Toujours aussi précis dans la structure de ses morceaux, WIRE EDGE se présente avec un format court après des débuts enthousiasmants en 2020. Loin des stéréotypes, le groupe affiche beaucoup de liberté et d’audace sur ce « Salt Of The Earth » assez surprenant. Sur 25 minutes intenses, on évolue dans un Metal Progressif tout en variation, inspiré et aussi plus chaleureux que précédemment. Les Français ont pris du volume, de l’expérience et cela s’entend.
WIRE EDGE
« Salt Of The Earth »
Apparu il y a quatre ans avec un premier album convaincant, « Workhorse Empire », une petite année seulement après sa création, WIRE EDGE donne enfin une suite à son aventure. Cependant, pas de deuxième opus pour le moment, mais un EP de quatre titres encore une fois très prometteur et à la direction musicale quelque peu différente. Les aspects plus Dark se sont dissipés au profit d’un Metal Progressif plus resserré et, de fait, plus efficace dans le songwriting, tout en restant très élaboré et subtil.
Techniquement, WIRE EDGE montre toujours la même facilité d’interprétation, malgré des compositions parfois tortueuses. Avec beaucoup de maîtrise et une personnalité qui s’affine, le quatuor s’est concentré sur quatre morceaux aux durées variées et dont les atmosphères ont cette fois un aspect peut-être plus abordable. C’est « Hollow places » qui ouvre le bal et qui fait un peu figure de longue intro sur un rythme posé et sans batterie, où le travail sur les voix, qui rappellera Metallica à certains, est particulièrement soigné.
Trois petites minutes plus tard et sur un enchaînement parfait, c’est le morceau-titre qui semble libérer les Parisiens, tant l’édifice se met à trembler pour s’étendre sur plus de huit minutes. C’est d’ailleurs aussi le cas sur « Cities Of None », sorte de titre jumeau où le côté Metal de WIRE EDGE prend le dessus entrecoupé de quelques passages aériens bien sentis. Enfin, sur « Towers », le combo se livre sur un format plus ‘classique’ et accrocheur. « Salt Of The Earth » est finalement très complet… mais bien trop court !
« Salt Of The Earth » de WIRE EDGE est disponible sur toutes les plateformes.
Désormais incontournable sur la scène progressive française, Rock ou Metal d’ailleurs, KLONE livre un dixième album à la fois surprenant et très complet. Comme si le groupe tenait à parcourir les 25 ans d’une carrière riche et productive, « The Unseen » nous embarque dans un climat plus organique, légèrement plus abordable aussi, et nettement plus Rock. Sans faire pour autant l’impasse sur l’aspect massif de son registre, les morceaux sont ici presque plus intimes jouant sur une proximité très palpable. Malgré une fin de contrat quelque peu houleuse avec leur label, les Poitevins réalisent un disque chaleureux aussi aérien qu’accrocheur. Guillaume Bernard, guitariste et compositeur du sextet, revient sur cette nouvelle production et livre ses ambitions pour l’avenir de la formation.
– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que l’on revienne sur cette interview que tu as donnée cet été au Hellfest durant laquelle tu n’as pas ménagé le patron de Pelagic. Il se trouve que « The Unseen » est le dernier disque que vous deviez honorer contractuellement au label. Quel était le nœud du problème ?
En fait, cette interview, comme d’autres aussi, ont disparu du Net. Et je n’ai pas le droit d’en reparler avant un petit moment, c’est-à-dire pas avant que la sortie du disque soit terminée. C’est un peu délicat, je ne peux pas revenir sur le sujet. Mais d’ici quelques mois, je pourrais le faire. J’aurais à nouveau le droit d’en parler, car j’ai reçu des menaces et je suis contrait de me taire.
– Pour faire court et en évitant toute polémique, c’est un problème personnel ou c’est au niveau de la structure du label ?
C’est un problème du groupe avec la personne qui gère le label. Cela concerne aussi d’autres formations comme la nôtre, qui ont eu les mêmes soucis. Mais globalement, c’est relationnel, oui.
– J’imagine que la situation n’est pas des plus agréables pour vous, d’autant que « The Unseen » est un excellent album, peut-être même votre meilleur. Est-ce qu’on parvient malgré tout à faire facilement abstraction de tout ça pour composer d’abord, et ensuite pour le défendre au mieux et surtout sereinement ?
De toute façon, il y a tout intérêt à faire abstraction de cette histoire. Même si cela nous a occupés pas mal de temps, on s’est vite replongé dans l’album. On a avancé sur la musique de notre mieux et cela ne va pas nous empêcher de bien défendre le disque. On a d’ailleurs déjà beaucoup communiqué en France et à l’étranger. L’an prochain, on sera sur scène. En soi, ça n’a pas d’influence particulière à part quelques sauts d’humeur parfois quand tu reçois certains mails et messages. Ca devient un peu compliqué. Maintenant, on sait que c’est comme ça. Alors, on va à la fin de notre contrat avec ce label et on en retire aussi des enseignements pour que ce genre de situation ne se reproduise pas à l’avenir.
– Comme je le disais, « The Unseen » est probablement l’un des albums le plus abouti de KLONE. Comment se sont passés la composition et l’enregistrement dans un tel climat, car on vous sent tous très investis et épanouis, sans parler des morceaux qui dégagent une atmosphère très libre et positive. Vous auriez aussi pu y aller à reculons et c’est finalement tout le contraire…
Merci beaucoup, mais tu sais, on a travaillé dessus comme on l’a toujours fait sur les autres albums. Il faut savoir quand même que c’est un disque un peu particulier dans le sens où il y a des compositions qui datent d’un certain temps. La base vient de morceaux que je n’avais pas eu le temps de terminer. Il y en a même qui ont dix ans. En ce qui concerne la batterie, par exemple, cela aurait pu sortir au moment de « Here Comes The Sun » (2015 – NDR). En fait, à un moment donné, on avait tellement de morceaux qu’on n’avait pas pu tout finir et on voulait bosser sur du neuf. On a donc remis le nez dedans. Il n’y avait pas de lignes de basse, pas de guitares ou d’arrangements de sax, d’ambiances, etc… Et même pas de voix, ni de textes. Le socle était bien fixé et puis, ce sont aussi des morceaux qui nous tiennent à cœur. Pour l’anecdote, nous sommes même plus fiers de ces morceaux que ceux de « Meanwhile », par exemple. Ces titres auraient dû sortir et cela nous fait vraiment plaisir de le faire aujourd’hui.
– Et ça montre aussi une belle intemporalité de votre musique…
Oui, c’est vrai. Mais en soi, ça tient à l’adaptation des titres. Et puis, chaque morceau de KLONE a une histoire particulière. Souvent entre le début du travail et le moment de la sortie, il y a des espaces temps assez fous. C’est un peu comme si on avait mis des bouteilles de vin à la cave, et qu’on les ressortait. Et puis, on a eu le temps de les finir et d’obtenir un résultat certainement meilleur qu’il ne l’aurait été à l’époque et c’est ça qui est chouette. On a un regard nouveau dessus, avec de la fraîcheur, et cela nous permet de les fignoler comme on l’entend. Et là, avec des morceaux, c’est idéalement ce qu’on peut faire de mieux.
– Une fois que l’aventure Pelagic sera derrière vous, KLONE sera bien sûr en quête d’un nouveau label. Vous en avez déjà fait pas mal et non des moindres. Est-ce que vous avez déjà des pistes, voire déjà des pourparlers ? Et sinon, est-ce que la perspective de sortir le prochain album en indépendant est aussi une possibilité ?
C’est exactement notre questionnement d’aujourd’hui ! Du fait de nos expériences passées avec certains, et aussi sur le côté économique de la chose, on pense que nous serions capable d’investir ce que les labels ont pu investir sur nous. Ils se sont faits de l’argent sur le groupe, alors que nous n’avons quasiment rien perçu. On ne gagne même pas un Euro par disque vendus et c’est pareil pour le streaming. En fait, si on gagnait cet argent, ce ne serait pas pour acheter des maisons avec piscine, cela nous servirait à réinvestir dans le projet pour le faire grossir encore plus. On pourrait être beaucoup plus ambitieux sur pas mal de choses et mieux les faire. Je pense aux concerts, aux lights, à différents packagings, … à plein de petites choses en fait. Et aujourd’hui, on ne peut pas parce qu’on a ces contraintes financières qui sont là. Mais cela a toujours été le cas dans le milieu de la musique. Et comme on arrive à vendre pas mal de disques, on est à un stade où on se dit qu’on pourrait faire tout un tas de choses.
On sait aussi les domaines sur lesquels on peut être autonome et ceux où l’on peut éventuellement déléguer, à savoir la distribution, la mise en bac et même le travail de relation presse où on peut vite être débordé. Il y a du partage de tâches à faire avec des gens à payer pour l’entreprendre. En tout cas, ce qui est cool, c’est que nous avons cette option de l’indépendance et aussi celle de retravailler avec Kscope, par exemple. Season Of Mist serait aussi intéressé, on a eu également de belles accroches avec InsideOut Music, qui possède un très beau catalogue. Et il y a aussi d’autres labels, qui pourraient encore être intéressés. Après, dans le milieu, ce n’est pas une histoire de qualité musicale qui va faire pencher la balance, même si cela a son importance. Mais globalement, à partir du moment où tu vends un certain nombre de disques, tu peux être sûr que les labels vont être à l’affût, car ils vont pouvoir gagner de l’argent. Et ils sont aussi là pour ça, c’est vrai. Cela fait partie du jeu. En tout cas, on n’est pas en mauvaise position et on serait même en position de force pour négocier un contrat, qui irait dans le sens de KLONE. Et si on ne parvient pas à avoir ce que l’on veut, faire un mix entre l’indépendance et travailler avec certaines structures solides est envisageable et nous permettrait de franchir des étapes.
– « The Unseen » est également plus Rock que ses prédécesseurs et notamment que « Meanwhile ». J’ai pu lire que vous le définissiez comme de l’Art-Rock Progressif. KLONE a toujours eu cette approche, même si elle était plus marquée Metal. C’est un élan que vous entendez poursuivre ?
Ce qui est sûr, c’est que ces morceaux sont plus Rock, en effet, et c’est aussi là-dedans que nous nous épanouissons le plus. Aujourd’hui, on l’assume complètement et nous sommes vraiment l’aise avec ça. Même si on a pris du plaisir à faire « Meanwhile », on sent qu’on est plus proche des titres de « The Unseen ». Ensuite, pour ce qui est du terme ‘Art-Rock Progressif’, c’est l’appellation du label et c’est rigolo, mais ça reste du Rock au sens large avec des éléments progressifs qu’on retrouve dans des morceaux, qui peuvent être plus longs. Une chose est sûre, il n’y aura jamais de compromis dans notre musique. Si on continue à avoir des idées dans ce style, je pense qu’on continuera dans ce sens. On va essayer de faire de bonnes chansons. On pourra peut-être nous dire qu’on tourne en rond, puisque c’est ça aussi la musique de KLONE. Mais on ne va pas passer du coq à l’âne, non plus. Ca restera toujours progressif avec un côté plus aventureux peut-être dans les arrangements notamment, ou avec l’apparition d’autres instruments de musique aussi. L’optique de développement du projet se situe plutôt dans cette voie-là.
– La production est également plus légère et aérée et ce n’est pas seulement dû à son aspect plus Rock. Vous avez souhaité apporter des arrangements plus discrets et un spectre aussi moins chargé ? Je me souviens que pour « Meanwhile », tu me disais que vous avez eu du mal à tout faire entrer…
C’était le problème sur « Meanwhile », en effet. On avait mis beaucoup de distorsion sur nos guitares, parce qu’on voulait un son plus gros. Entre les riffs, les arrangements de synthés, de piano et autres, il y avait beaucoup de choses. Là, du fait qu’on voulait quelque chose de plus Rock, on a eu plus de place pour faire ressortir tous les détails. Précédemment, c’est vrai qu’on avait eu un problème pour tout faire entrer dans la machine. Cette fois, il y a plus d’air, le son est plus naturel aussi. On s’y retrouve plus. Il y avait un côté un peu chimique dans « Meanwhile », qui est aussi dû aussi aux codes du Metal. Là, le mix a été beaucoup plus simple. Ca reste quand même chargé en infos, mais chaque élément est plus facilement perceptible. Les lignes de basse, notamment, ressortent mieux et ça va dans le sens qu’on souhaitait.
– C’est vrai que dans l’ensemble « The Unseen » a des sonorités très organiques et assez acoustiques. C’était aussi dans la perspective de la tournée ‘unplugged’ que vous venez de terminer ? L’album se prête à une approche plus épurée en concert ? A moins que vous prévoyez de repartir dans une configuration plus Metal dans les mois qui viennent ?
Le côté ‘Unplugged’ nous sert toujours d’expérience pour tout un tas de choses et notamment pour le travail sur les nuances et la dynamique du son. Pour « The Unseen », on laisse d’abord le disque sortir et les gens s’en imprégner. Ensuite, pour ce qui est prévu pour les prochains concerts début février, on fera bien sûr attention à tout ça, mais ce sera plus Metal dans l’approche que sur le disque. Il y a ce côté rentre-dedans qui ressort toujours en live comme c’était déjà le cas sur « Le Grand Voyage » et « Here Comes The Sun ». Les concerts se prêtent beaucoup plus à ça, notamment pour nous.
– D’ailleurs en 2017, vous aviez déjà sorti « Unplugged », un album live entièrement acoustique. Je sais que les sensations sont opposées, mais quelle disposition est, selon toi, la plus proche de l’identité intrinsèque de KLONE ? Avec du gros son ou dans un registre plus intimiste ?
Un peu des deux, je pense, car cela fait partie de notre identité de groupe. KLONE a toujours été un mélange de subtilité et de choses plus Metal au niveau de la production. On se sent vraiment très à l’aise à jouer ‘unplugged’. On aime le format et aussi la possibilité que cela nous donne de pouvoir jouer dans des lieux très différents. On peut profiter de cadres dans lesquels on n’a pas la chance d’évoluer d’habitude. J’ai l’impression que le côté ‘Unplugged’ de KLONE passe peut-être mieux au niveau de l’émotion qu’en électrique. Après, les gens peuvent être aussi touchés différemment. Mais c’est vrai que si tu veux avoir du gros son avec des grosses distorsions, les grandes salles sont plus adaptées. J’aime bien les deux exercices, car cela nous permet de jouer sans nous lasser avec ces deux formules, avec une approche qui n’est pas la même. Et puis, on prend beaucoup de plaisir à tenter des choses différentes.
– J’aimerais aussi qu’on dise un mot du morceau « Spring », qui vient magnifiquement clore l’album du haut de ses 12 minutes. Forcément, il offre la liberté de produire de longues plages instrumentales. On sent que vous avez vraiment voulu vous faire plaisir. C’est quelque chose que vous affectionnez particulièrement de composer et de jouer des morceaux aussi longs, même si c’est assez courant dans le Prog ?
« Spring » est un morceau assez particulier, et notamment avec cette intro dont on nous parle souvent, qui a été ajoutée. En fait, le morceau a été composé à l’époque de « Here Comes The Sun ». En 1995, on l’avait donc enregistré, mais nous n’avions pas eu le temps de finir le texte et la voix. Comme on ne voulait pas le bâcler, on s’était dit qu’on le finirait plus tard. Et comme la production n’est pas la même, j’ai un peu fait exprès d’ajouter cette longue intro. C’était aussi pour qu’on oublie aussi un peu l’ancienne prod’ et que cela ne se fasse pas sentir à l’écoute. Elle permet d’aller un peu ailleurs et de retrouver le morceau sans se douter de la différence dans le temps. Car il faut aussi savoir que ce n’est pas non plus le même line-up de KLONE sur « Spring ». Ensuite, c’est vrai qu’on a toujours aimé faire des morceaux assez longs, même si celui-ci ne devait pas l’être à la base.
– Enfin, parlons aussi de cette superbe pochette, qui rappelle d’ailleurs un peu celle de « Meanwhile » dans ses couleurs et l’imaginaire auquel elle renvoie. Comment a-t-elle été conçue et avez-vous donné certaines consignes par rapport à ce que vous en attendiez ?
En fait, dans notre façon de procéder, on ne va plus demander à un artiste de créer quelque chose à partir d’une idée qu’on peut avoir. On cherche beaucoup de notre côté parmi des visuels qu’on aime bien et des gens dont on apprécie le boulot. Pour « The Unseen », comme pour presque tous les autres albums d’ailleurs, on a trouvé le visuel sur le compte Instagram d’un graphiste qu’on ne connaissait même pas. On l’a contacté, on lui a expliqué les choses pour la pochette et, en fait, il nous a dit qu’il avait travaillé à partir de l’Intelligence Artificielle. Au début, on n’était pas très chaud, mais on aimait beaucoup le visuel. On a fini par bosser avec lui, même si tout ça a été créé par un robot quelque part. Mais on savait qu’on ne retrouverait pas ça ailleurs. Et on avait tellement galéré pour trouver une pochette qui faisait l’unanimité qu’on a choisi celle-ci. On l’a fait passer dans l’entourage du groupe et tout le monde l’a trouvé mortelle ! On a donc fait ce choix d’autant que personne n’avait décelé que qu’elle avait été créée à partir de l’IA. Sur le principe, nous ne sommes pas vraiment pour. On s’était même un peu interdit de le faire, mais nous l’avons tous trouvé superbe et en vinyle, le rendu est magnifique !
L’album de KLONE, « The Unseen », est disponible chez Pelagic Records.
Retrouvez la chronique de « Meanwhile » :
Photos : Benjamin Delacoux (1, 3 & 5), Stephan Tidovar (4 & 6) et Talie Rose Eigeland (2).
Les maîtres incontestés du Metal Progressif italien ont décidé d’occuper le terrain et on ne les arrête plus. A raison de deux sorties en quelques mois seulement, on pourrait les croire à court d’imagination, ou plus simplement quelque peu rassasiés, mais il n’en est rien. DGM n’entend pas ralentir la cadence et lorsqu’on écoute ce nouvel effort, on peut se dire qu’ils en ont encore sous le pied… et pour un bon moment ! Captivant du début à la fin, « Endless » est assez inédit pour la formation dans son contenu et c’est ce qui fait tout son attrait.
DGM
« Endless »
(Frontiers Music)
L’adjectif qui revient sans doute le plus souvent au sujet des Transalpins est ‘impressionnant’. Et sur « Endless », ils le sont encore. Un an à peine après le très bon « Life », ils livrent un album-concept. Etonnamment, c’est même le premier de leur discographie longue de douze opus et il s’agit aussi peut-être d’un des plus variés du quintet. Certes, on y retrouve toujours la patte de DGM, à savoir un style très dynamique aux envolées époustouflantes, mais il se distingue également par un nombre assez conséquent de passages acoustiques et purement Rock Progressif. Et là encore, ils excellent.
Orchestré par le maestro qu’est le guitariste et compositeur Simone Mularoni, « Endless » est bien entendu une réalisation très vive, éclairée par des mélodies et une technique d’une justesse incroyable. Si d’autres, dans le même style, donnent parfois l’impression d’en faire trop, c’est rarement le cas avec DGM, qui a su imposer son style depuis ses débuts. On retrouve donc cette atmosphère propre à ses productions, faite de ponts multiples, de breaks surprenants, de duels entre les claviers et la guitare et les apparitions toujours bien senties de la flûte qui offrent un petit côté intemporel dans cette vélocité très moderne.
Au chant, Marco Basile confirme qu’il est l’un des meilleurs chanteurs de la ‘Botte’. Irrésistible, il alterne les moments calmes et intenses avec une aisance bluffante. S’il aura fallu plus de 30 ans à DGM pour réaliser son premier album-concept, alors que c’est presque la norme en matière de Prog, le groupe se montre à la hauteur de l’exercice avec un déroulé très narratif, qui tient en haleine et se montre limpide dans son interprétation. Sur près d’une heure, on retiendra quelques moments forts comme « The Great Unknow », « Solitude », « From Ashes » et le magistral « … Of Endless Echoes », long de 14 minutes.
Avec une régularité presque métronomique, les Britanniques livrent un splendide « Coming Up To Consciousness », élevant une fois encore leur niveau de composition grâce à une interprétation toujours aussi minutieuse et perfectionniste jusqu’au moindre détail. Ce nouvel opus porte sur le rêve à travers un voyage passionnant, ponctué de moments épiques, aériens et immersifs. PURE REASON REVOLUTION explore des sensations souvent sombres dans les paroles, mais avec le talent de les rendre lumineuses.
PURE REASON REVOLUTION
« Coming Up To Consciousness »
(InsideOut Music)
Depuis sa reformation en 2019, chaque nouvel album de PURE REASON REVOLUTION focalise avec raison l’attention des amoureux de Rock Progressif. Il faut bien admettre aussi que les Anglais sont parmi les plus créatifs et surprenants de la scène actuelle. Et ce sixième opus apporte également son lot de surprise, à commencer par quelques changements au niveau du line-up. Autour des piliers Jon Courtney (chant, guitare, claviers) et Greg Jong (guitare, chant), on retrouve la chanteuse Annicke Shireen (Heilung) en lieu et place de Chloë Alper. Et sa prestation est irréprochable, compte tenu qu’elle succède à l’une des fondatrices, ce qui est quelque chose de toujours un peu délicat.
C’est Ravi Kesavaram de My Vitriol, qui assure la batterie, et Guy Pratt, qui a notamment œuvré chez Pink Floyd, qui tient la basse. Un duo percutant et très polymorphe, auquel il convient d’ajouter Jon Sykes à la basse aussi sur un titre. Et pour assurer à PURE REASON REVOLUTION ce son qui est littéralement devenu son identité musicale, le mix est réalisé par Bruce Soord de The Pineapple Thief et le mastering par l’orfèvre Steve Kitch. Avec de telles bases sonores, « Coming Up To Consciousness » possède tous les atouts pour captiver et envoûter son auditoire. Et c’est réussi puisque cette nouvelle production élève encore un peu plus le Rock Progressif du quatuor de Westminster.
On notera tout d’abord que ce nouvel album contient 14 titres, dont six sont des interludes de quelques secondes, qui font le lien et aussi le liant entre des compositions très éthérées, toujours aussi atmosphériques et aux magnifiques mélodies. PURE REASON REVOLUTION ne se contente pas de proposer un style contemplatif, bien au contraire, sa rythmique et les parties de guitares ont cette faculté de faire basculer les ambiances. Les parties vocales sont d’une rare beauté sur des textes entre émotion et mélancolie, dus à des événements récents ayant affectés Jon Courtney. Pour autant, « Coming Up To Consciousness » nous embarque dans une rêverie très positive et optimiste avec une précision artistique incroyable.
Retrouvez la chronique de l’album « Above Cirrus » et l’interview accordée à Rock’n Force à la sortie de « Eupnea » :
Toujours impérial sur les parties instrumentales et doté d’un frontman exceptionnel, KINGCROW a la particularité de toujours s’inscrire parfaitement dans son temps. Très actuel et parfois futuriste dans l’approche, le Metal Progressif des Transalpins se renouvelle tout en imposant un son très organique et puissant sur des envolées hypnotiques et entraînantes. Avec « Hopium », ils déploient un savoir-faire exceptionnel sur des morceaux aux structures parfois étonnantes et aux refrains toujours captivants.
KINGCROW
« Hopium »
(Season Of Mist)
KINGCROW est probablement l’une des formations les plus créatives de la scène progressive italienne, et son évolution depuis 1996 est même remarquable. Fondé par les frères Diego (guitare, claviers) et Manuel Thundra Cafolla (batterie), il rejoint aujourd’hui Season Of Mist pour un huitième et très attendu album, puisque « The Persistance » date déjà de 2018. Six longues années donc à peaufiner son Metal/Rock Progressif, afin de livrer « Hopium », qui s’inscrit déjà parmi les meilleurs et plus aboutis disques de sa belle discographie.
Si KINGCROW s’appuient sur une technique hors-pair et une production, cette fois encore, irréprochable et dense, c’est surtout sur les ambiances et la profondeur des émotions qu’ils mettent l’accent. Au chant, Diego Marchesi repousse ses limites, parfaitement soutenu par des chœurs, qui offrent encore plus de relief et de sensations à ces nouvelles compositions. Si les claviers sont souvent dominants, les riffs et des solos de guitares tirent remarquablement bien leur épingle du jeu dans un équilibre parfait.
Entre Rock et Metal, les mélodies déployées tout au long de « Hopium » oscillent entre une noirceur et une luminosité qui ont fait les beaux jours du quintet. Véloce et virevoltante, la rythmique varie les tempos à l’envie et les deux guitaristes (Ivan Nastasi et Diego Cafolla), en plus de se compléter, multiplient les directions dans un ensemble envoûtant et une dynamique redoutable (« Kintsugi », « Parallel Mines », « Losing Game », « Night Drive » et le génial « Hopium »). KINGCROW place la barre très haut et rayonne.
Même si elle ne déboussolera pas ses fans de la première heure, SIMONE SIMONS sort quelque peu des sentiers balisés d’Epica. Très symphonique pour l’essentiel, « Vermillion » affiche des ambiances franchement Electro, assez Prog même et résolument Metal. Composé en collaboration avec le maître à penser d’Ayreon, ce premier envol sous son nom oscille entre des moments calmes et des impacts plus musclés, où la frontwoman distille une prestation à la fois épique et aérienne.
SIMONE SIMONS
« Vermillion »
(Nuclear Blast Records)
Emblématique chanteuse d’Epica depuis plus de deux décennies et figure incontournable de la scène Metal Symphonique, SIMONE SIMONS se présente cette fois en solo avec un premier album très complet et plutôt convaincant. A l’instar de ses consœurs Floor Jansen et Charlotte Wessels, on découvre un univers plus personnel et assez différent de ce à quoi elle nous a habitué jusqu’à présent, tout en restant fidèle à son style. Cela dit, on connait ses grandes qualités vocales et dans ce domaine, elle reste incroyable.
« Vermillion » ne ressemble donc pas à une production de son groupe, car SIMONE SIMONS parait ici plus libre et se montre également plus sobre au niveau du chant. Les embardées lyriques sont par conséquent moins systématiques et elle évolue dans des contrées très électroniques, légèrement progressives, mais toujours aussi Metal. Cette diversité fait aussi ressortir toute l’étendue du panel de la voix de la Hollandaise. D’ailleurs, cet éclectisme soudain doit beaucoup à la présence d’Arjen Lucassen à ses côtés.
C’est avec son complice de longue date et leader d’Ayreon que SIMONE SIMONS a conçu ce premier effort et cela s’entend sur quelques morceaux aux reflets cinématographiques et même Indus (« Red », « Dystopia », « Fight Or Flight »). Par ailleurs, si « Vermillion » est assez synthétique dans la production, il offre une collection de riffs impressionnante (« Aeterna » et ses sonorités orientales, « Cradle To The Grave » en duo avec Alissa White-Gluz d’Arch Enemy, « The Weight Of My World »). Une émancipation réussie.
Capable tour à tour d’une extrême douceur et de se montrer l’instant suivant terriblement véloce et tendu, le quintet donne une suite flamboyante à « Universal Chaos », son deuxième opus sorti en 2019. Avec « Dream Chaser », RENDEZVOUS POINT poursuit son aventure avec panache et une classe très personnelle, ce qui rend son Metal Progressif séduisant et envoûtant. Avec une technicité raisonnable vu le niveau, on se laisse emporter par la fluidité de cette nouvelle production.
RENDEZVOUS POINT
« Dream Chaser »
(Long Branch Records)
Il y a beaucoup d’excellents groupes qui passent malheureusement, et sans explication, sous les radars malgré une qualité technique et une créativité indéniables. Car de ce côté-là, RENDEZVOUS POINT coche toutes les cases et plutôt deux fois qu’une. Après une quinzaine d’années d’existence, les Norvégiens sont pourtant plus affûtés que jamais et dans la lignée de deux albums salués par la critique, les voici avec le troisième. Et « Dream Chaser » ne manque ni d’audace, ni de maîtrise, bien au contraire, elle est totale.
RENDEZVOUS POINT continue l’exploration de son univers musical en repoussant ses limites avec un talent collectif éclatant, articulé autour de cinq musiciens en parfaire symbiose. En première ligne, et même s’ils ne communiquent pas beaucoup sur le sujet, on retrouve l’excellent Baard Hvesser Kolstad de Leprous derrière les fûts. Et c’est vrai qu’il y a quelques similitudes entre les deux formations. Cependant, les Scandinaves ont un style et un son bien à eux, aussi précis que mélodique.
La machine est bien huilée et derrière un frontman impérial, Geirmund Hansen, Petter Walter Hallaråker enchaine des riffs complices des claviers de Nicolay Tangen Svennæs, tandis que Gunn-Hilde Erstad Haugen assure un groove irrésistible. Percutant et accrocheur, RENDEZVOUS POINT multiplie les émotions en jouant sur les reliefs et les nuances d’un Metal Progressif raffiné et très bien produit (« Don’t Look Up », « Fireflies », « Presence », « The Tormented », « Still Water »). Magistral !
Combinant les courants les plus novateurs du Metal, COBRA THE IMPALER s’est forgé une personnalité forte et originale. Si « Colossal Gods » avait déjà posé de solides fondations, « Karma Collision » vient enfoncer le clou magistralement. Entre Sludge, Prog et post-Metal, la formation originaire de Belgique s’autorise de belles embardées, faisant d’elle l’une des plus intéressantes du moment. Un voyage musical saisissant.
COBRA THE IMPALER
« Karma Collision »
(Listenable Records)
Il y a deux ans, COBRA THE IMPALER avait littéralement propulsé un énorme pavé avec « Colossal Gods », un premier album étonnamment mature, audacieux et surtout très créatif. Les Belges se sont forgés un univers très personnel, où le Metal tend vers le Progressif, le Sludge et le Groove avec une touche très particulière. Avec « Karma Collision », ils vont encore plus loin en se frayant un chemin entre Mastodon et Gojira, tout en imposant un style désormais facilement identifiable.
Mené par son guitariste et tout aussi brillant illustrateur, Tace DC, COBRA THE IMPALER parvient encore à surprendre grâce à de nouveaux titres racés, musclés et toujours aussi intenses. Comme pour le premier opus, la production a été confiée à Ace Zec, batteur du combo, et elle s’inscrit avec beaucoup de puissance, de clarté et de densité une fois encore. Et la variété du chant d’Emmanuel Remmerie, soutenu aux chœurs par Michele De Fendis, libère un territoire mélodique très riche vocalement.
Toujours aussi lourd et dynamique, « Karma Collision » fait même preuve d’avant-gardisme grâce à un duo de guitaristes très complémentaires, qui multiplie les riffs et les solos de haut vol. COBRA THE IMPALER s’aventure aussi dans des contrées Thrash comme post-Metal et, finalement, on découvre un peu plus cette nouvelle réalisation au fil des écoutes (« Magnetic Hex », « Season Of The Savage », « The Fountain », « The Message » et le morceau-titre). Depuis sa création le quintet réalise un véritable sans-faute.
Deuxième partie du concept amorcé et développé par la tête pensante du projet, Florian Zepf, pour THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE. Cette réunion autour du Metal Progressif démarrée il y a quatre ans a trouvé ses repères, son ton et une patte qui le rendent désormais identifiable. Formé autour d’un line-up changeant, hormis son frontman, le collectif présente la suite de « Sonic Birth » avec « Sonic Rebirth », une production exceptionnelle, riche et d’une fluidité de chaque instant qui la rend assez unique.
THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE
« Sonic Rebirth »
(Metalville Records)
Lorsque que j’avais interviewé Florian Zepf, guitariste, compositeur et maître d’œuvre de THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE en 2020 à la sortie de « Sonic Birth », il m’avait confié qu’il ne s’agissait nullement d’un groupe, mais d’un projet dédié à l’amour de la musique progressive. Et pour mener à bien cette aventure, il avait réuni un casting international de haut vol, qui s’était vraiment investi dans la création d’un album très abouti et moderne. Et grâce à un savant mélange d’éléments numériques et organiques, le résultat était assez bluffant de vérité.
Pour « Sonic Rebirth », l’Américain continue sur cette belle lancée et il est toujours aussi bien entouré. A commencer par le chanteur Vladimir Lalic (Organized Chaos) qui est devenu bien plus que la simple signature vocale du collectif. Sont venus grossir les rangs : Megan Burtt (Gingerbomb), Jamie Powell et Simen Børven (Leprous), Gerald Peter (Jordan Rudess), Tim Korycki (Tomorrow’s Eve), ainsi que des membres de Special Providence et des musiciens d’Eric Clapton, Joe Cocker… THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE a donc encore fière allure, tout comme l’ensemble de ce nouvel opus.
Les deux réalisations s’inscrivent dans un même concept et l’on reprend là où en était « Sonic Birth ». Toujours aussi affiné et élégant, le Metal Progressif du combo brille par la technicité de ses membres, mais pas seulement. Les mélodies sont accrocheuses, les thèmes très bien développés et les compositions de Florian Zepf montrent d’étonnantes facettes dans leurs structures. Si l’on pense parfois à Pain Of Salvation ou Haken, THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE s’étend dans un style très personnel et dans des ambiances très variées. Une nouvelle réussite.
Avec « Karma », MYRATH semble ouvrir un nouveau chapitre et donne même de l’élan à une carrière déjà bien remplie. Sans renier ce qui constitue son ADN, à savoir un Metal Oriental à la fois Heavy, symphonique et progressif, il met en exergue ce savoureux mélange, et même si les envolées ne manquent pas, l’efficacité paraît être la priorité de ces nouveaux titres qui, pourtant dotés d’arrangements très soignés, évitent toute fioriture. Guidé par son frontman Zaher Zorgati, le combo se montre lumineux, positif et énergique.
MYRATH
« Karma »
(earMUSIC)
Cinq ans après le très bon « Shehili » et le double DVD live au Sweden Rock et à Carthage, les Franco-Tunisiens font un retour exceptionnel. Très bien écrit, « Karma » doit cette petite métamorphose, du moins cette évolution, a une méthode de composition imposée par les circonstances, mais qui aura permis aux musiciens de se recentrer sur leurs fondamentaux et d’expérimenter aussi beaucoup. Direct, fluide et dynamique, MYRATH revient dans une forme éblouissante et cela s’entend sur les onze titres de ce sixième opus qui devraient prendre toute leur dimension sur scène.
Et le groupe commence aussi, d’une certaine manière, à s’émanciper très légèrement du Metal Oriental, dont ils sont bien sûr les fervents représentants. Musicalement, pas de bouleversements majeurs mais, en revanche, « Karma » est entièrement chanté en anglais, une première, ce qui montre à l’évidence que MYRATH se projette de plus en plus à l’international. Et ce n’est pas tout, puisque l’on retrouve le grand Jacob Hansen au mix et à la production. Le son est clair, puissant, équilibré et surtout il conserve et met en lumière les particularités du quintet.
Pied au plancher, c’est « To The Stars » qui ouvre les festivités sur un groove d’enfer et un petit air vintage niché au creux de ce Metal plutôt costaud. Techniquement, MYRATH hausse le ton sans tomber dans une technicité exacerbée pour autant. Incisive et mélodique, cette nouvelle réalisation mise aussi sur les changements d’atmosphères et de tempos. On n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer, tant « Karma » ne manque pas d’éclat (« Into The Night », « Candles Cry », « Words Are Falling », « Child Of Prophecy », « The Empire », « Carry On »). Les étoiles sont alignées…