Moins percutant qu’à ses débuts depuis quelques années maintenant, THREE DAYS GRACE avait fait une annonce forte en fin d’année dernière avec l’arrivée derrière le micro de son chanteur originel, également songwriter affûté. On attendait donc beaucoup de ce huitième opus. Force est de constater que les Canadiens, qui restent une institution mondiale de l’Alternative Metal, ont retrouvé cette inspiration instinctive et l’aspect massif de leur jeu avec cet « Alienation » ravageur et volontaire.
THREE DAYS GRACE
« Alienation »
(RCA Records)
Onze ans après son départ, Adam Gontier a réintégré en octobre dernier la formation qu’il avait lui-même fondé en 1997 après l’expérience Groundswell. Parti ensuite créer Saint Asonia, supergroupe qui a surtout connu un succès d’estime, et ayant aussi fait quelques featurings chez Apocalyptica et Art Of Dying, le chanteur, guitariste et compositeur marque un retour explosif. Car si Matt Walst (frère du bassiste Brad) a bien assuré l’intérim, et reste d’ailleurs au chant, la réapparition du leader de THREE DAYS GRACE fait du bien et atteste d’une vigueur reconquise.
Ayant donc laissé filer trois albums, le frontman apporte la fraîcheur et l’enthousiasme qui ont fait la marque de fabrique du quintet dans les années 2000. Et « Alienation », sa huitième réalisation, renoue avec cet Alternative Metal pêchu et mélodique, capable d’alterner les morceaux les plus agressifs avec des ballades poignantes ou des hits ultra-formatés. THREE DAYS GRACE souffle le chaud et le froid avec beaucoup d’habileté et d’assurance, quitte à distiller de-ci, de-là quelques couplets et refrains dégoulinant de guimauve. On ne se refait pas.
Le rapide échange parlé en intro du très bon « Dominate » confirme la joie des retrouvailles et l’énergie propulsée sur cette entame est plutôt de bon augure. Riffs puissants, chant au diapason et une rythmique qui bastonne, « Alienation » s’articule sur des thèmes sombres et introspectifs, mais laissent pourtant se propager un sentiment global très positif (« Mayday », « Cold Blood », « Another Relapse », « The Power » et le morceau-titre). La grosse production, toujours présente, fait elle aussi partie de l’ADN de ce THREE DAYS GRACE qui se montre conquérant.
Retrouvez la chronique de leur album précédent « Explosions » :
C’est un souffle vivifiant que l’on attendait depuis un petit moment et aussi sans doute l’une des sorties la plus scrutée de l’année. Puissant et terriblement bien peaufiné, « Private Music » devrait ravir les fans de Rock comme de Metal et ce malgré cette terne époque. Entre Alternative Metal et post-Grunge, la formation de Sacramento a rarement dégagé autant de force, via de déchirantes mélodies et une identité artistique unique. Incomparable et inégalé, DEFTONES reste indéboulonnable de ce panthéon qu’il s’est lui-même bâti.
DEFTONES
« Private Music »
(Reprise/Warner)
Cinq ans après « Ohms », DEFTONES a cette fois pris son temps pour livrer son dixième effort, un chiffre de ceux qui marque une carrière. Et en la matière, les Américains n’ont pas raté le coche. « Private Music » est probablement leur meilleur album et même si c’est le premier sans leur bassiste Sergio Vega depuis 15 ans, Fred Sablan endosse le rôle avec une maîtrise totale. Et pour retrouver et restituer le son qui a fait leur force et forgé en partie leur singularité, le producteur Nick Raskulinecz est de retour derrière la console.
Et c’est vrai que sur « Diamond Eyes » (2010) et « Koi No Yokan » (2012), le très habile metteur-en-son avait parfaitement su capturer l’esprit libre et cette fougue insaisissable pour la canaliser de la meilleure façon qui soit. Si DEFTONES s’est toujours bien entouré en studio, c’est un plaisir de retrouver ce travail d’orfèvre sur les tessitures et les nuances qui expriment si bien cette férocité si instinctive et cette énergie bouillonnante. En ce sens, « Private Music » est époustouflant de démesure musicale et criant d’authenticité.
Sobre et sombre, Chino Moreno livre une prestation hors-norme que l’on peut sans l’offenser attribuer à une expérience acquise sur une belle carrière de trois décennies. Dès « My Mind Is A Mountain », on comprend que DEFTONES est à son apogée et sera phénoménal. « Private Music » est presque cyclonique et présente le groupe dans ce qu’il a de meilleur, le tout enrobé d’une production très actuelle et organique, qui nous laisse sur le carreau (« Ecdysis », « Souvenir », « Milk Of Madonna », « Metal Dream »). Massif !
Incisif, sombre et précis, ce dixième effort de la fratrie de l’Illinois vient encore renverser l’ordre établi d’un Alternative Metal souvent convenu et prévisible. Massif et explosif, « Bright As Blasphemy » témoigne d’une époque en souffrance, mais combative et assez philosophe. Ce nouvel opus n’est pas seulement l’expression d’une détonation musicale très équilibrée, elle reflète aussi une maîtrise totale acquise au fil de ces 30 dernières années et qui mène CHEVELLE au sommet de son art. Entre émotion et arrangements presque minimalistes, il ouvre une autre voie.
CHEVELLE
« Bright As Blasphemy »
(Alchemy Recordings/Rise Records)
Le stratosphérique « Niratias, sorti il y a quatre ans, avait placé les Américains sur orbite et lui offrir un successeur digne de ce nom n’était pas une mince affaire. Jamais à court d’idées, CHEVELLE relève pourtant le défi avec panache et haut la main. Les influences progressives se sont dissipées et les frères Loeffler (Peter au chant et à la guitare et Sam à la batterie) reviennent aux fondations musicales de leur groupe, c’est-à-dire un Alternative Metal surpuissant et livrent « Bright As Blasphemy », qui se révèle être l’une de leurs meilleures réalisations.
Produit par ses soins avec l’aide de Kemble Walters à l’enregistrement et à la basse sur l’essentiel des morceaux, le duo se montre d’une incroyable créativité que met parfaitement en valeur le mix de Beau Burchell. CHEVELLE est probablement le combo le plus torturé de son registre, et la noirceur dont il fait preuve sur « Bright as Blasphemy » le rend énigmatique et lui ouvre une multitude de possibilités. Très Metal et à l’environnement Indus, ce dixième album est tout simplement renversant et surprend au fil de son écoute. Une prouesse plutôt rare.
Autour du thème de la psyché fracturée de l’humanité dont il est aux premières loges, CHEVELLE dispose d’une matière considérable qui lui permet d’œuvrer dans une sorte de tempête mélodique. Parfois étranges, mais réellement implacables, les neuf nouvelles compositions de la formation de Chicago sont brillantes et sa performance est d’une percussion chirurgicale (« Pale Horse », « Cowards, Pt 1 & 2 », « Wolves (Love & Light) », « Karma Goddess », « Blood Out In The Fields »). Tout dans ce disque est à sa place et c’est bien là la marque des grands.
Sur une charge émotionnelle rare et parfaitement canalisée, la formation de Pennsylvanie vient affirmer avec force qu’elle est au sommet de son art. Un titre comme « Everest » s’imposait donc avec beaucoup d’évidence. Robuste et massive, mais aussi douce et assez éthérée, cette nouvelle réalisation dame le pion aux actuelles sorties formatées, grâce à une sincérité souvent poignante et surtout un jeu radieux et précis. Les guitares sont scintillantes, la rythmique profonde et solide et la voix déchirante et dominatrice. HALESTORM est dans une maîtrise totale et son sens de la mélodie est exacerbé.
HALESTORM
« Everest »
(Universal Music)
Adolescents, Lzzy hale et son batteur de frère Arejay n’avaient sûrement pas imaginé où les mènerait leur aventure musicale familiale. Fort d’un line-up stable, HALESTORM a gravi peut à peu les échelons au point de devenir une référence grâce à une explosivité et une sensibilité indissociables. Les nombreux featurings de sa frontwoman n’ont fait que confirmer l’assise des Américains, qui surgissent aujourd’hui avec un sixième album qui pourrait bien être leur meilleur. Sans faire dans l’esbroufe et le surfait, « Everest » est redoutablement efficace.
En confiant la production au brillant Dave Cobb, HALESTORM se démarque intelligemment de la scène Alternative Metal actuelle en misant sur un son organique, tout en relief et qui laisse respirer les morceaux. Et en évitant de surcharger le spectre sonore, le quatuor gagne en puissance, en vélocité et surtout en authenticité. Avec des structures Hard Rock et des attaques clairement Heavy, « Everest » surfe sur des recettes qui ont fait leurs preuves et qui, finalement, offrent plus de liberté aux musiciens et surtout à leur chanteuse dont la prestation est hors-norme.
S’il n’y a plus vraiment de doute sur les capacités vocales exceptionnelles de Lzzy Hale, il faut avouer qu’elle s’est taillé ce nouvel opus sur mesure. Féroce et délicate, elle y dévoile toute sa large palette sur des titres dominés par une certaine mélancolie, très personnels aussi et avec des fulgurances brutes et directes. Enfin HALESTORM joue également sur la corde sensible avec des parties de piano bien senties et un fond Rock très accrocheur (« Fallen Star », « Watch Out ! », « Shiver », « Everest », « Like A Woman Can », « Rain Your Blood On Me »). Magistral de finesse !
Retrouvez aussi la chronique de « Back From The Dead » :
Grosse flemme ou signe des temps ? Ou les deux, tant ils sont inhérents ? Une chose est sûre, certaines formations s’usent plus vite que d’autres et atteignent leur plafond de verre une fois la reconnaissance et le succès obtenus. Cela semble être le cas de VOLBEAT qui, faute de se renouveler, régresse au fil des disques. Les Scandinaves ont perdu leur guitariste solo Rob Caggiano et, comme on s’y attendait, le coup est rude. A l’écoute de « God Of Angels Trust », on cherche vainement un peu d’imagination… avant de se rendre à l’évidence.
VOLBEAT
« God Of Angels Trust »
(Universal)
Alors qu’il n’avait fallu que trois mois aux Danois pour mettre en boîte « Servant Of The Mind » il y a quatre ans, six petites semaines, dont treize jours de studio, ont suffi à l’élaboration de « God Of Angels Trust ». Et cela s’entend ! Depuis deux albums maintenant, VOLBEAT se montre expéditif et ça ne joue pas forcément en sa faveur. La routine s’installe et avec elle une créativité qui s’étiole. Michael Poulsen peine très franchement à retrouver l’explosivité d’un « Rewind, Replay, Rebound », par exemple. Les idées manquent et l’ennui pointe très rapidement le bout de son nez.
Certes, le groupe livre toujours de bonnes mélodies et le fantomatique (car il n’est toujours pas un membre officiel) Flemming C. Lund d’Asinhell fait même de petites merveilles sur les solos, tandis que la rythmique fait le taff, tout comme Jacob Hansen à la production, mais VOLBEAT semble avoir perdu la flamme. Capable de belles étincelles ponctuellement, il ne va plus au fond des choses en présentant des morceaux qui tiennent en haleine jusqu’au bout. Sans surprise donc, le combo ne met plus le feu… ou alors, très brièvement. On a le sentiment qu’il expédie le truc sans conviction.
Se reposer ainsi sur ses lauriers n’est pas donné à tout le monde. L’ombre de Metallica pèse lourdement sur « God Of Angels Trust », tant au niveau des riffs que des nombreux gimmicks vocaux. Cependant, la bonne nouvelle vient du single au titre interminable « In The Barn Of The Goat Giving Birth To Satan’s Spawn In A Dying World Of Doom » (on ne rit pas !), où plane cette fois l’esprit de Johnny Cash. Ensuite, VOLBEAT sombre totalement sur « Time Will Heal » et « Lonely Fields », entre autres. Le désormais power trio n’a plus de power que son appellation. Circulez !
C’est en montrant beaucoup de caractère que les Scandinaves font un retour fracassant six ans après « Panoptical », qui leur avait valu une belle reconnaissance. Un changement de label et une direction musicale qui sonne plus européenne plus tard, et revoici DAYS OF JUPITER renforcé dans ses certitudes et affichant avec « The World Was Nerver Enough » une belle force de frappe. Sans négliger une identité artistique basée sur les émotions, le combo nordique se montre vif et solide sur un disque dense et très soigné.
DAYS OF JUPITER
« The World Was Never Enough »
(Reigning Phoenix Music)
En 15 ans d’existence, DAYS OF JUPITER peut se targuer de mener un parcours sans faute et qui mériterait même une reconnaissance à l’international plus conséquente. Depuis « Secrets Brought To Life », son premier opus sorti en 2012, le groupe a fait évoluer son Hard Rock moderne vers un Alternative Metal très actuel et pêchu. Pour son cinquième album, il a confié la production à Peo Hedin, lequel a réalisé un travail précis pour mettre en valeur des compositions abouties qui naviguent dans des ambiances variées.
Comme souvent, les Suédois soufflent le chaud et le froid entre titres puissants et massifs et ballades plus mélancoliques. DAYS OF JUPITER parvient à maintenir l’équilibre et donne surtout une forte impression de vélocité. Très en verve, les deux guitaristes donnent le ton sur des riffs racés et tranchants et apportent beaucoup d’explosivité aux morceaux (« Original Sin », « Machine »). L’énergie brute qui se dégage de « The World Was Never Enough » doit énormément à leur complicité et leur talent.
Egalement irréprochable, la rythmique prend littéralement d’assaut des nouveaux morceaux et donne encore un peu plus d’envergure à l’ensemble. De son côté, Jan Hilli offre une prestation vocale implacable. Accrocheur et fédérateur, DAYS OF JUPITER ne fait pas dans la demi-mesure, ce qui devrait se sentir prochainement sur scène. Intense, ce cinquième effort est aussi technique qu’entêtant et aussi Metal que Rock (« The Fix », « Parazite », « My Heaven My Hell », « Ignite » et le morceau-titre). Enthousiasmant !
Peut-être un peu malgré eux, les musiciens de TRANK sont un peu des OMNI, sorte d’Objets Musicaux No Identifiés, sur la scène hexagonale. Entre un Heavy Rock flirtant avec un Alternative Rock/Metal solide et direct et des sonorités typiquement Cold, la formation franco-suisse a tout de même largement imposé son style et balisé son registre depuis « The Rope », un premier album qui avait impressionné par sa maîtrise et sa production. Avec « The Maze », le désormais quintet conserve cette identité très personnelle qu’est venu enrichir un léger remaniement de line-up. Michel André Jouveaux, chanteur, claviériste et programmateur, revient sur ce deuxième album tout aussi abouti, la façon de travailler du groupe, ses envies et ne cache une envie viscérale de remonter sur scène au plus vite. Entretien.
– Votre premier album, « The Ropes », était sorti en 2020 juste avant la pandémie et avait rencontré un franc succès. Un an plus tard, vous aviez proposé une version Deluxe avec un second CD composé de remixes très Electro de vos morceaux. Finalement, cette période compliquée ne vous semble pas vous avoir freiné tant que ça, si ?
Pas sur le plan créatif, car on a continué à composer, à travailler notre son et à faire évoluer notre manière d’approcher les choses. Ce second disque de remixes de « The Ropes » nous a aussi permis d’avancer. Nous avons pu échanger avec les artistes qui en ont créé la moitié, à savoir des gens incroyablement talentueux comme Mokroïé, peut-être le plus beau projet Techno français depuis des lustres, ou Greco Rossetti aux US, mais aussi parce que l’autre moitié a été réalisée par nous-mêmes, ce qui nous a permis de réfléchir à la meilleure manière de combiner les aspects ‘Rock’ et plus électroniques de notre son.
En revanche, le coup de frein a été très net niveau live. On n’a pas pu défendre « The Ropes » sur scène comme on le voulait, et malgré toutes les critiques incroyablement positives qu’on a pu recevoir, l’album n’a pas été aussi exposé qu’on l’aurait voulu. Sans compter le manque du plaisir de jouer en concert. Toute la frustration accumulée a alimenté les chansons de « The Maze », donc c’est un mal pour un bien.
– Aujourd’hui sort « The Maze », qui reste dans la lignée de « The Ropes » et confirme l’identité musicale de TRANK. Toujours axé sur un Heavy Rock Alternatif vif et musclé, il intègre également plus d’éléments électroniques qu’auparavant. C’est un désir de moderniser un registre peut-être trop intemporel ?
Dès qu’on s’est retrouvé ensemble, le mélange entre une influence Hard 90’s et un son plus électronique venu du Post-Punk des origines s’est imposé comme le son qui nous venait naturellement. Il était déjà là sur le premier album, mais il s’entend plus sur « The Maze », parce qu’on a approché les arrangements différemment, en alternant froideur et chaleur, électronique et guitares, plutôt qu’en les superposant tout au long de chaque chanson. Ca donne plus de dynamique et de contraste à chaque morceau et à l’album dans son entier. Après ‘moderniser’, tu sais, on reste finalement très vieille école, y compris dans l’aspect électronique des choses : la plupart des synthés utilisés datent d’avant 1984 ! (Sourires) Les batteries sont acoustiques et pas virtuelles, les guitares et basses ont été enregistrées à l’ancienne avec amplis et micros soigneusement choisis, pareil pour les voix… Notre intention n’est pas d’être modernes, mais de créer le son qu’on a en tête, ce mélange de puissance et de texture, d’efficacité et d’atmosphère. ‘Gros son, grosses émotions’, comme le disait une chronique de « The Ropes », mais en plus accompli.
– D’ailleurs, ce qui est assez étonnant, c’est que TRANK présente un style avec beaucoup de sonorités électroniques, tout en évoluant avec deux guitaristes. Ça peut surprendre. Est-ce qu’il a aussi finalement fallu retrouver un certain équilibre ?
Mais on espère bien que ça puisse surprendre ! (Sourires) La musique a atteint un tel niveau de formatage ces temps-ci que ça devient cauchemardesque. La seule manière de ne pas tomber dans ce panneau-là, c’est de faire la musique que tu veux entendre, avec le son que tu veux entendre. Qui plus est, même si on a tous des goûts très éclectiques, le centre de gravité des goûts de chacun est différent et ce mélange d’instruments entre Rock et machines en est le reflet. Ça s’applique d’ailleurs aussi aux nouveaux membres du groupe, même s’ils ne nous ont rejoints qu’une fois l’album terminé.
-Et qui sont les nouveaux membres du groupe ?
Arnaud et Nico sont respectivement bassiste et guitariste et ils jouent sur scène avec nous depuis quelques mois maintenant. Julien, avec qui j’avais fondé TRANK et qui assurait les guitares, nous a quittés il y a un peu plus d’un an et demi. C’était une séparation amicale et d’un accord mutuel. On est toujours très proche et il était d’ailleurs présent au concert de la ‘Release Party’ de l’album. Mais cela couvait depuis un moment et David, notre bassiste, avait déjà repris une bonne partie du travail des guitares, qu’il s’agisse d’arrangement, de son ou de performance. Il s’est donc naturellement glissé dans le rôle de guitariste sur neuf des onze chansons de « The Maze ».
On est, du coup, parti à la recherche d’un bassiste et un ami musicien, qui nous connaît bien, nous a recommandé Arnaud qui est parfait pour nous. Non seulement, c’est un excellent bassiste, très technique, qui comprend parfaitement le son très cinématique de nos chansons, mais il est aussi bourré d’idées et avec lui, les chansons prennent sur scène une couleur légèrement Funk/Metal, qui sera très intéressante à explorer en studio sur un futur troisième album.
Et puis, assez vite pendant la création de « The Maze », on a réalisé qu’on écrivait des chansons qui ne pourraient être jouées live qu’avec deux guitares. On a donc aussi recruté un guitariste, en plus de David. Nico est un ami de longue date, avec qui j’ai joué pendant plusieurs années dans un groupe de reprises qui cartonnait localement. En plus d’être une crème, c’est un excellent guitariste, qui amène lui aussi un élément très rythmique à nos guitares. C’est également un soliste brillant et avec David, ils se relaient sur le lead et la rythmique suivant les chansons. Et il a un sens du groove quelque part entre la connexion Foo Fighters/QOTSA et le Funk/Metal de RATM.
Pour finir, on a même une sixième personne avec nous sur scène. Emma, notre manageuse, est une excellente claviériste et elle assure les synthés humainement jouables, car le reste est séquencé, ainsi qu’une partie des chœurs, ce qui ouvre beaucoup plus de possibilités.
– « The Maze » qui est toujours aussi Rock et pêchu. Avez-vous conservé vos habitudes de travail, ou est-ce que le changement de line-up a aussi changé certaines choses dans votre manière de composer et d’écrire vos chansons ?
Nos habitudes ont forcément évolué, dans le sens où la majorité de l’album s’est faite à trois. Mais c’est une évolution graduelle, pas une révolution. On a composé les morceaux avec la même méthode, c’est-à-dire avec David, ou Julien, qui m’envoie deux ou trois minutes de musique plus ou moins structurées, sur lesquelles Johann pose une idée d’arrangement rythmique. Je structure le truc et j’enlève ou ajoute ce qui manque pour que la chanson trouve cet équilibre qu’on cherche entre puissance, mélodie et atmosphère. On travaille d’arrache-pied à un arrangement instrumental qui fonctionne, d’abord par échange de pistes qu’on travaille en home-studio, puis en répétition. Et une fois qu’on a l’instru, je le laisse reposer plus ou moins longtemps, puis je le réécoute et je demande à la chanson de quoi elle veut que je parle. (Sourires) Après quoi, la première ligne de texte finit par s’écrire et inspire le reste et la mélodie vocale.
– D’ailleurs, au niveau du songwriting, les nouveaux morceaux sont hyper-efficaces avec des refrains taillés pour la scène. C’est ce contact immédiat avec le public que vous recherchez en premier lieu en composant ? Comment faciliter l’échange direct finalement ?
Oui, les chansons ont un aspect plus direct et ‘efficace’ que celles du premier. C’est sans doute le résultat de ce qu’on a appris sur scène quand on a pu jouer et aussi de la frustration de ne pas avoir pu le faire pendant deux ans.
– Pour « The Maze », vous avez de nouveau fait appel à Brian Robbins (Asking Alexandria) pour le mix et Andy Von Dette (Porcupine Tree, David Bowie) pour le mastering. En revanche, vous vous êtes chargés de l’enregistrement avec Yvan Barone. C’est important pour vous d’avoir la main sur ce qui fait véritablement le son de base de TRANK ?
C’est essentiel, oui. Pour nous, le son est partie intégrante de l’identité du groupe. Nos démos sont toujours très abouties, on a une idée très précise de la manière dont on veut que les choses sonnent. En gros, concilier un côté puissant, un gros son taillé pour les grandes scènes, avec une vraie richesse de texture et une atmosphère ‘grand écran’, grands espaces, pleine de petits trucs qui amplifient l’impact de la chanson. On aime aussi l’idée que même si le cœur de chaque morceau est évident dès la première fois, chaque nouvelle écoute révèle son lot de petits détails qui font la différence, un peu comme dans les productions de Trent Reznor (Nine Inch Nails), Alan Wilder (Depeche Mode, Recoil), du Paradise Lost période « Icon/One Second/Host », voire Trevor Horn aussi. Yvan est, entre autres, très doué pour capturer toute la richesse harmonique des arrangements et pour nous aider à les épurer autant que nécessaire. Brian, lui, prend toute cette richesse et mixe, avec nous, pour lui donner l’impact et l’efficacité sans lesquelles on se perdrait dans les couches de son. Et Andy n’a pas son pareil pour masteriser tout ça d’une manière qui met en valeur cet équilibre entre épaisseur et puissance. On avait adoré leur travail sur « The Ropes », d’où leur retour sur « The Maze ». Et au-delà de ça, on a adoré travailler avec eux sur le plan humain. Alors, pourquoi s’en priver ?
– Votre Alternative Rock se distingue aussi par la présence de sonorités Cold Wave. C’est un mix assez étonnant compte tenu des riffs plutôt Hard Rock à l’œuvre. Cette noirceur mélodique vient aussi appuyer l’aspect introspectif de TRANK. L’idée est-elle de faire un contrepoids à un côté peut-être plus ‘mainstream’ pour pouvoir s’ouvrir à d’autres horizons artistiques ?
C’est surtout ce qui se passe de manière assez naturelle quand on travaille ensemble. Si tu regardes la manière dont nos goûts se sont formés depuis l’adolescence : David vient du Metal, je viens de la Cold Wave et Johann du Classic Rock, ce qui explique ce mélange. Cela dit, on n’est pas les premiers. Si tu écoutes Killing Joke, Sisters of Mercy, certains trucs des pionniers du Metal Indus comme Ministry, Godflesh ou bien sûr Nine Inch Nails, ce mix entre puissance Rock, Metal et atmosphères électroniques est déjà là. Après, la plupart de ces groupes font ça dans une approche assez extrême, pas forcément hyper-mélodique. Chez nous, c’est la mélodie d’abord. Tout le reste, le rythme, les guitares, les machines et les voix, est à son service.
– J’aimerais aussi qu’on dise un mot de cette reprise de Pink Floyd, « Hey You ». C’est vrai qu’on n’assimile pas forcément TRANK au Rock Progressif des Anglais. C’était, une fois encore, l’idée d’arriver là où on ne vous attend pas forcément, ou est-ce plus simplement une chanson qui vous suit peut-être depuis longtemps déjà ?
Ah, elle nous tenait à cœur, celle-là. (Sourires) On avait enregistré une première version pendant le confinement, alors qu’on était très frustré de ne pas pouvoir jouer ensemble. David et moi étant hyper fans de Pink Floyd, l’idée de reprendre l’une des plus belles chansons jamais écrites sur le thème de l’impossibilité de communiquer s’est imposée assez vite. On était très fier de la première version. Alors quand on s’est posé pour sélectionner les chansons à finaliser pour « The Maze », on s’est tout de suite dit qu’il fallait réenregistrer « Hey you » avec le même niveau de qualité que le reste de l’album. La première version avait été bricolée dans nos home-studios respectifs, avec batterie électronique et enregistrement maison. On a juste gardé l’arrangement presque à l’identique, mais on a rejoué et réenregistré le reste de fond en comble. Je te disais qu’on avait des goûts éclectiques ! (Sourires)
– Enfin, la scène française actuelle penche beaucoup vers le Metal extrême. Est-ce qu’il manque actuellement, selon toi, une frange plus Rock et Hard Rock, car vous êtes finalement peu nombreux à l’alimenter ? A moins que l’herbe ne soit plus verte ailleurs ?
Je ne suis pas certains qu’on y pense dans ces termes-là, d’autant qu’avec la manière dont fonctionnent les algorithmes, les plateformes et les réseaux, la meilleure manière de percer, ce serait de se coller à un genre dominant, facile à étiqueter et à résumer. Non, c’est juste qu’on fait la musique qu’on a envie d’entendre. Certains d’entre nous aiment le Metal extrême et les voix growlées d’outre-tombe (pas moi, enfin à petites doses). Mais franchement, il y a déjà beaucoup (trop ?) de gens qui font ça très bien. Donc, on joue ce qui nous manque un peu. Et puis, on se concentre sur nos forces. Le son de TRANK, même si le but est que le tout soit plus grand que la somme des parties, est aussi basé sur le style naturel qui va le mieux, ou qui vient naturellement à chacun d’entre nous. On a beau être ultra-perfectionnistes, on ne ‘force’ rien. D’autres gens font du Slipknot ou du Gojira mieux que nous. On espère bien être le meilleur TRANK possible ! (Sourires)
Le nouvel album de TRANK, « The Maze », est dans les bacs et vous pouvez également vous le procurer sur le site du groupe :
A l’écoute de « Fractured Realities », on peut désormais affirmer que les formations européennes sont véritablement de taille à se mesurer aux américaines, qui restent cependant maîtresses en la matière. Très Heavy et puissants, les Transalpins se font très créatifs dans l’alternance d’atmosphères lourdes, véloces et aux refrains accrocheurs. KLOGR surfe sur un groove épais et pose un mur de guitares, auquel il est difficile de résister. Et avec un frontman redoutable, le groupe se montre implacable et très efficace.
KLOGR
« Fractured Realities »
(Zeta Factory)
Pour un peu, on les aurait presqu’oublié. Sept longues années après « Keystone » et quelques remaniements de personnels plus tard, KLOGR refait surface plus percutant encore qu’auparavant. Le quatuor sort son quatrième effort et se montre plutôt ambitieux en se livrant à l’exercice de l’album-concept, ce qui est assez inhabituel dans son registre. Les Italiens ont repris cette année un travail entamé durant la pandémie et cette interruption lui a fait le plus grand bien s’il en juge par la qualité de « Fractured Realities ».
A travers les dix titres, on suit Lila, le personnage central d’une histoire axée sur les défis et les troubles émotionnels alimentés par notre société. KLOGR développe au fil du disque une réflexion qui met en parallèle et en relief le profit devenu la priorité et le bien-être de l’individu. Et dans sa démarche, il va même plus loin puisqu’un projet vidéo accompagne les morceaux autour de clips interconnectés. « Fractured Realities » prend ici tout son sens. Et musicalement, l’Alternative Metal du quatuor est explosif tout eh restant très mélodique.
Sur une grosse production et des nappes de claviers discrètes et bien distillése, KLOGR s’affirme avec force, grâce à des riffs massifs et percutants. A la guitare et au chant, Gabriele Rustichelli affiche beaucoup de détermination, escorté d’une paire basse/batterie compacte et d’un six-cordiste, Alessandro Crivellari, dont l’emprise est nette. « Fractured Realities » est sans conteste la meilleure réalisation du combo (« Early Wounds », « Gravity Of Fear », « Face Of The Unknown », « One Of Eight », « Lead Wings »). Brillant !
Dans un élan toujours très humaniste et peut-être trop naïf pour beaucoup d’entre-nous, SKILLET continue son chemin, faisant fi des critiques et rassemblant même de plus en plus d’adeptes. Entre Rock et Metal, le combo poursuit la diffusion de la bonne parole sans pour autant faire de concessions sur son style musical, qui reste étonnamment musclé et robuste. Entre résistance face à l’adversité, respect de soi et une empathie permanente, le combo reste d’une positivité à toute épreuve et c’est aussi ce qui fait du bien chez lui.
SKILLET
« Revolution »
(Hear It Loud)
Près de 30 ans après sa création, SKILLET fait-il enfin sa révolution ? Diantre ! Le groupe de Memphis serait-il sur le point de changer de chapelle ? Qu’on se rassure, le fer de lance du Rock chrétien, fort tout de même de 22 millions d’albums vendus et accessoirement de 24 milliards de streams, reste fidèle à son Alternative Rock pêchu, niché aux frontières du Metal. Ici, l’évènement majeur est surtout le fait qu’il a quitté sa maison de disque pour se lancer en indépendant. Mais les Américains ont les reins plutôt solides.
Donc non, John Cooper n’est pas le nouveau Che Guevara du Rock Yankee et le message de SKILLET n’est qu’espérance, foi et amour. Cela n’empêche d’ailleurs pas le quatuor à la parfaite parité d’envoyer du bois et de balancer un gros son grâce à des riffs massifs, une paire basse/batterie qui bastonne et un frontman solide, soutenu au chant sur plusieurs titres par sa cogneuse en chef Jen Ledger. Trois ans après « Dominion », on a le doit à une facette très moderne dans la production, et ce n’est peut-être pas l’idée de l’année.
En effet, et même si c’était déjà présent précédemment, SKILLET use et abuse des claviers. Et il a eu la main lourde. Les refrains sont bien sûr très accrocheurs, mais les sonorités très ‘fêtes foraines’ qu’on retrouve d’habitude dans le Modern Metal et le MetalCore lui donnent un côté fadasse. Peu importe, la formation du Tennessee n’a rien perdu de son ADN et sait se faire efficace (« Showtime », « Unpopular », « Not Afraid », « Death Defier », « Fire Inside Of Me »). Un fois encore, ce nouvel opus est pavé de bonnes intentions.
Grâce à un son très actuel et organique, BLACK NOTE GRAFFITI réussit le tour de force de concilier l’énergie des groupes Fusion des années 90 avec l’approche assez neuve de la scène Alternative Metal d’aujourd’hui. Pour leur quatrième album, les Américains livrent des titres bien rentre-dedans, tout en présentant des morceaux distinctifs entre rage et mélodies appuyées. « Resist The Divide » est un disque qui a beaucoup de sens et la technique à l’œuvre en fait une petite surprise… et une belle confirmation.
BLACK NOTE GRAFFITI
« Resist The Divide »
(Golden Robot Records)
Originaire du Michigan, BLACK NOTE GRAFFITI fait partie de ces groupes difficile à définir. Sur un fond progressif, le quintet développe des sonorités alternatives, très Rock aussi sur des mélodies accrocheuses, afin d’obtenir un style assez unique. Ce qui importe d’abord chez lui, c’est cet incroyable travail effectué, tant sur la musique que sur les émotions qu’elle diffuse à travers les textes. Depuis « Volume I » paru en 2013, son Metal est en pleine ébullition, devient aussi plus personnel et percute avec beaucoup d’ardeur et de conviction.
Déjà sur son « Volume III » décliné en deux parties, « Fall » et « Rise » en 2020, BLACK NOTE GRAFFITI avait sérieusement élevé son niveau et « Resist The Divide » vient confirmer ses intentions. Pour ce quatrième album, la production a été confiée à Josh Schroeder (Lorna Shore, Butcher Babies) et l’impact est manifeste. Sur de gros riffs et une solide rythmique, Gabrielle-Gloria se montre très en verve et la frontwoman déploie ici des facultés vocales explosives, polymorphes et une belle assurance.
Avec son petit côté RATM et Deftones dans l’accroche et sur la vivacité brute et directe des guitares, BLACK NOTE GRAFFITI possède un jeu moderne et percutant. « Resist The Divide » aborde des sujets traumatiques avec force et que la chanteuse semble littéralement vivre, tant elle apparaît habitée et offre beaucoup de sincérité et d’authenticité au propos (« Place You Lie », « The Source », « Drown », « Black Roses », « Paradox »). Accrocheur de bout en bout, le combo installe sa vision du Metal avec talent et puissance.