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Susan Santos : sunny vibes [Interview]

La guitariste, chanteuse, compositrice et productrice SUSAN SANTOS a livré il y a quelques semaines son nouvel et sixième album, « Sonora ». Elle nous transporte au coeur du desert à travers huit titres à l’atmosphère plutôt Blues Rock, mais pas seulement. Mâtiné de divers courants allant de sonorités hispaniques et Southern, comme Country ou même Western, l’Espagnole fait preuve d’un éclectisme bluffant et d’une maîtrise totale avec une identité marquée. L’occasion de lui poser quelques questions au sujet de ce brûlant nouvel opus…   

Photo : Juan Pérez-Fajardo

– Le moins que l’on puisse dire est que « Sonora » est un album très solaire à de nombreux points de vue. Même s’il ne dénote pas de tes précédentes réalisations, est-ce que faire du désert le point central du disque est une envie que tu as eue avant même le processus de composition ?

C’est quelque chose qui s’est fait petit à petit, en fait. J’ai commencé à écrire des chansons sans intention précise, et au fur et à mesure du choix des morceaux, l’idée a émergé pour devenir finalement le fil rouge de l’album.

– D’ailleurs, tu l’as entièrement composé, paroles et musique, et tu l’as aussi coproduit avec Jose Nortes. Tout a été réalisé aux studios Black Betty à Madrid. C’était important d’être presque seule à chaque étape de « Sonora » pour en quelque sorte ‘centraliser’ les choses ?

Dès le départ, il était clair pour moi que je voulais faire les choses à ma manière, tout décider et participer à tout le processus, y compris le mixage et le mastering. L’enregistrer à Madrid était le plus pratique, puisque j’habite là. L’enregistrement s’est fait en quelques jours, mais avec les concerts, les voyages et les tournées, j’ai du attendre mon retour pour repartir en studio pour le mixage.

Photo : Juan Pérez-Fajardo

– Les morceaux de « Sonora » sont efficaces sans pour autant être épurés, loin de là. On t’entend jouer de la guitare électrique, baryton et acoustique, ainsi que du banjo et du thérémine. L’album est vraiment très riche, ainsi qu’au niveau des arrangements. Est-ce une chose sur laquelle tu t’es longuement penchée ?

Pas vraiment, la vérité est que tout s’est fait un peu à la volée. En fait, j’ai même écrit  des chansons et de nombreux arrangements en studio pendant que nous enregistrions. J’avais une totale liberté de décision et c’était vraiment très amusant ! C’est vrai que tout ça a aussi fait bouger beaucoup de choses pendant les journées d’enregistrement.

– Je disais que « Sonora » était musicalement très solaire dans son ensemble, à travers le thème du désert bien sûr, mais aussi musicalement. C’est la première fois que tu réalises ce qu’on pourra apparenter à un album-concept ?

Oui, c’est la première fois que je fais quelque chose comme ça. Comme je te le disais, je n’y ai pas pensé au début, lorsque je me suis décidée à enregistrer un album. J’ai commencé l’écriture des chansons et dès que j’en ai eu deux ou trois, c’est à ce moment-là que l’idée m’est venue et s’est imposée.

Photo : Juan Pérez-Fajardo

– Evidemment, la thématique et certaines sonorités hispaniques, et parfois Southern aussi, font penser à une bande originale de western. Est-ce un peu de cette manière que tu as conçu « Sonora » ?

Absolument ! J’aime beaucoup être au croisement de tous ces sons entre Rock, Blues, Country, Southern Rock et Western. Et l’environnement du désert est parfait pour encadrer et englober toutes ces ambiances.

– Un petit mot aussi sur le clip de « Hot Rod Lady », qui a été tourné à Joshua Tree. Pourquoi spécialement là-bas, même si on en a une petite idée ? On aurait aussi pu l’imaginer dans les Bardenas Reales… 

En fait, j’étais en tournée en Californie, lorsque je mixais l’album et on était très proche de Joshua Tree. Ca m’a semblé être l’endroit parfait pour le tournage du clip de la chanson.

– Depuis tes débuts, tu multiplies les styles de Blues et aucun ne te résiste. Y a-t-il cependant un registre qui a ta préférence et qui te ressemble le plus ?

Je suis très curieuse de tous les styles musicaux et beaucoup d’entre eux se marient facilement car, au final, ils ont tous la même source et les mêmes racines. J’aime toujours me renseigner en amont pour ensuite orienter les chansons vers d’autres ambiances. C’est à chaque fois un défi que j’aime beaucoup.

Photo : Juan Pérez-Fajardo

– Depuis quelques années, on voit de plus en plus de blueswomen mises enfin en lumière. Certains découvrent de grands talents, alors que la majorité d’entre-vous êtes là depuis un bon moment. Est-ce que tu penses aussi que cette reconnaissance est souvent un peu tardive ?

Oui, il nous faut se battre et progresser petit à petit. Pour le moment, je continue à faire ce que j’aime le plus, c’est-à-dire composer des chansons et les jouer en concert partout où c’est possible. Et oui, bien sûr que j’aimerais avoir bien plus de reconnaissance, évidemment.

– On l’a dit, tu navigues entre plusieurs styles, tous plus ou moins Rock d’ailleurs. Cela dit, ton propre son est très européen, malgré quelques touches américaines, notamment Southern. Est-ce qu’après toutes ces années et avec six albums à ton actif, il y a un désir en toi de t’imposer au pays du Blues, ou est-ce que les frontières ont déjà été franchies ?

J’ai beaucoup voyagé, mais pour le moment je me sens très bien ici en Espagne. J’y ai de bonnes relations avec beaucoup de monde et de bonnes collaborations également. Mais je n’exclus pas de vivre ailleurs à l’avenir. La vérité est que je joue déjà beaucoup en dehors de l’Espagne, car ici le circuit est assez restreint pour ce style de musique.

Le nouvel album de SUSAN SANTOS, « Sonora », est sorti et est disponible sur le site de l’artiste : https://www.susansantos.info/shop

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Americana Blues Rock Desert Rock

Freddy And The Phantoms : northern Americana

Avec une approche très cinématographique, FREEDDY AND THE PHANTOM nous conte ses histoires, ses réflexions et ses pensées sur des thématiques comme la liberté, la spiritualité et les nombreux désirs, plus ou moins coupables. Quoi de plus propice qu’un Blues Rock mélodique et sauvage, où l’Americana rencontre le Desert Rock pour ne faire qu’un ? Très modernes dans leurs compositions, les Danois parviennent sans mal à créer un univers particulier et « Heathen Gospels » se montre d’une incroyable variété.

FREDDY AND THE PHANTOMS

« Heathen Gospels »

(Target Group/SPV)

Ce sixième album de FREDDY AND THE PHANTOMS est une promesse, celle de partir à travers les grands espaces et l’on pense bien sûr irrémédiablement à des paysages américains. Pourtant, c’est du Danemark qu’est issue la formation. C’est même dans son propre studio situé sur la côte nord de l’île de Sealand, la principale du pays, qu’elle s’est engouffrée pour concocter ce « Heathen Gospels » aux saveurs multiples, mais dont les sonorités et les influences résonnent en écho à celles de grands noms. Bien digérées, il en ressort un style très personnel, peaufiné au fil du temps.

Ils le reconnaissent eux-mêmes, « Heathen Gospels » est le fruit d’un véritable travail collectif. Et lorsque vous disposez au sein du même du groupe trois guitaristes et que tout le monde se met au chant, il en résulte forcément une richesse musicale intense. Si l’on peut aisément ranger FREDDY AND THE PHANTOMS dans la grande famille du Blues, ce serait tout de même un peu réducteur. Les slides rayonnent, tout comme l’orgue Hammond, et il y a une touche de Desert Rock qui flotte dans l’air et qui lui donne même ce côté très Americana, porté par des textes très bien écrits.

Pour autant, la production est très européenne, ce qui n’est pas un défaut en soi, évidemment, et qui est d’ailleurs peut-être même la marque distinctive de FREDDY AND THE PHANTOMS dans cet univers très Yankee. On voyage ainsi dans un Blues Rock raffiné, très légèrement teinté de Country, de Classic Rock et dans une atmosphère souvent aride (« Heart Is A Highway », « Skeleton Man », « Blood », « Get High », « Tuesday’s Gone », « Times Files By »). Les Scandinaves réussissent le tour de force de nous embarquer dans leur Nord natal dans une atmosphère dépaysante et aventureuse.

Photo : Jacob Fox Maule
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Blues Country folk International

Sue Foley : une femme et sa guitare [Interview]

Si l’on connait le Blues Rock enflammé de SUE FOLEY, on connaît beaucoup moins sa passion pour l’Histoire de son instrument de prédilection : la guitare. Réputée pour son incroyable feeling, la guitariste et chanteuse est également une grande technicienne, qui n’hésite pas à s’aventurer dans d’autres registres que le sien. Avec « One Guitar Woman », son dernier album, la Canadienne présente un panel assez inattendu de styles qu’elle traverse avec maestria en rendant hommage aux pionnières de la six-corde. Entretien avec une musicienne complète, curieuse et qui aime l’aventure.

Photo : Todd V Wolfson

– Après le très Blues Rock « Pinky’s Blues », on te retrouve dans un registre très différent dans lequel on ne t’attendait d’ailleurs pas forcément. D’où t’es venue cette idée de rendre hommage aux femmes pionnières de la guitare ? Est-ce qu’il y a aussi eu un effet #metoo, qui t’a amené à imaginer cet album ?

C’est un album vraiment basé sur une inspiration et il n’y a aucun lien avec le mouvement #metoo. C’est juste une dédicace aux femmes qui m’ont ouvert la voie. Je travaille là-dessus depuis des années et j’essaie de maîtriser les styles de guitare spécifiques à chacune de ces héroïnes de la guitare.

Au départ, l’idée est née d’un processus d’entretiens avec d’autres guitaristes femmes pour un livre sur lequel je travaille. On est d’ailleurs encore un peu loin de sa sortie. Mais cet album est né de mon amour pour la musique traditionnelle et j’ai le sentiment de pouvoir incarner cet aspect des femmes pionnières, des styles et l’histoire de ces guitaristes. C’est un véritable travail et une démarche d’amour.

– L’idée de « One Guitar Woman » est de célébrer de grandes guitaristes et surtout de tous horizons. Que ce soit de la Country, de la Folk, du Blues bien sûr, mais aussi de la guitare classique ou du Flamenco, tu ne t’aies rien interdit. C’était important pour toi de parcourir un si large panel ?

Il s’est avéré que les femmes que j’étudiais appartenaient à des genres musicaux très divers. Cela m’a conduit vers différents domaines, notamment le classique et le flamenco. Je n’ai jamais rien sorti de tel auparavant, mais cela a été un excellent exercice pour élargir mon jeu de guitare et ma connaissance de la musique en général. Il y a tellement de grandes pionnières et elles ne sont pas toutes dans le Blues. Et cela a été pour moi une grande aventure musicalement.

Photo : Mark Abernathy

– En tant que blueswoman, tu aurais aussi pu te concentrer sur les femmes dans le Blues. Il n’y avait pas suffisamment de pionnières, selon toi ?

J’aime le processus d’apprentissage de différents styles de musique. Par exemple, j’ai vraiment apprécié apprendre cette paix qu’Ida Presti incarne (guitariste et compositrice française, 1924-1967 – NDR) et donc la guitare classique. Quelle extension de mon jeu ! Il y a plusieurs femmes dans le Blues qui auraient pu aussi m’intéresser, mais elle était la plus inattendue et, je pense, plus variée aussi musicalement. Cela m’a mis à rude épreuve en tant qu’artiste.

– Si l’on reste sur la présence des femmes dans le Blues, on s’aperçoit que vous êtes de plus en plus nombreuses depuis de longues années maintenant. Qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ? C’est le niveau de jeu qui est meilleur ? Je n’ose croire que ce soit juste une question de mode, ou de glamour…

Ce n’est certainement pas une question de mode ou de glamour. Je crois sincèrement que le fait d’avoir eu Memphis Minnie and Blues dans les années 1930, en tant que lead-guitariste a ouvert la voie pour nous toutes. On peut dire ça pour le Blues comme dans la musique classique avec Ida Presti. Il y a beaucoup de musiciennes dans ces deux genres et ce depuis des décennies. Quand j’ai débuté dans le Blues, il y en avait déjà plusieurs et Bonnie Raitt est devenue une référence à cette époque, ce qui a vraiment ouvert les yeux des gens sur les femmes qui jouent de la guitare solo. Je crois aussi que dans le Blues, c’est une question de feeling. En fin de compte, tu ne peux pas faire semblant quand tu joues. Et les plus grands musiciens connaissent très bien la différence.

Photo : Todd V Wolfson

– D’ailleurs, quel regard portes-tu sur tes consœurs comme Ana Popovic, Samantha Fish, Susan Santos ou Susan Tedeschi pour ne citer qu’elles ? Comme pour toi, on ne porte plus un regard uniquement féminin sur leur jeu. C’est une belle reconnaissance, ou cela s’inscrit plus simplement dans l’ordre des choses ?

Les choses ont progressé au fil des années jusqu’à ce qu’il y ait de plus en plus de femmes à jouer de la guitare. Tu les vois tout le temps sur les réseaux sociaux maintenant. J’ai vu des jeunes filles adolescentes arriver. Certains d’entre-elles sont des musiciennes incroyables. C’est très excitant. Je félicite toutes mes consœurs du monde du Blues. Je sais que ce n’est pas facile et que tout le monde travaille très dur pour en faire son métier et rester sur la route. Alors, elles ont toutes mon infini respect et toute mon admiration.

– Revenons à « One Guitar Woman », qui traverse donc de nombreux styles, mais aussi plusieurs époques et différents pays. Est-ce que c’était important aussi de montrer une certaine évolution dans le temps, les cultures et leur technique ?

Je me suis principalement intéressée aux styles de guitare de ces pionnières de la guitare. Ce sont des femmes qui, selon moi, ont eu un impact énorme à la fois sur leur culture et sur le monde de la guitare. C’est principalement là-dessus que je me suis concentrée. Et j’ai aussi choisi des chansons que j’aime vraiment jouer, bien sûr.

Photo : Todd V Wolfson

– D’ailleurs, comment as-tu effectué le choix de ces 12 musiciennes et des morceaux ? Ce sont d’abord et surtout celles qui t’ont influencé d’une manière ou d’une autre ?

Certaines de ces chansons sont des standards, ou les chansons les plus connues de ces artistes comme « Freight Train » d’Elizabeth Cotten, par exemple. Et j’ai aussi choisi d’autres morceaux, parce que je sentais pouvoir vraiment les interpréter avec tout mon cœur, comme « My Journey To The Sky » de Sister Rosetta Tharpe.

– A travers tous ces styles musicaux, dans lequel as-tu pris le plus de plaisir ? On peut imaginer que c’est le Blues, voire la Country, au vue de ta discographie ?

J’adore jouer du Blues, bien sûr et j’aime aussi beaucoup jouer du fingerpicking piémontais (une technique issue du Blues du Piemont jouée sans médiator – NDR). Ce sont des styles que j’ai joués toute ma carrière. J’ai commencé à faire du picking à l’adolescence, donc je suis très à l’aise avec ça. Honnêtement, j’ai apprécié tous ces registres différents. Mais le Blues est certainement ma plus grande zone de confort.

Photo : Mark Abernathy

– Un mot aussi sur l’enregistrement qui est incroyablement limpide. Même si la production est assez épurée, j’imagine que cela ne facilite pas les choses entre des titres Folk, Country ou Flamenco. Y avait-il certains ‘codes’ à respecter au niveau des sonorités ou de l’intensité de ton jeu ?

J’ai fait appel ma dream-team, c’est-à-dire Mike Flanigin comme producteur et Chris Bell comme ingénieur du son. Ils sont vraiment étonnants. Ils ont tous les deux de très bonnes oreilles et se concentrent principalement sur l’obtention du meilleur son et de l’utilisation d’un excellent équipement. Et puis, quand nous avons masterisé l’album à Abbey Road à Londres, cela a vraiment été la cerise sur le gâteau. Il s’agit d’un disque de haute qualité (c’est-à-dire en HD – NRD) enregistré avec les meilleures personnes dans le meilleur cadre possible, puis masterisé dans l’un des meilleurs endroits au monde. Il est également mixé en son ‘Surround Dolby Atmos’. C’est vraiment incroyable. Je suis tellement fière de tous les membres de cette équipe.

– J’aimerais que tu m’expliques pour quelle raison tu as utilisé la même guitare pour tous les morceaux ? Tu aurais aussi pu adapter les instruments aux styles ? C’est un challenge que tu souhaitais aussi relever ?

Je m’attache souvent à une guitare. Je n’aime pas jouer avec beaucoup de guitares en concert, ou en studio. J’aime l’expérience de vraiment me connecter sur mon instrument. Et pour moi, cela signifie avoir une relation avec lui. Cette guitare est spéciale, je l’ai achetée moi-même à Paracho au Mexique, où j’ai rencontré son fabricant. C’était très spécial. Cet album montre la portée d’une guitare flamenco et comment elle s’adapte à différents styles de musique. Je pense qu’elle a fait du beau travail !

– On te connait comme étant une grande Dame du Blues. Est-ce qu’un album du même genre pourrait voir le jour avec des reprises de blueswomen de légende, et pourquoi pas des duos entre femmes ?

Ces choses pourraient toutes arriver dans le futur, bien sûr. J’ai encore de nombreux chapitres à ouvrir… (Sourires)

L’incroyable nouvel album de SUE FOLEY, « One Guitar Woman », est disponible chez Stony Plain Records.

Retrouvez également les chroniques de ses deux derniers albums, dont celui-ci :

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Blues Rock Country Folk/Americana

The Bacon Brothers : rootsy

Ils sont finalement quelques-uns, outre-Atlantique, à combiner musique et cinéma avec souvent d’ailleurs le même talent pour les deux arts. C’est le cas du comédien Kevin Bacon qui, depuis 30 ans, a formé avec son frère Michael THE BACON BROTHERS, un groupe plus qu’un tandem, où ils explorent ensemble les racines de la musique américaine avec beaucoup de fraîcheur et d’humour. Loin des habituels stéréotypes marketing de certains, « Ballad Of The Brothers » se montre au contraire très authentique et sincère.  

THE BACON BROTHERS

« Ballad Of The Brothers »

(Forty Below Records)

Assez peu de gens le savent dans notre beau pays, mais l’emblématique acteur Kevin Bacon est également chanteur et musicien, à l’instar d’ailleurs d’un certain Kiefer Sutherland, dont le style n’est pas si éloigné. Depuis 1995, il mène avec son frère Michael une belle carrière dans la musique sous le nom de THE BACON BROTHERS. Tous deux compositeurs, ils se promènent dans un registre très américain entre Rock, Folk, Country et Blues et « Ballad Of The Brothers » est déjà leur douzième album. Une ode à un style assez roots, également  plein de douceur.

La production de ce nouvel opus est classique, efficace et feutrée et n’est pas sans rappeler celles de la scène de Philadelphie et de certaines icônes du Classic Rock. Cela dit, elle colle parfaitement à l’univers des BACON BROTHERS et à leur balade musicale. Assez vintage dans l’ensemble, le son de cette nouvelle réalisation est enveloppant à souhait et l’équilibre trouvé par les deux frères ne manque pas de clins d’œil. S’ils se partagent le chant et les parties de guitares, un groupe redoutable de feeling et de groove les accompagne et les couleurs sont belles.

Il y a un petit côté 70’s dans la fratrie, mais « Ballad Of The Brothers » ne tombe pas pour autant dans une nostalgie exacerbée. Au contraire, entre chansons délicates et moments plus révélés, THE BACON BROTHERS balaie un large éventail, grâce à une interprétation où le piano côtoie les guitares et les cuivres et aussi et surtout où le violoncelle de l’aîné, Michael, libère une atmosphère très Americana sur plusieurs titres. Sans réellement se prendre au sérieux, le duo fait les choses très sérieusement et avec une passion plus que palpable. Vibrant et très convaincant.

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Blues Rock Hill Country Blues

Boogie Beasts : un Blues extra-large

Chaque production de BOOGIE BEASTS se distingue l’une de l’autre et c’est ce qui fait précisément sa force et ce qui forge même son identité. Avec « Neon Skies & Different Highs », la formation de Belgique va encore plus loin, teinte son Blues de Rock et de Fuzz, tout en restant à la fois très roots et résolument moderne. Un modèle du genre qui demeure toujours très pertinent et créatif. Ici, le Blues perd ses frontières, garde ses codes et regarde plus loin.

BOOGIE BEASTS

« Neon Skies & Different Highs »

(Naked)

Incontournable représentant de la scène Blues belge, en mode très alternatif, BOOGIE BEASTS nous fait le plaisir d’un nouvel album, le cinquième au total et le quatrième en studio. Et avec « Neon Skies & Different Highs », la surprise est belle, tant la richesse des morceaux est dense et la production signée Koenraad Foesters particulièrement soignée. Malgré des arrangements aux petits oignons, l’essentiel de la réalisation ne repose pas sur ces seuls détails, mais ils contribuent grandement à la solidité de l’ensemble.

Très différent de « Blues From Jupiter » (2022), l’approche du quatuor se veut plus profonde et il affiche un virage très mature en ne s’interdisant aucune incartade, que ce soit dans des contrées Desert Rock, Psych, R&B ou même légèrement Gospel. Si la base du jeu de BOOGIE BEASTS reste le Hill Country Blues pour l’aspect épuré, il prend ici une toute autre dimension. Toujours aussi identifiable, le son reste brut, parfois froid et assez urbain finalement. La chaleur se trouve ailleurs et elle est très présente encore.

Avec 18 pistes, dont quatre interludes, « Neon Skies & Different Highs » est particulièrement généreux, ce qui permet de multiples expérimentations à travers des ambiances toujours très maîtrisées. Comme de coutume chez BOOGIE BEASTS, l’harmonica mène le bal sur des sonorités propres à Chicago et, grâce à des riffs efficaces et un groove rythmique d’enfer, on passe d’un titre à l’autre avec un plaisir constant. Retenir juste quelques morceaux est presqu’une insulte à ce disque qui s’écoute dans son entier. Well done !

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Blues Chicago Blues

John Primer & Bob Corritore : a story of truth

Parler de sincérité et d’authenticité lorsque l’on a affaire à deux monuments comme JOHN PRIMER & BOB CORRITORE est presque malvenu, sinon déplacé. Le réputé et expérimenté tandem guitare/harmonica est l’un des meilleurs représentants de ce Chicago Blues, à la fois inimitable et tellement identifiable. A travers une belle douzaine de joyaux nés dans la ville de l’Illinois, « Crawlin’ Kingsnake » nous emporte dans un tourbillon festif, émouvant, dansant et littéralement lumineux.

JOHN PRIMER & BOB CORRITORE

« Crawlin’ Kingsnake »

(VizzTone Label Group)

Sur près d’une heure, JOHN PRIMER & BOB CORRITORE font une nouvelle fois briller le Blues de Chicago, entouré d’un groupe à faire pâlir toute concurrence, même si c’est plutôt le respect et le partage qui habitent tout ce beau monde. Pour ce quatrième album commun, nos deux bluesmen entretiennent et font sonner ce courant si cher au grand Muddy Waters. Et lorsque l’on connaît leur pédigrée et leur parcours, ça ressemble plutôt à une promenade de santé, guidée par un désir de transmission et un plaisir présent sur chaque note.

Pour mener à bien ce somptueux « Crawlin’ Kingsnake », JOHN PRIMER & BOB CORRITORE, tous deux originaires du South Side de Chicago, sont accompagnés par un groupe d’élite avec Jimi Primetime Smith à la guitare, Anthoni Geraci au piano, Bob Stroger à la basse et Wes Starr à la batterie. Je vous invite à aller jeter un œil sur leur splendide CV à tous pour faire une idée plus concrète du très haut niveau du combo à l’œuvre ici. Et c’est entre 2021 et 2023 que les sessions ont été enregistrées dans les studios Tempest en Arizona.  

Au long de « Crawlin’ Kingsnake », on se retrouve entouré de James Cotton, John Lee Hooker, Willie Dixon, BB King, Jimmy Rodgers, Magic Slim et bien entendu Muddy Waters, repris à trois reprises. Chaleureux et groovy, JOHN PRIMER & BOB CORRITORE y mettent tout leur savoir-faire, une dextérité et une technique implacable et surtout un feeling époustouflant. Slide enflammée, piano survolté, harmonica transi de bonheur et une voix envoûtante : il ne manque rien à ce nouvel opus, qui sonne si live et tellement authentique.

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Blues Hill Country Blues

Cedric Burnside : le son des collines

C’est encore une fois de la plus belle des manières que CEDRIC BURNSIDE fait vivre la belle lignée dont il est issu. Né au son du Hill Country Blues du nord du Mississippi, le musicien respire ce style autant qu’il lui offre une touche contemporaine. Enregistré en seulement deux jours avec trois musiciens installés à Ripley, petite bourgade considéré comme le berceau du genre, « Hill Country Love » reflète une authenticité intacte révélée par une production comme il se doit épurée sur ce onzième opus superbe et tellement organique. 

CEDRIC BURNSIDE

« Hill Country Love »

(Mascot Label Group)

Si vous ne connaissez pas encore CEDRIC BURNSIDE, vous avez peut-être déjà entendu parler de son grand-père RJ, guitariste et chanteur de légende, ou peut-être aussi son père Calvin Jackson, grand batteur de Blues également. C’est d’ailleurs par la batterie que l’Américain a commencé sa carrière avant de devenir le grand chanteur, guitariste, songwriter et producteur que l’on connait aujourd’hui. Il travaille à entretenir la flamme de ce courant du Blues si particulier qui l’a honoré d’un Grammy Award il y a trois ans maintenant, et il fait encore des merveilles sur cette nouvelle réalisation.

C’est son précédent album, « I Be Trying », qui lui a valu cette fameuse récompense et CEDRIC BURNSIDE est donc attendu au tournant. Cela dit, avec une telle expérience et surtout un talent pareil, ce n’est pas surprenant de constater que « Hill Country Love » est encore très, très bon. Dans les pas de son grand-père, pionnier et grand artisan de ce Blues des collines, c’est en s’isolant dans une petite ville du comté de Tippah, berceau de ce registre unique, qu’il a mis en boîte les 14 chansons. Il surprend encore et séduit surtout.

Profond et très technique malgré une impression de simplicité, le groove si particulier de ce Blues du Mississippi semble errer avant de devenir féroce, mais toujours avec une énergie positive et pleine d’espoir. CEDRIC BURNSIDE multiple les changements rythmiques, se fait spirituel et perpétue avec magie une tradition, qui tient autant de son héritage que du patrimoine. Il apporte aussi beaucoup de modernité dans son approche, ce qui le rend très actuel (« Love Your Music », « You Got To Move », « Juke Point », « I Know »). Monumental ! 

Photo : Jim Arbogast
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Soul Southern Blues

Marcus King : over the spleen

Les fans de la première heure de la pourtant très courte carrière du guitariste-chanteur risquent de peiner à reconnaître le fougueux six-cordiste qu’il était sur ses premières réalisations. « Mood Swings » s’inscrit plus dans la lignée d’un Marvin Gaye que de l’Allman Brothers Band… Très Soul, moins Rock, très produit, moins sauvage, ce troisième effort (c’est le cas de le dire !) fait un pas de côté par rapport à son registre, ce qui n’enlève cependant rien à l’immense talent de MARCUS KING.

MARCUS KING

« Mood Swings »

(American Recordings/Republic/Universal)

Loin de l’esprit jam très Southern auquel le natif de Caroline du Sud nous a habitué avec son groupe, puis en solo, MARCUS KING livre cette fois un album très personnel et intimiste. A travers « Mood Swings », il dresse un état des lieux très sombre de ce qui paraît être les tourments et les travers par lesquels il est récemment passé. Et c’est vrai qu’à la première écoute, le musicien, habituellement si lumineux, montre une grande tristesse que sa propre musique accroît encore un peu plus… ou sublime, c’est selon. Mais n’est-ce pas là le signe des grands albums finalement, et donc ce qu’on en attend ?

Loin de la production brute et enjouée de Dan Auerbach sur « Young Blood », MARCUS KING a confié les clefs de la boutique au non-moins mythique Rick Rubin avec qui il s’est enfermé aux fameux Shangri-La Studios de Malibu. Changement de décor et aussi de ton, puisque « Mood Swings » est résolument Soul, moins Rock mais toujours bluesy avec un zest de l’âme sudiste du musicien. L’ensemble se veut plus feutré, plus poli aussi et les arrangements de cordes très présents, comme l’orgue, confirment cette ambiance moite propice à une certaine introspection.

Cependant, l’humeur de ce nouvel opus n’est pas si maussade que ça. La voix d’ange de MARCUS KING est plus envoûtante que jamais, et même s’ils sont beaucoup moins présents, les solos de guitare ne manquent ni de feeling, ni de virtuosité. Ils sont juste plus millimétrés et jamais à côté du propos. La marque des grands. La lumière passe donc sur ce « Mood Swings » aux humeurs changeantes, c’est vrai, et laisse apparaître des morceaux de toute beauté (« F*ck My Life Up », Soul It Screams », « Cadillac », « Hero », « Deliah », « Me Or Tennessee » et le morceau-titre). En espérant que la douleur passe…

Photo : JM Collective

Retrouvez la chronique de son précédent album :

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Blues Rock Soul / Funk

The Black Keys : funky vibes

L’heure est à la détente pour THE BLACK KEYS, qui s’autorise le temps de ce nouvel opus une sorte de récréation nettement plus vaporeuse, mais non sans livrer un ardente prestation. Souvent galvaudée, le terme de groove prend ici tout son sens à travers 14 morceaux où l’objectif du groupe est clairement de prendre du plaisir et surtout d’en donner. Très 70’s dans les sonorités, des effluves de Soul, de Funk et d’un Blues tendre et généreux font cause commune sur « Ohio Players », qui donne autant le sourire que la patate !    

THE BLACK KEYS

« Ohio Players »

(Easy Eye Sound/Nonesuch Records)

Joie et félicité ! THE BLACK KEYS est de retour, clope au bec, avec une pêche d’enfer et sur un groove aussi démoniaque que réjouissant ! Alors ok, Dan Auerbach et Patrick Carney ne sont pas complètement seuls. « Ohio Players » n’est pas non plus complètement un album de leur composition. Et alors ? Le duo est particulièrement bien entouré et la tracklist est joyeuse, funky et, on ne va pas se mentir, ça fait plutôt du bien par les temps qui courent ! Il y a forcément aussi une explication très rationnelle à ce douzième effort studio des Américains, qui nous emmènent assez loin de l’âpreté du Blues Rock de « Dropout Boogie ».

En titrant ce nouvel opus du nom du cultissime groupe de Funk, THE BLACK KEYS annonce la couleur : elle sera festive, légère et explosive. L’idée de cette création inattendue et originale est née lors de soirées organisées par le groupe, où il passait de vieux 45tr de sa collection. Et c’est l’esprit de ces fêtes qui a constitué le fil rouge de l’album. A l’exception de « I Forgot to Be Your Lover », une chanson écrite par William Bell et Booker T. Jones, l’ensemble de « Ohio Players » est signé et produit par le tandem de la petite ville d’Akron. En revanche, les collaborations ne manquent pas et elles ont même parfois assez surprenantes.

Le guitariste/chanteur et le batteur ne renient pas une seule seconde leur patte musicale et encore moins ce son si particulier qui les distingue depuis leurs débuts. L’approche est la même et on la ressent jusqu’à cette production, certes, plus lisse cette fois, mais tellement riche en arrangements. Facile et aérien, THE BLACK KEYS a donc convié l’ami Beck sur près de la moitié de « Ohio Players », tandis que Noël Gallagher (oui, oui !) intervient aussi dans la composition de trois morceaux. Et la participation des rappeurs Juicy J et Lil Noid libère quelques instants de Hip-Hop langoureux. On sait s’amuser dans l’Ohio et ça fait du bien !

Retrouvez les chroniques de leurs deux derniers albums :

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Blues Country folk

Sue Foley : interprète d’une sororité rayonnante

C’est par-delà le temps et le monde que SUE FOLEY a décidé de célébrer de grandes guitaristes, plus ou moins connues, mais qui ont marqué par leur talent, leur inspiration et leur technique la place et la présence des femmes dans des registres, où elles se faisaient bien trop discrètes. La songwriter a donc décidé d’emprunter leur chemin, du Mexique à la France en passant par les Etats-Unis, pour leur témoigner son respect et les faire aussi briller de la plus belle des manières. Une reconnaissance saisissante de beauté.

SUE FOLEY

« One Guitar Woman »

(Stony Plain Records)

Blueswoman (très) reconnue et accomplie, SUE FOLEY mène depuis trois décennies une carrière ponctuée de brillantes réalisations en solo, ainsi que de très belles collaborations. Humble et créative, c’est en effectuant des recherches sur ses consœurs pionnières de la guitare que lui est venue l’idée de cet album en forme d’hommage. A travers les époques et les styles, la Canadienne basée à Austin, Texas, remet en lumière ces femmes qui ont marqué l’histoire de son instrument de prédilection et dans une configuration franchement exceptionnelle.

SUE FOLEY ne se contente pas d’un simple tribute. Avec « One Guitar Woman », elle relève plusieurs défis, et non des moindres. Le premier a été d’enregistrer les 12 morceaux en acoustique et avec la même guitare : une flamenco à cordes en nylon, histoire de pouvoir monter en puissance à l’envie. Elle s’est aussi littéralement fondue dans la personnalité unique de ces musiciennes, tout comme dans leur registre. Et elle navigue avec la même habileté et le même feeling dans la Country, la Folk, le Classique, le Flamenco et bien sûr le Blues.

Somptueusement produit, « One Guitar Woman » traverse les chansons de Maybelle Carter, Elisabeth Cotten, Sister Rosetta Tharpe, la Française Ida Presti, Tejano Lydia Mendoza, Geeshie Wiley, Elvie Thomas… SUE FOLEY passe par toutes les ambiances et toutes les sonorités avec une rare authenticité et beaucoup de sincérité. Et si l’on trouve deux instrumentaux, il est impensable de ne pas saluer sa prestation vocale. Là encore, l’adaptation est remarquable et la justesse irréprochable. Grandes parmi les grandes, elle fait jamais autant partie de cette belle sororité.

Retrouvez aussi la chronique de son dernier album solo, « Pinky’s Blues » :