La forte empreinte de ses racines rend le Metal Progressif de NAWATHER aussi expressif que racé. Ayant trouvé le juste équilibre avec ses traditions, le sextet tunisien présente un deuxième album aussi massif que délicat, où le duo vocal se fond dans des sonorités orientales malmenées par des riffs de guitares imposants et une rythmique déchaînée.
NAWATHER
« Kenz Illusion »
(M&O Music)
Depuis 2013, NAWATHER fusionne un Metal Progressif avec de fortes influences puisées dans la musique traditionnelle de son pays, la Tunisie, Après un très bon premier album, « Wasted Years », le quintet signe un deuxième opus encore plus incisif et porté sur ses origines autant que sur un registre puissant et explosif. « Kenz Illusion » allie sonorités orientales et growl massif avec brio.
Mené par la voix puissante et envoûtante de sa chanteuse et ponctuée par les soubresauts presque Death de son chanteur, le groupe doit l’enregistrement de ses nouveaux morceaux à son bassiste. NAWATHER a ensuite confié les pistes à un maître du genre : Fredrik Nordström dont le mix est encore une fois un travail d’orfèvre, et le Scandinave a même su s’orientaliser pour rendre « Kenz Illusion » aussi captivant que percutant.
Sur les bases d’un Metal Progressif assez technique et efficace, le sextet est parvenu à garder son jeu très accessible et l’utilisation du kanoun (instrument à cordes pincées de la famille des cithares sur table) sur l’essentiel de l’album offre un résultat étonnant. Combinant l’ensemble à merveille avec les riffs acérés de son guitariste, NAWATHER affiche une belle originalité (« Breath Of Jasmin », « Falleg », « Immortal Greed »).
Il y a cinq ans, « The Wizard Falls », premier effort du groupe, avait concentré beaucoup d’espoir dans ce jeune groupe danois. De là à créer un album aussi abouti et mature que « Access All Worlds », il n’y avait qu’un pas qu’IOTUNN a parfaitement franchi. Avec beaucoup d’ambitions, une technicité de chaque instant et un nouveau chanteur inspirant, le quintet scandinave a relevé le défi avec beaucoup de classe. Entretien avec Jesper Gräs, guitariste de la formation, qui revient sur la démarche du groupe.
– En 2016 avec « The Wizard Falls », vous aviez sorti un EP qui avait beaucoup surpris en raison des nombreuses voies empruntées. Avec « Access All Worlds », votre direction musicale est beaucoup plus nette. Vous aviez besoin de rassembler vos idées et préciser votre style ?
Je pense que nous étions dans une avancée très importante en 2015/16 en ce qui concerne notre son. Et nous avons travaillé intensément depuis pour améliorer encore tout ça. C’était une époque où nous avions élargi les sphères que nous explorions, et je pense que c’est à ce moment-là que le son nordique et atmosphérique nous a inspiré. Notre amour pour la musique classique a vraiment commencé à se faire aussi plus présent. Nous sentons que nous obtenons une image de plus en plus claire de nous-mêmes et de notre musique. Nous travaillons toujours dur, écrivons beaucoup et essayons vraiment de faire ce que nous n’avions pas fait auparavant pour pouvoir plus nous aventurer musicalement.
– Votre premier chanteur vous ayant fait faux bond, c’est finalement Jón Aldará (Hamferd, Barren Earth) qui vous a rejoint en apportant une grande contribution pour les textes et le concept de l’album. Avec la signature chez Metal Blade, ce sont finalement deux bonnes nouvelles, non ?
En fait, nous étions arrivés à un moment où nous devions nous séparer. Et oui, ce sont deux très bonnes choses ! Quand Bjørn (Bjørn Wind Andersen, batterie), Jens Nicolai (Gräs, son frère, guitare) et moi étions à la recherche d’un chanteur, Jón nous est venu tout de suite à l’esprit. C’était vraiment notre plus grand souhait.
Nous l’avions rencontré à quelques reprises aux concerts de Hamferd et d’IOTUNN. Mon premier concert de Hamferd (et tous ceux que j’ai vus plus tard !) a été une expérience très spéciale pour moi. J’ai vraiment été époustouflé ! Donc, quand nous sommes entrés en contact avec lui et qu’il a aimé les démos que nous lui avons envoyées, c’était un énorme soulagement. Et depuis, et notamment lors du processus d’écriture et d’enregistrement d’ « Access All Worlds », il nous a fait évoluer et il est devenu quelqu’un de vraiment inspirant et enrichissant.
Après la réponse positive de Metal Blade sur notre album et leur intérêt de nous signer, nous avons vraiment commencé à percevoir de nouveaux horizons. Nous étions et nous sommes toujours vraiment reconnaissants du partenariat avec eux, et nous avons vraiment hâte d’y aller !
– Même si on vous assimile à un groupe de Death Progressif, l’ensemble de « Access All Worlds » est très mélodique. Et cette particularité vient aussi du chant qui alterne le clair et le growl. Même musicalement, on ressent une grande liberté instrumentale. Comment avez-vous trouvé ce point d’équilibre ?
Je pense que c’est étroitement lié à cette curiosité qui nous anime. Mon frère et moi avons commencé comme guitaristes classiques dans notre enfance, et nous avons traversé tant de phases depuis. Je pense qu’elles ont laissé beaucoup d’impacts sur votre musicalité. D’une certaine manière, tout a évolué pour nous mener à cet album « Access All Worlds ». Et comme tu le mentionnes, il y a cet équilibre entre les contrastes que nous aimons vraiment explorer, et je pense que c’est une partie essentielle du son d’IOTUNN. Par exemple, les riffs Metal frappent toutes les couches de notre musique. Nous aimons vraiment trouver ces moments presque magiques, où tout se rencontre et interfère.
– J’aimerais que tu reviennes sur le concept de science-fiction de l’album. Quelle en est la trame et comment avez-vous composé les morceaux pour qu’ils forment une unité dans le récit ?
C’est Jón qui a proposé le concept de science-fiction d’ « Access All Worlds », et pendant les phases d’écriture, il a vraiment fait évoluer l’histoire. Il s’est envolé pour notre ancien studio à Copenhague, où il a écrit le chant et les paroles pendant environ dix week-ends. Et je pense que l’histoire a en quelque sorte évolué et a approfondi l’album au fur et à mesure que les parties vocales et les paroles ont pris forme. Nous parlions souvent des paroles et nos conversations étaient très animées, de sorte que l’album embrassait de plus en plus de perspectives pour devenir une histoire de science-fiction, qui reflète également l’existence et la créativité, je pense.
L’intrigue parle de voyageurs de l’espace qui partent à la découverte de vérités nouvelles et nécessaires, parce que les anciennes ont laissé le monde dans un état presque apocalyptique. Au cours de ce voyage, ils entrent dans différents mondes qui reflètent différentes manières d’être et de penser. Il s’agit donc d’oser aller là où vous n’êtes pas allés auparavant et d’embrasser tout ce que vous rencontrez sur le chemin en vous-même et autour de vous, car tout est profondément connecté. Au cours du voyage, les explorateurs rencontrent de tout : du chaos, de l’immensité, de l’anxiété, des merveilles, le vide complet, etc. Une question que nous nous posons sur deux derniers morceaux de l’album est de savoir si nous pouvons faire partie d’une réalité qui dure et si la nature humaine rend cela impossible. Mais surtout, je pense que c’est un album qui peut provoquer des sentiments divers et aussi inciter à la réflexion. Cela a été un processus très inspirant pour nous tous et nous espérons vraiment que les auditeurs pourront se connecter à la musique et aux paroles.
– « Access All Worlds » comporte une atmosphère très épique et space-rock dans l’esprit, qui correspond bien aux codes des concept-albums en général. Justement, vous êtes-vous fixer quelques règles au niveau de l’écriture, ou vous êtes-vous inspirés d’albums références ?
La règle la plus importante est qu’il n’y en a pas, je pense. C’est ce que nous aimons dans la musique. Pouvoir réellement voyager dans des endroits inconnus. C’est un type de liberté unique et c’est quelque chose qu’« Access All Worlds » représente très bien pour moi. Pendant le processus d’écriture de l’album, je ne pense pas que nous ayons eu des albums référents. Nous aimons parler de musique, mais en tant que référence dans le processus de création, cela a été beaucoup plus une question de sentiments et d’images.
– Pour un premier album complet, le vôtre est très mature, tant dans les compositions que dans son interprétation. La production signée Fredrik Nordström était-elle toute indiquée pour un disque de cette ambition ? C’était un de vos souhaits dès le départ ?
Merci ! Ce fut un processus assez long pour définir qui allait mixer et masteriser notre album. Nous avons écouté de nombreux disques et de nombreux producteurs différents, et nous nous sommes retrouvés avec Fredrik, parce que nous pensions que c’était lui qui pouvait exploiter au mieux tous ces contrastes, qui sont l’identité d’IOTUNN. Comme mentionné précédemment, l’un d’eux est dans le riffing où mon frère et moi adorons mélanger le son métallique avec le son atmosphérique. Nous voulions donc un disque où l’on ressente l’explosivité de la musique Metal et le son atmosphérique des merveilles cosmiques, et nous pensons tous que Fredrik a réussi à faire le parfaitement.
Créatif, précis et d’une grande technicité, ce premier album est la suite logique et attendue de la part des Danois après un EP très prometteur. Avec « Access All Worlds », IOTUNN prend du galon et l’arrivée du nouveau chanteur n’est pas anodine. Le Metal Progressif du quintet s’est étoffé tout en maintenant l’équilibre entre un côté extrême et des ambiances planantes.
IOTUNN
« Access All Worlds »
(Metal Blade Records)
Avec un chanteur aux îles Féroé, c’est pourtant en Suède que les Danois d’IOTUNN sont allés finaliser « Access All Worlds ». Enregistré par Flemming Rasmussen, puis mixé et masterisé par Fredrik Nordström, le groupe s’est donné les moyens de travailler dans les meilleures conditions pour livrer un très bon album. Et après leur EP très remarqué en 2016, il fallait aussi ça aux Scandinaves pour enfoncer le clou.
Désireux de conserver ce son très 80/90’s, « Access All Worlds » sonne pourtant très actuel dans la veine Metal Progressive de la nouvelle génération. Par ailleurs, l’arrivée de Jón Aldará (Barren Earth, Hamferd) et sa forte identité vocale apportent une diversité et surtout donne un nouveau relief à IOTUNN. Son expérience permet aux Danois de franchir ce cap qui leur manquait et le résultat est plus que convaincant.
Le quintet de Copenhague a aussi conservé son penchant pour le Space Rock dont on retrouve les influences dans les structures et les atmosphères de « Access All Worlds ». En alternant un chant clair et growl, IOTUNN garde tout son mordant et son côté extrême sur l’ensemble de l’album (« Voyage Of The Garganey », « Access All Worlds », « Waves Below », « Safe Across The Endless Night »). De vraies montagnes russes !
Avec ce brillant nouvel album solo, on a presque l’impression qu’ANNEKE VAN GIERSBERGEN attendait le bon moment pour laisser exploser toutes les facettes de sa voix cristalline, où la force et la puissance côtoient la finesse et la douceur la plus extrême. Sincère et authentique, la chanteuse néerlandaise se présente cette fois dans un style plus acoustique et Folk avec la même aisance.
ANNEKE VAN GIERSBERGEN
« The Darkest Skies Are The Brightest »
(InsideOut Music)
C’est en solo et avec un album aussi lumineux que mélancolique que la néerlandaise ANNEKE VAN GIERSBERGEN livre sa nouvelle production. Opus réparateur et presque salvateur selon elle, il relate de manière très intimiste et optimiste les récents tourments qu’elle a du affronter. Loin des styles dans lesquels elle évolue d’habitude, la chanteuse nous invite cette fois dans univers Folk très acoustique entre cordes savamment dosées et un chant qui porte littéralement les onze nouvelles compositions.
Connue et reconnue dans le monde du Metal Symphonique et Progressif à travers ses groupes The Gathering et Vuur, ANNEKE VAN GIERSBERGEN a également prêté sa voix à de très nombreux groupes et artistes comme Anathema, Within Temptation, Ayreon, Amorphis ou John Wetton et Devin Townsend. Ce que l’on sait moins, c’est que la frontwoman mène aussi en parallèle une carrière solo très remarquée dans son pays et au-delà.
Sur « The Darkest Skies Are The Brightest », elle se dévoile à travers des chansons très personnelles (« Agape », « My Promise ») et parfois plus sombre et mélancoliques (« The End », « Losing You »). Loin de tomber dans une profonde tristesse, ANNEKE VAN GIERSBERGEN vient rappeler l’étendue de sa palette vocale avec des titres rythmés et enthousiastes, où sa voix fait des merveilles (« Hurricane », « Survive », « I Saw A Car »). Un petit bijou de finesse.
Très orchestré et épique, ce nouvel opus des Grenoblois d’AMON SETHIS se montre à la hauteur de l’histoire pharaonique qu’il embrasse pour la troisième fois. Spécialiste des concept-albums, le sextet livre un Metal Progressif et Symphonique flirtant avec le Power. Les Français ont vu et réalisé les choses en grand.
AMON SETHIS
« Part 0 : The Queen With Golden Hair »
(Independant)
Passionné par l’Egypte ancienne et surtout la septième dynastie des pharaons, Julien Tournoud (chant) met toute son énergie et sa créativité depuis 2007 au profit d’AMON SETHIS, entité métallique basée à Grenoble. Après un EP et deux concept-albums, le groupe livre un troisième volet qui se trouve pourtant être le prequel des deux autres dans la chronologie.
« Part 0 : The Queen With Golden Hair » plonge donc dans la genèse des précédents opus. AMON SETHIS déploie toujours un Metal Progressif très symphonique aux fulgurances Power, qui offrent une belle profondeur à l’ensemble. Très narratif, ce nouvel album montre beaucoup de puissance et des arrangements très soignés aux saveurs orientales bien sûr.
Très bien produites, les 15 plages sont très orchestrées sans être trop chargées et laissent place à des morceaux explosifs (« The Rise of Aoutef’s Army », « Mask of Wrath »). Sur ces compositions variées, AMON SETYHIS semble s’être aguerri depuis que le groupe a partagé la scène de Myrath, Vanden Plas ou Caligula’s Horse, et livre de beaux titres (« From Dust to the Stars »).
C’est par la grande porte et avec un line-up exceptionnel que l’Américain JASON BIELER revient avec un nouvel album. L’ex-Saigon Kick y fait le tour de ses influences sans rien se refuser, le tout dans un ensemble très Progressif allant du Rock au Metal sans complexe et suivant une belle inspiration.
JASON BIELER AND THE BARON VON BIELSKI ORCHESTRA
« Songs For The Apocalypse »
(Frontiers Music)
Membre fondateur du combo Glam/Rock Saigon Kick dans les années 90, le multi-instrumentiste JASON BIELER s’est entouré d’un groupe hors-norme pour ce « Songs For The Apocalypse » très varié et peut-être même un peu long. Globalement très Progressif, entre Metal et Rock, l’Américain fait le tour de ses influences en diversifiant les sonorités et en mettant en avant la grande technicité des guests présents. THE BARON VON BIELSKI ORCHESTRA a fière allure, et c’est peu de le dire.
Car il y a du monde sur cet album qui se veut la suite de son projet de 2014-2015. En effet, JASON BIELER AND THE BARON VON BIELSKI ORCHESTRA rassemble des pointures de tous horizons comme Todd LaTorre de Queensrÿche, Dave Ellefson de Megadeth, Devin Townsend, Pat Badger du groupe Extreme, Butch Walker, Ron ‘Bumblefoot’ Thal (Sons of Apollo), Clint Lowery (Sevendust), Benji Webbe (Skindred), Kyle Sanders (Hellyeah) et Jeff Scott Soto.
S’il est difficile de trouver un fil conducteur « Songs For The Apocalypse », ceux qui aiment la variété vont être servis. Progressif sur « Beyond Hope », très groove sur « Apology », Punk joyeux sur « Alone In The World », Metal et technique sur « Bring Out Your Dead » et « Born In The Sun », JASON BIELER AND THE BARON VON BIELSKI ORCHESTRA garde tout de même l’identité reconnaissable du musicien américain, qui mène de main de maître ce line-up All-Stars. Créatif et expérimental.
Pendant très longtemps, SOILWORK a brouillé les pistes ou s’est cherché derrière un style, c’est selon. Avec ce nouvel EP, les Suédois affichent un style qui leur est propre et très personnel, effaçant toutes les étiquettes et brisant les cloisonnements musicaux qui les ont trop longtemps bridés.
SOILWORK
« A Whisp Of The Atlantic »
(Nuclear Blast)
Presque deux ans jour pour jour après le très bon « Verkligheten », SOILWORK revient en cette année noire avec un EP, qui vient s’ajouter aux onze albums du groupe suédois. Souvent sous-estimé, le quintet revient remettre les pendules à l’heure et David Andersson, guitariste du combo, a cette fois pris les choses en main pour livrer cinq titres au large spectre musical.
Dès les premières notes du morceau-titre long de 16 minutes, on est saisi par la densité et la polyvalence dans la composition de cette fresque très progressive, où SOILWORK joue autant sur les émotions que sur la fulgurance de son jeu. On est très loin du Death mélodique des débuts, et c’est réjouissant. Guidé par le chant polymorphe de Björn Strid qui combine les parties claires et growl avec facilité, les Suédois font étalage de leur classe.
Audacieux et aussi technique qu’agressif, le groupe enchaine avec « Feverish » et « Desperado » entre tradition très Heavy et assez classique, mais toujours avec deux guitaristes, qui n’en font qu’à leur tête. « The Nothingness And The Devil » vient définitivement poser l’empreinte musicale de SOILWORK, qui s’affranchit enfin de toutes les étiquettes souvent malvenues qui leur collaient à la peau.