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Hard Rock International

D-A-D : institutionalized [Interview]

Ces cinq dernières années sont probablement les plus créatives de D-A-D depuis un bon moment. Même si la formation de Copenhague est restée fidèle à ce Hard Rock si californien, le définissant presque comme le plus américain des groupes scandinaves, elle semble surfer aujourd’hui sur la vague d’une inspiration retrouvée. Dynamique et accrocheur, le quatuor y va même de son premier double-album en 40 ans de carrière et le musée national de la capitale danoise lui a même dédié une exposition relatant sa belle aventure. Autant d’évènements sur lesquels revient Jesper Binzer, heureux frontman d’un groupe qui mesure sereinement le chemin parcouru et le travail accompli…

– Avant de parler de ce nouvel et double album, j’aimerais que tu me dises quels sentiments t’ont traversé lorsque le ‘Danish National Museum’ a décidé de vous consacrer une exposition pour célébrer les 40 ans du groupe en mars dernier ? C’est quelque chose d’assez exceptionnel, j’imagine, que de devenir une institution dans son pays ? 

Lorsque le Musée National du Danemark nous a demandé si nous souhaitions participer à une exposition D-A-D pour célébrer les 40 ans du groupe, nous avons commencé par rire ! Sommes-nous désormais devenus des pièces de musée ? (Rires) Il s’avère que oui et c’était un grand honneur et beaucoup de travail aussi. Ils ont eu leur façon de communiquer dessus et nous avons eu la nôtre. Mais nous avons trouvé un terrain d’entente et cela s’est avéré être un très grand moment de culture contemporaine, avec tout ce que nous avons pu traverser et transmettre à travers notre musique dans le temps.

– Autre moment fort de cette année en plus de cette exposition, c’est ce concert que vous avez donné au ‘Planetarium’ à Copenhague, qui est l’endroit où se trouvait l’emblématique théâtre ‘Saltlageret’ et où D-A-D a donné son tout premier concert. Est-ce que c’est la date la plus excitante, et émotionnellement la plus forte, de cette tournée avec ce que cela représente ?

Remonter dans le temps est bien sûr le mot d’ordre lorsqu’il s’agit d’un 40ème anniversaire. Donc jouer un concert au sommet des ruines du lieu de l’un de nos premiers concerts était une excellente idée. Et comme le nouvel album a une pochette très spatiale et lointaine avec le crâne de vache en guise de météore, c’était parfait pour coller au thème. Doublement parfait, en fait… (Sourires)

– Parlons de « Speed Of Darkness », votre treizième album, qui se trouve aussi être votre premier double-album. Qu’est-ce qui pousse une formation reconnue comme la vôtre à sortir un tel disque dans une époque où le streaming est devenu envahissant ? Peut-être un peu de nostalgie par rapport au vinyle et à vos débuts, où ce genre de production n’était pas rare du tout ?  

En fait, nous avons passé beaucoup de temps à composer et à nous amuser ensemble. A tel point que c’était difficile de choisir les morceaux à la fin… Après, chacun peut écouter tout ce qu’il veut aujourd’hui avec le streaming, c’est vrai. Mais le vinyle est aussi quelque chose de spécial pour beaucoup de nos fans…

– Justement, depuis la sortie du très bon « A Prayer For The Loud » en 2019, où on vous avait retrouvé très inspirés, vous avez composé 40 chansons pour n’en garder que celles qui figurent sur « Speed Of Darkness ». Comment expliques-tu cette grande créativité de ces dernières années ? Y a-t-il eu un déclic entre vous ? Quelque chose de particulier et de déclencheur ?

Pour être honnête, il a fallu très longtemps pour que ce déclic arrive. Nous avions composé au moins une dizaine de chansons, qui étaient fondamentalement nulles. Mais nous avons continué et insisté, même si rien de génial n’est apparu immédiatement. Je pense que le déclic a eu lieu début 2023. À ce moment-là, nous étions en répétition depuis plus d’un an déjà. Au final, ce sont l’astuce, la persévérance et le travail acharné, bien sûr associés à une certaine forme de confiance en nous, qui nous ont aidés à y parvenir.

– 2024 marque donc le quarantième anniversaire de D-A-D et l’on ne peut que saluer une telle longévité, d’autant que votre line-up n’a pas bougé depuis les débuts en dehors de l’arrivée de Peter Lundholm en 1998, il y a 26 ans déjà. C’est aussi ça le secret du groupe ? D’être restés unis et avec une idée commune de la musique que vous avez toujours souhaité faire ?

J’imagine que nous avons la chance d’avoir un objectif commun. Sans doute aussi avons-nous peut-être eu une bonne éducation ? Il faut beaucoup d’introspection pour pouvoir non seulement voir les défauts des autres, mais aussi essayer de  changer soi-même parfois. Mais je pense aussi que c’est principalement parce que nous nous offrons la possibilité de pouvoir toujours façonner le Rock dont nous rêvons. La communion entre nous est parfaite et nous savons tous comment faire un super riff bien Rock… (Sourires)

– Vous avez également fait appel à Nick Foss, qui vous connait très bien, pour produire « Speed Of Darkness ». On y retrouve vraiment ce qui fait l’essence-même de D-A-D, c’est-à-dire un son à la fois puissant et moderne, mais paradoxalement très intemporel. L’objectif était-il de réaliser une sorte de synthèse musicale et sonore de votre carrière à l’occasion cet anniversaire ?

En fait, nous avons simplement composé beaucoup de chansons. Ensuite, plus nous nous sommes impliqués, mieux nous avons su qui nous sommes aujourd’hui. On ne voulait pas non plus être des copies, ou des parodies, de nous-mêmes, mais créer un D-A-D nouveau et amélioré.

– L’album contient des morceaux très directs, parfois assez épurés puisqu’ils ne sont pas surproduits justement. C’est vers cette efficacité que vous tendiez dès le début ? Ecrire et jouer des chansons fraîches, directes et accrocheuses ? Retrouver les fondamentaux du Hard Rock comme on le jouait dans les années 90 et avec l’esprit d’aujourd’hui ?

C’est vrai que nous avons travaillé dur et, au fil du temps, notre confiance en nous a grandi. Cela dit, nous ne pouvons pas nier que nous sommes aussi des témoins de l’évolution du Rock. Nous avons donc essayé de maintenir notre meilleur côté au goût du jour, c’est-à-dire en restant très actuel, tout en conservant l’énergie de nos débuts.

– Justement, où est-ce que vous vous situez aujourd’hui sur la scène Hard Rock en tant que précurseurs du genre ? Quel regard portez-vous sur la nouvelle génération et vous sentez-vous aussi dépositaires d’un certain héritage musical ?

Nous sommes un vieux groupe de ‘Punk Rock’ dans l’âme et cela nous permet de rester authentiques ! (Sourires) Nous savons que la mélodie et l’énergie sont les deux choses les plus importantes dans notre musique et dans cet ordre-là. Et puis, avoir des fans fidèles, notamment dans notre pays, constitue également une grande partie de notre travail au fil des années. Nous sommes constamment en dialogue avec eux et avec ce qui se passe autour de nous. Aujourd’hui, nous restons curieux de voir ce que l’avenir nous réserve… (Sourires)

– La tournée a déjà commencé et elle doit avoir une saveur particulière, d’autant que vous êtes aussi réputés pour être un groupe de scène redoutable. Sortir un double-album et fêter en même temps ses 40 ans d’existence peuvent avoir des avantages et quelques inconvénients… Comment choisir vos meilleures chansons dans un tel répertoire ? Vous allez donner des concerts de quatre heures ?

Je ne pense pas que nous ferons un jour un concert de quatre heures ! (Rires) C’est vrai que nous avons environ 200 chansons que nous pourrions jouer sans même les répéter. En l’occurrence, et comme il s’agit de concerts anniversaires sur la tournée, nous jouerons environ cinq nouvelles chansons au milieu des classiques. Notre objectif est surtout de délivrer beaucoup d’énergie sur scène.

– Enfin, à l’écoute de « Speed The Darkness », D-A-D apparait avec une incroyable fraîcheur et surtout beaucoup d’envie. Et on a le sentiment que vous n’êtes vraiment pas prêts de lever le pied et qu’au contraire, ce nouvel album vous a donné un nouveau souffle et qu’il a presque un effet ‘fontaine de jouvence’ sur vous. C’est le cas ?

L’expérience de l’exposition au Musée National nous a permis d’apprendre à mieux connaître notre passé. Nous avons passé des nuits là-bas à regarder de vieilles photos des premiers albums et des concerts de D-A-D. Nous avons aussi pu observer et écouter beaucoup d’enregistrements et de documentaires. Tout cela nous a apporté un nouveau regard et aussi une certaine douceur de voir ce que nous avons réellement accompli pendant 40 ans. Et puis, c’est vrai que nous sommes dans une bonne phase en ce moment… (Sourires)

Le nouvel et double-album de D-A-D, « Speed The Darkness » est disponible chez AFM Records.

(Photos : Søren Alfred Olsen)

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Hard US Rock US

Myles Kennedy : emotional masterclass

Il est tellement actif qu’on pourrait très bien imaginer MYLES KENNEDY être à court d’idées ou d’inspiration. L’homme possède, c’est vrai, un agenda très, très rempli. Or, avec « The Art Of Letting Go », c’est tout le contraire que vient démontrer le musicien de  Boston. Car ce troisième effort en solitaire, loin du feu des projecteurs essentiellement braqués sur ces projets en groupe, est de loin son meilleur. Complet et virtuose, ce nouvel opus est d’une justesse de chaque instant. Généreux et authentique, dans sa musique comme dans ses textes, le songwriter atteint une maturité artistique guidé par un fort tempérament.

MYLES KENNEDY

« The Art Of Letting Go »

(Napalm Records)

Il y a des artistes dont les albums solos dépassent très nettement ceux qu’ils font en groupe, et MYLES KENNEDY fait définitivement partie de ceux-là. Tout semble si naturel et évident lorsqu’il est seul aux commandes qu’on a presque le sentiment qu’ailleurs, il est freiné. Que ce soit avec Slash & The Conspirators ou même avec Alter Bridge (le meilleur des deux !), il est méconnaissable dans sa façon d’écrire. Alors, bien sûr, chacun choisira ensuite dans quel rôle il le préfère. En tout cas, pour tout amateur de Rock/Hard US, ses productions sont toujours limpides et lumineuses. Ici encore, ses parties de guitare et son chant prennent subitement un nouvel éclat et une saveur toute personnelle.

Cette fois encore, « The Art Of Letting Go » est l’œuvre d’un maître artisan. MYLES KENNEDY est littéralement au sommet de son art. Si sa voix développe une force toujours très maîtrisée, capable notamment d’envolées surpuissantes, les parties de guitares sont elles aussi d’une incroyable richesse. Entre ce déluge de riffs aux sonorités tellement variées qu’il surprend à chaque morceau et des solos toujours aussi bien sentis, le musicien se met littéralement au service de ses chansons. S’il en fait beaucoup, il n’en fait jamais trop et les artistes de ce calibre se font très rares. Il n’y a ici aucune course à la surenchère. L’efficacité est son moteur… et il ronronne.

Accompagné des fidèles Zia Uddin à la batterie et Tim Tournier à la basse, le trio s’engouffre dans un Rock/Hard US souvent bluesy et toujours très solide. Et cette formule fait mouche que ce soit dans les moments les plus forts et implacables (« The Art Of Letting Go », « Say What You Will », « Mr Downside »). Et quand MYLES KENNEDY laisse parler ses émotions, on monte encore d’un cran dans un Rock universel qui parait si naturel (« Miss You When You’re Gone », « Save Face », « Nothing More To Gain »). Et malgré un ensemble très ample doté d’un volume incroyable, le chanteur sait jouer sur la corde sensible avec beaucoup de sincérité («  Behind The Veil » et surtout « Eternal Lullaby »). L’énergie et la beauté !

Retrouvez la chronique de son album précédent, « The Ides Of March » :

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Hard Rock

House Of Lords : éternel survivant

En revenant à un son plus rentre-dedans et plus ‘sauvage’, HOUSE OF LORDS semble avoir choisi la bonne voie, celle d’une certaine réhabilitation auprès d’un public un brin nostalgique de ses débuts. En effet, « Full Tilt Overdrive » présente une belle dynamique avec un accent mis sur les guitares, histoire de se rappeler ô combien Jimi Bell est un musicien plein de feeling et de fougue. Le combo américain repart de bonnes bases, déjà posées sur le précédent opus et c’est une bonne nouvelle !

HOUSE OF LORDS

« Full Tilt Overdrive »

(Frontiers Music)

HOUSE OF LORDS fait partie de ces nombreux groupes californiens qui se sont fait connaître grâce à des débuts discographiques époustouflants… Chose qu’on ne voit plus beaucoup de nos jours. En 1988, avec son premier album éponyme, il avait fait plus qu’attirer l’attention dans le petit monde du Hard Rock. Des morceaux hyper-fédérateurs et très mélodiques, mais tout de même suffisamment puissants pour rivaliser avec les plus nerveux de l’époque. La suite a été assez chaotique avec de nombreuses turbulences internes, qui ont mené à un bal incessant d’allés et venues dans ce line-up devenu par la force des choses très fluctuant.

Il ne reste aujourd’hui que son emblématique frontman, James Christian, de la formation originelle et pourtant HOUSE OF LORDS reste toujours aussi identifiable. Composé depuis « Saints And Sinners » (2022) du guitariste Jimi Bell, du claviériste et compositeur Mark Mangold et du batteur suédois Johan Koleberg, une unité artistique semble être retrouvée, ainsi qu’une envie d’avancer ensemble. C’est en tout cas qui ressort à l’écoute de « Full Tilt Overdrive », dont la production assez brute et directe se veut beaucoup plus organique et puissante. Et le quatuor, dans cette configuration, parait également beaucoup plus inspiré.

Vocalement irréprochable, James Christian n’a rien perdu de son charisme et reste l’un des meilleurs chanteurs du genre. Fidèle à lui-même en quelque sorte. La petite surprise vient peut-être des guitares, nettement plus en valeur qu’habituellement, relayant légèrement les claviers au second plan. Même s’il reste toujours très mélodique, HOUSE OF LORDS renoue avec ses racines Hard Rock grâce aux riffs et aux solos costauds d’un Jimi Bell en pleine forme (« Bad Karma, « Talking The Fall », « Crowded Room », « Full Tilt Overdrive » « You’re Cursed » et l’épique « Castles High » et ses neuf minutes). Rafraîchissant et tonique !

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Classic Rock Hard 70's

Winecraft : pied au plancher

Même si les influences sont manifestes, tout comme l’intention d’ailleurs, la formation de l’Est de la France nous embarque 50 ans en arrière au temps des pionniers et des légendes du Hard Rock et du Classic Rock. Pourtant, le propos de WINECRAFT est très actuel, seule sa musique libère une couleur vintage. Costaud et mélodique, il invoque les névroses de notre époque et ne boude pas son plaisir à faire de ces tensions des envolées inspirées et entêtantes. Une entrée en matière très réussie avec ce « Witchcraft’n Excess Wine » relevé.

WINECRAFT

« Witchcraft’n Excess Wine »

(Independant)

De toute évidence, il souffle un air de revival sur le Rock actuellement (c’est cyclique, comme dirait l’autre !) et la scène française commence à tirer son épingle du jeu dans le domaine. Bien sûr, on ne peut ignorer les deux beaux représentants issus des terres bretonnes, Komodor et Moundrag (et leur fusion !), et il faut dorénavant mentionner également WINECRAFT, dont le premier effort s’inscrit dans cette même veine. Le Classic Rock du quintet évoque bien entendu, et avec beaucoup d’efficacité, les 70’s et leur grain de folie.

Récemment rassemblés du côté de Strasbourg, les membres du groupe se sont déjà aguerris au sein d’autres formations, puis ont enchaîné avec quelques concerts. Car, c’est justement l’ADN et le nerf de la guerre chez WINECRAFT : la scène ! Ça l’est même au point que « Witchcraft’n Excess Wine » a été enregistré dans des conditions live, afin de capter au mieux l’énergie et la fougue de ses six morceaux… auxquels il faut d’ailleurs ajouter un septième issu en l’occurrence d’une prestation en public (« Who’ll Make It Out Alive ? »).

Bien produit, ce premier EP, long d’une bonne demi-heure tout de même, expose ce son brut et organique, qui constituait la saveur et l’authenticité de cette époque bénie si créative. WINECRAFT maîtrise et connait son sujet, ce qui lui offre une évidente légitimité et une belle crédibilité dans ses compos. Musicalement, l’ambiance renvoie à Led Zeppelin, l’orgue à Deep Purple et certaines parties vocales à Motörhead. Autant dire qu’on s’y sent bien et « Witchcraft’n Excess Wine » régale (« A Protest Love Song », « Back In Town »).

(Photo : Les Photos d’Alumine)

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Hard 70's Psych

Alunah : ultimes vibrations

En actant le départ de Siân Greenaway, dont la présence derrière le micro va cruellement manquer, ALUNAH risque de voir ses fans, et beaucoup d’autres, se précipiter sur ce chant du cygne vinylique. Mais que tout le monde se rassure, le désormais trio est décidé à poursuivre son effort, dès qu’il sera de nouveau au complet. « Fever Dream » a donc un  aspect assez particulier, qui apporte peut-être même une magie supplémentaire. Car il faut reconnaître qu’il s’agit sans doute de la meilleure réalisation des Anglais, toujours dans ce Hard Rock 70’s si organique et authentique.

ALUNAH

« Fever Dream »

(Heavy Psych Sounds)

La nouvelle ne vous aura pas échappé, c’est avec un petit pincement et beaucoup de regrets que je chronique ce nouvel et dernier album d’ALUNAH avec sa chanteuse Siân Greenaway, qui s’en va continuer l’aventure en solo au sein de Bobbie Dazzle dans un registre a priori plus Glam Rock. Alors, forcément, sur ce « Fever Dream », la fièvre retombe un peu. C’est donc sur ce septième opus majestueux que la frontwoman file vers de nouveaux horizons, non sans livrer une superbe prestation, qui surclasse d’ailleurs artistiquement les précédentes dans sa diversité et sa puissance vocale.

Cependant, si le groupe issu du berceau spirituel du Heavy Metal, Birmingham, perd celle qui lui offrait une identité forte, il n’a pas l’intention de rendre les armes et compte se remettre en selle très bientôt une fois que la ou le successeur sera connu. En attendant, ALUNAH fait feu de toute part avec « Fever Dream », un disque enchanteur, vif et solide et tout aussi aérien qu’épique. Que ce soit les riffs endiablés et les solos magistraux de Matt Noble, la rythmique au groove enjôleur de Dan Burchmore (basse) et Jake Mason (batterie), rien ne manque. L’unité affichée est même incroyable.

Dès « Never Too Late », le ton est donné et on retrouve ce Hard 70’s aux saveurs rétro et vintage, sublimé par la production de Chris Fielding (Electric Wizard). Les Britanniques se dévoilent dans un moment d’inspiration unique et ils passent d’un morceau à l’autre avec une grâce absolue, traversant avec une grande souplesse musicale des atmosphères aussi musclées que planantes (« Sacred Grooves », The Odyssee »). ALUNAH multiplie les clins d’œil au Psych, au proto-Metal avec même un peu de flûte à la Fleetwood Mac sur plusieurs titres (« Trickster Of Time », «  Far From Reality », « Celestial »). De belles émotions ! 

Retrouvez la chronique de « Strange Machine », sorti en 2022 :

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Hard FM Hard'n Heavy

Eclipse : un air de conquête

Depuis quelques albums déjà, les Suédois resserrent leur jeu, gagnant ainsi en efficacité, et misent aussi sur des riffs racés et des refrains accrocheurs. Fortement marqué par les années 80/90 et avec un son typiquement, et forcément, nordique, ECLIPSE lorgne sur le Hard FM sans complexe, tout en distillant des titres puissants et fédérateurs. Dans la continuité du premier volume, « Megalomanium II » est Heavy, Rock et entraînant. Un opus costaud et dynamique, qui devait faire son effet en concert.

ECLIPSE

« Megalomanium II »

(Frontiers Music)

Un  an tout juste après « Megalomanium », le quatuor de Stockhölm livre le second volet et celui-ci confirme avec brio sa bonne marche à travers un style pleinement affiché et assumé. Car si ECLIPSE œuvre sur des fondations Hard Rock et Heavy Metal, il tend de plus en plus vers un registre plus mélodique qui s’adresse à un très large public. Très moderne dans l’approche comme dans  la production assurée de bout en bout par le frontman, guitariste et claviériste Erik Mårtensson, ce onzième album garde un côté musclé.

Du côté du line-up, c’est aussi du solide avec les mêmes musiciens que sur le très bon « Wired » (2021). Magnus Henricksson fait des prouesses à la guitare, tandis que la fratrie Crusner (Victor à la basse et Philip à la batterie) guide sans trembler une rythmique implacable. ECLIPSE montre beaucoup d’assurance et l’ambition à peine voilée du titre se retrouve sur les morceaux. Le son massif et très actuel donne aussi un sérieux coup de boost au Hard’n Heavy proposé sur leurs premières réalisations.

Renforcé par quelques claviers, « Megalomanium II » met surtout en lumière le travail des deux six-cordistes, qui rivalisent de riffs acérés et de solos millimétrés. Taillées pour la scène, ces nouvelles compos n’évitent pas certaines références évidentes, mais ECLIPSE impose, par son chanteur aussi, sans mal sa patte (« Apocalypse Blues », « The Spark », « Falling To My Knees », « Still My Hero », « Until The War is Over », « One In A Million »). Les Scandinaves rendent une belle copie et ces deux récents albums consécutifs sont plus que convaincants.

(Photo : Martin DarkSoul)

Retrouvez la chronique du premier volume, « Megalomanium » :

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Classic Hard Rock Hard 70's

Michael Schenker : OVNI guitaristique

Cela fait dorénavant une cinquantaine d’années que MICHAEL SCHENKER fait partie d’une longue lignée de musiciens qui tend à disparaître, celle des guitar-heros. S’il s’est surtout fait connaître avec MSG, en solo et avec divers projets, il a aussi marqué de son empreinte l’histoire d’UFO malgré une présence assez éphémère, mais retentissante. Afin de célébrer les 50 ans de cette période unique, le guitariste allemand a décidé d’y consacrer trois albums, dont voici le premier.

MICHAEL SCHENKER

My Years With UFO

(earMUSIC)

Même s’il n’a fait qu’un passage relativement court au sein du groupe britannique UFO de 1973 à 1978, MICHAEL SCHENKER aura marqué les esprits et sans doute écrit les plus belles pages de la formation devenue mythique par la suite. Cinq petites années donc, ponctuées de six albums qui trônent aujourd’hui au panthéon du Hard Rock mondial et qui sont autant de madeleines de Proust pour tout amateur qui se respecte. On y retrouve « Phenomenon », « Force It », « No Heavy Petting », « Lights Out », « Obsession » et le live « Strangers In The Night » devenu un incontournable. Le guitariste y montre une étonnante précocité qui le mènera très loin par la suite, notamment avec MSG.

Car c’est à 17 ans seulement qu’il est appelé au sein du groupe anglais, alors qu’il œuvre avec son grand frère Rudolf chez Scorpions. Un mal pour un bien à l’époque où UFO affiche une notoriété bien supérieure au combo familial. Comme un poisson dans l’eau, le jeune allemand signe des morceaux devenus incontournables comme les désormais classiques : « Doctor Doctor », « Rock Bottom », « Lights Out », « Let It Roll » ou l’excellent « Only You Can Rock Me » que l’on retrouve tous ici, bien sûr. Si la virtuosité de MICHAEL SCHENKER impressionne déjà, son travail d’écriture n’est pas en reste et pourtant l’aventure s’achèvera sur une fâcherie avec le chanteur Phil Mogg.

Avec son ami producteur Michael Voss, MICHAEL SCHENKER a même tenu à respecter le son de l’époque, puisque la production de « My Years With UFO » n’a rien de clinquante, bien au contraire. Ce qui est clinquant ici, c’est la liste de guests devenus lui apporter un hommage appuyé. Jugez-vous par vous- même : Axl Rose et Slash (mais pas sur le même morceau), Kai Hansen, Roger Glover, Joey Tempest, Biff Byford, Jeff Scott Soto, John Norum, Dee Snider, Joel Hoekstra, Joe Lynn Turner, Carmine Appice, Adrian Vandenberg, Michael Voss, Stephen Pearcy et Erik Grönwall. Un casting de rêve pour un musicien hors-norme, qui a marqué plusieurs générations d’artistes !

Retrouvez la chronique de son dernier en date avec MSG :

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Doom Rock Hard US Stoner Rock

Crobot : implacable

Le tempo est soutenu, les riffs tranchants et avec un frontman en grande forme, CROBOT livre l’une de ses meilleures réalisations. Totalement réoxygéné, le quatuor tourne à plein régime dans une atmosphère où son Heavy Rock mâtiné de Stoner et aux refrains typiquement Hard Rock explose frontalement, sans complexe et sans ambiguïté. « Obsidian » renoue avec le son riche de ses débuts pour un moment mélodique et à l’impact fracassant.

CROBOT

« Obsidian »

(Megaforce Records)

Et si CROBOT avait retrouvé la foi ? Non pas qu’il l’ait un jour perdu, mais la parenthèse Mascot Records, avec deux albums (« Motherbrain » et « Feel This ») et un EP (« Rat Child »), aurait pu faire penser que les Américains étaient devenus plus mainstream avec ce format adapté aux radios US. Cela dit, il s’agissait de leur expression discographique car, sur scène, les murs tremblent toujours. Et cette arrivée sur l’emblématique label Megaforce Records marque un retour musclé aux fondamentaux.

Le combo de Posstville, Pennsylvanie, rallume la fonderie sur ce cinquième opus qui transpire le Rock’n’Roll à grosses gouttes et où l’on retrouve avec beaucoup de plaisir l’épaisseur des riffs et la lourde et resserrée rythmique, qui le rendent si irrésistible. CROBOT accueille également le bassiste Pat Seals aux côtés de Dan Ryan (batterie) complétés par les irremplaçables et inamovibles Brandon Yeagley au chant et le fougueux Chris Bishop à la guitare. Gonflés à bloc, la machine retrouve toute sa rugosité et sa puissance.

Toujours au croisement d’un Hard Rock sauvage, d’un Stoner Rock appuyé et de quelques touches Doom, CROBOT avance avec vigueur et met une grosse intensité sur chaque chanson (« Come Down », « Nothing », « Metal », « Disappear », « White Rabbit » et le morceau-titre). Produit par le groupe, puis mixé et masterisé par Alberto De Icaza (Clutch), « Obsidian » creuse dans les méandres de l’âme avec authenticité et force. A la fois sombre et texturé au possible, le groove est titanesque… et obsédant !   

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France Hard Rock

Last Temptation : un appétit pour le changement [Interview]

On en va pas se mentir, la France n’est pas vraiment le pays du Hard Rock, mais cela ne lui empêche pas de réserver quelques belles surprises, et LAST TEMPTATION en est une très belle. Le groupe de Peter Scheithauer, guitariste et compositeur, sort « Heart Starter », dans les jours qui viennent, après deux premières réalisations plutôt Hard’n Heavy. Une sorte de retour aux sources pour le fondateur du combo qui a fait ses premières armes à Los Angeles à une époque très créative. Sur ce troisième album, le groupe se présente également avec un nouveau frontman, le Québécois Loup Malevil, et Fabio Alessandrini à la batterie. De quoi rebattre les cartes et s’offrir un bel élan dans un style plus chaleureux, aéré et positif aussi. Entretien avec un musicien qui se fie à son instinct et ses envies avec un bon feeling…

– Votre troisième album, « Heart Starter », sort dans quelques jours. Deux ans se sont écoulés depuis « Fuel For My Soul » durant lesquels vous avez fait de prestigieuses premières parties et de beaux festivals. Est-ce que, dans ce cas-là, tu attends que tout ça retombe un peu ou la composition ne s’arrête jamais ?

Ca ne s’arrête jamais, en fait. Il y a quand même des moments off où pendant deux/trois semaines, je n’ai pas envie de bosser et je laisse venir. Mais en général, je n’arrête jamais, car il y a toujours des idées qui arrivent à droite, à gauche. Bien sûr, je ne finis pas le morceau d’un seul coup. Je garde beaucoup d’idées et ensuite il faut trouver vers quelle direction tu veux aller et trouver une cohésion dans tout ce que tu fais. Sur cet album, on a été assez éclectique et l’objectif était justement de combiner tout ça en un seul style. Que tout sonne LAST TEMPTATION finalement.

– Difficile de ne pas évoquer les changements de line-up assez fréquents chez LAST TEMPTATION. Si la rythmique bouge souvent beaucoup, changer de chanteur après deux albums est toujours assez délicat. Sans entrer dans les détails, est-ce que cela a remis en question certains morceaux déjà composés, par exemple ?

On a tout refait. Cela n’a rien à voir avec ce qui avait été réalisé au préalable. Cet album a  vraiment été composé pour nous. Je crois qu’il y avait un morceau qui était présent sur les démos avec l’ancien line-up. Mais tout le reste est complètement nouveau.

– C’est donc le chanteur Loup Malevil, plus habitué à la Country Music qu’au Hard Rock qui officie derrière le micro. Comment vous êtes-vous trouvé et de quelle manière son intégration s’est-elle déroulée ?

En fait, j’ai cherché un chanteur qui soit plus dans la lignée de ce que je voulais avec une direction un peu plus ‘joyeuse’, plus Hard Rock en tout cas. En cherchant, je suis tombé sur une vidéo de Loup et j’ai trouvé que ça sonnait bien. J’ai appris qu’il était québécois, qu’il habitait à Toulouse et je l’ai contacté. Je lui ai ensuite envoyé des démos et, finalement, il est vraiment à fond dans ce qu’on voulait faire.

– La rythmique est désormais composée de Franz OA Wise toujours à la basse et de Fabio Alessandrini derrière les fûts en remplacement de Farid Medjane. Est-ce que chacun participe à la composition, ne serait-ce qu’en apportant son feeling à travers son jeu personnel, ou y a-t-il une ligne directrice préétablie ?

Fabio aime vraiment ce style et il a vraiment une vision claire de sa façon de jouer. Il y a peut-être une ou deux fois où je lui ai dit que ça n’allait pas. Mais il a une telle finesse dans son jeu, une telle compréhension des morceaux que je le laisse faire. Il apporte tellement. D’ailleurs, souvent, je lui envoie les démos sans batterie pré-enregistrée avec juste la guitare et un clic, puis il fait ce qu’il veut. C’est la même chose avec Franz, qui a vraiment un jeu de basse très riche. Et avec Fabio, il peut vraiment mettre des lignes de basse plus fournies. Il y a une réelle symbiose entre eux deux et ils s’amusent… Et c’est le plus important ! Et puis, il y a beaucoup plus de vibes 70’s dans leur jeu, ce qui donne un groove très intéressant.

– Ce qui est aussi assez étonnant chez LAST TEMPTATION, c’est que vos trois albums ont des couleurs musicales différentes, tout en conservant une identité évidente. Est-ce que vous vous cherchez toujours en termes de son et de production, ou est-ce justement cette diversité qui fait votre force ?

Ah ! (Rires) Le fait que ce soit toujours la même personne qui compose les riffs donne une certaine continuité, même s’il y a toujours quelques différences. C’est vrai que j’aborde les choses de la même façon quand je joue, puisque c’est mon jeu. Cette fois, j’ai voulu donner un côté plus Hard Rock et moins Heavy. C’est aussi dans l’esprit des groupes avec lesquels grandi, c’est-à-dire Van Halen, Dokken, … Il y a toujours eu ce mélange. Ca reste des riffs LAST TEMPTATION et au niveau de la production, on est allé chercher un gros son, mais avec cette fois-ci, plus d’affinité dans le groupe et surtout plus de finesse basse/batterie.

– Revenons à « Heart Starter », dont le contenu est nettement plus varié, même si les fondations et les fondamentaux restent les mêmes. Est-ce que justement Loup vous permet d’explorer de nouveaux horizons ?

Ah complètement ! Il est capable de beaucoup de choses et il a une approche très fun des morceaux. Avec ses capacités vocales, y compris au niveau des chœurs, il apporte beaucoup et avec une grande liberté. Il est également très à l’écoute et il a une touche très personnelle, qui lui permet de vraiment bien sentir les chansons.

– L’approche est également plus Classic Rock dans l’ensemble et donc moins Heavy qu’auparavant. Est-ce qu’il y a une volonté de toucher un public plus large, ou ce sont plus simplement les références musicales de chacun qui ressortent plus facilement cette fois ?

C’est beaucoup plus au niveau des références, en effet. Ce sont vraiment les riffs qui me sont venus avec une couleur différente. Et puis, le chant de Loup ensuite a vraiment confirmé cette intuition. Il a un côté très fédérateur dans le chant et ça m’a rappelé beaucoup de choses. Donc, en plus des riffs plus Rock et une voix comme la sienne, tu donnes tout de suite une autre couleur à l’album. Il y a peut-être plus de chaleur et l’ensemble est aussi plus positif, notamment au niveau des paroles qui contiennent beaucoup plus d’humour et qui sont aussi plus pointues.

– « Heart Starter » a été enregistré dans trois studios différents et mixé pour l’essentiel par Jordan Westfall, qui a récemment travaillé avec Black Stone Cherry, et tu l’as accompagné pour le mastering. C’était important pour toi d’avoir le final-cut sur le son de ce nouvel album ?

Oui parce que, parfois, il manque deux/trois petites choses. Cela dit, je ne suis peut-être pas le meilleur pour le faire surtout avec mon petit problème d’oreille ! (Rires) Mais je détecte certains détails, comme une basse à ajouter, par exemple, et donc oui, c’est important pour moi.

– Un petit mot aussi au sujet du single « Get On Me », qui a été mixé par le grand Mike Fraser. J’imagine qu’une telle collaboration a un caractère assez unique. Qu’est-ce que tu en retiens, dans quelles circonstances cela a-t-il pu se faire et pourquoi n’a-t-il pas mixé tout l’album ?

En fait, cela a surtout été une question de timing pour le mix complet de l’album. A ce moment-là, tout n’était pas encore enregistré de notre côté, non plus. En fait, l’enregistrement ne s’est pas fait en une seule fois, en raison de morceaux qui sont arrivés en toute fin. Et puis, il était très occupé une semaine ici, une semaine là. En fait, on s’est souvent parlé et on voulait faire quelque chose ensemble depuis un moment. Et en dernière minute, il y a aussi eu une question de budget avec notamment un studio au Canada qui était plus cher que ce que l’on croyait. Puis, on a aussi écouté ce que Jordan a fait et j’adore. J’aime beaucoup sa façon de travailler et lorsque j’ai écouté ce qu’il avait réalisé pour Black Stone Cherry, j’ai trouvé ça parfait. Au final, c’était plus une question de timing qu’autre chose.

– Puisqu’on en est à évoquer les grands noms présents sur l’album, on y retrouve Billy Sheehan à la basse sur « I Won’t Love You », Vinny Appice à la batterie sur « All In All Out » et « Wildfire » et Don Airey de Deep Purple sur ces deux mêmes morceaux. Et il faut ajouter Kenny Aronoff (John Mellencamp, John Fogerty) à la batterie sur un titre, tout comme Rudy Sarzo (Dio, Ozzy, Quiet Riot) à la basse sur « Wild Fire ». C’est important aussi d’avoir des guests de ce calibre sur un album, ou il s’agit juste d’un petit plaisir personnel ?

En fait, c’est venu comme ça à travers diverses sessions. On voulait travailler ensemble et les mettre sur l’album. D’avoir Kenny et Billy sur un titre était aussi un peu mon petit Graal. Au niveau basse/batterie, ils sont incroyables. Je croisais très régulièrement Billy à Los Angeles à une certaine époque. Pour Kenny, qui ne veut pas faire un titre avec lui ? (Rires) C’est quelqu’un plein de force, de tellement joyeux et qui un personnage assez impressionnant aussi. Quant à Don, il est tout simplement monumental !

– Enfin, avec trois albums, vous avez de quoi constituer de jolies setlists. Allez-vous vous concentrer sur « Heart Starter », ou essayer de trouver un équilibre avec l’ensemble de votre répertoire ?

Non, on va axer nos concerts sur le nouvel album. Et puis, on ne va pas se le cacher, la direction musicale actuelle est différente. Lors d’un récent concert, on avait juste un ancien titre du deuxième disque. On va peut-être réadapter certains morceaux, qui colleront au set que l’on veut donner. La ligne artistique est plus claire aujourd’hui et j’ai d’ailleurs déjà en tête celle du prochain. Donc on va rester sur cette dynamique.

L’album de LAST TEMPTATION, « Heart Starter », sortira chez Metalville.

Photos : Benjamin Hincker (1, 2,5) et Greg H Photographer (3)

Retrouvez l’interview de Peter Scheithauer lors de la sortie de « Fuel For My Soul » :

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Mike Tramp : le plaisir comme guide [Interview]

Groupe iconique des années 80 et 90, WHITE LION a marqué toute une génération de fans de Hard Rock. En marge de la très productive scène américaine de l’époque, les Danois ont apporté un son nouveau et surtout européen jusque-là inédit. Après une séparation qui a aussi vu éclater le formidable duo composé avec le guitariste Vito Bratta, MIKE TRAMP a entamé une carrière solo tout d’abord avec l’excellent combo Freak Of Nature, puis sous son nom. Mais depuis l’an dernier, c’est bel et bien le répertoire de sa première formation que le chanteur revisite avec le talent qu’on lui connait et surtout cette voix chaude et tellement identifiable. Alors que sort le volume 2 de « The Songs Of White Lion », le frontman revient sur ses envies, son plaisir et sans éluder quoique ce soit. Entretien.

– L’an dernier, tu as sorti le premier volume de « The Songs Of White Lion », qui a été suivi d’une tournée. D’où t’es venue l’idée de te replonger dans le répertoire de WHITE LION ? Ce sont des morceaux que tu jouais régulièrement en solo sur scène ?

Au départ, je n’aurais jamais imaginé retourner dans le monde de WHITE LION. Mais quand je l’ai fait, j’ai senti que je pouvais en faire beaucoup plus. Les nouvelles versions m’ont fait aimer à nouveau mes anciennes chansons et m’ont donné envie de les interpréter d’une manière que je n’avais jamais faite auparavant. Elles appartiennent à un groupe de Rock au complet, et non pas à mes nombreux albums solo. C’est un monde à part.

– Ces deux volumes ont aussi la particularité de présenter les chansons dans des versions réenregistrées. Pour quelles raisons as-tu souhaité entrer à nouveau en studio ? Tu aurais tout aussi pu sortir un Best Of remasterisé, par exemple ?

L’intérêt de réenregistrer et de réarranger quelque peu les chansons, c’était pour qu’elles s’adaptent à la fois au monde d’aujourd’hui et à la vision que j’en ai en 2024. La musique évolue, comme nous tous. Les anciennes versions représentent un groupe qui avait une vingtaine d’années. Aujourd’hui, j’ai 63 ans. Je ne monte pas sur scène comme Kiss, qui pense que les temps n’ont pas changé, ou qu’eux-mêmes n’ont pas changé. D’ailleurs, YouTube nous montre le contraire. Je voulais montrer ma propre évolution personnelle et mon interprétation aujourd’hui.

– J’imagine que si tu as réenregistré tous ces morceaux des années après leur sortie, c’est que certaines choses devaient te gêner un peu. D’où cela venait-il ? Plus de la production, ou de certaines structures, même s’ils sont très fidèles aux originaux ?

Je pense que c’est sans doute le cas pour la plupart des artistes qui se penchent sur leur travail 40 ans plus tard. Refaire ces chansons, c’était aussi m’adapter à qui je suis aujourd’hui. Je ne chante plus comme en 1984-90. Je ne veux pas même essayer de le faire, car je ne peux pas. Mais je connais tellement bien ces chansons. Alors quand je les chante, je raconte une longue histoire avec elles. Et c’est seulement possible parce que j’ai vécu avec elles pendant 40 ans.

– Un petit mot au sujet des musiciens qui t’accompagnent sur ces deux albums. Comment les as-tu choisis et est-ce que ce sont des amis pour l’essentiel, qui connaissaient déjà le répertoire de WHITE LION ?

Eh bien, la personne la plus importante est le guitariste Marcus Nand, que je connais depuis 1994 avec Freak Of Nature. Son travail d’apprendre toutes les parties de guitare de Vito Bratta, puis de les réapprendre dans une toute autre tonalité qui corresponde à ma voix, était une tâche presque impossible. Mais il l’a fait et même très bien fait. Je travaille depuis plus de 20 ans avec les autres gars et j’ai toujours choisi des amis et des personnes avec qui j’aime travailler.

– La question qu’on peut aussi légitimement se poser, c’est pourquoi ne pas avoir tout simplement reformé WHITE LION, même avec quelques changements de line-up ? Y avait-il certaines contraintes juridiques, par exemple, car tu avais sorti l’album « Return Of The Pride » également en 2008 ?

Il n’a JAMAIS été question d’une véritable reformation de WHITE LION. Et cela n’arrivera jamais. Vito s’est retiré du monde de la musique il y a 30 ans, et personne ne l’a revu depuis. Un autre point est que cela ne se rapprochera jamais de ce qu’était le groupe en 1987-91, c’est un fait. « Return Of The Pride », n’aurait pas dû être publié sous le nom de WHITE LION, c’était une grosse erreur. La seule chose positive que je puisse dire à ce sujet, c’est que ce sont certaines des meilleures chansons Rock que j’ai pu écrire.

– D’ailleurs, pour qui ne connaitrait pas WHITE LION (il y en a peut-être !), que lui conseillerais-tu : écouter les versions originales ou plutôt ces deux volumes ?

Non, il faut écouter les volumes 1 et 2, car les chansons sont plus importantes que le groupe. C’est un triste fait, mais c’est la réalité.

– Pour tous les amoureux de Hard Rock de cette période bénie des années 80/début 90, WHITE LION est une référence incontournable. Plus de 40 ans après sa formation, quel regard portes-tu sur le groupe et surtout sur cette incroyable complicité artistique avec Vito Bratta ? Est-ce que tu penses qu’une telle aventure musicale serait encore possible aujourd’hui ?

Je pense que je vais commencer par ta dernière question. Nos compositions avec Vito étaient vraiment le cœur du groupe. Je sais aussi que nous étions musiciens dans les années 80, où tout le monde se ressemblait. Mais les chansons et le son de WHITE LION se suffisaient à eux-mêmes. Les « Vol. 1 & 2 » le prouvent aujourd’hui. Sans aucun manque de respect à qui que ce soit, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de groupes des années 80 qui pourraient réenregistrer leurs anciennes chansons et ressentir la même sensation qu’avec ces deux volumes. Par ailleurs, mes paroles ne sont pas celles de quelqu’un qui a grandi à Hollywood et qui chante sur les filles, l’alcool et les fêtes toute la nuit. Elles proviennent toutes d’un enfant des rues de Copenhague, au Danemark, qui savait qu’il y avait un monde gigantesque plein de problèmes.

– WHITE LION a sorti cinq albums de 1983 et 1991 et ces deux volumes contiennent à eux deux 22 chansons. Doit-on s’attendre à un troisième bientôt ?

Ce n’est pas prévu pour le moment, mais c’est évidemment une possibilité. J’aimerais bien le faire, car j’ai de bonnes et intéressantes idées pour terminer la trilogie.

– D’ailleurs, les deux « The Songs Of White Lion » ont-ils été réenregistrés en même temps, ou as-tu laissé un moment entre les deux, car tu as également une carrière solo ?  

En fait, quand nous avons enregistré le premier album, nous n’avions pas prévu d’en faire un deuxième. Je ne savais même pas que j’allais monter MIKE TRAMP’S WHITE LION et partir en tournée. Mais une fois que nous avons commencé à jouer en live, nous avons tout de suite su que nous voulions faire le « Vol. 2 ».

– Parlons de ta carrière solo. Après l’aventure Freak Of Nature, tu t’es lancé avec « Capricorn » en 1998 sous ton propre nom. On approche les dix albums et on te découvre aussi dans un univers plus acoustique souvent, détaché du Hard Rock pour l’essentiel et plus Rock. C’est une page que tu as tourné, en tout cas au niveau de l’écriture, même si ces deux albums de chansons de WHITE LION sont là aujourd’hui ?

Tout d’abord, merci de me donner un moment pour en parler. Quand tu as fait partie d’un groupe de Rock à succès, un groupe qui avait un son particulier et qui venait d’une époque spéciale pour ce style de musique, beaucoup de gens pensent que tu es né comme ça et que c’est ce que tu es. Dans mon cas, avec « Capricorn », comme sur tous mes albums solo, c’est le vrai et le seul Mike Tramp. C’est aussi ce que j’ai apporté à Vito avec son style unique quand on s’est rencontré. Et boum, il y a eu nos chansons. Dans Freak Of Nature, j’avais ajouté mes mélodies et mon univers vocal, en plus du son du groupe. Et une fois encore, il y a eu un mélange incroyable. Actuellement, je dispose d’un nouvel album solo déjà écrit et prêt à être enregistré. Ce sera peut-être ma prochaine sortie d’ailleurs.

– J’aimerais aussi qu’on dise un mot de tes deux derniers albums solo, « For Første Gang » et « Mand Af En Tid », sortis tous les deux chez Target Group. Tu chantes pour la première fois en Danois, ta langue maternelle. C’est quelque chose que tu souhaitais faire depuis longtemps ? Et dans ce registre Rock acoustique, finalement très personnel et intime ?

Oui et je ne pense pas que quiconque puisse comprendre à quel point ces deux albums sont importants pour moi à bien des égards. Pour commencer, le simple fait de les réaliser m’a curieusement fait retomber amoureux du Hard Rock et de WHITE LION, car cela m’a permis de m’éloigner de ce monde ringard du Rock’n’Roll. Il n’y a pas un seul groupe qui propose quelque chose de nouveau en ce qui concerne le Hard Rock aujourd’hui. Quel est l’intérêt d’un nouvel album de Judas Priest ou d’Ac/Dc ? Quand les concerts se résument aux chansons que nous connaissons déjà, combien de riffs de guitare identiques peut-on continuer encore à enregistrer ? De plus, je n’enregistrerai pas de nouvel album de Rock sous le nom de WHITE LION, cela n’aurait aucun sens. J’ai donc fait ces deux albums en danois, qui sont très forts au niveau des textes et qui racontent l’histoire de mon enfance, de ma mère, de ma famille, etc… à Copenhague dans les années 60 et au début des années 70. Cela m’a offert une pause bien méritée après tout ce que j’avais fait. Et au bout du compte, si ces chansons sont en moi, c’est qu’elles devaient sortir, même si elles ne sont pas destinées aux magazines de Rock. Mais je suis très surpris du nombre de fans et de la presse internationale qui aiment ces albums. Ce sont des gens qui sont capables de regarder au-delà de mon image et de mon passé musical pour n’écouter que les chansons.

– Enfin, on pourrait te sentir nostalgique avec ces deux albums « Songs Of White Lion ». Or, on a plutôt une impression de fraîcheur et une belle envie. N’y a-t-il pas tout de même un désir de retrouver en musique cette belle époque d’une certaine façon ?

En fait, je n’ai jamais ressenti de nostalgie avec ces chansons, car nous les avons abordées avec un regard neuf et beaucoup de fraîcheur, comme tu le soulignes. Et en même temps, avec tout ce à quoi nous avons accès aujourd’hui avec Internet notamment, s’il y avait eu un moment pendant l’enregistrement où j’aurais eu les larmes aux yeux, ou si j’avais eu l’impression d’être au milieu de ‘Spinal Tap’, j’aurais arrêté. Mais ce n’est pas ce que j’ai ressenti. J’ai entendu de superbes chansons, qui sont devenues encore meilleures. C’est ce que je ressens et c’est pour cela que je l’ai fait. Je prends simplement plaisir à jouer mes chansons à nouveau et c’est l’essentiel.

Les deux volumes de MIKE TRAMP «  Songs Of White Lion » sont disponibles chez Frontiers Music.

(Photos : Jakob Muxoll)