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Doom Stoner/Desert

Heavy Trip : gargantuesque et transcendant

C’est dans les grands espaces canadiens que HEAVY TRIP, qui porte bien son nom, est allé puiser l’inspiration pour livrer un Stoner Heavy et Doom de haute volée. Dès son premier album, le trio se fait aussi hypnotique que fracassant et laisse place à toute sorte de rêveries malgré l’épaisseur de son jeu. Une grosse, grosse claque !

HEAVY TRIP

« Heavy Trip »

(Burning World Records)

En livrant un premier album de cette trempe, HEAVY TRIP met tout de suite les choses au clair. Ça joue et en bons Canadiens, ça envoie du bois. Le trio de Vancouver propose un opus éponyme en forme de gigantesque jam, où la lourde rythmique combine avec une basse groove et des guitares flamboyantes. Entièrement instrumentaux, les quatre longs morceaux sont aussi Acid que Psych.

Grasse et aérienne, la déferlante de riffs s’abat massivement dès les premières notes de « Lunar Throne » que HEAVY TRIP réussit parfaitement à faire monter en puissance avec une assurance qui fait vite oublier qu’il ne s’agit que de sa première réalisation. La production très organique de l’ensemble invite au voyage et on se laisse perdre dans les interminables et transcendants solos (« Mind Leaf »).

Peu à peu, l’esprit s’envole et les pensées vont se nicher dans les montagnes de la côte de la province de la Colombie-Britannique, où HEAVY TRIP a façonné son Stoner Psych aux frontières du Doom et du Heavy (« Treespinner »). Mélodique et addictif, le trio est plus que généreux en riffs hallucinatoires et la rythmique métronomique prend des allures de marteau-pilon sur « Hand Of Shroomr », le coup de grâce.

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Heavy metal Progressif

Sweet Oblivion feat. Geoff Tate : la voix royale

Retour en force pour l’ex-frontman de la grande époque de Queensrÿche, Geoff Tate, avec son nouveau projet SWEET OBLIVION. Deuxième album pour le chanteur qui s’est entouré une nouvelle fois de musiciens italiens pour ce très bon « Relentless ». L’Américain, né à Stuttgart, semble dorénavant avoir trouvé une voie royale digne de sa puissance voix.

SWEET OBLIVION Feat. GEOFF TATE

« Relentless »

(Frontiers Music)

L’ancien chanteur de Queensrÿche, et surtout de ses meilleurs albums, revit depuis quelques années avec sa nouvelle formation SWEET OBLIVION, dont le deuxième album vient tout juste de sortir. A l’initiative du patron de Frontiers Music, Geoff Tate retrouve peu à peu la lumière et revient à son style de prédilection : un Heavy Metal classique à travers lequel on peut de nouveau apprécier les capacités vocales de l’Américain. 

Passant de plus en plus de temps en Italie où est aussi basé son label, Geoff Tate s’est donc entouré d’une équipe transalpine pour l’enregistrement de « Relentless ». Après Simone Mularoni (DGM), c’est au tour d’Aldo Lonobile (Archon Angel, Secret Sphere) de prendre en main la production de ce nouvel album où il assure également les guitares. SWEET OBLIVION dessine enfin plus concrètement les contours de son style et personnalise son jeu.

Très bien entouré, Geoff Tate fait exploser tout son talent sur des titres taillés sur mesure (« Strong Pleasure », « Another Change »). Le chanteur s’est d’ailleurs beaucoup plus impliqué dans l’écriture des morceaux et guide SWEET OBLIVION dans des sphères Metal un tantinet progressives où il excelle (« Anybody Out There »). L’Américain interprète aussi en italien le très pêchu « Aria », l’un des meilleurs moments de ce très bon « Relentless ».   

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Hard Rock Rock

Cheap Trick : forcément Rock’n’Roll

Exubérant et avec un sens de la mélodie et des harmonies assez incroyable, CHEAP TRICK semble traverser les âges et même se bonifier album après album. En tout cas, « In Another World », enregistré avant la pandémie, offre un regard réjouissant sur notre époque… même si une petite rencontre avec l’équipe marketing aurait été nécessaire avant d’éditer la pochette. Tout n’excuse pas tout… 

CHEAP TRICK

« In Another World »

(BMG)

Fondé en l’an de grâce 1973 (l’un des meilleurs millésimes qui soit !), CHEAP TRICK ne dira probablement rien aux moins de trente ans, qui… je n’ai même pas de terminer la phrase tellement c’est triste. Bref, le Hard Rock, le Rock et le Classic Rock (comme on dit aujourd’hui) doivent beaucoup à ce groupe américain qui manie avec autant de malice et de savoir-faire les mélodies comme les riffs les plus évidents et les plus marquants.

Que les plus jeunes se plongent dans le mythique album « Live At Budokan » et réécoute « I Want You To Want Me » pour se rappeler ô combien la musique de CHEAP TRICK est addictive et profondément bienfaisante. Et ce vingtième album ne vient pas déroger à la belle discographie du groupe, malgré quelques ballades sirupeuses pas forcément essentielles et des titres très Beatleliens (donc chiants !), dont CHEAP TRICK aurait largement pu se passer.

Une chose est sûre : CHEAP TRICK sait toujours y faire et peut même donner encore quelques leçons comme avec « The Summer Looks Good On You », « Boys & Girls & Rock N Roll », « Final Days », « Here’s Looking At You » ou le somptueux « Gimme Some Truth » qui vient clore ce très bon « In Another World ». Si vous ne connaissez pas, allez-y et pour les autres : un bon bain de jouvence ne fait jamais de mal !

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Stoner/Desert

Live In The Mojave Desert Vol.2 : Nebula

Deuxième escale dans le désert de Mojave en Californie avec des maîtres en matière de Stoner Rock : NEBULA. De retour depuis quelques années maintenant, le trio américain continue d’ensorceler avec ce son puissant et si distinctif et sa prestation, comme toujours très aboutie, se consume dans l’atmosphère si particulière de ce lieu unique.

« Live In The Mojave Desert Vol.2 »

NEBULA

(Heavy Psych Sounds Records)

Avec seulement cinq albums en 20 ans, NEBULA s’est élevé au rang de groupe mythique du Stoner Rock. Incontournable et restant une référence pour les générations qui ont suivi, le trio californien avait pourtant fait une ‘pause indéterminée’ de 2006 à 2019, soit une période plus longue que leur activité-même. Il n’en fallait pas beaucoup plus pour alimenter la légende du trio déjà forgée par un style unique.

S’il ne reste aujourd’hui de la mouture originelle qu’Eddie Glass (ex-Fu Manchu) à la guitare et au chant, NEBULA reste un combo majeur, ce qu’on avait d’ailleurs déjà pu constater sur le très bon « Holy Shit » paru en 2019 peu après sa reformation. Et les Américains semblent bien décidés à rester aux affaires comme en témoigne ce très bon concert enregistré en octobre 2020 dans le désert de Mojave.  

On retrouve donc Tom Davies (basse) et Michael Amster (batterie) aux côtés de Glass pour un set envoûtant et toujours aussi pêchu et aérien : le propre du nébuleux trio. Réputé pour ces prestations hypnotiques, NEBULA s’approprie cette atmosphère désertique d’entrée de jeu avec l’excellent « To The Center ». Et les riffs massifs fuzzent de toute part sur un rythme effréné (« Giant », « Wall Of Confusion », « Messiah »). Les Californiens rayonnent !

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Extrême Metal

Dark The Suns : au cœur de la pénombre

Après un long silence brisé par la sortie d’une compilation il y a six ans déjà, DARK THE SUNS refait surface avec un tout nouvel album dans lequel le duo finlandais semble renaître dans un Death mélodique teinté de Gothic, profond et plus orchestré que les précédentes réalisations des Scandinaves. Avec « Suru Raivosi Sydämeni Pimeydessä », le couple prend des risques et s’en sort très bien.

DARK THE SUNS

« Suru Raivosi Sydämeni Pimeydessä »

(Inverse Records)

Derrière cette très belle pochette se cache le troisième album du duo Gothic/Death mélodique DARK THE SUNS qui, après une grande quantité de singles, sort enfin un nouveau long format. Il faut préciser que « Sleepwalking In A Nightmare » était sorti il y a déjà 11 ans. L’attente en valait la peine, car « Suru Raivosi Sydämeni Pimeydessä » révèle de très bonnes surprises et une belle variété.

Composé depuis ses débuits en 2005 d’Inka Ojala à la basse et aux claviers et de Mikko Ojala au chant, à la guitare et à la batterie, le groupe revient très inspiré avec des aspects symphoniques et Folk, qui apportent une belle lumière à ce nouvel opus, qui se montre pourtant toujours assez brutale et très Death. DARK THE SUNS marche parfois dans les pas de Dark Tranquillity, tout en gardant une touche très personnelle.

Les dix morceaux de l’album présentent un bel équilibre, une production compacte et une interprétation irréprochable de la part des Finlandais. Les compositions très abouties du duo oscillent entre textes en anglais et en finnois, livrant ainsi une belle originalité à l’ensemble (« The Secrets Of Time », « Taivas Itki Tulta », « Seeker », « Enkelsiipi » et le très bon morceau-titre). DARK THE SUNS montre un beau visage et un registre très maîtrisé.

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Stoner/Desert

Live in the Mojave Desert vol.1 : Earthless

Les fans de Stoner sous toutes ses formes vont se régaler des cinq volumes extraits des prestations live enregistrées au cœur du désert de Mojave en Californie. Avant Nebula, Spirit Mother, Mountain Tamer et Stöner (la surprise !), c’est le trio Acid Psych EARTHLESS qui allume la mèche pour un concert éclatant de puissance. Le trip commence…

« Live In The Mojave Desert vol.1 »

EARTHLESS

(Heavy Psych Sounds Records)

En manque cruel de concert, Stoned And Dusted, California Desert Wizard Association et l’excellent label Heavy Psych Sounds Records ont décidé d’investir le désert de Mojave en Californie pour y proposer un festival inédit, sans public, mais superbement bien filmé et dorénavant disponible en cinq volumes. Et parmi ces prestations hors-normes, c’est le trio EARTHLESS qui ouvre les hostilités dans une atmosphère démentielle.

Formé il y a 20 ans à San Diego, c’est en voisin que le groupe, qui n’a d’ailleurs jamais connu de changement de line-up, est venu déverser son Stoner Rock Psych instrumental. Et en guise de concert, c’est une jam endiablée à laquelle se sont livrés les Américains. Petite particularité de ce volume 1, EARTHLESS ne joue que trois titres, mais propose la plus longue prestation du coffret !

Les morceaux joués dans le désert de Mojave sont incroyables et rentre-dedans comme rarement. Galvanisé, le combo présente « Violence Of The Red Sea » (extrait de l’album « From The Age » – 2013), « Sonic Prayer » (extrait de « Rhythms From A Cosmic Sky » – 2007) et l’énormissime « Lost In The Cold Sun » et ses 37 minutes (extrait de « Sonic Prayer » – 2005). Et EARTHLESS en arrive à renverser les imposants rochers alentour.

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Blues

Slim Paul : docteur feelgood !

La musique de SLIM PAUL vient du cœur et s’en va directement toucher l’âme. Deuxième album pour le Toulousain dans sa nouvelle vie d’artiste après des années au sein de Scarecrow pendant plus d’une décennie. C’est dorénavant en trio avec des musiciens dont la complicité paraît tellement naturelle que le chanteur, guitariste et songwriter lance une invitation Blues très apaisante à travers ce « Good For You », dont la production est d’une justesse remarquable.

SLIM PAUL

« Good For You »

(Regarts/Old Pot Records/L’Autre Distribution)

En l’espace d’un album, « Dead Already » (2018), SLIM PAUL s’est forgé une belle réputation an arpentant les scènes de France, d’Europe et aussi d’Amérique du Nord. Autant dire qu’en si peu de temps, le musicien n’a pas beaucoup quitté sa guitare et n’a pas non plus lâché son micro. Cela dit, le Français n’est pas un nouveau venu, loin de là… car l’aventure a commencé il y a une quinzaine d’années.

C’est surtout avec son groupe déjà atypique, Scarecrow, qui mélangeait Blues et Hip-Hop, que SLIM PAUL s’est aguerri avant de s’envoler pour les Etats-Unis comme pour mieux s’imprégner de la musique qui lui colle à la peau : le Blues. C’est de cette expérience que va naître son premier album, qui voit arriver Jamo (batterie) et Manu Panier (basse), dorénavant compagnons de route.

En cette triste et longue période, « Good For You » tombe à pic et en plus de rendre le sourire apporte chaleur et réconfort. Electrique ou acoustique, Blues ou Gospel, Slide ou dobro, le Toulousain est lumineux (« When You Keep On Groovin », « Amazing you », « Tess And I »). Parfois plus sombre et féroce (« Bury Me Deep »), SLIM PAUL reste optimiste, sincère et plein d’humour (« Log Dog Blues »). Exaltant, endiablé et très touchant !

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Extrême France Metal Progressif

Dirge : entre testament et héritage [Interview]

Créé en 1994, DIRGE a écumé pendant 25 ans les scènes françaises et internationales jusqu’à sa dissolution il y a deux ans. Tout d’abord dans un registre Metal Indus puis en évoluant vers un post-Metal atmosphérique et progressif, le groupe aura marqué de son empreinte la scène hexagonale et laisse un bel héritage en ayant ouvert de très nombreuses portes à la scène actuelle. Alain B. (batterie) et Stéphane L. (guitare, chant, samples) reviennent sur ce parcours et présentent « Vanishing Point », compilation testamentaire et inédite sortie le 26 mars dernier.

Photo : Stéphane Burlot

– J’aimerais tout d’abord qu’on revienne en 1994 à la création du groupe, une époque où le Metal Indus, notamment en France, était assez marginale malgré des groupes comme Treponem Pal et vous. Aviez-vous le sentiment d’être au début de quelque chose sur la scène hexagonale ?

Stéphane L. : Pour être honnête, Treponem Pal était là depuis bien longtemps quand le groupe s’est formé et ils avaient déjà une certaine notoriété (C’est vrai ! – NDR). Les premières démos de DIRGE, sorties au milieu des 90’s s’inscrivaient certes dans une tendance à la fusion machines/guitare, très inspirées par des groupes anglais comme Scorn ou Godflesh, sauf que ce Metal Industriel, qui comme tu le rappelles restait peu développé ici, me semblait alors, avec le recul, déjà sur le déclin. Donc, je n’ai pas le sentiment que DIRGE ait été au début de quoi que ce soit par rapport à ce style en France. C’est plutôt en développant une facette plus viscérale et atmosphérique à la fin de la décennie que le groupe s’est retrouvé, sans le savoir, à l’avant-garde de quelque chose de nouveau. Et pour le coup, pas seulement en France. Sauf qu’on était évidemment loin de parler de post-Metal ou je-ne-sais-trop-quoi à l’époque. Il me semble qu’il n’y avait alors guère qu’Isis, Breach et nous pour trouver un intérêt dans l’héritage sonique de Neurosis.

– Après plusieurs changements de line-up avant 2001, DIRGE a ensuite pris un virage plus atmosphérique avec des morceaux plus longs et beaucoup plus d’expérimentations sonores. Quel était votre leitmotiv à ce moment-là ?

SL. : Je ne sais pas si on peut parler de leitmotiv… Disons qu’on ne voulait se fixer aucune limite en termes d’expérimentations. C’était une tendance tacite entre nous tous, une envie commune et logique.

Alain B. : Le truc c’est qu’à partir de 1999 et mon arrivée à la batterie et celle de Zomber aux samples, le groupe est parti dans quelque chose de beaucoup plus organique et naturel. Le côté machine a ainsi commencé à s’estomper au profit d’une approche plus humaine. L’arrivée de Stéphane en 2001 n’a fait qu’amplifier cette mutation.

SL. : Avoir un véritable batteur en lieu et place d’une boîte à rythme et un mec qui joue les samples en direct a logiquement influé sur la forme de la musique, notamment en explosant le carcan imposé par les programmations et les BPM (qui constituaient paradoxalement l’ADN du DIRGE d’origine). L’abandon de cette rigidité électronique nous a d’un coup laissé beaucoup plus de liberté pour expérimenter, tester, en particulier en étirant les rythmes et les riffs et en jouant sur les répétitions et les durées. Il y a aussi eu tout un travail de recherche sur le volume sonore, le grain et les textures des amplis, un ré-accordage pour renforcer les basses et générer les vibrations les plus telluriques qui soient. Et en contrepoint de ces partis-pris de lourdeur et de puissance, on a aussi voulu introduire une véritable approche progressive et atmosphérique, pour mettre un peu d’air dans tout ce magma. Bref, on s’est retrouvé en 2001/2002 à l’orée d’un champ d’expérimentation incroyablement étendu. Tout cela a débouché sur de longues sessions d’impros pendant les répétitions, qui ont fini par devenir le corps de notre troisième album « And Shall The Sky Descend ».

– « Wings Of Lead Over Dormant Seas », votre quatrième album, a aussi marqué un tournant et une évolution dans le style de DIRGE. L’idée, là encore, était de toujours expérimenter et d’explorer de nouveaux espaces musicaux ?

AB. : On avait une idée bien précise avec « Wings Of Lead… », on voulait enregistrer tout l’album en live, avec le moins de prises possibles, afin de retranscrire au mieux les émotions. On voulait faire les choses naturellement. On a du coup énormément travaillé en amont pour traduire au mieux cette envie.

SL. : Pouvoir jouer et enregistrer d’une traite de si longs morceaux, aux structures labyrinthiques, passait évidemment par une longue préparation d’avant-studio. Apprivoiser et retranscrire au mieux les sessions d’improvisation a peut-être été le plus gros challenge. On savait que les nouveaux titres seraient encore une fois très longs et progressifs, mais il n’était pas questions pour autant d’étirer les choses gratuitement, juste pour le plaisir d’être monolithique. On voulait que tous les éléments, même les plus extrêmes (les tempos, les durées, les sons parasites, les larsens, etc) soient pertinents et servent notre vision de l’époque. Les morceaux ont dans leur majorité été profilés pour être enregistrés live et donc retranscriptibles comme tel une fois sur scène. C’est un disque qui a été fait avec très peu d’artifices studio.

AB. : Quant à l’évolution du style, je crois qu’on ne l’a absolument pas calculé, le processus de création a toujours été un peu le même entre nous.

Le visuel original (146×170 cm), « Ouverture» , par Axël Kriloffv et l’album…

– DIRGE a réellement pris son envol avec « Elysian Magnetic Fields » et « Hyperion », qui vous ont valu une belle reconnaissance et un statut de leader de la scène Indus française. Les années 2010 étaient-elles, selon toi, les meilleures du groupe ?

AB. : Disons surtout que 2011 a été le début de nombreux concerts dans toute l’Europe, avec deux tournées par an. Alors les conditions n’étaient pas simples, mais au final cela a été le début d’une super aventure. On y a noué de nombreux contacts.

SL. : C’est effectivement la période pendant laquelle le groupe a le plus existé en live, en particulier à l’étranger. Avec donc tout ce qui va avec : rencontres, découvertes de nouveaux pays, bons souvenirs et expérience douloureuses, bref, tout ce qui fait la vie d’un groupe en tournée. On est aussi devenu logiquement bien meilleurs sur scène. Et surtout, ce sont des années qui nous ont enfin permis de mieux diffuser notre musique et de toucher plus de gens. Donc pour moi, c’était de loin la meilleure période pour DIRGE. Et les trois albums sortis entre 2011 et 2018 restent mes préférés.

– Pourtant en mars 2019, il n’y a pas si longtemps, vous annoncez la fin du groupe. Qu’est-ce qui a mené à une telle décision ? Vous aviez chacun envie de vous investir dans d’autres projets ?

AB. : Tu sais, le groupe a été créé en 1994 et au bout d’un moment, tu as aussi envie d’avoir une autre reconnaissance, de monter des tournées plus facilement et de jouer dans de meilleures conditions.

SL. : Et comme rien de changeait, qu’on continuait de galérer pour monter les tournées, de s’épuiser sur la route, de dormir par terre et de perdre de la thune, on a compris que rien ne changerait, même avec un nouvel album (« Lost Empyrean »), dont on était pourtant super fier.

AB. : Du coup au bout plus de 20 ans, tu te dis effectivement que tu as fait le tour, et qu’il faut passer à autre chose. Après, au vu des très bons retours qui ont suivi « Lost Empyrean », on aurait bien un peu plus défendu l’album sur scène, mais bon c’est comme ça !

SL. : Le manque de reconnaissance et les galères on en outre fatalement abîmé l’équilibre au sein du groupe où tout commençait à devenir vraiment compliqué. On a donc décidé de terminer l’écriture et l’enregistrement de « Lost Empyrean », de tourner une dernière fois avant sa sortie, d’assurer la promo puis de saborder le groupe juste après. On a préféré arrêter tant que nous étions encore créatifs et pertinents, plutôt que de sortir le disque de trop. Histoire d’arrêter en étant honnête et au clair avec nous-mêmes. Mais il y a beaucoup de regrets et d’incompréhension, c’est sûr.

Photo : Stéphane Burlot

– Aujourd’hui, vous sortez le conséquent et très dense « Vanishing Point » qui regroupe surtout des versions inédites et live. Tout d’abord, qu’est-ce qui vous a motivé à sortir cette compilation testamentaire ? C’est pour mettre un point final à l’aventure ?

SL. : En fait, on voulait juste regrouper sur un même disque (trois au final), les inédits et les raretés qui nous semblaient importants dans l’histoire et la chronologie du groupe. Sachant que 90% de ce qui constitue « Vanishing Point » est soit inédit, soit totalement devenu introuvable, il y a derrière ce projet une dimension exhaustive et définitive qui nous semblait nécessaire pour effectivement mettre un point final à l’aventure.

AB. : Cela faisait un bout de temps qu’avec Stéphane, nous avions envie de faire enfin paraître certains inédits, de ressortir quelques raretés, de remasteriser certains titres et de les rassembler dans une compilation. Donc, cela nous a pris une bonne année pour faire le tri, retrouver les morceaux, s’arrêter sur une set-list et entreprendre toute la partie restauration et mix.

– Ces trois CD passent en revue tous les lines-up et les albums de DIRGE et vous avez confié ce travail de « restauration » au talentueux Raphaël Bovey. Comment cela s’est-il passé et comment avez-vous défini le choix des titres et des versions ?

AB. : Après le super travail de Raphaël sur « Lost Empyrean », il nous semblait évident que cet énorme boulot de mix, de nettoyage, d’harmonisation et de mastering lui revienne ! C’est d’ailleurs grâce à lui qu’il y a ce troisième CD ; son travail de restauration et de mix sur le live de 2005 nous a tellement bluffé qu’on a décidé de compléter « Vanishing Point » avec ces titres, ce qui permettait ainsi d’ajouter la dimension scénique qui manquait à la compil.

SL. : On avait besoin de quelqu’un de très compétent bien sûr, mais aussi qui connaisse bien notre musique, en qui on avait toute confiance et avec qui il serait très facile de bosser et de communiquer. Le choix était donc évident. Raph a vraiment eu un rôle décisif dans ce projet, tant il a su homogénéiser ces 25 ans de musiques, de sources et de productions parfois très différentes pour en faire un tout très cohérent.

– Après 25 ans d’une carrière très créative menée tambours battants, quelle image et quelle empreinte pensez-vous et aimeriez-vous laisser au public ? Et qu’avez-vous à dire à celles et ceux qui vont vous découvrir avec « Vanishing Point » ?

AB. : On aimerait laisser une image de sincérité. On a toujours fait les choses le mieux possible, joué avec la même intensité dans une salle vide ou dans une salle pleine ! On aime partager ce que l’on ressent, ce que l’on crée avec les gens qui nous suivent depuis longtemps, comme avec ceux qui nous découvrent.

– Enfin, il faut bien que je vous pose la question qui brûle toutes les lèvres : a-t-on une chance de revoir un jour DIRGE sur scène ou avec un nouvel album ?

AB. : Franchement, non je ne pense pas.

SL. : En tous cas, pas avec un nouvel album, ça c’est certain.

« Vanishing Point » est disponible depuis le 26 mars chez Blight Records et Division Records.

Bandcamp : http://dirgeparis.bandcamp.com

Facebook : https://www.facebook.com/DIRGE.fr

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Heavy metal

Johan Kihlberg’s Impera : la force du collectif

Le musicien JOHAN KIHLBERG s’est fait une solide réputation surtout comme batteur pendant trois décennies dans le monde du Heavy Metal avant de monter son propre groupe IMPERA en 2011. C’est entouré de la crème des musiciens suédois, et de quelques invités, que le Scandinave revient avec « Spirit Of Alchemy », le cinquième album du combo.

JOHAN KIHLBERG’S IMPERA

« Spirit Of Alchemy »

(Metalville Records)

Le très expérimenté JOHAN KIHLBERG, dont le CV est long comme le bras, fait son retour avec IMPERA, projet qu’il mène de main de maître depuis une dizaine d’années maintenant. Tête pensante de la formation, le batteur et multi-instrumentiste suédois a conçu ce cinquième album résolument Heavy Metal où subsistent quelques écarts symphoniques. Pour le reste, « Spirit Of Alchemy » est tranchant, racé et comme toujours remarquablement produit, une habitude sur la scène scandinave. 

Très mélodique et costaud, JOHAN KIHLBERG’S IMPERA s’appuie encore et toujours sur un line-up de huit musiciens de haut niveau. Tous également Suédois, on retrouve Lars Chriss à la guitare et Kay Backlund aux claviers (Lion’s Share), Jonny Lindkvist au chant (Nocturnal Rites), John Levén à la basse (Europe), Snowy Shaw à la batterie (ex-Sabaton, King Diamond) et en guest Mats Vassfjord (220 Volt) et Pontus Egberg (King Diamond) à la basse. Bien, quoi !

Imparable mais sans réelles surprises, le collectif exécute un Heavy Metal très nordique, souvent très shred côté guitares et peu expansif niveau rythmique. Cela dit, JOHAN KIHLBERG’S IMPERA peut compter sur ses membres pour ne pas tomber dans la facilité (« Nothing Will Last », « All About You », « What Will Be Will Be », « Lost Your Life To Rock’n’Roll »). Les Suédois font le taff mais restent dans les clous, ce qui n’est pas forcément désagréable. Technique et solide, « Spirit Of Alchemy » fait plus que tenir la route.

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Progressif Rock

Bruit ≤ : sans nuisance sonore

Si beaucoup verront dans cet album de BRUIT ≤ une sorte de laboratoire musical, ce premier opus (au nom interminable) va bien au-delà et présente au contraire une unité et une progression musicale saisissante, dans un style qui voit se télescoper de multiples émotions. Les Toulousains font preuve d’une créativité et d’une musicalité incroyable.

BRUIT ≤

« The Machine Is Burning And Now Everyone Knows It Could Happen Again »

(Independant)

J’ai toujours eu un faible pour les groupes qui vont à contre-courant en brisant les codes et les règles établies. Dans le cas de BRUIT ≤, c’est même un sacré coup de cœur. Pour commencer, même si le sens du titre de ce premier album est limpide, il faut s’y prendre à plusieurs fois pour le mémoriser. Ensuite, le quatuor toulousain a décidé de le sortir et de le rendre disponible uniquement sur Bandcamp, sans maison de disques.

Ainsi après un premier EP en 2018, « Monolith », voici le premier album du groupe qui, à travers quatre morceaux s’étalant sur 40 minutes, présente un registre post-Rock (presqu’instrumental) franchement immersif et parfaitement interprété. Grâce à une production et des arrangements très soignés, BRUIT ≤ parvient à nous emporter dans un monde musical aux contours cinématographiques et à la poésie évidente.

Autour d’éléments électroniques discrets et quelques éléments de musique classique, ce premier album s’écoute comme on regarde un film tant les quatre morceaux montrent une progression musicale étonnante. Conçu comme un conte philosophique sur la chute et la renaissance des civilisations, cet opus vient marquer les solides convictions humanistes de BRUIT ≤. Saisissant, le quatuor apaise et invite aussi à la réflexion. Une réussite totale.  

Bandcamp : www.bruitofficial.bandcamp.com/music