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AOR Hard FM Melodic Rock

Heart Line : masterclass

C’est la passe de trois pour le combo le plus en vue de notre beau pays en termes de Hard FM et d’AOR avec une nouvelle et époustouflante réalisation, qui prend enfin la pleine mesure des grandes prédispositions de ses membres. Sur des lignes de chant entêtantes avec des refrains dévastateurs, des parties de guitares de haut vol et une vélocité globale intense, HEART LINE pousse le plaisir à son paroxysme avec une déconcertante facilité. « Falling Heaven » vient réveiller une scène qui renaît grâce à des formations de son calibre.

HEART LINE

« Falling Heaven »

(Pride & Joy Music)

Avec déjà deux albums à son actif et un EP de reprises en guise de gourmandise, HEART LINE surfe sur une belle dynamique et ce n’est certainement pas la sortie de ce troisième et vivifiant opus qui risque d’y mettre un frein. Bien au contraire, « Falling Heaven » vient solidifier l’assiste prise par les Bretons depuis leurs débuts. En quatre années seulement, ils ont laissé exploser leur talent, leur complémentarité, leur expérience et leur créativité dans un style auquel ils sont totalement dévoués, un Hard FM très fédérateur.

Ce qu’il y a de plus frappant sur « Falling Heaven », c’est cette touche et ce son qui sont aujourd’hui immédiatement identifiables. HEART LINE s’était jusqu’ici contenté de laisser quelques indices sur ses morceaux, et voilà que son identité musicale jaillit comme une évidence. La guitare, bien sûr, en parfait équilibre avec les claviers, le groove d’une paire basse/batterie au diapason et une voix qui porte avec autant de puissance que de mélodie, la recette paraît simple et le résultat est éclatant de vérité.

Et cette fois, l’ensemble est aussi plus musclé et plus compact. HEART LINE joue sur une spontanéité avec un côté rentre-dedans qui lui va si bien. Les riffs accrocheurs s’enchaînent avec un enthousiasme palpable, tout comme les solos qui rivalisent d’ingéniosité sans être trop démonstratifs. Caractérisé par une belle audace, « Falling Heaven » exalte et exulte. Alors, même si le genre reste toujours confidentiel dans l’hexagone, une chose est sûre : si nul n’est prophète en son pays, HEART LINE pourrait bien être notre nouveau messie.

Retrouvez les interviews du groupe…

… Et les chroniques :

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Folk/Americana France Musique celtique Pop

Aziliz Manrow : celtic harmony [Interview]

Avec seulement deux albums à son actif, sortis avant et après la pandémie, AZILIZ MANROW s’est pourtant et naturellement fait une place sur la scène bretonne au point d’en être aujourd’hui incontournable. Dans la lignée de son premier opus « Earth », la chanteuse fait son retour avec « Et Tout Prend Vie », où s’entremêlent Pop et Folk dans une atmosphère celtique omniprésente. Ecrit en français, en anglais et en breton, elle impose sa personnalité dans un univers musical dorénavant facilement identifiable. Entretien avec une artiste aimantée et inspirée par un pays qui se rappelle constamment à elle.

– « Earth », ton premier album, est sorti il y a six ans déjà. S’il y a eu la pandémie, bien sûr, c’est un délai assez long entre deux disques. Tu as eu besoin de plus de temps cette fois-ci pour la réalisation de « Et Tout Prend Vie » ?

Même si les années me semblent être passées en un clin d’œil, il est vrai que mon parcours artistique a été stoppé en plein vol, suite à la crise que nous avons traversée. 2020 et 2021 ont été des années à la fois sombres et surprenantes. Elles m’ont amené à réfléchir à mon avenir dans le milieu musical, il m’a même traversé l’esprit de me lancer dans une autre activité professionnelle. C’est ma rencontre et ma collaboration avec Denez (Prigent – NDR) qui m’a convaincu de continuer. Avec le recul, je me rends compte que j’ai beaucoup appris et grandi pendant cette période plus qu’inédite. Le confinement m’a ramené dans ma chambre d’adolescente, dans laquelle j’ai beaucoup écrit et composé, ce qui a d’ailleurs donné naissance à la chanson « Emotion ».

– Sur « Et Tout Prend Vie », tu as également conservé la même équipe de musiciens. C’était important pour toi de garder ce socle avec lequel tu as commencé ? Pour garantir ta touche sonore, ou peut-être juste maintenir une certaine confiance ?

Je suis une personne assez fidèle et la stabilité de l’équipe qui m’accompagne a toujours été importante pour moi, pour créer en toute confiance. Mais au milieu du parcours de réalisation de ce deuxième album, une nouvelle collaboration avec le label One Hot Minute m’a ouvert d’autres possibilités pour la suite du projet. Aussi, certaines chansons ont été arrangées par John Sainturat, le guitariste qui m’accompagne depuis de nombreuses années, et d’autres chansons par Thierry Gronfier. Ce qui apporte une nouvelle direction à ma musique, et c’est plutôt positif !

– Sur ce nouvel album, tu chantes encore en français, en anglais et en breton. Cela convient d’ailleurs parfaitement à ton registre. Tu ne t’es jamais résolu à faire un choix ?

Je chanterai toujours dans ces trois langues, et dans bien d’autres si l’occasion se présente. C’est mon identité artistique et ma vision personnelle de la création ‘libre’. L’inspiration qui me traverse dans mes séances d’écriture a une vraie raison d’être pour moi et je ne veux pas perdre cette vérité, cette spontanéité.

– D’ailleurs, chaque langue a aussi sa propre couleur musicale. Le breton penche naturellement vers des mélodies celtiques, le français a un côté plus Pop, tandis que l’anglais apporte une touche Folk, Americana et Country. Est-ce une distinction volontaire, ou quelque chose qui se fait naturellement au moment de l’écriture ?

Je commence toujours par composer les mélodies à la guitare, en ayant déjà une idée du thème que je vais aborder, j’ai parfois même déjà le titre de la chanson. C’était d’ailleurs le cas lorsque j’ai composé « Douar ». En revanche, la langue choisie n’est pas toujours déterminée. Lorsque je compose, je chante toujours dans une langue imaginaire et ce sont les sonorités qui ressortent et qui me guident jusqu’aux paroles que je vais écrire.

– S’il y a quelques collaborations sur « Et Tout Prend Vie », comme c’était aussi le cas sur « Earth », tu signes l’essentiel des paroles et de la musique. Y a-t-il un processus d’introspection dans ta manière d’écrire et de composer qui nécessite d’être seule ? Dans un premier temps du moins…

Hormis une certaine pudeur qui me bloquait dans l’écriture de textes en français, je ne me sentais pas légitime d’écrire, pensant ne pas avoir le talent pour ça. Mais ces dernières années d’introspection, depuis le premier album, m’ont appris à me ‘lâcher la grappe’, apprivoiser la feuille blanche, me connecter à mon jardin secret et me laisser guider par l’énergie qui en ressort, au plus près de la vérité qui m’anime.

– Entre tes deux albums, il y a donc aussi eu ta rencontre avec Denez, dont on connaît le talent et l’attachement viscéral à la Bretagne. Tout a commencé en 2021 avec le morceau « Waltz Of Life » avec Oxmo Puccino, puis sur scène à plusieurs reprises. Il signe d’ailleurs aussi l’adaptation du texte en breton de « Merch’ed Kelt ». Outre la connexion musicale, vous avez en commun l’amour de la Bretagne. Quelle relation artistique entretenez-vous justement ?

Oui, comme je le disais un peu plus haut, Denez fait partie de ces rencontres déterminantes, qui apportent à votre existence un sens tout particulier. Il est aussi pour moi un ami sincère et authentique. Nous avons, je pense, une vision artistique et humaine similaire et je suis admirative de son parcours et de sa forte identitaire bretonne. Il suit son intuition quoi qu’il advienne et c’est un très bel héritage pour la nouvelle génération d’artistes en Bretagne.

– Un mot justement sur « Merc’hed Kelt », ‘Les Femmes Celtes’, où tu as réuni six chanteuses bretonnes. Comment est née l’idée de cette chanson et quelle signification a-t-elle pour toi ? Y a-t-il un rapport, même lointain, avec #Me Too ou d’autres revendications du même genre ?

Mon projet de « L’Hymne des Femmes Celtes » me tenait à coeur depuis longtemps, mais il me semblait difficile à concrétiser, parce qu’il fallait réussir à convaincre et rassembler plusieurs artistes, ce que je n’avais encore jamais expérimenté. « Merc’hed Kelt » ne devait d’ailleurs pas faire partie du nouvel album au départ. Ce projet a finalement vu le jour grâce à ma collaboration avec One Hot Minute, qui a souhaité produire ma chanson, dans les tout derniers temps de la réalisation du disque.

Pour la création de cette chanson, j’ai souhaité travailler avec mon père, Gwendal Le Goarnig. Il a composé la mélodie, puis j’ai écrit le texte en français. Comme c’était important pour moi que cette chanson soit chantée en breton, j’ai donc proposé à Denez d’adapter le texte et il m’a fait l’honneur d’accepter.

Enfin, à travers ce projet je souhaitais mettre en valeur l’histoire de ces femmes qui, d’après les quelques écrits que j’ai pu trouver, nous racontent qu’elles avaient la même place et les mêmes droits que l’homme dans le peuple celte. Elle pouvait être reine, druidesse ou encore cheffe de guerre. Je pense qu’il est plus que temps que l’homme et la femme retrouvent cette équité et que l’on intègre enfin que chaque être humain détient une place particulière et unique sur Terre. Je trouvais donc intéressant de remettre l’Histoire de la femme celte dans le contexte actuel, en réussissant des artistes féminines, qui constituent la scène actuelle bretonne. J’ai contacté plus d’une dizaine d’artistes de Bretagne et six d’entre-elles ont souhaité faire partie de l’aventure. Merci encore à Laurène Bourvon (duo Lunis), Clarisse Lavanant, Elise Desbordes (duo Emezi), Madelyn Ann, Sterenn Diridollou et Morwenn Le Normand.

– Il y a sur l’album un thème qui revient à plusieurs reprises, c’est celui du rêve. Et c’est vrai qu’il laisse le champ libre à l’imagination au sens large. En quoi est-ce qu’il t’inspire et peut-il d’ailleurs devenir réalité ? Et est-ce que tu le souhaites ?

Je suis fascinée par la capacité que nous avons tous à rêver. Je suis quelqu’un qui rêve beaucoup, et parfois de situations tellement réelles que j’ai l’impression d’avoir une deuxième vie. Mes rêves m’ont permis de concrétiser dans la matière un souhait, une idée, une rencontre. Il m’est arrivé de rêver d’une mélodie, de me réveiller en pleine nuit et de l’enregistrer à moitié endormie.

– J’aimerais qu’on dise un mot aussi de ton rapport à la Bretagne. Tu es Finistérienne, d’un lieu que je connais d’ailleurs bien, et issue d’une famille aussi très engagée. Même si c’est difficile à exprimer de manière rapide, qu’est-ce qui t’inspire le plus dans notre beau pays ? Sa musique, ses légendes, ses paysages et ses reliefs, sa langue, sa culture celtique très opposée celle latine de la France, son peuple, son caractère, … ?

J’ai grandi à Moëlan-sur-Mer, dans une famille passionnée, investie, active et viscéralement attachée à sa culture bretonne. Même si nous avons toujours eu des liens très forts, j’ai eu besoin de partir loin, pour expérimenter la vie en dehors du cocon familial, découvrir d’autres cultures, d’autres paysages, d’autres ambiances et évoluer dans un environnement moins confortable, ou moins apaisant. Je crois que durant mes 20 ans de vadrouille, je n’ai finalement jamais été très épanouie loin de la Bretagne. Malgré la distance et les belles rencontres sur mon chemin, mon héritage familial m’a ramené vers la terre magnétique du Finistère. La Bretagne pour moi est un havre de paix infini, c’est à la fois mon innocence et ma plus grande force. Comme une évidence, je suis connectée à sa langue, sa lumière et sa beauté authentique, libre et sauvage. Et son énergie m’a aidé à réaliser ce deuxième album « Et Tout Prend Vie ».

– Enfin, j’ai remarqué aussi que tu étais allée un peu à l’encontre de ce qui se fait aujourd’hui à la parution d’un album, c’est-à-dire que tu l’as d’abord sorti en physique. Il sera ensuite disponible en numérique un peu plus tard. Je ne peux que saluer ton initiative et j’aimerais que tu m’en dises un peu plus sur cette démarche très rare. C’est un choix étonnant…

Avec One Hot Minute, nous avons privilégié la sortie physique de mon nouvel album en Bretagne, en collaboration avec la ‘Scarmor’, qui réunit les Espaces Culturels E. Leclerc, suite au ‘Prix de Soutien Culturel E. Leclerc’, qui m’a été attribué. L’écriture de ce nouvel album a été longue et mouvementée, j’ai mis beaucoup d’énergie et de coeur dans chacune de ses nouvelles chansons, ainsi que l’équipe qui a travaillé à mes côtés. Nous avons voulu prendre le temps de dévoiler cet album sur la toile, au juste moment. Même si je suis consciente que les lecteurs de disques sont en voie d’extinction, c’est aussi l’occasion de dire qu’il n’est pas obligatoire de livrer sa musique, en un clic, comme une évidence établie. Et puis, je fais partie de celles et ceux qui prennent le temps d’écouter un bon disque, en feuilletant son livret de paroles, tout comme l’on savoure un grand cru, au coin du feu.

Le nouvel album d’AZILIZ MANROW, « Et Tout Prend Vie », est disponible chez One Hot Minute et plus tard sur les plateformes.

Photos : Zoé Satche

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Livre Musique celtique

Dan Ar Braz : hentoù glazig [Livre]

Il manquait certainement ce bel ouvrage à l’aventure artistique du plus connu des Quimpérois. Et qui de mieux indiqué que celui qui avait livré ses « Conversations » avec le pianiste Didier Squiban il y a quelques années ? Avant tout journaliste, c’est le rôle d’auteur que Frédéric Jambon a endossé cette fois pour narrer une vie de musique aux allures si romanesques. S’il en a écrit des articles sur Dan Ar Braz, « Chemins Bleus » abonde encore de ses mots, dont la fraîcheur et la pertinence demeurent intacts.

DAN AR BRAZ – CHEMINS BLEUS

Frédéric Jambon

Coop Breizh

Frédéric Jambon connaît bien Dan Ar Braz. Il le connaît même très bien. Passionné et amoureux de musique, notamment celtique, le journaliste est aux premières loges de la vie et de l’évolution de celle-ci depuis quelques décennies maintenant. A la tête du service musical du Télégramme, dont il a été la force et le souffle du ‘Magazine’, devenu ensuite ‘Le Mag’, et qui manque cruellement au journal, on lui doit aussi le ‘Grand Prix du Disque du Télégramme’, sur lequel son oreille attentive et affûtée a souvent été révélatrice du talent des enfants du pays, garants de son avenir culturel.

Et lorsque l’on connait un peu les deux protagonistes de ces « Chemins Bleus », la sortie de cette biographie n’est pas une surprise, mais plutôt une évidence. Le musicien et Frédéric Jambon partagent bien plus qu’un dévouement commun pour la musique, tout comme pour la Bretagne d’ailleurs. Chacun à leur façon, on retrouve chez eux ce même sourire bienveillant et cet œil pétillant et curieux. Si les notes de Dan Ar Braz sont légères et aériennes, la plume et le regard du journaliste sont justes et jamais bavards. Et les mises en situation offrent aussi des angles bien choisis.

Un peu plus de 300 pages parcourent la carrière longue de six décennies du Finistérien. En groupe avec Alan Stivell ou Fairport Convention, aux côtés de Rory Gallagher ou Dónal Lunny sur scène, du triomphe de l’Héritage des Celtes aux Victoires de la Musique, en passant par l’Eurovision et le Stade de France, Dan Ar Braz est bel et bien ce guitar-hero aussi discret que virtuose. Une simplicité qui touche l’âme avec humour et émotion. Et les témoignages rapportés dans le livre parlent autant d’humilité que d’humanité et de persévérance. « Chemins Bleus » est un document précieux et attachant.

320 pages – 15,5 x 22,5 cm – 25€

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Musique celtique

Alan Stivell : céleste

Enregistré le 7 avril 2022 à la salle ‘Le Liberté’ de Rennes, ce double-album était aussi attendu par son interprète que par son fidèle public. Accompagné par l’ONB, le célèbre harpiste breton revient en quelque sorte à sa formation première, la musique classique, et c’est lui-même qui a orchestré ce rapprochement. Preuve en est que la musique celtique est universelle, originale et profonde et sait s’adapter à tous les environnements. Le défi que s’était lancé ALAN STIVELL est très largement relevé et le relief que prennent ses compositions est saisissant.

ALAN STIVELL

« RoazhonLiberté  »

(Verycords)

La Musique bretonne telle qu’on la connait aujourd’hui lui doit presque tout. Et pourtant, si le chanteur et multi-instrumentiste donne l’impression d’avoir fait le tour de la question, il n’en est rien. A l’occasion Rock, Folk, World, électrique ou acoustique, ALAN STIVELL a fait vibrer la Bretagne de toutes les façons. Et cette fois, c’est avec l’Orchestre National justement, l’ONB, qu’il offre une partition symphonique d’emblématiques morceaux de son répertoire, ainsi que d’autres moins connus. Et la magie opère encore et toujours.

Malgré une carrière qui s’étend sur des décennies et qui a bercé plusieurs générations, ALAN STIVELL ne manque ni d’envie, ni de fraîcheur. « Roazhon – Liberté », titre où l’on peut d’ailleurs imaginer un double-sens qui rappelle son combat originel, parcourt en l’espace de 20 temps forts savamment choisis ce qui résonne comme un héritage plus vivant que jamais. La fusion entre la musique traditionnelle et classique est assez naturelle et l’ensemble offre presqu’un aspect ‘moderne’ à un registre intemporel.

On peut voir ici certaines similitudes avec le « Fest-Noz Symphonique », initialisé en 2017 par l’Orchestre Symphonique de Bretagne avec le duo Hamon-Martin et Annie Ebrel, qui donnait déjà ce type de lecture à notre musique traditionnelle. Sauf qu’ici, ALAN STIVELL revisite sa célèbre « Symphonie Celtique » parue en 1979 en la pâmant de nouvelles couleurs, tout comme sur « Ys », « Brian Boru », « Pop-Plinn », « Tri Martolod » bien sûr et le « Bro Gozh », doté d’un esthétisme nouveau et même d’un couplet supplémentaire. Sublime !

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Thrash Metal

Arcania : une machinerie redoutable

Efficace et déterminée, la formation basée (en partie) à Angers nous aura fait languir une décennie avant de nous offrir sa troisième réalisation. Faisant abstraction des modes et en évitant soigneusement l’uniformité bien réelle du registre, ARCANIA s’appuie sur des morceaux bien ciselés, un frontman imperturbable, un duo basse/batterie fusionnel et deux guitaristes dont la complicité est magnifiée par des solos virtuoses. Sur « Lost Generation », le groupe oscille entre hargne et des parties mélodiques très fédératrices : une maturité qui rend son Thrash Metal implacable et féroce.

ARCANIA

« Lost Generation »

(Independant)

Les aléas de la vie, les projets de chacun et d’autres avortés, puis la pandémie ont émaillé les dix dernières années d’ARCANIA et ont retardé la sortie de son troisième album. Mais « Lost Generation » est bel et bien là et le quatuor frappe très fort. Enregistré et mixé au Dome Studio près d’Angers par David Potvin, on y retrouve le Thrash Metal auquel il nous avait déjà habitués sur « Sweet Angel Dust » et « Dreams Are Dead ». A mi-chemin entre des fondations Old School estampillées Bay Area et une approche très moderne, le compromis est parfaitement à l’équilibre.

Elaborées entre 2016 et 2019, les compositions de « Lost Generation » ne souffrent d’aucun jet lag. Bien au contraire, elles sonnent très actuelles et la puissance de la production les rend intemporelles et modernes. ARCANIA ne triche pas et cela décuple sa force. Avec des musiciens de ce calibre, il est même surprenant, et dommage surtout, que le combo ne soit pas plus reconnu au regard notamment de l’actuelle scène hexagonale. Très travaillés et d’une fluidité inflexible, les dix titres varient dans les ambiances comme dans les tempos avec beaucoup de finesse.

Sur des riffs acérés, les deux guitaristes ouvrent les hostilités avec le morceau-titre, soutenus par une rythmique massive et groovy. Très véloce, ARCANIA assène un Thrash Metal dense, tout en soignant également ses accroches vocales (« Hope Won’t Last », dont on retrouve un écho intelligemment placé sur « What Will Remain »). Et si la seconde partie du disque est légèrement moins musclée, mais tout aussi technique, elle est peut-être la plus intéressante (« The Void », « Social Suicide », « Harder You Fall »  et le magistral « Now The Sun Won’t Shine »). Une leçon avec les formes.  

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Electro Ethnic Musique celtique Neo-Folk

Widilma : des terres et des îles

Après des débuts en solo et plusieurs albums, puis une escapade avec Skilda, c’est dorénavant au sein de WIDILMA que le chant de Kohann se pose et continue de s’aventurer avec son partenaire Konan Morel, chef d’orchestre de ces balades celtiques intemporelles. C’est une nouvelle plongée depuis le néolithique jusqu’à l’âge de bronze que nous offre « Silina » sur fond d’Electro et de néo-Folk, où les instruments traditionnels guident et donnent la voie. Le monde de la formation bretonne paraît très proche dans sa modernité, tout en restant une transmission véritable et toujours très captivante.

WIDILMA

« Silina »

(Independant)

Deux ans après un premier album, « Brixtia », et un passage très remarqué à la dernière édition du festival Motocultor sur ses terres bretonnes, WIDILMA réapparaît avec une deuxième réalisation un peu spéciale. Le duo a en effet décidé de revisiter une partie de son répertoire avec une approche plus électronique, mais toujours aussi envoûtante. L’effet de transe est même augmenté sur certains morceaux et le voyage dans ces îles mystérieuses, sur les Hautes Terres de Kembre avec les créatures qui les habitent est encore saisissant.

Entourées par l’océan, à Uxsama, Silina et Siata, WIDILMA prolonge le plaisir de cette exploration tribale, où s’entremêlent les chants et les mots secrets distillés en gallois, breton et en gaulois. Très imagé, le langage emprunté évoque des temps anciens, même si la couleur musicale est résolument moderne. La chanteuse Kohann et le multi-instrumentiste et producteur Konan Mevel ont créé un univers personnel, pourtant universel, qui vient témoigner d’une culture civilisationnelle qui perdure et se réinvente au fil des morceaux.

Entre mythe et ésotérisme, des saveurs chamaniques pénètrent « Silina » et ce n’est pas un hasard si la chouette vient survoler le morceau « Hi Blaidd » ou l’aigle « Eryr », tandis que le pibgorn se fait aussi entendre sur « Runa Inis ». L’aspect parfois technoïde de certains passages rend l’atmosphère de certains titres moins contemplative, mais toujours très hypnotique. Celte et pagan, WIDILMA travaille son identité avec beaucoup d’originalité et la voix de Kohann nous berce et nous emmène dans une ambiance énigmatique réconfortante.

Retrouvez la chronique du premier album :

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France Rock

Daran : l’itinérant [Interview]

Insatiable voyageur, c’est dans ce « Grand Hôtel Apocalypse » à l’atmosphère toujours aussi sincère et délicate que DARAN a posé ses valises pour un onzième et très attendu nouvel album, sept ans après « Endorphine ». Aussi discret que sa musique est d’une finesse rare, le musicien se livre sur de nouvelles chansons aux textes forts et aux mélodies limpides. De retour dans une formule en trio, c’est l’aspect Rock qui ressurgit à travers onze morceaux intemporels d’une grande clarté. L’occasion de parler de leur réalisation et de leur création entre la Bretagne, la Californie, Montréal et le Mexique.

– Avec « Grand Hôtel Apocalypse », tu fais un retour à un Rock assez épuré, peut-être pas aussi vigoureux qu’il y a quelques années, mais en tout cas plus électrique que tes derniers albums. Tu avais le besoin et l’envie de retrouver un style plus direct et plus relevé aussi ?

En fait, j’aime bien partir avec un tuyau. Je pense que de la contrainte naît souvent des choses intéressantes. Là, je me suis dit que l’idée de départ était le power trio, c’est-à-dire guitare-basse-batterie. Pas de pédales non plus, en direct sur les amplis et sans overdubs. En fait, un album qu’on peut amener sur scène sans toucher à rien. C’était le but. Quelque chose où l’on fait une balance de cinq minutes et ça marche dans un bar ou dans un stade… ou au Bar du Stade ! (Rires)

– Tu as enregistré l’album seul en studio, ce qui donne une production intime, dont on a l’habitude, et également très dynamique. « Grand Hôtel Apocalypse » a aussi été réalisé en peu de temps. Il te fallait une espèce état d’urgence pour capter aussi une certaine fraîcheur ?

L’autre partie de ma vie professionnelle est de faire de la production en studio pour les autres. Et puis, « Endorphine » datant d’avant le Covid, je ne concevais pas de faire d’album sans faire de la scène. Or, après la pandémie, les salles avaient déjà épongé tout ce qu’elles avaient mis de côté durant cette période et j’avais aussi énormément de travail et plus une minute à moi. Il s’est trouvé qu’un projet s’est déplacé. Un projet de trois semaines. Ça m’a libéré de façon soudaine un peu de liberté et je me suis dit que c’était le moment ou jamais. Tout s’est donc fait durant cette période.

– Plus étonnant, c’est la batterie qui a été enregistrée et jouée à Los Angeles par Norm Block, dont on connaît le travail avec Alain Johannes et Mark Lanegan notamment. Justement, il a un jeu très imprégné de Desert Rock, qui correspond parfaitement à l’album. Il est par ailleurs également producteur. Comment a eu lieu cette rencontre si évidente finalement ?

Je travaille de temps en temps à Los Angeles et il avait été le batteur sur un album que j’avais produit là-bas. J’avais été tellement impressionné que je m’étais dit qu’il fallait le prendre ! C’est vraiment un batteur de Rock avec énormément de finesse et de musicalité. Et comme il est producteur, il a aussi une vision plus globale et il possède un studio incroyable. C’est un fou de matériel et il a des micros hallucinants. J’étais amoureux de son son et il m’a paru évident de faire l’album avec lui.

– Et vous l’avez produit ensemble ?

C’est assez amusant, parce que je savais que je voulais lui demander de faire les batteries. Alors, je lui ai envoyé les morceaux avec tous les instruments, dont la batterie avec ses sons à lui. Je lui ai envoyé tout ça en lui demandant s’il souhaitait refaire en vrai tout ce que j’avais fait en faux ! (Rires). Il a été surpris, honoré et amusé. On s’est mis d’accord et il a fait le travail.

– J’ai lu que tu avais écrit, réalisé et enregistré l’album entre Montréal, la Bretagne, le Mexique et la Californie. Cela peut paraître étonnant compte tenu de la différence supposée des atmosphères, et pourtant il y a une réelle unité sonore et musicale sur l’album. Finalement, dans quel endroit as-tu été le plus inspiré ?

Tout a été fait en Bretagne : guitare, basse, batterie et chant. Ensuite, les voix définitives ont été enregistrées à Montréal, les batteries ont été réalisées à Los Angeles et je l’ai mixé au Mexique. C’est juste que c’était en plein hiver et que, pour mixer l’album et comme j’en avais un autre à mixer aussi, partir au soleil était une bonne idée. C’est pour ça que ça a l’air aussi international, mais tout est parti de Bretagne sur cet album… (Rires)

– Il y a aussi une chose surprenante sur l’album, c’est le déroulé des chansons. Même si elles ne sont pas directement liées entre elles, à l’instar d’un album-concept, le disque donne vraiment l’impression d’avoir un début et une fin. C’est assez rare. Tu avais le désir de raconter une sorte d’histoire, de mener l’auditeur au gré de quelques épisodes ?

C’est aussi parce que j’aime bien jouer l’album dans son intégralité sur scène. Un peu façon Pink Floyd : il y a un nouvel album, alors on le joue. Je réserve les anciens morceaux à une deuxième partie. Sachant que j’allais jouer tout ça d’une traite, j’ai évidemment pensé aux enchaînements scéniques. Il a été construit comme une setlist de concert finalement. C’est peut-être ce qui créé ce chemin lisible. J’avais déjà fait des albums ‘tout-attaché’ comme « Le Petit Peuple Du Bitume » et « Endorphine » avec un fil conducteur. Ils ont d’ailleurs été joués comme ça sur scène.

– Toujours à tes côtés, on retrouve ton ami et parolier de longue date, Pierre-Yves Lebert. Tout d’abord, j’aimerais savoir de quelle manière vous travaillez ensemble. Le plus évident semble être que tu te bases sur ses textes pour composer les mélodies, le climat et le tempo des chansons. Vous fonctionnez comme ça, ou il n’y a pas de processus fixe entre-vous ?

En règle générale, on travaille comme ça. On a de grandes discussions préalables, où on commence à tomber des textes et ensuite, je démarre. Mais là, comme la période s’est libérée de manière assez soudaine, j’ai fait tout l’album en yaourt ! (Rires) Il a donc du faire des textes sur des mélodies déjà ciselées et faire rentrer tout ça au chausse-pied, ce qui demande beaucoup de travail. Cela dit, je lui apporté des bribes et j’avais aussi couché du texte qu’il a évidemment amené à un niveau poétique que je n’aurais jamais tout seul. Ca a été notre façon de travailler. On fait une sorte d’auteur-compositeur à deux !

– Pour écrire ce genre de textes aussi intimes et dans lesquels tu te reconnais aussi forcément, vous devez très, très bien vous connaître. Est-ce qu’il vous arrive tout de même de faire quelques petits ‘brainstorming’ ensemble autour de la structure de l’album, par exemple, et de son contenu au niveau des paroles ? Ou lui laisses-tu entièrement carte blanche la plupart du temps ?

Il y a toujours un ‘brainstorming’ préalable et il arrive aussi parfois que j’amène un sujet par chanson. J’ai même couché des phrases. Je mets une empreinte. Sur ce nouvel album, j’avais aussi le désir d’abandonner mon côté ‘social’, car rien ne change (Sourires), et de faire des choses dont je suis peut-être plus proche. Il y a de moi dans presque toutes les chansons.

– Justement, tu as eu plusieurs paroliers, dont bien sûr et en premier lieu Alana Filippi, Miossec aussi sur quelques morceaux (« Gala, Gala, Etc… », « Le Hall De L’Hôtel », « Le Monde Perdu ») et donc Pierre-Yves Lebert dernièrement. Comme Alana et lui se connaissaient également, est-ce que tu y vois une certaine continuité, même lointaine ? C’est une sorte de cercle finalement…

Ils se connaissaient et c’est par Alana que j’ai connu Pierre-Yves, car son frère est comédien. Elle avait fait le Conservatoire d’Arts Dramatique à Nantes avec lui. Et c’est lui qui m’avait dit qu’il avait un frère qui faisait de la musique. Et quand on s’est séparé avec Alana, elle ne voulait plus trop continuer à écrire avec moi. Donc, je me suis tourné vers Pierre-Yves, dont j’avais remarqué la plume à une époque où je l’avais aidé à faire des maquettes. Cela a été une transition en douceur. Un jour, je l’ai rappelé en lui demandant s’il faisait toujours des chansons, car il faisait un milliard de choses. Il m’a renvoyé un paquet, dans lequel il y avait à peu près tous les textes de « Pêcheur de Pierres ».

– Et puis, ce qui est une grande chance aussi, c’est qu’au bout de onze albums, on te reconnaît, et on t’a toujours reconnu d’ailleurs, au niveau des textes. Il y a une certaine continuité chez les auteurs…

J’ai un autre exemple comme ça. C’est le nombre de personnes qui ont bossé pour Alain Bashung et c’était toujours du Alain Bashung ! Je pense qu’inconsciemment, on doit projeter quelque chose qui oriente. Je ne sais pas…

– J’aimerais que l’on dise aussi un mot de la pochette de l’album, qui me rappelle celle du « Petit Peuple Du Bitume » (2007). Y a-t-il un petit côté nostalgique ? Et de quelle manière reflète-t-elle l’atmosphère de ce nouvel album pour toi ?

C’est une photo qu’a prise mon père quand j’avais dix ans. On sortait des cartons avec ma grande sœur, où il y avait de vieilles photos. On est tombé là-dessus et elle m’a dit : voilà, tu l’as ta pochette ! Et c’est resté ! (Rires) Oui, il y a une vraie ressemblance avec celle du « Petit Peuple Du Bitume », sauf que ce n’est pas moi sur celle-là. C’est vrai qu’à l’époque, ma mère a eu un doute et m’a demandé si c’était une photo de moi ! (Rires) Ce petit garçon me ressemblait un peu quand j’étais petit. Voilà, maintenant, les gens ont vraiment la tête que j’avais petit.

– Il s’est aussi passé sept ans depuis « Endorphine ». Outre les concerts qui ont suivi, les moments passés aux Rencontres d’Astaffort en tant qu’intervenant, tu travailles aussi avec des artistes au Québec notamment. Comment es-tu venu à cette autre facette du métier ?

Je fais beaucoup de choses en production, oui. J’ai toujours aimé et je n’ai jamais conçu la musique sans toucher aux boutons. Donc, me voilà ingénieur du son, mixeur, arrangeur, producteur artistique… Je fais beaucoup d’albums pour les autres et dans des styles extrêmement variés. C’est ce qui m’amuse le plus ! Et je fais beaucoup d’artistes émergents. D’ailleurs, cela m’ennuierait que, si un jour l’un d’eux marche très fort, on ne vienne plus me chercher que pour un style précis. J’adore faire énormément de choses et le renouvellement est une source de jouvence pour moi.

Le nouvel album de DARAN, « Grand Hôtel Apocalypse », sort le 11 octobre chez Pineapple French Pop/Believe France/Kuroneko Medias.

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France Southern Rock

Gunsmoke Brothers Band : l’esprit de famille [Interview]

Si GUNSMOKE BROTHERS BAND frappe si fort dès son premier album, ce n’est pas vraiment une surprise. Au-delà de la qualité et de la maturité technique du groupe, on doit ce souffle chaud et ces mélodies entêtantes à un style que les Bretons font littéralement rayonner. Et cela fait déjà un moment que l’hexagone attend une formation de Southern Rock capable de tenir la dragée haute à n’importe quelle autre sur la scène actuelle. Avec ses trois guitaristes, une rythmique en béton et un chant qui nous embarque dans des histoires qui parlent à tous, le quintet a vraiment peaufiné « Band Of Brothers », emmené par Xavier Quémet, chanteur, guitariste et compositeur. Déterminé et prolifique, il nous parle de ce projet qu’il porte et de cette musique qu’il a en tête depuis des années et qui se matérialise enfin.

Photo : Véro Pennec

– Tout d’abord, Xavier, GUNSMOKE BROTHERS BAND est ton projet et tu le mûris de longue date. La première question qui me vient à l’esprit, c’est comment est-ce qu’on fait pour rassembler quatre musiciens aguerris, comme c’est le cas et doté d’une solide culture Southern aussi, dans un périmètre aussi restreint que le Finistère en Bretagne ? Ca ne doit pas courir les rues…

Oui, j’ai galéré ! (Rires) J’ai eu la chance que Tony (Vasary, basse – NDR), avec qui je joue dans What A Mess, me suive dans le projet. Ensuite, Niko (Ar Beleg, guitare – NDR) est entré dans le groupe, mais en tant que batteur. Or, je cherchais deux guitaristes en plus. Après quelques essais peu concluants, Thibault (Menut, batterie – NDR) souhaitait revenir en Bretagne. C’est un très, très bon guitariste et il voulait intégrer le projet, mais comme batteur ! Niko a donc repris sa guitare, mais il en manquait toujours un. J’ai donc proposé à Seb (Ar Beleg, guitariste et frère de Niko – NDR) qui ne connaissait pas bien le style, mais qui a tout de suite adoré. Ils ont tous été d’accord pour que je dirige l’ensemble. C’était vraiment la condition sine qua none. L’idée n’était pas d’avoir une attitude autoritaire sur la musique, mais je voulais juste vraiment obtenir le son et la couleur qu’il y a maintenant et à laquelle nous sommes arrivés.

– Certains l’ignorent sans doute, mais il y a quelques décennies, tu avais monté Bounty Hunter, là aussi dans un registre Southern Rock. C’est donc un amour pour cette musique qui ne date pas d’hier. Est-ce que GUNSMOKE BROTHERS BAND est enfin le groupe que tu as en tête depuis toutes ces années ?

Exactement, c’est vraiment un aboutissement. A l’époque avec Bounty Hunter, on était tous fans de Rock Sudiste, mais on n’y arrivait pas vraiment. Ce n’était pas encore abouti. On était peut-être un peu jeunes, on avait tous un boulot et des envies de jeunesse aussi, comme ne pas vouloir forcément prendre la route. On a eu notre petit succès, mais une fois en trio pendant quelques années, il était temps de passer à autre chose. J’ai ensuite fait plusieurs groupes de Hard Rock, de Stoner et encore de Rock Sudiste. Mais j’avais toujours en tête cette musique. Et aujourd’hui, c’est vraiment celle que j’entends.

– Avant de parler de ce très bon premier album, « Band Of Brothers », j’aimerais que tu nous dises un mot du Rock Sudiste, comme on l’appelait naguère, et de sa situation en France où sa présence est quasi-inexistante. Ce n’est pas notre culture, c’est vrai, alors qu’est-ce qui vous pousse à le faire ? Et est-ce que, dans cette perspective, il y a un esprit de conquête, de pédagogie peut-être, ou alors c’est aussi à l’étranger que vous pensez pour le futur ?

Evidemment, on vise à jouer à l’étranger et à s’y faire connaître, car le public y est aussi bien plus connaisseur. Quant au ‘Rock Sudiste’, ce qui m’énerve profondément, c’est que lorsqu’on en parle, on a l’impression qu’on dit un gros mot. C’est comme quand on met un drapeau français au balcon, on est catalogué facho ou de droite. Non ! J’aime cette culture depuis gamin, car j’adore ce son qui est un mélange de Blues, de Gospel, de Rock’n’Roll et de Country. C’est une musique hyper-riche avec des chœurs fantastiques, des échanges de guitares et aussi parce que ça joue super bien ! Alors et pourquoi ‘Rock Sudiste’ ? Juste parce que cette musique-là vient du Sud des Etats-Unis, et c’est tout ! Il n’y a absolument rien de politique quand on en parle entre-nous. Et on ne veut pas de cette étiquette de fachos, car nous ne le sommes pas. Mais en France, on confond tout… et surtout beaucoup de choses ne sont pas comprises, ou très mal.

Xavier Quémet – Photo : Véro Pennec

– J’aimerais qu’on parle du mot « Brothers », qui revient à la fois dans le nom du groupe, dans le titre de l’album et le morceau-titre, mais aussi dans le line-up, puisque ce sont les frères Ar Beleg, Seb et Niko, qui officient à tes côtés aux postes de guitaristes. Que signifie pour vous ce terme de ‘fratrie’, qui est d’ailleurs aussi très présent dans le Southern Rock en général, qui est un style très fédérateur et rassembleur ?

C’est ça, il y a un côté très familial. Déjà, la notion de ‘frangins’ est très forte à mes yeux. Je pense qu’on ne peut pas faire de musique ensemble, si on n’a pas une totale confiance en l’un et l’autre. Si l’un d’entre-nous est dans la merde, on est tous là derrière. Maintenant, au niveau musical, cela se voit aussi sur scène. Il y a des échanges de guitares notamment, qui reflètent ce côté fraternel. Personne n’est meilleur que l’autre, nous sommes tous là pour s’entraider. Et en ce sens, Lynyrd Skynyrd est la référence. Et c’est vraiment ce que je veux laisser paraître avec le groupe. Et même si je suis le ‘frontman’, personne n’est meilleur que l’autre dans GUNSMOKE BROTHERS BAND.

– Parlons maintenant de l’album. Quand la composition a-t-elle commencé, car je sais que certains morceaux sont écrits depuis un bon moment maintenant ?

L’un des morceaux phares, « Song For The Brave », a été composé il y a environ dix ans. Je voulais absolument qu’il se retrouve sur disque un jour ou l’autre. Les gens sont très émus en l’entendant et même Tony en a des frissons en le jouant ! Je l’ai écrit pour tous ceux qui souffrent, ou qui ont souffert et qui luttent contre les agressions, les viols, etc…

– Vous êtes donc trois guitaristes au sein du GUNSMOKE BROTHERS BAND et on vous retrouve tous à la rythmique comme au lead. Et entre les riffs, les chorus, les solos et les twin-guitares, il y a beaucoup de contenu. Comment se répartissent les rôles et est-ce que certains d’entre-vous ont plus d’affinités pour certaines techniques ?

L’avantage de jouer avec les frangins Ar Beleg, Niko et Seb, c’est qu’ils ont une technique incroyable. Pour ma part, je suis plus Blues dans les riffs et les solos Et c’est finalement assez simpliste ce que je fais. Quant à Niko, c’est un technicien hors-pair, qui me fait penser à Doug Aldrich dans sa façon de jouer et la rapidité. Et Seb est un putain de rockeur ! Il possède un grain très Rock’n’Roll. Il a ça dans le sang ! Alors en général, je viens avec un riff, qui est ensuite jouer avec la batterie, puis avec tous les autres. Après, je leur donne certaines indications sur les solos notamment, tout en sachant ce que je veux entendre à tel et tel moment. Et c’est une chance de travailler avec eux, car il y a une réelle compréhension dans l’écriture des morceaux. On va tous dans le même sens en échangeant des regards et des sourires… et ils sont bourrés de feeling ! (Sourires)

Photo : Véro Pennec

– J’aimerais aussi qu’on dise un mot sur la rythmique emmenée par Tony (Vasary, basse) et Thibault (Menut, batterie), car elle guide et donne aussi le ton grâce à un groove imparable. Là aussi, ça ronronne, puisqu’elle donne souvent l’impulsion aux morceaux. J’ai même l’impression qu’elle est le garant de la structure des titres qui auraient vite fait de s’envoler sur des parties de guitares assez sauvages. C’est le cas ?

En fait, c’est l’assise. Maintenant, mes morceaux sont très structurés et je sais ce qu’il va se passer, tout le temps. Même sur scène, il n’y a pas d’impro. Pour le moment, je pense que les morceaux ne s’y prêtent pas encore. C’est en cela que Thibault et Tony portent vraiment la structure, ce sont les poutres. Dans ce style de groupe, si tu as un bon batteur, pas forcément hyper-technique et qui en met partout, et un super bassiste, le reste ne sont que les cerises que tu poses sur le gâteau. Les fondations doivent être solides, c’est très important.

– Un mot aussi sur la production, dont le mix et le master sont signés Ben Lesous de B-Blast Records. La priorité était d’obtenir ce son très organique et finalement très live ?

Avant d’entrer en studio, on a beaucoup discuté avec Ben, qui est un metalleux et un sacré batteur. Je lui ai dit que je voulais un son qui soit entre Molly Hatchet et The Outlaws, c’est-à-dire une production vintage moderne ! (Rires) Et pas non plus un son ‘frenchy’, notamment dans les voix. Et il m’a répondu qu’il voyait exactement ce que je demandais. Ensuite, je lui ai dit qu’il y avait trois guitaristes qu’il fallait devoir aussi faire ressortir, en plus de la basse. Et c’est vrai qu’il a fait des prises les plus live possible. Il a enregistré la batterie et les voix et, de notre côté, on a enregistré les guitares chez nous. Et pour obtenir ce son, c’est Ben qui a donné toute cette cohésion pour atteindre cet esprit live.

– Pour rester sur le son de l’album, on voit aujourd’hui beaucoup de groupes qui multiplient les pistes de guitares, histoire aussi et surtout de remplir l’espace sonore. Chez vous, c’est très différent, car il faut plutôt se faire une place. Est-ce que l’équilibre s’est fait assez facilement, chacun ayant déjà sa ‘partie’ en quelque sorte ?

Dès le départ, entre guitaristes, on s’est mis d’accord. Lorsque l’un d’entre-nous fait un solo, par exemple, on n’entend pas sa rythmique sur l’album. Elle est assurée par les deux autres, sans la sienne. On voulait que ça sonne vrai et authentique.

Photo : Véro Pennec

– Par ailleurs, et on en revient aussi un peu à cet esprit de fraternité, vous faites tous les chœurs sur l’album. Et au-delà de l’investissement que cela peut demander à chacun, ça sonne très naturel et très spontané. Est-ce que vous placez cette unité artistique au-dessus de tout, comme étant indispensable aux morceaux ?

Oui et on a encore du travail de ce côté-là. D’ailleurs, c’est quelque chose sur laquelle on est très concentré et qu’on veut améliorer. En France, on ne fait absolument pas ça. Les groupes ne s’intéressent pas à cet aspect, en dehors de quelques uns. On met un point d’honneur à travailler les choeurs, parce qu’on est tous persuadé que ça va nous apporter un gros plus. En ce moment, nous sommes vraiment en train de chercher et de trouver nos voix pour les harmoniser toutes ensemble, car nous avons des voix avec des tessitures différentes et complémentaires. J’ai vraiment envie qu’on retrouve un côté Gospel et nous avons la possibilité de le faire.

– Pour les textes, même si certains sont plus graves, l’ensemble se veut très chaleureux et, toute proportion gardée, très festif avec beaucoup d’humour (« My Dog », « Big Tits, Sweet Lips »). C’est pour s’inscrire dans une certaine tradition du Southern Rock aussi, ou plus simplement pour apporter un peu d’évasion et de légèreté ?

En fait, la plupart des morceaux me racontent en quelque sorte, en dehors de certaines, bien sûr. Dans les chansons, je n’ai pas envie de parler de politique, on l’a déjà évoqué, mais on vit une époque de dingues. Tout le monde vit pour soi au lieu d’être fraternel justement. C’est très important et c’est aussi pour ça qu’on a appelé l’album « Band Of Brothers ». Par ailleurs, si tu prends un morceau comme « A Place In The Sun », c’est vraiment mon histoire. Tu comptes sur tes potes et ils te donnent des coups de pied dans le dos, alors que tu ne t’y attends pas. Et ils continuent à te considérer comme un ‘ami’. J’avais vraiment envie d’en parler…

– Et puis, ça aussi c’est une coutume inhérente au style, il y a « Song For The Brave » et ses neuf minutes avec une inspiration assez épique. On peut penser dans la forme et la longueur à « Freebird » de Lynyrd Skynyrd bien sûr, aussi à « Mountain Jam » du Allman Brothers Band ou même à « Silent Reign of Heroes » de Molly Hatchet dans une certaine mesure. C’est presqu’un passage obligé, une sorte de morceau-signature quand on fait du Rock Sudiste ?

Ca vient naturellement, en fait. Mon idée des trois guitaristes solistes est une sorte de revanche. C’est une façon de dire, on vous a raconté une histoire : maintenant, écoutez ce qui s’est passé. Et les duels de guitares sont là pour ça. C’est vraiment ça l’idée première, d’adapter aussi les solos au contexte de la chanson, de ce qu’on vient de dire. Et ce sont les ambiances qui jouent aussi ce rôle. « Song For A Brave », c’est vraiment tout ça à travers un morceau qui parle de la guerre de sécession, de l’esclavage, d’évangélisation et de la souffrance… avec une partie solo qui atteint près de cinq minutes justement.

Photo : Véro Pennec

– « Band Of Brothers » sort en autoproduction et je sais que vous n’avez même pas cherché de label, que votre désir était de le réaliser vous-mêmes du début à la fin. Si cet esprit d’indépendance et de liberté est très compréhensible, est-ce qu’à l’avenir l’apport d’un label vous paraît, sinon indispensable, du moins très important ?

Absolument ! Si on veut bien faire évoluer les choses, il nous faudra un label, un ingé-son permanent aussi (tiens, ça me rappelle quelque chose ça… – NDR), quelqu’un aux lumières, un manageur… On aurait aussi besoin d’un ‘capitaine’, d’une sorte de dirigeant qui nous dise où aller et quoi et qui éviter. Maintenant, pour trouver un label, je compte plus sur nos confrères américains. Ce ne sera pas en France en tout cas, mais peut-être en Allemagne ou en Hollande, où j’ai de bons contacts.

– D’ailleurs, si mes sources ont bonnes, et elles le sont, vous travaillez déjà sur le deuxième album. L’appétit vient en mangeant, ou est-ce parce que vous aviez l’idée folle de sortir un double-album au départ ?

En fait, c’était une blague et on avait même parlé de sortir un double, voire un triple album ! (Rires) C’est parti là-dessus parce qu’à chaque fois que j’arrivais en répétition, je disais aux gars que j’avais un nouveau morceau. Mais ce qui est drôle, c’est que pour la sortie en vinyle, la boîte qui s’en occupe m’a contacté pour me dire que c’était trop lourd pour un disque unique. Il en fallait clairement deux et ils devraient d’ailleurs sortir d’ici quelques semaines maintenant. Et sur notre lancée, je pense que le deuxième album sera aussi un double-vinyle. Et je vais même te dire un truc : j’ai déjà en tête le début du troisième album ! (Rires) Et puis, pour sortir un double-album, il nous aurait aussi fallu quatre vinyles ! (Rires

– Enfin, on a beaucoup parlé de guitare, puisque GUNSMOKE BROTHERS BAND est particulièrement bien équipé de ce côté-là. Bon, maintenant, tu peux me le dire : qui est le meilleur des trois ?

Le batteur !!! (Rires)

« Band Of Brothers » de GUNSMOKE BROTHERS BAND est disponible sur le Bandcamp du groupe :

https://gunsmokebrothersband.bandcamp.com/album/band-of-brothers

Et retrouvez la chronique de l’album :

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folk Psych

Dorian Sorriaux : éclatant de sérénité

La musique de DORIAN SORRIAUX est le signe d’une certaine intemporalité qui, pourtant, se renouvelle grâce à l’apport de sonorités variées. D’un classicisme assumé et d’une précision toute moderne et aérienne, l’élégance de ce premier album séduit autant par la diversité des ambiances à l’œuvre, que par une interprétation remarquable. Très organique, « Children Of The Moon » a été enregistré en Bretagne, mixé en Suède et les compositions n’en sont que plus éclatantes, tant leur esthétisme dégage une rare intensité.

DORIAN SORRIAUX

« Children of the Moon »

(The Sign Records)

Le Breton est réputé pour son esprit d’indépendance et DORIAN SORRIAUX s’inscrit parfaitement dans cette lignée. Alors qu’il avait entamé une belle carrière à l’international avec Blues Pills en tant que guitariste principal du groupe suédois, qui sortira d’ailleurs son nouvel opus, « Birthday », début août, il a préféré retrouver sa liberté artistique après six ans de bons et loyaux services. Un retour au bercail qui date de 2018 et depuis lequel le Finistérien s’est forgé un univers musical plus personnel.  

Du haut de ses 28 ans, le songwriter est, on le sait, déjà aguerri grâce à de multiples tournées, ainsi que par le travail en studio avec son ancienne formation. Après un premier EP, « Hungry Ghost » il y a six ans déjà, DORIAN SORRIAUX se livre sur la longueur avec dix morceaux relativement acoustiques et assez éloignés de son registre précédent. Délicat, paisible et intimiste, « Children Of The Moon » évolue dans une Folk très 70’s sur le fond, mais très contemporaine dans la forme, malgré des références assez évidentes.

Et le compositeur n’est pas seul, puisqu’on retrouve notamment la fratrie Moundrag à ses côtés apportant une touche psychédélique à un style assez éprouvé que DORIAN SORRIAUX pare de beaucoup de fraîcheur (« Light In The Dark », « Shine So Bright », « To The Water » et le troublant « Believe That You Can Change »). Sur des arrangements très soignés, l’ensemble est d’une profonde richesse et est mené par une vision authentique et préservée de toute intention nostalgique ou revival.

Catégories
Southern Rock

Gunsmoke Brothers Band : proud legacy

Le Finistère étant en quelque sorte le far-west de notre pays, notre bout du monde, c’est avec un naturel et une facilité évidente que GUNSMOKE BROTHERS BAND aborde le Southern Rock avec un regard neuf et une touche originale. Avec son armada de guitaristes, il distille des chansons qui restent gravées, des parties de guitares forcément de haute volée sur un chant sincère. « Band Of Brothers » est le disque d’un combo attachant et virtuose, qui va vite faire parler de lui. Le Rock Sudiste français a enfin son digne représentant.

GUNSMOKE BROTHERS BAND

« Band Of Brothers »

(Independant)

Malgré une scène hexagonale désertique, les fans de Southern Rock ne manquent pourtant pas, si l’on en croit l’intérêt porté à des groupes mythiques comme Lynyrd Skynyrd, Molly Hatchet ou Allman Brothers Band pour ne citer qu’eux. Au-delà du fait que le style soit assez éloigné de notre culture, le ‘Rock Sudiste’ souffre aussi sûrement d’un déficit d’image lié au drapeau confédéré souvent arboré outre-Atlantique… Et c’est bien dommage. Mais ici, on parle musique, pas politique. Et celle, très fédératrice, du GUNSMOKE BROTHERS BAND vaut bien plus qu’un simple détour, tant elle ne manque ni d’atouts convaincants, ni de chaleur.

A la tête du quintet, on retrouve le chevronné Xavier Quémet, chanteur, guitariste et compositeur de « Band Of Brothers ». Et, car il s’agit réellement d’une fratrie de musiciens œuvrant à l’unisson, il est brillamment accompagné de Tony Vasary (basse), Thibault Menut (batterie) et des frères Ar Beleg, Seb et Niko, aux guitares. Fratrie donc. Et si on fait les comptes, GUNSMOKE BROTHERS BAND se présente bel et bien avec trois six-cordistes, tous en lead comme à la rythmique. Et cette belle tradition Southern se reflète sur 12 morceaux bardés de riffs entêtants, de solos virtuoses et de twin-guitares endiablées.

Loin des caricatures, la formation bretonne distille des compos efficaces, mélodiques et suffisamment percutantes pour obtenir un savoureux mélange de Country-Rock et de Hard Blues dans un vrai moment de partage et d’authenticité. Dès « Liar Pigs », on perçoit l’unité du groupe sur ce chorus majestueux, qui se propage et infuse littéralement la suite de « Band Of Brothers » (« My Dog », « Wild White Wine », « Song for The Brave », « Martin Brown », « Big Tits, Sweet Lips » et le morceau-titre). GUNSMOKE BROTHERS BAND passe haut la main le cap du premier opus et travaille déjà sur le deuxième. Inspiré et prolifique !