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Folk/Americana France Musique celtique Pop

Aziliz Manrow : celtic harmony [Interview]

Avec seulement deux albums à son actif, sortis avant et après la pandémie, AZILIZ MANROW s’est pourtant et naturellement fait une place sur la scène bretonne au point d’en être aujourd’hui incontournable. Dans la lignée de son premier opus « Earth », la chanteuse fait son retour avec « Et Tout Prend Vie », où s’entremêlent Pop et Folk dans une atmosphère celtique omniprésente. Ecrit en français, en anglais et en breton, elle impose sa personnalité dans un univers musical dorénavant facilement identifiable. Entretien avec une artiste aimantée et inspirée par un pays qui se rappelle constamment à elle.

– « Earth », ton premier album, est sorti il y a six ans déjà. S’il y a eu la pandémie, bien sûr, c’est un délai assez long entre deux disques. Tu as eu besoin de plus de temps cette fois-ci pour la réalisation de « Et Tout Prend Vie » ?

Même si les années me semblent être passées en un clin d’œil, il est vrai que mon parcours artistique a été stoppé en plein vol, suite à la crise que nous avons traversée. 2020 et 2021 ont été des années à la fois sombres et surprenantes. Elles m’ont amené à réfléchir à mon avenir dans le milieu musical, il m’a même traversé l’esprit de me lancer dans une autre activité professionnelle. C’est ma rencontre et ma collaboration avec Denez (Prigent – NDR) qui m’a convaincu de continuer. Avec le recul, je me rends compte que j’ai beaucoup appris et grandi pendant cette période plus qu’inédite. Le confinement m’a ramené dans ma chambre d’adolescente, dans laquelle j’ai beaucoup écrit et composé, ce qui a d’ailleurs donné naissance à la chanson « Emotion ».

– Sur « Et Tout Prend Vie », tu as également conservé la même équipe de musiciens. C’était important pour toi de garder ce socle avec lequel tu as commencé ? Pour garantir ta touche sonore, ou peut-être juste maintenir une certaine confiance ?

Je suis une personne assez fidèle et la stabilité de l’équipe qui m’accompagne a toujours été importante pour moi, pour créer en toute confiance. Mais au milieu du parcours de réalisation de ce deuxième album, une nouvelle collaboration avec le label One Hot Minute m’a ouvert d’autres possibilités pour la suite du projet. Aussi, certaines chansons ont été arrangées par John Sainturat, le guitariste qui m’accompagne depuis de nombreuses années, et d’autres chansons par Thierry Gronfier. Ce qui apporte une nouvelle direction à ma musique, et c’est plutôt positif !

– Sur ce nouvel album, tu chantes encore en français, en anglais et en breton. Cela convient d’ailleurs parfaitement à ton registre. Tu ne t’es jamais résolu à faire un choix ?

Je chanterai toujours dans ces trois langues, et dans bien d’autres si l’occasion se présente. C’est mon identité artistique et ma vision personnelle de la création ‘libre’. L’inspiration qui me traverse dans mes séances d’écriture a une vraie raison d’être pour moi et je ne veux pas perdre cette vérité, cette spontanéité.

– D’ailleurs, chaque langue a aussi sa propre couleur musicale. Le breton penche naturellement vers des mélodies celtiques, le français a un côté plus Pop, tandis que l’anglais apporte une touche Folk, Americana et Country. Est-ce une distinction volontaire, ou quelque chose qui se fait naturellement au moment de l’écriture ?

Je commence toujours par composer les mélodies à la guitare, en ayant déjà une idée du thème que je vais aborder, j’ai parfois même déjà le titre de la chanson. C’était d’ailleurs le cas lorsque j’ai composé « Douar ». En revanche, la langue choisie n’est pas toujours déterminée. Lorsque je compose, je chante toujours dans une langue imaginaire et ce sont les sonorités qui ressortent et qui me guident jusqu’aux paroles que je vais écrire.

– S’il y a quelques collaborations sur « Et Tout Prend Vie », comme c’était aussi le cas sur « Earth », tu signes l’essentiel des paroles et de la musique. Y a-t-il un processus d’introspection dans ta manière d’écrire et de composer qui nécessite d’être seule ? Dans un premier temps du moins…

Hormis une certaine pudeur qui me bloquait dans l’écriture de textes en français, je ne me sentais pas légitime d’écrire, pensant ne pas avoir le talent pour ça. Mais ces dernières années d’introspection, depuis le premier album, m’ont appris à me ‘lâcher la grappe’, apprivoiser la feuille blanche, me connecter à mon jardin secret et me laisser guider par l’énergie qui en ressort, au plus près de la vérité qui m’anime.

– Entre tes deux albums, il y a donc aussi eu ta rencontre avec Denez, dont on connaît le talent et l’attachement viscéral à la Bretagne. Tout a commencé en 2021 avec le morceau « Waltz Of Life » avec Oxmo Puccino, puis sur scène à plusieurs reprises. Il signe d’ailleurs aussi l’adaptation du texte en breton de « Merch’ed Kelt ». Outre la connexion musicale, vous avez en commun l’amour de la Bretagne. Quelle relation artistique entretenez-vous justement ?

Oui, comme je le disais un peu plus haut, Denez fait partie de ces rencontres déterminantes, qui apportent à votre existence un sens tout particulier. Il est aussi pour moi un ami sincère et authentique. Nous avons, je pense, une vision artistique et humaine similaire et je suis admirative de son parcours et de sa forte identitaire bretonne. Il suit son intuition quoi qu’il advienne et c’est un très bel héritage pour la nouvelle génération d’artistes en Bretagne.

– Un mot justement sur « Merc’hed Kelt », ‘Les Femmes Celtes’, où tu as réuni six chanteuses bretonnes. Comment est née l’idée de cette chanson et quelle signification a-t-elle pour toi ? Y a-t-il un rapport, même lointain, avec #Me Too ou d’autres revendications du même genre ?

Mon projet de « L’Hymne des Femmes Celtes » me tenait à coeur depuis longtemps, mais il me semblait difficile à concrétiser, parce qu’il fallait réussir à convaincre et rassembler plusieurs artistes, ce que je n’avais encore jamais expérimenté. « Merc’hed Kelt » ne devait d’ailleurs pas faire partie du nouvel album au départ. Ce projet a finalement vu le jour grâce à ma collaboration avec One Hot Minute, qui a souhaité produire ma chanson, dans les tout derniers temps de la réalisation du disque.

Pour la création de cette chanson, j’ai souhaité travailler avec mon père, Gwendal Le Goarnig. Il a composé la mélodie, puis j’ai écrit le texte en français. Comme c’était important pour moi que cette chanson soit chantée en breton, j’ai donc proposé à Denez d’adapter le texte et il m’a fait l’honneur d’accepter.

Enfin, à travers ce projet je souhaitais mettre en valeur l’histoire de ces femmes qui, d’après les quelques écrits que j’ai pu trouver, nous racontent qu’elles avaient la même place et les mêmes droits que l’homme dans le peuple celte. Elle pouvait être reine, druidesse ou encore cheffe de guerre. Je pense qu’il est plus que temps que l’homme et la femme retrouvent cette équité et que l’on intègre enfin que chaque être humain détient une place particulière et unique sur Terre. Je trouvais donc intéressant de remettre l’Histoire de la femme celte dans le contexte actuel, en réussissant des artistes féminines, qui constituent la scène actuelle bretonne. J’ai contacté plus d’une dizaine d’artistes de Bretagne et six d’entre-elles ont souhaité faire partie de l’aventure. Merci encore à Laurène Bourvon (duo Lunis), Clarisse Lavanant, Elise Desbordes (duo Emezi), Madelyn Ann, Sterenn Diridollou et Morwenn Le Normand.

– Il y a sur l’album un thème qui revient à plusieurs reprises, c’est celui du rêve. Et c’est vrai qu’il laisse le champ libre à l’imagination au sens large. En quoi est-ce qu’il t’inspire et peut-il d’ailleurs devenir réalité ? Et est-ce que tu le souhaites ?

Je suis fascinée par la capacité que nous avons tous à rêver. Je suis quelqu’un qui rêve beaucoup, et parfois de situations tellement réelles que j’ai l’impression d’avoir une deuxième vie. Mes rêves m’ont permis de concrétiser dans la matière un souhait, une idée, une rencontre. Il m’est arrivé de rêver d’une mélodie, de me réveiller en pleine nuit et de l’enregistrer à moitié endormie.

– J’aimerais qu’on dise un mot aussi de ton rapport à la Bretagne. Tu es Finistérienne, d’un lieu que je connais d’ailleurs bien, et issue d’une famille aussi très engagée. Même si c’est difficile à exprimer de manière rapide, qu’est-ce qui t’inspire le plus dans notre beau pays ? Sa musique, ses légendes, ses paysages et ses reliefs, sa langue, sa culture celtique très opposée celle latine de la France, son peuple, son caractère, … ?

J’ai grandi à Moëlan-sur-Mer, dans une famille passionnée, investie, active et viscéralement attachée à sa culture bretonne. Même si nous avons toujours eu des liens très forts, j’ai eu besoin de partir loin, pour expérimenter la vie en dehors du cocon familial, découvrir d’autres cultures, d’autres paysages, d’autres ambiances et évoluer dans un environnement moins confortable, ou moins apaisant. Je crois que durant mes 20 ans de vadrouille, je n’ai finalement jamais été très épanouie loin de la Bretagne. Malgré la distance et les belles rencontres sur mon chemin, mon héritage familial m’a ramené vers la terre magnétique du Finistère. La Bretagne pour moi est un havre de paix infini, c’est à la fois mon innocence et ma plus grande force. Comme une évidence, je suis connectée à sa langue, sa lumière et sa beauté authentique, libre et sauvage. Et son énergie m’a aidé à réaliser ce deuxième album « Et Tout Prend Vie ».

– Enfin, j’ai remarqué aussi que tu étais allée un peu à l’encontre de ce qui se fait aujourd’hui à la parution d’un album, c’est-à-dire que tu l’as d’abord sorti en physique. Il sera ensuite disponible en numérique un peu plus tard. Je ne peux que saluer ton initiative et j’aimerais que tu m’en dises un peu plus sur cette démarche très rare. C’est un choix étonnant…

Avec One Hot Minute, nous avons privilégié la sortie physique de mon nouvel album en Bretagne, en collaboration avec la ‘Scarmor’, qui réunit les Espaces Culturels E. Leclerc, suite au ‘Prix de Soutien Culturel E. Leclerc’, qui m’a été attribué. L’écriture de ce nouvel album a été longue et mouvementée, j’ai mis beaucoup d’énergie et de coeur dans chacune de ses nouvelles chansons, ainsi que l’équipe qui a travaillé à mes côtés. Nous avons voulu prendre le temps de dévoiler cet album sur la toile, au juste moment. Même si je suis consciente que les lecteurs de disques sont en voie d’extinction, c’est aussi l’occasion de dire qu’il n’est pas obligatoire de livrer sa musique, en un clic, comme une évidence établie. Et puis, je fais partie de celles et ceux qui prennent le temps d’écouter un bon disque, en feuilletant son livret de paroles, tout comme l’on savoure un grand cru, au coin du feu.

Le nouvel album d’AZILIZ MANROW, « Et Tout Prend Vie », est disponible chez One Hot Minute et plus tard sur les plateformes.

Photos : Zoé Satche

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Ambient Musique traditionnelle Neo-Folk Pagan Viking

Wardruna : l’art de la transmission

Chaque nouvelle réalisation de WARDRUNA, et c’est la sixième, paraît toujours plus fascinante que la précédente. Quatre ans après « Kvitravn », le collectif articulé autour de Selvik et de Hella, grands artisans de cette quête mémorielle artistique, s’ouvre encore de nouvelles perspectives grâce à des rituels et des récits mythologiques saisissants et d’une rare authenticité. Plus que jamais, les Européens sont incontournables et surtout inégalables avec ce magnifique « Birna ».

WARDRUNA

« Birna »

(Columbia/Sony Music)

Celles et ceux qui connaissent, ou vivent, en écoutant de la musique traditionnelle, d’où qu’elle vienne, savent l’impact et l’effet souvent viscéral qu’elle produit. Pour les autres, il peut y avoir un côté magique, surnaturel et transcendant qui peut surprendre et séduire aussi. Et c’est vrai qu’Einar Selvik, ex-Gorgoroth, est un maître en matière de transmission et de conservation d’une culture ancestrale qu’il parvient aussi à rendre très moderne dans son approche. WARDRUNA représente par conséquent la vie qui continue.

Souvent assimilée simplement à de la néo-Folk/Ambient, la musique des Norvégiens va au-delà en ce sens qu’elle n’a rien d’expérimentale. A l’instar d’un ‘scalde’, le poète scandinave, le leader du groupe s’inspire autant de sons de la nature que d’instruments traditionnels à qui il a d’ailleurs souvent lui-même redonné vie. Et depuis ses débuts, l’objectif de WARDRUNA est de proposer une reconnexion à la Terre et ce qui lui appartient. Et sur « Birna », c’est l’ours qui est le centre du projet.

Animal emblématique de la culture nordique, il est donc ici le sujet du disque, auquel il donne d’ailleurs son titre en vieux norrois. Toujours aussi introspectifs, les nouveaux morceaux traitent autant des forces que de la vulnérabilité de l’ours et WARDRUNA sait toujours aussi bien se faire hypnotique (« Ljos Til Jord »), intense (« Hertan », « Birna »,) et bien sûr Pagan et poétique (« Tretale », « Hibjørnen »). Et entre la voix rauque et profonde de Selvik et la dimension céleste de celle de Linda-Fay Hella, le voyage se fait instantanément.  

Retrouvez la chronique de « Kvitravn » :

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Funk Rock Fusion Livre

Red Hop Chili Peppers : funky California

Avec des débuts fracassants et enthousiasmants, les RED HOT CHILI PEPPERS ont marqué profondément et de manière indélébile le monde du Rock au sens large. Précurseurs d’un registre qui a fait des émules et traversé plusieurs générations, ils sont les plus funky de la côte ouest et ont balisé leur parcours à grands coups de riffs brûlants, de slaps phénoménaux et de hits aussi nombreux qu’incontournables. Fédérateurs et parfois borderlines, les Américains font des étincelles jusque dans cette belle docu-BD.

RED HOT CHILI PEPPERS

B. Figuerola/C. Cordoba/F. Vivaldi/S. Degasne

Editions Petit à Petit

La maison d’édition normande poursuit sa belle série dédiée à la musique et elle s’attaque cette fois à un nouveau monument du Rock mondial. Et c’est du côté de la Californie que l’on suit les aventures des RED HOT CHILI PEPPERS. Fondé sous le soleil de Los Angeles en 1982 par deux amis d’enfance, Anthony Kiedis (chant) et Flea (basse), le groupe prend véritablement forme avec les arrivées en 1988 de Chad Smith (batterie) et Jon Frusciante (guitare), qui stabilisent le combo, malgré deux départs de ce dernier par la suite.

Aujourd’hui, du haut d’une discographie de 13 réalisations studio, les R.H.C.P. approchent les 80 millions d’albums vendus et, pour ceux que ça intéresse, plus de cinq milliards de streams. Autant dire que le quatuor pèse dans l’industrie musicale et ce n’est pas une question de marketing. Non, il est le créateur d’un style et d’un son unique, identifiable entre mille et en quelques secondes. Une touche très personnelle où se mêlent de manière très naturelle Rock, Funk, Metal, Soul, Rap ou Punk dans une harmonie totale.

Cela dit, et avec tout le respect que j’ai pour les R.H.C.P., il faut bien avouer qu’ils se sont éteints à l’aube des années 2000. Si techniquement, ils sont irréprochables, les productions qui ont suivi « Californication », voire même avant, manquent de souffle. D’ailleurs, les puristes affirment que « Mother’s Milk » est même leur dernier joyau. Bref, la bande dessinée, bien documentée, relate l’incroyable succès et les frasques qui ont émaillé la carrière exceptionnelle de quatre musiciens appréciés de tous… d’une manière ou d’une autre.

128 pages/Format 19×26 cm/19,90€

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Livre Musique celtique

Dan Ar Braz : hentoù glazig [Livre]

Il manquait certainement ce bel ouvrage à l’aventure artistique du plus connu des Quimpérois. Et qui de mieux indiqué que celui qui avait livré ses « Conversations » avec le pianiste Didier Squiban il y a quelques années ? Avant tout journaliste, c’est le rôle d’auteur que Frédéric Jambon a endossé cette fois pour narrer une vie de musique aux allures si romanesques. S’il en a écrit des articles sur Dan Ar Braz, « Chemins Bleus » abonde encore de ses mots, dont la fraîcheur et la pertinence demeurent intacts.

DAN AR BRAZ – CHEMINS BLEUS

Frédéric Jambon

Coop Breizh

Frédéric Jambon connaît bien Dan Ar Braz. Il le connaît même très bien. Passionné et amoureux de musique, notamment celtique, le journaliste est aux premières loges de la vie et de l’évolution de celle-ci depuis quelques décennies maintenant. A la tête du service musical du Télégramme, dont il a été la force et le souffle du ‘Magazine’, devenu ensuite ‘Le Mag’, et qui manque cruellement au journal, on lui doit aussi le ‘Grand Prix du Disque du Télégramme’, sur lequel son oreille attentive et affûtée a souvent été révélatrice du talent des enfants du pays, garants de son avenir culturel.

Et lorsque l’on connait un peu les deux protagonistes de ces « Chemins Bleus », la sortie de cette biographie n’est pas une surprise, mais plutôt une évidence. Le musicien et Frédéric Jambon partagent bien plus qu’un dévouement commun pour la musique, tout comme pour la Bretagne d’ailleurs. Chacun à leur façon, on retrouve chez eux ce même sourire bienveillant et cet œil pétillant et curieux. Si les notes de Dan Ar Braz sont légères et aériennes, la plume et le regard du journaliste sont justes et jamais bavards. Et les mises en situation offrent aussi des angles bien choisis.

Un peu plus de 300 pages parcourent la carrière longue de six décennies du Finistérien. En groupe avec Alan Stivell ou Fairport Convention, aux côtés de Rory Gallagher ou Dónal Lunny sur scène, du triomphe de l’Héritage des Celtes aux Victoires de la Musique, en passant par l’Eurovision et le Stade de France, Dan Ar Braz est bel et bien ce guitar-hero aussi discret que virtuose. Une simplicité qui touche l’âme avec humour et émotion. Et les témoignages rapportés dans le livre parlent autant d’humilité que d’humanité et de persévérance. « Chemins Bleus » est un document précieux et attachant.

320 pages – 15,5 x 22,5 cm – 25€

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Musique celtique

Alan Stivell : céleste

Enregistré le 7 avril 2022 à la salle ‘Le Liberté’ de Rennes, ce double-album était aussi attendu par son interprète que par son fidèle public. Accompagné par l’ONB, le célèbre harpiste breton revient en quelque sorte à sa formation première, la musique classique, et c’est lui-même qui a orchestré ce rapprochement. Preuve en est que la musique celtique est universelle, originale et profonde et sait s’adapter à tous les environnements. Le défi que s’était lancé ALAN STIVELL est très largement relevé et le relief que prennent ses compositions est saisissant.

ALAN STIVELL

« RoazhonLiberté  »

(Verycords)

La Musique bretonne telle qu’on la connait aujourd’hui lui doit presque tout. Et pourtant, si le chanteur et multi-instrumentiste donne l’impression d’avoir fait le tour de la question, il n’en est rien. A l’occasion Rock, Folk, World, électrique ou acoustique, ALAN STIVELL a fait vibrer la Bretagne de toutes les façons. Et cette fois, c’est avec l’Orchestre National justement, l’ONB, qu’il offre une partition symphonique d’emblématiques morceaux de son répertoire, ainsi que d’autres moins connus. Et la magie opère encore et toujours.

Malgré une carrière qui s’étend sur des décennies et qui a bercé plusieurs générations, ALAN STIVELL ne manque ni d’envie, ni de fraîcheur. « Roazhon – Liberté », titre où l’on peut d’ailleurs imaginer un double-sens qui rappelle son combat originel, parcourt en l’espace de 20 temps forts savamment choisis ce qui résonne comme un héritage plus vivant que jamais. La fusion entre la musique traditionnelle et classique est assez naturelle et l’ensemble offre presqu’un aspect ‘moderne’ à un registre intemporel.

On peut voir ici certaines similitudes avec le « Fest-Noz Symphonique », initialisé en 2017 par l’Orchestre Symphonique de Bretagne avec le duo Hamon-Martin et Annie Ebrel, qui donnait déjà ce type de lecture à notre musique traditionnelle. Sauf qu’ici, ALAN STIVELL revisite sa célèbre « Symphonie Celtique » parue en 1979 en la pâmant de nouvelles couleurs, tout comme sur « Ys », « Brian Boru », « Pop-Plinn », « Tri Martolod » bien sûr et le « Bro Gozh », doté d’un esthétisme nouveau et même d’un couplet supplémentaire. Sublime !

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Electro Ethnic Musique celtique Neo-Folk

Widilma : des terres et des îles

Après des débuts en solo et plusieurs albums, puis une escapade avec Skilda, c’est dorénavant au sein de WIDILMA que le chant de Kohann se pose et continue de s’aventurer avec son partenaire Konan Morel, chef d’orchestre de ces balades celtiques intemporelles. C’est une nouvelle plongée depuis le néolithique jusqu’à l’âge de bronze que nous offre « Silina » sur fond d’Electro et de néo-Folk, où les instruments traditionnels guident et donnent la voie. Le monde de la formation bretonne paraît très proche dans sa modernité, tout en restant une transmission véritable et toujours très captivante.

WIDILMA

« Silina »

(Independant)

Deux ans après un premier album, « Brixtia », et un passage très remarqué à la dernière édition du festival Motocultor sur ses terres bretonnes, WIDILMA réapparaît avec une deuxième réalisation un peu spéciale. Le duo a en effet décidé de revisiter une partie de son répertoire avec une approche plus électronique, mais toujours aussi envoûtante. L’effet de transe est même augmenté sur certains morceaux et le voyage dans ces îles mystérieuses, sur les Hautes Terres de Kembre avec les créatures qui les habitent est encore saisissant.

Entourées par l’océan, à Uxsama, Silina et Siata, WIDILMA prolonge le plaisir de cette exploration tribale, où s’entremêlent les chants et les mots secrets distillés en gallois, breton et en gaulois. Très imagé, le langage emprunté évoque des temps anciens, même si la couleur musicale est résolument moderne. La chanteuse Kohann et le multi-instrumentiste et producteur Konan Mevel ont créé un univers personnel, pourtant universel, qui vient témoigner d’une culture civilisationnelle qui perdure et se réinvente au fil des morceaux.

Entre mythe et ésotérisme, des saveurs chamaniques pénètrent « Silina » et ce n’est pas un hasard si la chouette vient survoler le morceau « Hi Blaidd » ou l’aigle « Eryr », tandis que le pibgorn se fait aussi entendre sur « Runa Inis ». L’aspect parfois technoïde de certains passages rend l’atmosphère de certains titres moins contemplative, mais toujours très hypnotique. Celte et pagan, WIDILMA travaille son identité avec beaucoup d’originalité et la voix de Kohann nous berce et nous emmène dans une ambiance énigmatique réconfortante.

Retrouvez la chronique du premier album :

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International Power Pop Power Rock Rock/Hard

The Hot Damn! : living colors [Interview]

En quatre ans, le quatuor britannique a marqué les esprits lors de concerts endiablés à travers leur pays et fait en sorte que leur musique dépasse largement les frontières du Royaume-Uni. Après un premier EP, c’est avec un album hyper-punchy à l’énergie débordante et aux textes francs et directs, « Dancing On The Milky Way », qu’elles viennent épicer une scène Rock, qui se prend peut-être un peu trop au sérieux. Coloré et irrévérencieux, le style de THE HOT DAMN! passe de la Power/Pop au Metal/Punk sans transition, mais avec une étonnante fluidité et surtout une joie communicative, tout en dénonçant les travers de notre société. Lzi Hayes (basse, choeurs) et Gill Montgomery (chant, guitare) ont pris le temps de répondre à quelques questions pour expliquer la démarche de leur formation survitaminée.

– Vous avez toutes un passé musical au sein de The Amorettes, Tequila Mockinbyrd, New Device, Aaron Buchanan & The Cult Classics et Sophie Lloyd avec une certaine reconnaissance. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous retrouver et fonder THE HOT DAMN! ? Un manque de fun dans vos groupes respectifs ? 

Lzi : Nous nous sommes rencontrées par hasard, en fait. Nous étions toutes dans nos groupes respectifs et je pense que nous cherchions chacune de nous à clore un chapitre de nos vies musicales, afin d’en commencer un autre. Nos groupes étaient tous très sérieux, vêtus de noir avec des vibrations sombres et je suppose que nous voulions tous faire quelque chose d’un peu différent et d’un peu plus unique.

– Cela n’aura échappé à personne, THE HOT DAMN! est entièrement féminin. Ça aussi, c’était une condition pour fonder le groupe, et peut-être aussi perpétuer cette belle tradition des femmes dans le Rock ?

Nous avons des opinions bien arrêtées sur ce sujet. Bien sûr, ce n’était pas une condition pour fonder le groupe ! Être quatre femmes dans un groupe ne devrait pas être un sujet de discussion au 21ème siècle ! Toute notre vie, nous avons dû nous contenter de ‘elles sont bonnes… pour des filles’, ou de tout autre compliment indirect du même genre. Nous en avons marre. Nous sommes des femmes, oui. Nous jouons de la musique, oui. Quel est le problème ? Notre anatomie n’a rien à voir avec la musique que nous jouons, ou pourquoi nous la jouons. Nous sommes juste quatre amies qui rigolons ensemble !

– D’ailleurs, un groupe entièrement composé de femmes doit-il forcément être aussi féministe dans ses textes et son attitude ?

Les chansons parlent d’elles-mêmes, non ? Nous ne voulons pas représenter un seul sexe. Nous voulons représenter les gens de tous les genres qui se sentent battus et maltraités. La chanson « I Didn’t Like You Anyway » est un grand ‘Fuck You’ à tous les connards ! C’est quelque chose auquel tout le monde peut s’identifier en adoptant une position de force et de pouvoir en se disant ‘tu ne me peux pas me battre !’. Alors oui, nous sommes des femmes, mais nous chantons sur des sujets universels. Nous pensons que ça craint vraiment pour les femmes, les LGBTQ+, les POC (personnes de couleurs – NDR), … Bref, tout le monde, en fait, est traité comme de la merde et nous nous donnons pour mission de le dénoncer dans chacune de nos chansons.

– Vous avez créé et officialisé le groupe il y a quatre ans en pleine pandémie, et vous en avez d’ailleurs beaucoup joué à l’époque sur les réseaux sociaux. Il fallait tout de même avoir la foi ! Vous avez cru dès le début au potentiel de THE HOT DAMN! ?

Il fallait avoir foi en quelque chose… C’était une période si sombre pour tout le monde, nous voulions simplement nous donner pour mission de remonter le moral des gens et de mettre un peu de couleur dans leur vie. Notre premier objectif a été de commencer par être une entité et donc un groupe, qui nous faisait rire et qui nous apportait de la joie. Nous avons pensé que si cela nous amusait, cela ferait aussi sourire les autres pendant cette période très difficile de notre vie.

– Et vous voici aujourd’hui avec votre premier album, « Dancing On The Milky Way », qui ne manque pas de piquant. Vous l’avez enregistré à Melbourne en Australie et en Angleterre à Doncaster. Pourquoi autant de distance entre les studios ? Il vous fallait des changements d’ambiances ?

Josie (O’Toole, batterie – NDR) avait juste envie de vacances et ne voulait pas que nous venions la déranger ! (Rires) Non, elle voulait juste enregistrer la batterie avec une très bonne amie, pendant qu’elle allait rendre visite à d’autres en Australie, car elle a vécu à Melbourne pendant dix ans. Sur place, elle a rencontré Ricki Rae, avec qui elle avait travaillé sur quelques projets musicaux et elle a pensé que ce serait donc le meilleur endroit pour enregistrer la batterie avec lui. Nous autres avons enregistré nos parties à Doncaster, car il était logique de tirer le meilleur parti de nos congés annuels pour nous permettre de faire ensuite quelques grandes tournées la même année. Et nous adorons le résultat ! (Sourires)

– L’album présente également une grosse production que l’on doit à Ricki Rae et Matt Elliss. Malgré les deux producteurs, « Dancing On The Milky Way » est très homogène dans le son. Vous aviez besoin d’autant d’émulation pour obtenir ce que vous recherchiez ?

Ricki a produit et mixé tout ce que nous avons fait jusqu’à présent. Il fallait évidemment que nous ayons une certaine continuité dans le son et nous adorons aussi son travail. Il nous fait sonner comme les dures à cuire que nous sommes.

– Vous évoluez d’ailleurs dans un Power Pop/Rock parfois Metal très coloré, et aussi explosif que festif. La scène Rock actuelle vous parait-elle à ce point terne qu’il vous faillait l’aciduler un peu ?

Nous ne disons pas que la scène Rock actuelle est ennuyeuse… Mais nous pensons que le modèle est le même depuis très longtemps. Tout ce que nous essayons de faire, c’est de briser un peu le moule et injecter un peu de fun et de couleur dans une scène musicale par ailleurs sombre et sérieuse. Nous prenons cette direction Pop-Punk et l’injectons dans une musique Rock moderne.

– Vos chansons renvoient à des époques différentes et aussi à des artistes très variés, qui rappellent autant le courant Punk que Pop et même Hard Rock avec un côté Glam Sleaze. C’est une sorte de nostalgie, ou plutôt l’idée de reprendre les choses là où elles en étaient avec un spectre moderne et très actuel ?

Je pense que nous essayons simplement de saluer tous les groupes avec lesquels nous avons grandi et que nous admirons. Nous avons toutes des goûts tellement variés que je pense que tout se combine d’une manière nouvelle, étrange et merveilleuse ! Nous n’avons pas la prétention de faire quelque chose qui n’ait jamais été faite auparavant, mais nous le faisons d’une manière qui, nous l’espérons, fait entrer le tout dans le 21ème siècle.

– Il y a aussi un gros travail sur les guitares notamment. Est-ce un aspect sur lequel vous vouliez vraiment vous éclater et quels sont vos références dans le domaine ?

Gill adore l’époque Glam et Punk des années 70 ! Elle adore Bowie, Kiss, The Sweet et tous ces groupes incroyables. Je pense qu’avec ses influences, elle apporte un côté théâtral et un son moderne, mais rétro, à son jeu. Laurie (Buchanan, guitare et chœurs – NDR) est beaucoup plus influencée par les groupes modernes comme Coheed et Cambria. Nous voulions vraiment créer des paysages sonores avec beaucoup de couches de guitares massives pour qu’à chaque écoute, on entende quelque chose de nouveau.

Gill Montgomery

– Gill, tu apparais également sur le nouvel album de The New Roses, « Attracted To Danger », sur la power-ballad « Hold Me Up » en duo avec Timmy Rough. Comment une chanteuse écossaise se retrouve-t-elle sur l’album d’un groupe de Hard Rock allemand ? Vous vous connaissez depuis longtemps, car vous ne partagez pas non plus le même label ?

Gill : Nos managers se connaissent et nous ont présentés. Je crois qu’ils me connaissaient dans mon précédent groupe, The Amorettes. Nous étions sur le label de Heavy Metal allemand Steamhammer, une société sœur d’UDR. Ils avaient au moins entendu parler de nous quand nous leur avons volé la tournée en soutien des Dead Daisies ! Oups ! (Rires) J’avais entendu leur nom sur le circuit depuis quelques années et finalement, nos chemins se sont croisés.

– Enfin, THE HOT DAMN! étant déjà réputé pour ses prestations scénique enflammées, j’imagine qu’une tournée est prévue pour défendre « Dancing On The Milky Way » ? Peut-être avec The New Roses d’ailleurs… ?

Nous partons en tournée au Royaume-Uni dès le 1er novembre, en passant par Cardiff, Nottingham, Londres, Newcastle, Whitby, Glasgow et nous terminerons à Manchester ! Nous retournerons ensuite en Allemagne pour assurer la première partie de D-A-D, et terminerons par un concert spécial avec nos amis de The New Roses le 14 décembre à Wiesbaden ! Nous avons hâte !

Le premier album de THE HOT DAMN!, « Dancing On The Milky Way », est disponible chez Fat Earth Records et sur le site du groupe : www.thehotdamn.com

Photos : Blackham Images et Robert Sutton (5)

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Hard Rock Livre Metal

Motörhead : l’éternel étendard [Livre]

La nouvelle génération, tout comme les touristes, qui se rendent chaque mois de juin au ‘Hellfest’ n’ont pu échapper à l’imposante statue de Lemmy Kilmister qui trône sur le site de Clisson. Edifié tel un dieu du Metal, le bassiste et chanteur est devenu une véritable icône, chose qui l’aurait d’ailleurs beaucoup amusé de son vivant. Presque dix ans après son décès, il continue de faire couler beaucoup d’encre et c’est le journaliste et auteur Julien Deléglise, qui se penche cette fois sur l’épopée de la formation désormais incontournable, qui a laissé un héritage conséquent à tous les amateurs de Rock joué fort.

MOTÖRHEAD

Julien Deléglise

Editions du Layeur

Sur MOTÖRHEAD, tout a été très probablement dit, écrit et entendu depuis un bon moment déjà. Et pourtant à chaque anniversaire d’un album, de celui du groupe, ou de la naissance et de la mort de Lemmy, tout est prétexte à ressortir des choses, pas toujours sortables d’ailleurs. Le groupe est devenu, un peu malgré lui, un objet marketing très rentable. Car c’est finalement seulement quelques années avant la disparition de l’emblématique leader du plus ‘power’ des power-trios que les Britanniques ont enfin pu embrasser une reconnaissance plus que méritée par le plus grand nombre, fans ou pas d’ailleurs. Et étonnamment, et à l’instar des Ramones par exemple, tout le monde est aujourd’hui en adoration devant cette institution du Rock au sens large… sans souvent la connaître.

Le projet de Julien Deléglise, l’auteur du livre, est de célébrer cette incroyable sensation de liberté absolue représentée par MOTÖRHEAD. C’est vrai qu’on peut presque comparer sa carrière à un véritable mode de vie, très souvent borderline, mais authentique Et puis, il revient également sur l’intégrité de ce musicien mythique, fédérateur et charismatique qu’était Lemmy Kilmister. Et il n’y a rien de galvaudé là-dedans. Pour l’avoir vu à de très nombreuses reprises en concert, il y a avait un côté hypnotique qui se produisait dès son arrivée sur scène et les premières notes suffisaient à enflammer n’importe quelle salle. Immédiatement, le public entrait dans une sorte de transe contagieuse. Car, on ne se rendait jamais à une prestation du combo par hasard.

Par conséquent, c’est un plaisir de se plonger dans ce « Motörhead » qui s’articule autour de la chronologie des albums des rockeurs anglais, petite exception faite de « On Parole » sorti quatre ans après son enregistrement. On y retrouve des anecdotes sur la vie de ses membres en studio, en tournée (car ils n’arrêtaient jamais !) ou même au quotidien. Souvent houleux, le parcours de MOTÖRHEAD est tout sauf un long fleuve tranquille. Et il en jouera d’ailleurs aussi entre provocations assumées et déclarations tranchantes et pleines de bon sens du grand Lemmy, qui les distillait malicieusement. C’est aussi l’occasion de se pencher sur la belle discographie, officielle ou non, de la légende et aussi de celles des musiciens qui ont œuvré à sa construction. Instructif et nostalgique à la fois !

367 pages – 29cm x 29cm – 45,00 €

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Folk Metal International Musique traditionnelle

Theigns & Thralls : legends & tradition [Interview]

D’abord à la production du premier album de Skyclad en 1991, Kevin Ridley a intégré le groupe quelques années plus tard en tant que musicien, pour en être aujourd’hui le chanteur et principal compositeur. Toujours très prolifique, le Britannique a multiplié les projets, devant comme derrière la console, avant de constituer en 2022 THEIGNS & THRALLS. Toujours dans une lignée Folk Metal teinté de Rock, le groupe présente aujourd’hui un deuxième album, « The Keep and The Spire », où il explore un univers lié à l’Histoire et aux légendes de la période anglo-saxonne et viking de l’Angleterre. D’une authenticité toute médiévale autant que moderne, il détaille le projet de sa nouvelle formation et revient sur la conception de cette récente réalisation.    

– On a découvert THEIGNS & THRALLS il y a deux ans avec votre premier album éponyme. Au départ, il s’agissait d’un simple projet en marge de tes activités avec Skyclad et finalement, « The Keep And The Spire » sort aujourd’hui. Tu imaginais déjà l’aventure continuer ainsi à l’époque ?

Pas vraiment. Je pense que THEIGNS & THRALLS a dépassé toutes mes attentes. Au départ, j’avais prévu uniquement de faire quelques concerts avec des amis dans des pubs, etc… Mais le Covid a frappé et je me suis impliqué dans l’écriture et l’enregistrement de quelques chansons à la maison. Quand j’ai eu assez de matériel, j’ai pensé à le sortir moi-même, juste en ligne, via Bandcamp ou quelque chose comme ça. Mais ensuite, j’ai fait appel à une maison de disques et un groupe de tournée s’est constitué. Tout est parti de là.

– Tu avais déjà commencé l’écriture des morceaux de ce deuxième nouvel album au moment de la sortie du premier. C’était déjà pour THEIGNS & THRALLS, même peut-être inconsciemment, ou pour un autre projet solo, par exemple ?

Au moment où nous avons pu recommencer à nous produire en concert en 2022, j’avais déjà l’impression que le groupe jouait bien et que les choses semblaient très positives. Il m’a donc été facile de trouver une direction artistique et commencer à écrire des chansons destinées à THEIGNS & THRALLS. Cela a également été facilité par ma collaboration avec le parolier suédois Per Ablinsson.

– Les deux albums sont assez différents l’un de l’autre et « The Keep And The Spire » permet aussi de mieux cerner le groupe. Cette fois, il y a très peu de sonorités acoustiques et l’ambiance est aussi plus sombre. Est-ce que tu y vois tout de même une certaine continuité, ou l’idée était dès le départ de se distinguer du premier et d’élargir le spectre musical ?

Je pense qu’après avoir fait le premier album, j’avais encore quelques pistes à explorer, quelques chemins à suivre, pour ainsi dire. J’en ai parlé avec Per Ablinsson et j’ai eu l’idée de faire une série de chansons basées sur la période anglo-saxonne et viking de l’Angleterre. Cela a en quelque sorte donné le ton de l’album, car j’avais déjà commencé à écrire des chansons comme « The Harrowing » et « The Seeker ». Il ne semblait pas y avoir beaucoup de place pour des chansons plus ‘acoustiques’, ou traditionnelles, sur cet album. Cependant, il y a quelques courts interludes acoustiques et faire d’autres chansons dans cette veine n’est pas quelque chose que j’ai complètement exclu. Et nous avons ajouté quelques ‘chansons de fête’ comme « The Grape And The Grain » et « The Mermaid Tavern » pour équilibrer l’album. Dans l’ensemble, je pense qu’il y a une certaine continuité avec le premier, mais je pense que le nouveau est plus ciblé et constitue une certaine progression également.

– Cette fois, le line-up est également clairement défini. C’était quelque chose d’important aussi de poser de réelles et solides fondations à THEIGNS & THRALLS et d’en définir les contours pour avancer ?

Oui. Comme je te le disais, nous nous sommes réunis après l’enregistrement du premier album. Et nous nous sommes sentis vraiment à l’aise en travaillant ensemble et il nous a semblé tout à fait approprié de progresser sur le nouvel album en tant que groupe. En plus de la batterie, de la basse, des claviers et des guitares, pour poser les bases des chansons, nous avons pu également ajouter du violon, du violoncelle, de la mandoline, du bouzouki, des sifflets, etc… pour aider à compléter les arrangements. Nous n’avions pas vraiment besoin de plus de musiciens. Nous avons décidé d’en inclure tout de même quelques-uns, simplement pour ajouter des textures et des approches différentes. C’est principalement pour les instruments que nous ne jouons pas, comme la vielle à roue par exemple, mais aussi pour certains styles de guitares précis aussi.

– Tu es le principal compositeur du groupe et les paroles, comme souvent avec toi, ont une thématique qui touche l’Histoire et de vieux poèmes celtiques et vikings. Tu ne te vois pas œuvrer dans un autre univers ? Le monde et la société actuelle ne t’inspirent pas plus que ça, même s’il y a parfois quelques parallèles dans ce nouvel album ?

Comme le nom du groupe le suggère, je m’intéresse principalement à l’exploration des histoires anciennes, de la poésie, de la littérature, de la fiction historique, des chansons traditionnelles, etc… Il ne s’agit pas uniquement de l’époque celtique ou viking. Mais j’aime penser que je peux trouver des contes et des chansons, qui ont encore de la pertinence et qui trouvent un écho auprès des gens d’aujourd’hui. Je pense qu’il existe encore des situations et des problèmes similaires dans notre société et que l’Histoire a peut-être quelques leçons à nous donner.

– Comme on l’a dit, il y a essentiellement des sonorités et des atmosphères celtiques et nordiques chez THEIGNS & THRALLS et cela se traduit par un Folk Metal et Rock très intemporel. Etant donné la richesse du sujet à travers les légendes et l’Histoire, le registre paraît inépuisable. Est-ce que tu penses qu’on puisse encore aujourd’hui le moderniser et l’actualiser, notamment avec des textes neufs et inédits, au lieu de puiser dans le passé ?

Comme tu le dis, il existe une richesse ‘inépuisable’ de sources au niveau des chansons traditionnelles et des journaux, en passant par les légendes et les contes populaires, qui peuvent tous être racontés, ou réimaginés. Mais il existe également de nouvelles œuvres de fiction historique, qui peuvent nous inspirer et de nouvelles recherches peuvent aussi élargir notre compréhension de l’Histoire. Nous devrions considérer la tradition populaire comme étant vivante et pertinente pour les gens, même dans le monde moderne d’aujourd’hui.

– Revenons à l’album. S’il est vrai qu’il est plus sombre et plus ‘sérieux’ que le premier, « The Keep And The Spire » contient aussi des chansons festives et joyeuses. C’est important aussi pour toi qu’il y ait cet équilibre ?

Oui, je pense que c’est important. En fait, l’album devenait assez sombre et sérieux et l’un des membres du groupe a fait remarquer qu’il fallait peut-être alléger un peu les choses. J’avais donc depuis un certain temps l’idée d’une chanson sur la Taverne de la Sirène et j’ai décidé de la terminer, puis j’ai composé « The Grape And The Grain ». En plus de cela, j’avais déjà collaboré avec Korpiklanni sur la chanson « Interrogativa Cantilena », et nous avons décidé d’en faire notre propre version sur l’album. Je pense que ces morceaux ont contribué à donner un certain équilibre entre des ambiances.

– Même si le groupe a dorénavant un line-up fixe et établi, cela ne vous a pas empêché d’inclure aux morceaux une multitude d’instruments comme la mandoline, le bouzouki, le bodhran, la cornemuse, du violoncelle, … J’imagine que cela doit aussi compliquer le mix, et est-ce que la texture des chansons est quelque chose sur laquelle tu travailles plus particulièrement ?

Oui, le groupe peut fournir lui-même beaucoup d’éléments et j’adopte toujours une approche consistant à avoir une base d’instruments Rock/Metal habituels. Puis, j’ajoute des instruments Folk ou traditionnels pour jouer les mélodies et ajouter des harmonies. Il faut donc en tenir compte lors de l’écriture et lors de l’arrangement des chansons, et gérer au mieux les différentes tonalités pour laisser de l’espace aux choses. Cela conduit à des mixages compliqués, car il faut faire attention à ne pas en faire trop. Mais nous pensons que cela en vaut la peine, en particulier pour impliquer le plus grand nombre possible d’instruments et de musiciens et ne pas utiliser de claviers ou d’échantillons.

– Ce nouvel album affiche aussi une production très organique, ce qui le rend très proche et vivant, à l’instar de la musique celtique d’ailleurs. Est-ce à dire que le style de THEIGNS & THRALLS convient autant à un gros festival qu’à l’ambiance d’un pub ?

Oui, je pense que c’est le cas. Nous avons déjà participé à quelques festivals et à des concerts plus importants, ainsi que dans des pubs et à des petits clubs. Et cela fonctionne bien dans les deux cas. Evidemment, il est plus facile de créer une bonne ambiance de fête dans un pub, mais je pense que nous pourrons aussi étendre notre approche dans les festivals. Peut-être qu’en faisant appel à quelques invités et en faisant un peu plus de pré-production, les festivals vous offrent l’opportunité d’explorer des choses à plus grande échelle. C’est quelque chose que nous pouvons espérer réaliser à l’avenir.

– Enfin, car tu n’y échapperas pas, quelles sont les nouvelles de Skyclad ? « Forward Into The Past » date déjà de 2017. La reprise est-elle pour bientôt ?

Comme tu le sais sûrement, les membres de Skyclad ont participé à de nombreux projets ces dernières années, ce qui me donne aussi l’opportunité de faire cette interview pour THEIGNS & THRALLS. Mais nous avons quelques chansons en cours et des idées, et nous espérons nous réunir bientôt pour travailler sur un plan de composition et établir un calendrier pour un nouvel album.

Le nouvel album de THEIGNS & THRALLS, « The Keep And The Spire”, est disponible chez Rockshots Records.

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Ethnic Neo-Folk Pagan

Heilung : communion spirituelle

Cela fait maintenant trois ans que « Lifa Iotungard » a été joué pour ses fans américains et HEILUNG avait déployé une setlist entourée de mystère au rythme de percussions tribales, de chants envoûtants et presque chamaniques. Ce nouvel appel à la nature entre incantations et prières païennes rend cette performance dynamique et toujours aussi expérimentale. L’aspect hypnotique du combo prend ici une dimension si organique qu’il est difficile de ne pas se laisser emporter dans ce tourbillon extatique.

HEILUNG

« Lifa Iotungard (Live At Red Rocks 2021) »

(Season Of Mist)

Rares sont les groupes qui parviennent à s’imposer de manière aussi incontestable au point de même devenir une référence pour beaucoup d’autres en seulement une décennie et avec uniquement cinq albums, dont deux live, à son actif. Cependant, HEILUNG a réussi ce tour de force grâce à un style original et novateur qui va pourtant puiser son inspiration dans les rituels ancestraux. Et avec « Lifa Iotungard », le voyage musical est une fois encore saisissant et la magie opère instantanément.  

Enregistré dans le magnifique écrin qu’est le fameux amphithéâtre de Red Rock dans le Colorado, « Lifa Iotungard » est un spectacle aussi sonore que visuel et pour cela le trio est entouré de sa troupe de guerriers et elle nous fait traverser les âges. Les concerts de HEILUNG sont de véritables cérémonies tribales, spirituelles et transcendantales, et ce n’est donc pas un hasard si Christopher Juul, Maria Franz et Kai Uwe Faust reviennent avec un nouvel opus live, d’ailleurs déjà capté en 2021.  

Durant une heure et demie, c’est avec cette modernité qui la caractérise que la formation propose un moment de communion entre solennité, célébration et incantation. (« Alfadhirhaiti », « Hakkerskaldyr », « Svanrand »). Depuis ses débuts, le pouvoir de fascination de HEILUNG est intact et le public présent ce soir-là a assisté à un concert captivant (« Eddansurin », « Traust »). Entre le Danemark, la Norvège et l’Allemagne, la connexion est comme toujours d’une incroyable fluidité.

Retrouvez la chronique de « Drift », sorti il y a deux ans :