En l’espace de trois ans, HIPPIE DEATH CULT est parvenu à conquérir la scène de Portland et le quatuor ne compte pas s’arrêter là. Après un premier album (« 111 »), une participation à une compilation en hommage à Black Sabbath et à la bande-son du film « All Gone Wrong », le combo de Stoner Psych Prog débarque avec un deuxième album addictif.
HIPPIE DEATH CULT
« Circle Of Days »
(Heavy Psych Sounds Records)
Sous de faux airs sabbathiens, le quatuor de Portland explore bien d’autres sphères musicales, qui vont du Heavy aux riffs bien gras à un Psych Progressif tirant sur le Doom et le Classic Rock. HIPPIE DEATH CULT propose sur « Circles Of Days » une synthèse pertinente entre Metal et Rock après seulement trois ans d’existence. Il faut dire que les Américains ne sont pas restés les bras croisés, loin de là.
Et c’est cette faculté à fusionner les genres qui rend la musique du groupe aussi efficace et rassembleuse. Le quatuor s’amuse des styles et des époques pour livrer des morceaux intemporels et pourtant bien ancrés dans leur temps. Composé de seulement cinq titres et s’étirant sur près de 40 minutes, « Circles Of Days » montrent aussi un beau panel du registre de HIPPIE DEATH CULT, à commencer par le morceau-titre de l’album.
Dès le brumeux « Red Meat Tricks », le combo nous enveloppe avec un son à la fois lointain, langoureux et massif. Le clavier vient apporter une touche apaisante à la solide rythmique des Américains (« Hornet Party », « Eye In The Sky »), qui est guidée par la touchante et captivante voix de Ben Jackson. HIPPIE DEATH CULT est aussi véloce qu’extatique et est surtout capable de belles variations (« Walk Within »).
N’ayant pu jouer son dernier opus sur scène et histoire de se rappeler au bon souvenir de la chaleur des concerts, KANSAS fait son retour avec un double-album… live ! Enregistré en 2019 et 2020, « Point Of Know Return Live & Beyond » retrace brillamment un pan de l’histoire du groupe de Rock Progressif américain, ainsi que l’intégralité de l’un de ses albums phares.
KANSAS
« Point Of Know Return Live & Beyond »
(InsideOut Music)
Dans la foulée de « The Absence Of Presence » sorti l’an dernier, KANSAS revient contre toute attente avec un double-album live. Le septet américain n’est jamais à court d’idée et c’est au cours d’une douzaine de concerts entre 2019 et 2020 que le légendaire groupe de Rock Progressif a capté l’ensemble des morceaux. Il s’agissait de la tournée anniversaire de leur emblématique album « Point Of Know Return ».
Sorti en 1977 et figurant parmi les albums incontournables de la formation, il est interprété dans son intégralité avec des arrangements qui lui offrent une seconde jeunesse. Ce cinquième album vendu à quelques millions d’exemplaires a fortement contribué à l’assise mondiale de KANSAS. Et ces prestations ont été coproduites par Phil Ehart (batterie) et Richard Williams (guitare). Autant dire que ça sonne !
Les 22 morceaux sélectionnés nous baladent dans la somptueuse discographie des Américains. Le chant reste toujours aussi captivant et les incroyables parties instrumentales brillent grâce notamment au violon de David Ragsdale, qui fait toujours des merveilles. Et on retrouve les classiques de KANSAS toujours intacts et étincelants (« Carry On Wayward Son », « Dust In The Wind », « Song For America », … »). Un régal !
Nourri de la frustration née au cœur de la pandémie, VOID VATOR s’est attelé à l’écriture de son deuxième album, et il en résulte un opus franchement étonnant. Certes, le power trio américain a musclé son jeu et ses nouvelles compos sont robustes et terriblement Heavy, mais « Great Fear Rising » est également très positif et fun. Décidément, en Californie, c’est toujours avec le sourire qu’on livre les productions les plus rentre-dedans !
– Avant la sortie de votre premier EP, « Dehumanized » en 2017, VOID VATOR s’est beaucoup produit en concert notamment à Los Angeles et en Californie. Ce sont ces trois premières années qui ont vraiment forgé votre style et votre son, ou vous sentez-vous toujours en pleine évolution ?
Nous évoluons constamment. Notre style et notre son ont vraiment commencé à prendre forme, lorsque notre bassiste actuel, Sam Harman, a rejoint le groupe. Ce n’est pas seulement dû à son arrivée et au fait qu’il ait pris le relais, mais il est plutôt la pièce manquante du puzzle. D’ailleurs, notre dernier album, « Great Fear Rising », montre notre son le plus lourd à ce jour.
– Justement VOID VATOR est très Metal avec des côtés Heavy, presque Thrash et franchement décomplexé. Même si votre style est solide et massif, il y a aussi des aspects plus légers, qui le rendent très fédérateur. On vous sent très libres et presque à contre-courant…
Nous écoutons toutes sortes de musiques différentes, donc je pense que cela se ressent aussi dans l’écriture des chansons. Notre but, en tant que musicien, est d’être libre. On compose ce que l’on veut et le reste se fait tout seul.
– Après avoir travaillé avec Ulrich Wild (Pantera, Deftones) et Bill Metoyer (Slayer, Body Count), ce sont Michael Spreitzer (DevilDriver) et Nick Bellmore (Toxic Holocaust) qui ont travaillé sur ce très bon nouvel album, « Great Fear Rising ». Vous avez des goûts de luxe, ou c’est parce que vous n’avez trouvé personne à la hauteur ?
C’est avant tout une question de relationnel. Nous avons rencontré Ulrich après un concert à Hollywood au ‘Rainbow’ et il nous a demandé si nous serions intéressés de travailler sur un album avec lui. Bill, que nous connaissions par un musicien du coin, nous a accroché à North Hollywood. Quant à Lucas, il a remplacé Mike de DevilDriver au ‘OzzFest’ à Mexico et Nick, nous l’avons rencontré par l’intermédiaire de notre ami Joey DiBiase. Joey a aussi joué de la batterie sur « Great Fear Rising ». Tous ces gens font désormais partie de la famille VOID VATOR, c’est pourquoi nous travaillons avec eux.
Photo : Nikkie Marie Kephart
– Vous mariez avec facilité le fun, le groove et le Metal le plus puissant sur ce nouvel album. C’est une façon de vous démarquer, d’éviter de se prendre trop au sérieux ou c’est tout simplement l’esprit californien ?
Je pense que c’est une combinaison des trois. Quand nous avons commencé à écrire ce nouvel album, l’accent était mis sur des morceaux plus lourd et plus Metal. Sur « Dehumanized » et « Stranded », nous essayions de comprendre notre son, qui était volontairement plus léger. Mais c’était presque comme si nous nous mettions en travers de notre chemin en nous brindant finalement. Donc, pour ce nouvel album, nous avons décidé d’être nous-mêmes sans retenue et le résultat est beaucoup plus Metal.
– Outre les riffs tranchants et incisifs, la marque de fabrique de VOID VATOR réside aussi dans des refrains très accrocheurs avec des sonorités très 80’s et 90’s, mais actualisées. On a l’impression que c’est l’ambiance de vos morceaux qui prime avant tout. C’est le cas ?
Habituellement, le processus d’écriture d’une chanson commence par un riff ou une mélodie. Erik ou Lucas font souvent des petites démonstrations avant de commencer les répétitions. C’est un effort assez collaboratif. Nous pensons tous que nous pouvons partager des idées sans jugement et sans s’offusquer, si elle n’est pas retenue.
– Votre batteur Moura a aussi eu des soucis de visa qui l’ont obligé à rentrer en Angleterre, peu après votre signature chez Ripple Music. Où est-ce que cela en est ? Votre trio est-il dorénavant stable et serein ?
Moura est toujours en Angleterre en raison de ses problèmes de visa. Nous ne prévoyons pas qu’il revienne de sitôt, même si nous l’adorons, lui et sa femme Janilee. Je ne pense pas qu’il y ait quelque chose de serein dans le Rock’n’Roll. Pour le moment, nous prenons les choses telles qu’elles se présentent. Du coup, Joey DiBiase, qui a joué de la batterie sur le disque, jouera avec nous en tournée cet été.
– Pour conclure, VOIOD VATOR joue une musique résolument positive, libre et enjouée. Pourquoi avez-vous opté pour un visuel si sombre et un peu en contradiction avec l’esprit qui règne sur « Great Fear Rising » ?
Parce que la vie est une question de contraste et de dynamique !
« Great Fear Rising » de VOID VATOR est disponible chez Ripple Music depuis le 23 avril !
POP EVIL est typiquement le genre de groupes qu’on aime ou qu’on déteste. Trop Pop pour certains, trop rentre-dedans pour d’autres, le quintet américain navigue en eaux troubles sans se cacher. Très urbain, massif et disposant d’arrangements de haut vol, ce sixième album porte bien son nom. Dépaysement garanti.
POP EVIL
« Versatile »
(eOne)
Fondé il y a 20 ans tout pile par le chanteur Leigh Kakaty et le guitariste Jason Reed, POP EVIL est l’un de ces groupes bipolaires qui squattent les charts américains depuis quelques années maintenant. Et c’est sur les bords du lac Michigan que prennent vie les morceaux tendus, violents et à la fois très abordables par leur côté Pop du quintet. Cependant, c’est avec un réel talent que le combo a forgé sa réputation.
POP EVIL se fiche des conventions et rebat les cartes avec son Metal moderne, qui va taper dans tellement de registres qu’on s’y perd même un peu. Prenant à son compte à peu près tous les styles, les Américains parviennent pourtant à rendre une copie très homogène, sans renier un nombre incalculables d’influences. Et dans ce grand brassage, l’empreinte du batteur Hayley Cramer rend l’ensemble irrésistible. Il est juste indispensable.
Le mur de guitares, la massive rythmique et ce chant d’une incroyable diversité font de POP EVIL un groupe hors-norme. On a presque l’impression que le quintet du Michigan reprend le Metal Fusion là où il s’était arrêté à la fin des 90’s… les styles émergeants en plus. L’aspect mélodique voire très Pop en énervera plus d’un, tandis que les autres succomberont à la puissance métallique déployée. Une chose est sûre, personne n’y sera indifférent.
Privé de tournées, MONSTER MAGNET s’est engouffré aux Freakshop Studios de son batteur Bob Pantella pour y enregistrer un album de reprises des groupes qui ont forgé son identité. Le Stoner Rock très brut et psychédélique des Américains est plongé dans une époque acidifiée où la créativité et l’imagination régnaient en maître.
MONSTER MAGNET
« A Better Dystopia »
(Napalm Records)
Quand on a passé la majeure partie de sa vie sur scène, se retrouver cloitré à cause d’une pandémie est bien plus qu’un crève-cœur. Et pour Dave Wyndorf, guitariste, chanteur et fondateur de MONSTER MAGNET, il n’était pas question d’un quelconque live en streaming (merci !) et le gang du New-Jersey s’est donc attelé à l’enregistrement d’un ‘album-bunker’. Et c’est dans la tumultueuse jeunesse de son frontman que le combo est parti fouiller.
Car avec « A Better Dystopia », le quintet présente la playlist de la quatrième dimension de Dave Wyndorf, et elle ne manque ni de piquant, ni d’envolées psychédéliques. Et même s’il s’agit d’un album de reprises, le son de MONSTER MAGNET, avec toute la puissance qu’on lui connait, domine les débats grâce une ardeur et une force de frappe conséquente. Ca fuzze, ça cogne et ça montre surtout que la fureur des 70’s vaut mieux que la cacophonie actuelle.
Ne vous y trompez pas, MONSTER MAGNET ne rend pas un simple hommage à ceux qui ont aidé à forger son style, mais leur donne au contraire un relief et une profondeur, et est aussi tripant que furieux et obscur. Et le panel est aussi large que riche : Hawkwind, J.D. Blackfoot, Poo-Bah, Table Scraps, The Pretty Things, The Scientists ou encore Macabre. « A Better Dystopia » est un bond rafraîchissant et vigoureux dans un temps qui ne souffrait pas d’uniformité.
Débordante d’énergie, la chanteuse à la chevelure bleue DIAMANTE revient avec un nouvel album, « American Dream ». Sur des morceaux racés et puissants, le Melodic Rock aux contours Hard et Metal de l’Américaine joue sur l’impact des refrains entêtants et des riffs robustes et incisifs. Très accessible et abordable, mais pas désagréable du tout.
DIAMANTE
« American Dream »
(Independant)
Malgré un premier qui a connu un franc succès outre-Atlantique, c’est toujours en indépendante qu’Azzura Boveli, alias DIAMANTE, revient avec ce « American Dream » rentre-dedans et une fois encore taillé pour les charts. A seulement 24 ans, la chanteuse américaine se montre d’une maturité étonnante, grâce notamment à une voix puissante et de l’adrénaline à revendre.
Survitaminé et musclé sont les maîtres-mots de ce second opus, dont le Rock Hard mélodique fait mouche à chaque morceau. Très formaté et très calibré pour les radios US, « American Dream » est bien entendu surproduit, mais la fraîcheur des morceaux, les riffs massifs et racés, ainsi que le superbe timbre de voix de DIAMANTE suffisent à rendre l’album entrainant et convaincant.
Aguerrie par de longues tournées aux côtés de Three Days Grace, Chevelle et Breaking Benjamin avec qui elle chante d’ailleurs « Iris » (une reprise des Goo Goo Dolls), la frontwoman avance sans filtre et séduit par sa fougue presqu’instinctive (« American Dream », « Ghost Myself », « Unfuck You »). DIAMANTE séduira les amateurs de Melodic Rock intense, costaud et très féminin. Une belle surprise.
STEVE CROPPER est un musicien de l’ombre, et pourtant tout le monde a entendu au moins une fois l’un des méga-hits auxquels il a activement participé pour Stax Records dans les années 60. Vénéré par Brian May, Jeff Beck ou Eric Clapton, le guitariste et compositeur se fait cette fois un petit plaisir personnel, dont on est plus que ravi, avec son premier album solo depuis de longues années.
STEVE CROPPER
« Fire It Up »
(Provogue/Mascot Label)
Si vous l’ignorez, cet homme est une légende et probablement le ‘guitar-hero’ le plus discret de la planète Blues/Soul et pourtant les plus grands lui doivent énormément. Guitariste et compositeur, il est de tous les classiques d’Otis Redding, Wilson Pickett, Johnny Taylor, Albert King et plus tard, il fut aussi le sideman de John Lennon, Bob Dylan ou encore Eric Clapton. Ça situe STEVE CROPPER et relative aussi la mise en lumière d’autres…
Selon ses dires, l’Américain n’avait pas sorti d’album solo depuis 1969 ! On peut ainsi voir « Fire It Up » comme une petite respiration personnelle que s’offre ce grand soulman. Sur une production brillante, cela va sans dire, le guitariste s’engouffre dans des registres qu’il maîtrise à la perfection et dont il a laissé le chant au génial Roger C. Reale, dont la voix chaude et roque embellit encore plus le jeu de STEVE CROPPER.
Assez peu démonstratif, il se concentre plus sur l’ensemble des morceaux que sur ses propres parties de guitares, qui sont toujours d’une justesse irréprochable. Enveloppé dʼune séduisante section de cuivres, « Fire It Up » regorge de pépites Blues, Soul, Funky et Rock dont on retiendra notamment « Fire It Up », « One Good Turn », « Out Of Love », « She’s Fine », ou encore le phénoménal « Heartbreak Street ». STEVE CROPPER reste inégalable et envoûtant.
Originaire de la côte est américaine, CRAWLING MANIFEST se présente avec un très bon deuxième album. « Radical Absolution » s’inscrit dans la tradition Thrash Metal de la Bay Area combinée à des éléments Death et une production moderne et assez groove. La grosse rythmique, les riffs acérés et tranchants et la voix agressive distillés sur ce nouvel opus sont réjouissants.
CRAWLING MANIFEST
« Radical Absolution »
(Independant)
Formé en 2014 dans le Maryland, CRAWLING MANIFEST compte à son actif deux EP, un album et « Radical Absolution » est donc le deuxième opus des Américains, et il vient marquer un nouveau départ pour le groupe. Après plusieurs changements de line-up et des tournées aux côtés de Soulfly et Fleshgod Apocalypse notamment, les thrashers reviennent en force.
Seuls rescapés de la formation originelle, Andrew Gladu (chant, basse, batterie) et Trevor Layton (guitare) ont décidé de continuer l’aventure et de se recentrer sur leurs premières amours : le Thrash made in Bay Area. En y incorporant une dose de Groove Metal et de Death dans la voix, CRAWLING MANIFEST a même pris du volume et ce deuxième album renvoie aux belles heures du Thrash américain.
Puissant et assez intemporel, « Radical Absolution » est aussi engagé politiquement et dresse un constat brutal sur l’état de la société (« World War III », « Revolution »). A l’ancienne, CRAWLING MANIFEST a construit son album autour d’une intro instrumentale (« Land Of The Free ») et un dernier titre instrumental sur un groove presque bluesy (« Onslaught »). Le duo réussit le pari d’un disque sobre et agressif.
Elevé dans le chaudron, LOUIS MEZZASOMA fait partie de cette nouvelle génération, qui a parfaitement digéré la culture et l’Histoire du Blues pour être à même d’en proposer sa propre version. Créatif et audacieux, le Stéphanois a livré il y a quelques mois un troisième album, « Mercenary », aussi surprenant qu’envoûtant. Rencontre avec ce musicien pluri-cordistes très inspiré et à l’approche très personnelle du Blues.
Photo : Nanou
– Tout d’abord, comment en arrive-t-on à incarner et ressentir autant le Blues lorsqu’on a à peine 30 ans et que l’on vient de Saint-Etienne, qui n’est pas vraiment le berceau du genre ?
A vrai dire, je ne me pose pas la question, je le fais ! Cette musique, c’est moi, c’est qui je suis. Il se trouve que cette musique s’appelle le Blues. Pour moi, c’est très important d’être soi-même, certains se sont trouvés en adéquation avec eux-mêmes en faisant de la poterie, du fromage de chèvre ou je-ne-sais-quoi. Pour moi, c’est sortir ce que j’ai au fond de mes tripes, au fond de moi-même. C’est ça, le blues. Je crois que je suis une espèce d’énergumène qui a tendance à foncer, à ne rien lâcher. C’est comme ça que j’ai fait ma place et que je continue de le faire.
Pour parler un petit peu de ma ville, oui, Saint-Etienne n’est pas vraiment le berceau du Blues, mais j’ai eu la chance de voir passer pas mal de monde dans le coin. Aussi bien des locaux que des artistes internationaux. Il faut reconnaître qu’on a quelques lieux encore bien friands de bon Blues.
– Ce troisième album marque un cap dans le son et aussi dans tes compositions. On a presque l’impression qu’il y a eu un déclic, une sorte de maturité atteinte. C’est aussi ton sentiment ?
Pour moi, ce nouvel album est vraiment un beau sommet atteint. J’écris mes chansons quand l’inspiration vient et non sur commande. Au fur et à mesure, on a arrangé et structuré le “guitare/voix” initial. Cet album n’est pas issu d’un déclic, mais bien d’une progression, d’une évolution et d’une affirmation de ma part, qui s’est faite au fil des années, à jouer, à écouter de la musique, à faire des concerts et à voir d’autres artistes en live… et petit à petit trouver ma place. Il s’agit vraiment d’un album produit pour lequel on a eu une vraie préparation, qui nous a permis d’être prêts pour le studio et d’aller chercher le son dans les détails. Je suis vraiment très fier de cet album « Mercenary ».
– Les textes de « Mercenary » sont très personnels et plein d’émotion. Très souvent, les bluesmen s’inspirent de leur vie pour chanter le Blues. C’est ce que l’on ressent chez toi : une authenticité et une sincérité évidente. Qu’est-ce qui t’inspire ? Ton vécu ou est-ce que tout est fictif ?
Toutes les chansons sont inspirées d’histoires vécues. Je me permets, pour l’écriture, de narrer et de romancer, mais sans donner tous les détails de ce qui m’est arrivé. Ainsi, l’auditeur peut se faire sa propre interprétation de la chanson et éventuellement s’y projeter et voyager.
L’inspiration vient de mes rencontres, de voyages, des concerts que j’ai pu faire, mais aussi de ce que je peux ressentir à un moment donné. Certaines chansons viennent d’une expression, d’une phrase que j’ai entendue et qui m’a parlé, inspiré.
Pour faire le lien avec l’actualité, car l’album a été enregistré en Juillet 2020 en pleine pandémie. L’enfermement n’est, dans mon cas, vraiment pas propice à l’inspiration. C’est bien l’ouverture vers le monde, les autres et les différentes cultures qui sont sources de création.
D’autre part, je me rends compte (pour le côté stylistique), petit à petit, que j’aime beaucoup la musique de film (et notamment de western), et en effet mes chansons ont toujours eu tendance à nous plonger dans une atmosphère et un climat, que l’on peut retrouver dans le cinéma.
Photo : Cédric Masle
– Même s’il y a du monde sur ce nouvel album, tu as longtemps joué seul dans une configuration d’homme-orchestre. Qu’est-ce qui est le plus plaisant et le plus satisfaisant au final : être seul à la manœuvre ou jouer en groupe, ce qui grossit également le son ?
Ce qui est génial, c’est d’être seul à la manœuvre et de jouer en groupe. En effet, quand j’ai démarré en one-man-band, j’avais l’avantage de pouvoir amener mes chansons dans la direction que je souhaitais, et de me laisser porter par les émotions, le feeling du moment, notamment en fonction de la réaction avec le public. Nous avons fait quelques dizaines de concerts sous la nouvelle formule guitare/batterie, qui reste une formule réduite et dans laquelle je reste maître des changements harmoniques. La batterie me suit dans mes idées et surtout donne de l’épaisseur et de l’impact au son. Pour moi, cette idée de manœuvre est surtout valable pour la partie live, pour suivre les différentes improvisations et changement de structure s’il y en a. Pour un album, on se doit de fixer les choses et de les planifier, que ce soit seul ou en groupe.
– Justement sur « Mercenary », tu es accompagné du batteur et percussionniste Gaël Bernaud qui apporte de la puissance aux morceaux, ainsi que de l’harmoniciste Jean-Marc Henaux et des cuivres de Sylvère Décot et d’Anthony Tournier qui offrent tous beaucoup de chaleur et de diversité. C’est un large panorama dans lequel on voyage énormément. De quelle école ou famille du Blues te sens-tu le plus proche ou l’héritier ?
L’arrivée de Gaël Bernaud au sein du groupe devient vraiment officielle avec ce nouvel album. Faire un album, c’est pour moi l’occasion de présenter des nouveaux titres, mais aussi de proposer quelque chose que l’on ne trouvera pas dans le live, ou du moins pas de la même manière. C’est le moment de faire une recherche approfondie dans le son, et aussi de faire appel à d’autres musiciens. C’est pourquoi nous avons invité aux trompettes, Sylvère Décot et Anthony Tournier sur le titre « RustyMan », et Jean-Marc Henaux sur quatre autres chansons. Diversifier les instruments permet de la variété et surtout d’éviter la monotonie. J’ai toujours présenté des titres assez différents entre ballades et chansons bien énervées. Pour répondre enfin à la question, je pense venir de plusieurs familles de Blues assez différentes, mais avec une grosse influence par le Country-Blues notamment par mon jeux de fingerpicking. On va dire que mes techniques de jeu sont issues d’un Blues rural, plutôt originaire du sud des Etats-Unis. Cependant, mes manières d’amplifier les guitares font aussi le lien avec le Rock.
– On retrouve aussi cette diversité dans tes instruments que ce soit la guitare, le banjo, le dobro ou la cigar-box. Est-ce que tu les vois comme des vecteurs d’ambiances très distincts et avec lequel es-tu le plus familier et le plus inspiré ?
Les changements d’instruments à cordes et leurs différents accordages sont vraiment une source d’inspiration pour la composition de mes chansons. Et en effet ils apportent des ambiances très différentes, même si il y a un univers bien ciblé. Ma cigar-box est vraiment jouée sur des morceaux Rock, alors que ma guitare folk va plus être utilisée sur des ballades Country-Blues. Je réalise que mon dobro, joué en open D et au bottleneck, est peut être le plus polyvalent et me permet une amplitude de style entre ballade lancinante, Blues primitif ou Rock. C’est aussi l’instrument que j’ai le plus utilisé sur tous mes albums. Pour tout te dire, sur « Mercenary », j’ai utilisé sept guitares (ou instrument à cordes) différentes : folk, dobro, demi-caisse, électrique, 12 cordes, cigar-box et banjo
Photo : Nanou
– Ton Blues s’inspire beaucoup des pionniers du genre, or il n’est jamais nostalgique ou passéiste, notamment dans le son. Comment alimentes-tu ton jeu à travers des influences si anciennes, même si elles sont intemporelles ?
Malgré le genre qui ne date pas de la veille, j’écoute beaucoup d’artistes de Blues et de styles proches (Folk, Country, Rock…) d’aujourd’hui, dont certains que j’ai vu en live. Le Blues, c’est notre histoire personnelle. Peut être que si je chantais le Blues des autres, ou un Blues à l’honneur des pères du genre, je serais nostalgique ou passéiste. Mais je joue mon Blues, donc les histoires sont d’actualité, du moins de mon actualité.
Je vais me faire engueuler en disant ça mais perso, les vieux albums comme Robert Johnson, c’est génial pour le collectage, pour l’Histoire, pour les chansons, pour le jeu de guitare, mais c’est très dur à écouter, le son n’est vraiment pas fou. Le parti-pris pour notre album était de garder l’authenticité de la musique et des instruments, mais de traiter le son de façon moderne. On a utilisé des bons vieux micros vintage à l’ancienne avec les bons préamplis. On a fait des vraies prises de sons de batterie en s’acharnant sur le choix et les réglages de la caisse claire en fonction de chaque morceau. J’ai chanté dans un micro fait dans un obus de la seconde guerre mondial, les guitares étaient branchées dans des amplis à lampes bien crades que l’on a poussé à fond. Jusque-là, ça aurait pu marcher pour un groupe de Blues traditionnel, mais le traitement du son, lui par contre, a fait la différence. On a joué sur les effets, tordu les sons. Je pense aussi que certains arrangements comme des guitares additionnelles, des banjos et les chœurs ont eu eux aussi leur importance pour donner ce côté moderne.
– Enfin, le Blues est une musique de communion et de partage. Comment vis-tu la situation actuelle et comment envisages-tu ton retour sur scène ?
Mal… Jouer, faire des concerts c’est ma raison de vivre, c’est ma passion, mais aussi mon gagne-pain et on est en train de nous enlever tout ça. Le statut est assez précaire, mais c’est un choix pour faire ce que l’on aime. On doit faire de nombreux sacrifices pour y arriver… C’est assez dur de devoir rester en stand-by en attendant mois après mois de pouvoir reprendre. Pour vivre de la musique live, ça implique de faire des dizaines de concerts par an et chaque concert est dur à programmer, c’est un travail de longue haleine qui se fait entre six mois et un an et demi à l’avance. Depuis plus d’un an, on reporte, annule et reporte des événements déjà reportés, et c’est sans parler des lieux, des salles de spectacle et des festivals qui ferment. Je ne parle pas des Zénith ou des artistes qui passent à la TV régulièrement. Je parle des scènes alternatives trop souvent oubliées par les médias, des petits et moyens festivals, qui survivent grâce aux organisateurs et aux nombreux bénévoles qui se battaient, et se battent toujours, pour offrir de la culture, de la joie, de la convivialité et du bonheur.
Et oui, le Blues est une musique de partage, une échappatoire à la dureté de la vie pour faire place à de l’expression et de la joie. J’espère que nous sommes dans la dernière ligne droite et que nous allons pouvoir présenter ce nouvel album, « Mercenary », sur les planches très rapidement…
« Mercenary » est disponible depuis le 5 mars chez Le Cri Du Charbon.
Le guitariste et chanteur MYLES KENNEDY ne tient pas en place, alors plutôt que de rester sans rien faire durant le confinement, il en a profité pour composer et mettre la touche finale à « The Ides Of March ». Revenu à un Rock US qui lui va si bien, l’Américain livre un deuxième album, qui fait beaucoup de bien.
MYLES KENNEDY
« The Ides of March »
(Napalm Records)
Contraint de rester chez lui en raison de la pandémie, le très prolifique MYLES KENNEDY a profité de l’annulation de ses tournées pour se pencher sur son deuxième album solo. Et après le très bon « Year Of The Tiger » en 2018, le frontman d’Alter Bridge et du projet solo de Slash livre « The Ides Of March », un opus plus électrique et moins intimiste, mais avec toujours autant de créativité et de sincérité.
Pour ce nouvel album, MYLES KENNEDY a électrifié et électrisé son jeu et distille un Rock US comme il en a l’habitude, et dont il reste un modèle du genre. Grâce à une voix puissante et idéale pour ses très accrocheuses mélodies, le chanteur n’en demeure pas moins l’excellent guitariste que l’on connait et, entre riffs entêtants et solos millimétrés bourrés de feeling, mène sa barque avec classe.
Accompagné de Tim Tournier (basse) et de Zia Uddin (batterie), MYLES KENNEDY a confié la production de « The Ides Of March » au producteur Michael Baskette, collaborateur de longue date. Entraînant sur « In Stride » et « Get Along », ou plus touchant sur « Tell It Like It Is » et « Worried Mind », l’Américain brille et excelle carrément sur le morceau-titre long de près de huit minutes. Une grande bouffée d’air positive et très Rock.