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Dark Metal Metal Progressif Symphonic Metal

Sleeping Romance : dark feelings

Et si ce récent changement de chanteuse allait enfin permettre à SLEEPING ROMANCE de prendre son envol et d’acquérir cette stature plus imposante qui lui tend les bras et qui serait amplement méritée ? C’est en tout cas la question que l’on peut se poser à l’écoute de ce très bon « We All Are Shadows », qui navigue entre Metal Progressif et Symphonique avec un côté dark et moderne plus prononcé qu’à ses débuts.

SLEEPING ROMANCE

« We All Are Shadows »

(NoCut Entertainment)

Depuis un peu plus de dix ans, les Italiens nous ont habitués à un Metal Symphonique dans la veine d’Evanescence et de leurs compatriotes de Lacuna Coil, mais pour « We All Are Shadows », SLEEPING ROMANCE a apporté quelques ajustements à son registre. Plus sombre et plus lourd, ce troisième album voit tout d’abord l’arrivée de Lina Victoria au chant dans un  style très féminin et envoûtant, mais volontaire et solide.

Toujours mené de main de maître par Federico Truzzi (guitare, claviers, piano, production) qui a imposé une forte empreinte classique sur ces nouveaux titres, SLEEPING ROMANCE conserve son côté très mélodique, parfois parsemé de growls, où la douceur et la délicatesse de la nouvelle frontwoman font des merveilles. D’une grande fraîcheur et très coloré, les Transalpins se renouvellent avec brio.

Puissant et accrocheur, « We All Are Shadows » est probablement la réalisation la plus aboutie de SLEEPING ROMANCE. Un brin théâtral dans son approche, l’ensemble reste très groovy, Metal et entraînant. Les repères sont toujours présents et le quintet développe un jeu plus progressif, profond et peut-être aussi moins extravagant (« Smoke And Mirrors », « Stuck In Your Hand », « Ressemblance Of Light », « Haven »). Une parfaite transition.

Photo : Bianca Serena Truzzi
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Symphonic Metal

Beyond The Black : des certitudes confirmées

En moins de dix ans d’existence et cinq albums à son actif, BEYOND THE BLACK a su parfaitement se hisser au rang des meilleures formations de Metal Symphonique, tout en se distinguant de ses confrères grâce à des claviers très discrets et une frontwoman capable de prestations exceptionnelles. Avec ce nouvel opus éponyme, l’avenir de ce courant du Metal s’éclaircit encore un peu plus.  

BEYOND THE BLACK

« Beyond The Black »

(Nuclear Blast Records)

L’une des principales particularités de BEYOND THE BLACK est de savoir se distinguer des autres groupes du même style. Car même affilié au Metal Symphonique, le quatuor s’en démarque avec brio en prenant un grand soin de ne pas tomber dans un registre pompeux noyé dans des orchestrations surproduites et redondantes. Au contraire, les Allemands ont pour habitude d’aller à l’essentiel avec une touche Heavy Metal et Folk dominante.

Lorsque le cinquième album d’un combo est éponyme, c’est très souvent pour affirmer son identité et conforter sa démarche artistique. Et c’est très précisément le cas avec « Beyond The Black », qui est plus court que ses prédécesseurs, mais aussi plus compact même si les mélodies accrocheuses ne manquent pas. C’est d’ailleurs ce qui offre à BEYOND THE BLACK ce côté symphonique, qui vient trancher avec la lourdeur de certains titres.

La voix claire et puissante de Jennifer Haben, encore une fois impériale, porte l’ensemble avec une maîtrise complète qui lui permet d’enchaîner d’incroyables variations (« Is There Anybody Out There », « Into The Night »). L’omniprésence des guitares et l’indéfectible rythmique donnent également une grande force aux morceaux, dont émanent de nombreuses ambiances Folk (« Reincarnation », « Dancing In The Dark », « Not In Your Name »).

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Melodic Metal Post-Black Metal Symphonic Metal

Euphrosyne : Au-delà des ténèbres

En alternant colère et douceur, les Grecs d’EUPHROSYNE ont trouvé un beau compromis et font avant tout parler leur créativité à travers un style où la technicité du quatuor est au service de compositions complexes parfois, mais très bien ciselées. « Keres » est un court voyage dans un post-Black Metal musclé avec des couleurs progressives et symphoniques, parfaitement mises en valeur par sa frontwoman à la palette vocale étonnante.

EUPHROSYNE

« Keres »

(Independant)

Après des débuts prometteurs avec deux singles très bien accueillis (« Thorns Above the Skies » et « Rattus »), Efi Eva (chant) et Alex Despotidis (guitare) se sont renforcés avec l’arrivée de George Gazis (basse) et de Kostas Mamalis (batterie) pour faire d’EUPHROSYNE une machine redoutable et très organique où s’entremêlent un post-Black rugueux et un Metal mélodique épuré plein de nuances et de clarté.

Très atmosphérique, « Keres » présente beaucoup d’originalité, grâce notamment à sa chanteuse, aussi à son aise dans un growl surpuissant que dans des parties chantées claires et limpides ou des chuchotements très pertinents. EUPHROSYNE ne se reste pas figer dans un registre, mais construit sa force sur un amalgame intelligent de sonorités mises en lumière sur des morceaux très bien structurés et accessibles.

Très captivants, les sept titres de « Keres » montrent une évolution progressive au fur et à mesure que l’on avance dans l’album. Les claviers jouent un rôle essentiel dans la mise en lumière des compositions avec même quelques incursions symphoniques (« Pale Days », « When My Fears Conquered All »). Entre violents coups de blast et envolées progressives, EUPHROSYNE livre une très belle partition (« Within The Age »).

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Symphonic Metal

Victoria K : homérique

Nouvel opus pour l’Australienne VICTORIA K, dont la voix et les qualités de composition viennent apporter un souffle rafraîchissant sur la scène Metal Symphonique actuelle. Avec « Kore » et ses atmosphères progressives, la chanteuse se lance dans un album-concept audacieux aux multiples rebondissements. Sans être pompeux, le style de la frontwoman est efficace, direct et délicat.

VICTORIA K

« Kore »

(Rockshots Records)

Très largement à même de rivaliser avec les meilleures chanteuses de Metal Symphonique du moment, VICTORY K, alias Victoria Knight, livre à nouveau une incroyable et explosive prestation sur son deuxième album. Faisant suite à « Essentia » (2020) qui a reçu de nombreux prix et récompenses, « Kore » va plus loin encore dans le contraste entre chant lyrique et Metal, et la frontwoman affiche aussi son talent de songwriter avec éclat.

Originaire de Melbourne en Australie, la musicienne s’attaque cette fois à l’histoire de Perséphone et a fait du conte un album-concept à la fois percutant, mélodique et envoûtant. Avec « Kore », VICTORIA K dévoile ses qualités de narratrice, de compositrice et libère beaucoup d’émotion au fil des morceaux. Le voyage musical proposé est aussi puissant qu’orchestral et convaincant à plus d’un titre.

En étroite collaboration avec le producteur Lee Bradshaw qui a finalisé les arrangements symphoniques de l’album, l’Australienne pose très habillement sa voix sur des riffs massifs, une solide rythmique et quelques ambiances orientales. Et entre le prologue et l’épilogue, « Kore » regorge de chansons pertinentes et bien senties (« Mother’s Garden », « Persephone », « A Divine Revelation », « Tower »). Enchanteur !

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Melodic Metal Symphonic Metal

Allen/Olzon : d’une seule voix

Le triumvirat métallique composé de Magnus Karlsson, Anette Olzon et Russell Allen récidive avec « Army Of Dreamers », qui succède au pourtant peu convaincant « Worlds Apart ». Avec ce deuxième album, le Melodic Metal aux saveurs symphoniques du duo formé par la frontwoman suédoise et le chanteur américain prend enfin sens à travers une complicité plus évidente.

ALLEN/OLZON

« Army Of Dreamers »

(Frontiers Music)

Un peu plus de deux ans après « Worlds Apart », le multi-instrumentiste et producteur Magnus Karlsson (Primal Fear, Free Fall) s’est à nouveau mis à la tâche pour composer et même enregistrer un deuxième album à la doublette ALLEN/OLZON. La chanteuse de The Dark Element et ex-Nightwish s’associe au frontman de Symphony X et d’Adrenaline Mob pour un « Army Of Dreamers » d’un tout autre niveau.

Si le premier opus du binôme était assez conventionnel et convenu, celui-ci montre un autre visage avec, surtout, une plus grande place laissée à Anette OLZON que l’on entend enfin à son vrai niveau. Russell ALLEN, quant à lui, reste le grand chanteur que l’on connait et sa complémentarité avec la frontwoman scandinave est enfin perceptible et donne corps à ces nouveaux titres.

Toujours irréprochable derrière les fûts, Anders Köllerfors offre une lourdeur bienvenue à « Army Of Dreamers », dont le Melodic Metal bénéficie d’une belle qualité d’écriture. Cependant, et même si le contraste vocal entre la puissance de l’Américain et la finesse de la suédoise fait les étincelles, on doit surtout au mix de Jacob Hansen d’apport de beaucoup de relief à ce nouvel opus d’ALLEN/OLZON.

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Symphonic Metal

Epica : inestimables archives

Après deux décennies passées avec d’autres à donner ses lettres de noblesse au Metal Symphonique, EPICA s’est imposé avec la manière sur une scène dont il est aujourd’hui l’un des fers de lance. En rééditant ses trois premiers albums et des enregistrements devenus rares, la formation de Simone Simons et de Mark Jansen dévoile avec « We Still Take You With Us – The Early Years » ses premiers pas avant le succès qu’on leur connait aujourd’hui.

EPICA

« We Still Take You With Us – The Early Years »

(Nuclear Blast Records)

Cette année marque les 20 ans d’existence d’EPICA et les Hollandais ont décidé de marquer le coup. Toujours très proche de ses fans, le groupe a donné un concert spécial à Tilburg il y a quelques jours, mais sort surtout un coffret de quatre CD. Et celui-ci-est accompagné du très bon concert « Live At Paradiso », enregistré à Amsterdam en 2006 et qui est aussi édité pour la première fois en DVD.

Devenu en deux décennies une référence du Metal Symphonique, on mesure mieux à travers « The Phantom Agony », « Consign To Oblivion » et « The Score » toute l’évolution, tant technique qu’au niveau des mélodies et de l’architecture des morceaux, d’EPICA depuis sa création. Devenus presqu’introuvables aujourd’hui, ces trois premiers albums laissaient déjà présager du futur de la formation.

Le sextet de Mark Jansen, porté par la voix devenue un véritable repère de Simone Simons, montrait déjà les prédispositions et le talent certain du combo que l’on a d’ailleurs pu apprécier récemment sur « Omega ». Et avec l’album « We Will Take You With Us », on redécouvre des enregistrements rares de l’émission « Twe Meter Sessies », ainsi que deux titres de Sahara Dust, qui allait plus tard devenir EPICA. Un must pour les fans !  

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Cinematic Metal Symphonic Metal

Gallia : un ardent faisceau lumineux

Pour son premier album, le quatuor belge GALLIA fait très fort. Réalisé en indépendant, « Obscura » est autoproduit et montre un groupe inspiré, sûr de son fait et arborant un style aussi riche que dynamique. Très Heavy et Symphonique, le Cinematic Metal du combo régale grâce un son massif et des arrangements particulièrement soignés.

GALLIA

« Obscura »

(Independant)

Après une mise en jambe avec l’EP « Everflamme » il y a trois ans, le quatuor sort son premier album qu’il a pu peaufiner depuis sa Belgique natale. Fondé en 2014, c’est surtout l’année suivante avec l’arrivée de sa chanteuse Elyn que GALLIA trouve sa voix et aussi sa voie avec un style qui passe du Power Metal au Symphonique pour aujourd’hui se faire cinématique.

Certes, les influences de Nightwish et Epica notamment sont évidentes, mais le groupe a su y insuffler un aspect Dark Fantasy très personnel. Avec un goût prononcé pour la narration musicale basée sur un concept et un récit original, GALLIA nous guide dans « Obscura » avec talent. Sans trop de noirceur pourtant, les Belges se font même très théâtraux avec un opus plein de relief.

Cristallin et puissant, le chant de la frontwoman apporte une réelle variété dans l’approche des morceaux entre alternant, avec beaucoup de proximité, douceur et rage (« Blackout Queen », « Mirage »). Très Heavy, les riffs offrent un côté incisif bienvenu, tout comme l’explosive rythmique. Forcément épique et homérique, GALLIA reste mélodique et envoûtant (« Reflection », « Path Of The Nomad », « Spirit Of The Sea »). Une vraie réussite !

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Metal Progressif Symphonic Metal

Anthea : progressif, symphonique et cinématique

Ils sont peu nombreux les groupes de la cité des anges à donner dans le Metal Progressif et Symphonique. Pourtant, c’est la parti pris par ANTHEA qui, à grand renfort de lignes très Thrash et cinématiques, rend un deuxième album très bien produit et costaud. « Tales Untold » a du répondant.

ANTHEA

« Tales Untold »

(Rockshots Records)

Privés de tournée comme tout le monde après la sortie de leur premier album « Illusion » (2020), les Américains n’ont pas pour autant baisé les bras et se sont attelés à leur deuxième opus, « Tales Untold ». Prenant tout en main, c’est le chanteur Diego Valadez qui s’est occupé avec talent de la production et ANTHEA sonne plus massif que jamais.

Le quintet de Los Angeles présente un style nettement plus élaboré sur la base d’un Metal mélodique et symphonique, auquel il a intégré de solides éléments Thrash avec de puissants growls et une touche progressive constante. ANTHEA a donc bénéficié d’un an pour composer et réaliser « Tales Untold » et le résultat est plus que probant.

Présentant une belle unité, tant dans l’approche des morceaux que dans leur composition, les Californiens se distinguent rapidement de Nightwish, Kamelot et autre Wintersun dont ils s’inspirent pour créer un univers très personnel et cinématique (« Tales Untold », « The Deceiver », « Sunder Heart »). ANTHEA, avec ce deuxième effort, devrait faire parler de lui.

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Power metal Symphonic Metal

Crystal Gates : nectar symphonique

Mélodique et symphonique, le Power Metal de CRYSTAL GATES s’inspire des cadors du genre tout en apportant de la nouveauté et une vélocité très séduisante. Guidé par une frontwoman à la voix ensorceleuse, les Uruguayens se présentent comme le renouveau du style et fer de lance d’une nouvelle génération, grâce à ce très tonique « Torment & Wonder : The Ways Of The Lonely Ones ».

CRYSTAL GATES

« Torment & Wonder : The Ways Of The Lonely Ones »

(Wormholedeath Records)

Faisant suite à leur EP « A Quest For Life » (2015) et au single « Shadowborn » (2017), CRYSTAL GATES présente son tout premier album, qui se veut pour le moins ambitieux, notamment par sa longueur. Ayant mis toutes ses forces dans « Torment & Wonder : The Ways Of The Lonely Ones », le quintet de Montevideo en Uruguay affiche un Power Metal Symphonique très bien ciselé et d’une efficacité redoutable.

Avec un line-up inchangé depuis 2019, CRYSTAL GATES montre une belle unité et la prestation vocale de Carolina Pérez assure au groupe une grande variété dans les mélodies. Sur un Power Metal racé et des morceaux mid-tempo accrocheurs, le quintet évolue dans des sphères symphoniques où sa chanteuse fait des merveilles, capable d’alterner des parties puissantes et d’autres plus délicates.

Actuellement basé à Riga en Lettonie, CRYSTAL GATES expose un registre d’une grande fraîcheur et la très bonne production de « Torment & Wonder » met parfaitement en lumière les guitares et les claviers avec des arrangements particulièrement soignés (« Alive For The Journey », « The Stars Temple », « Moonshine And Sorrow », « Nightmares » et l’excellent morceau-titre). Un très bel opus !

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International Metal Progressif Symphonic Metal

Ignea : entre colère et douleur [Interview]

Parler des groupes ukrainiens est plus que jamais une question de soutien à un peuple et à ses artistes. C’est donc tout naturellement que Rock’n Force donne aujourd’hui la parole à IGNEA, groupe de Metal Symphonique et Progressif, basé à Kiev. Signé il y a quelques mois chez Napalm Records, les musiciens étaient en plein enregistrement de leur premier album sur une major, lorsque le conflit a éclaté. Entretien avec Helle Bohdanova, chanteuse du quintet, sur les récents événements qui ont bouleversé leur projet, mais surtout fait entrer la douleur dans leur vie au quotidien.

Photo : Darina Momot

– Avant toute chose, comment allez-vous ? Et sans donner de précisions, êtes-vous toujours à Kiev et surtout est-ce que vous êtes tous sains et saufs ?

Tous les membres du groupe IGNEA vont bien, compte tenu des circonstances. Oui, nous restons tous à Kiev. Il est difficile de dire que nous sommes en sécurité, car il n’y a pas d’endroit sûrs en Ukraine, tant que la guerre continue.

– Avant de revenir sur ces tragiques événements qui secouent votre pays, j’aimerais aussi que l’on parle du groupe. Depuis ces cinq dernières années, vous avez sorti deux albums et un split EP plus récemment. Comment avez-vous démarré et de quelle manière avez-vous mené IGNEA jusqu’à présent ?

Le groupe a été fondé par notre claviériste et compositeur Yevhenii. L’histoire du groupe a commencé en 2013 avec notre premier EP « Sputnik ». Cependant, au cours de toutes ces années, nous avons été confrontés à de nombreux défis, qui nous ont empêchés d’être actifs tout le temps. Nous avons eu des partenaires commerciaux indignes, puis la pandémie et aujourd’hui la guerre. Cela fait beaucoup de bouleversements et d’aléas malheureux. Mais, pendant ce temps, nous avons agrandi notre base fans dans le monde entier, et nous les en remercions chaque jour.

– Justement, le fruit de tout ce travail a été récompensé avec la signature il y a quelques mois chez Napalm Records. Dans quelles circonstances cela s’est-il passé et j’imagine que c’est aussi une belle récompense pour vous ?

Je dis toujours qu’un contrat avec un label doit être bénéfique pour tout le monde. Je pense que nos progrès en tant que groupe ont attiré Napalm Records à nous, et notre désir de changer de label a favorisé les choses. Dans les faits, ils nous ont contactés, nous avons travaillé sur les conditions d’un contrat, nous avons trouvé un accord et nous voici donc chez eux. Cependant, notre collaboration démarrera véritablement au prochain album.

Photo : Veronika Gusieva

– Alors que vous étiez en plein enregistrement, la guerre vous a stoppé net dans votre élan. Où en étiez-vous sur l’album et comment cela se passait-il en studio jusqu’à présent ? Vous aviez bien avancé malgré tout ?

Nous avons réussi à enregistrer toutes les parties de guitare et de basse, quelques arrangements orchestraux et de synthé et la moitié des voix. Cependant, il reste encore beaucoup à faire, et c’est assez compliqué avec les sirènes d’alerte de raids aériens, qui ont lieu chaque jour dans la ville. Mais nous essayons maintenant de faire tout notre possible pour au moins terminer l’enregistrement.

– D’ailleurs, peut-on avoir quelques informations sur l’album ? Quel sera son titre, par exemple ? Et qui le produit ?

Je ne peux encore divulguer aucun détail autre que le fait qu’il est produit par Max Morton, qui a façonné le son de toutes nos réalisations jusqu’à présent.

– J’imagine que l’enregistrement ne va pas pouvoir reprendre avant un moment. A ce sujet, le studio est-il intact et avez-vous pensé à poursuivre l’album ailleurs à l’étranger ?

Il faut savoir que cette guerre à grande échelle en Ukraine inclut une mobilisation générale. Tous les hommes de 18 à 60 ans ne sont pas autorisés à quitter le pays, tant que la guerre n’est pas terminée. Même si nous voulions partir à l’étranger en tant qu’artistes, ce n’est pas possible. Et, en dehors du travail du groupe, nous avons fait du bénévolat et aidé comme nous le pouvions pour combattre l’agresseur ici, à Kiev. Notre producteur reste également dans la ville. Donc, il n’y a aucune raison et aucun moyen pour nous de quitter le pays. Nous essaierons donc de terminer l’enregistrement à Kiev.

– Même si vos morceaux sont achevés au niveau de l’écriture, pensez-vous qu’à la reprise, la guerre puisse les faire évoluer en raison de probables sentiments endurcis et d’une colère légitime ?

Les chansons ont été achevées avant le début de la guerre, et c’est un concept-album qui n’a rien à voir avec la guerre. Par conséquent, nous ne changerons rien au niveau des compositions. Peut-être que ce sera plus facile pour moi d’enregistrer les growls, parce que je pourrais y mettre toute ma colère et ma douleur. Cependant, je dois avouer que ces événements nous ont changés en tant que personnes pour toujours. Notre musique dans le futur sera différente, c’est certain. Si nous survivons.

Photo : Veronika Gusieva

– Un petit mot sur « Bestia », qui est un split EP-concept que vous avez sorti avec le groupe Ersedu en octobre dernier. D’où est venue l’idée de ce concept et du choix de vos deux morceaux ? Et puis, il y a ce titre symphonique de 15 minutes également…

Cet EP est le résultat d’une amitié de dix ans avec ERSEDU (groupe de Metal ukrainien originaire d’Odessa) Nous étions chez eux au milieu de la pandémie et avons décidé de faire quelque chose ensemble. Ils avaient l’instrumental d’une chanson, j’ai écrit les paroles et c’est devenu « Mermaids ». Ensuite, le concept du disque est né et chacun a contribué à hauteur de deux chansons de son côté. Et enfin, parce que tous les titres ont une grande teneur symphonique, nous avons également décidé de faire un mix à partir des arrangements orchestraux utilisés dans ces morceaux.

– A l’heure actuelle, votre nouvel album aurait du être enregistré et vous deviez aussi être en tournée. Comment vivez-vous tout ça, et quand et comment imaginez-vous votre retour sur scène et plus globalement à la musique ?

C’est une question très difficile pour nous. Mis à part tous les événements horribles qui se produisent dans notre pays, il est très douloureux de voir d’autres groupes tourner et sortir de la musique pendant que notre carrière est suspendue et tout cela après deux ans de pandémie. Nous avons encore le temps de terminer l’enregistrement de l’album avant la date limite, mais vous devez comprendre que nous ne sommes pas en mesure de faire de photos promotionnelles, ni de filmer de vidéos ou de proposer autre chose. Beaucoup de gens ont quitté le pays et beaucoup ont perdu leur maison. Nos villes sont encore bombardées chaque jour. Et quand on va dormir, on ne sait pas si on se réveillera. Et tout cela malgré le fait qu’en ce moment, Kiev n’est pas encerclée par les troupes russes. Nous ne savons pas quand tout cela s’arrêtera et quand nous pourrons reprendre complètement les activités du groupe. Tout ce que nous pouvons faire, c’est croire en nos forces armées et les aider autant que nous le pouvons.

– Enfin, quand cette guerre sera terminée, et souhaitons-le le plus vite possible, comment voyez-vous le futur d’IGNEA ? Une reprise dans des conditions normales ne sera pas tout de suite possible…

Mentalement, nous pensons que nous ne nous en remettrons jamais. Parce que nous aurons toujours une trace de cette guerre dans notre âme et notre esprit. Mais nous voulons vraiment continuer et réaliser nos rêves de sortir de nouvelles musiques et de faire des tournées. L’une des choses que cette guerre nous a apprises est de ne rien remettre au lendemain, car il peut ne pas y en avoir. Une fois la guerre terminée, nous continuerons notre chemin musical, tout en restaurant nos villes après les destructions massives causées par les Russes.

Un grand merci à Helle, à qui je renouvelle bien sûr tout mon soutien, ainsi qu’à l’ensemble du groupe, et à Mike de Coene de Hard Life Promotion pour la mise en contact.

L’interview a été réalisée le 7 avril dernier.

Vous pouvez aider le groupe en vous procurant le split Ep sur son Bandcamp: https://ignea.bandcamp.com/album/bestia