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Alt-Country Americana Country-Rock

Rodney Crowell : riding the pleasure

Country-Rock, Americana Blues ou Folk épuré, RODNEY CROWELL ne cherche plus à se contenter d’une chapelle. Il les embrasse toutes. Dans l’atmosphère humide de la Louisiane, l’Américain semble avoir renoué avec un passé fait de joie et d’enthousiasme. Entouré de jeunes musiciens aussi respectueux que talentueux, il a développé une énergie exceptionnelle à travers ce lien intergénérationnel, qui offre un souffle artistique électrisant à ce « Airline Highway » à la narration captivante et au jeu enveloppant.

RODNEY CROWELL

« Airline Highway »

(New West)

Lorsque l’on se plonge dans la discographie de RODNEY CROWELL, dont le premier disque « Ain’t Living Long Like This » est sorti en 1978, c’est assez fascinant de s’apercevoir qu’à l’époque l’Outlaw Country, malgré Johnny Cash et Willie Nelson, l’Americana et surtout l’Alternative Country étaient des registres plus que confidentiels, voire quasi-inexistants. Autant dire que la musique du Texan est un peu tout ça à la fois, sans oublier un côté bluesy, Soul et Rock qui fait ce grain si particulier qui parcourt son style inimitable. Pourtant, avec « Airlines Highway », il continue de se projeter en s’entourant remarquablement.

Sur son vingtième album, RODNEY CROWELL a mis au profit de belles rencontres pour continuer à aller de l’avant et pousser encore un peu plus ce mélange des styles. La première d’entre elles est celle avec Tyler Bryant, chanteur et guitariste de The Shakedown, qui produit et joue sur « Airline Highway » que tout ce petit monde est allé enregistrer en Louisiane dans le studio de Trina Shoemaker. Et le nom de ce nouvel opus ne doit rien non plus au hasard, puisque c’est celui de l’historique, et très cabossée, route reliant la Nouvelle-Orleans à Baton Rouge. Un symbole pas si anodin qu’il n’en a l’air.

Si le songwriter reste fidèle à une écriture directement inspirée de celle de Nashville, il élargit encore et toujours sa palette, accompagné d’un groupe redoutable de musiciens d’Austin et de quelques guests triés sur le volet. A leur côté, RODNEY CROWELL montre une incroyable connivence avec la chanteuse Ashley McBride (« Taking Flight »), Lukas Nelson (« Raining Days In California »), Charlie Starr des Blackberry Smoke (« Heaven Can You Help »), Tyler Bryant bien sûr, et surtout les sœurs Lovell de Larkin Poe pour les harmonies et les slides de l’ensemble de la réalisation. Une vérité très bien entretenue.   

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Blues Soul / Funk Southern Blues Rock

Little Feat : a brand new legend

Sans rien changer à son sens du groove et avec un feeling incroyable, LITTLE FEAT poursuit son chemin comme si de rien n’était. En quête perpétuelle d’un style qui rassemble autant le Blues le plus authentique, la Soul profonde de Louisiane que des cuivres incandescents hyper-funky, l’emblématique et éternel groupe livre enfin de nouveaux titres inédits. Avec une humilité, une technicité et un art du songwriting qui se réinvente avec beaucoup de modernité, « Strike Up The Band » ne dépareille pas une seule seconde de l’immense héritage discographique d’une formation inépuisable et insatiable.  

LITTLE FEAT

« Strike Up The Band »

(Hot Tomato Records)

Près de 55 ans après sa création, LITTLE FEAT tient toujours debout et, malgré une carrière en dent de scie, des changements de line-up et quelques disparitions marquantes, il semble même avoir retrouvé un nouvel élan. Alors que « Sam’s Place », sorti l’an dernier, résonne encore de ses vibrantes reprises, c’est avec un tout nouvel album entièrement original que le sextet fait un retour époustouflant, son premier depuis 13 ans. Et que la fête est belle ! Enregistré entre les studios Blackbird de Nashville et le Studio One Two Seven de Harlem à New-York, « Strike Up The Band » célèbre avec toujours autant de classe un Blues sudiste très varié et plein de surprises, qui paraît si éloigné de sa Californie natale.

Autour du solide socle constitué de Bill Payne, au chant et aux claviers depuis 1969, et de Paul Barrere (chant, guitare), Sam Clayton (conga, percussions, chant) et Kenny Gradney (basse) tous présents depuis 1972, LITTLE FEAT peut compter depuis un bon moment maintenant sur les fidèles et talentueux Fred Tackett (guitare, mandoline, trompette, chant) Tony Leone (batterie) et le virtuose guitariste et compositeur Scott Sharrad. Et cette armada du groove continue son exploration du Blues, du Funk, du Southern Rock et de ses envolées Soul avec une fraîcheur, une élégance, un enthousiasme et une complicité, qui nous ramènent aux premières heures de ce combo hors-norme.

Dans la chaleur des cuivres et la torpeur de la slide, LITTLE FEAT s’est ouvert à quelques collaborations, et non des moindres. Côté compositions, « Bayou Mama » est l’œuvre de Payne et de Charlie Starr des Blackberry Smoke, tandis que « Bluegrass Pines » doit son texte à Robert Hunter, légendaire parolier de Grateful Dead et où l’on retrouve le six-cordiste Larry Campbell, les chœurs de sa femme Teresa Williams et Molly Tuttle en embuscade. Dans cette heure assez magique, les sœurs Lowell de Larkin Poe enveloppent la touchante chanson-titre, puis la féérie continue sur « 4 Days Of Heaven, 3 Days Of Work », « New Orleans Cries When She Sings », Too High To Cut My Hair », « Midnight Flight »… Grand !

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Southern Metal Southern Rock

Mark Morton : south side

Décidemment, il semblerait que tout le monde se tourne vers la scène du Sud et peu importe le style. Certes, dans le Blues, il paraît assez normal et évident d’aller vers des origines avérées. Quand les musiciens issus du milieu du Metal, et pas des plus tranquilles, s’y mettent, on y regarde tout de même à deux fois… et en scrutant le pédigrée de l’aventurier. MARK MORTON, six-cordiste en chef de Lamb Of God, fait mieux de s’immiscer dans un genre pourtant loin de ses (bonnes) habitudes. Grâce à un jeu brut et direct, son côté roots fait même de son album une belle surprise. « Without the Pain » est un disque bien exécuté et convaincant. 

MARK MORTON

« Without The Pain »

(Independant)

Tout d’abord, je tiens à rassurer les fans de Lamb Of God et ceux de Country Music aussi car, contrairement à ce que j’ai pu lire dans un très, très fameux magazine rocailleux français, MARK MORTON n’a pas sorti d’album de Country. Enfin, pas encore à ce jour, il me semble… Donc, histoire de rectifier un peu le tir hasardeux plein de graviers de notre belle presse nationale, le guitariste et chanteur s’est essayé (et plutôt bien !) au Rock Sudiste, c’est-à-dire au Southern Rock pour être le plus politiquement correct possible. Désolé, mais comme je sais que l’heure est aux fake news, je tenais à apporter quelques précisions. Direction donc le Sud des Etats-Unis avec ce « Without The Pain » de très bonne facture.

Alors, c’est vrai que notre tendre métalleux s’est fait plaisir en invitant quelques jolis noms plutôt associés au genre, comme le leader de Cadillac Tree, Jaren Ray Johnston, la chanteuse Country Nikki Lane, le rugueux Texan Matt James des Blacktop Mojo, le jeune Travis Denning de Georgie, ainsi que Charlie Starr et Jason Isbell de Blackberry Smoke, le très Outlaw Cody Jinkx, la jeune et talentueuse guitariste Grace Browers déjà chroniqué ici, ‘Mr Larkin Poe’ Tyler Bryant, le frontman de Clutch, Neil Fallon, le guitariste de Blues Rock Jared James Nichols et enfin le bassiste et chanteur de Mastodon Troy, Jayson Sanders… Il manque donc Dolly Parton à cette grand-messe de la Country orchestrée par MARK MORTON !

Assez éloigné donc des Miranda Lambert, Lainey Wilson et autres Carrie Underwood, on est plutôt ici dans les pas du Pride & Glory de Zakk Wylde, voire plus récemment de Cory Marks. Ne nous y trompons pas, le musicien originaire de Virginie, a mis le cap au Sud en sortant les muscles, et on n’en attendait pas moins de lui. Il prend à bras le corps le Southern Rock avec l’héritage très Metal qu’on lui connaît. Et ça sonne ! Les riffs épais et tranchants, un songwriting aux petits oignons et des solos de grande classe font de ce deuxième effort en solo de MARK MORTON un moment bien pensé et agréable. Proche des standards du genre, il lui manque cependant encore un peu d’identité franchement Southern. Propre et soutenu.

Photo : Travis Shinn

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Hard Rock

Ricky Warwick : riffs dealer

Multipliant les riffs efficaces et acérés et les solos exaltés, ce nouvel opus de RICKY WARWICK s’inscrit dans la lignée de ce qu’il a l’habitude de proposer et sa classe naturelle et son éthique tellement Rock’n’Roll font encore la différence. Le musicien porte ici un regard lucide sur sa vie et sa carrière à travers des morceaux bruts, puissants et profonds qui traversent eux aussi des ambiances très diverses. Et L’Irlandais croise même le fer avec quelques amis et accueille une grande Dame, qui lui fait même l’honneur de jouer sur un instrument devenu emblématique.

RICKY WARWICK

« Blood Ties »

(Earache Records)

Originaire du comté de Down au nord de l’Ulster, RICKY WARWICK est toujours aussi prolifique et ce neuvième effort solo vient confirmer sa belle créativité. Il faut croire que le leader de Black Star Riders et des Ecossais de The Almighty en a encore sous le pied et que son Hard Rock ‘so british’ n’est pas près de s’éteindre. Celui qui fut aussi un temps chanteur de Thin Lizzy dans son ultime line-up a reconduit sa collaboration avec Keith Nelson, guitariste de Buckcherry, qui assure à « Blood Ties » une production soignée.

Hérité des années 80/90 et marqué par son passage dans la formation du grand Phil Lynott, le Hard Rock de RICKY WARWICK parvient encore et toujours à se montrer actuel. Cela dit, le chanteur paraît aussi assez nostalgique dans ses réalisations personnelles, bien plus qu’en groupe d’ailleurs, mais sans tomber dans la mélancolie pour autant. Et « Blood Ties » se veut dynamique, tout en restant très mélodique. L’Irlandais entretient son goût d’un certain classicisme, ce qui le rend si familier et incroyablement fédérateur. 

Comme son précédent disque en 2021, RICKY WARWICK n’est pas seul et a invité du beau monde. On retrouve tout d’abord le guitariste de The Cult, Billy Duffy, sur le bouillonnant « The Hell Of me And You », puis son homologue des Blackberry Smoke, Charlie Starr, sur le groovy et sleazy « Rise And Grind ». Un plaisir entre six-cordistes, qui ne s’arrête pas là, puisque la dernière guest n’est autre que la légendaire Lita Ford pour un duo aux allures de ballade Americana, « Don’t Leave Me In The Dark », sa guitare des Runaway dans les mains.

Retrouvez aussi la chronique du précédent album :

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Southern Rock

Blackberry Smoke : une tradition intacte

Pionnier de cette nouvelle génération de formations Southern à s’être émancipée d’un certain public pour en conquérir d’autres, BLACKBERRY SMOKE prouve, s’il était encore nécessaire, qu’il est ce grand représentant d’une musique typiquement sudiste qui vit, bouillonne et rayonne dorénavant comme au temps des Lynyrd Skynyrd, Allman Brothers Band, 38 Special et autres Molly Hatchet. « Be Right Here » est entraînant, joyeux, électrique, brut et d’une ferveur aussi palpable que confiante. Une réussite totale !

BLACKBERRY SMOKE

« Be Right Here »

(3 Legged Records/Thirty Tigers)

Avec « Your Hear Georgia » en 2021, BLACKBERRY SMOKE avait laissé beaucoup de fans sur leur faim, tant la déception fut grande. Cela n’a pas remis en question la grande qualité de ses prestation scéniques et encore moins celle de sa discographie, mais cela avait dévoilé certaines limites créatives. Cela dit, on peut aussi se dire qu’il ne s’agissait que d’un simple coup de mou, comme cela arrive chez la majorité des groupes. Car « Be Right Here » vient remettre quelques pendules à l’heure, et avec la manière. Techniquement imparable, le groove et les mélodies sont au rendez-vous, au même titre que l’inspiration et le feeling.

BLACKBERRY SMOKE retrouve ici son Southern Rock, le vrai, celui qui est gorgé de Country, de Blues et d’Americana. Et ce retour à une authenticité dissoute sur le précédent album donne cette belle sensation de liberté retrouvée, cette légitimité qui fait la force des Américains et qui les a très justement désignés comme le renouveau du Rock Yankee, après des années 70 désormais lointaines. Etonnamment, même le producteur Dave Cobb (Chris Stapleton, Jason Isbell), grand habitué et faiseur de disques très mainstream, est parvenu à rendre au groupe, avec « Be Right Here », ce son live et spontané, qui le rend si identifiable.

Enregistré entre Nashville et Savannah en Georgie, ce huitième opus dégage une sincérité que cette apparente simplicité rend immédiatement positive. Au chant, Charlie Starr surfe sur un groove roots et enthousiaste et donne brillamment le change à Paul Jackson avec qui il forme un somptueux duo de guitaristes. De « Dig A Hole » à « Barefoot Angel”, en passant par « Don’t Mind If I Do », « Little Bit Crazy », « Like I Was Yesterday » ou les plus délicats « Other Side Of The Light », et « Whatchu Know Good », BLACKBERRY SMOKE n’a pas à se forcer pour exceller dans un registre qu’il incarne autant qu’il le respire… à pleins poumons !