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Blues

Bad Daddy : le son de Chicago

Il y a des rencontres qui dégagent immédiatement une certaine magie et qui donnent lieu à des interactions exceptionnelles. C’est très exactement ce qu’il s’est passé entre les guitaristes Paul Waring et Pete Galanis au sein de BAD DADDY pour donner vie à « It’s A Mad Mad Bad Dad World », un album de Blues à la fois classique et envoûtant, façon vaudou.

BAD DADDY

« It’s a Mad Mad Bad Dad World »

(PieHole Records)

BAD DADDY nous arrive tout droit de Chicago et cela s’entend ! Imprégnés de la culture Blues locale et surtout de ce son si caractéristique, le guitariste Pete Galanis et son comparse, également six-cordiste et chanteur du groupe, Paul Waring se sont croisés l’an dernier autour d’un verre et ont tout simplement décidé de faire un disque ensemble.

Fondé par Waring, BAD DADDY s’affiche avec un deuxième album, « It’s A Mad Mad Bad Dad World », le premier où collaborent à part égale les deux musiciens. Et il faut bien avouer que c’est un régal, tant leur son de guitare respectif est reconnaissable et personnel. D’ailleurs, ils s’en amusent tout au long des dix titres de l’album en les faisant se répondre.

Inspiré et entraînant, le Blues classique du groupe se conjugue avec des racines roots, qui apportent beaucoup de fraicheur. Très complices, Paul Waring et Pete Galanis, accompagnés par Ari Seder (basse) et Jason Edwards (batterie), livrent neuf très bonnes compositions et une reprise de Mighty Sam McClain presque vaudou. BAD DADDY ensorcelle tout en douceur.  

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Blues Rock

Albert Castiglia : une inspiration positive

Tout en les subissant comme chacun, le guitariste et chanteur ALBERT CASTIGLIA s’est inspiré de ces deux années de pandémie pour créer et alimenter son Blues Rock. Libre et virevoltant, le songwriter américain brille de nouveau sur ce « I Got Love » résolument optimiste et construit autour d’un sens du riff imparable.

ALBERT CASTIGLIA

« I Got Love »

(Gulf Coast Records)

Le Blues a toujours été un vecteur d’authenticité et de sincérité. Deux ans après « Wild And Free », le guitariste et chanteur raconte à travers ce nouvel album sa traversée de la pandémie avec ses hauts et ses bas et sur fond de portraits, mais de manière très ardente et combative. Le Blues Rock de l’Américain est toujours vif et endiablé, et ALBERT CASTIGLIA livre un opus d’une grande fraîcheur.  

Produit par Mike Zito, « I Got Love » s’inscrit dans la veine de son prédécesseur et on retrouve avec plaisir cette électricité qui ne le quitte jamais. Toujours en quatuor, le songwriter distille un Blues Rock emprunt de liberté, grâce à un feeling et une dextérité incroyables. ALBERT CASTIGLIA donne vraiment le sentiment d’être sorti renforcé de cette sombre période.

Catalysant son énergie dans des riffs appuyés et vigoureux, le bluesman va à l’essentiel sur 11 morceaux torrides et entêtants. Très Rock dans son jeu, ALBERT CASTIGLIA est aussi chaleureux que fougueux et ce nouvel album est un véritable remède à la morosité (« Burning Bridges », « Long Haul Daddy », « Freedomland », « Take My Name »). Il se réinvente à chaque morceau tout en restant très explosif.  

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Blues Rock Southern Rock

[Going Faster] : Dan Patlansky / The Kenneth Brian Band

Parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de disques qui sortent et qu’il serait dommage de passer à côté de certains d’entre eux : [Going Faster] se propose d’en mettre plusieurs en lumière… d’un seul coup ! C’est bref et rapide, juste le temps qu’il faut pour se pencher sur ces albums, s’en faire une idée, tout en restant toujours curieux. C’est parti !

DAN PATLANSKY – « Shelter of Bones » – Virgin Music Label/Artist Services

Dixième album pour le Sud-Africain DAN PATLANSKY, dont le talent de guitariste et de chanteur, mais aussi de compositeur, a largement dépassé les frontières de son pays depuis son premier album, « Standing At The Station », sorti en 1999. Depuis, le bluesman n’a eu de cesse de peaufiner son Blues Rock et il faut reconnaître que « Shelter Of Bones » est irrésistible. Le musicien, qui produit également son album, a mis trois ans à élaborer ces nouveaux morceaux avec, dans un coin de la tête, un style à la fois percutant et mélodique. Et l’objectif est atteint avec classe. Frais et dynamique, le Blues Rock de DAN PATLANSKY est moderne, tout en restant intemporel. En sortant des sentiers classiques du genre grâce à une touche assez musclée, il parvient à sortir brillamment du rang.

THE KENNETH BRIAN BAND – « Keys To The Kingdom » – Southern Shift Records

En l’espace de 20 ans, KENNETH BRIAN s’est taillé une solide réputation, mais a surtout élaboré un style bien à lui. Chanteur, guitariste et songwriter, l’Américain présente un Southern Rock très particulier auquel il a insufflé des touches de Blues, d’Alternative Country et d’Americana. Un cocktail explosif que le musicien mène à son sommet sur ce très bon « Keys To The Kingdom », qu’il a été enregistrer avec le producteur du Allman Brothers Band, Johnny Sandlin, au fameux studio Rancho de la Luna à Joshua Tree en Californie. Et il n’a fallu que cinq jours à KENNETH BRIAN et son groupe pour élaborer son nouvel album et le rendre littéralement magique. « Keys To The Kingdom » est un petit bijou teinté du mojo du désert de Mojave. Soul et incendiaire.  

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Blues

Fred Chapellier : un Blues complice

Pour son nouvel album, le guitariste et chanteur FRED CHAPELLIER a mis les petits plats dans les grands avec douze titres envoûtants rondement exécutés par un casting d’exception. Enregistré, mixé et produit par le bluesman français, « Straight To The Point » présente un Blues contemporain d’où émane brillamment la touche de l’artiste. Du rythme et de la douceur.

FRED CHAPELLIER

« Straight To The Point »

(Dixiefrog/ Pias)

Dans notre bel hexagone, les grands guitaristes de Blues peuvent assez facilement se compter sur les doigts d’une seule main et FRED CHAPELLIER compte parmi eux, ça ne fait aucun doute. Et près de 20 ans après « Blues Evil », son premier album, le guitariste et chanteur semble plus que jamais au sommet de son art sur ce « Straight To The Point » aux multiples saveurs et au line-up éblouissant.

Pour son nouvel album, et après quelques escapades rapides sur « United Guitars », FRED CHAPELLIER a réuni quelques proches, qui se trouvent être aussi des cadors dans le domaine, à savoir Neal Black, Billy Price, Alain Rivet ou encore Jimmy Britton. Outre ces ‘guests’, Guillaume Destarac (batterie), Christophe Garreau (basse), Patrick Baldran et Jérémie Tepper (guitares) font tourner la boutique avec élégance.

« Straight To The Point » ronronne et la chaleureuse voix de FRED CHAPELLIER se fait une belle place aux côtés d’une guitare aussi virtuose que pleine de feeling (« Mother Earth », « I’d Rather Be Alone », « Remnants »). Pour autant, le Messin ne donne pas dans la démonstration, mais se met au service de morceaux superbement enveloppés d’une sublime session cuivre. Grande classe !

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Blues Blues Rock

Mike Zito : always the south

Depuis un moment déjà, MIKE ZITO est devenu l’un des hommes forts de la scène Blues américaine, et pas uniquement. Soutenu par un groupe de cadors du genre, le chanteur-guitariste, également songwriter et producteur, revient avec un double-album live majestueux, « Blues For The Southside », où il rend hommage au Texas notamment.

MIKE ZITO

« Blues For the Southside »

(Gulf Coast Records)

Depuis 2018, le guitariste, chanteur, songwriter et propriétaire de Gulf Coast Records, MIKE ZIT0, multiplie les albums et les productions et compte désormais parmi les bluesmen américains incontournables. Cette fois, c’est avec un superbe double-album live, enregistré en novembre 2021 à la Old Rock House de Saint Louis, Missouri, qu’il se présente avec panache.

Principalement composés par MIKE ZITO, ces morceaux sont surtout extraits de ses albums « First Class Life », « Gone For Texas » et « Make Blues Not War ». On y retrouve aussi le « Johnny B Goode » de Chuck Berry et quelques titres immortalisés par Jimi Hendrix, Stevie Ray Vaughan et Tampa Red. Le seul inédit étant le morceau-titre de l’album, un exercice de haute-volée.

Dorénavant basé à Nederland au Texas, le virtuose de la six-codes rend ici hommage à sa nouvelle patrie avec un entrain et une délicatesse de chaque instant (« Texas Flood », « Hell On Me », « Highway Mama », « Dying Day », …). Brillant et plein de feeling, MIKE ZITO est comme toujours superbement accompagné et l’homme de Saint Louis s’impose avec une classe naturelle.

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Blues

John Mayall : indétrônable

C’est à croire que JOHN MAYALL est éternel, tant le bluesman mène et continue sa carrière en surfant sur une inspiration qui se régénère et se renouvelle d’elle-même. Quelques dizaines d’albums après ses débuts, le père du British Blues surgit avec « The Sun Is Shining Down », un album solaire et résolument optimiste, où il n’a pas manqué d’inviter quelques amis de grand talent.

JOHN MAYALL

« The Sun Is Shining Down »

(Forty Below Records)

Trois ans après « Nobody Told Me » où le maître avait convié quelques amis, et pas des moindres, le guitariste et chanteur nous fait le bonheur de revenir avec « The Sun Is Shining Down », tout aussi majestueux. Cette fois, c’est en version quatuor qu’œuvre JOHN  MAYALL et du haut de ses 88 ans, le père du British Blues joue et chante toujours de la plus belle des manières.

Magnifiquement épaulé par Greg Rzab (basse), Jay Davenport (batterie) et Carolyn Wonderland (guitare, chant), le bluesman déploie un jeu de haute volée pour son  cinquième album chez Forty Below Records. Toujours produit par Eric Corne, « The Sun Is Shining Down » présente dix morceaux entraînants et déjà aux allures de classiques pour JOHN MAYALL.

Enthousiaste et malicieux, l’Anglais s’empare aussi de l’harmonica et des claviers pour magnifier ce nouvel album. A noter d’ailleurs deux très bonnes reprises de Bobby Rush (« I’m As Good As Gone ») et de Bernard Allison (« Chills And Thrills »), façonnées à la JOHN MAYALL. Et pour couronner le tout, les prestigieux Melvin Taylor, Marcus King, Buddy Miller et Mike Campbell apportent encore un peu plus de magie de à l’ensemble.

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Blues Rock International Soul / Funk Southern Rock

Harlem Lake : au service du feeling [Interview Part.2]

Suite et fin de l’entretien accordé par Janne Timmer, chanteuse et parolière de HARLEM LAKE avec qui on évoque cette fois des aspects plus personnels de ses textes, mais aussi la scène et les projets du groupe. Aussi sensible et pleine d’entrain que les morceaux de « A Fool’s Paradise Vol.1 », la frontwoman se dévoile et nous en apprend un peu plus sur les intentions du quintet, et pas seulement, dans les mois à venir.

Photo : Melle de Groot

– Si la cohérence de HARLEM LAKE réside dans l’osmose et l’harmonie entre chacun d’entre-vous, il faut admettre que ta voix est d’une force phénoménale, capable d’autant de feeling et d’émotion pure que de puissance. On te sent habitée sur chaque mot, Janne. Et ce naturel visible cache une grande technique. Il y a beaucoup de poésie et de délicatesse dans le chant. Pourtant, l’ensemble reste très abordable. C’est peut-être le difficile finalement, non ?

Tout d’abord, merci beaucoup. Trouver l’équilibre entre la poésie et le côté accessible est une quête permanente, mais franchement amusante ! Je parie qu’il y a un tas de gens qui ne seront pas d’accord sur ce côté très abordable de notre musique, mais ça ne me dérange pas. On ne peut pas plaire à tout le monde, mais je suis sûr que nous séduirons un public qui pourra s’identifier à notre musique et à nos histoires. Je cache souvent des situations personnelles dans les paroles, même si je pense qu’elles sont assez difficiles à déceler. Le meilleur exemple, je pense, sont les premières lignes de « I Won’t Complain » :

‘’The drawings on the wall are screaming my pain.

I’m so done with driving people sane.’’

À l’époque, j’étais assez perdue et j’essayais de combler un vide en idéalisant constamment les personnes. Lorsque je faisais l’amour, par exemple, j’avais tendance à défier l’autre, à le grandir et à l’aider à guérir dans l’espoir qu’elle resterait dans les parages. Le sexe est un espace sûr pour moi. J’ai laissé beaucoup de gens utiliser cet espace, alors qu’ils n’en réservaient pas pour moi. Cela s’est souvent avéré être une guérison pour eux, mais une expérience fatiguante et même dommageable pour moi. Montrer un côté très vulnérable et être spirituelle m’a souvent fait mal.

Ces quelques lignes parlent d’un gars en particulier avec qui je sortais à l’époque et qui m’envoyait des dessins sur des cartes postales que j’affichais dans ma chambre. Quand j’ai été rejetée pour la énième fois, j’en ai eu assez. Je cherchais un partenaire fiable, mais je me suis retrouvée avec des gens qui ont abusé de ma vulnérabilité. Dans la chanson, je voulais vraiment dire que j’en ai fini avec la guérison des gens en partageant mon intimité. Mais je n’ai pas de rancune, car cela m’a appris à prendre soin de moi en premier.

– « A Fool’s Paradise Vol 1 » dispose également d’une superbe production, très organique et au relief incroyable. Pour un premier album, vous êtes conscients d’avoir placé la barre très haute ?

Oui, nous en sommes conscients, et c’est à la fois une bénédiction et une malédiction que nous nous sommes imposées. Mais nous avions décidé avant de sortir l’album qu’il fallait qu’il soit à un niveau auquel on n’attendait pas un jeune groupe. Fixer la barre aussi haute est audacieux, mais nous pensons aussi que c’est nécessaire pour être pris au sérieux.

Photo : Cem Altınöz

– Votre son combine aussi à merveille un côté très intemporel avec un savant mélange de tradition et une approche très actuelle. Beaucoup de groupes restent dans l’un des deux registres sans forcément les associer. C’est votre jeunesse qui apporte cette fougue et ce brassage ?

Nous faisons la musique que nous aimons. Si nous avions trouvé un groupe qui faisait déjà exactement ça, on n’aurait pas eu besoin de le faire nous-mêmes. C’est une recherche permanente et, évidemment, toutes les musiques que nous avons entendues nous inspirent et parfois, nous aurions même aimé les avoir écrites. Cependant, je ne pense pas que cela aurait le même son. Découvrir de nouveaux artistes et surtout d’autres plus anciens est quelque chose que nous apprécions vraiment. Je pense que ce n’est pas notre jeunesse qui apporte ce brassage, mais le fait que tant de musique ait déjà été faite. Nous pourrions copier ce qui existe déjà, mais nous n’aurions aucune joie à le faire.

– Il y a aussi un détail qui a son importance sur « A Fool’s Paradise », c’est la précision du « Volume 1 ». Est-ce à dire que le suivant est déjà en route ou peut-être même déjà composé ?

(Rires) Bonne question ! Comme je l’ai écrit dans le livret de l’album : « Notre bébé s’appelle « A Fool’s Paradise vol.1 » et il aura certainement un petit frère ! ». C’est donc une partie de réponse à ta question. Pendant le confinement, il y a deux ans, nous avons écrit de nombreuses chansons avec Dave. Au départ, on voulait en mettre plus sur l’album, mais nous n’avions pas le budget pour ça. Nous avons donc pensé qu’il serait amusant de le diviser en plusieurs parties. Il y a donc encore quelques chansons qui traînent, attendant juste d’être enregistrées. Et depuis l’enregistrement du volume 1, nous avons encore écrit de nouvelles chansons. Cela dit, on veut prendre notre temps pour développer notre répertoire et écrire avec la nouvelle section rythmique avant de retourner en studio. En attendant, nous envisageons de sortir un single ou un EP live.

Photo : Melle De Groot

– Sur scène, vous passez d’une formule en quintet à une formation à douze musiciens avec l’apport de cuivres et de chœurs notamment. Là encore, on revient aux grandes formations Southern, qui permettent des possibilités instrumentales et harmoniques incroyables. C’est dans cette configuration que HARLEM LAKE prend réellement toute son ampleur, selon vous ?

Oui, cela apporte vraiment beaucoup à notre musique. Cela donne beaucoup de profondeur et ça donne à nos concerts quelque chose d’assez inoubliable. Evidemment, une bonne chanson reste une bonne chanson, et mettre beaucoup de monde sur scène ne l’affine pas pour autant. Mais nous avons soigneusement arrangé ces chansons pour l’album, et nous voulons que l’expérience live soit aussi proche que possible de la version enregistrée, et même la surpasse. Et puis, les musiciens qui partagent la scène avec nous sont tous d’un niveau incroyable, même s’ils sont aussi jeunes que nous. Seul petit bémol, il faut trouver l’équilibre entre les parties existantes et les jams spontanées, car nous n’avons pas encore eu l’occasion de jouer très souvent tous ensembles. Mais une fois que les concerts vont vraiment reprendre normalement, et que nous aurons le budget pour les répétitions, nous nous concentrerons définitivement pour devenir cette énorme machine !

– Enfin, les deux mots qui me viennent à l’esprit pour qualifier ce très bon premier album sont énergie et sincérité. Rassurez-moi, vous en avez encore sous le pied ?

Oh oui ! Nous en avons ! La pandémie commence à freiner et même si certains jours, nous sommes fatigués et découragés, il nous reste vraiment beaucoup d’énergie et chaque petite victoire, comme faire cette interview, vient l’alimenter. On ne peut jamais en être vraiment sûr, mais nous pensons que nous sommes sur la bonne voie pour réaliser nos rêves et nous espérons que vous resterez longtemps avec nous !

Site : https://harlemlake.com

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Blues Rock Folk/Americana International Soul / Funk

Harlem Lake : au service du feeling [Interview part.1]

Véritable révélation Americana Blues Rock venue des Pays-Bas, HARLEM LAKE a sorti il y a quelques semaine un superbe premier album, « A Fool’s Paradise Vol.1 ». Dans un registre très Southern, le quintet affiche une étonnante maturité et un style déjà très personnel. Guidé par la voix exceptionnelle de Janne Timmer, également parolière, le groupe traverse des contrées Blues, Rock et Soul avec une aisance désarmante et un feeling incroyable. Entretien en deux parties avec la chanteuse du groupe, qui nous en dit un peu plus sur le processus de création et la démarche artistique de HARLEM LAKE…

Photo : Melle de Groot

– La première chose qui surprend à l’écoute de « A Fool’s Paradise Vol.1 », c’est la découverte de votre pays d’origine, la Hollande. On a franchement l’impression d’entendre un groupe du sud des Etats-Unis. Vous avez grandi avec le registre Southern américain qu’il soit Rock, Blues ou Soul ?

Merci, c’est un vrai compliment ! Enfants, nous avons grandi avec beaucoup de styles de musique différents. Et à l’adolescence, nous avons tous découvert le Blues chacun à notre manière. Pour Dave (Warmerdam, piano, claviers – NDR), ce fut grâce à un accordeur de piano qui, après avoir accordé le sien, lui a joué du Boogie Woogie. Et il s’est avéré qu’il s’agissait de Mr Boogie Woogie, l’un des meilleurs pianistes néerlandais. Pour ma part, j’ai toujours adoré Joe Cocker et Sonny (Ray, guitare – NDR), quant à lui, porte vraiment l’héritage du Blues en lui. Nos parents écoutaient des artistes Rock plus grand public comme Dire Straits, Fleetwood Mac, Genesis et Pink Floyd. Et si on commence à creuser à partir de là, on finit toujours par se retrouver à la croisée des chemins !

– HARLEM LAKE a été fondé par votre pianiste Dave Warmerdam, avant d’être rejoint par Sonny Ray à la guitare et toi au chant. Ensuite, Benjamin Torbijn et Kjelt Ostendorf ont constitué la rythmique. Vous évoluez tellement naturellement ensemble que votre album sonne comme une évidence. Comment se sont passées ces rencontres, car il y a un tel feeling entre vous ?

Sonny et Dave se connaissaient de leur scène Blues locale, car ils viennent de la même région. Dave et moi, nous nous étions déjà rencontrés à plusieurs reprises durant notre adolescence. On avait l’habitude d’aller voir les groupes du coin en concert et lors des tremplins organisés dans un lieu près de chez nous : le Duycker. Le groupe a vu une vidéo où je chantais un classique du Blues, « Oh Darling », et ils m’ont invitée pour un concert-test en en forme d’audition. Sonny a été très enthousiaste et nous sommes devenus amis assez rapidement. Ça a vraiment matché ! Cependant, l’année dernière n’a pas été facile et nous avons dû nous séparer de notre ancienne section rythmique. Mais Kjelt (Ostendorf, bassiste – NDR) s’était déjà joint à nous quelque temps auparavant pour des sessions de pré-production, car notre précédent bassiste n’était pas disponible. Il joue également sur la plupart des chansons du disque. Et enfin, Benjamin (Torbijn, batterie – NDR) avait déjà joué avec Sonny auparavant dans un autre groupe et cela a tout de suite été évident quand nous l’avons invité à jammer.

Photo : Julia Bo Heijnen

– Vous avez composé et monté un répertoire très abouti en peu de temps, ce qui est très rare dans ce registre. Et les concerts ont rapidement confirmé votre talent. Vous avez senti tout de suite que votre musique s’imposait d’elle-même ?

Je pense qu’il n’y a pas de réponse simple et rapide à cela. Lorsque vous écrivez un morceau, vous pensez à la chanson et au message que vous voulez y mettre. La chose la plus importante est que nous aimons ce que nous faisons, et pendant l’écriture des chansons, nous nous concentrons uniquement sur la musique, tout le reste passe au second plan. Mais c’est vrai qu’il nous est arrivé d’écrire des morceaux qui ont immédiatement sonné. C’est un sentiment très excitant et grisant, lorsque vous créez quelque chose et que vous le ressentez tout de suite. Pour la plupart des chansons qui figurent sur « A Fool’s Paradise vol.1 », j’avais ce sentiment. Mais bien sûr, certains morceaux ont eu besoin de plus d’attention et d’être plus travaillés que d’autres.

– On l’a dit, HARLEM LAKE marie habillement les différents courants Southern avec une base Rock fortement teintée de Blues et de Soul. Vous avez l’intelligence de mettre votre technique au service d’un feeling incroyable. L’important est d’abord de donner une âme à vos morceaux ?

C’est une question difficile ! La plupart des chansons commencent par un feeling à partir duquel la musique évolue. Il nous pousse à prendre la guitare, à nous asseoir derrière le piano ou à chanter. Sonny et Dave ont le talent de traduire leurs sentiments en musique et je suis souvent capable de les mettre en mots et en mélodies. Les ingrédients les plus importants pour qu’une chanson vous touche est très probablement l’honnêteté et l’intention qu’on y met. Sans cela, ce serait juste creux et froid.

Photo : Cem Altınöz

– Les chansons sont littéralement transcendées par le feeling, l’émotion et ta puissance vocale, que l’on peut d’ailleurs aussi retrouver chez Sharleen Spiteri notamment. De quoi parlent vos textes et est-ce la musique qui vient se poser sur les paroles, ou l’inverse ?

Les thèmes principaux de notre premier album sont l’amour, la perte, le désir et ce que tout ça peut nous apprendre. Il s’agit de grandir à travers la douleur et de trouver la force d’affronter et d’apprendre, au lieu de retomber dans des schémas toxiques. Il faut apprécier ce que nous avons, tout en aspirant à ce que nous n’avons pas encore. Le titre « A Fool’s Paradise » fait référence au phénomène de vivre dans un monde où rien n’est ce qu’il paraît. Nous avons tellement grandi ces dernières années que nos chansons racontent les leçons que nous avons apprises et les nouvelles visions du monde que nous avons aujourd’hui. Par ailleurs, sur l’album, nous essayons de décrire le fait que tout le monde a des imperfections et éprouve des difficultés, et que ce serait un paradis de fous, si on pensait être les seuls dans ce cas ! (Rires)

En ce qui concerne le processus d’écriture, il diffère selon la chanson. La musique ou les paroles peuvent venir en premier, et cela dépend aussi si la chanson est écrite par l’un d’entre nous ou par l’ensemble du groupe. Cela peut arriver que le groupe soit en train de composer et qu’en même temps j’écrive les paroles, comme pour « Deaf & Blind ». Il est aussi arrivé que Dave produise entièrement un morceau et me l’envoie. Ce fut le cas pour « A Fool’s Paradise », par exemple. Parfois, j’écris des paroles sous forme de poème, je n’y touche pas pendant des mois et quand la bonne musique arrive, je les ressors comme pour « Please Watch My Bag ». Pour « The River », Sonny a sorti un riff de guitare, nous nous sommes assis à côté avec Dave et la chanson s’est faite ainsi. Nous n’avons pas vraiment de méthode, et très souvent, en utiliser plusieurs nous permet de découvrir beaucoup de choses.

– Outre les mélodies qui sont terriblement efficaces, il y a un énorme travail sur les arrangements, qui peuvent d’ailleurs rappeler les premiers albums de Tedeschi Trucks Band et d’autres grosses formations Blues et Soul. Chaque détail compte et pourtant l’ensemble est si fluide. On vous sent vraiment pointilleux et tellement libres à la fois. C’est un drôle de contraste, non ?

Oui, c’est vrai. Nous nous efforçons toujours d’obtenir une musique de grande qualité avec beaucoup de technique, mais nous nous laissons aussi beaucoup aller en suivant le feeling de l’un d’entre-nous. Lorsque nous discutons sur certaines parties de nos morceaux, nous arrivons facilement à mettre nos égos de côté pour être totalement au service de la chanson. Cela dit, c’est Dave qui a la plus grande influence sur les arrangements, tout simplement parce qu’il a une très bonne oreille et un grand feeling. Il sait mieux que personne élever une chanson. Par ailleurs, c’est un processus qui prend beaucoup de temps et qui demande beaucoup de tentatives, et pas toujours réussies d’ailleurs. C’est vrai que l’âme d’une chanson, comme nous en avons parlé plus tôt, prend forme et grandit pendant le processus d’écriture. Les détails et les arrangements que l’on ajoute ensuite sont là pour renforcer cet ensemble et laisser ressortir les parties les plus importantes, que ce soit un gros riff de guitare, le texte ou tout le travail fait en amont sur la mélodie.

A suivre…

Retrouvez la chronique de l’album :

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Blues Southern Rock

Tinsley Ellis : le diable tout sourire

Sur la route depuis quatre décennies, le guitariste, chanteur et songwriter TINSLEY ELLIS fait rayonner le Southern Blues Rock avec maestria. Créatif et respectueux des traditions musicales sudistes, il livre une fois encore dix titres originaux de grande qualité et particulièrement bienfaisants sur ce superbe « Devil May Care ». Une classe intacte !

TINSLEY ELLIS

« Devil May Care »

(Alligator Records)

Tout dans le jeu de TINSLEY ELLIS transpire sa Georgie natale. Après le très bon « Ice Cream In Hell », le songwriter a profité de l’interruption de sa tournée et du confinement pour poser de nouveau les doigts sur sa belle collection de guitares, d’amplis et de claviers vintage. Et c’est depuis son home-studio que le bluesman a commencé à s’amuser et à composer ce superbe « Devil May Care ».

Dans le pas de ses héros d’adolescent que sont BB King, Allman Brothers Band et Freddy King notamment, TINSLEY ELLIS nous offre un vingtième album plein d’entrain et de chaleur dans lequel on sent véritablement le plaisir que prend l’Américain sur ses nouveaux morceaux (« One Less Reason », « Right Down The Drain », « Beat The Devil »). Son Southern Blues Rock résonne comme rarement à travers des guitares et des harmonies majestueuses.

Co-produit avec son complice de toujours, le claviériste Kevin Mc Kendree, et enregistré dans son studio à Franklin, Tennessee, « Devil May Care » atteint des sommets de finesse (« Stand Back », « Don’t Bury Our Love »). De chorus de guitares renversants à des solos incandescents, TINSLEY ELLIS joue sur sa fibre Southern comme une respiration naturelle. Accompagné par Steve Mackey (basse) et Lynn Williams (batterie), il rayonne autant que cet album.

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Blues

Reddog And Friends : Southern Blues rules

Cela fait des décennies que le guitariste et chanteur REDDOG perpétue la tradition du Southern Blues avec un feeling et une sincérité intacte et à toute épreuve. Superbement produit, « Booze, Blues And Southern Grooves » met en lumière un registre authentique livré par un groupe dont la légitimité reste incontestable.

REDDOG AND FRIENDS

« Booze, Blues and Southern Grooves »

(Survival South Records)

Tout dans ce nouvel album de REDDOG AND FRIENDS respire le sud des Etats-Unis que ce soit du côté des musiciens, dans le son et jusqu’au lieu où a été enregistré « Booze, Blues And Southern Grooves ». Figure de la scène Blues d’Atlanta et aujourd’hui basé à Pensacola en Floride, c’est pourtant au cœur de l’Alabama que ce nouvel opus a vu le jour dans une tradition respectée.

Le guitariste et chanteur est ici entouré de ses amis, eux-mêmes des cadors du registre et d’un trio féminin incroyable aux chœurs. Chaleureux et tout en émotion, on est littéralement bercé par ce Blues très Soul aussi langoureux que groovy. REDDOG AND FRIENDS propose une plongée immersive essentiellement Southern à travers des morceaux plus intemporels les uns que les autres.

Le début de l’enregistrement s’est fait avec le regretté producteur Johnny Sandlin pour trois titres uniques (« Simple Song », « Searching For Some Soul », « Honest Man »), qui ont servi de base à « Booze, Blues And Southern Grooves ». Le reste de l’album a très naturellement été terminé à Muscle Shoals, chez East Avalon Recorders, afin de conserver l’esprit et l’authenticité de ce son immuable. REDDOG AND FRIENDS envoûte… tout simplement !