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Blues Rythm'n' Blues Soul

Kaz Hawkins : live for real

Alors que son aventure musicale a commencé il y a des années, cela fait finalement assez peu de temps que la native de Belfast a explosé aux yeux, et surtout aux oreilles, des fans de Blues, de Soul et de R’n B bien funky. Surfant sur cette belle et amplement méritée reconnaissance, KAZ HAWKINS multiplie les projets et surtout écume les scènes européennes avec une fougue et une fraîcheur, qui font beaucoup de bien. Déployé sur deux volumes, « Live In Brezoi » montre toutes les facettes d’une artiste incroyable.

KAZ HAWKINS

« Live In Brezoi (I)  »

(Dixiefrog – Rock & Hall)

La plus française des chanteuses irlandaises a posé ses bagages dans la campagne de la Haute-Vienne il y a quelques temps maintenant et il semblerait que cela lui convienne parfaitement. En tout cas, l’inspiration est au rendez-vous et ses performances ont aussi pris une belle ampleur. Car c’est avec l’enregistrement d’un concert qu’elle nous revient sur ce « Live In Brezoi », dont le petit « (I) » n’aura échappé à personne. Sa prestation au ‘Summer Camp Festival’ en Roumanie, qu’elle connait bien, aura bel et bien une suite. Et c’est une chance tant KAZ HAWKINS vit, vibre et chante avec une totale liberté une fois sur scène, où elle s’avère être une redoutable interprète.

Aussi solaire que sur son dernier album studio, « Until We Meet Again », elle se montre littéralement magnétique sur cette première partie de son « Live In Brezoi ». D’ailleurs, l’année prochaine sera assez particulière puisqu’en plus de nous livrer le second volet, elle sortira également un nouvel opus confectionné à Berlin en marge de diverses autres collaborations. Cette maturité artistique, KAZ HAWKINS la met donc à profit pour s’épanouir complètement et ce n’est pas le public venu l’applaudir lors de ce festival, qui s’en plaindra. Bien au contraire, il est au diapason et sait se montrer reconnaissant de la prouesse musicale à l’œuvre ici.

Et pour offrir une telle performance, par ailleurs parfaitement captée, la chanteuse était entourée d’une formation cinq étoiles. On y retrouve Cédric Le Goff aux claviers (piano et orgue), Stef Paglia (guitare), Amaury Blanchard (batterie) et Julien Boisseau (basse). Autant dire que ça groove et électrise. Sincère et authentique, KAZ HAWKINS déroule un répertoire savamment conçu pour captiver. Etincelante sur « Don’t Make Mama Cry », « Drink With The Devil » et le très irlandais « Lonely Boy », elle rend un bel hommage à Nina Simone avec « Feeling Good » et brille sur « One More Fight », le funky « Woman » et le superbe « Get Up And Go ». Vite, la suite !

Retrouvez la chronique de son dernier album studio :

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post-Rock Psych

God Is An Astronaut : le mouvement des paysages

Depuis plus de 20 ans, GOD IS AN ASTRONAUT façonne son univers comme on élabore une œuvre complète. Chaque production est un nouveau chapitre qui vient compléter cet ensemble instrumental singulier et tellement reconnaissable. Echafaudé dans des circonstances très particulières, « Embers » s’inscrit dans une continuité artistique que le trio peaufine avec talent. Organique, immersif et aérien, le post-Rock du combo est atmosphérique, psychédélique et bouscule les émotions comme personne.

GOD IS AN ASTRONAUT

« Embers »

(Napalm Records)

C’est malheureusement suite au décès de leur père en novembre dernier que les frères jumeaux, Torsten et Niels Kinsella, ont entamé la composition de ce onzième opus. Si le déclic est tout sauf enthousiasmant, « Embers » n’est pas forcément le plus sombre du groupe. Comme à chaque fois chez GOD IS AN ASTRONAUT, il est question de contrastes entre une pénombre très présente et une forte luminosité et c’est même sa marque de fabrique, celle qui donne vie à ce post-Rock psychédélique et cinématographique si original.

Les Irlandais ont souhaité et conçu cet album comme un pont entre le passé et le présent et c’est précisément ce qui émane d’« Embers ». D’un côté, il y a toujours cette utilisation de matériel vintage qui offre ce grain et cette chaleur, et de l’autre une approche et une vision très modernes dans l’écriture des morceaux et dans la dynamique globale. Ainsi, tout en consolidant son ADN post-Rock, GOD IS AN ASTRONAUT ne réalise jamais le même disque et développe sa musique au fil du temps. 

D’ailleurs, le très étiré morceau-titre peut lui aussi être perçu comme un pont faisant le lien entre deux mouvements distinctifs. Sur la première partie, on est guidé par les sitars de Dara O’Brien et de Sean Colerman, tandis qu’on retrouve un habitué de la maison, à savoir Jo Quail et son violoncelle sur « Realms » et « Prism ». En jouant avec toujours autant d’habileté sur la longueur des titres, GOD IS AN ASTRONAUT multiplie les voyages sonores, qui sont autant de moments d’évasion (« Apparition », « Odysee », « Hourglass »).

Retrouvez la chronique de « Ghost Tape #10 », l’album précédent de GIAA :

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Rock/Hard

Mine Road : rockin’ way

Tout en se frottant au Hard Rock et à un Rock un peu plus rugueux, les Irlandais restent très accessibles et mélodiques. Avec ce premier long format qui aura mis plus d’une décennie à voir le jour, MINE ROAD montre beaucoup de maîtrise grâce, notamment, à de bonnes guitares et un chant bien en place. « Tomorrow’s Sky » affiche une diversité un peu déroutante, mais au final très efficace et accrocheuse. Une bonne entrée en matière.

MINE ROAD

« Tomorrow’s Sky »

(Independant)

L’histoire de MINE ROAD n’est vraiment pas banale. Fondé par les frères Cash, Stuart (guitare) et Steve (batterie), avec Ken Carthy (chant) et Dave Flood (guitare), le groupe avait sorti « Satellite », un EP en 2021, avant que la fratrie ne se disperse en Australie pour l’un et à New-York pour l’autre, mettant tout le monde en stand-by. Après un travail de composition à distance, c’est au retour des musiciens dans leur ville de Dublin que les choses se sont accélérées en 2019 avec une série de concerts et l’élaboration de « Tomorrow’s Sky ».

Avec le soutien de Donnacha Neary à la basse sur tout l’album, MINE ROAD livre enfin son premier effort sur la longueur et le résultat est convaincant avec onze titres aux accents Hard Rock et aux teintes Soft Rock typiques de leur île. On peut y déceler quelques influences des Ecossais de Gun, de Def Leppard et de leur compatriotes de feu-Something Happens. Les sonorités de « Tomorrow’s Sky » sont donc résolument britanniques et un brin nostalgiques dans un ensemble costaud et fédérateur.

Ce premier opus est donc l’occasion pour le quatuor de montrer l’étendu de son savoir-faire, tant il se montre varié dans son approche du Rock. Musclé sur « Snowplow », « Tomorrow’s Sky » et « Feeling », plus acoustique sur « I’ll Be Home », mid-tempo sur « American Dream », décalé avec l’interlude au piano « Recall », MINE ROAD révèle une énergie live très positive. On regrettera peut-être une production qui aurait mérité plus de coffre et de relief, mais le job est fait.

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folk Musique celtique

Loreena McKennitt : une élégante simplicité

Harpiste, accordéoniste, pianiste et bien sûr chanteuse, LOREENA McKENNITT renoue avec ses premières amours, celles de la communauté Folk dans laquelle elle a commencé à se produire avant de diffuser sa musique aux quatre coins du monde. Entouré d’un groupe de chez elle, ainsi que de son amie de longue date, la violoncelliste Caroline Lavelle, la musicienne apparaît dans un registre très personnel, toujours celtique évidemment, et joue avec une proximité très acoustique et captivante.

LOREENA McKENNITT

« The Road Back Home »

(Quinlan Road/Outhere Music)

La plus irlandaise (et écossaise !) des Canadiennes fait son retour avec un album enregistré en public. Une chose pas complètement anodine pour la grande LOREENA McKENNITT, dont la discographie compte presqu’autant d’albums live que de studio. Il faut aussi reconnaître que sa musique prend réellement toute sa dimension en concert et chacun est d’ailleurs un voyage inoubliable, une expérience à vivre. Et du haut de 14 millions de disques vendus, c’est bel et bien sur scène qu’elle rayonne. Les dix morceaux de « The Road Back Home » ont été captés lors de quatre festivals Folk en Ontario, autour de Stratford où elle est installée.

LOREENA McKENNITT est ici accompagnée d’un groupe de musiciens celtiques, ‘The Bookends’, rencontré dans sa ville et qui la suivit l’été dernier dans ces quelques rassemblements. L’occasion aussi pour la chanteuse de jouer quelques titres encore jamais gravés sur aucune de ses nombreuses réalisations. Tout en simplicité, « The Road Back Home » se veut comme un hommage à ses premiers pas dans la musique, et on la retrouve dans une forme d’intimité où elle interprète d’anciennes chansons de ses débuts. Epurées et très Folk, elles sont d’autant plus touchantes qu’elles sont peu arrangées.

Avec ce huitième album live, l’auteure, compositrice et interprète remonte aux sources de sa brillante carrière dans une ambiance pleine d’énergie et de chaleur, ce qui peut d’ailleurs trancher avec les atmosphères pleines de mystère, dont elle s’entoure souvent. LOREENA McKENNITT a souhaité donner et partager sa version musicale du ‘chez-soi’, un lieu chaleureux et familier. Toujours aussi spontanée, on se laisse porter par sa voix étincelante, qui semble figée dans le temps, tant elle est cristalline. Alors qu’elle célèbre les 30 ans de son mythique « The Visit », toujours sur les planches, sa douceur reste toujours palpable.    

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Musique celtique

The Celtic Social Club : hypersocial

Jouer à domicile, tous les sportifs vous le diront, donne des ailes. C’est donc porté par un public enthousiaste que le CELTIC SOCIAL CLUB a fait son retour l’an dernier, là où tout avait commencé. Lors de cette 31ème édition du festival carhaisien, la formation a fait fi d’une pluie battante pour emmener avec elle dans une grande fête musicale les irréductibles festivaliers. Avec déjà quatre albums à son actif, la tracklist penche surtout sur le dernier, même si certains morceaux demeurent dorénavant incontournables. Ce « Live Aux Vieilles Charrues 2023 » est tellement immersif qu’il donne l’impression d’y être.

THE CELTIC SOCIAL CLUB

« Live Aux Vieilles Charrues 2023 »

(125 Harlem)

Né en 2013 sous l’impulsion de son batteur et leader Manu Masko avec l’objectif de présenter une création originale lors du Festival des Vieilles Charrues l’année suivante, THE CELTIC SOCIAL CLUB a finalement continué son bonhomme de chemin. Au gré des allers et venues, ce qui est inhérent à son concept-même, elle parvient grâce à un bouillonnant noyau dur à préserver et enrichir une identité celtique à laquelle des sonorités Folk, Rock et Pop viennent se greffer très naturellement et apportent beaucoup de volume à l’ensemble. Taillé pour le live, la magie a rapidement opéré.   

Cette prestation endiablée au festival breton paraissait donc évidente une décennie après sa création, comme un hommage, un remerciement et un retour aux sources. Et c’est sur la scène principale que le CELTIC SOCIAL CLUB a enflammé pas moins de 50.000 personnes que la météo, capricieuse en ce 14 juillet, n’aura pas un seul instant réussi à freiner la ferveur. Bien au contraire, c’est avec une énergie incroyable que le groupe a offert un set chaleureux et festif. Un instant magique immortalisé avec soin, grâce à une captation irréprochable pour ce « Live Aux Vieilles Charrues 2023 ».

Mené par son chanteur dublinois Taylor Byrne en grande forme, le collectif n’a eu aucun mal à électriser la foule en ouvrant avec le dynamique et très traditionnel « It’s Morning John », qui a fait presque office d’hymne d’ouverture d’un pub géant en Centre-Finistère. Avec entrain, THE CELTIC SOCIAL CLUB enchaine ses désormais classiques en insistant un peu plus sur son dernier opus « Dancing Or Dying ? » avec « For Real », « City Lights », « El Dorado » et « The Edge Of The World », entourés de « Sunshine », « Loudéac » ou encore de « Remembrer Joe Strummer ». Une belle communion !

Photo : Hervé Le Gall

L’album est disponible dans toute la Bretagne et sur le site du groupe :

https://www.celticsocialclub.com/product-page/live-aux-vieilles-charrues-2023

Retrouvez la chronique du dernier album studio :

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Blues Folk/Americana

Dom Martin : across the Éire

Captivant et électrisant, le chanteur et guitariste DOM MARTIN livre un peu d’un an après le très bon « A Savage Life », un disque tout aussi poignant de vérité où l’Irlandais distille un Blues unique, qui fait le pont entre des influences américaines marquées, l’empreinte omniprésente d’un British Blues étincelant et une atmosphère celtique chaleureuse. « Buried In The Hail », s’il est plus sombre dans son approche, ne manque pourtant pas d’élégance, ni d’éclats lumineux.   

DOM MARTIN

« Buried In The Hail »

(Forty Below Records)

Le pays du trèfle, dans son intégralité, a toujours été une terre de Blues et de Folk et c’est peut-être pour cette raison que « Buried In The Hail » est probablement l’album de DOM MARTIN, qui sonne le plus irlandais. Sans doute aussi parce qu’il est le plus Folk et le plus intimiste du musicien. Toujours aussi roots, ce troisième opus studio parcourt des contrées Blues, bien sûr, mais aussi Folk et Americana, des styles qu’il affectionne tout particulièrement et qui se prêtent parfaitement à l’ambiance très acoustique à l’œuvre ici.

Enregistré dans les fameux Golden Egg Studios dans la province de Leinster et produit à Dublin, où DOM MARTIN a fait équipe avec les très réputés Chris O’Brien et Graham Murphy, « Buried In The Hail » propose des morceaux très épurés et d’une apparente légèreté. Moins électrique donc que ses précédentes réalisations, le songwriter nous embarque dans une balade irlandaise chargée d’émotion, qui commence par l’instrumental « Hello In There », où sa guitare sèche se mêle à des rires d’enfants avec une magie palpable.

C’est vrai que la douceur, la lumière et une certaine bienveillance dominent sur l’ensemble des titres, dont certains affichent clairement une ambiance celtique (« Government », « Belfast Blues », « The Fall »). DOM MARTIN se fend également d’une reprise magistrale et pleine de nostalgie du « Crazy » de Willie Nelson. En explorant les âmes et les esprits, le natif de Belfast se livre avec délicatesse et authenticité (« Buried In The Hail », « Lefty 2 Guns »), sans perdre de sa vivacité (« Daylight I Will Find », « Unhinged », « Howlin’ »). Superbe !      

Photo : Will Carter

Retrouvez la chronique de l’album précédent :

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Alternative Metal Alternative Rock Progressif

Molybaron : une noblesse acquise

Il faut dorénavant de plus en plus compter sur la scène française, car que ce soit en termes de Metal ou de Rock, l’hexagone tient la draguée haute au reste de l’Europe et même beaucoup plus loin. Avec sa troisième réalisation, « Something Ominous », MOLYBARON se fait une place de choix dans un registre Alternative Metal/Rock aux contours très progressifs.

MOLYBARON

« Something Ominous »

(InsideOut Music)

Après des débuts assez discrets en 2017 avec un premier album éponyme, puis une belle montrée en puissance quatre ans plus tard avec « The Mutiny », c’est à peine si l’on reconnait MOLYBARON. Le combo franco-irlandais a gagné en volume, en maturité aussi et surtout son frontman, Gary Kelly, prend enfin ses responsabilités et l’Irlandais semble avoir définitivement perdu toute timidité pour s’affirmer avec force. Un réel plaisir !

Et il n’est le seul à avoir vécu une petite métamorphose. Si l’arrivée de Florian Soum à la guitare a un impact certain sur le jeu du quatuor, la prise de confiance à l’œuvre chez MOLYBARON parait plutôt collective. La rythmique transpire le groove et les attaques sont incessantes, malgré des mélodies omniprésentes entre Metal et Rock, et d’où émane une atmosphère progressive qui plane sur l’ensemble de « Something Ominous ».

Percutant et fédérateur, le groupe rappelle les Américains de Live, mais la patte est plus musclée et bien plus féroce (« Billion Dollar Shakedown », « Breakdown », « Anyway », « Daylight Dies In Darkness », « Pendulum » et le massif morceau-titre). MOLYBARON vit littéralement ses compositions et l’énergie déployée ici est électrisante et captivante. Bien au-delà d’avoir gagné ses galons, il s’impose avec brio et avec la fougue qu’on attendait.

Photo : Teddy Masson
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Blues Blues Rock International

Gráinne Duffy : modern & celtic roots [Interview]

Avec ce cinquième album, GRAINNE DUFFY entre définitivement dans la cour des grand(e)s avec une classe et une personnalité très affirmée, qui rayonnent littéralement sur « Dirt Woman Blues ». La songwriter, chanteuse et guitariste irlandaise livre un opus d’où émane beaucoup de force, de caractère sur des sonorités où ses racines celtes se fondent dans un groove très américain. La musicienne est partie sous le soleil de Californie enregistrer ces morceaux très roots et modernes à la fois dans lesquels sa voix s’impose avec puissance, dynamisme et délicatesse. Rencontre avec une artiste brillante.

Photo : The Bedford Blackham Images

– Trois ans après le très bon « Voodoo Blues », tu reviens avec « Dirt Woman Blues » qui est beaucoup plus roots et rugueux. Est-ce qu’après un peu plus de 15 ans de carrière, tu penses que c’est l’album qui te ressemble le plus ? C’est en tout cas l’impression qu’il donne…

Oui, je pense qu’il me ressemble beaucoup, parce qu’il combine mon amour pour le Blues et ses racines et la musique celtique. Les deux ensemble. C’est une réelle unité à travers le son et les éléments. C’est quelque chose que j’ai toujours voulu représenter dans ma musique.

– Tu as co-écrit l’album avec ton mari Paul Sherry. Comment se traduit ce travail ? C’est plutôt une opposition de styles ou une complicité qui grandit au fil du temps ?

C’est clairement une complicité qui grandit au fur et à mesure. C’est une sorte de travail artisanal que l’on fait tous les deux. Nous sommes très ouverts et, même si nous avons chacun notre style, on s’ouvre à celui de l’autre pour en faire quelque chose qui nous ressemble aussi. Au fil du temps, mon état d’esprit a changé également et aujourd’hui, nous sommes très complices musicalement, c’est vrai.

Photo : The Bedford Blackham Images

– « Dirt Woman Blues » emprunte de nombreuses directions à travers le Rock, un Blues souvent Old School, des éléments d’Americana aussi et pourtant l’ensemble sonne très moderne. On a l’impression que ton côté ‘vintage’ est une sorte de façade pour aller encore plus loin dans l’expression de ta musique. C’est le cas ?

Oui, c’est vrai qu’il y a un côté beaucoup plus ‘vintage’ qui s’exprime sur cet album. Cela dit, je suis très ouverte à la scène Blues contemporaine et j’espère même en faire partie, car je suis une artiste de mon temps. Mais c’est vrai que j’écoute beaucoup de musiques plutôt anciennes et les vieux bluesmen, qui ont forgé ce style. Et je pense que ce côté un peu ‘Old School’ vient de là, c’est même certain.

– Tu es originaire de la ville de Monaghan dans le nord de l’Irlande et il se trouve que son nom signifie ‘Les petites collines’. Je ne pense pas que ce soit une coïncidence, mais plutôt une explication à ton style si mouvant et plein de contrastes. Qu’en penses-tu ? Il y a une part d’inconscient ?

Monaghan est une petite ville, un petit coin qu’on appelle aussi ‘Les petites Collines’, c’est vrai. Je pense que l’endroit où tu vis se reflète forcément à travers ses paysages et son atmosphère dans ce que tu écris et composes. Ca rythme aussi ta vie de manière inconsciente avec ses hauts et ses bas. Vivre dans un endroit comme celui-ci a bien sûr une influence, qui va bien au-delà de la musique.

Photo : The Bedford Blackham Images

– Pour rester en Irlande, on retrouve plusieurs inspirations dans la narration de tes morceaux surtout, ainsi que cette fougue qui habitait aussi Rory Gallagher. Dans quelle mesure penses-tu que l’empreinte celtique se lise et influence ton jeu ?

Rory Gallagher fait partie de notre histoire nationale. Et il faut aussi y ajouter Van Morrison, les Cranberries, les Coors et beaucoup d’autres qui ont apporté leur influence à travers leur musique. Je pense que c’est ce que les gens appellent ’celtique’ et je le prends aussi pour moi-même. Je ne sais pas vraiment dans quelles mesures on peut entendre ces influences sur le dernier album notamment, mais j’en suis ravie. Ce mélange est notre héritage. Parfois, tu ne sais pas vraiment d’où ça vient, mais c’est là. C’est naturel et c’est une partie de ce qu’est être irlandais. Et pour revenir à Rory, sa musique m’a beaucoup influencé au même titre que toute cette période avec Gary Moore également, bien sûr.

– Parlons de ce nouvel album que tu es partie enregistrer en Californie. Pourquoi ce choix ? Est-ce parce que les musiciens qui t’accompagnent et ton producteur se trouvent aux Etats-Unis, ou juste pour y trouver certaines sensations et vibrations ?

Oui, c’est un choix de mon nouveau producteur, qui a cherché de nouvelles personnes pour l’album. C’était très important pour nous de trouver des musiciens qui partagent aussi notre vision du Blues, afin d’aller dans le même sens. Il a monté une équipe de très, très haut niveau. L’album a été enregistré à la fois à domicile dans mon studio et dans un studio à Encinitas, en Californie et ce sont Chris Goldsmith (Ben Harper) et Marc Ford (The Black Crowes) qui ont produit l’album. Nous sommes accompagnés du guitariste Marc Ford (The Black Crowes) et de la session rythmique de Gary Clark Jr. composée du batteur et percussionniste JJ Johnson et du bassiste et claviériste Elijah Ford (Le fils de Marc). Tout le monde a pu apporter sa touche et on s’est tous très, très bien entendus.

Photo : The Bedford Blackham Images

– Vous n’avez pas forcément la même culture, mais vos influences pourtant convergent. Comment as-tu présenté tes morceaux et, malgré leur talent, est-ce que leur adaptation à un Blues moins américain que leurs racines a été rapide ?

Les vibrations et le groove sont très américains, je pense. C’est vrai qu’il y a un mix entre les deux cultures. Les morceaux les plus rapides sonnent plus anglais, alors que lorsqu’ils sonnent américain, ils sont plus cools et plus relax. Cela vient aussi surtout du son et de l’ambiance californienne, je pense. L’album combine bien les deux avec des compositions plus britanniques et celtiques sur un son typiquement américain, en effet. Nous avons beaucoup aimé travailler sur ces deux aspects et c’était très agréable de se retrouver tous ensemble et pouvoir confronter nos influences et nos envies.

– D’ailleurs, le Blues américain et le British Blues sont très distinctifs l’un de l’autre et très reconnaissables. Or, sur « Dirt Woman Blues », c’est difficile à définir. C’est ce qui se passe quand une Irlandaise enregistre aux Etats-Unis avec des musiciens américains, ou juste une simple volonté de ta part de te démarquer ?

Oui, je pense que c’était une décision très réfléchie, en tant que femme, d’aller enregistrer aux Etats-Unis avec des musiciens américains. Ce n’est pas facile de se mettre à nu lorsque l’on est une femme irlandaise dans un tel contexte. Nous nous sommes vraiment concentrés sur le son et le côté organique des morceaux. Je voulais aussi mettre en valeur ma voix, bien sûr, mais aussi mes parties de guitare.

Photo : The Bedford Blackham Images

– Pour conclure, j’aimerais que l’on parle de la pochette de l’album. Je la trouve très sombre et emprunte d’une certaine tristesse, alors que l’ensemble de « Dirt Woman Blues » est très lumineux et souvent même enjoué. Quel message, s’il y en a un, as-tu voulu faire passer ?

Je voulais une pochette différente des précédentes avec un design bien précis. Il y a un côté ‘Old Woman Blues’, qui se démarque de ce que l’on peut voir habituellement sur les albums réalisés par des femmes. C’est vrai qu’il y a un côté assez sombre, qui représente aussi une partie de notre Histoire. Elle montre les aspects opposés qui fondent aussi la condition féminine, que ce soit comme mère de famille et également en termes d’émancipation et de liberté. C’est peut-être aussi une autre vision de ce qu’est une blueswoman aujourd’hui.

Le nouvel album de GRAINNE DUFFY, « Dirt Woman Blues », est disponible sur son Bandcamp :

https://grainne-duffy.bandcamp.com/album/dirt-woman-blues

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Blues Rythm'n' Blues Soul

Kaz Hawkins : une belle rencontre

Libre et forte, KAZ HAWKINS respire la Soul et même si son affection pour Etta James se fait sentir, elle possède un monde et un style bien à elle. A la fois pleine de joie et très attachante, la songwriter irlandaise se présente dans un registre authentique et dynamique avec ce « Until We Meet Again », qui la hisse au rang des plus grandes artistes du genre.

KAZ HAWKINS

« Until We Meet Again »

(Dixiefrog/Rock’n Hall)

Le légendaire flair de Dixiefrog a encore frappé avec la découverte l’an dernier par le public français de la chanteuse nord-irlandaise KAZ HAWKINS. Le label avait en effet sorti « My Life And I », une sorte de compilation d’anciennes chansons revisitées. Et sans perdre de temps, on replonge dans cet univers plein d’émotion avec « Until We Meet Again », plus abouti encore que son prédécesseur.

Grâce à une voix puissante et touchante, KAZ HAWKINS parvient à transmettre une rare intensité sur des textes sincères et souvent émouvants. Depuis la sortie du précédent opus, la France semble avoir adopté l’Irlandaise qui évolue avec un groupe composé de trois Français et d’un Flamand, dont la virtuosité égale le feeling à l’œuvre tout au long de ces rayonnantes nouvelles compositions.

KAZ HAWKINS n’a pas son pareil pour distiller ses ondes positives et ses vibrations hyper colorées sur des morceaux où la Soul, le Blues, le Rythm’n Blues, la Folk et même le Gospel s’entremêlent majestueusement, comme sur la stupéfiante intro a capella de « Pray To ». Très groove sur « Hold On For Home » et « Get Up And Go », la chanteuse se fait aussi très touchante et poignante sur « Standing Tall » et « I Gotta Be Me ». Exaltant !

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Hard Rock

Robin McAuley : éternel

Reconnaissable entre mille, ROBIN MCAULEY continue son chemin avec ce Hard Rock robuste et fédérateur qui lui colle à la peau. Ayant posé sa voix sur de très nombreux disques et côtoyé de grands architectes du genre, c’est en solo qu’il fait son retour, même si sa dernière prestation est encore toute récente avec Black Swan. « Alive » est un modèle du genre et une belle manière d’affirmer une identité vocale irrésistible. 

ROBIN McAULEY

« Alive »

(Frontiers Music)

Figure incontournable des grandes et fastes années du Hard Rock, ROBIN McAULEY est l’un des rares à ne pas avoir à rougir de l’ensemble de sa discographie. Passé par de nombreuses formations depuis ses débuts avec Grand Prix en 1982, c’est surtout son passage chez MSG qui a forgé sa légende. Réapparu plus tard pour deux réalisations du ‘Fest’ aux côtés du grand Michael Schenker, le chanteur montre une activité toujours aussi prolifique.

Depuis trois ans à la tête de Black Swan avec deux albums (« Shake The World » et « Generation Mind »), l’Irlandais retrouve une seconde (ou éternelle ?) jeunesse et opère un retour fracassant avec un très bon troisième opus solo. Avec « Alive », ROBIN McAULEY fait ce qu’il sait faire de mieux : un Hard Rock solide et mélodique. Et pour le line-up, le chanteur reste entouré des mêmes musiciens que sur « Standing On The Edge » (2021).

Après plus de 40 ans de carrière, le frontman n’a rien perdu de sa superbe et sa puissance vocale est même étonnante… tout comme le rapprochement que je n’avais jamais perçu avec Klaus Meine de Scorpions. ROBIN McAULEY semble aussi avoir trouvé de bons camarades de jeu, puisqu’Andrea Seveso multiplie les prouesses guitaristiques, bien soutenu par Alessandro Del Vecchio (basse, claviers) et Nicholas Papapicco (batterie).

En ouvrant avec le morceau-titre, puis « Dead As A Bone », on s’aperçoit rapidement que si les refrains entêtants sont au rendez-vous, les riffs et les solos millimétrés le sont aussi. ROBIN McAULEY est inspiré et ne lâche rien (« Feel Like Hell », « Fading Away », « My Only Son »). Et si le registre est toujours ancré dans ses belles années, le Hard Rock plein de vigueur du chanteur n’a pas pris une ride (« Who I Am »). Réjouissant !