Face à une industrie musicale et une scène Metal internationale plus formatées que jamais, où tout finit par se ressembler peu à peu, DESERT SONG prend tout le monde à revers pour faire un bond dans le temps. Si renouer avec la créativité du siècle passé n’est pas une mince affaire, recréer l’atmosphère avec un son organique et chaleureux est encore possible. Et le Hard Rock transgénérationnel et cette ambiance Old School dénotent avec brio des réalisations fadasses et bidouillées d’aujourd’hui.
DESERT SONG
« Desert Song »
(Sleaszy Rider Records)
Prenez trois musiciens chevronnés issus d’Ensiferum, Spiritus Mortis, Amoth, Celesty et d’autres encore, mettez-les ensemble en studio et laissez-les se faire plaisir. C’est très précisément ce qu’ont fait Pekka Montin (chant, claviers), Kimmo Perämäki (guitare, chant) et Vesa Vinhavirta (batterie) pour donner naissance à DESERT SONG, power trio affûté, qui a décidé de retrouver la saveur du Hard Rock et du Heavy Metal des années 70 et 80. Et cette couleur très rétro se développe même jusque sur la pochette.
L’ambition première des Finlandais est de faire la musique dont ils ont envie depuis des années et de bien le faire. Pari réussi pour DESERT SONG avec ce premier album éponyme, qui nous renvoie aux belles heures de Blue Öyster Cult, Uhiah Heep et Deep Purple avec une pincée du Michael Schenker des débuts et de Rainbow. Sont injectés aussi quelques passages Doom, progressifs et AOR distillés dans des morceaux très bien écrits, aux structures solides et dont la production-maison est exemplaire et très naturelle.
En marge de leurs groupes respectifs, le combo se rassemble autour d’influences communes et intemporelles. Allant jusqu’à enregistrer sur du matériel vintage, les Scandinaves se partagent aussi le chant et trouvent un parfait équilibre musical. On imagine facilement que DESERT SONG n’a pas souhaité faire dans le clinquant au niveau du son et ce parfum de nostalgie n’en est que plus prégnant (« Desert Flame », « Rain In Paradise », « Another Time », « The Most Terrible Crime », « Cottage »). Un bain de jouvence !
Pour beaucoup, MERCYLESS représente l’époque dorée du Death Metal français, une génération qui a posé les bases du genre dans l’hexagone. Cette bouillonnante scène des années 90 résonne encore chez beaucoup et, après plus de 30 ans de bons et loyaux services, le combo de Mulhouse a su garder cette rudesse, ce côté très obscur et robuste qui se déverse de manière brutale et incandescente. Sorte de gardien de l’institution extrême, il perpétue une certaine tradition musicale, faite de codes précis et d’une vision claire, qui paraît aujourd’hui intemporelle. Avec son huitième album, « Those Who Reign Below », le groupe consolide sa position de pionnier et aussi de pilier d’un genre immuable. Et c’est encore son fondateur, chanteur et guitariste, Max Otero, qui en parle le mieux…
– Notre première interview dans le Rock’n Force version papier date de 1992 à l’occasion de la sortie de votre premier album, « Abject Offerings ». A l’époque déjà, il avait marqué les esprits et il ne fallait pas être devin pour comprendre que l’aventure allait durer. Tu es le dernier membre de la formation originelle, quel regard portes-tu sur le parcours de MERCYLESS aujourd’hui ?
C’est un long parcours semé de beaucoup de choses ! (Rires) Dans les années 90, on a forgé notre style avec la sortie des deux premiers albums, qui nous ont marqué ainsi que pas mal de gens. Ensuite, on a pris une voie différente, car on voulait aussi découvrir d’autres horizons sans regarder en arrière. De 1995 à 2000, on était en dessous de ce qu’on aurait pu faire, mais c’était aussi une époque différente. Beaucoup de choses avaient aussi changé dans nos vies personnelles, dans notre façon de voir les choses et la musique. Ensuite, nous nous sommes mis en stand-by pour, peut-être, attendre le bon moment… et ça nous a pris 10 ans ! C’est long, mais cela nous a permis de continuer la musique, souvent ensemble d’ailleurs, sous une autre approche. En 2010, on est revenu encore plus fort avec de nouvelles convictions et l’envie aussi de reprendre l’histoire là où elle s’était arrêtée. Nous nous sommes donnés les moyens de continuer MERCYLESS dans la version des débuts, c’est-à-dire du Metal comme on savait le faire.
– « Those Who Reign Below » est votre huitième album et ce qui est impressionnant, c’est qu’il s’inscrit vraiment dans la continuité de votre discographie, à savoir un style très identifié dans les années 80/90 et une intention qui reste inchangée. C’est important pour toi de rester ancrer dans le Death Metal des origines ?
Oui, ça fait déjà un moment qu’on avait envie de réaliser un album comme celui-ci. C’est presqu’un hommage à cette scène et aussi à ce qu’on a pu vivre dans les années 90. Je pense que c’est dans ce domaine-là qu’on se sent le mieux, c’est-à-dire dans une musique directe, sans concession, violente et malsaine. On voulait vraiment rester dans ce crédo, car on y est bien et parce que c’est aussi ce qu’on sait faire de mieux. On ne cherche pas à faire autre chose, mais plutôt à garder cette ligne directrice qu’on a depuis les années 90. Et depuis 2010, nous gardons cette intention et ce cap. On persévère là-dedans, car je trouve qu’on a encore des choses à dire. Malgré ce qu’on peut croire, ce n’est pas une musique qui est renfermée. Il y a beaucoup à faire et on considère chaque album comme une pierre portée à notre édifice. On souhaite marquer les esprits à notre façon.
– Max Otero –
– Bien sûr, MERCYLESS a beaucoup évolué en plus de 30 ans d’existence, ne serait-ce que techniquement. Pourtant les thèmes abordés sont les mêmes à peu de choses près. On a l’impression que notre époque alimente plus que jamais votre propos. La colère est plus grande aujourd’hui qu’à vos débuts ?
Oui, je pense. On vit une époque où nous sommes très influencés par le monde extérieur, même si on essaie de se focaliser sur autre chose avec la musique, car elle nous le permet. Mais on a tellement de choses à faire sortir de nous que c’est une sorte d’exutoire, un vrai besoin et je crois que la colère représente exactement ce que nous avons au fond de nous. Et le meilleur moyen de l’exprimer est de jouer cette musique. Elle ne nous a jamais quittés, on ne lui a jamais tourné le dos. Au contraire, elle nous a toujours poussés à créer et à aller faire des concerts. Aujourd’hui, et plus que jamais, faire ressortir ce qu’on peut avoir de plus malsain en nous est encore plus important.
– J’aimerais qu’on s’arrête un moment sur une chose. Cela fait deux fois que tu me parles de ce côté ‘malsain’. Qu’est-ce que tu entends par là ?
En fait, le Death Metal est une musique très revendicative par rapport à toutes ses influences, tout ce qu’elle a aussi engendré dans les années 90 et aussi ce qu’on a vécu. Le terme ‘malsain’ est une sorte d’expression pour définir ce qui en ressort. Elle a toujours eu ce côté fait de plein de paramètres à travers les riffs, les voix, les paroles, … Tout ça bouillonne et c’est un besoin qu’on a de vouloir exprimer une facette de notre personnalité. Et c’est vrai que c’est cet aspect qui ressort le plus souvent et il est proportionnel à ce que l’on voit autour de nous.
– D’accord, mais le mot ‘malsain’ a quelque chose de rédhibitoire, c’est quelque chose qu’on ne veut pas toucher, ni approcher…
Oui et je le revendique complètement. C’est quelque chose qui navigue en eaux troubles dans beaucoup de domaines que ce soit dans les croyances, dans les religions et dans la société actuelle. On essaie, en fait, d’évacuer ce qu’on ressent comme étant le pire de tout ça dans notre quotidien. C’est notre façon de dire que cette musique est malsaine, car elle est représentative de notre vision de tout ce qui nous entoure.
– Je situe mieux et je te comprends. Revenons à la musique avec le numérique, qui a pris le dessus sur la grande majorité des productions. Pourtant, « Those Who Reign Below » possède un son très organique, brut et presque live. C’est pour cette raison que vous avez fait appel à Raph Henry du Studio Heldscala ? Pour obtenir cette sonorité très roots et authentique ?
Exactement. On a travaillé presqu’un an sur cet album. On avait donc tous les morceaux avec la façon de les interpréter et on en avait déjà parlé avec Raph qu’on connait depuis des années. Il connait bien MERCYLESS et il aime ce qu’on a fait à nos débuts. On a beaucoup travaillé en pré-prod’ et on voulait vraiment faire ressortir ce côté très organique et très direct. On cherchait à retrouver cette espèce d’aura et de mysticisme, qui existaient dans les années 90. Et comme tu dis, il y a un côté très live, car on a très peu travaillé en numérique. On voulait justement obtenir des sons qui sortent de l’ampli, une édition très légère pour avoir une batterie qui colle justement à qu’on voulait vraiment avoir. On souhaitait retrouver le son de cette époque qui correspond complètement à MERCYLESS. Et Raph Henry a réussi à sculpter tout ça pour atteindre ce son profond et sombre. Et on retrouve aussi un peu ce son de K7, lorsqu’on mettait les premières démos de Morbid Angel ou Autopsy. On avait besoin de ça, alors qu’aujourd’hui, on a des productions de plus en plus surcompressées et très fortes, qui sont destinées à des écoutes plus modernes et numérisées. Nous avons voulu faire l’inverse. C’est même devenu assez difficile d’ailleurs, mais on a réussi à obtenir ce qu’on voulait.
– D’ailleurs, MERCYLESS est très attaché à ce son et ce style Old School. Qu’est-ce qu’il signifie et représente pour toi, et t’est-il déjà venu à l’esprit d’en changer comme d’autres ont pu le faire ? Ou est-ce que cette approche ‘moderne’ te laisse indifférent ?
(Silence)… Il y a une histoire de nostalgie peut-être derrière tout ça. Il y a quelque chose de rassurant et ça nous conforte dans ce que nous sommes. Et on a du mal à se retrouver dans toutes ces sorties qu’on voit presque tous les jours avec des centaines d’albums qui sont de plus en plus produits de la même manière sur l’édition, les applications, les plugins, … Ce sont très souvent les mêmes sons de guitares, de batterie surproduites et ainsi de suite. On voulait éviter ça, car ça ne correspond pas à notre vision de voir les choses, même si on est aussi plongé là-dedans. Le son de MERCYLESS est très cru et très bas et il n’a pas besoin de fioritures. On s’est aussi aperçu, en s’essayant à des sons plus modernes, que nous n’arrivions pas à obtenir quelque chose qui colle à notre personnalité. Avec cet album, on revient à l’essentiel et c’est ce qu’on voulait en restant dans une ligne directrice claire et très 90’s. Il y a toute une génération qui est habituée à un son très moderne, y compris dans les styles extrêmes, qui a sans doute du mal à entrer là-dedans, mais cela correspond vraiment à quelque chose pour beaucoup d’autres.
– Max Otero & Gautier Merklen –
– Et puis, l’autre nouveauté sur ce nouvel album est l’arrivée derrière les fûts de Johann Voirin, qui officie aussi chez Mortuary. Il se fond parfaitement dans le moule du groupe. C’était important aussi qu’il ait cette culture Old School et underground, d’autant qu’il livre une prestation incroyable et tout en puissance ?
Il y a eu un petit travail quand même au départ. Forcément, il vient d’un groupe plutôt axé sur le Brutal Grind Death pour faire court. Et MERCYLESS a un côté Old School avec des paramètres et une définition de jeu, qui demandaient un petit ajustement par rapport à Mortuary. Il a surtout fallu qu’on se comprenne au niveau de notre univers, pas au niveau technique évidemment. Il s’est ensuite très bien fondu dans le style, dans les arrangements et dans le travail sur les nouveaux morceaux. Et le résultat est exactement celui qu’on attendait, à savoir un aspect dynamique, vif et très direct.
– Chez MERCYLESS, et contrairement à beaucoup d’autres groupes dans le Death Metal, il y a une violence viscérale, qui est presque libératoire. Et la présence du diable et de la religion plus largement planent toujours autant sur « Those Who Reign Below ». Le sujet est inépuisable, surtout lorsqu’on voit l’état du monde actuel. Où te places-tu dans cette époque du règne des réseaux sociaux où tout n’est qu’apparence ?
On a totalement changé d’époque, c’est vrai. Je pense qu’on a aussi cette chance d’avoir ce recul et d’avoir connu les années 80/90, où il y avait beaucoup de découvertes et d’apprentissage, qui se faisaient sur la longueur. MERCYLESS est né et vient de là. On fait partie de ce temps où on enregistrait des démos nous-mêmes et on avançait petit à petit. Il n’y avait pas tous les contrats discographiques et toutes les sorties comme aujourd’hui. On a construit le groupe au fil des années, ce qui n’est pratiquement plus possible maintenant. Tout va tellement vite. Les réseaux sociaux s’emballent très vite pour tout et n’importe quoi et sans vraiment savoir où on va. Et la différence aussi, c’est que nous avons gardé cette liberté de ton. On utilise aussi les réseaux sociaux avec parcimonie, essentiellement pour promouvoir le groupe et garder le contact avec le public. J’ai su conserver un regard extérieur sur tout ça. Et puis, il y a un bouton ‘off’, si tu veux continuer à regarder le monde évoluer, sans pour autant avoir le nez dans les écrans comme on veut nous l’imposer. C’est difficile, car c’est très présent et ça fait aussi partie de l’évolution de cette société. Il faut faire avec et garder les outils qui sont à notre disposition. Mais en revanche, il faut conserver beaucoup de recul par rapport à tout ça. On tend vers un monde qui devient de plus en plus médiocre, parce qu’on laisse tout le monde s’engouffrer là-dedans sans garder ce qui est positif. On croit qu’on peut apprendre des choses, mais il y a un côté très abrutissant et bête à la base de tous ces réseaux sociaux et tout ce qu’il y a autour. Par moment, il faut vraiment décrocher de ça et garder une certaine distance. Sinon, ça peut très vite nous rendre fou.
– Yohann Voirin & Yann Tligui –
– Tu prêches un convaincu ! Justement, je reviens à la colère et à cette violence viscérale dont on parlait tout à l’heure et aussi au fait que les textes de MERCYLESS tournent essentiellement autour de la religion et l’idée du diable notamment. C’est un sujet qui ne vous lâche pas finalement ?
Non, pas du tout. Cela vient du début du groupe, en fait. Notre musique est liée à ça et, comme tu dis, le sujet est inépuisable. A une époque qui est basée sur les croyances et les religions dans le monde entier, on voit que ça mène vers des défiances, des déviances et des perversions terribles. Et il y a toujours derrière, en ligne de mire, ce besoin de croire et de se réfugier derrière quelque chose, en l’occurrence des textes sacrés, etc… Et tout ça ne mène pas forcément les gens vers un bien-être, ou un monde où on se laisserait réfléchir. Il y a, en effet, beaucoup à puiser dans tout ça. Quand on évoque les démons, par exemple, sur « I Am Hell », je parle des prêtres pédophiles qu’on a vus à la une de beaucoup de médias ces dernières années. L’Eglise catholique est devenue à un moment donné un refuge pour des gens qui sont de vrais dangers. C’est une façon de dire que le diable est souvent déguisé et se niche aussi chez l’être humain.
– MERCYLESS, avec quelques autres toujours en activité, est un pilier et un pionnier du Metal extrême français. Contrairement à certains, vous n’avez pas dévié de votre trajectoire. Est-ce que vous courrez toujours après le même objectif, c’est-à-dire rester fidèle au milieu underground et le faire vivre ? D’ailleurs, comment le définirais-tu aujourd’hui ?
(Silence) … Bonne question. On peut en effet se poser beaucoup de questions car, aujourd’hui, parler d’underground, c’est presque se foutre de la gueule du monde. Actuellement tout est pensé et réfléchi par rapport à Internet, aux réseaux sociaux, etc… Tout part là-dessus et cela a vraiment changé la donne. Dans les années 90, tout se faisait encore avec les petites mains. Il fallait travailler beaucoup de choses : la musique, les textes, le disque, la distribution, la comm’, … C’était très compliqué et très long. Aujourd’hui, j’essaie toujours de rester connecter à ce monde-là et de le suivre. Et dans cette musique, il y a toujours de l’activité et c’est tant mieux ! Dans les années 2000, cela avait un peu disparu et maintenant, on a la chance d’avoir de nouveaux groupes qui sont là depuis un bon moment et qui sortent des albums de très bonne qualité. C’est là-dedans, et avec eux, que je me sens le mieux. C’est ce que j’écoute le plus, que ce soit en France ou à l’étranger. Je me tiens informer et j’essaie de partager tout ça du mieux possible, y compris au niveau des concerts. On continue d’ailleurs à tourner avec ce genre de groupes avec de petites conditions et dans des petites salles. On n’oublie pas d’où l’on vient et aussi que d’autres nous ont aidés. C’est une chose qu’on tient à faire à notre tour. Avec un peu de bouteille, on arrive à partager et à découvrir de nouvelles choses et ça me fait toujours autant plaisir ! Ce sont des groupes qui ont une certaine ‘grinta’ et une envie d’aller de l’avant. Je me dis que tout n’est pas perdu, même si le mot ‘underground’ ne veut plus dire grand-chose aujourd’hui.
– Vous avez aussi récemment réédité « Abject Offerings » et une compilation de vos premières démos, ce qui est une bonne chose compte tenu de leur rareté. L’industrie musicale a été bouleversée depuis les débuts de MERCYLESS et elle est aujourd’hui méconnaissable. Comment est-ce que tu perçois l’envahissement du streaming et du tout-numérique ? Comment vous êtes-vous adaptés et est-ce que le Death Metal, au sens large, en a aussi subit les conséquences ?
Le Death Metal a quelque chose d’intemporel. Maintenant, par rapport au numérique et au téléchargement sur les plateformes qui diffusent la musique aujourd’hui, c’est vrai que c’est assez étrange. Cela dit, le Death Metal a ceci de particulier qu’il y a un réel attachement à l’objet à travers le vinyle, le CD, les K7, etc…. Ca a toujours existé et ça existe encore aujourd’hui. Personnellement, et ça concerne aussi plein de gens autour de moi, j’ai du mal à écouter un album sur une plateforme. J’ai toujours le réflexe de mettre un CD ou un vinyle. J’aime aussi prendre mon temps pour écouter ça dans de bonnes conditions. On est encore nombreux à avoir ce besoin de découvrir les choses en ayant le produit dans les mains. On a gardé cette fibre, qui nous anime encore. Aujourd’hui, c’est un autre monde. Et puis, je crois qu’on a aussi besoin de se retrouver dans ce petit espace bien à nous. On découvre plus facilement chaque petit arrangement notamment et le Death Metal permet ça. On s’y met aussi bien sûr, mais c’est un peu aller vers la facilité.
– En France, on a vu émerger une nouvelle scène de Metal extrême, qui n’a pas grand-chose à voir avec celle qu’on a connu avec vous, c’est-à-dire MERCYLESS, Loudblast, Massacra, No Return et Agressor dans les années 90. Sincèrement, existe-t-il une sorte de famille entre les anciens que je viens de citer, et que penses-tu des nouvelles formations hexagonales ?
C’est un peu compliqué pour moi, car je ne me retrouve pas beaucoup dans les formations modernes pour toutes les raisons dont on parle depuis le début de l’interview. Le son, l’approche, la conception, etc… Je trouve même que le terme de groupe a complètement disparu. On a l’impression que ce sont des assemblages de personnes, qui sont là juste pour fabriquer quelque chose, être dans la ‘hype’ du moment et tirer sa petite épingle en se disant que c’est moderne, frais et neuf. Et alors, on y va. Ce n’est pas notre vision et elle peut même paraître austère pour certains. Mais on ne s’y retrouve pas dans tout ce mélange de styles extrêmes. Ca vient aussi de la vision et de l’interprétation musicale, qui a changé et qui est très différente. C’est le monde moderne qui leur amène ça et ils ont besoin d’être dans le truc du moment pour se sentir bien. Honnêtement, ça me passe sous le nez et ça disparait aussitôt ! (Rires)
– Pour revenir aux groupes français des années 90 cités plus haut, j’ai vraiment l’impression que depuis vous cinq, il n’y a pas eu grand-chose sur la scène hexagonale. Je ne vois pas d’héritiers directs… et j’avoue qu’un plateau vous réunissant serait assez génial !
Je crois que tu as raison, car on vient aussi d’une époque où chacun faisait un truc très, très différent de l’autre. Cela nous a tous amené vers des fan-bases opposées, qui pouvaient quand même se rejoindre. Mais chacun avait sa vision et son propre son. C’est vrai qu’aujourd’hui, il n’y aurait aucun problème à monter un plateau comme ça, au contraire, car nous sommes tous restés ancrés dans ce qu’on sait faire de mieux. Forcément, les héritiers derrière sont peu nombreux dans le sens où très peu de groupes et de personnes ont gardé cet esprit de concevoir la musique et ont plutôt évolué suivant les modes. Certains reconnaissent des influences chez nous. Mais pour ce qui est de perpétuer tout ça, il n’y a pas grand-monde, en effet. Et je pense que nous sommes nombreux à partager ce sentiment.
– Enfin, qui dit nouvel album, dit concerts. Est-ce qu’encore aujourd’hui, vous pouvez compter sur un réseau underground suffisamment solide pour monter une tournée par vous-mêmes sans passer par les tourneurs qui font la pluie et le beau temps en France ?
Carrément et c’est ce qu’on fait depuis des années ! On connait beaucoup de petits tourneurs, des gars à l’ancienne et très ‘DIY’, qui ont des réseaux de salles et de plus petits lieux. On y arrive bien et c’est la seule façon pour nous de ne pas lâcher des 7.000/10.000€ pour des supports tournées, où tu joues 25 minutes à 19h à l’ouverture des portes. Et puis, ça n’apporte plus grand-chose à des groupes comme nous, en tout cas. Après, c’est mon opinion. Mais on essaie de faire comme ça, parce qu’on s’y retrouve et qu’il y a une espèce d’osmose globale. C’est très bon pour le psychisme de tout le monde, car on rencontre des gens sympas. Et il y a une grande proximité. Ca demande forcément un peu plus de boulot, mais on s’en sort très bien. C’est sûr qu’on ne va pas faire 20 dates à travers 15 pays, mais on joue, on fait des festivals et des petites tournées aussi avec des groupes dans notre lignée, voire plus petits. Tout se passe très bien et le public répond présent.
Le huitième et nouvel album de MERCYLESS, « Those Who Reign Below », est disponible chez Osmose Productions.
Vétéran de la scène Thrash Metal britannique, SOLITARY ne bénéficie pourtant pas de la notoriété et de la mise en lumière auxquelles il serait pourtant légitime à prétendre. Cela dit, avec « Embrace The Darkness », la donne pourrait bien changer, tant celui-ci présente une vélocité très moderne tout en respectant les codes des origines du style. Racé et ne laissant pas le temps de souffler, cette nouvelle réalisation possède de nombreux atouts et presqu’aucun défaut.
SOLITARY
« Embrace The Darkness »
(Twisted Into Form)
Après sa prestation impériale enregistrée en août 2019 au festival Bloodstock (« XXV Live At Bloodstock »), où il avait férocement célébrer ses 25 ans d’existence, SOLITARY fête aujourd’hui ses trois décennies dédiées à un Thrash Metal puissant et implacable. Fondé en 1994 dans le Lancashire par Richard Sherrington, dernier membre du line-up originel, le combo a surtout sorti des démos, des EPs et deux Live, puisque ce dévastateur « Embrace The Darkness » est seulement le cinquième album complet des Anglais en 30 ans.
La base du registre de SOLITARY est essentiellement Old School et s’ancre dans le sillage de formations comme Forbidden, Testament, Sacred Reich avec quelques touches rappelant les premiers Slayer. Pour autant, on n’est pas ici dans un Thrash Metal californien, ni vintage. Le son, la production signée Simon Efemey (Napalm Death, Paradise Lost, Obituary) et l’approche musicale sont purement et clairement européens et très actuels. Le quatuor est frondeur et agressif et surtout son niveau de jeu s’est considérablement amélioré.
Depuis le début, SOLITARY cultive le tumulte et le chaos et « Embrace The Darkness » représente un sommet de son répertoire. Il dépeint sans détour notre sombre époque où les guerres, les pandémies et les divisions liées aux politiques secouent notre quotidien. Dès l’excellente intro qui se fond dans le morceau-titre, on entre dans le vif du sujet. Menaçant et percutant, ce nouvel opus regorge de titres d’où jaillissent colère et brutalité (« Virtues », « Bury It Now », « Beneath The Surface », « Section 21 », « Filtering Hindsight »). Massif !
44 ans d’existence, cinq reformations et une dizaine de disques, le bilan peut paraître chaotique. Et pourtant, BLITZKRIEG n’a pas rendu les armes, bien au contraire. Souvent dans l’ombre d’une scène anglaise effervescente, le combo de Leicester a régulièrement été précurseur et a même inspiré une grande partie de la mouvance Speed/Thrash/Power, qui a suivi. Avec ce nouvel opus éponyme à la production irréprochable, il revient à l’assaut et il serait vraiment dommage de manquer ce renouveau spectaculaire et tellement actuel.
BLITZKRIEG
« Blitzkrieg »
(Mighty Music)
Certains se souviennent peut-être qu’en 1984, un jeune groupe californien nommé Metallica reprenait sur son single « Creeping Death », puis sur « Garage Inc. », le morceau éponyme de BLITZKRIEG, le faisant ainsi et un peu plus tard entrer définitivement dans la légende. C’est vrai qu’en reprenant un titre de ce groupe anglais pas plus âgé que lui, l’impact des Américains allait le faire entrer dans la légende et surtout le propulser au rang d’influence majeure pour beaucoup d’autres. Par la suite, les deux formations n’ont bien sûr pas connu le même destin… Loin de là !
BLITZKRIEG est donc une espèce de mythe que tout le monde semble connaitre sans s’être vraiment plongé dans sa discographie pour autant. Membre (trop) discret de la fameuse NWOBHM, le combo mené par le frontman Brian Ross, dernier rescapé de l’aventure originelle, a pourtant laissé quelques albums, qui ont posé d’épaisses fondations au style (« Court Of The Act », « A Time Of Changes », « Absolute Power », « Theatre Of The Damned » ou encore « Back From Hell » et « Judge Not »). Une petite dizaine de réalisations, qui a pourtant remué les scènes des plus grands festivals.
Composé aujourd’hui du fils de Brian, Alan Ross, de Nick Jennison avec qui il forme un duo explosif et essentiel à la guitare, de Liam Ferguson (basse) et de Matthew Graham (batterie), BLITZKRIEG ne fait franchement pas son âge. Moderne et solidement ancré dans son époque, le Heavy Metal des Britanniques avance avec force et puissance. C’est simple, pour un peu, on a presque l’impression de découvrir un nouveau groupe. Racé et féroce, l’aspect traditionnel du genre n’a pas disparu, mais a subi un époustouflant lifting. Acéré et mélodique, le quintet frappe fort et on souhaite vraiment que ce ne soit qu’un début.
De l’énergie, SAINT en a à revendre et ce quarantième anniversaire semble même lui avoir donné un sérieux coup de boost. Son Heavy Metal n’a pas pris une ride, alors qu’il puise son inspiration au siècle dernier. Avec ce très bon « Immortalizer », le quintet affiche beaucoup de puissance, tout en misant sur des titres accrocheurs et entêtants et en restant fidèle à un style dont il ne s’est jamais éloigné. Un très bon opus qui vient couronner une belle et bien trop discrète carrière.
SAINT
« Immortalizer »
(Roxx Records)
Apparu au début des années 80 aux côtés de Stryper et Messiah Prophet notamment, SAINT fait partie de la toute première vague américaine de White Metal. Comme beaucoup d’autres, les changements de line-up ont émaillé le parcours du groupe, mais il se présente aujourd’hui avec le troisième album consécutif avec la même et solide formation. Et « Immortalizer » vient célébrer 40 ans de bons et loyaux services. Une treizième réalisation qui s’avère également être un très bon cru.
Fondé à Salem en Oregon, SAINT suit le même chemin depuis sa création, celui tracé sur un Heavy Metal mélodique qu’il a su actualiser au fil des décennies pour être plus électrisant que jamais. Rangés derrière son bassiste et fondateur Richard Lynch, les Américains peuvent compter sur un Dave Nelson impérial au chant, une talentueuse doublette de guitaristes avec Matt Smith et Jerry Johnson, tandis que Jared Knowland (batterie) est toujours aussi affûté. Ca ronronne et ça envoie du bois !
A l’instar de nombreux groupes de sa génération, SAINT n’a rien perdu de sa vélocité et se montre même beaucoup plus efficace et affiné qu’autrefois. Bien sûr, le frontman donne de l’allant et de la percussion, mais le jeu des deux six-cordistes au niveau des riffs, des solos et des twin-guitars reste sa force principale (« Immortalizer », « Eyes Of Fire », « The Congregation », « Pit Of Sympathy », « Salt In The Wound »). Cette nouvelle production vient donc célébrer quatre décennies exemplaires avec brio.
Un peu plus de deux ans après sa remise sur de bons rails, VOODOO KISS a retrouvé de la régularité et la flamme des débuts. Très Heavy avec quelques touches de Hard Rock, le style vintage des Allemands est un brin nostalgique, mais l’envie affichée fait plutôt plaisir à entendre. Avec derrière les fûts, le fondateur de l’un des plus grands rassemblements Metal annuel de Bavière, la formation dispose d’une belle visibilité et montre sur « Feel The Curse » beaucoup d’ardeur et de volonté.
VOODOO KISS
« Feel The Curse »
(Reaper Entertainment)
Avec son étonnant parcours, VOODOO KISS continue d’écrire son histoire près de 30 ans après sa création. Fondé par le batteur Achim Ostertag en 1995, le groupe lui doit son existence, bien sûr, et sa renommée par la même occasion. Car, faute de concert, le musicien avait dans la foulée mis sur pied le légendaire festival ‘Summer Breeze’ pour pouvoir y jouer. On connait la suite… Seulement, le combo retomba dans l’oubli jusqu’en 2022 après une très longue hibernation.
Aux côtés des autres fondateurs, Martin Beuther (guitare) et Klaus Wieland (basse), Gerrit Hutz (Sacred Steel) et Steffi Stuber (Mission In Black) vont venus compléter le line-up tous les deux au chant. Suivront un premier opus éponyme et « Conquer The World ! », un split-album avec leurs compatriotes de Tankard. La machine VOODOO KISS avait ainsi retrouvé un second souffle, et avec « Feel The Curse », son Heavy Metal très teuton est de nouveau en fusion.
Clairement estampillé 80’s, le quintet distille un Heavy classique et le fait de se présenter avec deux vocalistes distinctifs, femme et homme, donne du coffre à « Feel The Curse » et une certaine originalité aussi. Enregistré au printemps et sorti à l’été, VOODOO KISS n’a donc pas traîné, mais il aurait peut-être du s’arrêter un plus longuement sur la production qui manque cruellement de puissance. Cela dit, cette deuxième réalisation ravive de bons souvenirs et tient plutôt bien la route.
Parfois les side-projets permettent aux artistes de s’échapper un temps de leur chapelle musicale et même à l’occasion de revenir à leurs premières amours en se faisant tout simplement plaisir. Cela semble être le cas avec ces deux monuments du Hard Rock américain, Tracii Guns et Michael Sweet. Loin des L.A. Guns et de Stryper, c’est sur un Heavy sombre et massif qu’ils ont jeté leur dévolu et il faut bien avouer que ça leur va bien et qu’ils sont plus qu’à la hauteur de cette nouvelle entreprise. « Light Up The Sky » ravive toute une époque.
SUNBOMB
« Light Up The Sky »
(Frontiers Music)
Avec SUNBOMB, la mention ‘toute ressemblance avec des groupes déjà existants ou ayant existés’ n’a rien de fortuite et prend même tout son sens. Sous l’impulsion du patron de Frontiers Music, Tracii Guns et Michael Sweet se sont réunis il y a quelques années autour d’un projet de Heavy Metal traditionnel pour prolonger, à leur manière, l’héritage laissé par Black Sabbath, Dio, Ozzy ou Judas Priest pour ne citer qu’eux. Et après le très bon « Evil And Divine » (2021), le duo récidive avec un « Light Up The Sky », tout aussi convaincant.
C’est vrai qu’avec ce groupe, le leader de L.A. Guns et le frontman de Stryper s’éloignent de leur registre habituel respectif, mais ils démontrent avec beaucoup de vigueur et avec le talent qu’on leur connait qu’ils sont bel et bien des guerriers et, si certains en doutaient encore, « Light Up The Sky » est une réponse franchement éclatante. SUNBOMB propose un répertoire très dark et nous propulse directement dans les années 80/90 sur une production actuelle et puissante. Et le plaisir des deux musiciens est palpable.
Tandis que Tracii signe toutes les guitares et la basse, soutenu à la batterie par l’ex-L.A. Guns Adam Hamilton, Michael Sweet donne de la voix et offre un beau contraste avec son groupe, qui vient d’ailleurs de sortir un nouveau single (« End Of Days »). Il y a même un petit côté fétichiste chez SUNBOMB dans sa recherche de l’aspect intemporel du Heavy Metal des origines. De « Unbreakable » à « In Grace We’ll Find Our Name », « Steel Hearts », « Rewind » ou « Scream Out » et « Setting The Sail », cet opus est marqué au fer rouge.
Toujours imprégné de la littérature de H.P. Lovecraft, c’est avec beaucoup d’allant que CRYSTAL VIPER mène sa barque depuis « The Curse Of Crystal Viper » sorti en 2007. Imperturbable, Martha Gabriel porte son groupe avec talent et a fait de lui une valeur sûre du Heavy Metal européen, tant au niveau de ses productions que de ses prestations live. Avec « The Silver Key », un nouveau cap est franchi au niveau du son, notamment, et de bien belle manière.
CRYSTAL VIPER
« The Silver Key »
(Listenable Records)
Trois ans après « The Cult » sorti quelques mois avant l’album solo de sa frontwoman, « Metal Queens », les Polonais font un retour en force avec « The Silver Key », qui vient les ancrer dans un True Metal musclé. Sur ce neuvième opus, Martha Gabriel et ses hommes personnifient encore un peu plus ce mélange de Heavy Metal Old School estampillé NWOBHM avec quelques touches de Power Metal, histoire de gagner en vélocité. Et CRYSTAL VIPER ne déçoit pas et livre même quelques bonnes surprises.
Rangés derrière leur chanteuse, guitariste et bassiste, ainsi qu’Andy Wave (guitare), Kuba Galwas (batterie) et Guiseppe Taormina (guitare) font leur apparition pour la première fois sur un disque de CRYSTAL VIPER et l’addition des six-cordistes donne une certaine férocité à « The Silver Key ». Les riffs sont costauds, les solos bien pensés et les twin-guitares font des merveilles : un Heavy Metal qui fait plaisir. Les ambiances aussi sont multiples et vocalement l’ensemble est irréprochable et convaincant.
Tout en maîtrise, ces nouvelles compos bénéficient d’une belle production, laquelle met parfaitement en relief la technique du quatuor. L’évolution sur « The SilverKey » est réellement palpable et non seulement CRYSTAL VIPER se montre à la hauteur de ses ambitions, mais se démarque aussi dans le style. Passé l’intro rétro-futuriste, on entre dans le vif du sujet avec « Return To Providence », qui annonce une suite plus que solide (« Heading Kadath », « Book Of The Deal », « Escape From Yaddith »).
Dans quelques jours maintenant sortira « L’Empire Du Crépuscule », le douzième album d’ADX. Véritable légende du Metal hexagonal, le quintet se réinvente depuis quelques années, tout en préservant un son un brin vintage sur des productions très modernes. Un mix qui fait toujours son effet et qui permet au quintet d’envisager sereinement l’avenir. Entre Speed et Heavy Metal, cette nouvelle réalisation se veut véloce et accrocheuse, preuve que le combo reste une locomotive du registre en France. Batteur et membre fondateur, Didier ‘Dog’ Bouchard nous parle de la conception de « L’Empire Du Crépuscule ».
– La dernière fois que nous nous sommes parlé, c’était il y a trois ans pour la sortie d’« Etranges Visions ». Tout d’abord, comment l’album avait-il été accueilli par vos fans et comment les concerts qui ont suivi se sont-ils déroulés ?
« Etranges Visions » a eu un accueil excellent. Depuis le temps que les fans attendaient cet album en français, on devait répondre présent et surtout faire un produit qui redonne un nouveau souffle à « Weird Visions ». Concernant le retour lors des concerts, on peut dire que la sauce a redonné du goût à ce projet. Ce n’était pas gagné, mais on l’a fait.
– Pour rappel, « Etranges Visions » est la version française de « Weird Visions », votre seul album en anglais sorti en 1991. Beaucoup l’attendait donc avec impatience. Alors, est-ce que justice a été rendue ?
« Weird Visions » a toujours été un sujet de polémique. Il faut, il ne faut pas, c’est le moment, ce n’est pas le moment, bref, il y avait quand même une grosse attente des fans, qui n’avaient pas apprécié notre approche de la langue anglaise. La période Covid nous a permis de bosser sur cette nouvelle version et justice est faite.
– Donc si votre précédent album avait quelque chose de spécial, celui-ci est entièrement original. Comment avez-vous abordé sa composition, au niveau de la musique comme des textes, puisqu’ils ne sont pas des adaptations cette fois ?
En ce qui concerne les compos du nouvel album, on a procédé comme d’habitude. J’adore composer et proposer aux autres membres ce qui me passe par la tête, mais attention si c’est de la merde c’est poubelle. Disons que j’amène l’esquisse et les autres mettent les couleurs, c’est identique pour les textes, mais là, le boulot se fait souvent avec Phil (Philippe Grelaud, chant – NDR). Malgré les changements de line-up, nous avons toujours dans ADX des musiciens de talent et à l’écoute de « L’empire Du Crépuscule », on sent que la magie est toujours là.
– Comme toujours, « L’Empire Du Crépuscule » est musclé et toujours aussi moderne dans le son, malgré une touche Old School qui reste votre marque de fabrique. Et à ce sujet, c’est à nouveau Francis Caste qui a mis en forme votre puissance sonore. C’est le cinquième album que vous faites ensemble et on a vraiment le sentiment qu’il ne saurait désormais en être autrement. C’est aussi votre conviction ? Il fait partie de la famille ?
Francis a compris avec nos albums la direction à prendre. Il est facile, intelligent et le mélange entre le Old School et l’actuel donne une couleur très punchy. Il fait partie de la division, c’est un pilote.
Didier ‘Dog’ Bouchard, batteur et fondateur d’ADX
– Ce douzième album est très fluide et véloce. Vos deux guitaristes s’en donnent à coeur-joie et la rythmique bastonne. On a le sentiment qu’ADX est véritablement ancré dans une nouvelle phase avec une évolution qui conserve aussi son ADN. C’est toujours un challenge pour vous de rester actuel, tout en gardant cette saveur 80’s/90’s, ou plus du tout ?
ADX ne veut pas être largué. Il y a tellement de groupe talentueux qu’il faut être fort et toujours dans le coup. Même si nous avons cette griffe des années 80/90, nous essayons d’évoluer et de faire un mélange des saveurs, qui peut donner un bon album sans que l’on s’emmerde. Nous avons notre style, mais il faut également le peaufiner.
– J’aimerais qu’on dise aussi un mot de cette très belle pochette, signée Stan W Decker. Derrière cette ambiance très ‘historique’, on peut aussi y déceler beaucoup de symboles très contemporains. Quel a été le ‘cahier des charges’ et surtout qu’elles étaient vos intentions ?
Pour la cover de l’album, l’échange avec Stan Decker s’est fait simplement. Nous lui envoyons les idées et lui rajoute ses délires. C’est un artiste doté d’une grande simplicité et quel plaisir d’échanger avec lui. Pour « L’Empire Du Crépuscule », nous voulions montrer un pouvoir qui s’accroche, mais qui s’écroule. Il y a sans cesse des mouvements, des révolutions dans l’Histoire de France et malheureusement, nous sommes en plein dedans.
– D’ailleurs, c’est un peu la même chose au niveau des textes. Les titres des morceaux ont un reflet très XVIIIème siècle et ils le sont sous certains aspects. Cependant, si on lit entre les lignes, le contenu est très actuel et on a presque l’impression que vous dépeignez le climat actuel. Ce double-langage a quel objectif ? Rester toujours aussi engagé et revendicatif, tout en racontant des histoires ?
ADX a toujours eu dans les textes ce coté ‘historico-fantastique’. Nous aimons raconter des choses sur l’Histoire, qui ne sont pas dévoilé à l’école, parce que trop dérangeantes. Et si nos paroles actuelles se rapprochent de ce que l’on vit en ce moment, c’est effectivement questionnant.
– Au-delà du message, « L’Empire Du Crépuscule » est véritablement taillé pour la scène avec des refrains fédérateurs et efficaces. C’est quelque chose de constant chez ADX. C’est une sorte de leitmotiv depuis toutes ces années ? Quelque chose que vous avez toujours dans un coin de la tête ?
Pour nous, les concerts restent un échange avec le public. C’est une fête que nous devons partager ensemble, nous cherchons toujours dans de nos compositions le refrain qui restera en tête. C’est très important, car entendre chanter tes chansons te donne toujours ce frisson qui te dit : voilà ça fonctionne.
– Pour « Etranges Visions », vous étiez toujours autoproduits avec une distribution par Season Of Mist. Cette fois, vous êtes sur un label, Verycords, qui compte aussi de nombreux groupes français à son catalogue. En plus du soulagement que cela doit procurer, j’imagine que c’est ce que vous attendiez pour peut-être aussi franchir un palier dans cet océan de sorties de disques que l’on voit, et subit, aujourd’hui, non ?
Nous avions déjà bossé avec Verycords et certaines personnes à l’époque avaient eu l’idée que nous pouvions rouler tout seul sans l’apport d’une maison de disques. Nous avons fait quelques albums en autoproduction, mais c’est un boulot énorme. Il faut une équipe pour faire tourner tout ça et nous sommes avant tout des musiciens. Tout n’était pas gagné quand nous avons tapé à la porte de Verycords. Franchement, c’est un soulagement, après toutes ces années, de pouvoir enfin se consacrer à faire de la musique et laisser faire les pros.
– Enfin, un petit mot au sujet des concerts à venir et de cette époque des festivals qui arrive aussi. Quel est le programme ? Avec un tel album, vous devez être sacrément motivés et impatients, non ?
Nous sommes très impatients de monter sur les planches pour balancer notre setlist. Des choses se mettent en place. Nous avons Metallian Productions qui s’occupe de nos affaires et une tournée est en préparation, mais pour l’instant ça se met en place. Et nous avons hâte, vraiment hâte…
« L’Empire Du Crépuscule » d’ADX est disponible chez Verycords.
Retrouvez l’interview du groupe à l’occasion de la sortie d’« Etranges Visions » :
Pierre angulaire du groupe au côté du frontman Glenn Benton, Steve Asheim est le co-fondateur, le batteur et le principal compositeur de DEICIDE. Quelques décennies après la formation de l’emblématique combo Death Metal de Floride, le quatuor s’apprête à sortir « Banished By Sin », un nouvel album qui s’inscrit dans la lignée tracée par les Américains. Un brin Old School, une imagerie toujours sataniste, les ingrédients n’ont pas changé, mais la recette est efficace et semble plaire au légendaire cogneur américain. Entretien avec un musicien au regard très lucide.
Photo : Gene Smirnov
– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que tu nous dises un mot sur l’évolution de la scène Death Metal, puisque DEICIDE fait partie des précurseurs du genre depuis plus de 35 ans maintenant ? Vous sentez quelque part un peu garant et responsable de cet héritage ?
A l’époque où le groupe a débuté, le Thrash était à son apogée. Metallica, Slayer, Dark Angel et Destruction faisaient partie de mes groupes préférés. Le Death Metal n’en était qu’à ses balbutiements. Il y avait un, peut-être deux groupes, Death et Possessed, ce qui est d’ailleurs discutable, parce qu’ils étaient considérés comme du Thrash par la plupart. Et les groupes locaux étaient les seuls que je connaissais. Ils n’étaient pas tous signés à l’époque, donc personne en dehors de la scène locale n’en avait vraiment entendu parler. En ce sens, je suppose que nous étions tous des précurseurs de cette scène, comme tu dis. Et c’est bien de faire partie des fondations de quelque chose, comme on dit, cela cimente vraiment votre position dans une certaine lignée au fil des années, et quoi qu’on en dise.
– DEICIDE vient de ce que l’on appelait autre fois la ‘Mecque du Death Metal’ ou le ‘Temple du Death Metal’, un joyeux paradoxe d’ailleurs, à savoir Tampa en Floride. Est-ce que ce son si spécifique existe toujours, selon toi, en dehors de vous bien sûr ? Qu’en reste-t-il aujourd’hui, elle qui fut si prédominante dans les années 80/90 ?
Juste à cette époque ? Pour autant que je sache, c’est toujours le cas. D’ailleurs, pourquoi cela ne le serait-il plus ? (rires) Je pense que ce son peut être attribué aux studios Morrisound et aux techniques et aux équipements qu’ils ont utilisés. Il y avait des groupes aux sonorités très différentes, stylistiquement parlant, mais le véritable son, la qualité de la production, ainsi que la cohérence, ouais… On peut l’attribuer aux studios Morrisound et aux gens qui y travaillaient, à savoir les frères Morris, Jim et Tom, et bien sûr Scott Burns.
Photo : Gene Smirnov
– « Banished by Sin » est votre treizième album et ce qu’il y a de fascinant chez DEICIDE, c’est que vous n’avez jamais renié votre musique, votre approche et votre son. C’est un cap que vous tenez absolument à maintenir, ou situez-vous justement le groupe au-dessus des modes et des courants ?
Eh bien, une fois que nous avons atteint notre marque de production, notre style était assez unique et c’était vraiment le nôtre. Et c’est quelque chose à laquelle nous voulions nous accrocher. Cela a bien fonctionné pour nous et c’est toujours le cas. Je ne pense pas que nous ayons jamais suivi d’autres tendances que la nôtre, et ça marche très bien. Donc, si ce n’est pas cassé, ne le réparez pas, comme on dit ! (Sourires)
– D’ailleurs, « Banished By Sin » conserve ce petit côté Old School rageur et ravageur. On se retrouve presque plonger dans le temps quelque part entre « Legion » et The Stench Of Redemption », deux périodes pourtant très distinctes. Vous aviez une volonté de faire le lien entre ces deux époques majeures pour vous ?
Ce n’est pas quelque chose que nous avons essayé de réaliser intentionnellement, c’est plutôt arrivé très naturellement. Mais je vois ce que tu veux dire par là. C’est notre style, tu sais. La manière dont il a évolué est en quelque sorte une progression naturelle. Ce n’est pas quelque chose sur laquelle nous avons dû travailler. Tout a simplement suivi un chemin, qui est devenu son propre truc.
– Un mot tout de même sur un chiffre pas si anodin pour vous. « Banished By Sin » est votre treizième album, ce qui doit aussi vous réjouir. Y voyez-vous un signe ? Et y avez-vous porté plus de travail en amont pour faire en sorte qu’il reste dans les annales du Death Metal ?
Oui, 13 est un grand nombre, tu sais. Comme le 13 malchanceux, ou 1313, l’allée des oiseaux moqueurs où vivent les monstres (Rires)… Sa signification ne nous échappe pas, c’est donc plutôt une étape amusante à franchir. Et puis, 13 représente beaucoup d’albums pour un groupe, donc c’est un sacré exploit en soi. Mais j’espère que 13 sera un chiffre porte-bonheur pour nous et que ce disque pourra perdurer et réaliser de grandes choses pour nous. Comme tu dis, rester dans les annales du Death Metal, ce serait bien.
Steve Asheim
– Il y a une chose qui est inamovible chez DEICIDE depuis vos débuts, c’est la brutalité de votre style. Certains groupes le sont peut-être encore plus, mais chez vous, c’est méthodique. Est-ce la première chose sur laquelle vous vous penchez avant même le contenu ? La façon de faire ?
Le style n’est que la progression naturelle des musiciens qui le jouent. C’est donc ce qui le rend unique. C’est si personnel pour nous, tout comme le son de notre Death Metal. DEICIDE est un groupe vraiment unique, parce que notre son l’est. Et c’est une bonne chose. Cela aide aussi à se démarquer des autres, ça confirme notre propre identité et la rend reconnaissable.
– Sur « Banished By Sin », on sent aussi un certain enthousiasme dans cette frénésie sonore et musicale. On a le sentiment que vous avez retrouvé une énergie, qui s’était peut-être un peu atténuée sur les derniers albums. C’est le cas ?
J’ai trouvé les derniers disques plutôt bons, mais « Banished By Sin » semble bénéficier d’une progression assez naturelle par rapport aux autres. Et ils ont une énergie similaire dans ce sens. Mais oui, je suis d’accord avec toi, cet album a quelque chose de spécial.
– On ne va pas revenir sur les polémiques, les provocations et les multiples controverses qui ont jalonné l’histoire de DEICIDE, mais sortir « Banished By Sin » le ‘mercredi des Cendres’, jour d’observance religieuse chrétienne, s’il en est, n’est pas anodin. Les vieux combats sont toujours d’actualité ?
Ouais, tu connais les maisons de disques. Elles adorent ce genre de coups marketing et celui-là est leur idée. Et ça conserve et entretient aussi un petit côté malsain, je suppose. Et quitte à le sortir un jour précis, autant rendre la chose intéressante, mémorable et amusante !
Photo : Gene Smirnov
– Restons un moment sur la religion. DEICIDE a toujours affirmé être un groupe sataniste opposé au christianisme. Quel regard portes-tu sur la situation géopolitique mondiale avec la montée de l’intégrisme religieux un peu partout et le brutal conflit au Proche-Orient en Palestine ? Est-ce que ce sont aussi des sujets qui pourraient vous parler et vous inspirer ?
Les conflits mondiaux, je m’en fous complètement. Le monde a toujours été en conflit pour une raison ou une autre et le sera toujours. C’est une chose sur laquelle tu peux être sûr. Et si ce n’est pas pour la religion, ce sera pour une question de territoire, d’économie ou pour toute autre raison. S’il y a une chose sur laquelle vous pouvez compter par rapport aux gens et aux nations, c’est bien le conflit.
– Par ailleurs, en raison du style de votre Death Metal, ainsi que votre démarche, on ne peut s’empêcher de penser au Black Metal auquel vous avez toujours été opposés. Il n’y a toujours, selon toi, aucune relation directe entre votre musique et certaines revendications ou convictions ?
Je ne sais pas pourquoi tu dis que nous sommes opposés au Black Metal. Nous connaissons énormément de groupes depuis des années et nous avons tourné avec beaucoup d’entre eux. C’est pratiquement la même musique dans un sens, en tout cas pour un observateur occasionnel. Peut-être que le Death Metal a un côté plus écrasant dans l’élaboration des riffs. Mais en général, ils sont assez similaires, en particulier dans les paroles. Ils sont certainement à la fois lourds comme l’enfer, malades et brutaux, et ce sont tous de grands dénominateurs communs.
Photo : Gene Smirnov
– En tant que vétéran et fondateur d’un registre auquel DEICIDE est indissociable, que penses-tu de l’actuelle scène Death Metal ? Y a-t-il quelques groupes que tu pourrais considérer comme le renouveau du genre, ou du moins la continuité de ce que vous avez amorcé en 1990 avec votre premier album éponyme ?
Pas vraiment. Encore une fois, certains sous-genres existent juste à travers une certaine définition de ce qu’ils font et qu’ils se sont eux-mêmes donnés. Mais encore une fois, pour un observateur extérieur, tout est assez similaire. Cela dit, avec les jeunes groupes surtout, c’est agréable de les entendre garder cet esprit vivant et le faire avancer et évoluer dans la forme.
– DEICIDE conserve ce son très Old School, et on a d’ailleurs du mal à imaginer les choses autrement. Mais est-ce que vous avez déjà été tenté par des expériences musicales, qui vous en feraient peut-être dévier ?
Bien sûr, de nouvelles influences s’insinuent de temps en temps dans notre son et cela peut aider le groupe à évoluer, je pense. Mais nous sommes ce que nous sommes et il est difficile de s’en écarter de trop.
– Enfin pour bien faire les choses, il fallait bien une treizième question ! Vous allez reprendre le chemin des concerts très bientôt avec même un détour par la France cet été. Vous comptez mettre l’accent sur ce nouvel album, ou avec une discographie désormais conséquente, vous jouerez également vos classiques ?
Nous jouerons toujours les classiques que les gens veulent entendre, ça c’est une certitude. Quant aux nouveaux morceaux, nous verrons quelles chansons résonnent le plus auprès du public et nous jouerons sûrement certaines d’entre elles pour tout le monde. Nous voulons essayer de garder nos fans heureux, car cela nous rend heureux !
Le nouvel et treizième album de DEICIDE, « Banished By Sin » sortira le 26 avril chez Reigning Phoenix Music (RPM)