Catégories
Hard Blues Hard Rock

Legba : la danse des esprits

Avec un tel patronyme, on pourrait s’attendre à un disque influencé par des rythmes caribéens ou à une plongée au coeur du bayou. S’il flirte légèrement avec l’atmosphère du Blues marécageux américain, LEGBA livre plutôt un Hard Rock direct, efficace et dont les mélodies sont imbibées d’un Blues épais. Avec « Oscuro », le quintet français se montre dynamique et inspiré. Une véritable révélation !

LEGBA

« Oscuro »

(Independant)

Le groupe tire son nom de Papa Legba, qui est un ‘Iwa’, c’est-à-dire un esprit du vaudou originaire de l’actuel Bénin et toujours répandu au Togo où il a la fonction de messager de dieu. On le retrouve aussi d’ailleurs dans la culture syncrétiste haïtienne. Voilà pour la petite histoire et l’aspect étymologique du nom adopté par les Basques. Pour autant, ce personnage symbolique est essentiellement présent dans les textes de LEGBA, dont le registre tend plutôt vers un Hard Rock légèrement vintage et très américain.

Fondé par l’ex-Titan Pat Têtevuide début 2020 et donc en plein confinement, le musicien avait ressenti le besoin et la nécessité de composer. C’est naturellement son parcours de vie et la musique qui le porte depuis toujours qui ont été ses principales inspirations, le tout dans un climat mystique. LEGBA prend ensuite rapidement forme et les contours musicaux sont évidents. Si l’on pense à Aerosmith ou même Lynyrd Skynyrd, on plonge surtout dans un Hard Rock 90’s fortement teinté de Blues, façon Cinderella.  

Sur « Oscuro », le son californien et une ambiance rappelant la moiteur de la Louisiane font cause commune. Si le vaudou apparait dans les paroles de morceaux traitant de la mort, de l’esclavagisme et de son abolition ou encore de la ségrégation, LEGBA ne donne pas dans une sorte de folklore exotique, mais sort plutôt des guitares très aiguisées (« Kingdom Of The Blind », « Creepy Voodoo Dolls, « Hard’n’Gone ») et s’abandonne dans un Blues chaleureux (« Devil’s Blues Part I & II », « Bird »). Un beau voyage entre Blues et Hard.

Catégories
Death Metal

Prophetic Scourge : la force du mythe

Les légendes et les écrits épiques ont toujours influencé un grand nombre de groupes Metal. PROPHETIC SCOURGE est de ceux qui se sont attelés à livrer leur interprétation de l’œuvre attribuée à Homère, ‘L’Odyssée’. Avec ce deuxième album, « Gnosis – A Sorrower’s Odyssey », c’est une vision et une version Death Metal très technique et massive que propose le quintet basque sur plus d’une heure intense et saisissante.

PROPHETIC SCOURGE

« Gnosis – A Sorrower’s Odyssey»

(Klonosphere/Season Of Mist)

Sorti en fin de l’année chez Klonosphere, ce deuxième album des Basques de PROPHETIC SCOURGE n’a malheureusement, comme tant d’autres, pas eu la mise en lumière qu’il méritait. Pourtant depuis 2013, le quintet ne cesse d’affiner son Death Metal, qui se fait de plus en plus technique. Le bon moment donc pour le groupe pour se lancer dans un album dont la complexité, si elle reste musicale, tient aussi au thème abordé : ‘L’Odyssée’ d’Homère. 

Avec « Gnosis – A Sorrower’s Odyssey», le combo s’attaque donc à un mythe, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et qui a aussi donné lieu à nombre d’interprétations dans de multiples domaines artistiques. Cette fois, il est question d’une vision violente et brutale des travaux du poète grec. Fort d’une technicité évidente, PROPHETIC SCOURGE donne sa version de cette épopée dans ses aspects les plus sombres.

Décliné en sept chapitres, marquant les principales étapes de l’aventure, le groupe porte un regard musclé et sauvage en faisant un focus sur les sentiments du deuil et de la culpabilité de survivre du protagoniste. Sur un rythme effréné, « Gnosis – A Sorrower’s Odyssey » s’étend sur plus d’une heure, où les riffs se font tranchants, les rythmiques lourdes et rapides tout en laissant quelques respirations au Death Metal très inspiré de PROPHETIC SCOURGE.   

Catégories
France Heavy metal

Titan : par la grande porte [Interview]

Un petit tour et puis s’en va. C’est à peu près le résumé de la carrière de TITAN, groupe finalement assez éphémère du milieu des années 80. Plus de 30 ans après, le combo de Heavy Metal basque remet le couvert, revigoré par l’enthousiasme de ses fans, dont la patience semble sans limite. « Palingenesia », le nouvel album du quintet, marque un retour fracassant et vient démontrer que la scène hexagonale a vécu de belles heures et s’apprête plus que jamais à en vivre d’autres largement aussi intenses. Patrice le Calvez, chanteur de TITAN, revient sur la brève épopée du groupe et surtout sur une envie décuplée de revenir sur le devant de la scène.

– Commençons par un peu d’histoire pour la jeune génération. TITAN a sorti un album éponyme en 1986, puis le Live « Popeye Le Road » deux ans plus tard. Ensuite, c’est le split avant un retour sur scène en 2017. Comment expliquez-vous que vous ayez autant marqué les esprits en seulement deux albums ?

On ne se l’explique pas trop en fait. A l’époque, on ne s’était pas rendu compte de l’impact que ça avait pu avoir auprès du public Metal français. On a vraiment pas pris la mesure quand on est revenu, même si avant il y avait quand même pas mal de demandes. Il y a eu une réédition en 2015, qui nous a fait prendre conscience qu’on était toujours dans l’esprit des gens et qu’on avait marqué les fans. Ensuite, l’apothéose a été quand on a fait la date au ‘Pyrenean Warriors Festival’ où on a reçu une dose d’amour et d’émotion vraiment fabuleuse ! 30 ans et les gens ne t’ont pas oublié et n’ont qu’une envie, c’est de partager des trucs avec toi.  

– Après l’album live, c’est la séparation pendant de longues années. Que s’est-il vraiment passé et à quoi chacun a-t-il vaqué ensuite ?

On a tous continué dans la musique, mais dans des groupes différents. On continuait à se voir de temps en temps. En 2015, nous nous sommes retrouvés sur un projet commun, qui était un ‘Tribute’ à Accept. Il y a eu deux concerts et au premier, quelqu’un est venu nous voir en nous disant qu’il aimerait avoir TITAN à l’affiche du festival ‘Pyrenean Warriors‘. On ne pensait pas du tout remonter le groupe, mais on s’est pris au jeu. On leur a dit qu’on ferait un concert pour voir comment ça se passe et comment on se sent 30 ans plus tard. Et la réaction du public a eu son importance. Ca a été tellement énorme que ça nous a reboosté et nous sommes repartis comme en 40 ! (Rires)  

– Est-ce qu’ensuite, il vous a paru immédiatement évident de remettre TITAN sur les rails, compte tenu de l’accueil enthousiaste du public ? D’autant qu’à écouter ce nouvel album, vous avez encore des choses à dire…

Ah oui, tout à fait ! Tout ça s’est fait presque naturellement, sans calcul, ni prévision. On a toujours été guidé par le plaisir. Au fil des concerts, on s’est rendu compte qu’on avait toujours le même accueil, puis on s’est remis tout doucement à composer quelques morceaux. Ca tenait vraiment la route, alors on s’est dit que faire un album serait une bonne idée. C’est tout simplement ce qu’il s’est passé ! (Rires)

– Quand avez-vous commencé l’écriture de « Palingenesia », et comment vous y êtes-vous pris ? Chacun a retrouvé son rôle ? Les habitudes sont vite revenues ?

Oui, vraiment. On part toujours d’un riff de guitare ou d’une ligne de basse, puis on structure le morceau et on y pose une mélodie. On fonctionne toujours de la même façon. Nous avons commencé fin 2018/début 2019 avec un premier morceau, et tout s’est enchainé très naturellement. Tout est très vite revenu. C’est comme le vélo ! (Rires)

– Parlons justement de ce nouvel album. Il est très actuel, tant dans les textes que dans le son. Et votre Heavy Metal, s’il reste classique, sonne très moderne. La production est également massive. Dans quelles conditions et comment avez-vous travaillé ?

On a travaillé en local. La technologie actuelle nous permet aussi beaucoup de souplesse, ce qui n’était pas le cas à l’époque. Toute la production artistique, que ce soit le son, le mix et le mastering, on voulait absolument le prendre en charge pour que ça sonne exactement comme on le voulait. C’est une co-production avec Crazy Grumpy, qui s’occupe de la fabrication des supports, de la distribution et de la communication. Et nous sommes très satisfaits du résultat et du son obtenu.    

– Vous restez toujours aussi engagés à travers vos textes, qui traitent de la société et de ses dérives comme la détresse des migrants ou les extrémistes en tout genre. La situation ne semble donc pas s’être améliorée depuis 1986 et vous restez fidèles à vous-mêmes en restant très revendicatifs. On ne vous imagine d’ailleurs pas chanter autre chose. En vous reformant et en composant l’album, vous n’avez pas été tentés d’aborder d’autres sujets, peut-être plus légers ?

Non, parce que c’est vraiment notre ADN. On a toujours fonctionné comme ça. C’est un reflet de la société qui nous entoure. Lorsqu’on écrivait les morceaux, on s’est rendu aussi compte qu’il y avait tellement de choses à dire. On aurait pu en traiter plein d’autres d’ailleurs. Ce sont des sujets qui nous tiennent à cœur et dont on a envie de parler. Nous avons aussi une façon de dire les choses assez crue avec des messages clairs. C’est vraiment ça TITAN !

– Ceux qui ne vous connaitriez pas pourraient dire que vous êtes dans la lignée de Trust, ce qui n’est pas totalement faux (« Les Fous De Dieu »). Je dirai plutôt que vous avez une démarche commune et que vous êtes aussi de cette génération qui est très engagée, contrairement à celle d’aujourd’hui. Tu partages aussi ce point de vue ?

Oui, on est un peu dans la lignée du Trust de l’époque, des premiers albums. Aujourd’hui, je les trouve beaucoup moins engagés et un peu plus polissés. Nous sommes restés bruts de décrochage et on continue, parce que c’est comme ça que nous sommes bien ! On n’a pas envie de changer ! (Rires) Aujourd’hui, on est presqu’à contre-courant en dehors de quelques groupes. Je pense que c’est un état d’esprit. Il y a aussi une absence de conscience politique depuis deux générations. Ce n’est peut-être pas complètement de leur faute, car tout est tellement politiquement correct, on fait passer les infos qu’on veut bien. Alors qu’on a aujourd’hui tous les moyens pour chercher l’info, la vraie, mais les gens ne font plus l’effort. C’est dommage de ne pas être un peu plus curieux et de ne pas aller plus loin de ce qu’on leur donne en pâture.

– Sur « Palingenesia » figure aussi le morceau « Résurrection », qui est même assez émouvant. Vous vous adressez directement à vos fans en confirmant vos intentions et votre engagement. Comment est né ce titre et laisse-t-il présager que TITAN est de retour pour de bon ?

Oui, normalement, on est de retour pour de bon ! (Rires) On n’a pas l’intention de s’arrêter là. Pour nous, ce titre était assez évident. Il y a eu tellement d’émotion, ça a été très fort lorsqu’on a fait ce retour en concert en 2017 que cela nous a paru naturel que sur l’album figure un morceau comme celui-ci. « Résurrection » raconte la journée que nous avons vécu ce jour-là et aussi la raison de notre présence sur scène. S’il n’y a pas de groupe, il n’y a pas de fans. Et s’il n’y a pas de fans, il n’y a pas de groupe. Si nous sommes toujours là pour défendre nos morceaux et nos idées, c’est que nous sommes suivis et c’était évident de leur hommage. C’est un échange.

– Et qu’avec ce très bon nouvel album, vous n’avez pas le regret de ne pas avoir continué votre route à la fin des années 80 ?

Non, je ne crois pas. Personnellement, j’étais le premier à partir du groupe. A cause de mon activité professionnelle, les week-ends étaient toujours chargés, car on jouait partout en France. C’était devenu très compliqué. Et quand tu n’as plus la foi et la pêche pour aller partager ça avec le public, je pense qu’il faut savoir s’arrêter. Aujourd’hui, on est très content d’avoir retrouvé cette envie et on veut que ça continue le plus longtemps possible ! 

– Enfin, quel regard portes-tu sur l’actuelle génération du Metal français, et que penses-tu du retour, comme le vôtre, d’ADX, de Sortilège et de quelques autres ?

Je trouve génial que des groupes de cette époque, comme nous, puissent revenir, se produire à nouveau et avoir le soutien des fans. Et ce qui est encore plus intéressant, c’est qu’il y a des jeunes groupes qui arrivent, je pense à Tentation et Existance notamment, parce que nous ne sommes pas non plus éternels. C’est important que de nouveaux groupes portent aussi le flambeau et il faut que ça continue ! (Rires)

L’album de TITAN, « Palingenesia », est disponible depuis le 26 novembre 2021 via Grumpy Mood Records.

Album et merchandising : https://www.crazygrumpystore.com/

Catégories
Extrême Stoner/Desert

Kabbalah : Les femmes de la crypte

Entre Hard Rock 70’s et Doom, le trio féminin KABBALAH s’est frayé un chemin et bâti une solide identité. Occulte, captivant et incantatoire, « The Omen » révèle une créativité limpide et tortueuse. Les trois Espagnoles traversent les âmes en perdition dans un rituel obsédant basé sur des riffs lancinants et pêchus.

KABBALAH

« The Omen »

(Rebel Waves Records)

C’est depuis Pampelune au pays Basque que KABBALAH forge son Rock Occult depuis 2013 avec tout d’abord une série de trios EP et « Spectral Ascent », un premier album sorti il y a un peu plus de trois ans. Plus affûté et inspiré que jamais, le trio féminin vient confirmer un potentiel évident avec « The Omen », qui dégage des émotions très particulières.

Carmen, Alba et Marga mènent de main de maître cette procession Rock que l’on croirait tout droit sorti des 70’s. Si les ombres de Black Sabbath et du Blue Öyster Cult planent sur l’album, le chant clair et envoûtant guide KABBALAH dans des atmosphères rituelles et captivantes, tout en jouant habillement sur la symbolique du genre.

De « Stigmatized » à « Liturgy » en passant par le génial « The Ritual », le trio ibérique sait se faire aussi percutant que sensuel avec une délicatesse loin d’être macabre ou morose. Non, KABBALAH parvient à déchirer les ténèbres de son Rock Occult grâce à un Doom harmonieux qui le rend presqu’incandescent (« Night Comes Near », « Labyrinth », « Duna »).