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Experimental Metal Progressif Rock Progressif

XCIII : avant-garde conceptuelle

Loin des conventions et des idées reçues inhérentes à chaque style et qui permettent à chacun de mettre les albums dans une case bien précise, XCIII fait fi des étiquettes, à moins que ce soit pour mieux les coller où bon lui semble. Sur « Void », c’est un télescopage savamment dosé entre des sonorités Metal, Trip-Hop, Prog-Rock, Coldwave et toujours avant-gardistes et expérimentales que nous propose le musicien français.

XCIII

« Void »

(My Kingdom Music)

Avec XCIII, on ne sait jamais vraiment à quoi d’attendre et c’est une très bonne chose ! Toujours seul aux commandes, Guillaume Beringer, qui interprète tous les instruments et le chant, semble pourtant sur « Void » désirer partager son univers, qui reste progressif et avant-gardiste, avec la chanteuse Maélise Vallez. Présente sur quatre morceaux, elle apporte une nuance, une lumière et une chaleur assez inattendues à ce cinquième album, toujours aussi minutieusement élaboré avec des arrangements bénéficiant d’une attention toute particulière.

Des styles et des ambiances différentes, XCIII en a parcouru depuis son tout premier EP « Majestic Grief » en 2010. Traversant tout à tour et au gré de son inspiration des registres comme le Black Metal, la Coldwave, le Trip-Hop, le Prog expérimental, l’Ambient avec parfois même des clins d’œil au Drone, le musicien livre « Void », un album peut-être plus personnel, presque conceptuel et en tout cas plus organique qu’à l’habitude. Une touche plus acoustique que l’on doit à l’évidence à l’intervention de deux pianistes et d’une violoncelliste (« Vs »).

Très bien produit et masterisé par Steve Kitch, gage de qualité s’il en est, « Void » donne aussi l’impression de moins jouer sur les boucles et se détourne des morceaux parfois répétitifs dans la forme, l’empreinte de l’univers dans lequel XCIII se meut depuis des années. Plus abordables aussi, des titres comme « Red Lights » ou « Hannah » conservent cet aspect expérimental et très Electro, mais ils font aussi émerger une facette estampillée ‘chanson’, rare jusqu’ici. Et « Rosemary » et « Tapeworm » viennent confirmer cette évolution permanente dans l’anticonformisme, qui reste la marque de fabrique de l’artiste.

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Experimental Metal Progressif Post-Metal

Seven Nines And Tens : l’avant-garde d’un Metal expansif

Plus expérimental et avant-gardiste que jamais, le post-Metal de SEVEN NINES AND TENS s’enveloppe de Math Metal et de Rock progressif pour mieux faire jaillir les textes, une première chez les Canadiens. Aguerri et virtuose, le trio livre un troisième album complexe et déconcertant, tout en restant abordable. Un monument de créativité et de technicité.

SEVEN NINES AND TENS

« Over Opiated in a Forest of Whispering Speakers »

(Willowtip Records)

Depuis une dizaine d’années maintenant,  le trio de Vancouver peaufine et affine son style, qui se fait de plus en plus précis et complexe au fil de ses réalisations. Après deux albums, un EP, quelques singles et un split, SEVEN NINES AND TENS se présente avec « Over Opiated in a Forest of Whispering Speakers » et une récente signature sur l’excellent label de Pennsylvanie Willowtip Records.

Ce troisième album des Canadiens rompt également avec un registre jusqu’à présent instrumental. David Cotton (guitare, chant) s’est attelé à la composition de ce nouvel opus et le fondateur de SEVEN NINES AND TENS interprète lui-même ses textes, apportant une dimension supplémentaire à la musique du groupe. Toujours plus progressif, le post-Metal du combo se fait dorénavant très avant-gardiste.

La sauvage et très expérimentée rythmique menée par Maximilian Madrus (basse) et Alexander Glassford (batterie) apporte un relief et une profondeur phénoménale à ce nouvel album (« Throwing Rocks At Mediocrity », « Midnight Marauders », « Edutainment », « Sunshine »). De plus en plus empirique, SEVEN NINES AND TENS se balade entre Shoegaze, Rock Progressif, Classic Rock et Math Metal avec une aisance déconcertante.

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Metal Progressif Rock Progressif

Oscil : des vagues de mélodies

Originaire de Paris, OSCIL signe son premier album, « First Step On My Moon », d’où se dégagent fraîcheur et élégance. Dans un registre progressif, le quatuor s’accapare les genres en combinant habillement un Rock mélodique et très groove avec des sonorités et des passages plus Metal et racés. Avec une approche très personnelle, le groupe se montre sous un beau visage.

OSCIL

« First Step On My Moon »

(Independant)

Dès leur pochette, certains albums laissent entrevoir la qualité de leur contenu. Et c’est le cas avec « First Step On My Moon », premier album d’OSCIL, qui fait suite à un EP, « Never Ending Road(s) », sorti il y a quelques années. Dans un univers progressif, les Parisiens se présentent avec un ton et un style bien à eux, oscillant entre Rock et Metal et portés par une voix féminine forte.

Toute en finesse, OSCIL développe son jeu avec une belle technicité en laissant à certains passages de leurs morceaux une légèreté douce et aérienne. Fort de la dextérité et du sens de la mélodie de ses membres, le quatuor développe un Rock Progressif, mais pas uniquement, puisqu’on y retrouve quelques ambiances Indie et des gimmicks Metal très efficaces.

Grâce à des arrangements subtils et très soignés (« Romance », « The Pact », « Enter the Haze » et le morceau-titre), OSCIL sait aussi se faire plus incisif grâce à des guitares acérées et un ensemble très fluide en jouant habillement sur la puissance de ses titres. La chanteuse du groupe accueille aussi le chanteur Ludo Desa pour un duo de haute volée (« The Heart Of A Woman »). Addictif !

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International Rock Progressif

Airbag : résilience acoustique [Interview]

Enregistré au Subsonic Society Studio d’Oslo où le trio avait enregistré son cinquième album, « A Day At The Beach » (2020), AIRBAG nous a récemment fait la bonne surprise de présenter une session acoustique de six morceaux. Aussi brillants que sur leur récent opus, les Norvégiens évoluent cette fois dans une formule plus épurée, et d’où se dégage une belle émotion. Retour avec Bjørn Riis, guitariste et chanteur du groupe, sur les derniers mois des Scandinaves, également privés de tournée.

– Lors de notre dernière interview, tu étais ravi de la sortie de « A Day At The Beach », qui est d’ailleurs l’un de vos meilleurs albums. Imaginais-tu l’impact que la pandémie aurait sur le monde de la musique à l’époque ?

Pas du tout. Je suppose que nous pensions tous que ce serait terminé au bout de quelques mois, et ce n’est toujours pas le cas. Et je crains aussi que nos gouvernements ne fassent tout ce qu’ils peuvent pour ruiner toute l’industrie musicale.

– Avant de parler de ce nouveau disque acoustique, j’aimerais que l’on revienne sur votre dernier album studio. Quel accueil a-t-il reçu malgré l’absence de concert ?

La réponse a été phénoménale. Bien que nous ne puissions promouvoir l’album au sens traditionnel du terme, nous avons eu des ventes et des critiques bien au-delà de nos attentes. Nous avons essayé de rester en contact avec nos fans via les réseaux sociaux et d’une certaine manière, la pandémie nous a peut-être rapprochés.

– L’annulation des tournées a du être très frustrante. Quel a été le déclic pour retourner en studio où vous aviez enregistré « A Day At The Beach » pour y concevoir cette superbe session acoustique ?

Nous avons vu beaucoup de groupes faire ce genre de sessions lors des confinements. Nous avons reçu plusieurs offres pour des diffusions en direct, mais l’idée ne nous a pas vraiment plu. Nous voulions enregistrer et filmer quelque chose qui pourrait à la fois être diffusé sur les réseaux sociaux et nous permettre de rester en contact avec nos fans, et aussi laisser une trace physique pour être sûr que tout le monde ait la chance de vivre cela correctement.

Bjørn Riis

– AIRBAG est un trio depuis deux enregistrements maintenant. Est-ce que, justement, cela a facilité les arrangements de vos morceaux en version unplugged, ou est-ce quelque chose que vous faites régulièrement en répétition, notamment ?

Nous avons fait des versions acoustiques de certaines de nos anciennes chansons lors de notre dernière tournée. Nous savions donc déjà comment tout arranger depuis cette expérience. Et cette fois, Henrik (Bergan Fossum, batterie – NDR) joue également de la guitare acoustique et contribue au chant.

– Les morceaux que vous reprenez sont riches en arrangements sur les versions originales. J’imagine qu’il vous a fallu les épurer. Comment avez-vous procédé ?

La plupart de nos chansons commencent sur une guitare acoustique, donc même les morceaux les plus lourds comme « Machines and Men » et « Sunsets » se traduisent très bien dans ce format. Il s’agissait plus de déterminer quelles parties de guitare inclure et de partager cela entre Henrik et moi. Asle (Tostrup, chant, claviers – NDR) a fait toutes les voix principales, tandis qu’Henrik et moi avons partagé l’accompagnement et travaillé les harmonies.

– Vous interprétez donc trois morceaux du dernier album. Comment les avez-vous choisis ? Il y avait certains critères, ou ceux-ci vous ont paru les plus marquants et emblématiques du disque ?

Il y a déjà deux instrumentaux, et « Megalomaniac » ne se traduisait pas très bien en format acoustique. J’avais écrit avec une guitare acoustique « Machines And Men », « Sunsets » et « Into The Unknown » et donc je savais qu’ils avaient tous les bons critères. Et puis, une bonne mélodie et un bon arrangement fonctionnent tout aussi bien dans ce format unplugged.

Asle Tostrup

– Puis, vous reprenez aussi deux de vos classiques, « Colors » et « Sounds That I Hear ». Finalement ça ressemble à un début de setlist de concert. Vous aviez déjà en tête les nouvelles versions de ces morceaux ?

Ce sont les deux chansons que nous avons interprétées en acoustique lors des tournées précédentes. C’était aussi l’occasion pour nous de revenir sur notre premier album, « Identity » (2009 – NDR), qui a fêté ses 10 ans il y a deux ans, et dont nous avons fait une réédition vinyle de luxe cette année.

– On découvre aussi « Come On In », seul titre inédit. L’avez-vous spécialement composé pour ce disque, ou est-ce qu’il était déjà prévu pour « A Day At The Beach » ?

C’est en fait l’une des toutes premières chansons que nous ayons écrites ensemble sous le nom d’AIRBAG. Nous avions enregistré un EP promotionnel en 2004, et nous avons toujours adoré ce morceau. La version originale est très atmosphérique et subtile, et a sans doute aussi posé les bases de la manière dont nous écririons et produirions nos futurs albums.

– On ressent beaucoup d’émotion sur ces six morceaux. C’est du à cette nouvelle approche musicale, ou surtout à la pénible situation sanitaire, qui vous a d’ailleurs peut-être aussi pousser à entrer en studio ?

Je ne pense pas que nous avions la pandémie en tête lorsque nous avons fait cela. Du moins, pas consciemment. C’est donc un format qui nous est très familier et naturel. Je pense que l’émotion que l’on entend est la même que lorsqu’on nous entend sur une grosse production.

Henrik Bergan Fossum

– D’ailleurs, « A Day In The Studio » est accompagné d’un DVD de cette session. Offrir ce témoignage vidéo est aussi une manière de vous rapprocher de vos fans et de garder un contact peut-être plus concert ?

Je me souviens des sessions ‘unplugged’ de certains de mes groupes préférés pour MTV au début des années 90, et j’écoute encore beaucoup ces albums : Neil Young, Kiss, Queensrÿche, etc… C’est une expérience très intime et inclusive, et je pense que nos fans apprécient que nous proposions quelque chose de différent, et aussi un aperçu de la façon dont nous écrivons et travaillons en studio.

– A priori, la pandémie reste toujours hors de contrôle en Europe où des concerts commencent même à être annulés. Comment et dans combien de temps envisagez-vous le retour d’AIRBAG sur scène ?

Nous avons dû déplacer tous nos concerts de ce printemps à l’automne prochain. C’est frustrant, mais encore une fois, nous avons des emplois et un revenu stable. Je ne peux pas imaginer à quoi ressemble la vie des autres musiciens, promoteurs et équipes de scène. C’est frustrant pour nous, parce que nous voulons sortir et passer un bon moment avec nos fans. Pour les gens qui en dépendent directement, ce doit être un cauchemar et j’ai beaucoup de craintes pour toute l’industrie musicale.

L’album d’AIRBAG, « A Day in the Studio / Unplugged in Oslo » est disponible chez Karisma Records depuis le 3 décembre.

Retrouvez la première interview du groupe pour Rock’n Force :

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Psych Rock Progressif Space Rock

Eldovar : rencontre du troisième type

Les Allemands de KADAVAR et les Américains d’ELDER se sont retrouvés en studio à Berlin en mars dernier pour de longues jams qui ont finalement débouché sur un album à l’écriture minutieuse et envoûtante. ELDOVAR et ce précieux « A Story Of Darkness & Light » ont éclos dans un Rock Progressif et psychédélique aux saveurs 70’s. Aérienne, soignée et envoûtante, la rencontre entre les deux formations tient presque de la magie… musicale en tout cas.

ELDOVAR

« A Story Of Darkness & Light »

(Robotor Records)

Si « The Isolation Tapes » sorti l’an dernier était déjà la conséquence directe de la pandémie, KADAVAR est resté actif et a enregistré au printemps dernier des jams avec différents partenaires de jeu et en l’occurrence, c’est le groupe de Rock Progressif ELDER qui s’est rendu aux Robotor Studios de Berlin pour finalement donner naissance à ELDOVAR. Très instinctif, « A Story Of Darkness & Light » n’est pas seulement un album échappatoire, mais le fruit de compositions très réfléchies. 

En dehors de Jack Donovan, bassiste d’ELDER coincé aux Etats-Unis, l’ensemble des musiciens des deux formations se sont retrouvés autour de morceaux toujours progressifs, bien sûr, mais d’où une ambiance très 70’s et Psychédélique émane de façon sauvage et très spontanée. Tout en respectant l’identité des deux groupes, ELDOVAR se pose comme un OVNI musical enthousiasmant, très créatif et « A Story Of Darkness & Light » un acte d’amour au style fondateur des sept musiciens.  

Entre Rock atmosphérique (« From Deep Within »), Folk psychédélique (« In The Way ») ou le très éthéré « El Matador », ELDOVAR combine et fait preuve d’une grande inspiration. La rencontre entre les deux semblait inévitable, car tellement évidente. L’instrumental « Rebirth Of The Twins », le Floydiens « Cherry Tree » et le monumental « Blood Moon Night » montrent une spontanéité et une dynamique intimes et saisissantes.

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Rock Progressif

Kosmodome : la magie vintage

Intelligent et pointu, ce premier album de KOSMODOME nous propulse quelques décennies en arrière grâce à une production très organique et chaleureuse. Ce premier album éponyme montre la belle créativité de la fratrie Sandvik et de son Rock Progressif légèrement et délicieusement vintage. Le duo multiplie et rapproche de nombreuses influences avec brio.

KOSMODOME

« Kosmodome »

(Karisma Records)

La grande famille norvégienne du Rock Progressif accueille un nouveau venu qui vient renforcer sa florissante scène actuelle. Avec un Rock traversant des contrées psychédéliques et même Stoner dans les guitares, KOSMODOME présente un style original où les parties instrumentales sont le liant et le socle d’un registre qui sonne d’ailleurs très vintage sans pour autant s’y perdre.

En se calant dans une certaine tradition établie depuis des décennies, les Norvégiens ne se contentent pourtant pas de marcher dans les pas de leurs aînés. Composé et imaginé par les frères Sandvik (Sturle à la guitare et au chant et Severin à la batterie), KOSMODOME affiche un univers assez singulier avec des atmosphères très originales et envoûtantes (« Enter The Dome »).

Ce premier album éponyme du duo originaire de Bergen rassemble des mélodies accrocheuses et feutrées, tout en déployant une énergie très contemporaine (« Hypersonic », « Waver I & II »). Assez rétrospectif dans sa démarche, KOSMODOME réalise un opus varié, émouvant et très libre dans son contenu, qui devrait ravir les amateurs des débuts du Rock Progressif (« Orbit »).

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Hard Rock International Metal Progressif Thrash Metal

Lordi : encyclopedia of monsters [Interview]

Mr LORDI n’est pas du genre à procrastiner, loin de là ! Alors que « Killection » venait de sortir et que les Finlandais étaient sur les routes, la pandémie a ramené tout le monde au bercail. Mais pas question pour le multi-instrumentiste de sortir un nouvel album standard ou même un volume 2 du précédent. Et pourquoi ne pas composer et enregistrer sept albums dans sept styles différents et qui auraient pu être édités entre 1975 et 1995 ? C’est le pari (remporté !) fou du Scandinave qui nous balade entre Hard Rock, Heavy Metal, AOR, Rock Progressif, Indus et Speed/Thrash. Une « Lordiversity » peu banale et hors-norme. Entretien avec le monstre en chef de LORDI.

– « Killection » est sorti il y a moins de deux ans et après une tournée écourtée, LORDI est déjà de retour et avec un coffret de sept albums inédits. Tu as tout composé durant ce laps de temps, ou est-ce que certains morceaux existaient déjà ?

En fait, j’avais déjà quelques morceaux prévus pour « Killection ». L’idée de « Lordiversity » vient directement de cet album, je voulais créer le back-catalogue de ce groupe imaginaire. En fait, j’ai tout composé durant l’été 2020 et au départ, je voulais sortir dix albums. Ma maison de disques m’a dit de n’en faire que sept. Pourtant, ce n’était pas un problème, j’avais les dix albums en tête. Ils ont tous été composés dans l’ordre chronologique et chacun a nécessité un mois complet pour l’enregistrement et le mixage. Donc, on aurait très bien pu en sortir dix, j’en suis sûr ! (Rires)   

– Avec le recul, crois-tu possible qu’un seul et unique groupe puisse aborder autant de styles différents… à part toi, bien sûr ?

Je n’en sais rien, mais j’ai envie de dire : « si tu peux le faire, get in the ring, motherfucker ! » (Rires) Blague à part, ce n’est pas si simple de passer du Thrash au Progressif, etc… Je savais que je pouvais le faire, traverser toutes ces ambiances différentes et faire les arrangements. Je sais faire tout ça et je n’ai pas besoin d’aide de qui que ce soit. Et ça me fait sourire intérieurement d’être conscient de ça. Et tous ceux qui se foutent de nous, de LORDI le monstre, j’aimerais beaucoup qu’ils essaient de faire la même chose. J’adorerais voir ça, vraiment ! 

– Durant la composition des albums, est-ce que tu t’es immergé en écoutant d’autres disques du même style et de la même époque pour mieux saisir l’état d’esprit et le son, ou pas du tout ?

Pas du tout ! Ca aurait tout bousillé ! (Rires) Avant de commencer les enregistrements, j’ai juste réécouté un ou deux disques marquants de chaque époque comme le premier Kiss, les Doors, Black Sabbath et c’est tout ! Rien d’autre ! Ensuite, j’ai pris ma guitare et j’ai commencé à composer. Je n’avais pas besoin d’autre chose. Et j’ai ensuite enchaîné les albums de la même manière avec quelques repères, bien sûr, mais rien qui puisse m’influencer. C’était juste pour choper l’ambiance de chaque époque.

– Enfin, vous allez repartir en tournée très bientôt. Définir une set-list risque d’être un vrai casse-tête ! A moins que vous en changiez à chaque concert ? Comment avez-vous prévu de vous organiser ?  

Tout le monde me demande ça ! C’est vrai que c’est assez rigolo ! Sur la prochaine tournée par exemple, on va ouvrir pour Sabaton avec un set de 45/50 minutes environ. Ce n’est pas une configuration pour jouer ces albums. Donc, je pense qu’on jouera les singles et peut-être un ou deux titres de « Lordiversity». En revanche, pour les festivals, ce sera très différent. Tu es là pour jouer une sorte de bande annonce pour des gens qui sont là pour boire des bières et s’amuser. Ce n’est donc ni le lieu, ni le moment pour les jouer, non plus. Et quand nous serons sur notre propre tournée, ce sera encore autre chose. Là, on pourra choisir des morceaux de chacun album. Cela dit, je ne peux pas encore dire quand est-ce que nous aurons l’occasion de repartir en tournée pour le moment. C’est finalement assez drôle, ça aussi ! (Rires)

– Au fait, un dernier petit mot au sujet du dernier Concours de l’Eurovision que vous avez gagné en 2006. Ca t’a fait plaisir de voir des groupes comme Måneskin et Blind Channel ?

C’était cool de les voir ! J’ai bien sûr été très content de voir ça. Les choses sont en train de changer. Ca fait 16 ans… Ah ouais, 16 ans quand même… (Rires) On voit arriver de nouveaux groupes et ils font du Rock, même assez Metal. En dehors de Måneskin et Blind Channel, on constate que d’autres pays présentent des groupes de Rock. C’est une vraie évolution pour l’Eurovision, car la majorité des spectateurs de ce concours n’écoutent pas de Rock ou de Metal. Tous les 15 ans, les gens ouvrent à nouveau les yeux et retrouvent le droit chemin ! (Rires) 

Le coffret de LORDI, « Lordiversity » est disponible chez AFM Records.

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France Post-Metal Progressif

Maudits : un destin en main [Interview]

Le Metal post-Progressif de MAUDITS prend une nouvelle tournure et continue de s’affiner. A peine un an après la sortie de son premier album éponyme, le groupe poursuit sa route et livre « Angle Mort », un nouvel EP original, pointu et sans complexe. Forte d’un univers original, la formation a aussi vu son line-up évoluer ce qui semble même lui avoir apporté une motivation supplémentaire. Olivier Dubuc, le guitariste du duo, revient sur la création de cette nouvelle réalisation très protéiforme.

– Quand je vous ai interviewé en décembre dernier peu après la sortie de votre premier album, vous aviez déjà profité des deux confinements pour composer et vous étiez même prêts à enchainer. Depuis, que s’est-il passé en marge de l’enregistrement de ce nouvel EP ?

Cet EP n’était pas prévu. Au départ, nous voulions commencer à défendre en live l’album après le premier confinement, et enchainer par l’enregistrement du matériel composé pendant ce temps-là. Mais tout le monde sait que ça ne s’est pas passé comme ça, et nous nous sommes retrouvés une nouvelle fois coincés à la maison. Je me suis donc mis à travailler sur une nouvelle version de « Résilience », seul avec ma pédale de loop pour l’enregistrement d’une vidéo live, histoire de mettre un peu de matière sur les réseaux. Finalement, nous nous sommes dit avec Chris (batterie, samples) qu’il serait bien d’étendre ça sur un ou deux morceaux, de les enregistrer proprement et pourquoi pas de les proposer en téléchargement sur notre Bandcamp. Dans le même temps, Raphaël Verguin, le brillant violoncelliste, dont je connaissais très bien le travail avec Spectrale (mais sans le connaître personnellement à l’époque), nous a commandé l’album sur Bandcamp. Je me suis donc permis de le contacter pour savoir s’il serait partant à l’idée de travailler avec nous sur ces nouvelles versions. Il a accepté et comme nous ne savons pas faire les choses à moitié, nous nous sommes mis à fond dans le projet, le tout à distance. L’idée était de pouvoir enregistrer très rapidement pour enchaîner sans laisser passer deux ou trois ans entre deux sorties. Et honnêtement, nous étions extrêmement satisfaits de la matière proposée, ce qui nous a donné l’envie et la confiance pour continuer. Cet EP est devenu pour nous une sortie à part entière, et pas juste un petit amuse-gueule avant le deuxième album, et nous l’avons chéri et travaillé avec la même intensité que le précédent.

– La surprise de cet EP vient aussi du line-up. D’une formule en trio, vous êtes devenus un duo. Que s’est-il passé et MAUDITS a-t-il rapidement trouvé un nouvel équilibre ?

Oui, nous avons construit et maquetté « Angle Mort » presqu’exclusivement à deux avec Chris. Puis, Anthony, notre ancien bassiste, a quitté le groupe peu de temps avant l’enregistrement. Avec du recul, je pense que ces deux confinements ont largement contribué à sa perte de motivation pour MAUDITS. L’éloignement physique imposé durant cette longue période a creusé un fossé entre nous, et comme les nouvelles technologies ne sont pas vraiment son truc, il a un peu lâché et ne s’est jamais vraiment intéressé au projet avec le boulot à distance que cela nécessitait.

Je pense aussi que l’idée de base ne l’intéressait pas plus que cela. Il souhaitait enchaîner directement avec ce que nous avions mis en place durant le premier confinement. Bref, nous étions à fond dedans et lui pas du tout. Et outre cette mésentente artistique, plusieurs choses sont ressorties, notamment sur notre manière d’avancer, nos prises de décisions et notre conception de ce projet qu’est MAUDITS. L’écart s’est creusé et le point de non-retour est arrivé.

Si ces situations arrivent à beaucoup de groupes en temps normal, le contexte d’enfermement et de distance forcée a accéléré le processus de séparation et l’a donc précipité. Plus concrètement, cela ne nous a pas réellement déséquilibré, car nous avions presque intégralement fonctionné avec la même méthode depuis le premier album, en posant les bases avec Chris.

Olivier Dubucq (guitares)

– Sur « Angle Mort », on découvre deux nouvelles compositions et trois autres titres présents sur votre album dans des versions réenregistrées et réarrangées. Concernant ces dernières, vous n’étiez pas satisfaits des premières moutures ?

Si, nous les adorons ! Pour nous, l’intérêt de ses nouvelles versions était de déconstruire complètement les plages d’origine en ne gardant que les thèmes de base, afin d’en faire quasiment des nouveaux morceaux. Et à la rigueur, tant mieux si les auditeurs ne les reconnaissent pas du premier coup, cela prouve qu’on aura atteint notre objectif ! Nous les avons d’ailleurs renommé pour brouiller les pistes. Le point de départ était la réinterprétation de « Résilience », qui nous a vraiment donné envie de pousser le concept sur « Verdoemd » et « Perdu d’Avance » (initialement titrés « Maudits » et « Verloren Strijd »).

– Les deux nouveaux titres  ont-ils été composés alors que vous étiez déjà à deux, ou s’agit-il de morceaux datant de l’album ?

Non, nous les avons composé à deux et à distance comme pour les trois réinterprétations.  D’ailleurs, « Epäselvä », notre premier single, a volontairement été composé au dernier moment sur une période très courte en le construisant sur plusieurs rythmes Dub et très énergiques, improvisés directement en studio par Chris, le tout sur un tempo choisi sur le moment un peu au hasard. Par la suite, j’ai peaufiné mes ambiances, mes arpèges et les riffs sur ses parties, juste avant l’enregistrement final de la guitare. Nous avions déjà procédé comme ça pour le premier album sur « Verloren Strijd », et nous avons voulu retenter l’expérience. On a appris à aimer cet exercice, car tout ce qui sort quand on est dans l’urgence est très spontané et, à chaque fois, cela a donné un résultat très particulier et organique. Raphaël a par la suite improvisé une très belle ligne de violoncelle (nous avons d’ailleurs gardé sa première prise) et pour finir, Erwan a enrobé l’ensemble d’une ligne de basse bien Dub et entêtante. Le morceau dégage une émotion plus brute et sans filtre, qui tranche avec le côté très réfléchi du reste.

– Finalement, lorsqu’on voit la durée d’« Angle Mort », vous auriez pu le compléter d’un ou deux titres et sortir un deuxième album, non ? A moins que c’était vraiment un format EP que vous aviez en tête ?

Oui, l’idée initiale était un EP. Il ne devait d’ailleurs contenir que les trois réinterprétations. Mais les idées d’« Angle Mort » et d’« Epäselvä » sont arrivées toutes seules et ça collait bien avec le reste. Et puis, même si nous avions eu d’autres morceaux à disposition et qui collaient à l’ambiance, je pense nous aurions laissé comme ça car tout s’imbriquait bien tel quel. Un ou deux morceaux de plus auraient nui à la dynamique et la cohérence de l’ensemble.

Christophe Hiegel :(batterie) 

– Même si MAUDITS conserve ce côté très organique dans la production, on note la présence plus importante de samples notamment. L’intention est toujours d’explorer de nouveaux horizons sonores et musicaux ?

Oui, nous avons développé et mis en avant un peu plus les samples sur « Angle Mort ». Je n’ai jamais caché mon amour pour le Trip Hop avec, entre autre, Portishead, Massive Attack, Ezekiel ou encore Scorn et leur manière si particulière d’intégrer les samples. Chris est un expert sur tout ce qui concerne le Dub. Il avait d’ailleurs un excellent projet du nom de Blue Mountain, avec qui il a enregistré un superbe album. Ces influences, si elles étaient déjà présentes sur le premier album, ressortent encore plus sur « Angle Mort ». Je pense que le format et le contexte dans lequel on l’a travaillé ont naturellement favorisé ce genre d’expérimentation et a naturellement fait ressortir un peu plus cet aspect de notre univers musical.  Et pour info, il n’y a absolument rien de programmé : tout a été joué. Chris tenait à tout faire lui-même et c’est sûrement pour ça que le côté organique est conservé.

– Cette fois encore, vous avez intégré des cordes, en l’occurrence du violoncelle. La musique de MAUDITS fait toujours la part belle aux arrangements avec également du synthétiseur Moog, ce qui est devenu assez rare, et différents effets. L’aspect expérimental demeure toujours très palpable, malgré le côté accessible de vos morceaux…

Oui, comme je l’ai dit lors de notre précédente interview, nous ne nous fixons aucune limite musicalement, tant que cela nous plaît et qu’à l’arrivée ce soit cohérent. En effet, on aime beaucoup expérimenter avec différents instruments et textures pour enrichir notre musique. Cela vient probablement de notre passé progressif avec notre ancienne formation The Last Embrace. Bien que le son et l’orientation de MAUDITS soit très différente, nous partageons probablement inconsciemment l’approche aventureuse d’une certaine frange du Rock Progressif.

– Même si on entend quelques voix, l’idée d’intégrer un chanteur n’est toujours pas à l’ordre du jour ? MAUDITS est et restera instrumental ?

C’est vrai que sur l’album, nous souhaitions intégrer un spoken words sur « Verdoemd ». Il a été écrit et enregistré par Nicolas Zivkovitch (Ddent, Fiend, Krv, Les Tigres du Futur), qui est un très bon ami et un super musicien. Mais en effet, je pense que MAUDITS restera un projet majoritairement instrumental. Après, si certains passages appellent une voix, nous n’hésiterons pas à en mettre, mais intégrer un chanteur n’est pas une option pour nous. Nous sommes très bien comme ça.

– Enfin, concernant la scène, comment allez-vous vous produire ? Juste en duo et avec l’aide de diverses programmations, ou avec quelques invités comme sur vos disques ?

En fait, nous sommes redevenu un trio, même si nous sommes effectivement deux sur les photos promos. Erwan, notre nouveau bassiste, est arrivé seulement deux semaines avant l’enregistrement final, donc il n’a pas pu participer à la composition à proprement parler. En revanche, il a composé et arrangé toutes ses lignes de basse dans ce lapse de temps très court. Je tiens d’ailleurs encore une fois à le remercier, car le résultat est fantastique et pertinent. C’est un bassiste très doué et une belle personne, qui dégage une énergie positive et qui nous a mis un bon coup de fouet. C’est un plaisir de l’accueillir officiellement parmi nous.

Nous avons d’ailleurs fait nos deux premiers concerts récemment avec lui et la formule trio marche très bien ! Chris contrôle, joue et lance les divers samples (violons, claviers, etc…) avec son PAD et j’utilise une grosse pédale de loop avec beaucoup d’effets, ce qui nous permet de reproduire presqu’à l’identique en live la masse sonore qu’on entend sur les albums. Cela représente un sacré boulot pour tout le monde, mais c’est une sensation grisante de pouvoir tout gérer soi-même. On verra en fonction des endroits et des événements, mais il n’est pas impossible qu’on fasse appel à des invités sur scène pour certaines occasions. On aimerait beaucoup le faire avec le violoncelliste d’« Angle Mort », Raphaël Verguin. On verra si c’est possible !

« Angle Mort » de MAUDITS est disponible depuis le 5 novembre chez Klonosphere.

Retrouvez la première interview du groupe pour Rock’n Force :

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Metal Progressif Rock Progressif

Katatonia : l’élégance d’un édifice trentenaire

Malgré un onzième album sorti l’an dernier, le quintet suédois a tenu à célébrer de belle manière ses trois décennies d’existence à travers un magnifique double-album, « Mnemosynean » (la déesse de la mémoire), où l’on peut voir le groupe grandir et affiner son style. KATATONIA trace sa route, va de l’avant et jette aujourd’hui un regard généreux dans le rétro.

KATATONIA

« Mnemosynean »

(Peaceville Records)

Après l’excellent « City Burials » sorti l’année dernière, KATATONIA a voulu faire un beau cadeau à ses fans avec « Mnemosynean », superbe double-album qui retrace 30 ans d’une carrière exceptionnelle en constante évolution. Ici, nullement question d’un Best-Of, mais plutôt d’une belle collection de titres inédits, rares, de reprises et de remixes étonnants.

Les 27 morceaux de « Mnemosynean » parcourent trois décennies d’une créativité assidue où le Doom, le dark, le Rock et le Metal Progressif s’entremêlent avec originalité et pertinence. Depuis leurs débuts sur la scène underground, Jonas Renkse et Anders Nyström, fondateurs et principaux artisans de KATATONIA, n’ont eu de cesse de faire évoluer le groupe avec élégance.

Traversant une période allant du premier album « Dance of December Souls » (1994) jusqu’aux sessions de « The Fall Of Hearts » sorti en 2016, les Suédois proposent de nombreuses faces B, mais aussi et surtout la totalité de leurs innombrables EP. Quelques reprises et des remixes collaboratifs viennent compléter « Mnemosynean » et montrent ô combien KATATONIA est un groupe aussi inspiré qu’incontournable.

Catégories
Rock Progressif

Himmellegeme : une lumière très nordique

Sincère et très soigné dans sa production, ce deuxième album de HIMMELLEGEME fait suite à « Myth Of Earth », qui avait valu de belles critiques au groupe norvégien. Très bien structurés, ces nouveaux morceaux évoluent dans un Rock Progressif atmosphérique aux arrangements minutieux. Assez sombre, « Variola Vera » est à la fois aérien et dynamique.

HIMMELLEGEME

« Variola Vera »

(Karisma Records)

S’il se dégage une mélancolie ambiante sur ce nouvel album des Norvégiens de HIMMELLEGEME, c’est probablement dû au thème de celui-ci qui s’articule autour de l’impact de l’homme sur la planète et de ses conséquences. On a vu plus joyeux, mais il faut reconnaître qu’une force et une puissance artistique émanent de « Variola Vera ».

Très atmosphérique et reprenant les codes d’un Rock Progressif assez classique, ce deuxième album des Scandinaves regorge de mélodies très travaillées, qui restent rapidement gravées (« Brother », « Let The Mother Burn ») Véritablement guidé par la voix de son chanteur, Aleksander Vormestrand, HIMMELLEGEME se montre créatif.

Grâce à la production très organique d’Anders Bjelland (Electric Eye, Hypertext), les morceaux de l’album bénéficient d’une profondeur musicale pleine d’émotion. Les riffs massifs et les solos très floydiens de Hein Alexander Olson offrent un relief tout en contraste à « Variola Vera » (« Blowing Raspberries », « Agafia »). HIMMELLEGEME livre un opus solide et élégant.