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France Metal Pop Rock

Sun : une signature unique [Interview]

Sorti il y a un peu plus de deux mois, « Krystal Metal » marque un bond dans la carrière de la guitariste-chanteuse et fait suite à deux EP, « Brutal Pop I & II » en confirmant un style assez unique où Metal et Pop s’entremêlent naturellement. Egalement productrice, SUN aura pris son temps pour peaufiner son premier long format, ponctué depuis des années par de nombreuses prestations live dont la récente mainstage du ‘Hellfest’. Aguerrie et déterminée, la frontwoman présente un album très abouti et solide sur lequel, vocalement, elle navigue entre un chant clair et un scream ravageur… L’art de conjuguer les opposés. Entretien avec une artiste qui vise toujours plus d’authenticité.

– Tout d’abord, comme tu as récemment fait le festival ‘Kreizh y Breizh’ à Glomel (22) et que tu reviens tout juste du ‘Hellfest’ où tu as joué sur la mainstage, j’aimerais que tu me donnes des impressions. Comment le public Metal t’a-t-il accueilli, et te sens-tu d’une manière ou d’une autre faire partie de cette famille-là ? 

Oui, le ‘Hellfest’ s’est très bien passé, au-delà de mes espérances. Il y avait beaucoup de pression sur cette date que j’attendais avec impatience. Et puis, on m’avait dit que lorsqu’on ouvrait une journée sur la mainstage, il arrive qu’il n’y ait pas trop de monde. Et en fait, c’était blindé ! Je n’avais jamais vu ça de ma vie ! J’étais sciée et secouée par ça. Et le ‘Kreizh y Breizh’ juste avant était super sympa, dans une ambiance beaucoup plus bretonne, chaleureuse et très agréable. En ce qui concerne le public Metal, je viens du Metal Extrême à la base, du Brutal Death où je suis guitariste rythmique. Même si mon ‘Brutal Pop’ est un mélange différent, j’ai toujours été bien accueillie par le public, même au ‘Festival 666’ l’année dernière. Je n’avais pas trop peur du côté Metal. En revanche, être sur la mainstage pour mon premier ‘Hellfest’, c’était un peu flippant ! (Rires

– Il y a six ans déjà, on te découvrait avec un premier EP, « Brutal Pop », suivi en 2023 du second volet, toujours en format court. C’est un univers assez unique, qui va puiser autant dans la Pop que dans des sphères Rock plus musclées. Est-ce que tu te considères un peu comme une sorte de chaînon manquant ? Un pont entre ces deux styles musicaux ?

Peut-être pas, mais c’est assez naturel dans mon processus. Tout ça est né quand j’étais petite, car j’adorais écrire des chansons. Etant franco-allemande, j’habitais en Forêt Noire en Allemagne où je m’ennuyais un peu, mais j’avais accès à la guitare électrique de mon frère et un livre sur la guitare Metal. Et il se trouve que lorsque j’écrivais mes chansons, au lieu de m’accompagner au piano pour plaquer les accords, j’allais directement à la guitare entre la voix et un gros riff. A l’époque, j’écoutais autant Janet Jackson que Hate Eternal ou Morbid Angel, donc des trucs assez vénères. Pour moi, c’était une façon de faire très organique. En fait, au moment de faire la chanson fabriquée autour de ce jeu de guitare et du scream, qui me permet d’atteindre un point culminant sur les paroles, tout cela se fait assez naturellement finalement. Je ne sais pas si je peux me considérer comme un chaînon manquant, c’est plutôt à d’autres de le dire. En tout cas, je suis heureuse si je peux faire le pont, parce que je ne me suis jamais limitée aux styles musicaux. La seule chose que j’aime est le songwriting, donc si c’est seulement un enchainement de riffs, je m’ennuie rapidement.

– Malgré les quatre ans qui les séparent, tes deux premiers EPs se rejoignent et pourraient même constituer un seul et même album, même si des productions sont un peu différentes. Avais-tu besoin de mieux cerner les contours de ton jeu et de ton style avant de t’aventurer dans un format long ?

En fait, j’ai retenu l’album pendant très longtemps. Je ne me suis jamais dit que le ‘Brutal Pop’ serait mon plan de carrière. Pendant des années, j’ai chanté dans des comédies musicales, joué dans des pièces de théâtre, j’ai fait du cinéma en tant qu’actrice… Et tout ça en ayant mon projet à côté. Je ne me suis pas dit que c’était une bonne idée, mais plutôt que j’étais une fille un peu bizarre, voilà ! (Sourires) Ce sont surtout les gens et des producteurs que j’ai rencontrés sur la route comme Dan Levy de The Dø et Andrew Sheps, qui m’ont dit que c’était vraiment ça mon projet. Donc, j’ai vraiment retenu mon album pendant longtemps, parce que je savais que la carte du premier album est quelque chose qu’on ne peut jouer qu’une seule chose. Alors, si on peut le faire partir du plus haut possible de la montagne, c’est plus avantageux. Et c’est pour ça que j’ai aussi mis du temps, car je suis en indépendant et je voulais vraiment trouver les partenaires qui m’aideraient.  

– Cela dit, « Krystal Metal » est lui aussi assez court et très resserré. Cherchais-tu un certain sentiment, ou tout au moins une impression, d’immédiateté et d’urgence ?

Pour être sincère, j’ai enregistré beaucoup plus de choses que ce qui figure sur l’album. J’ai vraiment voulu créer le geste qui coulait le mieux avec une grande variété dans les signatures rythmiques, les tempos et les accords pour qu’il n’y ait pas de redites. Et comme je trouvais que ça collait bien, je me suis arrêtée là-dessus, tout simplement.

– Depuis tes débuts, tu t’occupes de tout : de l’écriture à l’interprétation des instruments et du chant jusqu’à la production et le mastering. Tu n’as jamais été tentée de partager tes chansons en groupe, ou avec des arrangeurs par exemple, ou sont-elles trop personnelles à tes yeux ? Ou peut-être que tu as aussi une idée très précise de ce que tu souhaites obtenir ?

En fait, j’ai fait le chemin inverse. Le premier EP a été coproduit avec Dan Levy. Ensuite, j’ai produit le second, mais j’ai travaillé avec des personnes au mix comme Andrew Sheps justement. Lui, il a bossé avec Metallica, Smashing Pumpkins, Beyoncé, … et c’est lui qui m’a dit d’arrêter de me cacher derrière les gens et qu’il fallait que je produise tout de A à Z. Il m’a dit que, comme je savais exactement ce que je voulais, il fallait que je me fasse confiance. Et donc, « Krystal Metal » est vraiment le fruit de tout ça. Tu sais, même avant SUN, je tournais sous mon nom, Karoline Rose. J’ai bossé avec Babx et d’autres et je me suis beaucoup diluée et perdue avec des producteurs, car ils ont tous une vision de toi. C’est bien quand tu fais un truc depuis 20 ans et que tu veux le rafraîchir, ou quand tu es un artiste qui n’a pas trop de matière et que tu es surtout interprète.  Mais dans mon cas, ça m’a toujours fait du tort. Et « Krystal Metal » est une sorte de retrouvaille avec moi-même et le meilleur choix de ma vie. Je savais très bien ce que je voulais entendre et je me suis lancée.

– Par ailleurs, tes textes sont souvent engagés, notamment en faveur de la cause féminine, mais pas uniquement. A leur écoute, on découvre aussi beaucoup de colère et de rage. Pourtant, il y a toujours un message d’espoir et surtout une énergie très positive. Ce mélange des genres est-il finalement un appel à l’éveil des consciences à travers un jeu brut et direct ?

J’essaie de rester quand quelque chose de sincère et d’organique, un peu à l’image des disques de Pop qui m’ont marqué et où il y a toujours une accroche direct sur des thèmes universels. Je fais passer ça dans mes chansons et ça traverse des émotions très diverses. J’ai vraiment essayé de faire un disque Pop dans ce sens-là, c’est-à-dire quelque chose que les auditeurs puissent s’approprier. Je laisse sortir les choses avec cette approche-là.

– L’une de tes particularités est d’alterner le chant clair et le scream. C’est un choix qui peut paraître étonnant, même si cela devient aussi très courant sur la scène Metal féminine. Qu’est-ce que cela apporte, selon toi, à tes chanson, car tu pourrais apporter plus de puissance à ton chant clair ?

J’ai cette voix claire qui est assez longue, comme on dit, et qui me donne beaucoup de possibilités et dans ma boîte à outils, j’ai aussi le scream. Et donc à des moments précis où la voix de poitrine ne suffirait plus, je vais laisser le scream venir. Je le fais dès la composition et c’est effectivement souvent lié aux paroles sur une intensité qui arrive, ou un bel accord. La plupart du temps, je le fais à des moments qui sont des points culminants positifs ou majeurs. Ca fait aussi partie de mon registre, tout simplement.

– Ce premier album, « Krystal Metal », vient donc de sortir et la première surprise vient de sa production qui est beaucoup plus organique et se détache de l’aspect assez synthétique de tes deux EPs. C’est pour cette raison que tu as fait appel à un batteur et ponctuellement à un bassiste ? Pour retrouver une certaine chaleur ?

J’ai toujours engagé des musiciens pour les enregistrements en studio, et notamment un batteur, que ce soit sur « Brutal Pop » et « Brutal Pop II ». Le reste, je le fais moi-même. En fait, pour « Krystal Metal », j’ai plutôt fait ce qu’on appelle une ‘non-prod’, c’est-à-dire que je range tous les effets avant qu’on ne les entende. Je ne laisse jamais dépasser ou déborder un réverb’ ou un delay, parce que je veux qu’on écoute la chanson à travers la voix et la guitare. Mais, et cela a été longtemps l’une de mes particularités, c’est parfois une véritable usine à gaz, mais tu ne l’entends pas. C’est important pour moi que la production soit vraiment au service de la chanson et que ce soit l’humain qui joue. C’est vrai que j’ai engagé quelques personnes, mais j’ai aussi beaucoup trifouillé et édité. J’aime avant tout le son organique et ensuite, je passe ma vie à bouger tout ce qu’il a dedans.

– Et puis, il présente également beaucoup plus de profondeur et de consistance avec un spectre sonore plus rempli et massif. Outre le travail sur les morceaux, l’idée était-elle aussi de leur offrir plus de relief et donc de peaufiner le plus possible les arrangements, comme c’est le cas ?

Oui, c’est ça. J’avais vraiment envie qu’il y ait des arrangements, de la largeur, du gros son et à l’époque du Metal moderne, tu as aussi envie de ça. Tu as envie de remplir l’espace, que ce soit massif et aussi, comme je te le disais, de ranger aussi les effets pour les sortir au bon moment. Je préfère qu’on me dise qu’on adore la voix plutôt que la réverb’. Et c’est pareil pour tout, que ce soit au niveau du mix, de la batterie… Les synthés sont là aussi, mais je les ai enregistrés en analogique pour retrouver justement cette chaleur qui me plait beaucoup plus.

– « Krystal Metal » se distingue également par l’utilisation de la double-pédale par ton batteur, de distorsion sur les guitares et ton scream est toujours aussi présent. On se rapproche donc avec ces divers éléments de l’univers du Metal. Justement, d’où viennent tes inspirations de ce registre ? Y a-t-il des artistes ou des groupes qui influent directement sur tes compositions ?

Comme toutes les petites filles, j’ai commencé par les Riot Girls, le Grunge et tout ça. Et comme j’aimais les guitares, j’ai glissé vers le Nu-Metal avec Kitty, My Ruin, Korn, Slipknot ou Machine Head. Et petit à petit, j’ai écouté du Thrash Old comme Testament et très vite, tu arrives à Morbid Angel, Hate Eternal, Immolation ou Cannibal Corpse. C’est vraiment ces groupes-là qui m’ont inspiré niveau Metal. Mais côté ‘mainstream’, il y a Gojira aussi, qui a d’ailleurs été influencé par ces artistes-là. C’est ça qui m’a vraiment parlé, et ensuite Strapping Young Lad et l’album « City » et enfin Devin Townsend, qui est pour moi l’inventeur du Pop Metal à la base. J’ai vite compris que c’était ce mélange-là qui m’intéressait le plus.

– Enfin, à l’avenir, tu comptes rester sur ce registre-là, ou est-ce que tu penses explorer encore d’autres univers musicaux ?

Non, je pense rester là-dessus. En fait, j’ai un peu fait l’inverse du cheminement. Au départ,  je ne savais pas vraiment que faire, je ne pensais pas que c’était une bonne idée et plus je sortais des choses, plus j’étais confirmée dans ma démarche. J’essaie d’aller vers toujours plus d’authenticité.

L’album de SUN, « Krystal Metal », et toutes les infos (concerts, etc…) sont disponibles ici : linktr.ee/sunbrutalpop

Photos : Jonathan Lhote (1, 4), Bassem Ajaltouni (2) et Alex Pixelle (3).

Retrouvez la chronique de « Brutal Pop II » :

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Hard Rock Heavy metal Livre

Motörhead : they played Rock’n’Roll [Livre]

Si les combos de cette trempe n’existent plus dans ce monde aseptisé, il reste les souvenirs, et depuis quelques temps, ils jaillissent de tous les côtés. Une sorte de réminiscence imposée. Les coffrets, les compilations et les Live en tous genres grossissent les étagères des fans, mais les Editions Petit à Petit ont eu la bonne idée de mettre en dessin quelques instants mémorables de la vie exaltante et exaltée de MOTÖRHEAD. Le résultat est convaincant et sa lecture agréable.

MOTÖRHEAD : BACK FROM THE DEAD

Fabrice Rinaudo/Samuel Degasne

(DocuBD/Editions Petit à Petit)

On vit décidemment une époque formidable. Le grand et surtout irremplaçable Lemmy Kilmister est passé à trépas il y a tout juste dix ans. Alors depuis, l’industrie musicale et à peu près tout ce qui gravite autour se régalent. Une manne ! On ne compte plus les Best Of constitués de morceaux usés jusqu’à la moelle, ou encore le récent et navrant « The Manticore Tapes », ainsi que tout le merchandising qu’on peut ensuite imaginer. Et même si ce n’était sûrement pas ce que le bassiste et chanteur aurait imaginé, nous y sommes… et même jusqu’au cou.

Et comme il se trouve que cette décennie depuis la mort de l’Anglais coïncide aussi avec les 50 ans de la création du groupe, les hommages pleuvent de toutes parts. Un coup à faire perdre l’équilibre aux kilos d’acier plantés à Clisson. Bref, les fans semblent ravis et MOTÖRHEAD fait même plus rêver mort que vivant. Un comble et une aberration de notre temps… encore une ! Une grande majorité s’enthousiasme à la découverte de morceaux qui tournent pourtant en boucle depuis des dizaines d’années un peu partout. Alors ne nous plaignons pas : il était grand temps !

Bien sûr, les Editions Petit à Petit surfent à leur façon sur la vague, mais ont au moins le mérite de proposer avec ce « Motörhead : Back From The Dead » quelque chose d’assez nouveau et de différent. Réuni autour d’un collectif de dessinateurs sur un scénario de Fabrice Rinaudo et des textes documentaires de Samuel Degasne, on retrouve fidèlement quelques pans de l’histoire, si peu académique, des turbulents et précurseurs Britanniques. Rock’n’Roll jusqu’au bout du médiator, Lemmy manque, c’est vrai, mais il serait bon maintenant de nous laisser avec nos souvenirs.

144 pages / Format 19×26 cm / 21,90€

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Heavy metal Livre

Children Of The Sabbath : au nom des pères [Livre]

C’est dans la lignée de leur podcast du même nom que les auteurs de CHILDREN OF THE SABBATH ont eu l’idée de poursuivre l’aventure dans une version matériel de leur travail. Alors, quoi de mieux qu’un livre, et qui de meilleures que les Editions Des Flammes Noires pour mettre tout cela sur papier et offrir cet essentiel brin d’éternité ? 66 chansons pour plus de cinq décennies de carrière, les dilemmes ont dû être nombreux, mais le résultat est plus que convaincant et toujours aussi bien illustré.

CHILDREN OF THE SABBATH

Guillaume Fleury/Gabriel Redon/Mathieu Yassef

(Editions Des Flammes Noires)

Considéré probablement à juste titre comme les pères du Heavy Metal, et même du Doom en allant plus loin, Black Sabbath a secoué une bonne fois pour toutes le monde du Rock et au-delà un vendredi 13 février (cela ne s’invente pas !) de 1970. Et il n’y a pas seulement dans la ville de Birmingham que la terre a tremblé. Le séisme s’est propagé avec énergie par delà les îles britanniques. Et en tendant bien l’oreille, il résonne toujours 55 ans plus tard chez tous les fans, devenus les enfants de cette formation pionnière, si créative et incontournable.

Bien sûr, résumer Black Sabbath en 66 morceaux, alors que le groupe affiche une vingtaine d’albums, est de l’ordre de l’impossible. Car, même s’il y a de grands classiques, c’est sans compter sur les goûts de chacun qui, eux aussi, alimentent la légende. Et n’éluder aucune période de la très mouvementée carrière des Anglais n’a sûrement pas dû être la plus facile des taches. Car, après l’emblématique Ozzy Osbourne, quelques frontmen de très haut vol se sont succédé, avec plus ou moins de réussite, s’inscrivant eux aussi dans cette grande Histoire.

Si l’on peut dénombrer une bonne dizaine de chanteurs à avoir tenu l’étendard du groupe, ils sont près de trois fois plus à s’être relayés à la basse, à la batterie ou aux claviers. Mais pour l’essentiel, et sans doute aussi pour nos auteurs, le line-up idéal semble celui composé de Tony Iommi (guitare), Geezer Butter (basse), Bill Ward (batterie) et de l’inamovible et incontestable Ozzy. Titre après titre, l’odyssée du combo jaillit comme au premier jour, et on comprend très vite qu’il n’y aura qu’un seul et unique Black Sabbath sur cette bonne vieille Terre.

100 pages – A partir de 19€ suivant les versions sur le site des Editions Des Flammes Noires : https://edt-flammes-noires.com/produit/black-sabbath/

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Heavy metal Livre Rock

Des riffs et des bulles [Livres]

Le rapprochement entre la bande dessinée et l’univers du Metal et plus largement du Rock est assez évident et coule même de source. Pour preuve, la qualité des pochettes d’albums, notamment celles datant des années 70/80/90, avant l’arrivée du design à outrance et aujourd’hui de l’IA. Cela dit, les deux mondes sont faits pour s’entendre et se compléter. Les Editions Blueman se sont penchées sur le joyau d’IRON MAIDEN, « Piece Of Mind », tandis que Petit A Petit poursuit sa collection de Docu BD avec SERIAL ROCKERS, narrant les frasques de quelques Rock stars.

IRON MAIDEN / SERIAL ROCKERS

Honneur au plus emblématique groupe de Heavy Metal de tous les temps avec un focus sur un disque qui a autant fait parler qu’il a pu séduire par son audace et sa qualité dès sa sortie en 1983. A l’époque de sa parution, peu de gens imaginait que les Anglais d’IRON MAIDEN entreraient dans la légende avec neuf morceaux qui résonnement toujours, 40 ans plus tard. Présenté sous forme d’histoires courtes, on replonge avec délectation dans ce quatrième album de la ‘Vierge de Fer’ au fil de témoignages d’écrivains, d’artistes et de musiciens, dont Bruce Dickinson d’ailleurs. Chacun y va de son interprétation, laissant libre court à un imaginaire personnel, qui offre d’autres visions de cet opus hors-norme. Un précieux document qui continue de révéler ce chef-d’œuvre et qu’il convient, bien sûr, de parcourir en musique !

IRON MAIDEN, « Piece Of mind », Editions Blueman (152 pages – 20€)

Pour SERIAL ROCKERS, l’éventail est bien plus large. Les Editions Petit A Petit ne se contentent pas d’un seul registre musical, ni d’une même époque. Ce nouveau volume de la désormais incontournable collection Docu BD ravive avec malice et humour les méandres des faits d’armes les plus éloquents et improbables de la scène Rock internationale. Certes, il en manque bien quelques uns à l’appel, mais les présents ne sont pas des moindres et les anecdotes relatées ici en image valent leur pesant d’or. Suivant l’adage inhérent au style, il y est beaucoup question de sexe, d’alcool et de drogue et les nombreux dessinateurs s’en sont données à cœur-joie, en restant tout de même plus soft que la réalité de certains de leurs sujets. D’Ozzy à Bowie en passant par Kiss ou Alice Cooper, ces icones flirtent copieusement avec l’extravagance et l’excès dans ce SERIAL ROCKERS haletant et souvent drôle.

SERIAL ROCKERS, Editons Petit A Petit (120 Pages, 21,60€)

Les points communs ne manquent pas entre les deux ouvrages. Tout d’abord, ils ont été réalisés par des collectifs de dessinateurs, offrant aux visuels beaucoup de diversité à travers des changements d’ambiances constants. Ensuite, que ce soit pour IRON MAIDEN ou la pléthore de musiciens évoqués dans SERIAL ROCKERS, ils nous montrent à quel point ce registre, que l’on dit marginal et confidentiel, fait vivre l’Histoire de la musique depuis des décennies. Enfin, il y a quelques mois les Editions Petit A Petit avaient paru un Docu BD très complet sur un autre monument, du Blues cette fois, à savoir ERIC CLAPTON. De son côté, c’est L’ENFER SELON POPPY qui a été mise en avant par les Editions Blueman dans une bande dessinée aussi hybride que désarmante autour de cette artiste Pop, convertie par opportunisme et avec plus ou moins de réussite au Metal.

ERIC CLAPTON IS GOD, Editions Petit A Petit (128 pages – 24,90€)

L’ENFER SELON POPPY, Editions Blueman (160 pages – 20€)

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Ambient Ethnic Neo-Folk

Nytt Land : The beating heart of the steppes

Bien avant l’éclosion du néo-Folk teinté d’Ambient qui déferle depuis quelques temps maintenant, NYTT LAND avait entrepris de restituer musicalement la riche Histoire de ses ancêtres. A l’instar de la démarche de Wardruna en Scandinavie, ce sont leurs terres natales de Sibérie que les Russes mettent en avant avec l’objectif de protéger et de partager un patrimoine culturel, qui mêle incantations, ésotérisme, animisme et où les esprits habitent littéralement ce « Songs Of Th Shaman » créatif, saisissant et authentique.

NYTT LAND

« Songs Of The Shaman »

(Prophecy Productions)

Depuis sa création en 2013, NYTT LAND a sorti une petite dizaine d’albums et chacun d’entre-eux est une plongée dans la culture sibérienne, et plus particulièrement dans ses rituels, ses textes et ses chants. Avec « Songs Of The Shaman », il nous emporte hors du temps, dans un espace où règnent les esprits et où même les dieux ne s’aventurent pas. Natalia Pakhalenko (chant, tambours) et son mari Anatoly (chant, talharpa, flûtes, percussions, guimbarde) se mettent au service de leur terre et de ses traditions.

En plus d’être des musiciens expérimentés et très investis, le duo mène aussi des recherches poussées et son travail d’historien est basé sur ses activités scientifiques, à savoir l’étude et la préservation de son ancestral passé. NYTT LAND s’en tient rigoureusement à un matériel directement issus des peuples autochtones. Son implication est complète et la musique qui vient enrober l’ensemble est le fruit de ses propres compositions. Autant dire que l’héritage s’entretient et se perpétue minutieusement et très consciencieusement.

Qualifier le répertoire de NYTT LAND d’immersif est un doux euphémisme. C’est une plongée hypnotique dans un monde chamanique, où la nature et ses sonorités tiennent une place aussi importante que les écrits spirituels de ces communautés reculées. Il y est question de sorts, de mystères et de légendes reproduits avec des techniques comme le chant de gorge sur des rythmes proches de la transe. « Songs Of The Shaman » traverse des paysages sonores aux reliefs parfois hallucinatoires et avec une fluidité envoûtante, presque magique.

Photo : Olga Gellert

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Death Metal Livre

Rotting Ways To Misery : northern Death stories

Si pour la majorité des fans de Death Metal, la scène finlandaise se résume souvent à Amorphis ou Sentenced, elle est en réalité bien plus vaste. Peut-être pas aussi rayonnante que sa voisine suédoise à travers le monde, mais elle ne manque pas d’intérêt et elle a même fortement contribué à l’éclosion du style dans toutes la Scandinavie et au-delà. Les EDITIONS DES FLAMMES NOIRES proposent avec « Rotting Ways To Misery » une belle immersion et un retour sur les fastes années des groupes du grand Nord.

ROTTING WAYS TO MISERY : Histoire du Death Metal Finlandais

Markus Makkonen/Kim Strömsholm

(Editions des Flammes Noires)

Les EDITIONS DES FLAMMES NOIRES, maison de l’extrême s’il en est, se penche cette fois sur l’Histoire du Death Metal Finlandais, une partie incontournable de l’ADN du genre. La version française (et améliorée !) de « Rotting Ways To Misery » est donc la traduction du travail initial de Markus Makkonen, chanteur et bassiste ayant œuvré au sein de Sadistik Forest, Never Saw ou Hooded Menace, ainsi que Kim Strömsholm de Festerday, …And Oceans, Havoc Unit et quelques autres. Acteurs, experts et fins connaisseurs, donc !

Sur près de 500 pages, les deux spécialistes reviennent sur l’Histoire du Death Metal de leur pays et la déferlante commence avec National Napalm Syndicate en 1987 avec une première démo qui a mis le feu aux poudres et embrasé la Finlande. D’ailleurs, une liste très complète des maquettes et albums traités, ou évoqués, dans « Rotting Ways To Misery » figure à la fin du livre, histoire de ne rien manquer. En effet, le texte fourni dans l’ouvrage est très conséquent et on se laisse prendre par le récit passionnant de cette épopée métallique.

Avec les EDITIONS DES FLAMMES NOIRES, la mise en page et les illustrations sont toujours très soignées et, dans le cas de « Rotting Ways To Misery », elles nous replongent fin 80’s et dans les 90’s. En ces temps reculés, le Death Metal était essentiellement relayé par les fanzines et les photos, les flyers et les pochettes des réalisations d’alors sont donc une belle madeleine. Entre les pionniers, ceux qui ont fait carrière et ceux qui n’ont fait que passer l’espace d’un profond growl, l’ouvrage est particulièrement complet. Passionnant ! 

480 pages / 27€ (ou 33€ en édition collector) et disponible sur le site de l’éditeur :

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Folk/Americana France Musique celtique Pop

Aziliz Manrow : celtic harmony [Interview]

Avec seulement deux albums à son actif, sortis avant et après la pandémie, AZILIZ MANROW s’est pourtant et naturellement fait une place sur la scène bretonne au point d’en être aujourd’hui incontournable. Dans la lignée de son premier opus « Earth », la chanteuse fait son retour avec « Et Tout Prend Vie », où s’entremêlent Pop et Folk dans une atmosphère celtique omniprésente. Ecrit en français, en anglais et en breton, elle impose sa personnalité dans un univers musical dorénavant facilement identifiable. Entretien avec une artiste aimantée et inspirée par un pays qui se rappelle constamment à elle.

– « Earth », ton premier album, est sorti il y a six ans déjà. S’il y a eu la pandémie, bien sûr, c’est un délai assez long entre deux disques. Tu as eu besoin de plus de temps cette fois-ci pour la réalisation de « Et Tout Prend Vie » ?

Même si les années me semblent être passées en un clin d’œil, il est vrai que mon parcours artistique a été stoppé en plein vol, suite à la crise que nous avons traversée. 2020 et 2021 ont été des années à la fois sombres et surprenantes. Elles m’ont amené à réfléchir à mon avenir dans le milieu musical, il m’a même traversé l’esprit de me lancer dans une autre activité professionnelle. C’est ma rencontre et ma collaboration avec Denez (Prigent – NDR) qui m’a convaincu de continuer. Avec le recul, je me rends compte que j’ai beaucoup appris et grandi pendant cette période plus qu’inédite. Le confinement m’a ramené dans ma chambre d’adolescente, dans laquelle j’ai beaucoup écrit et composé, ce qui a d’ailleurs donné naissance à la chanson « Emotion ».

– Sur « Et Tout Prend Vie », tu as également conservé la même équipe de musiciens. C’était important pour toi de garder ce socle avec lequel tu as commencé ? Pour garantir ta touche sonore, ou peut-être juste maintenir une certaine confiance ?

Je suis une personne assez fidèle et la stabilité de l’équipe qui m’accompagne a toujours été importante pour moi, pour créer en toute confiance. Mais au milieu du parcours de réalisation de ce deuxième album, une nouvelle collaboration avec le label One Hot Minute m’a ouvert d’autres possibilités pour la suite du projet. Aussi, certaines chansons ont été arrangées par John Sainturat, le guitariste qui m’accompagne depuis de nombreuses années, et d’autres chansons par Thierry Gronfier. Ce qui apporte une nouvelle direction à ma musique, et c’est plutôt positif !

– Sur ce nouvel album, tu chantes encore en français, en anglais et en breton. Cela convient d’ailleurs parfaitement à ton registre. Tu ne t’es jamais résolu à faire un choix ?

Je chanterai toujours dans ces trois langues, et dans bien d’autres si l’occasion se présente. C’est mon identité artistique et ma vision personnelle de la création ‘libre’. L’inspiration qui me traverse dans mes séances d’écriture a une vraie raison d’être pour moi et je ne veux pas perdre cette vérité, cette spontanéité.

– D’ailleurs, chaque langue a aussi sa propre couleur musicale. Le breton penche naturellement vers des mélodies celtiques, le français a un côté plus Pop, tandis que l’anglais apporte une touche Folk, Americana et Country. Est-ce une distinction volontaire, ou quelque chose qui se fait naturellement au moment de l’écriture ?

Je commence toujours par composer les mélodies à la guitare, en ayant déjà une idée du thème que je vais aborder, j’ai parfois même déjà le titre de la chanson. C’était d’ailleurs le cas lorsque j’ai composé « Douar ». En revanche, la langue choisie n’est pas toujours déterminée. Lorsque je compose, je chante toujours dans une langue imaginaire et ce sont les sonorités qui ressortent et qui me guident jusqu’aux paroles que je vais écrire.

– S’il y a quelques collaborations sur « Et Tout Prend Vie », comme c’était aussi le cas sur « Earth », tu signes l’essentiel des paroles et de la musique. Y a-t-il un processus d’introspection dans ta manière d’écrire et de composer qui nécessite d’être seule ? Dans un premier temps du moins…

Hormis une certaine pudeur qui me bloquait dans l’écriture de textes en français, je ne me sentais pas légitime d’écrire, pensant ne pas avoir le talent pour ça. Mais ces dernières années d’introspection, depuis le premier album, m’ont appris à me ‘lâcher la grappe’, apprivoiser la feuille blanche, me connecter à mon jardin secret et me laisser guider par l’énergie qui en ressort, au plus près de la vérité qui m’anime.

– Entre tes deux albums, il y a donc aussi eu ta rencontre avec Denez, dont on connaît le talent et l’attachement viscéral à la Bretagne. Tout a commencé en 2021 avec le morceau « Waltz Of Life » avec Oxmo Puccino, puis sur scène à plusieurs reprises. Il signe d’ailleurs aussi l’adaptation du texte en breton de « Merch’ed Kelt ». Outre la connexion musicale, vous avez en commun l’amour de la Bretagne. Quelle relation artistique entretenez-vous justement ?

Oui, comme je le disais un peu plus haut, Denez fait partie de ces rencontres déterminantes, qui apportent à votre existence un sens tout particulier. Il est aussi pour moi un ami sincère et authentique. Nous avons, je pense, une vision artistique et humaine similaire et je suis admirative de son parcours et de sa forte identitaire bretonne. Il suit son intuition quoi qu’il advienne et c’est un très bel héritage pour la nouvelle génération d’artistes en Bretagne.

– Un mot justement sur « Merc’hed Kelt », ‘Les Femmes Celtes’, où tu as réuni six chanteuses bretonnes. Comment est née l’idée de cette chanson et quelle signification a-t-elle pour toi ? Y a-t-il un rapport, même lointain, avec #Me Too ou d’autres revendications du même genre ?

Mon projet de « L’Hymne des Femmes Celtes » me tenait à coeur depuis longtemps, mais il me semblait difficile à concrétiser, parce qu’il fallait réussir à convaincre et rassembler plusieurs artistes, ce que je n’avais encore jamais expérimenté. « Merc’hed Kelt » ne devait d’ailleurs pas faire partie du nouvel album au départ. Ce projet a finalement vu le jour grâce à ma collaboration avec One Hot Minute, qui a souhaité produire ma chanson, dans les tout derniers temps de la réalisation du disque.

Pour la création de cette chanson, j’ai souhaité travailler avec mon père, Gwendal Le Goarnig. Il a composé la mélodie, puis j’ai écrit le texte en français. Comme c’était important pour moi que cette chanson soit chantée en breton, j’ai donc proposé à Denez d’adapter le texte et il m’a fait l’honneur d’accepter.

Enfin, à travers ce projet je souhaitais mettre en valeur l’histoire de ces femmes qui, d’après les quelques écrits que j’ai pu trouver, nous racontent qu’elles avaient la même place et les mêmes droits que l’homme dans le peuple celte. Elle pouvait être reine, druidesse ou encore cheffe de guerre. Je pense qu’il est plus que temps que l’homme et la femme retrouvent cette équité et que l’on intègre enfin que chaque être humain détient une place particulière et unique sur Terre. Je trouvais donc intéressant de remettre l’Histoire de la femme celte dans le contexte actuel, en réussissant des artistes féminines, qui constituent la scène actuelle bretonne. J’ai contacté plus d’une dizaine d’artistes de Bretagne et six d’entre-elles ont souhaité faire partie de l’aventure. Merci encore à Laurène Bourvon (duo Lunis), Clarisse Lavanant, Elise Desbordes (duo Emezi), Madelyn Ann, Sterenn Diridollou et Morwenn Le Normand.

– Il y a sur l’album un thème qui revient à plusieurs reprises, c’est celui du rêve. Et c’est vrai qu’il laisse le champ libre à l’imagination au sens large. En quoi est-ce qu’il t’inspire et peut-il d’ailleurs devenir réalité ? Et est-ce que tu le souhaites ?

Je suis fascinée par la capacité que nous avons tous à rêver. Je suis quelqu’un qui rêve beaucoup, et parfois de situations tellement réelles que j’ai l’impression d’avoir une deuxième vie. Mes rêves m’ont permis de concrétiser dans la matière un souhait, une idée, une rencontre. Il m’est arrivé de rêver d’une mélodie, de me réveiller en pleine nuit et de l’enregistrer à moitié endormie.

– J’aimerais qu’on dise un mot aussi de ton rapport à la Bretagne. Tu es Finistérienne, d’un lieu que je connais d’ailleurs bien, et issue d’une famille aussi très engagée. Même si c’est difficile à exprimer de manière rapide, qu’est-ce qui t’inspire le plus dans notre beau pays ? Sa musique, ses légendes, ses paysages et ses reliefs, sa langue, sa culture celtique très opposée celle latine de la France, son peuple, son caractère, … ?

J’ai grandi à Moëlan-sur-Mer, dans une famille passionnée, investie, active et viscéralement attachée à sa culture bretonne. Même si nous avons toujours eu des liens très forts, j’ai eu besoin de partir loin, pour expérimenter la vie en dehors du cocon familial, découvrir d’autres cultures, d’autres paysages, d’autres ambiances et évoluer dans un environnement moins confortable, ou moins apaisant. Je crois que durant mes 20 ans de vadrouille, je n’ai finalement jamais été très épanouie loin de la Bretagne. Malgré la distance et les belles rencontres sur mon chemin, mon héritage familial m’a ramené vers la terre magnétique du Finistère. La Bretagne pour moi est un havre de paix infini, c’est à la fois mon innocence et ma plus grande force. Comme une évidence, je suis connectée à sa langue, sa lumière et sa beauté authentique, libre et sauvage. Et son énergie m’a aidé à réaliser ce deuxième album « Et Tout Prend Vie ».

– Enfin, j’ai remarqué aussi que tu étais allée un peu à l’encontre de ce qui se fait aujourd’hui à la parution d’un album, c’est-à-dire que tu l’as d’abord sorti en physique. Il sera ensuite disponible en numérique un peu plus tard. Je ne peux que saluer ton initiative et j’aimerais que tu m’en dises un peu plus sur cette démarche très rare. C’est un choix étonnant…

Avec One Hot Minute, nous avons privilégié la sortie physique de mon nouvel album en Bretagne, en collaboration avec la ‘Scarmor’, qui réunit les Espaces Culturels E. Leclerc, suite au ‘Prix de Soutien Culturel E. Leclerc’, qui m’a été attribué. L’écriture de ce nouvel album a été longue et mouvementée, j’ai mis beaucoup d’énergie et de coeur dans chacune de ses nouvelles chansons, ainsi que l’équipe qui a travaillé à mes côtés. Nous avons voulu prendre le temps de dévoiler cet album sur la toile, au juste moment. Même si je suis consciente que les lecteurs de disques sont en voie d’extinction, c’est aussi l’occasion de dire qu’il n’est pas obligatoire de livrer sa musique, en un clic, comme une évidence établie. Et puis, je fais partie de celles et ceux qui prennent le temps d’écouter un bon disque, en feuilletant son livret de paroles, tout comme l’on savoure un grand cru, au coin du feu.

Le nouvel album d’AZILIZ MANROW, « Et Tout Prend Vie », est disponible chez One Hot Minute et plus tard sur les plateformes.

Photos : Zoé Satche

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Ambient Musique traditionnelle Neo-Folk Pagan Viking

Wardruna : l’art de la transmission

Chaque nouvelle réalisation de WARDRUNA, et c’est la sixième, paraît toujours plus fascinante que la précédente. Quatre ans après « Kvitravn », le collectif articulé autour de Selvik et de Hella, grands artisans de cette quête mémorielle artistique, s’ouvre encore de nouvelles perspectives grâce à des rituels et des récits mythologiques saisissants et d’une rare authenticité. Plus que jamais, les Européens sont incontournables et surtout inégalables avec ce magnifique « Birna ».

WARDRUNA

« Birna »

(Columbia/Sony Music)

Celles et ceux qui connaissent, ou vivent, en écoutant de la musique traditionnelle, d’où qu’elle vienne, savent l’impact et l’effet souvent viscéral qu’elle produit. Pour les autres, il peut y avoir un côté magique, surnaturel et transcendant qui peut surprendre et séduire aussi. Et c’est vrai qu’Einar Selvik, ex-Gorgoroth, est un maître en matière de transmission et de conservation d’une culture ancestrale qu’il parvient aussi à rendre très moderne dans son approche. WARDRUNA représente par conséquent la vie qui continue.

Souvent assimilée simplement à de la néo-Folk/Ambient, la musique des Norvégiens va au-delà en ce sens qu’elle n’a rien d’expérimentale. A l’instar d’un ‘scalde’, le poète scandinave, le leader du groupe s’inspire autant de sons de la nature que d’instruments traditionnels à qui il a d’ailleurs souvent lui-même redonné vie. Et depuis ses débuts, l’objectif de WARDRUNA est de proposer une reconnexion à la Terre et ce qui lui appartient. Et sur « Birna », c’est l’ours qui est le centre du projet.

Animal emblématique de la culture nordique, il est donc ici le sujet du disque, auquel il donne d’ailleurs son titre en vieux norrois. Toujours aussi introspectifs, les nouveaux morceaux traitent autant des forces que de la vulnérabilité de l’ours et WARDRUNA sait toujours aussi bien se faire hypnotique (« Ljos Til Jord »), intense (« Hertan », « Birna »,) et bien sûr Pagan et poétique (« Tretale », « Hibjørnen »). Et entre la voix rauque et profonde de Selvik et la dimension céleste de celle de Linda-Fay Hella, le voyage se fait instantanément.  

Retrouvez la chronique de « Kvitravn » :

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Funk Rock Fusion Livre

Red Hop Chili Peppers : funky California

Avec des débuts fracassants et enthousiasmants, les RED HOT CHILI PEPPERS ont marqué profondément et de manière indélébile le monde du Rock au sens large. Précurseurs d’un registre qui a fait des émules et traversé plusieurs générations, ils sont les plus funky de la côte ouest et ont balisé leur parcours à grands coups de riffs brûlants, de slaps phénoménaux et de hits aussi nombreux qu’incontournables. Fédérateurs et parfois borderlines, les Américains font des étincelles jusque dans cette belle docu-BD.

RED HOT CHILI PEPPERS

B. Figuerola/C. Cordoba/F. Vivaldi/S. Degasne

Editions Petit à Petit

La maison d’édition normande poursuit sa belle série dédiée à la musique et elle s’attaque cette fois à un nouveau monument du Rock mondial. Et c’est du côté de la Californie que l’on suit les aventures des RED HOT CHILI PEPPERS. Fondé sous le soleil de Los Angeles en 1982 par deux amis d’enfance, Anthony Kiedis (chant) et Flea (basse), le groupe prend véritablement forme avec les arrivées en 1988 de Chad Smith (batterie) et Jon Frusciante (guitare), qui stabilisent le combo, malgré deux départs de ce dernier par la suite.

Aujourd’hui, du haut d’une discographie de 13 réalisations studio, les R.H.C.P. approchent les 80 millions d’albums vendus et, pour ceux que ça intéresse, plus de cinq milliards de streams. Autant dire que le quatuor pèse dans l’industrie musicale et ce n’est pas une question de marketing. Non, il est le créateur d’un style et d’un son unique, identifiable entre mille et en quelques secondes. Une touche très personnelle où se mêlent de manière très naturelle Rock, Funk, Metal, Soul, Rap ou Punk dans une harmonie totale.

Cela dit, et avec tout le respect que j’ai pour les R.H.C.P., il faut bien avouer qu’ils se sont éteints à l’aube des années 2000. Si techniquement, ils sont irréprochables, les productions qui ont suivi « Californication », voire même avant, manquent de souffle. D’ailleurs, les puristes affirment que « Mother’s Milk » est même leur dernier joyau. Bref, la bande dessinée, bien documentée, relate l’incroyable succès et les frasques qui ont émaillé la carrière exceptionnelle de quatre musiciens appréciés de tous… d’une manière ou d’une autre.

128 pages/Format 19×26 cm/19,90€

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Livre Musique celtique

Dan Ar Braz : hentoù glazig [Livre]

Il manquait certainement ce bel ouvrage à l’aventure artistique du plus connu des Quimpérois. Et qui de mieux indiqué que celui qui avait livré ses « Conversations » avec le pianiste Didier Squiban il y a quelques années ? Avant tout journaliste, c’est le rôle d’auteur que Frédéric Jambon a endossé cette fois pour narrer une vie de musique aux allures si romanesques. S’il en a écrit des articles sur Dan Ar Braz, « Chemins Bleus » abonde encore de ses mots, dont la fraîcheur et la pertinence demeurent intacts.

DAN AR BRAZ – CHEMINS BLEUS

Frédéric Jambon

Coop Breizh

Frédéric Jambon connaît bien Dan Ar Braz. Il le connaît même très bien. Passionné et amoureux de musique, notamment celtique, le journaliste est aux premières loges de la vie et de l’évolution de celle-ci depuis quelques décennies maintenant. A la tête du service musical du Télégramme, dont il a été la force et le souffle du ‘Magazine’, devenu ensuite ‘Le Mag’, et qui manque cruellement au journal, on lui doit aussi le ‘Grand Prix du Disque du Télégramme’, sur lequel son oreille attentive et affûtée a souvent été révélatrice du talent des enfants du pays, garants de son avenir culturel.

Et lorsque l’on connait un peu les deux protagonistes de ces « Chemins Bleus », la sortie de cette biographie n’est pas une surprise, mais plutôt une évidence. Le musicien et Frédéric Jambon partagent bien plus qu’un dévouement commun pour la musique, tout comme pour la Bretagne d’ailleurs. Chacun à leur façon, on retrouve chez eux ce même sourire bienveillant et cet œil pétillant et curieux. Si les notes de Dan Ar Braz sont légères et aériennes, la plume et le regard du journaliste sont justes et jamais bavards. Et les mises en situation offrent aussi des angles bien choisis.

Un peu plus de 300 pages parcourent la carrière longue de six décennies du Finistérien. En groupe avec Alan Stivell ou Fairport Convention, aux côtés de Rory Gallagher ou Dónal Lunny sur scène, du triomphe de l’Héritage des Celtes aux Victoires de la Musique, en passant par l’Eurovision et le Stade de France, Dan Ar Braz est bel et bien ce guitar-hero aussi discret que virtuose. Une simplicité qui touche l’âme avec humour et émotion. Et les témoignages rapportés dans le livre parlent autant d’humilité que d’humanité et de persévérance. « Chemins Bleus » est un document précieux et attachant.

320 pages – 15,5 x 22,5 cm – 25€