Solaire, délicate et relevé, c’est ainsi que l’on peut qualifier ce quatrième album de la chanteuse et guitariste française. Constitué d’un Blues Rock enveloppé de Soul et de Rythm’n Blues, « Pieces Of Soul » s’impose de lui-même comme une réalisation parfaitement menée, inspirée et très personnelle. NINA ATTAL a su trouver les mots et y posé des accords aussi sensibles que puissants.
NINA ATTAL
« Pieces Of Soul »
(Zamora Productions)
Sorti il y a à peine un an, le quatrième album de NINA ATTAL est un peu passé sous les radars, la faute à une situation sanitaire compliquée. Et pourtant, « Pieces Of Soul » est certainement l’un des meilleurs disques de Blues Rock Soul sorti en France depuis très longtemps. En dix ans de carrière, la chanteuse et guitariste a énormément fait évoluer son jeu et son style, qui affichent aujourd’hui beaucoup plus de personnalité.
Avec Gaëlle Buswel et Laura Cox, NINA ATTAL est la plus américaine de nos blueswomen hexagonales dans ses compositions et son registre. A l’instar de ce qui se fait outre-Atlantique, la musicienne offre une synthèse parfaite de Blues Rock et de Soul avec quelques touches d’Americana et de Rythm’n Blues bien senties. En songwriter efficace, elle donne une dimension toute particulière à « Pieces Of Soul », d’ailleurs très bien produit.
Guitariste virtuose, NINA ATTAL n’en fait pourtant pas étalage et se concentre sur des mélodies imparables, misant sur le feeling plutôt que sur la démonstration (« Shape My Home », « Daughter », « Never Been Clear »). Plus intime dans l’approche, la voix de la musicienne porte littéralement ce nouvel album à travers des chansons délicates et sensibles (« Spring Flowers », « Make A Turn », « You’re No Good »). Lumineux !
Bien sûr, KAROLINE & THE FREE FOLKS vous évoquera Brandi Carlile, Trey Hensley, Brad Paisley et même le Allman Brothers Band, mais le quatuor lyonnais présente une identité forte basée sur un registre enjoué et plein de poésie, entre Bluegrass et Country Folk. Avec ce premier album, « Reckless Dances », l’Americana made in France possède de solides arguments.
KAROLINE & THE FREE FOLKS
« Reckless Dances »
(Independant)
C’est à un voyage au cœur de l’Amérique, de ses grands espaces et de sa musique roots traditionnelle que nous convie KAROLINE & THE FREE FOLKS avec son premier album. Après un EP en 2018, « Reckless Dances » vient confirmer ce bon départ. La chanteuse et ses trois compagnons de route forment un quatuor soudé et inspiré et leur prestation atteste de leur indéniable talent.
Malheureusement trop peu représenté en France, comme partout en dehors des Etats-Unis d’ailleurs, l’Americana est un style pourtant parfaitement assimilé par la formation lyonnaise, qui se montre à la hauteur de ce registre si particulier. Empruntant à la Folk, à la Country et au Bluegrass, KAROLINE & THE FREE FOLKS distille des morceaux frais, originaux et très bien sentis.
Les douze titres de « Reckless Dances », très bien produits, nous plongent dans un univers poétique où la guitare répond au violon avec entrain et délicatesse, bercé par la belle voix de sa chanteuse (« The Reedman Tales », « Waves Will Sing Along », « Wasteco Song », « The Ballad Of The Heartless Mermaid »). KAROLINE & THE FREE FOLKS présente un imaginaire très personnel et inspiré.
Tout en accompagnant régulièrement depuis des années les plus grands artistes de la planète, la saxophoniste MINDI ABAIR mène aussi une carrière solo où elle laisse parler son feeling dans des registres qu’elle affectionne. Avec toujours autant d’émotion et de justesse, l’Américaine livre « Forever », un album où elle explore un style plus Americana avec le talent qu’on lui connait.
MINDI ABAIR
« Forever »
(Pretty Good For A Girl Records)
Chaque nouvel album de MINDI ABAIR est un petit évènement en soi, d’autant que la saxophoniste, entre autre, n’a rien sorti en solo depuis 2014. Et après toutes ces années, l’Américaine nous fait la surprise et le plaisir de livrer un album d’Americana, même si le smooth jazz dans lequel elle est une référence, n’est jamais bien loin. C’est donc dans un style assez dépouillé et bluesy qu’elle nous revient.
Comme le talent de la musicienne en appelle d’autres, MINDI ABAIR dispose pour « Forever » d’un line-up de choix. On retrouve à la batterie Abe Laboriel JR (Paul McCartney), Sean Hurley à la basse (John Mayer), Tim Pierce à la guitare (trop long CV !) et Rodney Lee aux claviers (la même chose). Autant dire que ça joue et que le feeling est présent d’un bout à l’autre de l’album.
On apprécie toujours autant son joli brin de voix, d’autant qu’elle délaisse même parfois son instrument de prédilection (« Fine Wine And Vinyl »). Et comme pour embellir encore un peu plus ce onzième album solo, MINDI ABAIR a convié Raul Malo (The Mavericks) aux claviers sur « Say It With Love » et le grand Kenny Wayne Shepherd à la guitare sur « What About Love ». La grande classe !
Parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de disques qui sortent et qu’il serait dommage de passer à côté de certains d’entre eux : [Going Faster] se propose d’en mettre plusieurs en lumière… d’un seul coup ! C’est bref et rapide, juste le temps qu’il faut pour se pencher sur ces albums, s’en faire une idée, tout en restant toujours curieux. C’est parti !
DAN PATLANSKY – « Shelter of Bones » – Virgin Music Label/Artist Services
Dixième album pour le Sud-Africain DAN PATLANSKY, dont le talent de guitariste et de chanteur, mais aussi de compositeur, a largement dépassé les frontières de son pays depuis son premier album, « Standing At The Station », sorti en 1999. Depuis, le bluesman n’a eu de cesse de peaufiner son Blues Rock et il faut reconnaître que « Shelter Of Bones » est irrésistible. Le musicien, qui produit également son album, a mis trois ans à élaborer ces nouveaux morceaux avec, dans un coin de la tête, un style à la fois percutant et mélodique. Et l’objectif est atteint avec classe. Frais et dynamique, le Blues Rock de DAN PATLANSKY est moderne, tout en restant intemporel. En sortant des sentiers classiques du genre grâce à une touche assez musclée, il parvient à sortir brillamment du rang.
THE KENNETH BRIAN BAND – « Keys To The Kingdom » – Southern Shift Records
En l’espace de 20 ans, KENNETH BRIAN s’est taillé une solide réputation, mais a surtout élaboré un style bien à lui. Chanteur, guitariste et songwriter, l’Américain présente un Southern Rock très particulier auquel il a insufflé des touches de Blues, d’Alternative Country et d’Americana. Un cocktail explosif que le musicien mène à son sommet sur ce très bon « Keys To The Kingdom », qu’il a été enregistrer avec le producteur du Allman Brothers Band, Johnny Sandlin, au fameux studio Rancho de la Luna à Joshua Tree en Californie. Et il n’a fallu que cinq jours à KENNETH BRIAN et son groupe pour élaborer son nouvel album et le rendre littéralement magique. « Keys To The Kingdom » est un petit bijou teinté du mojo du désert de Mojave. Soul et incendiaire.
Que ce soit avec son groupe Pearl Jam ou en solo, EDDIE VEDDER parvient toujours à créer l’événement. Moins de deux ans le onzième album du groupe de Seattle, « Gigaton », le chanteur s’autorise une évasion en solo avec ce réjouissant « Earthling » dominé par une poésie urbaine et une douceur où la nature reprend le dessus comme souvent chez lui. Le songwriter livre un troisième album qui lui ressemble : simple et touchant.
EDDIE VEDDER
« Earthling »
(Seattle Surf/Republic Records)
Et de trois albums en solo pour EDDIE VEDDER, qui a probablement dû profiter de l’absence de tournée après le très bon « Gigaton » (2020) avec Pearl Jam, pour s’atteler à « Earthling », dans lequel si le chanteur ne fait pas de prouesses, il a au moins le mérite de nous faire passer un très agréable moment. 13 morceaux où l’Américain parcourt les domaines musicaux où il se sent le mieux. D’une Pop-Rock entêtante à un Punk Rock costaud en passant par des ballades aux saveurs Americana, le songwriter n’élude rien.
Superbement produit par Andrew Watt, qui pose aussi quelques accords de guitares, « Earthling » s’est fait attendre, car les dernières escapes en solo du compositeur datent de « Ukulele Songs » (2011) et du génial « Into The Wild », BO du film de Sean Penn en 2007. EDDIE VEDDER a également su très bien s’entourer, puisqu’on retrouve derrière les fûts Chad Smith (RHCP), Chris Chaney à la basse (ex-Jane’s Addiction) et Josh Klinghoffer (ex-RHCP) à la guitare. Et avec ce casting resplendissant, les morceaux prennent du coffre et un volume conséquent.
Plus électrique aussi, « Earthling » manque peut-être de ce côté écorché vif plein d’émotion qui a très longtemps caractérisé le chanteur. Il est aujourd’hui plus posé, ce qui n’empêche nullement sa voix unique de prendre le dessus (« Rose Of Jericho », « Brother The Cloud », « Good And Evil », « Try »). EDDIE VEDDER n’a rien perdu de sa superbe et on peut même s’interroger sur les apparitions plus qu’anecdotiques de Stevie Wonder, Ringo Starr et Elton John. « Earthling » est l’album d’un homme mature et positif (« Long Way », « Fallout Today »).
Véritable révélation Americana Blues Rock venue des Pays-Bas, HARLEM LAKE a sorti il y a quelques semaine un superbe premier album, « A Fool’s Paradise Vol.1 ». Dans un registre très Southern, le quintet affiche une étonnante maturité et un style déjà très personnel. Guidé par la voix exceptionnelle de Janne Timmer, également parolière, le groupe traverse des contrées Blues, Rock et Soul avec une aisance désarmante et un feeling incroyable. Entretien en deux parties avec la chanteuse du groupe, qui nous en dit un peu plus sur le processus de création et la démarche artistique de HARLEM LAKE…
Photo : Melle de Groot
– La première chose qui surprend à l’écoute de « A Fool’s Paradise Vol.1 », c’est la découverte de votre pays d’origine, la Hollande. On a franchement l’impression d’entendre un groupe du sud des Etats-Unis. Vous avez grandi avec le registre Southern américain qu’il soit Rock, Blues ou Soul ?
Merci, c’est un vrai compliment ! Enfants, nous avons grandi avec beaucoup de styles de musique différents. Et à l’adolescence, nous avons tous découvert le Blues chacun à notre manière. Pour Dave (Warmerdam, piano, claviers – NDR), ce fut grâce à un accordeur de piano qui, après avoir accordé le sien, lui a joué du Boogie Woogie. Et il s’est avéré qu’il s’agissait de Mr Boogie Woogie, l’un des meilleurs pianistes néerlandais. Pour ma part, j’ai toujours adoré Joe Cocker et Sonny (Ray, guitare – NDR), quant à lui, porte vraiment l’héritage du Blues en lui. Nos parents écoutaient des artistes Rock plus grand public comme Dire Straits, Fleetwood Mac, Genesis et Pink Floyd. Et si on commence à creuser à partir de là, on finit toujours par se retrouver à la croisée des chemins !
– HARLEM LAKE a été fondé par votre pianiste Dave Warmerdam, avant d’être rejoint par Sonny Ray à la guitare et toi au chant. Ensuite, Benjamin Torbijn et Kjelt Ostendorf ont constitué la rythmique. Vous évoluez tellement naturellement ensemble que votre album sonne comme une évidence. Comment se sont passées ces rencontres, car il y a un tel feeling entre vous ?
Sonny et Dave se connaissaient de leur scène Blues locale, car ils viennent de la même région. Dave et moi, nous nous étions déjà rencontrés à plusieurs reprises durant notre adolescence. On avait l’habitude d’aller voir les groupes du coin en concert et lors des tremplins organisés dans un lieu près de chez nous : le Duycker. Le groupe a vu une vidéo où je chantais un classique du Blues, « Oh Darling », et ils m’ont invitée pour un concert-test en en forme d’audition. Sonny a été très enthousiaste et nous sommes devenus amis assez rapidement. Ça a vraiment matché ! Cependant, l’année dernière n’a pas été facile et nous avons dû nous séparer de notre ancienne section rythmique. Mais Kjelt (Ostendorf, bassiste – NDR) s’était déjà joint à nous quelque temps auparavant pour des sessions de pré-production, car notre précédent bassiste n’était pas disponible. Il joue également sur la plupart des chansons du disque. Et enfin, Benjamin (Torbijn, batterie – NDR) avait déjà joué avec Sonny auparavant dans un autre groupe et cela a tout de suite été évident quand nous l’avons invité à jammer.
Photo : Julia Bo Heijnen
– Vous avez composé et monté un répertoire très abouti en peu de temps, ce qui est très rare dans ce registre. Et les concerts ont rapidement confirmé votre talent. Vous avez senti tout de suite que votre musique s’imposait d’elle-même ?
Je pense qu’il n’y a pas de réponse simple et rapide à cela. Lorsque vous écrivez un morceau, vous pensez à la chanson et au message que vous voulez y mettre. La chose la plus importante est que nous aimons ce que nous faisons, et pendant l’écriture des chansons, nous nous concentrons uniquement sur la musique, tout le reste passe au second plan. Mais c’est vrai qu’il nous est arrivé d’écrire des morceaux qui ont immédiatement sonné. C’est un sentiment très excitant et grisant, lorsque vous créez quelque chose et que vous le ressentez tout de suite. Pour la plupart des chansons qui figurent sur « A Fool’s Paradise vol.1 », j’avais ce sentiment. Mais bien sûr, certains morceaux ont eu besoin de plus d’attention et d’être plus travaillés que d’autres.
– On l’a dit, HARLEM LAKE marie habillement les différents courants Southern avec une base Rock fortement teintée de Blues et de Soul. Vous avez l’intelligence de mettre votre technique au service d’un feeling incroyable. L’important est d’abord de donner une âme à vos morceaux ?
C’est une question difficile ! La plupart des chansons commencent par un feeling à partir duquel la musique évolue. Il nous pousse à prendre la guitare, à nous asseoir derrière le piano ou à chanter. Sonny et Dave ont le talent de traduire leurs sentiments en musique et je suis souvent capable de les mettre en mots et en mélodies. Les ingrédients les plus importants pour qu’une chanson vous touche est très probablement l’honnêteté et l’intention qu’on y met. Sans cela, ce serait juste creux et froid.
Photo : Cem Altınöz
– Les chansons sont littéralement transcendées par le feeling, l’émotion et ta puissance vocale, que l’on peut d’ailleurs aussi retrouver chez Sharleen Spiteri notamment. De quoi parlent vos textes et est-ce la musique qui vient se poser sur les paroles, ou l’inverse ?
Les thèmes principaux de notre premier album sont l’amour, la perte, le désir et ce que tout ça peut nous apprendre. Il s’agit de grandir à travers la douleur et de trouver la force d’affronter et d’apprendre, au lieu de retomber dans des schémas toxiques. Il faut apprécier ce que nous avons, tout en aspirant à ce que nous n’avons pas encore. Le titre « A Fool’s Paradise » fait référence au phénomène de vivre dans un monde où rien n’est ce qu’il paraît. Nous avons tellement grandi ces dernières années que nos chansons racontent les leçons que nous avons apprises et les nouvelles visions du monde que nous avons aujourd’hui. Par ailleurs, sur l’album, nous essayons de décrire le fait que tout le monde a des imperfections et éprouve des difficultés, et que ce serait un paradis de fous, si on pensait être les seuls dans ce cas ! (Rires)
En ce qui concerne le processus d’écriture, il diffère selon la chanson. La musique ou les paroles peuvent venir en premier, et cela dépend aussi si la chanson est écrite par l’un d’entre nous ou par l’ensemble du groupe. Cela peut arriver que le groupe soit en train de composer et qu’en même temps j’écrive les paroles, comme pour « Deaf & Blind ». Il est aussi arrivé que Dave produise entièrement un morceau et me l’envoie. Ce fut le cas pour « A Fool’s Paradise », par exemple. Parfois, j’écris des paroles sous forme de poème, je n’y touche pas pendant des mois et quand la bonne musique arrive, je les ressors comme pour « Please Watch My Bag ». Pour « The River », Sonny a sorti un riff de guitare, nous nous sommes assis à côté avec Dave et la chanson s’est faite ainsi. Nous n’avons pas vraiment de méthode, et très souvent, en utiliser plusieurs nous permet de découvrir beaucoup de choses.
– Outre les mélodies qui sont terriblement efficaces, il y a un énorme travail sur les arrangements, qui peuvent d’ailleurs rappeler les premiers albums de Tedeschi Trucks Band et d’autres grosses formations Blues et Soul. Chaque détail compte et pourtant l’ensemble est si fluide. On vous sent vraiment pointilleux et tellement libres à la fois. C’est un drôle de contraste, non ?
Oui, c’est vrai. Nous nous efforçons toujours d’obtenir une musique de grande qualité avec beaucoup de technique, mais nous nous laissons aussi beaucoup aller en suivant le feeling de l’un d’entre-nous. Lorsque nous discutons sur certaines parties de nos morceaux, nous arrivons facilement à mettre nos égos de côté pour être totalement au service de la chanson. Cela dit, c’est Dave qui a la plus grande influence sur les arrangements, tout simplement parce qu’il a une très bonne oreille et un grand feeling. Il sait mieux que personne élever une chanson. Par ailleurs, c’est un processus qui prend beaucoup de temps et qui demande beaucoup de tentatives, et pas toujours réussies d’ailleurs. C’est vrai que l’âme d’une chanson, comme nous en avons parlé plus tôt, prend forme et grandit pendant le processus d’écriture. Les détails et les arrangements que l’on ajoute ensuite sont là pour renforcer cet ensemble et laisser ressortir les parties les plus importantes, que ce soit un gros riff de guitare, le texte ou tout le travail fait en amont sur la mélodie.
Parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de disques qui sortent et qu’il serait dommage de passer à côté de certains d’entre eux : [Going Faster] se propose d’en mettre plusieurs en lumière… d’un seul coup ! C’est bref et rapide, juste le temps qu’il faut pour se pencher sur ces albums, s’en faire une idée, tout en restant toujours curieux. C’est parti !
KIEFER SUTHERLAND – « Bloor Street » – Cooking Vinyl
Et si la star américaine de « 24h » n’était finalement pas bien meilleur chanteur et musicien qu’acteur ? C’est en tout cas la question que l’on peut légitimement se poser à l’écoute de « Bloor Street ». KIEFER SUTHERLAND confirme son aisance et surtout sa légitimité dans un style Americana qu’il maîtrise parfaitement. Après un « Down In A Hole » en 2016 où le songwriter n’en était qu’aux balbutiements, il s’est réellement affirmé en tant que musicien et compositeur avec « Reckless & Me », qui attestait qu’il fallait dorénavant compter sur lui. Avec « Bloor Street », KIEFER SUTHERLAND livre un album intimiste et idéalement masterisé à Nashville par Ted Jensen. L’Américain se livre comme rarement dans un disque rondement mené et dans lequel il se découvre avec talent et émotion. Bluffant à plus d’un titre.
THE WHITMORE SISTERS – « Ghost Stories » – Red House Records
Aussi étonnant que cela puisse paraître, « Ghost Stories » est la première collaboration artistique entre les sœurs WHITMORE, Bonnie et Eleanor. Cette première basée à Austin, Texas, possède quatre albums acclamés à son actif, tandis qu’Eleanor officie avec Steve Earle et avec son mari au sein des Mastersons. Dans un registre de musique roots américaine très fortement teinté d’Americana, THE WHITMORE SISTERS explorent des ambiances saisissantes et, dotées de voix incroyables, on se laisse bercer par leurs mélodies très attachantes (« Learning To Fly », « Friends We Leave Behind », « Hustin’ For A Letdown », « Ricky »). Très varié et parfaitement produit, ce brillant album, « Ghost Stories », livré par THE WHITMORE SISTERS, marque aussi un certain renouveau de l’Americana.
Derrière cette étonnante pochette, c’est un album tout aussi curieux qu’ont concocté le ténébreux songwriter Jaypee-Jaypar et son Cannibal Orgasmic Band avec JaCOB. Côtoyant le Blues, le Rock, la Folk et le Metal, le combo se garde pourtant de les investir pleinement. Une façon de ne pas y toucher et de se révéler dans un Americana tendu et sombre à travers ce très bon « Metamorphosis ».
JaCOB
« Metamorphosis »
(Grey Cat Records/Inouïe Distribution)
Jaypee-Jaypar devait sûrement se sentir un peu seul. Après le très bon « Meet Me Again » en 2019, le songwriter a décidé de prendre du volume et s’affiche désormais sur le bien-nommé « Metamorphosis » avec quatre comparses. Aux côtés du chanteur-guitariste, on retrouve Marie Caparros (violoncelle), Fred Brousse (harmonica, guitare), Rémi Dulaurier (batterie) et Jean Joly (basse, contrebasse) et JaCOB a plutôt fière allure.
Et si le line-up à l’allure d’un Blues band, on en est effectivement pas bien loin, même si le compositeur a une vraie tendance à brouiller les pistes. Très épurée, l’atmosphère qui se dégage de ce premier album en groupe peut laisser un peu perplexe. Dès « Prayer » qui ouvre l’album, on a ce sentiment que JaCOB nous plonge dans une ambiance de western contemporain. Plusieurs styles s’entrechoquent avec une élégance certaine.
Mélanger le Blues, la Folk et le Rock dans un esprit assez Metal peut pourtant être risqué. Les deux navrants albums de Me And That Man en témoignent avec éclat. Mais dans le cas de JaCOB, on serait plutôt dans un registre Americana musclé et brûlant, où la classe surplombe la démonstration (« Lovesome Bastard », « Son Of A Bitch », « Rain », « In My Realm »). Sans renier une touche française évidente, le groupe impose un style rugueux et convaincant.
Unis à la ville, Grace (chant principal, mandoline, violon) et Aaron Bond (guitare, chant) forment aussi un redoutable duo de Blues Rock sur scène. L’an dernier, leur premier album, « We Fly Free », m’avait réellement conquis que c’est donc tout naturellement que je suis allé aux nouvelles pour savoir notamment comment WHEN RIVERS MEET avait vécu cette riche année, où le couple s’est vu remettre pas moins de quatre UK Blues Awards avant de revenir aujourd’hui avec un deuxième opus tout aussi créatif, « Saving Grace ».
Photo : Blackham
– Il y a un an, vous sortiez votre premier album, « We Fly Free », après deux premiers EP. Vous êtes déjà de retour avec « SavingGrace », qui vient confirmer votre créativité. C’est très rapide pour un deuxième album. J’imagine que beaucoup de morceaux devaient être déjà prêts, non ?
Aaron : Oui, nous avions pas mal d’idées en tête l’année dernière et nous avons commencé à écrire en hiver. C’était juste au cas où nous ne serions toujours pas en mesure de tourner. Nous avons pu écrire beaucoup plus de chansons, et ensuite nous avons eu l’opportunité d’enregistrer un autre album. Pouvoir le faire si vite était génial, alors il fallait tout simplement s’y mettre.
– « We Fly Free » a été récompensé par quatre UK Blues Awards. Cela doit être une grande fierté pour vous, notamment durant cette période où rien n’a été facile, et même si je n’ai pas été surpris…
Grace : Nous avons été tellement époustouflés d’être nominés, sans parler de gagner ces quatre Awards. Cela signifie vraiment beaucoup pour nous, car les gens aiment la musique que nous écrivons. Donc, dire que nous sommes fiers d’avoir reçu ces prix est un doux euphémisme.
– Vous revenez donc avec « Saving Grace », un deuxième album où l’on retrouve ce son si particulier. Lors de notre dernière interview, vous me parliez d’un travail de groupe pour le suivant. Qu’en est-il ? WHEN RIVERS MEET compte-t-il de nouveaux membres permanents ?
Aaron : En attaquant ce deuxième album, nous voulions obtenir un son différent, tout en conservant notre identité. Quand nous sommes entrés en studio, nous avons fait un brief avec notre producteur Adam, puis nous nous sommes lancés. Même si nous sommes réunis tous les trois à nouveau, nous avons vu une réelle évolution d’une année à l’autre.
Photo : Blackham
– « Saving Grace » dispose aussi d’une production plus lumineuse, mais toujours aussi brute et percutante. On retrouve cette énergie live présente sur votre premier album. Votre collaboration avec Adam Bowers au Boathouse Studio semble vraiment être la bonne formule, car vous évoluez toujours ?
Grace : Oui absolument, nous aimons ce son live et brut qui nous caractérise. Et c’est un plaisir de travailler avec Adam, car il l’obtient tout de suite et il capte parfaitement la sensation de nos chansons. Il y a aussi une véritable énergie en enregistrant de cette manière un peu classique et on a vraiment l’impression que c’est véritablement notre son. Et puis, on ne veut pas le voir changer de sitôt.
– Ce nouvel album est également plus Rock et résolument optimiste. C’est cette belle année passée qui vous a rendu si joyeux ? On vous sent beaucoup plus libérés…
Aaron : Quand nous avons enregistré « We Fly Free », nous ne savions pas ce qui allait se passer dans le monde, donc nous ne pensions pas trop tourner. Mais quand il s’est agit de « Saving Grace », nous savions que nous allions bien rigoler à écrire ces chansons. Alors nous les avons écrites en sachant que nous allions les jouer sur scène. Nous en avons même eu des visions en les écrivant, c’était tellement génial.
– On retrouve aussi ce son très roots qui vous caractérise et vous donne cette authenticité et ce côté très organique. Vous évitez les artifices pour proposer des chansons très directes. Vous partez d’abord d’un riff ou c’est le texte qui donne le ton lors de la composition ?
Grace : Nous avons certainement un côté roots que nous ne perdrons jamais. Nous voulons juste être honnêtes dans notre musique, car nous savons d’où l’on vient. Nous avons des influences de différents genres que nous aimons explorer lorsque nous écrivons. Donc, ça peut venir de partout lorsqu’on démarre un titre. Une idée peut surgir d’un riff de guitare, des paroles d’une chanson ou une mélodie et nous travaillons et construisons les morceaux à partir de là. Nous sommes assez impitoyables. Si nous ne l’aimons pas dès le début, nous abandonnons l’idée et on passe à la suivante.
Photo : Blackham
– Sur ce nouvel album, on remarque aussi la présence d’un orgue Hammond sur plusieurs titres, ce qui apporte un petit côté plus ‘classique’ aux morceaux. Ca parait même plus confortable au regard du reste de l’album. C’était l’objectif ?
Grace : Nous aimons le Classic Rock et nous savons que l’orgue Hammond en est vraiment un élément central. Nous devions donc en avoir sur l’album, c’était assez logique finalement.
– D’ailleurs, « Saving Grace » est toujours aussi diversifié, grâce à des morceaux de Blues traditionnel, des sonorités très Southern et une approche très contemporaine. Vous explorez toutes ces ambiances avec toujours le même plaisir ?
Aaron : Définitivement ! Nous aimons explorer toutes les voies à travers la musique que nous aimons comme le Blues, le Rock, la Country et l’Americana. Pouvoir ajouter ces saveurs dans notre musique est génial.
– Enfin, « We Fly Free » vous a consacré dès votre premier album. Que peut-on vous souhaiter avec « Saving Grace » ? Peut-être de pouvoir aller le jouer dans le monde entier et accueillir un plus grand nombre de fans ?
Grace : Il n’y a rien que nous voulons plus que jouer notre musique partout où nous le pourrons. Alors si cela signifie voyager à travers dans le monde pour le faire, on est carrément partant ! (rires)
L’album de WHEN RIVERS MEET, « Saving Grace », est disponible sur le site du groupe : www.whenriversmeet.co.uk
Et si vous souhaitez aller les applaudir en concert en Angleterre à partir du 21 avril, les places sont déjà disponibles en ligne : www.thegigcartel.com
Retrouvez la première interview du groupe donnée à Rock’n Force :
Parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de disques qui sortent et qu’il serait dommage de passer à côté de certains d’entre eux : [Going Faster] se propose d’en mettre plusieurs en lumière… d’un seul coup ! C’est bref et rapide, juste le temps qu’il faut pour se pencher sur ces albums, s’en faire une idée, tout en restant toujours curieux. C’est parti !
ABBY BRYANT & THE ECHOES – « Not Your Little Girl » – Independent
Originaire de Caroline du Nord, ABBY BRYANT livre son premier album autoproduit, « Not Your Little Girl », dans lequel avec son groupe The ECHOES, elle fait preuve d’une maturité musicale étonnante. Dans un registre Soul et Southern mâtiné d’Americana et de Rock légèrement vintage, la chanteuse est accompagnée de son partenaire de jeu, le guitariste Bailey Faulkner. Quant au groupe, il est même composé de musiciens chevronnés ayant, ou jouant, aux côtés du Allman Betts Band, Susan Tedeschi ou Nick Ellman : autant dire le gratin de leur ville d’Asheville. Sur des morceaux plein de feeling, ABBY BRYANT se montre aussi sensible que féroce à travers des compositions très variées et addictives (« Not Your Little Girl », « Tried », « Where Do I Go », « I’m Telling You », « There’s No Way »). Premier essai brillamment transformé !
PILGRIM – « No Offense, Nevermind, Sorry » – Horton Records
Originaire Tulsa, Oklahoma, PILGRIM assure et assume la continuité de ce son si particulier rendu célèbre par le grand JJ Cale. Entre Blues, Rockabilly et Country, le frontman et guitariste Beau Robertson s’est attelé à l’écriture d’un album, au titre ironique, aussi varié qu’inspiré et surtout terriblement roots. Enregistré au Paradise Studio, ancien repère de Leon Russell, « No Offense, Nevermind, Sorry » est loin de faire dans la nostalgie ou la redite. Entouré d’un groupe exceptionnel, l’Américain ne bouscule pas la tradition, mais lui insuffle plutôt un petit coup de jeune, un brin impertinent. Mené par une voix pleine d’émotion, on navigue entre douceur (« Kate »), profondeur (« Darkness Of The Bar », « Out Of Touch ») et un optimisme joyeux et enlevé (« Down », « High On The Banks »). PILGRIM est une plongée dans l’Amérique profonde, via Tulsa et sa magie sonore.