Toujours aussi pointilleux dans le fond comme dans la forme, la formation de Göteborg élève encore le niveau pour se montrer sous un visage plein de force et de finesse. « Theories Of Emptiness » marque aussi le départ de son batteur, compositeur et producteur qui va se concentrer sur le travail en studio. Si cette nouvelle réalisation d’EVERGREY marque en quelque sorte la fin d’un cycle, elle brille aussi par la qualité et la créativité du songwriting et une interprétation toujours irréprochable.
EVERGREY
« Theories Of Emptiness »
(Napalm Records)
De l’aveu même de Tom S. Englund, « Theories Of Emptiness » est probablement le meilleur album du groupe. Et c’est un avis que je partage largement. Et puis, il marque aussi le départ de son emblématique batteur, Jonas Ekdahl, qui a décidé de se consacrer dorénavant à la production et l’écriture, sans trop s’éloigner d’EVERGREY, dont il est le coproducteur et compositeur depuis de longues années. Il est remplacé derrière les fûts par Simen Sandness (Temic, Shining), qui prendra le chemin des tournées avec son tout nouveau combo très bientôt. Pas sûr que l’impact sur scène soit énorme, mais quand même…
On connait la constance des Suédois en termes de composition, et même s’ils sont très prolifiques, cela ne les empêche pas de sortir des disques où ils semblent vraiment se rapprocher de plus en plus de leur identité profonde. Et c’est exactement ce qui se passe sur « Theories Of Emptiness ». Mélodique, percutant et très fédérateur, ce quatorzième opus devrait enflammer leurs concerts à venir. EVERGREY a conçu et réalisé un album littéralement taillé sur mesure pour ses fans. Mené par son guitariste et frontman (et également producteur), le quintet joue sur les émotions avec un impact incroyable.
Dès le véloce « Falling From The Sun », on entre dans le vif du sujet avec ce morceau qui se présente comme la suite d’« Ominous », issu du précédent « A Heartless Portrait (The Orphean Testament) ». Une très belle façon de boucler la boucle. Puis, EVERGREY déroule avec « Misfortune », « Say », « We Are The North », l’enflammé et véritable hymne « One Heart », « The Night Within », « Cold Dreams » en duo avec Jonas Renske de Katatonia et le délicat morceau-titre, qui clôt l’album au piano avec une voix féminine parlée. Les Scandinaves réalisent ici une belle prouesse en affichant la quintessence de leur style.
Dans quelques jours maintenant sortira « L’Empire Du Crépuscule », le douzième album d’ADX. Véritable légende du Metal hexagonal, le quintet se réinvente depuis quelques années, tout en préservant un son un brin vintage sur des productions très modernes. Un mix qui fait toujours son effet et qui permet au quintet d’envisager sereinement l’avenir. Entre Speed et Heavy Metal, cette nouvelle réalisation se veut véloce et accrocheuse, preuve que le combo reste une locomotive du registre en France. Batteur et membre fondateur, Didier ‘Dog’ Bouchard nous parle de la conception de « L’Empire Du Crépuscule ».
– La dernière fois que nous nous sommes parlé, c’était il y a trois ans pour la sortie d’« Etranges Visions ». Tout d’abord, comment l’album avait-il été accueilli par vos fans et comment les concerts qui ont suivi se sont-ils déroulés ?
« Etranges Visions » a eu un accueil excellent. Depuis le temps que les fans attendaient cet album en français, on devait répondre présent et surtout faire un produit qui redonne un nouveau souffle à « Weird Visions ». Concernant le retour lors des concerts, on peut dire que la sauce a redonné du goût à ce projet. Ce n’était pas gagné, mais on l’a fait.
– Pour rappel, « Etranges Visions » est la version française de « Weird Visions », votre seul album en anglais sorti en 1991. Beaucoup l’attendait donc avec impatience. Alors, est-ce que justice a été rendue ?
« Weird Visions » a toujours été un sujet de polémique. Il faut, il ne faut pas, c’est le moment, ce n’est pas le moment, bref, il y avait quand même une grosse attente des fans, qui n’avaient pas apprécié notre approche de la langue anglaise. La période Covid nous a permis de bosser sur cette nouvelle version et justice est faite.
– Donc si votre précédent album avait quelque chose de spécial, celui-ci est entièrement original. Comment avez-vous abordé sa composition, au niveau de la musique comme des textes, puisqu’ils ne sont pas des adaptations cette fois ?
En ce qui concerne les compos du nouvel album, on a procédé comme d’habitude. J’adore composer et proposer aux autres membres ce qui me passe par la tête, mais attention si c’est de la merde c’est poubelle. Disons que j’amène l’esquisse et les autres mettent les couleurs, c’est identique pour les textes, mais là, le boulot se fait souvent avec Phil (Philippe Grelaud, chant – NDR). Malgré les changements de line-up, nous avons toujours dans ADX des musiciens de talent et à l’écoute de « L’empire Du Crépuscule », on sent que la magie est toujours là.
– Comme toujours, « L’Empire Du Crépuscule » est musclé et toujours aussi moderne dans le son, malgré une touche Old School qui reste votre marque de fabrique. Et à ce sujet, c’est à nouveau Francis Caste qui a mis en forme votre puissance sonore. C’est le cinquième album que vous faites ensemble et on a vraiment le sentiment qu’il ne saurait désormais en être autrement. C’est aussi votre conviction ? Il fait partie de la famille ?
Francis a compris avec nos albums la direction à prendre. Il est facile, intelligent et le mélange entre le Old School et l’actuel donne une couleur très punchy. Il fait partie de la division, c’est un pilote.
– Ce douzième album est très fluide et véloce. Vos deux guitaristes s’en donnent à coeur-joie et la rythmique bastonne. On a le sentiment qu’ADX est véritablement ancré dans une nouvelle phase avec une évolution qui conserve aussi son ADN. C’est toujours un challenge pour vous de rester actuel, tout en gardant cette saveur 80’s/90’s, ou plus du tout ?
ADX ne veut pas être largué. Il y a tellement de groupe talentueux qu’il faut être fort et toujours dans le coup. Même si nous avons cette griffe des années 80/90, nous essayons d’évoluer et de faire un mélange des saveurs, qui peut donner un bon album sans que l’on s’emmerde. Nous avons notre style, mais il faut également le peaufiner.
– J’aimerais qu’on dise aussi un mot de cette très belle pochette, signée Stan W Decker. Derrière cette ambiance très ‘historique’, on peut aussi y déceler beaucoup de symboles très contemporains. Quel a été le ‘cahier des charges’ et surtout qu’elles étaient vos intentions ?
Pour la cover de l’album, l’échange avec Stan Decker s’est fait simplement. Nous lui envoyons les idées et lui rajoute ses délires. C’est un artiste doté d’une grande simplicité et quel plaisir d’échanger avec lui. Pour « L’Empire Du Crépuscule », nous voulions montrer un pouvoir qui s’accroche, mais qui s’écroule. Il y a sans cesse des mouvements, des révolutions dans l’Histoire de France et malheureusement, nous sommes en plein dedans.
– D’ailleurs, c’est un peu la même chose au niveau des textes. Les titres des morceaux ont un reflet très XVIIIème siècle et ils le sont sous certains aspects. Cependant, si on lit entre les lignes, le contenu est très actuel et on a presque l’impression que vous dépeignez le climat actuel. Ce double-langage a quel objectif ? Rester toujours aussi engagé et revendicatif, tout en racontant des histoires ?
ADX a toujours eu dans les textes ce coté ‘historico-fantastique’. Nous aimons raconter des choses sur l’Histoire, qui ne sont pas dévoilé à l’école, parce que trop dérangeantes. Et si nos paroles actuelles se rapprochent de ce que l’on vit en ce moment, c’est effectivement questionnant.
– Au-delà du message, « L’Empire Du Crépuscule » est véritablement taillé pour la scène avec des refrains fédérateurs et efficaces. C’est quelque chose de constant chez ADX. C’est une sorte de leitmotiv depuis toutes ces années ? Quelque chose que vous avez toujours dans un coin de la tête ?
Pour nous, les concerts restent un échange avec le public. C’est une fête que nous devons partager ensemble, nous cherchons toujours dans de nos compositions le refrain qui restera en tête. C’est très important, car entendre chanter tes chansons te donne toujours ce frisson qui te dit : voilà ça fonctionne.
– Pour « Etranges Visions », vous étiez toujours autoproduits avec une distribution par Season Of Mist. Cette fois, vous êtes sur un label, Verycords, qui compte aussi de nombreux groupes français à son catalogue. En plus du soulagement que cela doit procurer, j’imagine que c’est ce que vous attendiez pour peut-être aussi franchir un palier dans cet océan de sorties de disques que l’on voit, et subit, aujourd’hui, non ?
Nous avions déjà bossé avec Verycords et certaines personnes à l’époque avaient eu l’idée que nous pouvions rouler tout seul sans l’apport d’une maison de disques. Nous avons fait quelques albums en autoproduction, mais c’est un boulot énorme. Il faut une équipe pour faire tourner tout ça et nous sommes avant tout des musiciens. Tout n’était pas gagné quand nous avons tapé à la porte de Verycords. Franchement, c’est un soulagement, après toutes ces années, de pouvoir enfin se consacrer à faire de la musique et laisser faire les pros.
– Enfin, un petit mot au sujet des concerts à venir et de cette époque des festivals qui arrive aussi. Quel est le programme ? Avec un tel album, vous devez être sacrément motivés et impatients, non ?
Nous sommes très impatients de monter sur les planches pour balancer notre setlist. Des choses se mettent en place. Nous avons Metallian Productions qui s’occupe de nos affaires et une tournée est en préparation, mais pour l’instant ça se met en place. Et nous avons hâte, vraiment hâte…
« L’Empire Du Crépuscule » d’ADX est disponible chez Verycords.
Retrouvez l’interview du groupe à l’occasion de la sortie d’« Etranges Visions » :
Issu de l’underground Metal de San Francisco, THE WATCHERS se blottit avec une certaine férocité dans l’obscurité et les ténèbres d’un Stoner Metal dont les saveurs très 70’s sont définitivement addictives. Pour autant, il ne risque pas d’échapper très longtemps aux lumières qui devraient le relever à un plus large public. Cette deuxième production est d’une efficacité et d’une virtuosité décapante. « Nyctophilia » est un voyage musical aux atmosphères multiples et singulières qui donne envie de repartir encore et encore.
THE WATCHERS
« Nyctophilia »
(Ripple Music)
Loin des fastes de la scène Thrash Metal qui colle à la peau de la Bay Area, THE WATCHERS a pris une toute autre voie, celle d’un Stoner teinté de Heavy Metal et aux légers accents Doom. Créé en 2016, les membres du groupe ont d’abord fait leurs armes chez Spiral Arms, White Witch Canyon, Black Gates, Systematic et Vicious Rumors. Autant dire que le quatuor est rompu à l’exercice, ce qui lui permet d’évoluer avec une aisance naturelle dans un univers qu’ils s’est façonné minutieusement pour distiller un style très personnel.
Toujours produit et réalisé par Max Norman (Ozzy, Megadeth), « Nyctophilia » marque pourtant un tournant pour THE WATCHERS, qui voit ici ses compositions parfaitement mises en lumière par un son étincelant. Après l’EP « Sabbath Highway » sorti l’année de sa formation, puis le premier album « Black Abyss » et le court « High And Alive » livré en pleine pandémie, les Californiens prennent une nouvelle dimension. Ce deuxième opus avance sur des morceaux variés, très aboutis et originaux malgré d’évidentes références.
Sur une intro acoustique, THE WATCHERS nous guide vers les ténèbres comme écrasés par un soleil de plomb avec « Twilight » et « I Am The Dark ». Sur des riffs épais et charpentés, le combo nous saisit pour ne plus nous lâcher. Emmené par Tim Narducci (guitare, chant), il déroule sur des mélodies prenantes, parfois bluesy, des solos enivrants et un chant véritablement habité (« Eastward Though The Zodiac », « Haunt You When Im Dead », « Taker »). Et l’ambiance vintage vient accentuer cette sombre et délicieuse emprise.
Ancré dans un esprit 70’s, THE WIZARDS se meut dans un concept et des sonorités occultes dilués dans un son organique soigneusement élaboré. Originaires de Bilbao, les Basques combinent Hard Rock, Heavy Metal et Rock et avec « The Exit Garden », le quatrième album du quintet, on plonge dans un univers à l’imagerie sombre et ténébreuse où les longues plages instrumentales souvent épiques font corps avec un chant captivant. Entretien avec Jorge, aka George Dee, lead-guitariste du combo, dont le registre rappelle les belles heures des fondations du genre.
– Vous avez formé THE WIZARDS il y a un peu plus de dix ans et votre parcours est exemplaire avec ce quatrième album qui vient juste de sortir. Est-ce que c’est ce que vous avez déjà en tête au printemps 2013 quand vous avez publié votre première démo ?
Notre première démo est sortie en janvier ou février 2014 et à l’époque, le groupe s’est formé sans objectif clair en tête. Nous avions tous joué dans d’autres groupes et nous avons commencé ce projet juste pour nous amuser et jouer quelque chose de différent. Nous ne pouvions pas imaginer que THE WIZARDS allait être le tournant Rock’n’Roll de nos vies.
– Avant de parler de « The Exit Garden », j’aimerais qu’on évoque de cette sorte de concept autour de THE WIZARDS. Il règne chez vous une ambiance occulte et une imagerie pleine de mystères. Est-ce que l’objectif est de développer un univers bien spécifique autour de chaque album, ou c’est plus global et cela inclue la démarche complète groupe ?
Le concept derrière le groupe a été clair, dès que nous avons choisi le nom en fait. Il reflète la magie liée à la musique. Nous nous inspirons des connaissances ésotériques, ainsi que des livres, des bandes dessinées, de nos expériences personnelles et bien d’autres choses. Chaque album montre une approche différente et rien n’est vraiment planifié, car les choses se produisent finalement lorsque nous écrivons et composons les chansons.
– Après votre premier album éponyme en 2015, vous avez enchainé avec « Full Moon In Scorpion » et « Rise Of The Serpent », presque coup sur coup en 2017 et 2018. Que s’est-il passé ? Vous aviez un double-album en tête dès le départ, ou il s’agit juste d’un surplus de créativité ?
En fait, c’est juste quelque chose de normal, car nous avions enregistré « Full Moon in Scorpio » en avril 2016 et il n’est paru qu’en mai 2017. Au début, personne ne voulait le sortir et après quelques mois, nous avons finalement conclu un accord avec Fighter Records. Et puis, il y a eu des critiques et des ventes incroyables, donc nous avons beaucoup joué. Ensuite, en avril 2018, nous avons commencé à enregistrer « Rise of the Serpent ». Finalement, il y a eu une pause de deux ans entre la conception et l’enregistrement des deux disques.
– Puis, il s’est passé six ans entre vos deux derniers albums. C’est long et même s’il y a eu la pandémie, est-ce une période où vous avez aussi plus tourné ?
Malheureusement non, nous n’avons pas pu faire de concert pendant deux ans et demi et ce fut un désastre total pour nous. Mais nous nous en sommes remis en selle et nous sommes revenus il y a deux ans et nous sommes là aujourd’hui : prêts pour l’action et plus forts que jamais.
– A propos de concerts, on entend assez peu parler de la scène Metal espagnole. Est-il facile d’y organiser des tournées et est-ce que votre situation au pays Basque vous offre aussi des opportunités en raison de la proximité avec la France, notamment ?
Il y a une scène intéressante dans notre pays et nous avons joué presque partout. Ce n’est pas difficile pour nous de tourner ici. Et comme nous sommes aussi proches de la France, notre premier concert a eu lieu à Rennes en Bretagne. Nous adorons jouer dans d’autres pays. J’espère que nous pourrons bientôt retourner à Rennes et dans d’autres villes également.
– D’ailleurs, la culture basque est aussi riche en légendes. Est-ce qu’elle vous inspire ?
Pas énormément au niveau des paroles. Je pense que nous sommes peut-être plus davantage liés à cette présence par la seule puissance de son essence-même.
– Il y a trois ans, vous aviez aussi sorti un single, « Sign Of The Wolf (Pentagram) ». C’était une façon de garder le contact avec vos fans, alors que les concerts étaient à l’arrêt ?
Oui, exactement. Nous nous sommes souvenus qu’il y avait cette chanson que nous avions gardée pour une sortie spéciale. Et nous avons pensé que c’était le bon moment. On la jouait d’ailleurs en live depuis longtemps.
– « TheExit Garden » paraît plus sombre que vos albums précédents avec des aspects Doom qui rappellent Skyclad et Trouble. Et puis, vous avez également produit votre album. C’est une manière de gérer entièrement votre musique ou, plus simplement, c’est parce que vous aviez une vision précise et claire du son que vous voulez obtenir ?
Nos deux précédents disques avaient été produits par Dean Rispler et il nous a montré de nombreuses astuces importantes concernant la production. C’était donc le moment idéal pour le faire nous-mêmes. Nous n’avons pas beaucoup réfléchi au son global, mais nous avons beaucoup travaillé sur les arrangements, les structures et le jeu. Je pense que nous avons réalisé ce que nous avions en tête, donc nous sommes vraiment heureux de l’avoir produit nous-mêmes.
– L’une des premières choses qui attire l’attention chez THE WIZARDS est l’énorme travail effectué sur les guitares, entre les riffs, les twin-guitares et les solos. Les morceaux ont structures solides. Vous composez plutôt autour d’un thème de départ, du chant ou des parties de guitares justement ?
Merci, c’est peut-être parce que les principaux auteurs sont Felipe (Phil The Pain – NDR) et moi, les deux guitaristes du groupe. Nous aimons écrire les chansons ensemble, et c’est génial, car nous nous complétons vraiment. Habituellement, nous travaillons sur quelques riffs qui deviennent la structure principale, puis nous ajoutons les paroles et d’autres arrangements. Mais la majeure partie du travail est accomplie lorsque nous répétons tous les cinq ensembles. Cela a d’ailleurs toujours été notre façon de faire depuis le début.
– D’ailleurs, comment se partagent les parties de guitares entre le lead et la rythmique ? Et est-ce que le fait d’avoir le même line-up depuis vos débuts est important pour l’harmonie du groupe et l’équilibre de vos morceaux ?
C’est assez simple, je joue le lead et Felipe joue la rythmique en concert. En studio, nous enregistrons tous les deux les parties rythmiques, et ensuite je fais les solos. C’est vrai que nous sommes ensemble depuis 2013 et c’est véritablement la clé du son serré que nous aimons offrir. Ecrire, répéter et jouer en live avec les mêmes personnes pendant dix ans est quelque chose qui crée une réelle connexion et une belle synchronicité au niveau des guitares dans les morceaux.
– Enfin, THE WIZARDS aurait très bien pu exister et évoluer dans les années 70/80. Comment vous êtes-vous plongé dans ce courant du Heavy Metal, qui rappelle ses belles heures ?
Nous aimons les groupes classiques tels que Judas Priest et Blue Öyster Cult, c’est vrai. Les albums que ces groupes ont réalisés dans les années 70/80 sont de grande classe. Mais nous essayons surtout simplement de créer quelque chose de personnel en s’inspirant de tous ces grands maîtres. Et puis, rien ne nous intéresse plus qu’un ampli Marshall et une guitare Gibson : c’est du Rock’n’Roll et c’est donc toujours très organique.
Le nouvel album de THE WIZARDS, « TheExit Garden », est disponible chez High Roller Records.
Originaire de la côte ouest des Etats-Unis, GREYHAWK n’élude pas ses intentions, qui sont de moderniser le Heavy Metal classique, celui des Dio, Judas Priest, Malmsteen et autre Riot. Virtuose et inventif, le combo lustre l’héritage de ses aînés grâce à un chanteur au spectre vocal rare, deux guitaristes hors-pair et une rythmique ferme. Avec « Thunderheart », c’est un album-concept somptueux qu’il nous livre à travers des atmosphères épiques absolument addictives. Et ce n’est sans doute pas un hasard si c’est un label espagnol qui l’a pris sous son aile. Nul n’est prophète en son pays…!
GREYHAWK
« Thunderheart »
(Fighter Records)
Depuis quelques années et à travers le monde, on assiste à l’avènement de cette NWOTHM, à savoir cette vague de groupes qui se revendiquent acteurs d’un renouveau du Heavy Metal traditionnel. Là où certains y voient une saveur Old School ou vintage, d’autres pensent plutôt à une renaissance actualisée des plus belles heures de ce registre éternel. Et il faut bien avouer que cela dépend vraiment des cas. Pour ce qui est de GREYHAWK, on est clairement dans une continuité et seules la grande expérience de ses membres, une assimilation parfaite du style et une inspiration neuve les distinguent aussi brillamment.
Alors forcément, pour revenir à la source, il faut avoir été biberonné aux décibels des précurseurs, et c’est assez surprenant de constater avec quelle facilité le quintet de Seattle sonne si européen. C’était déjà flagrant sur leur premier EP (« Ride Out » – 2018), puis sur leur premier album (« Keepers Of The Flame » – 2020) et sur son dernier format court (« Call Of The Hawk » – 2022). Ici, GREYHAWK s’affiche au sommet de son art sur ce « Thunderheart », un deuxième opus plein de force, de mélodies épiques, de rythmiques galopantes et effrénés et d’une puissance Heavy, en effet, très contemporaine.
Entre Power Metal, solos néo-classiques, Hard Rock et riffs rapides et entraînants, l’identité des Américains se dessinent au fil des morceaux avec une précision chirurgicale et une maîtrise totale. A eux cinq, Rev Taylor (chant), Darin Wall (basse), Jesse Berlin et Rob Steinway (guitares) et Nate Butler (batterie) manient le chaud et le froid, entre passages fédérateurs et hymnes ravageurs. GREYHAWK fait plus que montrer les crocs, il donne une véritable leçon avec une énergie qui percute frontalement (« Spellstone », « Ombria (City Of The Night) », « Rock & Roll City », « Sacrifice Of Steel », « The Last Mile », …). Une claque !
Originaire d’Antwerp (Anvers pour nous autres), SCAVENGER ressuscite avec panache d’une hibernation de quelques décennies et fait même son retour sous une formation entièrement remaniée. Avec une chanteuse à la fois fédératrice et captivante, le combo continue de marier avec la manière le Heavy de la NWOBHM, et donc des 80’s, avec un Hard Rock du même cru et quelques passages Speed Metal. Autant dire un vrai bain de jouvence pour certains et une belle initiation pour la jeune génération. Avec « Beyond The Bells », les Diables Rouges sonnent le tocsin avec force !
SCAVENGER
« Beyond The Bells »
(No Remorse Records)
Depuis la pochette de l’album jusqu’au look des musiciens et forcément à travers la production, SCAVENGER fait plus que jouer la carte du Old School et du vintage : il le vit totalement. Avec une histoire chaotique due surtout à l’arrêt des activités de son premier label, Mausoleum Records, les Belges se sont éclipsés de 1986 à 2018. Une très, très longue pause, qui se traduit par une nouveau line-up, mais aussi par un souffle nouveau, qui redonne une vigueur pleine de fraîcheur à un style d’une éternité incontestable. Pas d’accélération Power Metal, pas de lignes de violons symphoniques : juste du vrai Metal !
Malgré un retour aux affaires pourtant impulsé par les membres originels Marc Herremans à la guitare et le batteur Luc Ebinger, ceux-ci quittent le groupe juste après la sortie du single « Backslider » en 2020. Place nette donc pour ce deuxième effort de SCAVENGER, où l’on retrouve tout de même les bases posées en 1985 sur « Battlefields ». Depuis quatre ans, c’est donc un quintet entièrement refondé, qui a repris le flambeau et de très belle manière. Il est toujours question d’hymnes à la NWOBHM, de fulgurances Speed Metal et de refrains Hard Rock entêtants et accrocheurs. Et « Beyond The Bells » claque avec classe !
Sur une intro de près de deux minutes, SCAVENGER annonce la couleur : elle sera puissante et mélodique. Mené de main, et surtout de voix, de maître(sse) par sa frontwoman Tine ’Lucifera’ Callebaut, on y retrouve quelques clins d’œil à sa compatriote d’Acid, ainsi que du côté de Warlock, ce qui fait toujours très plaisir. Le nouveau duo de guitaristes réalise un travail de dingue, entre riffs tendus et solos millimétrés (« Black Witchery », « Watchout ! », « Streetfighter », « Hellfire », « Crystal Light »). Nos amis du ‘Plat Pays’ nous régalent, se font plaisir et, finalement, n’est-ce pas ce que l’on attend d’un bon album de Heavy Metal ?
Il se dégage une impression de grande liberté dans le jeu des cinq musiciens de VOYAGER-X, qui vient rappeler ce qu’on faisait de mieux en matière de Hard Rock et de Heavy Progressif à la toute fin du siècle dernier. Aérien et mélodique autant que racé et solide, « Magic » présente une très belle et large palette d’un style qui défie le temps et les modes, et avec des musiciens de ce calibre, on peut s’attendre au meilleur. C’est d’ailleurs le cas tout au long de cette épopée aux teintes légèrement rétro-futuristes.
VOYAGER-X
« Magic »
(Dr. Music Records)
L’histoire de VOYAGER-X est assez singulière. Formé en Allemagne du côté de Nuremberg au milieu des années 80, le quintet a vécu une décennie assez dynamique avant de se mettre en veille en 1997, après dix ans d’activité. Chacun est parti de son côté, à l’instar de Mario Gansen devenu chanteur de Grim Reaper et ensuite de Dynasty. Mais il faut croire que le plaisir de composer et de jouer ensemble à très vite rattraper Stephan Baumgärtner (guitare), Jörg Schreiber (basse), Chris Mordek (claviers) et Peter Webert (batterie), qui se sont remis au travail, ou plutôt qui ont repris les choses là où elles en étaient.
Car « Magic » devait sortir initialement en 1997. Il était même prêt et le groupe s’appelait alors Voyager… comme quelques autres, ce qui a poussé les Allemands à ajouter ce X, qui les distingue aujourd’hui. 27 ans plus tard, j’imagine volontiers que les chansons ont été retouchées, peut-être réarrangées et que la production aussi a été actualisée. Car, même si les influences et les compositions s’inscrivent dans une dynamique très 90’s, le son est très actuel et on n’imagine pas VOYAGER-X avoir ressorti ce très bon « Magic » de sa boîte sans une petite mise à jour, car il n’a rien à envier aux réalisations actuelles.
Musicalement, on peut situer le groupe dans la même mouvance que Queensrÿche, Savatage, Accept et Fates Warning pour son côté Progressif et Heavy. Cela dit, La puissance vocale de son frontman lui permet d’aborder des aspects plus accessibles et Rock, façon Marillion. Mais VOYAGER-X est résolument Metal, entre Hard et Heavy, et la virtuosité de son guitariste, entre autres, est saisissante. Entraînant et musclé, l’ensemble présente même un côté épique et intemporel (« Janus Face », « Hypnotize You », « Don’t Lose The Pain », « Crime Of The Century »). Un opus qui doit prendre toute sa dimension sur scène.
Le voici enfin, l’album probablement le plus attendu de l’année par les headbangers du monde entier. Même s’il a commencé à se dévoiler depuis quelques mois à travers quelques morceaux lâchés au gré d’une machine marketing devenue inévitable, « Invisible Shield » est à la hauteur des attentes et va même bien au-delà. A l’aube d’une tournée qui s’annonce mémorable, JUDAS PRIEST livre un disque qui va ravir les nostalgiques, comme conquérir les nouvelles générations, qui n’en auraient pas encore fait le tour. Car, ici, le quintet offre la substantifique moelle de l’empreinte qui laisse depuis des décennies.
JUDAS PRIEST
« Invincible Shield »
(Columbia/Sony Music)
On a déjà beaucoup écrit sur ce 19ème opus des ‘Metal Gods’ britanniques que c’est maintenant aux fans de se faire leur idée sur ce petit joyau. En sortant quatre singles (« Panic Attack », « Trial By Fire », « Crown Of Horns » et « The Serpent And The King »), le quintet avait déjà frappé les esprits, même les plus chafouins, en affirmant avec autorité sa place au premier rang du Heavy Metal mondial. Là-dessus, il faudrait être sourd ou de très mauvaise foi pour ne pas abonder en ce sens. Du haut de ses 50 ans de carrière, JUDAS PRIEST règne de main de maître sur un style qu’il a forgé avec quelques autres et laisse éclater au grand jour la vitalité d’une NWOBHM qui ne paraît plus inusable, mais immortelle.
Après la claque reçue avec « Painkiller » il y a déjà 24 ans, puis le départ de KK Downing (qui doit s’en mordre les doigts !), « Firepower » sorti en 2018 avait déjà remis quelques pendules à l’heure en montrant un souffle nouveau et un allant d’une incroyable vigueur. A 72 ans, Rob Halford a retrouvé une seconde jeunesse et, même si le travail en studio permet beaucoup de choses aujourd’hui, on ne peut que saluer des capacités vocales exceptionnelles. Percutant et s’autorisant toujours quelques envolées dans les aigus, le frontman ne se cache pas. Au contraire, il s’investit pleinement et tient avec force le vaisseau JUDAS PRIEST en (très) bon capitaine.
Bien sûr, les échos à la carrière des Anglais ne manquent pas et ils sont surtout le rappel d’un parcours assez unique. Ils viennent très naturellement s’ancrer dans le temps présent à l’instar d’une mise à jour réalisée sans encombre. A la production, Andy Sneap donne toute sa brillance aux morceaux composés par Glenn Tipton, Rob Halford et Richie Faulkner. Et le résultat est vraiment éblouissant. « Invisible Shield » est vif, tranchant, acéré, épique, mélodique et parfois même étonnant. Se demander si JUDAS PRIEST prend des risques ne se pose même plus. Il incarne tout simplement le Heavy Metal d’hier et celui d’aujourd’hui.
Alors, quid du contenu d’« Invisible Shield » ? Je vais vous épargner l’insupportable ‘track by track’ pour ne retenir que les moments forts, dont l’album regorge. Les qualités de cogneur de Scott Travis sont intactes, tout comme le groove sauvage de Ian Hill à la basse. Les fondations de JUDAS PRIEST sont donc toujours aussi solides. Comme laissé transparaître sur les premiers singles, Glenn Tipton et Richie Faulkner se livrent à une véritable masterclass guitaristique. Les riffs sont cinglants, les solos de haute volée et les twin-guitares font toujours cet effet de communion jouissive (« Invisible Shield », « Gates Of Hell », « As God Is My Witness », « Giants In The Sky », « Sons Of Thunder »). Vous l’aurez compris : encore !
FIREWIND est devenu au fil de ses productions une référence qui s’étend dorénavant bien au-delà de sa Grèce natale. Avec un frontman dont le charisme explose enfin au grand jour, un duo basse/batterie intenable et un Gus G. des grands jours, le combo affiche un Heavy Metal racé enrichi de touches Hard Rock, Speed et Power Metal lui offrent un relief très véloce. « Stand United » est solide, accrocheur et nerveux. Sans se disperser, les quatre musiciens livrent une très bonne performance.
FIREWIND
« Stand United »
(AFM Records)
Cela fait maintenant un peu plus de 20 ans que FIREWIND domine, et dynamise aussi, la scène grecque Heavy Metal et chacune de ses réalisations apporte son lot de surprises. Le quatuor ne cesse de progresser dans la composition et l’écriture et « Stand United » est sans conteste le meilleur de ses dix albums. Petros Christo (basse) et Jo Nunez (batterie) assènent une rythmique imparable et martèlent avec une précision chirurgicale. De son côté, le chant de Herbie Langhans est plus efficace et maîtrisé que jamais. Et puis, il y a le petit génie, qui reste l’élément moteur ici encore.
On ne présente plus Gus G., virtuose de la six-corde au CV long comme le bras que ce soit en groupe ou en solo. Moins tourné sur son jeu, « Stand United », dont le titre parle de lui-même, est incontestablement un vrai disque de groupe, et plus seulement axé sur ses prouesses guitaristiques. Cela dit, il n’est pas beaucoup plus discret qu’auparavant, ce qui serait d’ailleurs dommage, mais ses envolées servent l’aspect mélodique et fédérateur des nouveaux titres de FIREWIND. Son Heavy Metal est nettement plus personnel et identifiable, et les fulgurances Speed et Power lui confèrent cette modernité, qui manquait peut-être.
Certes, ce nouvel opus reste assez classique dans la forme, mais « Stand United » est beaucoup plus accrocheur que ses prédécesseurs. Produite par Dennis Ward, la formation hellène est toujours aussi épique dans l’intention et le dynamisme affiché devrait renverser les foules en concert (« Salvation Days », « Destiny Is Calling », « Fallen Angel », « Chains », « The Power Lies Within »). Histoire de se faire plaisir, FIREWIND s’est même fendu d’une reprise musclée de « Talking In Your Sleep » de The Romantics dans une fibre Hard Rock bien sentie. Le quatuor frappe fort et dans le mile.
La persévérance est le moteur de BLAZE BAYLEY et sa carrière, comme toute sa discographie, parlent pour lui. Inlassable homme de scène et encensé par ses nombreux fans, il cumule plus d’une quinzaine de réalisations, dont un grand nombre de live justement. Son parcours depuis son départ de la Vierge de Fer force le respect et « Circle Of Stone » vient confirmer la ténacité du chanteur de Birmingham. Certes classique dans la forme, son Heavy Metal reste efficace et bien réalisé.
BLAZE BAYLEY
« Circle Of Stone »
(Blaze Bayley Recordings/Independant)
Depuis quelques temps maintenant, BLAZE BAYLEY fait face à de nombreux problèmes de santé, et non des moindres. Après une crise cardiaque et un quadruple pontage coronarien, il a reçu de multiples traitements, suivi d’une longue convalescence. Mais le voici de retour, comme sauvé par son indéfectible amour et sa dévotion pour le Heavy Metal, une musique qui semble littéralement le porter. Et cette chronique ne serait pas digne de ce nom, si je ne rappellerai pas qu’il fut bien sûr le frontman d’Iron Maiden de 1994 à 1999, le temps de deux albums non-essentiels d’ailleurs (« The X Factor », et « Virtual XI »).
Voilà donc pour l’argumentaire marketing à l’œuvre depuis plus de 20 ans, mais parlons de « Circle Of Stone », le douzième album studio du Britannique. Toujours accompagné de Karl Schramm (basse), Martin McNee (batterie) et de la fratrie guitaristique d’Absolva composée de Luke et Christopher Appleton (ce dernier assurant aussi le mix et la production), BLAZE BAYLEY se montre fidèle à lui-même, c’est-à-dire solide et décidemment infatigable. Sans dévier du Heavy Metal qui a fait sa réputation, il fait toujours le job et il le fait bien, grâce aussi à une équipe performante.
Bien équilibré, ce nouvel opus nous replonge au cœur de la NWOBHM, mais non sans une certaine fraîcheur et surtout un savoir-faire indéniable. Se reposant sur des musiciens d’expérience, l’Anglais est direct, mélodique et ne ménage pas ses efforts. Un peu à l’ancienne, BLAZE BAYLEY a scindé « Circle Of Stone » en deux faces. Le début est musclé et indépendant du reste (« Mind Reader », « Rage », « Ghost In The Bottle ») et la suite présente une sorte de connexion entre les morceaux avec quelques pépites (« Circle Of Stone » avec Niklas Stålvind, « The Call Of The Ancestors »). Robuste !