fever Dream » a donc un  aspect assez particulier, qui apporte peut-être même une magie supplémentaire. Car il faut reconnaître qu’il s’agit sans doute de la meilleure réalisation des Anglais, toujours dans ce Hard Rock 70’s si organique et authentique.

ALUNAH

« Fever Dream »

(Heavy Psych Sounds)

La nouvelle ne vous aura pas échappé, c’est avec un petit pincement et beaucoup de regrets que je chronique ce nouvel et dernier album d’ALUNAH avec sa chanteuse Siân Greenaway, qui s’en va continuer l’aventure en solo au sein de Bobbie Dazzle dans un registre a priori plus Glam Rock. Alors, forcément, sur ce « Fever Dream », la fièvre retombe un peu. C’est donc sur ce septième opus majestueux que la frontwoman file vers de nouveaux horizons, non sans livrer une superbe prestation, qui surclasse d’ailleurs artistiquement les précédentes dans sa diversité et sa puissance vocale.

Cependant, si le groupe issu du berceau spirituel du Heavy Metal, Birmingham, perd celle qui lui offrait une identité forte, il n’a pas l’intention de rendre les armes et compte se remettre en selle très bientôt une fois que la ou le successeur sera connu. En attendant, ALUNAH fait feu de toute part avec « Fever Dream », un disque enchanteur, vif et solide et tout aussi aérien qu’épique. Que ce soit les riffs endiablés et les solos magistraux de Matt Noble, la rythmique au groove enjôleur de Dan Burchmore (basse) et Jake Mason (batterie), rien ne manque. L’unité affichée est même incroyable.

Dès « Never Too Late », le ton est donné et on retrouve ce Hard 70’s aux saveurs rétro et vintage, sublimé par la production de Chris Fielding (Electric Wizard). Les Britanniques se dévoilent dans un moment d’inspiration unique et ils passent d’un morceau à l’autre avec une grâce absolue, traversant avec une grande souplesse musicale des atmosphères aussi musclées que planantes (« Sacred Grooves », The Odyssee »). ALUNAH multiplie les clins d’œil au Psych, au proto-Metal avec même un peu de flûte à la Fleetwood Mac sur plusieurs titres (« Trickster Of Time », «  Far From Reality », « Celestial »). De belles émotions ! 

Retrouvez la chronique de « Strange Machine », sorti en 2022 :

Catégories
Heavy metal Old School

Voodoo Kiss : feel the revival

Un peu plus de deux ans après sa remise sur de bons rails, VOODOO KISS a retrouvé de la régularité et la flamme des débuts. Très Heavy avec quelques touches de Hard Rock, le style vintage des Allemands est un brin nostalgique, mais l’envie affichée fait plutôt plaisir à entendre. Avec derrière les fûts, le fondateur de l’un des plus grands rassemblements Metal annuel de Bavière, la formation dispose d’une belle visibilité et montre sur « Feel The Curse » beaucoup d’ardeur et de volonté.

VOODOO KISS

« Feel The Curse »

(Reaper Entertainment)

Avec son étonnant parcours, VOODOO KISS continue d’écrire son histoire près de 30 ans après sa création. Fondé par le batteur Achim Ostertag en 1995, le groupe lui doit son existence, bien sûr, et sa renommée par la même occasion. Car, faute de concert, le musicien avait dans la foulée mis sur pied le légendaire festival ‘Summer Breeze’ pour pouvoir y jouer. On connait la suite… Seulement, le combo retomba dans l’oubli jusqu’en 2022 après une très longue hibernation.

Aux côtés des autres fondateurs, Martin Beuther (guitare) et Klaus Wieland (basse), Gerrit Hutz (Sacred Steel) et Steffi Stuber (Mission In Black) vont venus compléter le line-up tous les deux au chant. Suivront un premier opus éponyme et « Conquer The World ! », un split-album avec leurs compatriotes de Tankard. La machine VOODOO KISS avait ainsi retrouvé un second souffle, et avec « Feel The Curse », son Heavy Metal très teuton est de nouveau en fusion.

Clairement estampillé 80’s, le quintet distille un Heavy classique et le fait de se présenter avec deux vocalistes distinctifs, femme et homme, donne du coffre à « Feel The Curse » et une certaine originalité aussi. Enregistré au printemps et sorti à l’été, VOODOO KISS n’a donc pas traîné, mais il aurait peut-être du s’arrêter un plus longuement sur la production qui manque cruellement de puissance. Cela dit, cette deuxième réalisation ravive de bons souvenirs et tient plutôt bien la route.

Catégories
Hard 70's Occult Rock Proto-Metal Psych

Occult Witches : une fantasmagorie prégnante

On le croirait tout droit sortis des années 70, tant la maîtrise affichée par OCCULT WITCHES a quelque chose d’évident dans la démarche, comme dans l’écriture de ce Rock/Hard aux atmosphères parfois baroques, épiques et même légèrement Doom et Stoner. Les Canadiens proposent un univers Dark, qui tranche cependant avec la majorité des combos actuels du même mouvement. Par sa diversité et une prestation vocale en parfaite adéquation avec les parties instrumentales, « Sorrow’s Pyre » est aussi captivant que frénétique. Une prouesse !

OCCULT WITCHES

« Sorrow’s Pyre »

(Black Throne Productions)

Depuis « Morning Walk » sorti en 2021, OCCULT WITCHES avance sur une cadence effrénée à raison d’un album par an. Pourtant, cette fertile productivité, loin d’être surabondante, a la particularité de préciser et d’affiner le registre des Québécois. L’évolution est manifeste et même implacable, tant les réalisations qui se succèdent viennent peaufiner leur propos et leur style, qui se nourrit autant de Classic Rock, que d’un Blues musclé, de Stoner, de psychédélisme et d’un proto-Metal forcément vintage, mais si rafraîchissant.

Après un deuxième opus éponyme en 2022, puis « Mastermind » en 2023, le quatuor livre donc « Sorrow’s Pyre » et semble toujours aussi inspiré. Mieux, il atteint une sorte d’apogée qu’on sentait poindre depuis un petit moment déjà. L’identité musicale d’OCCULT WITCHES est éclatante et doit aussi sans doute beaucoup à sa chanteuse, Vanessa San Martin, littéralement habitée par des ambiances forcément sombres, tournées vers un occultisme, qu’elle fait vivre avec autant de puissance que de délicatesse. La maîtrise est totale.

Entourée par le flamboyant guitariste Alec Sundara Marceau, et soutenue par le duo basse/batterie composé de Danick Cournoyer et Eliot Sirois, la frontwoman est le point d’équilibre du groupe, dont chaque membre apporte sa touche dans un ensemble très organique, capable de se déployer dans des moments intenses et musclés comme à travers des passages plus légers. OCCULT WITCHES passe de l’ombre à la lumière avec un irrésistible côté hypnotique (« Malice », « Faustian Bargain », « Flesh And Bones », « The Fool »).   

Catégories
Heavy metal Old School

Sunbomb  : back to the roots

Parfois les side-projets permettent aux artistes de s’échapper un temps de leur chapelle musicale et même à l’occasion de revenir à leurs premières amours en se faisant tout simplement plaisir. Cela semble être le cas avec ces deux monuments du Hard Rock américain, Tracii Guns et Michael Sweet. Loin des L.A. Guns et de Stryper, c’est sur un Heavy sombre et massif qu’ils ont jeté leur dévolu et il faut bien avouer que ça leur va bien et qu’ils sont plus qu’à la hauteur de cette nouvelle entreprise. « Light Up The Sky » ravive toute une époque.

SUNBOMB

« Light Up The Sky »

(Frontiers Music)

Avec SUNBOMB, la mention ‘toute ressemblance avec des groupes déjà existants ou ayant existés’ n’a rien de fortuite et prend même tout son sens. Sous l’impulsion du patron de Frontiers Music, Tracii Guns et Michael Sweet se sont réunis il y a quelques années autour d’un projet de Heavy Metal traditionnel pour prolonger, à leur manière, l’héritage laissé par Black Sabbath, Dio, Ozzy ou Judas Priest pour ne citer qu’eux. Et après le très bon «  Evil And Divine » (2021), le duo récidive avec un « Light Up The Sky », tout aussi convaincant.

C’est vrai qu’avec ce groupe, le leader de L.A. Guns et le frontman de Stryper s’éloignent de leur registre habituel respectif, mais ils démontrent avec beaucoup de vigueur et avec le talent qu’on leur connait qu’ils sont bel et bien des guerriers et, si certains en doutaient encore, « Light Up The Sky » est une réponse franchement éclatante. SUNBOMB propose un répertoire très dark et nous propulse directement dans les années 80/90 sur une production actuelle et puissante. Et le plaisir des deux musiciens est palpable.

Tandis que Tracii signe toutes les guitares et la basse, soutenu à la batterie par l’ex-L.A. Guns Adam Hamilton, Michael Sweet donne de la voix et offre un beau contraste avec son groupe, qui vient d’ailleurs de sortir un nouveau single (« End Of Days »). Il y a même un petit côté fétichiste chez SUNBOMB dans sa recherche de l’aspect intemporel du Heavy Metal des origines. De « Unbreakable » à « In Grace We’ll Find Our Name », « Steel Hearts », « Rewind » ou « Scream Out » et « Setting The Sail », cet opus est marqué au fer rouge.

Catégories
Classic Rock Pop Rock Rock

Trigger King : happy days

Ne vous fiez pas au grand coq de la pochette, le Rock de TRIGGER KING est clairement anglo-saxon avec même une petite touche américaine. Assez imprévisible dans son contenu, « The Giant Rooster EP » est le premier effort des musiciens de l’Est et il se présente comme une sorte de carte de visite. Si on comprend vite l’intention, c’est plus compliqué qu’en saisir le fond, tant l’ensemble s’éparpille sans révéler de véritable identité musicale à travers cinq titres finalement peu homogènes.

TRIGGER KING

« The Giant Rooster EP »

(Independant)

TRIGGER KING est la parfait illustration de ce pourquoi je déteste à ce point les EPs, sorte de format bâtard qui, lorsqu’il est bon, laisse systématiquement sur sa faim. Certes, je suis d’un autre temps où se contenter de singles et d’EP n’était même pas envisageable. Donc il faut reconnaître que « The Giant Rooster EP » a quelque chose de frustrant. Cela dit, c’est aussi une façon comme une autre de mettre le pied à l’étrier, alors prenons ainsi ce premier et encore toujours frais enregistrement du quatuor français.

Trois ans après sa formation et après avoir écumé quelques scènes, le groupe a décidé de franchir les portes du studio White Bat Records en compagnie de Rémi Gettliffe (Dirty Deep, Undervoid) pour y graver cinq de ses compositions. Et le résultat est plutôt bon et aussi surprenant, puisque TRIGGER KING présente un panel musical peu banal. Si les bases sont Rock, légèrement Heavy, bluesy et teintées de Classic Rock, on perçoit aussi quelques notes de Brit Pop pour le moins désarmantes.

Malgré quelques refrains mielleux façon Oasis, le combo de Mulhouse en a sous le pied, comme en témoigne son guitariste, jamais avare d’un bon riff. Cependant, on attend que le groupe décolle, ce qui rendrait son jeu plus ample, pertinent et tranchant… A moins que TRIGGER KING ne garde cet aspect pour ses concerts. Entre des sonorités très Pop (« Take Me By Surprise », Rock vintage (« Riding High », « Season Of The Sun ») et une longue ballade (« Reaching For the Moon »), on peine à trouver une unité dans ce si court format.

Photo : Sébastien Koch
Catégories
Heavy Blues Heavy Rock

Birdstone : impulsions existentielles

Entre mysticisme et atmosphère vintage, le Heavy Blues Rock de BIRDSTONE se déploie avec toujours autant de résolution et de modernité dans le son. Rugueux, mais aussi aérien, le registre de la formation de Poitiers se renouvelle au fil des réalisations et « The Great Anticipation », sa troisième, atteint même des sommets en termes de créativité et de finesse dans l’interprétation. Près d’une décennie après ses débuts, le combo s’est forgé une identité artistique comme nul autre dans l’hexagone.

BIRDSTONE

« The Great Anticipation »

(La Cage)

Le trio approche les dix ans d’existence et livre un troisième album toujours aussi original et personnel dans un registre, qui voit s’entrechoquer un Heavy Rock fiévreux et un Blues très brut dans des couleurs Stoner. Au fil des productions, BIRDSTONE affine son style, ce qui le rend assez unique en son genre. D’ailleurs, c’est dans cet esprit qu’a été conçu « The Great Anticipation » qui vient en quelque sorte compiler les singles sortis depuis « Loss », précédent opus sorti en 2022 et qui était déjà lui aussi particulièrement massif.

Avançant en toute indépendance depuis sa création, BIRDSTONE s’est aussi résolu à fonder sa propre structure, La Cage, titre de son premier EP paru en 2017. Les temps ont changé donc, et les trois musiciens ont décidé de s’adapter à la nouvelle donne pour diffuser leur musique. Une chose ne change cependant pas, c’est le line-up composé d’Edwige Thirion (basse), de Basile Chevalier-Coudrain (guitare, chant) et de Benjamin Rousseau (batterie). Ces deux derniers évoluant également avec The Necromancers.

Etant donné que plusieurs titres ont déjà été dévoilés au fil de ces derniers mois, la surprise n’est donc pas totale concernant le contenu, même s’il reste quelques agréables découvertes. Et ce qui est aussi remarquable, c’est l’homogénéité de « The Great Anticipation », qui n’apparaît pas comme un empilement de morceaux. La cohésion est évidente et BIRDSTONE parvient sans mal à nous imprégner de son univers (« Eyes On The Calling », « Alcyon », « Cinnamon Creek » et « Méandres »).

Photo : Lise Lefebvre

Retrouvez la chronique de « Loss » :

Catégories
Heavy metal Stoner Doom Stoner Metal

The Watchers : un regard noir

Issu de l’underground Metal de San Francisco, THE WATCHERS se blottit avec une certaine férocité dans l’obscurité et les ténèbres d’un Stoner Metal dont les saveurs très 70’s sont définitivement addictives. Pour autant, il ne risque pas d’échapper très longtemps aux lumières qui devraient le relever à un plus large public. Cette deuxième production est d’une efficacité et d’une virtuosité décapante. « Nyctophilia » est un voyage musical aux atmosphères multiples et singulières qui donne envie de repartir encore et encore.

THE WATCHERS

« Nyctophilia »

(Ripple Music)

Loin des fastes de la scène Thrash Metal qui colle à la peau de la Bay Area, THE WATCHERS a pris une toute autre voie, celle d’un Stoner teinté de Heavy Metal et aux légers accents Doom. Créé en 2016, les membres du groupe ont d’abord fait leurs armes chez Spiral Arms, White Witch Canyon, Black Gates, Systematic et Vicious Rumors. Autant dire que le quatuor est rompu à l’exercice, ce qui lui permet d’évoluer avec une aisance naturelle dans un univers qu’ils s’est façonné minutieusement pour distiller un style très personnel.

Toujours produit et réalisé par Max Norman (Ozzy, Megadeth), « Nyctophilia » marque pourtant un tournant pour THE WATCHERS, qui voit ici ses compositions parfaitement mises en lumière par un son étincelant. Après l’EP « Sabbath Highway » sorti l’année de sa formation, puis le premier album « Black Abyss » et le court « High And Alive » livré en pleine pandémie, les Californiens prennent une nouvelle dimension. Ce deuxième opus avance sur des morceaux variés, très aboutis et originaux malgré d’évidentes références.

Sur une intro acoustique, THE WATCHERS nous guide vers les ténèbres comme écrasés par un soleil de plomb avec « Twilight » et «  I Am The Dark ». Sur des riffs épais et charpentés, le combo nous saisit pour ne plus nous lâcher. Emmené par Tim Narducci (guitare, chant), il déroule sur des mélodies prenantes, parfois bluesy, des solos enivrants et un chant véritablement habité (« Eastward Though The Zodiac », « Haunt You When Im Dead », « Taker »). Et l’ambiance vintage vient accentuer cette sombre et délicieuse emprise.

Catégories
International Psych Prog Rock 70's Stoner Rock

Sun Q : shamanic trip [Interview]

Entrer dans l’univers de SUN Q est à la fois une aventure et un voyage musical assez unique, faits de rêveries qu’on lit dans les détails souvent vertigineux de ses morceaux. Entre Psych Rock et Stoner, la marque vintage domine, tandis que l’approche est résolument moderne. Sur « Myth », son dernier album en date, le duo russe, composé d’Elena Tiron et Ivan Shalimov, brise les codes et les frontières artistiques pour créer un style très personnel. La voix de la chanteuse flirte avec des couleurs chamaniques très aériennes, pour l’instant suivant déferler dans des fulgurances puissantes et captivantes. Rencontre avec une frontwoman inspirée, déterminée et d’une saisissante créativité.    

– Sept ans se sont écoulés depuis votre premier album « Charms ». D’ailleurs à l’époque, vous vous présentiez comme un quatuor, contrairement à aujourd’hui, où vous vous affichez en tant que duo. Qu’est-ce qui a changé entre temps ? Vos chemins se sont séparés et vous avez préféré vous recentrer tous les deux ?

Notre groupe est jusqu’à présent un projet non-commercial, ce qui signifie qu’il nécessite une énergie et des ressources importantes qui ne sont pas récompensées financièrement. Certains membres, à un moment donné, ont réévalué leurs priorités. Même si nous nous positionnions auparavant comme un quatuor, tout au long de cette période, le noyau et la force motrice derrière les idées ont toujours été nous deux. Cependant, nous sommes toujours heureux de partager le processus créatif avec des musiciens talentueux.

– Cela dit, lorsque l’on voit le line-up à l’œuvre sur « Myth », on constate que vous êtes encore très nombreux sur l’enregistrement de l’album. C’est dû au fait que vous composiez tout tous les deux, et qu’ensuite vous construisez le groupe au gré des compositions ?

Au départ, quand les idées et les éléments ont émergé, nous avons recherché des personnes qui s’aligneraient là-dessus. Nous sommes restés ouverts aux suggestions, surtout lorsque nous avons trouvé des musiciens, qui pensaient être en phase avec nous et qui partageaient notre sens du beau et du goût. L’album comprend plusieurs moments qui ont été apportés pour certains lors de l’enregistrement ou de la composition, et ils constituent une partie essentielle de notre création artistique. Néanmoins, le résultat final et les décisions que nous prenons constamment en cours de route restent entièrement de notre responsabilité.

– D’ailleurs, si l’on revient sur votre discographie, il y a eu cinq singles avant « Charms » et autant avant « Myth », même si l’on y retrouve que trois morceaux. Pourquoi n’y avez-vous pas intégrer « Severe » et « Searching The Skull » ? Ils n’entraient pas dans l’atmosphère générale de l’album ?

En fait, nous avons bien inclus « Searching for the Skulls » dans le nouvel album, mais dans une interprétation différente. Il s’intitule « Still Searching for the Skulls » et il vient souligner que nous les recherchons toujours ! (Sourires) Pour l’album « Myth », nous avons décidé d’utiliser des synthétiseurs analogiques vintage, uniquement parce qu’ils correspondent mieux à notre concept sonore. La version album de cette chanson penche davantage vers le genre Synthwave et est plus calme. Nous avons aussi eu l’idée de créer une ‘pause’ entre les deux parties de l’album. La version single est sortie, parce qu’un de nos amis avait entendu la démo et avait hâte de tourner une vidéo. C’était quelque peu impulsif.

Quant à « Severe », nous adorons cette chanson, mais nous ne la percevons pas dans le cadre d’un album. Elle est très indépendante à nos yeux et a été créé à l’origine pour être ainsi. D’ailleurs, le chœur gospel, qui apparaît sur « Severe », a également été enregistré en partie pour la chanson « Tree ».

– Justement, la force de SUN Q réside précisément dans les ambiances. Tout en empruntant un nombre assez conséquents de styles différents, il y a une réelle unité musicale qui forme un son original, varié, parfois même opposé, mais où l’on se retrouve toujours. Finalement, votre identité sonore est constituée de nombreux éléments avec le Rock comme moteur. Pour qui ne vous connaîtriez pas, comment définissez-vous l’univers de SUN Q ?

Merci pour cette question, car nous accordons en effet une grande attention à la création des ambiances. Elles ont parfois magiques, parfois rêveuses, passionnées, désespérées, voire étranges, mais toujours captivantes. A travers nos chansons, nous visons à plonger l’auditeur dans une atmosphère qu’il aura envie d’explorer. Nous voulons que notre musique soit vibrante et émotionnelle. Lorsque nous écrivons une chanson, nous ne nous concentrons pas sur le style ou le genre, dans lequel elle s’intégrera. Ce qui compte le plus, c’est que l’auditeur trouve cela intriguant et se demande ce qui va suivre.

– Vous avez enregistré « Myth », chez vous en Russie, puis le mix a été réalisé en Angleterre. C’était compliqué pour vous de tout faire en un même endroit, ou est-ce que vous avez senti le besoin d’avoir un regard extérieur, peut-être pour mieux canaliser votre musique, qui ne manque pas de sonorités en tous genres ?

Nous croyons fermement que les personnes qui partagent notre direction créative peuvent améliorer et enrichir notre musique. Une nouvelle perspective dans la musique est toujours importante, surtout lorsque vous êtes dans le processus de production depuis très longtemps. Nous avons cherché pendant des mois un tel spécialiste dans le monde entier ! Nous sommes reconnaissants envers notre ingénieur qui a réalisé le mixage, Sean Genockey, car son œil extérieur a revitalisé notre musique et l’a rendue plus belle.

– Si l’on prend en compte les variations Stoner, Psych, Blues, Prog et Heavy Rock, ce qui ressort de SUN Q est une sorte de côté théâtral, une mise en scène musicale où le texte semble guider les chansons. C’est cet aspect narratif qui a le dessus sur le reste ?   

En fait, la musique russe met l’accent sur les paroles. Cela la distingue considérablement de la musique occidentale où, à notre avis, la musique joue souvent un rôle plus important. Même si nous penchons vers un concept occidental, il est intéressant de noter que notre musique donne toujours l’impression que les paroles prennent le dessus. En fait, nous apportons beaucoup d’efforts dans nos paroles, avec beaucoup d’attention pour chaque mot.

– Si l’on revient sur l’ensemble des musiciens qui vous accompagnent sur « Myth », on est assez surpris de voir à quel point tous se fondent dans un même élan, une même voie et ce grâce à un travail assez phénoménal sur les arrangements. Vous ne vous êtes trop arrachés les cheveux au moment du mix justement, au moment de faire une place à tout le monde ?

Nous étions terriblement inquiets de la façon dont l’ingénieur gérerait cette tâche, car nous avions parfois vraiment l’impression d’en faire trop. Néanmoins, il était important pour nous de transmettre notre musique telle que nous la souhaitions et avec tous les instruments, chacun apportant sa propre couleur.

– On l’a dit, le son de SUN Q est résolument Rock, avec de multiples variantes. Et pourtant, on y retrouve du saxophone, de la trompette, du violon, du violoncelle, du trombone et même (plus étonnant !) de la nickelharpa, un instrument traditionnel suédois. Toutes ces idées sont venues au fur et à mesure de la composition, ou plutôt au moment de l’enregistrement ?

Toutes ces idées sont apparues au cours du processus de composition, mais assez spontanément. Comme « Jane Doe » a un côté très Soul, nous avons pensé que ce serait une bonne idée d’enregistrer une section de cuivres. Dans « Crystal Doors », le saxophone a véritablement ajouté une ambiance noire sur la fin. Les autres cuivres ont rendu le tout plus épique. Ces idées sont venues indépendamment les unes des autres. Cependant, conceptuellement, cela a parfaitement fonctionné : l’album commence et se termine par des cuivres. Les cordes ajoutent une touche Folk sombre et même une touche plus underground.

Et lorsque nous avons découvert l’existence du nyckelharpa, il n’était pas nécessaire de discuter de l’endroit, ou de la manière dont il sonnerait. Nous avons vite réalisé que, sans son caractère médiéval, la chanson « Animals » ne serait pas complète. Nous sommes également très satisfaits de « I Am The Sun », où nous avons réussi à mélanger des percussions africaines, des parties de synthétiseur très 80’s, du Disco, des chœurs et des couplets très sombres. L’objectif n’était surtout pas de rassembler des éléments disparates, bien au contraire, tout s’est produit de manière très organique et naturelle.

– Et puis, il y a aussi cet esprit très 70’s qui domine et qui, par son atmosphère, libère une production très organique justement sur l’album. C’est aussi quelque chose qu’il était important pour vous de conserver ?

Oui, nous considérons le son vintage et le style Rock de cette époque comme le fondement de notre musique, que nous complétons ensuite avec d’autres éléments. Le son vintage possède une crudité, une authenticité et une imperfection que nous apprécions profondément et qui nous manquent dans le Rock moderne.

– Un mot tout de même sur ta voix, Elena, qui l’un des atouts majeurs de SUN Q. On te sent très à l’aise dans de nombreux registres, qui vont d’une douceur incroyable à des éclats plus bruts. C’est toujours très instinctif dans la perception qu’on en a, et aussi très captivant. Est-ce que cela vient de cet esprit psychédélique, parfois chamanique, qui parcourt ce nouvel album ?

Merci beaucoup ! Je m’efforce d’utiliser ma voix pour transmettre ce que nous considérons comme l’une des techniques les plus puissantes de la musique : le contraste. Je suis ravie que tu aies ressenti cet esprit chamanique, cela signifie que tout n’a pas été vain. Dans les régions du Nord de la Russie, plusieurs groupes ethniques entretiennent encore des traditions chamaniques et communiquent avec les forces de la nature. Cette ambiance correspond à notre désir de créer des images de cet héritage à travers nos chansons. Nous donnons beaucoup d’importance à toutes ces anciennes traditions, où il y a toujours quelque chose de magique.  Il y a en elles un grand pouvoir qui nous inspire.

– Enfin, sans entrer dans des considérations politiques, car ce n’est pas le lieu, est-ce que la guerre en l’Ukraine et la pression internationale ont mis un frein à l’activité artistique en Russie ? Et surtout, est-ce que cela vous a impacté directement ?

Oui, cela a un impact. La scène musicale a considérablement diminué en Russie. Les musiciens se retrouvent dans une situation délicate, soumis à une forte censure. Ils doivent surveiller attentivement chaque mot qu’ils prononcent, mais il y a toujours un risque de se retrouver sur les listes de ‘groupes interdits’, qui circulent dans les clubs du pays, interdisant les représentations. Nous sommes véritablement préoccupés par l’orientation de la culture musicale russe. Simultanément, des services comme Spotify ont quitté le pays et les labels internationaux retirent aussi leur musique des catalogues, ce qui rend difficile l’accès aux nouveautés étrangères. Nous pensons que les échanges culturels sont cruciaux et, malheureusement, ils ont considérablement diminué. Après le début de la guerre, il s’est avéré que la seule chose qui nous a aidés à faire face à l’état de choc et d’horreur a été de commencer à composer de nouvelles chansons. Elles seront sur notre prochain album, que nous espérons sortir malgré tout.

Le dernier album de SUN Q, « Myth », et les autres sont disponibles sur le Bandcamp du groupe, ainsi que les singles :

https://sunqband.bandcamp.com/