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Stoner/Desert

Hvalross : la mélodie au service d’un puissant Stoner Hard

En finalement assez peu de temps, le groupe hollandais s’est forgé un son que l’on sent construit à grand renfort de concerts intensifs. Le Stoner Hard de HVALROSS rayonne de l’expérience de ses musiciens, dont la maîtrise est totale. « Cold Dark Rain » montre une grande maturité pour un premier album. Souhaitons que ce ne soit qu’un début.

HVALROSS

« Cold Dark Rain »

(Independant)

Les quatre membres de HVALROSS ont fait leurs preuves depuis des années dans diverses formations avant de se réunir en 2018 pour de conjuguer leurs talents. Et bien leur en a pris, puisque ce premier album est original tout en rassemblant des styles et des courants qui vont du Rock au Metal. L’ensemble, sous une bannière Stoner, offre un saisissant « Cold Dark Rain », plein de panache et furieusement addictif.

Rappelant autant des ambiances chères à la NWOBHM qu’à Black Sabbath ou Mastodon, le quatuor hollandais libère une énergie globalement Hard Rock, tout en nuance et en finesse. Puissant et percutant, HVALROSS a profité d’une grosse année de concerts en 2019 pour peaufiner et façonner des compositions d’une grande maturité (« As I Am », « Death From Above », « Geryon », « Trenchfeet »).

Sur des riffs épais et massifs, les Néerlandais déploient un Stoner efficace que la voix de Gerben van Oosterhout rend encore plus saisissant et empreint d’une douce mélancolie et d’une force omniprésente (« Oblivion », « The Old Master »). HVALROSS livre un album complet, bien produit, très cohérent et entrainant, et nul doute qu’on entendra parler du quatuor au-delà d’un pays qui se fait de plus en plus Stoner.

Bandcamp : https://hvalross.bandcamp.com/

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Stoner/Desert

Hebi Katana : en quête d’identité

A travers un Stoner Doom varié, le trio japonais HEBI KATANA a articulé un premier album éponyme assez complet. Si l’intention est louable, le trio devra gommer encore un peu l’impact de ses influences sur ses morceaux et définir un style plus personnel. Mais les premiers pas sont encourageants.

HEBI KATANA

« Hebi Katana »

(Independant)

Si on connait surtout le Japon pour sa scène extrême et notamment Death Metal, de jeunes pousses s’essaient aussi au Stoner comme c’est le cas avec HEBI KATANA. Dans un registre plutôt Doom et Heavy, le trio basé à Tokyo sort son premier album en autoproduction, et il laisse entrevoir de bonnes dispositions.

Avec un esprit très sabbathien, HEBI KATANA livre huit titres et deux interludes instrumentales et acoustiques où le combo passe en revue ses nombreux et variées influences passant des 70’s aux 90’s l’espace d’un riff ou d’un break. Et si les Nippons ratissent si large, c’est aussi et sûrement pour faire état de leur éventail musical.

« Directions For Human Hearts », qui ouvre l’album, est probablement le morceau le plus expérimental de l’album. Ensuite, le proto-Doom laisse sa place à des titres qui vont jusqu’à puiser dans le Grunge et le Hard Rock (« Reptile Machine », « Struggle With A Lie »). HEBI KATANA doit encore affiner son style et se faire plus original, mais les bases sont bonnes.

Bandcamp : https://hebikatana.bandcamp.com/album/hebi-katana

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Stoner/Desert

Komatsu : une lumineuse asphyxie

Le moins que l’on puise dire, c’est que les neufs nouveaux morceaux qui composent « Rose Of Jericho », le quatrième album de KOMATSU va faire trembler quelques murs. Le Stoner teinté de Metal et d’ambiances bluesy est probablement le meilleur proposé par les Néerlandais depuis dix ans.  

KOMATSU

« Rose Of Jericho »

(Heavy Psych Sounds Records)

Avec les musiciens de KOMATSU, tout commence et se poursuit dans leur ville natale d’Eindhoven aux Pays-Bas. C’est là que tout démarre en 2010 avec un premier EP l’année suivante avant « Manu Armata » deux ans plus tard. Encensé par la presse, le nom du quatuor arrive aux oreilles du grand Nick Oliveri (ex-Kyuss, QOTSA) qui posera sa voix sur deux morceaux de leur deuxième album « Recipe For Murder One » en 2016.

Après « A New Horizon », son troisième opus, KOMATSU entre en studio à Eindhoven pour y concocter « Rose Of Jericho », enregistré et mixé dans sa ville. Est-ce la raison pour laquelle le quatuor est si inspiré ? Une chose est sûre, ce quatrième sonne et résonne de manière massive et profonde. Son Stoner Rock a pris une réelle envergure et le combo se présente aujourd’hui comme l’une des valeurs sûres européennes.

Depuis sa propre capitale du Rock néerlandais, le groupe s’est même auto-qualifié ‘supermassive mothersludgers’, c’est dire l’ambition de ses membres. Et force est de constater que ça leur va plutôt bien. Entre Stoner et Metal, KOMATSU alterne avec des  titres épais et costauds et d’autres plus bluesy et mid-tempos. « Rose Of Jericho » est un album qu’on saisit pour ne plus le lâcher. Une bombe !

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Stoner/Desert

Supermoon : un envoûtant voyage mystique

Pour les Grecs de SUPERMOON, s’immerger dans la mythologie tient presque du réflexe. Et c’est à travers un Desert Rock à mi-chemin entre le Psych et le Space-Rock que le quatuor a composé cette première autoproduction éponyme très aboutie et planante. Un voyage musical très énergique aux belles envolées.

SUPERMOON

« Supermoon »

(Independant)

Sorti en tout fin  d’année, ce premier album éponyme de SUPERMOON est une belle surprise. Originaire d’Athènes, le quatuor livre une autoproduction entre Desert et Psych avec des rythmiques parfois Doom et le plus souvent atmosphériques. Les Hellènes nous plongent dans un univers très spirituel où il est question de nature et de mythologie notamment.   

SUPERMOON propose de longues plages instrumentales bardées de guitares hypnotiques et aux riffs faisant la part belle aux mélodies. Sans forcer le trait, le groupe se veut avant tout hypnotiques et part facilement dans des envolées musicales apaisantes (« Mantra », « Mandala »). On y trouve quelques pointes de Stoner, qui apportent une belle énergie malgré l’omniprésence de morceaux mid-tempos (« Serpent Spirit »).

Dans une sorte de transe collective, SUPERMOON se fait parfois même très chamanique (« The Dome »), grâce à des voix lointaines et très posées. Vasilis Tsigkris, maître d’œuvre et tête pensante du combo, et ses trois complices livrent un album captivant et varié où le fuzz a sa place aux côtés de riffs plus soutenus, le tout avec élégance. Entre Space-Rock et Desert Rock, les Grecs se montrent très mystiques.

https://supermoongr.bandcamp.com/

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France Stoner/Desert

Grandma’s Ashes : une autre dimension du Stoner [Interview]

Fortes d’un premier EP impressionnant à bien des égards, « The Fates », Eva, Myriam et Edith bousculent les codes très établis du Stoner en y insufflant des touches progressives, un travail exceptionnel sur les voix et une musicalité basée sur des mélodies imparables. GRANDMA’S ASHES revisite le genre avec audace dans un univers très personnel. Rencontre avec le très inspiré trio français.

Photo : Angela Dufin

– Vous avez tourné pendant trois ans (la belle époque !) avant d’enregistrer votre premier EP, « The Fates ». C’est devenu une démarche très rare aujourd’hui que de vouloir d’abord faire ses preuves sur scène. Vous aviez besoin de cette légitimité avant le disque ?

Non, jouer en live a toujours fait partie intégrante de notre processus de création, faire des concerts pendant trois ans avant d’enregistrer l’EP était une façon de construire notre univers, d’apprendre à se connaître musicalement, humainement, d’essayer des choses et de voir ce qui fonctionne ou pas. Il nous a fallu ce temps pour être satisfaites et mûrir avant de se dire qu’on était fin prêtes à figer une part de notre musique et à la donner à notre public.

– Vous devez justement avoir un répertoire suffisamment étoffé pour sortir un album complet. C’est la situation actuelle qui vous a fait opter pour ce format, ou vous semblait-il le plus adapté à une première sortie discographique ?

L’album est en préparation mais notre première sortie est un EP 5 titres, ce qui est plutôt habituel pour un groupe en développement comme le nôtre. Nous voulions proposer une première introduction à notre univers tant visuelle que sonore.

– Certes, la question est récurrente mais fonder un trio entièrement féminin était-il votre idée de départ, ou est-ce que les choses et les rencontres se sont faites naturellement ?

Les rencontres se sont faites naturellement, nous nous sommes rencontrées par des annonces sur internet avec l’envie commune de faire de la musique et des concerts. Aujourd’hui, nous sommes nombreuses sur la scène Rock, nous pensons qu’il est temps d’accepter que les femmes puissent collaborer par passion avant tout et par affinité, et non pas à des fins autres que musicales, c’est une chose qu’on ne questionne pas dans les groupes 100% masculin. (Nous sommes d’accord et c’est d’ailleurs une démarche que je soutiens depuis très longtemps –NDLR).

– GRANDMA’S ASHES propose un Stoner très élégant, alternant des côtés massifs et des passages plus doux et très progressifs. Votre spectre musical est vaste, c’est une façon de ne pas se cloisonner dans un registre prédéfini et de sortir un peu des codes du style ?

Exactement, nous pensons qu’une bonne manière de se réapproprier le Stoner est d’y ajouter des aspects qu’on ne retrouve pas habituellement dans ce style de musique. C’est à partir de ce constat que nous avons commencé à ajouter des rythmiques un peu plus complexes, un côté très mélodique et des ambiances. Nous avons inséré petit à petit des éléments qui nous plaisent dans des genres musicaux très variés (de la musique classique à la Pop, tout y passe!) pour finalement arriver à cet équilibre entre gros riff efficaces, Prog et mélodie. Puis, les groupes de Rock sont peut-être un peu trop cloisonnés dans des sous- genres aujourd’hui. On croise rarement du post-Punk et du Prog dans une même programmation par exemple, alors que cela ferait peut-être du bien à la scène de s’hybrider.

Photo : Angela Dufin

– Il y a également un gros travail sur les voix, où on vous retrouve d’ailleurs parfois toutes les trois. C’est assez inhabituel dans le Stoner pour être souligné. On a le sentiment qu’elles sont aussi essentielles que les riffs de guitares. C’est le cas ?

Les voix ont pris une importance particulière lors de notre passage en studio. Nous avions déjà conscience du côté très mélodique d’Eva, et ajouter des chœurs faisait partie de nos projets. En enregistrant, nous avons pu essayer de les empiler en chantant chacune des voix toutes les trois, plusieurs fois. Cela a donné un résultat similaire à une nappe (sur « A.A » et « Daddy Issues » notamment), c’était surprenant et beau. Nous nous sommes rendu compte que cela pouvait devenir un élément à part entière aussi bien pour souligner des harmonies que pour ajouter des textures psychédéliques, on va essayer d’explorer ça au maximum.

– Vous évoquez souvent un style narratif en parlant de votre musique. Comment cela se traduit-il concrètement, en dehors des textes bien sûr ?

Nous aimons illustrer nos textes musicalement. Nous cherchons à mettre en musique nos sentiments et nos idées, ainsi l’instrumentation est toujours en dialogue avec des images dont nous discutons ensemble. L’atmosphère, les harmonies sont donc une façon de servir la narration, mais c’est aussi nos réflexions sur les structures qui nous permettent de raconter des choses. Il est important pour nous de penser des structures de chanson mouvantes, avec de longs passages instrumentaux, des surprises comme un élément perturbateur dans une histoire… Nous nous sommes beaucoup inspirées du Rock Progressif pour cet aspect, en écoutant des morceaux de Yes, par exemple, nous avons vraiment l’impression qu’un fil narratif est déroulé, on ne retrouve pas toujours le traditionnel couplet/refrain/pont, etc. La temporalité des parties est beaucoup plus élargie et elles sont aussi très riches et développées, c’est ce que nous cherchons à agrandir.

– Ce premier EP est très mature dans les compositions comme dans sa production. Un mot enfin sur la pochette elle aussi très évocatrice et à la symbolique très forte. D’où vous est venue l’idée ? Elle est presque cérémoniale…

Lors d’un concert dans un petit bar à Montreuil, un gars est venu nous voir en fin de soirée pour nous expliquer qu’il commençait à écrire une chronique sur nous, en nous comparant aux trois Parques. Il trouvait que la voix d’Eva était similaire au fil de la vie qui se déroule, que Myriam le tissait avec ces arpèges de guitare et qu’Edith le coupait avec ses rythmiques affûtées. La métaphore nous a tout de suite séduit, et elle correspond aussi à la manière dont nous écrivons nos chansons. Dans l’EP, chacune d’entre elles parle d’un personnage dont nous tissons la destinée, qui est d’ailleurs souvent tragique. Le fait de nous représenter toutes les trois en Parques sur la pochette est aussi une manière de prévenir l’auditeur qu’il est sur le point de rentrer dans un univers où il n’a plus le contrôle, nous l’amenons dans une autre dimension au gré des changements d’ambiance.

https://grandmas-ashes.bandcamp.com/album/the-fates

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Stoner/Desert

Qilin : une puissance chimérique

Installé entre Yawning Man et Yob, QILIN s’est frayé un chemin à travers un Stoner multiple et varié. Entre explosions sonores Sludge et Doom et des moments plus psychédéliques quasi-méditatifs, le quatuor parisien livre avec « Petrichor », un premier album abouti et ravageur.

QILIN

« Petrichor »

(Independant)

Tirant son nom d’une créature de la mythologique chinoise, QILIN allie le geste à la parole en proposant une musique très polymorphe autour d’un Stoner qui s’alimente de Sludge, de Doom et de passages très Psych. Insaisissables et puissants, les six titres de ce premier album des Parisiens sont d’une maîtrise totale, preuve en est qu’on se laisse prendre dès « Through The fire » sans mal.

Fidèle à une certaine tradition du registre Psych notamment, excepté le bouillonnant « Labyrinth », tous les morceaux de « Petrichor » affichent entre six et dix minutes… largement le temps de s’installer confortablement et de prendre en pleine face l’énergie et la lourdeur des riffs et des rythmiques de QILIN. Entièrement instrumental (en dehors de la p’tite blague de « Cold Pine Highway »), ce premier effort séduit à bien des égards.

Si beaucoup ont tendance à profiter de compositions assez longues pour faire dans la démonstration, le quatuor a, quant à lui, choisi l’efficacité pour installer son Stoner (« Sun Strokes The Wall », « Myrmidon’s Big Jam »). Multipliant les changements de rythmes et passant de passages violents très Sludge à des envolées planantes et presque Blues, QILIN fait preuve de générosité et d’une belle variété.   

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Stoner/Desert

Pink Cigs : une épaisseur très vintage

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les Anglais de PINK CIGS ont parfaitement digéré l’héritage laissé par Black Sabbath, Deep Purple voire Led Zep. Ce premier album éponyme est un superbe mix vintage de ces pionniers du Hard et du Metal, auquel le quatuor a ajouté une épaisseur Stoner et Fuzz très fraîche. 

PINK CIGS

« Pink Cigs »

(Heavy Psych Sounds Records)

Le label italien a tellement aimé ce premier album de PINK CIGS qu’il lui offert une seconde vie en le rééditant en ce début d’année. Il faut aussi rappeler que sa sortie avait eu lieu au début du confinement, lui refusant toute visibilité acceptable. Et c’est vrai qu’à son écoute, c’eût été dommage de passer à côté de cette petite bombe aux saveurs vintage. Addictif dès les premières notes, « Pink Cigs » ne vous lâche plus !

Après un premier EP (« Vol.1 ») fin 2018, le quatuor de Sheffield a donc livré son premier album éponyme, un opus explosif et Rock’n’Roll à l’image des membres de ce combo brut de décoffrage. Très Stoner dans son ensemble et notamment dans le traitement du son des guitares et de la voix, PINK CIGS nous renvoie avec plaisir au Hard Rock et au Heavy Metal des 70’s.

De « Noose » à « Black Widow » en passant par les tonitruants « Leecher » ou « Whiskey Woman », le combo enchaine les riffs, se reposant sur un Heavy Blues très Fuzz, où le groove de la batterie et de la basse joue un rôle essentiel. Enregistré en 16 heures seulement à Bradford, ce premier album de PINK CIGS laisse des traces et colle de grosses baffes à chaque titre (« Devil’s Grip »). On respire !

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Stoner/Desert

Black Magic Tree : Fougue vintage

Chaloupé, sensuel et accrocheur, le Stoner Rock de BLACK MAGIC TREE va puiser sa source dans le Hard Rock des 70’s auquel le quintet berlinois a insufflé un côté psychédélique très moderne et inattendu. Avec « Through The Grapevine », le groupe dévoile une force qui traverse le temps.

BLACK MAGIC TREE

« Through The Grapevine »

(Karma Conspiracy Records)

Désirant porter haut l’étendard du Hard Rock des 70’s jusqu’à nos jours, BLACK MAGIC TREE reprend les codes du genre en y posant une touche singulière et personnelle. Les Berlinois ont parfaitement assimilé l’héritage de CCR, Dio et même de Lynyrd Skynyrd pour parvenir à un Stoner Hard Psych livré sur ce très bon « Through The Grapevine ».

Les sept titres de ce premier album (qui fait suite au EP « Of Animals and Men ») est une sorte d’hommage à peine déguisé au Hard Rock de la grande époque, traduit dans un Stoner Rock aussi vintage et Psych que percutant et épicé (« Mandala Lady », « Spider’s Web », « Domo »). Guidé par la voix de son chanteur Alessandro Monte dont la voix ne tremble pas, BLACK MAGIC TREE régale.

Le quintet allemand est aussi agile que massif et ses deux guitaristes s’en donnent à cœur-joie sur des morceaux accrocheurs et imprévisibles (« Beethoven », « Long Night », « Flower »). Sur de solides rythmiques, le groupe s’affirme dans une belle luminosité qui rend le jeu de BLACK MAGIC TREE irrésistible. Très bien produit, « Through The Grapevine » est sobre et créatif. 

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Hard Rock Stoner/Desert

Douce folie moscovite

Bercé par le son et la créativité des années 90-2000, les Russes de STARIFIED signent un troisième album ancré dans son temps et terriblement efficace. La rugosité de leur style n’a d’égal que la qualité mélodique de ce Stoner d’une richesse incroyable.  

STARIFIED

« Fat Hits »

(Ripple Music)

Un Stoner aux multiples facettes, des mélodies imparables, des refrains entêtants et surtout de la folie à tous les étages : voici les ingrédients de « Fat Hits », troisième album de STARIFIED récemment signé chez Ripple Music. Et le label californien ne s’y est pas trompé (une fois encore !), car le trio russe brasse autant qu’il rassemble et de QOTSA à Led Zeppelin ou Pearl Jam et Black Sabbath, le spectre est large.

Heavy et terriblement groove, le combo possède d’énormes atouts que ce mix de Stoner, de Metal, de Grunge et de Psych rend assez unique. Evoluant en trio depuis deux ans, STARIFIED présente une formule étonnante. Mené par leur fou furieux chanteur-batteur aussi doué que complet, les Moscovites brillent aussi par la qualité des compositions du guitariste et du bassiste.  

Excellemment masterisé par Magnus Lindberg qui sort ici de sa zone de confort, « Fat Hits » est bel et bien constitué de succès en puissance. Grâce à un songwriting de haute volée, les dix titres de l’album sont solides, très bien arrangés et redoutables d’efficacité (« Scapegoat », « Don Loco », « Wider Lane », « Pick a Fight », « Same Old River »). STARIFIED pose les socles d’une carrière qui prend enfin son envol et de belle manière. 

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Extrême France Progressif

Ascensionnel et épique

MAZZERI

Finalement, ce confinement a des côtés positifs. Moins de sorties d’album et du coup, un peu plus de place pour les autres. Après avoir chroniqué leur premier album et avoir été aussi piqué de curiosité, j’ai posé quelques questions au groupe corse MAZZERRI sur ce premier effort et la façon dont le groupe composait. Posez-vous, on n’est pas aux pièces !

– Afin de mieux cerner l’univers musical de MAZZERI, il faut expliquer que le mazzérisme est une croyance corse qui se traduit par un don de prophétie funèbre accompli en rêve. Durant le sommeil, le corps spectral du mazzeru devient un chasseur d’âmes ou un messager de la mort. Si musicalement, on est très loin de la tradition corse, c’est tout de même un beau clin d’œil et une belle manière d’affirmer son identité…

Jbaâl (synthés) : C’est un nom qu’on a mis du temps à fixer, mais qui nous a paru évident. C’était une manière de situer notre expérience sur la scène musicale locale.

Thomas (guitare, chant) : Et c’est l’un des aspects du folklore qui colle particulièrement au style.

Alexis (batterie) : Il s’avère que nos visions personnelles de notre culture sont complémentaires. Notre vécu a aussi beaucoup joué sur les thèmes présentés. Le Mazzeru, exilé et en dehors de la société, est condamné à vivre en solitaire le jour et à exécuter sa tâche la nuit.

– Et puis, vos textes aussi s’inspirent des contes et légendes du folklore corse. J’imagine que c’est une grande source d’inspiration pour un registre comme le vôtre ?

Thomas (guitare/chant) : Pour ce premier album, les textes sont plutôt centrés sur notre expérience, le folklore étant au second plan et servant plutôt de fresque symbolique. Mais  globalement le thème porteur est la vision d’un parcours qui mène à l’échec à travers la gloire. Le thème de la prophétie funeste inébranlable fait écho à la destinée du Mazzeru et à son don/malheur.

A : On a cette volonté de le faire transparaître dans notre musique, et apporter quelque chose de plus de ce qui se fait déjà sur l’île. On a une culture extrêmement riche qui se prête beaucoup au Metal et, du coup, au Doom.

– MAZZERI évolue donc dans un registre Doom aux sonorités Heavy et psychédéliques. En trois ans, votre style et votre son ont-ils évolué ou est-ce que vous aviez une idée très précise dès le départ ?

T : Énormément ! (Rires) On est parti sur un postulat de groupe de Doom au sens large, mais chacun avait sa propre lubie personnelle et sa vision du genre. A force d’écrire et de réécrire les morceaux, on a fini par intégrer de plus en plus d’influences externes.

Olivier (basse) : L’intégration des claviers, par exemple, s’est faite de manière progressive jusqu’à constituer un élément dominant dans les compositions.

A : J’ai dû refaire des parties de batterie entières. J’ai vraiment réappris à jouer. On est assez loin de ce qu’on faisait au départ, mais on a quand même réussi à garder l’âme qu’on voulait insuffler au projet.

– Vous venez de sortir votre premier album éponyme et autoproduit. Particulièrement bien réalisé, j’imagine qu’il est le fruit d’un long travail, car les arrangements notamment sont très soignés…

T : Ces trois années ont servi à mettre ces bases en place, trouver un son cohérent et voir si, une fois passée l’immédiateté de l’écriture, l’ambiance nous convenait toujours. Nos goûts ont évolué et on a plus osé avec le temps.

O : Pas mal de compromis ont du être faits à cause de divergences de point de vue.

A : On a jeté plusieurs compos, parce que ça ne collait plus à notre idée de MAZZERI.

J : L’enregistrement fut un travail de longue haleine, qui a pris plusieurs mois pour des raisons de logistiques entre autre. Mais ça nous a permis de prendre du temps pour équilibrer au mieux l’arrangement. J’ai enregistré les synthés, voir recomposé certains passages, après avoir effectué un premier mixage sommaire. Ça m’a permis de travailler au mieux mes sonorités, qu’elles soient le plus riche et le plus complémentaire possible avec le foisonnement des autres instruments.

– Avant d’entrer dans le détail de l’album, vous avez fait appel à une sommité du genre en la personne de l’Américain James Plotkin, connu pour son travail avec Nadja, Sunn O))), Isis ou Earth. Pour un premier album, vous n’avez pas fait appel à n’importe qui pour le mastering…

O : Étant donné que c’est Jbaâl qui s’est chargé de l’enregistrement et du mixage, j’ai insisté pour que le mastering soit réalisé par un professionnel. Surtout par souci d’apporter une oreille extérieure et de surcroît de quelqu’un dont c’est le métier. James Plotkin est une référence dans ce domaine, et notamment pour la musique Doom et les genres affiliés, mais aussi dans un registre plus expérimental ou électronique. Il me semblait être tout désigné pour s’occuper du mastering de l’album.

T : On ne voulait pas choisir n’importe qui. Il a travaillé sur des albums qui nous ont profondément marqué tous les quatre.

A : On est tous admiratifs de son travail, et ça a été un plaisir de lui confier cette tâche. J’espère qu’on retravaillera ensemble.

J : On a eu une confiance totale en lui. Il a tout de suite cerné ce qu’on attendait du master, sans même qu’on le lui décrive ! Il a respecté toute la dynamique de notre mixage, alors même qu’on ne voulait pas rentrer dans la « guerre du volume », qui tend à surcompresser le son. Ce fut une expérience à la hauteur de ce qu’on attendait d’un tel artiste.

– L’album est constitué de quatre morceaux qui oscillent entre plus de 8 et plus de 13 minutes. Ce n’est pas banal comme format et même plutôt audacieux…

O : C’est vrai que le format quatre titres peut rebuter. Les morceaux sont assez progressifs, avec des interludes et des changements d’ambiance à l’intérieur-même des structures. Nous avons cherché à créer une lecture plutôt narrative qui donne le sentiment d’écouter une histoire, et non pas une compilation de plusieurs morceaux.

T : J’ai du mal à écrire sur des structures courtes. Alors je mets en place des ambiances qui ont vocation à évoluer en suivant la thématique et le fil des paroles. J’ai toujours eu tendance à prêter une oreille plus attentive aux pièces maîtresses sur les albums classiques de Metal. On est loin du single concis et efficace, on est dans la fresque épique et dans le story-telling à tiroirs.

J : Il y a également un aspect cinématographique qu’on a voulu mettre en avant dans la structure et donc la composition des morceaux qui se présentent comme des actes et forment des scènes. L’artwork est d’ailleurs le compagnon visuel au scénario du disque.

T : Il a souvent été pris pour un EP d’ailleurs, malgré les 48 minutes !

A : Un autre format n’aurait fait qu’effleurer la profondeur de ce que l’on cherche à faire ressentir. Étant aussi un fan de Prog, qui est une grosse influence dans mon jeu, ce format m’a permis d’enfin explorer les différentes possibilités d’enchaînements de patterns et de constructions. C’est un travail assez colossal que je n’avais jamais vraiment soupçonné, malgré les écoutes répétées de Pink Floyd ou Eloy.

– Votre Doom Psych contient des guitares très Stoner et Heavy et on a l’impression que vous désirez remettre en lumière la fièvre des années 70 avec un son très actuel ?

O : Nous n’avons pas cherché à obtenir un son typé 70’s même si des éléments, synthétiseurs analogiques entre autres, rappellent cette période. Je ne qualifierais pas pour autant notre son de moderne. Nous avons voulu créer une musique intemporelle qui intègre à la fois des gimmicks modernes et d’autres plus vintages.

T : C’est l’approche organique de cette période qui a pu déteindre. On a travaillé un son « moderne », mais également loin des standards propres et souvent trop parfaits actuels. Comme si l’histoire de la musique en avait voulu autrement. On fait du Doom anachronique/dystopique! (Rires)

A : On est tous fans du son 70’s. J’ai récupéré ce qui me plaisait dans la manière de jouer, tout en apportant un peu de modernité, mais c’est surtout le son 80’s que je cherchais à retrouver.

– Si l’ensemble est assez Metal, « Mazzeri » contient aussi de belles parties de piano, de synthés et même de saxo sur « Gouffre », qui est d’ailleurs chanté en français. C’est très éclectique tout ça !

J : Pour les sonorités des claviers, des pianos aux drones Noisy en passant par les arpèges séquencés, il y a eu une volonté de les diversifier un maximum pour appuyer les intentions émotionnelles, sans les limiter au simple rôle d’instrument d’accompagnement. C’était aussi une manière de marquer notre univers, de toucher un peu plus à l’onirique.

T : En écrivant et même jusque dans la phase d’enregistrement, on a tenu à briser certains codes et certaines barrières pour juste prendre plaisir à composer. C’est quand même assez limitant de s’interdire un passage de sax ou un lead complètement Noise de synthé par peur de sortir de la bienséance d’un genre. Le texte en français de « Gouffre » passait mieux tout simplement : d’un côté pour la sonorité du français déclamé, de l’autre pour accrocher l’oreille en fin d’album.

A : On a essayé de brasser le plus largement tout en restant dans le Doom. J’ai essayé d’apporter une touche de jazz dans mes breaks et roulements, sans pour autant dénaturer le Doom/Heavy. Je suis très fan des parties synthés. J’ai toujours eu un faible pour ce genre d’envolées épiques qui sont assez rafraîchissantes, et cette touche de saxo m’a de suite convaincu.

O : Il est vrai que notre musique vient d’une souche très Metal, car le Doom en fait partie. Mais on a beaucoup d’autres influences, qui vont du Blues au Prog 70’s en passant par l’Electro, et j’imagine que ça se ressent d’une certaine manière dans notre musique. Mais j’avoue quand même qu’il n y a rien de plus jouissif que de balancer un gros power chord dans un ampli au taquet, et de ressentir les vibrations cosmiques parcourir l’échine. Concernant le sax sur « Gouffre », je parlerai plus d’un empilement de couches de bruit que d’une réelle performance, si c’est bien moi qui ai « joué » cette partie, je n’ai aucune idée de comment se servir de cet instrument pour en faire de la musique…

– Et puis, il y a aussi « Gloria », son crescendo et son atmosphère synthétique et pourtant très organique. Et là encore, le mix est savamment dosé…

T : L’exercice du morceau instrumental est toujours un peu compliqué. Il faut pouvoir jongler avec les ambiances et les détails pour se passer du texte. Le morceau étant représentatif de la culmination glorieuse avant la chute brutale vers la défaite, il fallait passer d’un extrême à l’autre en matière de ressenti.

O : Nous sommes partis d’un riff de base typé post-HardCore avec de grosses guitares pour en arriver à quelque chose de beaucoup plus éthéré. La plupart des synthés ont été rajoutés par la suite pour arriver à ce résultat que je trouve assez Prog et Psyché.

A : Elle était à la base beaucoup plus méchante, c’était une escalade dans la violence, qui se terminait sur un blast beat typiquement Black Metal.

J : Il devait créer une respiration après le final écrasant de « Megachurch », et avant l’inexorable et fatal « Gouffre ». C’est l’exultation, la décadence à son apogée, les synthés se devaient de leader le morceau, amener cette fièvre 70’s, dont tu parlais tout à l’heure.

– Un mot sur les parties de guitare entre riffs tendus et solos planants : il y a finalement beaucoup de Progressif chez MAZZERI…

T : J’aime les rouleaux compresseurs à riffs que sont Candlemass ou Warning, mais j’ai aussi beaucoup de passion pour Solstice ou encore Yob, qui sont des groupes qui texturent beaucoup leur parties guitares. J’écris plus volontiers en riffs qu’en structurant une suite d’accords, donc la guitare ne se fond jamais beaucoup dans l’ambiance, elle a plutôt tendance à dicter la marche.

J : Notre approche est en effet très Progressive et pas seulement dans les guitares. Les nouveaux arrangements pour le live, ainsi que les morceaux en cours de création, ne dérogent pas à cette règle. Le Rock Progressif est une référence majeure pour le groupe, cela nous a énormément guidé notre manière de construire les morceaux.

A : Encore une fois, on est tous influencés par le Prog 70’s, on voulait lui rendre hommage avec nos instruments respectifs. Le jeu de basse d’Olivier a aussi apporté énormément, il ne se contente pas d’accompagner. La basse a elle aussi une âme véritable. Notre section rythmique est un réel plus, nos quatre jeux se complètent.

– Finalement, ce premier album a une sonorité assez intemporelle et qui n’est pas forcément liée à votre registre. C’était l’un de vos objectifs en l’enregistrant ?

T : On voulait surtout pouvoir s’y retrouver avec la vision de chacun. C’est clair qu’on ne s’inscrit pas tellement dans les différents revivals ou dans les mouvances de Doom plus modernes. Notre approche est très personnelle et c’est agréable d’être qualifié d’intemporels !

J : C’était un objectif, et on a du passer par des décisions assez radicales au niveau du mixage, sur le choix de la place de chaque élément et la manière dont la voix a été traitée.

A : Un objectif, un espoir… Dans la mesure où on a commencé avec un style Doom/Stoner/Sludge, c’était assez compliqué… J’ai toujours voulu faire quelque chose qui sonne différemment, et cela est né de la complémentarité dont je parlais précédemment. Je pense qu’on n’y serait pas arrivé si on n’avait pas ce line-up. Chacun de nous quatre est essentiel au son MAZZERI.

O : Sans vouloir absolument sonner 70’s, notre volonté était d’obtenir un son à la fois lourd, dynamique, organique mais aussi planant.

– Dernière question inévitable, comment vivez-vous cette période de confinement ? Vous en profitez pour composer ou réfléchir à la suite, même si votre premier album vient tout juste de sortir ?

T : Pas si mal en fait ! La composition du suivant avance bien. Il y a pas mal de boulot à faire pour gérer la comm’ du groupe, et puis d’autres projets annexes qui pointent leur nez. Pas vraiment moyen de s’ennuyer devant Netflix !

A : On a tous nos projets solos… Jbaâl a TRAÎTRE CÂLIN et KHAOS ON GAÏA, mais il me seconde aussi dans mon projet Black Metal, AROZZA. Olivier a son projet ASTATE. Je travaille aussi en solo, ou en duo avec mon ami Défunt de BLØDNING… Pas le temps de s’ennuyer, même si mes camarades me manquent. J’ai vraiment très hâte de me remettre derrière les fûts. Le retour au studio sera bénéfique pour tous !

J : Thomas et Olivier avaient repris une première phase de composition chacun de leurs côtés pendant le mixage de l’album. Une seconde phase avait été entamée une fois le mix envoyé à James Plotkin, en groupe cette fois. On espère pouvoir défendre prochainement ce premier album sur scène, et proposer de nouveaux titres, en vue du second album dont le concept a déjà été grandement discuté. Pour ma part, je suis déjà en confinement toute l’année ! J’exagère, mais nous travaillons tous sur plusieurs autres projets. On n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer ou d’être improductif en cette période. Le travail en groupe manque quand même.

O : Beaucoup d’alcool et de masturbation ! (Rires) Plus sérieusement, je continue de bosser à l’extérieur, donc la question ne se pose pas, mais je dois dire que répéter ensemble me manque.