Catégories
Dark Folk

Thee Old Night : une lueur apaisante

Dans un climat très minimaliste, le trio offre un style très organique, essentiellement acoustique, qui ne met pas très longtemps à captiver. En tout cas, entre la Caroline du Nord, le Michigan et la Virginie, la connexion est établie et ce petit côté ‘au coin du feu’ donne une dimension étonnante à cette première réalisation des Américains. THEE OLD NIGHT a parfaitement su créer un environnement assez éthéré et pourtant d’une grande richesse artistique. Un charme mélodique ensorceleur.   

THEE OLD NIGHT

« Thee Old Night »

(Firelight Records)

C’est une Dark Folk mélancolique et très attachante que présente THEE OLD NIGHT sur son premier effort éponyme. Et l’histoire du trio en elle-même n’a rien d’ordinaire, non plus. Le projet est né de l’imagination et de la créativité d’Erik Sugg, qui fut le temps de trois albums et d’un EP, le leader, chanteur et guitariste de Demon Eye. Aujourd’hui dissous, le combo de Rayleigh, NC, a laissé de très bons souvenirs aux amateurs de Heavy Doom et il est même à ranger aux côtés des légendes du registre.

Mais même s’il persiste toujours quelques touches doomesques chez le songwriter, c’est un tout autre chemin qu’il emprunte ici en plongeant dans ses racines musicales profondes, faites d’éléments psychédéliques, de Folk légèrement bluesy et de Country classique avec une noirceur enveloppante et, finalement, assez réconfortante. Car « Thee Old Night » n’a rien de lugubre et ne baigne pas non plus dans une tristesse absolue. Au contraire, il y a quelque chose de contemplatif et de méditatif chez THEE OLD NIGHT.

Et pour mener à bien cette nouvelle aventure, Erik Sugg a fait appel à la talentueuse violoncelliste Anne Polesnak. Elle apporte beaucoup de relief aux chansons grâce à un jeu de grande classe. Puis, c’est Kevin Wage Inge, rockeur dans l’âme, qui enveloppe de sa steel guitare et de claviers des ambiances assez atmosphériques, qui viennent compléter le spectre musical de THEE OLD NIGHT (« Precious Blood », « The River The Mountain », « Red Light Crimson », « Sibyl » et « Darling » avec l’irrésistible trémolo dans la voix). Envoûtant.

Catégories
Doom Drone Psych

Pia Isa : dronic perceptions

Chanteuse et bassiste de Superlynx, la frontwoman scandinave a de multiples cordes à son arc, dont une aventure en solo qu’elle mène depuis 2021 maintenant. Avec ce deuxième opus, elle se livre un peu plus sur des morceaux où le Stoner Doom se joint à un Psych Drone hypnotique, bercé par la voix langoureuse et lancinante de PIA ISA. « Dissolve » arpente des sonorités captivantes avec talent et singularité.

PIA ISA

« Dissolve »

(Argonauta Records)

Alors qu’elle a sorti le quatrième album de son groupe Superlynx, où elle assure le chant et la basse, il y a quelques mois, PIA ISA revient en solo et donne une suite à « Distorted Chants » (2022) et surtout au EP « Burning Time » sorti en début d’année. Très occupée, elle est aussi très prolifique, puisqu’elle vient tout récemment de se lancer dans un nouveau projet avec Gary Arce (Yawning Man, Fates Jetson, Big Scenic Nowhere) baptisé SoftSun. A noter d’ailleurs que le guitariste est aussi présent  sur « Dissolve ».

Entourée de l’Américain sur six des huit titres et du batteur de Superlynx Ole Teigen, PIA ISA se déploie dans un registre Psychedelic Drone Rock, où elle interprète les voix bien sûr, et elles sont nombreuses, et endosse le rôle de bassiste tout en livrant des parties de guitares acoustiques très éthérées. Avec un travail incroyable sur les harmonies vocales et sur des compositions à la fois lourdes et aériennes, la Norvégienne se montre d’une superbe créativité à travers un songwriting très minutieux.

Sur des ambiances parfois post-Rock et Dark Folk, l’artiste offre un album complet et personnel, où les textes trouvent parfaitement leur place sur des pistes instrumentales soignées et particulièrement immersives. La production ’doomesque’ est elle aussi très bien équilibrée et on se laisse happer par cette atmosphère glaciale et épaisse. Vocalement, PIA ISA est littéralement envoûtante et se fond naturellement dans une sorte de jam parfois dantesque (« Transform », « Into The Fire », « Dissolve », « Tide », « Dream Or Float »).

Catégories
Dark Folk Heavy Stoner Doom Stoner Doom

Moon Womb : transcendental

L’une des premières choses qui surprend chez MOON WOMB, c’est cette production à la fois rugueuse et sauvage, et pourtant très lumineuse, qui se caractérise par une volonté d’authenticité et d’une certaine pureté. La délicatesse presque vulnérable de la voix fait face à des distorsions guitaristiques où l’étrangeté musicale reste étonnamment familière et transcendante. Les Américains donnent le sentiment d’avoir totalement électrifié un registre acoustique pour lui donner du corps et le résultat est plus qu’ingénieux.   

MOON WOMB

« Moon Womb »

(Firelight Records)

Rangé derrière une étiquette Heavy Rock un peu étriquée, MOON WOMB fait partie de ses groupes complètement atypiques, qui semblent avoir un don inné pour désarçonner leur auditoire. Car sur ce premier album éponyme, les frontières stylistiques sont abattues pour laisser libre-court à l’inspiration du duo, qui nous embarque dans un périple musical contemplatif, globalement assez sombre, mais toujours pertinent et original. Ici s’entrechoquent Folk et psychédélisme sur fond d’ésotérisme et de magie.

Originaire de Woodland en Caroline Du Nord, Brandy (chant, batterie et cymbales) et Richard Flickinger (guitare et amplification) se sont créé un univers très personnel, composé de paysages sonores aux reliefs saisissants. Très organique dans le son, « Moon Womb » est guidé par la voix de sa chanteuse, qui n’a pas son pareil pour donner aux morceaux des aspects presqu’incantatoires avec une douceur enchanteresse. MOON WOMB se montre très intimiste dans l’approche et même assez minimaliste dans la composition.

Le tandem est en symbiose totale et si la voix semble ouvrir le chemin, la guitare baryton aux sonorités brutes et singulières donne le ton aux ambiances qui s’engouffrent dans des passages très sombres et atmosphériques. On est proches d’une Dark Folk où se mêlent contes de fées et folklore dans une ode à la nature. La lenteur des compositions de MOON WOMB libère d’étonnantes impressions de liberté et d’espace et des éléments empruntés au Drone, voire au Doom, se joignent à ce mélange artistique créatif et inattendu.         

Photo : Agatha Donkar Lund
Catégories
Dark Folk Progressif

Los Disidentes Del Sucio Motel : une spontanéité si naturelle

Depuis bientôt deux décennies, les Alsaciens n’ont de cesse de faire évoluer leur style au fil des albums et des EP. Tout en gardant un pied dans un Stoner Prog souvent proche d’un post-Rock/Metal insaisissable, LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL multiplie les expériences, et celle-ci n’est peut-être pas la plus évidente. Légers, fins et presque mis à nu, ses propres morceaux s’exposent sur « Breath » dans une lumière nouvelle et flottante, où l’acoustique se revêt de cordes, comme pour mieux souffler et livrer ses mélodies dans une Dark Folk somptueuse.  

LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL

« Breath »

(Klonosphere)

C’est devenu une bonne habitude et même la marque de fabrique de LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL que de sortir un format court entre deux albums. Deux ans après « Polaris », le groupe s’offre donc une petite respiration avec le bien nommé « Breath », qui présente d’ailleurs deux nouveautés dans la démarche du quintet. Tout d’abord, on a le droit ici à cinq reprises, quelque chose d’assez inhabituel, et surtout pour la première fois en version acoustique, laissant les gros amplis de côté. 

Lorsqu’une chanson est bien écrite, elle se décline sans mal sous à peu près toutes les formes. Tous les musiciens vous le diront. On peut donc, sans exagérer, dire que les morceaux de LDDSM sont très bien composés car, en mode acoustique, ils ne souffrent d’aucune lacune, tant le passage de l’électrique à l’unplugged est évident et coule de source. Pour autant, il ne faut pas imaginer que les Strasbourgeois ont simplement épuré leur jeu et leurs compos, c’est même presque l’inverse.

LDDSM est donc allé puiser dans son dernier opus pour trois morceaux, avant de remonter le temps avec « Z » issu d’« Arcane » (2013) et le titre « From 66 To 51 », qui figure sur « Soundtrack from The Motion Picture » (2010). Réarrangées et livrées dans une interprétation aussi originale que délicate, ces cinq chansons mettent en avant les guitares sèches, le piano et le violoncelle, preuve qu’elles ont une intemporalité certaine. Peut-être un peu nostalgique, on retiendra plutôt la grande qualité artistique du répertoire.

Photo : Benjamin Hincker

Retrouvez la chronique de « Polaris » :

Catégories
Black Metal Death Metal Doom Metal

Jours Pâles : spleen Metal

Emotionnellement intense, le nouvel effort (c’est peu de le dire !) de JOURS PÂLES vient  confirmer la singularité du groupe et sa faculté à se démarquer de la scène Metal hexagonale de la plus belle des manières. Agressif et présentant une écriture fine et percutante, « Tensions » se nourrit de colère, de rage et laisser errer un spleen aussi étouffant que nerveux.

JOURS PÂLES

« Tensions »

(Les Acteurs De l’Ombre Productions)

Moins de deux ans après « Eclosion », JOURS PÂLES fait déjà son retour et toujours pas le moindre rayon de soleil à l’horizon. Toujours guidé par Spellbound dont le chant en français transcende littéralement ce nouvel album, la formation semble s’être resserrée mais les morceaux, eux, ont gagné en densité, en efficacité et se révèlent redoutables. Entre Metal et poésie, la connexion est établie.

Très créatif, le Metal très noir de JOURS PÂLES se nourrit de nombreux courants, ce qui le rend assez singulier et riche de saveurs multiples. Et même si l’atmosphère globale est clairement mélancolique, il n’est pas question ici de renoncement tant la combativité affichée à travers les textes est manifeste. Violent  et lourd, ce nouvel opus est une fusion de Black/Death, de Doom et de quelques passages Folk éthérés.

Et comme son titre l’indique très justement, il y a beaucoup de « Tensions » sur cette deuxième production des Auvergnats. Dès « Jour De pluie, Jour De Fête », on est saisi par la précision et l’aspect clair et massif du son. Vocalement, Spellbound sait autant se faire conteur et crieur que chanteur et growler, ce qui offre à JOURS PÂLES beaucoup de latitudes musicales (« Saint-Flour Nostalgie », « Hâve », « Ode A La Vie », « Dose(s) ». Unique !

Catégories
Dark Folk Dark Gothic Neo-Folk

Lisieux : religieusement éthéré

Très enveloppant, ce nouvel opus des Français de LISIEUX joue sur des tonalités à la fois inquiétantes et d’un éclat intense. L’esthétisme de « Abide ! » se forge dans les détails, ceux de la subtile voix de sa chanteuse pleine de nuances et dans des arrangements où l’Electro se joint à l’acoustique des guitares comme une évidence. Folk, sombre et très mélodique, le quatuor montre un style aussi baroque qu’intemporel. Il suffit d’y consentir…

LISIEUX

« Abide ! »

(Throatruiner Records)

Original et d’une grande liberté artistique, le style musical de LISIEUX peut paraître déroutant pour peu que l’on ne soit curieux et ouvert s’esprit. Car, après immersion, les Toulousains s’avèrent d’une fraîcheur et d’une créativité très développée. L’univers du groupe s’articule autour d’un imaginaire où se croisent des ambiances liturgiques et médiévales, mais pas seulement. De quoi donc aiguiser la curiosité.

Formé en 2014 autour de Cindy Sanchez (chant) et Hugo Campion (guitare), le duo est devenu quatuor deux ans plus tard avec les arrivées de Michael De Almeida et Christèle Gaye, ouvrant ainsi le champ des possibilités. Très atmosphérique, LISIEUX se pose au croisement de la Dark et de la Néofolk, mâtinées d’un soupçon d’Electro-gothique. Et malgré ce spleen ambiant, « Abide ! » ne manque pas de luminosité.

Enregistré par le groupe lui-même et masterisé par Michael Lawrence (Ulver, Current 93), ce deuxième album saisit par l’enchevêtrement de sonorités acoustiques et électroniques. Les harmonies de l’orgue rendent souvent le propos austère ou grandiloquent, c’est selon, mais LISIEUX parvient toujours à rebondir en se livrant là où on ne l’attend avec délicatesse (« Lys Noir », « Abide ! », « Herb Harp », « Le Chant de Fer », « Déluge »). Ensorceleur !

Photo Alexandre Ollier