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Gráinne Duffy : modern & celtic roots [Interview]

Avec ce cinquième album, GRAINNE DUFFY entre définitivement dans la cour des grand(e)s avec une classe et une personnalité très affirmée, qui rayonnent littéralement sur « Dirt Woman Blues ». La songwriter, chanteuse et guitariste irlandaise livre un opus d’où émane beaucoup de force, de caractère sur des sonorités où ses racines celtes se fondent dans un groove très américain. La musicienne est partie sous le soleil de Californie enregistrer ces morceaux très roots et modernes à la fois dans lesquels sa voix s’impose avec puissance, dynamisme et délicatesse. Rencontre avec une artiste brillante.

Photo : The Bedford Blackham Images

– Trois ans après le très bon « Voodoo Blues », tu reviens avec « Dirt Woman Blues » qui est beaucoup plus roots et rugueux. Est-ce qu’après un peu plus de 15 ans de carrière, tu penses que c’est l’album qui te ressemble le plus ? C’est en tout cas l’impression qu’il donne…

Oui, je pense qu’il me ressemble beaucoup, parce qu’il combine mon amour pour le Blues et ses racines et la musique celtique. Les deux ensemble. C’est une réelle unité à travers le son et les éléments. C’est quelque chose que j’ai toujours voulu représenter dans ma musique.

– Tu as co-écrit l’album avec ton mari Paul Sherry. Comment se traduit ce travail ? C’est plutôt une opposition de styles ou une complicité qui grandit au fil du temps ?

C’est clairement une complicité qui grandit au fur et à mesure. C’est une sorte de travail artisanal que l’on fait tous les deux. Nous sommes très ouverts et, même si nous avons chacun notre style, on s’ouvre à celui de l’autre pour en faire quelque chose qui nous ressemble aussi. Au fil du temps, mon état d’esprit a changé également et aujourd’hui, nous sommes très complices musicalement, c’est vrai.

Photo : The Bedford Blackham Images

– « Dirt Woman Blues » emprunte de nombreuses directions à travers le Rock, un Blues souvent Old School, des éléments d’Americana aussi et pourtant l’ensemble sonne très moderne. On a l’impression que ton côté ‘vintage’ est une sorte de façade pour aller encore plus loin dans l’expression de ta musique. C’est le cas ?

Oui, c’est vrai qu’il y a un côté beaucoup plus ‘vintage’ qui s’exprime sur cet album. Cela dit, je suis très ouverte à la scène Blues contemporaine et j’espère même en faire partie, car je suis une artiste de mon temps. Mais c’est vrai que j’écoute beaucoup de musiques plutôt anciennes et les vieux bluesmen, qui ont forgé ce style. Et je pense que ce côté un peu ‘Old School’ vient de là, c’est même certain.

– Tu es originaire de la ville de Monaghan dans le nord de l’Irlande et il se trouve que son nom signifie ‘Les petites collines’. Je ne pense pas que ce soit une coïncidence, mais plutôt une explication à ton style si mouvant et plein de contrastes. Qu’en penses-tu ? Il y a une part d’inconscient ?

Monaghan est une petite ville, un petit coin qu’on appelle aussi ‘Les petites Collines’, c’est vrai. Je pense que l’endroit où tu vis se reflète forcément à travers ses paysages et son atmosphère dans ce que tu écris et composes. Ca rythme aussi ta vie de manière inconsciente avec ses hauts et ses bas. Vivre dans un endroit comme celui-ci a bien sûr une influence, qui va bien au-delà de la musique.

Photo : The Bedford Blackham Images

– Pour rester en Irlande, on retrouve plusieurs inspirations dans la narration de tes morceaux surtout, ainsi que cette fougue qui habitait aussi Rory Gallagher. Dans quelle mesure penses-tu que l’empreinte celtique se lise et influence ton jeu ?

Rory Gallagher fait partie de notre histoire nationale. Et il faut aussi y ajouter Van Morrison, les Cranberries, les Coors et beaucoup d’autres qui ont apporté leur influence à travers leur musique. Je pense que c’est ce que les gens appellent ’celtique’ et je le prends aussi pour moi-même. Je ne sais pas vraiment dans quelles mesures on peut entendre ces influences sur le dernier album notamment, mais j’en suis ravie. Ce mélange est notre héritage. Parfois, tu ne sais pas vraiment d’où ça vient, mais c’est là. C’est naturel et c’est une partie de ce qu’est être irlandais. Et pour revenir à Rory, sa musique m’a beaucoup influencé au même titre que toute cette période avec Gary Moore également, bien sûr.

– Parlons de ce nouvel album que tu es partie enregistrer en Californie. Pourquoi ce choix ? Est-ce parce que les musiciens qui t’accompagnent et ton producteur se trouvent aux Etats-Unis, ou juste pour y trouver certaines sensations et vibrations ?

Oui, c’est un choix de mon nouveau producteur, qui a cherché de nouvelles personnes pour l’album. C’était très important pour nous de trouver des musiciens qui partagent aussi notre vision du Blues, afin d’aller dans le même sens. Il a monté une équipe de très, très haut niveau. L’album a été enregistré à la fois à domicile dans mon studio et dans un studio à Encinitas, en Californie et ce sont Chris Goldsmith (Ben Harper) et Marc Ford (The Black Crowes) qui ont produit l’album. Nous sommes accompagnés du guitariste Marc Ford (The Black Crowes) et de la session rythmique de Gary Clark Jr. composée du batteur et percussionniste JJ Johnson et du bassiste et claviériste Elijah Ford (Le fils de Marc). Tout le monde a pu apporter sa touche et on s’est tous très, très bien entendus.

Photo : The Bedford Blackham Images

– Vous n’avez pas forcément la même culture, mais vos influences pourtant convergent. Comment as-tu présenté tes morceaux et, malgré leur talent, est-ce que leur adaptation à un Blues moins américain que leurs racines a été rapide ?

Les vibrations et le groove sont très américains, je pense. C’est vrai qu’il y a un mix entre les deux cultures. Les morceaux les plus rapides sonnent plus anglais, alors que lorsqu’ils sonnent américain, ils sont plus cools et plus relax. Cela vient aussi surtout du son et de l’ambiance californienne, je pense. L’album combine bien les deux avec des compositions plus britanniques et celtiques sur un son typiquement américain, en effet. Nous avons beaucoup aimé travailler sur ces deux aspects et c’était très agréable de se retrouver tous ensemble et pouvoir confronter nos influences et nos envies.

– D’ailleurs, le Blues américain et le British Blues sont très distinctifs l’un de l’autre et très reconnaissables. Or, sur « Dirt Woman Blues », c’est difficile à définir. C’est ce qui se passe quand une Irlandaise enregistre aux Etats-Unis avec des musiciens américains, ou juste une simple volonté de ta part de te démarquer ?

Oui, je pense que c’était une décision très réfléchie, en tant que femme, d’aller enregistrer aux Etats-Unis avec des musiciens américains. Ce n’est pas facile de se mettre à nu lorsque l’on est une femme irlandaise dans un tel contexte. Nous nous sommes vraiment concentrés sur le son et le côté organique des morceaux. Je voulais aussi mettre en valeur ma voix, bien sûr, mais aussi mes parties de guitare.

Photo : The Bedford Blackham Images

– Pour conclure, j’aimerais que l’on parle de la pochette de l’album. Je la trouve très sombre et emprunte d’une certaine tristesse, alors que l’ensemble de « Dirt Woman Blues » est très lumineux et souvent même enjoué. Quel message, s’il y en a un, as-tu voulu faire passer ?

Je voulais une pochette différente des précédentes avec un design bien précis. Il y a un côté ‘Old Woman Blues’, qui se démarque de ce que l’on peut voir habituellement sur les albums réalisés par des femmes. C’est vrai qu’il y a un côté assez sombre, qui représente aussi une partie de notre Histoire. Elle montre les aspects opposés qui fondent aussi la condition féminine, que ce soit comme mère de famille et également en termes d’émancipation et de liberté. C’est peut-être aussi une autre vision de ce qu’est une blueswoman aujourd’hui.

Le nouvel album de GRAINNE DUFFY, « Dirt Woman Blues », est disponible sur son Bandcamp :

https://grainne-duffy.bandcamp.com/album/dirt-woman-blues

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Blues Southern Rock

Dana Fuchs : la lumière du sud

D’une voix puissante et très souvent délicate, DANA FUCHS pose un regard sans concession sur le monde à travers un Southern Blues mâtiné de Rock, de Soul et de Folk. Très bien accompagnée, c’est en songwriter accompli que la chanteuse et guitariste présente son onzième album, « Borrowed Time ».

DANA FUCHS

« Borrowed Time »

(Ruf Records)

Malheureusement trop méconnue dans nos contrées européennes, DANA FUCHS mène pourtant une brillante carrière façonnée dans un Blues très Southern, roots et Soul. Depuis « Lonely For A Lifetime » sorti en 2003, la chanteuse du New-Jersey, qui a grandi en Floride, distille son registre si particulier à travers des chansons qui ont fait d’elle une compositrice désormais reconnue et assez unique en son genre.

Sur des sonorités sudistes très rurales et authentiques, les 12 morceaux de « Borrowed Time » forment une belle et solide unité. Produit par Bobby Harlow (Samantha Fish), ce onzième album de DANA FUCHS est à la fois rugueux et lumineux, faisant la part belle aux guitares, héritage direct de ses influences puisées chez Lynyrd Skynyrd et même Led Zeppelin. Et la fusion opère avec une magie de chaque instant.

De sa voix rauque et sensible, la blueswoman sait envoûter l’auditeur entre titres très Rock (« Double Down On Wrong ») et ballades plus Soul (« Call My Name »). Très inspiré par l’actualité mondiale et la société actuelle, DANA FUCHS livre des textes forts qui, posés sur une musique intemporelle, donne une dimension artistique saisissante à « Borrowed Time ». Un Southern Blues au féminin rondement mené.  

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Blues Blues Rock Soul / Funk

Bonnie Raitt : en toute simplicité

Le Blues de BONNIE RAITT est éternel et sa voix garde cette intensité rare qui fait d’elle l’une des plus grandes blueswomen de tous les temps. Compter les très bons albums de la songwriter américaine serait déplacé, mais « Just Like That… » en fait bel et bien partie, malgré les épreuves endurées ces derniers mois par la musicienne. A travers un style toujours très Soul, elle resplendit de toute sa classe.

BONNIE RAITT

« Just Like That… »

(Redwing Records)

Les décennies passent et l’étincelle brille toujours chez BONNIE RAITT, qui livre une fois encore un grand et bel album. Six ans après l’excellent « Dig In Deep », la chanteuse américaine a réuni ses partenaires de prédilection pour un « Just Like That… » des grands jours. Enregistré l’été dernier à Sausalito en Californie, ce nouvel opus sort sur son propre label, preuve d’une liberté tenace.

Brillamment accompagnée par les fidèles James Hutchinson (basse), Ricky Fataar (batterie), Glenn Patscha (claviers) et Kenny Greenberg (guitare), BONNIE RAITT passe du Blues à la Soul avec une touche toujours Rock et même Reggae avec la reprise de Toots Hibbert, « Love So Strong ». La musicienne s’éclate, son enthousiasme est toujours aussi communicatif et du haut d’une telle carrière, rien ne lui résiste.

Ponctué de somptueux chorus de slide, de refrains entêtants et de partitions exceptionnelles d’orgue, « Just Like That… » s’inscrit parmi les meilleures productions de la Californienne. De « Made Up Mind », à « Waitin’ For The Blow », « Livin’ For The Ones » ou le très bon morceau-titre, BONNIE RAITT éclabousse de son talent ce nouvel album très inspiré et virtuose. Une perle… encore ! 

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Blues Blues Rock

Eliza Neals : le groove de Detroit

Si Detroit est bien sûr connue pour sa scène Rock et Hard, elle est loin d’être en reste dans le registre du Blues, comme vient le confirmer ELIZA NEALS avec « Badder To The Bone », son deuxième album en deux ans. Superbement accompagnée, la chanteuse et claviériste livre des nouveaux morceaux touchants, ardents et d’un feeling incroyable et très bien mis en valeur par une magnifique production.

ELIZA NEALS

« Badder To The Bone »

(Independent)

C’est avec la même fraîcheur que la blueswoman ELIZA NEALS livre le successeur de l’excellent « Black Crow Moan », sorti il y a deux ans. Avec « Badder To The Bone », elle vient de nouveau ensorceler son auditoire grâce à un Blues Rock solaire et très Soul. Cette fois encore, c’est elle qui a arrangé et co-produit l’album avec Michael Puwal, qui a aussi joué de la guitare et participé à l’écriture de plusieurs morceaux.

Pour interpréter « Badder To The Bone », ELIZA NEALS s’est entourée d’un groupe hors-norme où se relaient pas moins de huit musiciens parmi les plus réputés du Michigan. Ici, la complicité se fait ressentir sur un groove et un feeling incroyables, à travers des morceaux où Michael Puwal (toujours lui !) et la chanteuse font des merveilles (« United We Stand », « Lockdown Love », « Bucket Of Tears »).

La voix chaude et sensuelle d’ELIZA NEALS enveloppe avec puissance et délicatesse des titres entêtants et parfaitement façonnés (« Queen Of The Nile I &II », « King Kong », « Got A Gun », « Heathen »). Pour compléter ce très bon nouvel album, l’Américaine reprend également, avec une touche très personnelle, « Can’t Find My Way Home » de Steve Winwood. Le Blues Rock de la musicienne est à son summum et ne laisse rien au hasard.