Evidemment, le Boogie Blues de CANNED HEAT a pris quelques rides, se montre peut-être moins fougueux et aventureux, mais il demeure toujours aussi enveloppant, chaleureux et surtout on y perçoit sans peine tout le plaisir qu’éprouvent les quatre musiciens à perpétuer un héritage, qui est finalement le leur. Avec « Finyl Vinyl », les Californiens montrent qu’ils sont toujours capables et légitimes à entretenir ce son qui a bercé tant de générations. Et lorsque c’est fait de cette manière, il serait déplacé de cracher sur ces talents si perceptibles.
CANNED HEAT
« Finyl Vinyl »
(Ruf Records)
J’entends déjà les grincheux vociférant au sujet de la chronique d’un nouvel album de CANNED HEAT qui, avant même y avoir posé une oreille, doit forcément être mauvais ou, au mieux, sans intérêt. Et pourquoi ne pas parler d’un nouveau disque des Rolling Stones tant qu’on y est ? Mais il faut bien être un peu taquin au risque de devenir trop consensuel ou carrément chiant, non ? Alors, c’est vrai qu’il n’y a plus aucun membre de la formation originelle fondée à Los Angeles en 1965, car même le batteur Fito de la Parra n’est apparu que sur le légendaire « Boogie With Canned Heat », le seulement deuxième opus du groupe.
Cela dit, Dale Spalding (harmonica, chant), Fito de la Parra (batterie), Jimmy Vivino (guitare, claviers, chant) et Richard Reed (basse) ne sont pas des perdreaux de trois semaines, et autant le dire tout de suite : ça joue et ça joue même très bien. Et la jeune scène actuelle pourrait même prendre quelques notes, tant elle se montre souvent insipide. Mais revenons à CANNED HEAT et ce « Finyl Vinyl », première réalisation depuis une grosse quinzaine d’années. Très bien produit, on retrouve les Américains sur onze morceaux où ils déroulent leur fameux Boogie Blues, guidé par un feeling toujours très présent.
Sans être transcendant pour autant, on se régale surtout de retrouver cet harmonica envoûtant et tellement identifiable, tant il représente à lui seul le son et la chaleur de la mythique formation. De même que la slide, qui emporte quelques titres, CANNED HEAT n’a rien perdu de son ADN, car il y en a un, malgré la presque cinquantaine d’artistes qui s’y sont succédés. De l’oriental instrumental « East/West Boogie » à « One Last Boogie », « Goin’ To Heaven (In A Pontiac) », « Blind Own » dédié à Alan Wilson ou encore « So Sad (The World’s In A Tangle) », « When You’re 69 » ou « Independence Day, » le moment est agréable… très !
La guitariste, chanteuse, compositrice et productrice SUSAN SANTOS a livré il y a quelques semaines son nouvel et sixième album, « Sonora ». Elle nous transporte au coeur du desert à travers huit titres à l’atmosphère plutôt Blues Rock, mais pas seulement. Mâtiné de divers courants allant de sonorités hispaniques et Southern, comme Country ou même Western, l’Espagnole fait preuve d’un éclectisme bluffant et d’une maîtrise totale avec une identité marquée. L’occasion de lui poser quelques questions au sujet de ce brûlant nouvel opus…
– Le moins que l’on puisse dire est que « Sonora » est un album très solaire à de nombreux points de vue. Même s’il ne dénote pas de tes précédentes réalisations, est-ce que faire du désert le point central du disque est une envie que tu as eue avant même le processus de composition ?
C’est quelque chose qui s’est fait petit à petit, en fait. J’ai commencé à écrire des chansons sans intention précise, et au fur et à mesure du choix des morceaux, l’idée a émergé pour devenir finalement le fil rouge de l’album.
– D’ailleurs, tu l’as entièrement composé, paroles et musique, et tu l’as aussi coproduit avec Jose Nortes. Tout a été réalisé aux studios Black Betty à Madrid. C’était important d’être presque seule à chaque étape de « Sonora » pour en quelque sorte ‘centraliser’ les choses ?
Dès le départ, il était clair pour moi que je voulais faire les choses à ma manière, tout décider et participer à tout le processus, y compris le mixage et le mastering. L’enregistrer à Madrid était le plus pratique, puisque j’habite là. L’enregistrement s’est fait en quelques jours, mais avec les concerts, les voyages et les tournées, j’ai du attendre mon retour pour repartir en studio pour le mixage.
– Les morceaux de « Sonora » sont efficaces sans pour autant être épurés, loin de là. On t’entend jouer de la guitare électrique, baryton et acoustique, ainsi que du banjo et du thérémine. L’album est vraiment très riche, ainsi qu’au niveau des arrangements. Est-ce une chose sur laquelle tu t’es longuement penchée ?
Pas vraiment, la vérité est que tout s’est fait un peu à la volée. En fait, j’ai même écrit des chansons et de nombreux arrangements en studio pendant que nous enregistrions. J’avais une totale liberté de décision et c’était vraiment très amusant ! C’est vrai que tout ça a aussi fait bouger beaucoup de choses pendant les journées d’enregistrement.
– Je disais que « Sonora » était musicalement très solaire dans son ensemble, à travers le thème du désert bien sûr, mais aussi musicalement. C’est la première fois que tu réalises ce qu’on pourra apparenter à un album-concept ?
Oui, c’est la première fois que je fais quelque chose comme ça. Comme je te le disais, je n’y ai pas pensé au début, lorsque je me suis décidée à enregistrer un album. J’ai commencé l’écriture des chansons et dès que j’en ai eu deux ou trois, c’est à ce moment-là que l’idée m’est venue et s’est imposée.
– Evidemment, la thématique et certaines sonorités hispaniques, et parfois Southern aussi, font penser à une bande originale de western. Est-ce un peu de cette manière que tu as conçu « Sonora » ?
Absolument ! J’aime beaucoup être au croisement de tous ces sons entre Rock, Blues, Country, Southern Rock et Western. Et l’environnement du désert est parfait pour encadrer et englober toutes ces ambiances.
– Un petit mot aussi sur le clip de « Hot Rod Lady », qui a été tourné à Joshua Tree. Pourquoi spécialement là-bas, même si on en a une petite idée ? On aurait aussi pu l’imaginer dans les Bardenas Reales…
En fait, j’étais en tournée en Californie, lorsque je mixais l’album et on était très proche de Joshua Tree. Ca m’a semblé être l’endroit parfait pour le tournage du clip de la chanson.
– Depuis tes débuts, tu multiplies les styles de Blues et aucun ne te résiste. Y a-t-il cependant un registre qui a ta préférence et qui te ressemble le plus ?
Je suis très curieuse de tous les styles musicaux et beaucoup d’entre eux se marient facilement car, au final, ils ont tous la même source et les mêmes racines. J’aime toujours me renseigner en amont pour ensuite orienter les chansons vers d’autres ambiances. C’est à chaque fois un défi que j’aime beaucoup.
– Depuis quelques années, on voit de plus en plus de blueswomen mises enfin en lumière. Certains découvrent de grands talents, alors que la majorité d’entre-vous êtes là depuis un bon moment. Est-ce que tu penses aussi que cette reconnaissance est souvent un peu tardive ?
Oui, il nous faut se battre et progresser petit à petit. Pour le moment, je continue à faire ce que j’aime le plus, c’est-à-dire composer des chansons et les jouer en concert partout où c’est possible. Et oui, bien sûr que j’aimerais avoir bien plus de reconnaissance, évidemment.
– On l’a dit, tu navigues entre plusieurs styles, tous plus ou moins Rock d’ailleurs. Cela dit, ton propre son est très européen, malgré quelques touches américaines, notamment Southern. Est-ce qu’après toutes ces années et avec six albums à ton actif, il y a un désir en toi de t’imposer au pays du Blues, ou est-ce que les frontières ont déjà été franchies ?
J’ai beaucoup voyagé, mais pour le moment je me sens très bien ici en Espagne. J’y ai de bonnes relations avec beaucoup de monde et de bonnes collaborations également. Mais je n’exclus pas de vivre ailleurs à l’avenir. La vérité est que je joue déjà beaucoup en dehors de l’Espagne, car ici le circuit est assez restreint pour ce style de musique.
Le nouvel album de SUSAN SANTOS, « Sonora », est sorti et est disponible sur le site de l’artiste : https://www.susansantos.info/shop
Avec une approche très cinématographique, FREEDDY AND THE PHANTOM nous conte ses histoires, ses réflexions et ses pensées sur des thématiques comme la liberté, la spiritualité et les nombreux désirs, plus ou moins coupables. Quoi de plus propice qu’un Blues Rock mélodique et sauvage, où l’Americana rencontre le Desert Rock pour ne faire qu’un ? Très modernes dans leurs compositions, les Danois parviennent sans mal à créer un univers particulier et « Heathen Gospels » se montre d’une incroyable variété.
FREDDY AND THE PHANTOMS
« Heathen Gospels »
(Target Group/SPV)
Ce sixième album de FREDDY AND THE PHANTOMS est une promesse, celle de partir à travers les grands espaces et l’on pense bien sûr irrémédiablement à des paysages américains. Pourtant, c’est du Danemark qu’est issue la formation. C’est même dans son propre studio situé sur la côte nord de l’île de Sealand, la principale du pays, qu’elle s’est engouffrée pour concocter ce « Heathen Gospels » aux saveurs multiples, mais dont les sonorités et les influences résonnent en écho à celles de grands noms. Bien digérées, il en ressort un style très personnel, peaufiné au fil du temps.
Ils le reconnaissent eux-mêmes, « Heathen Gospels » est le fruit d’un véritable travail collectif. Et lorsque vous disposez au sein du même du groupe trois guitaristes et que tout le monde se met au chant, il en résulte forcément une richesse musicale intense. Si l’on peut aisément ranger FREDDY AND THE PHANTOMS dans la grande famille du Blues, ce serait tout de même un peu réducteur. Les slides rayonnent, tout comme l’orgue Hammond, et il y a une touche de Desert Rock qui flotte dans l’air et qui lui donne même ce côté très Americana, porté par des textes très bien écrits.
Pour autant, la production est très européenne, ce qui n’est pas un défaut en soi, évidemment, et qui est d’ailleurs peut-être même la marque distinctive de FREDDY AND THE PHANTOMS dans cet univers très Yankee. On voyage ainsi dans un Blues Rock raffiné, très légèrement teinté de Country, de Classic Rock et dans une atmosphère souvent aride (« Heart Is A Highway », « Skeleton Man », « Blood », « Get High », « Tuesday’s Gone », « Times Files By »). Les Scandinaves réussissent le tour de force de nous embarquer dans leur Nord natal dans une atmosphère dépaysante et aventureuse.
Ils sont finalement quelques-uns, outre-Atlantique, à combiner musique et cinéma avec souvent d’ailleurs le même talent pour les deux arts. C’est le cas du comédien Kevin Bacon qui, depuis 30 ans, a formé avec son frère Michael THE BACON BROTHERS, un groupe plus qu’un tandem, où ils explorent ensemble les racines de la musique américaine avec beaucoup de fraîcheur et d’humour. Loin des habituels stéréotypes marketing de certains, « Ballad Of The Brothers » se montre au contraire très authentique et sincère.
THE BACON BROTHERS
« Ballad Of The Brothers »
(Forty Below Records)
Assez peu de gens le savent dans notre beau pays, mais l’emblématique acteur Kevin Bacon est également chanteur et musicien, à l’instar d’ailleurs d’un certain Kiefer Sutherland, dont le style n’est pas si éloigné. Depuis 1995, il mène avec son frère Michael une belle carrière dans la musique sous le nom de THE BACON BROTHERS. Tous deux compositeurs, ils se promènent dans un registre très américain entre Rock, Folk, Country et Blues et « Ballad Of The Brothers » est déjà leur douzième album. Une ode à un style assez roots, également plein de douceur.
La production de ce nouvel opus est classique, efficace et feutrée et n’est pas sans rappeler celles de la scène de Philadelphie et de certaines icônes du Classic Rock. Cela dit, elle colle parfaitement à l’univers des BACON BROTHERS et à leur balade musicale. Assez vintage dans l’ensemble, le son de cette nouvelle réalisation est enveloppant à souhait et l’équilibre trouvé par les deux frères ne manque pas de clins d’œil. S’ils se partagent le chant et les parties de guitares, un groupe redoutable de feeling et de groove les accompagne et les couleurs sont belles.
Il y a un petit côté 70’s dans la fratrie, mais « Ballad Of The Brothers » ne tombe pas pour autant dans une nostalgie exacerbée. Au contraire, entre chansons délicates et moments plus révélés, THE BACON BROTHERS balaie un large éventail, grâce à une interprétation où le piano côtoie les guitares et les cuivres et aussi et surtout où le violoncelle de l’aîné, Michael, libère une atmosphère très Americana sur plusieurs titres. Sans réellement se prendre au sérieux, le duo fait les choses très sérieusement et avec une passion plus que palpable. Vibrant et très convaincant.
Chaque production de BOOGIE BEASTS se distingue l’une de l’autre et c’est ce qui fait précisément sa force et ce qui forge même son identité. Avec « Neon Skies & Different Highs », la formation de Belgique va encore plus loin, teinte son Blues de Rock et de Fuzz, tout en restant à la fois très roots et résolument moderne. Un modèle du genre qui demeure toujours très pertinent et créatif. Ici, le Blues perd ses frontières, garde ses codes et regarde plus loin.
BOOGIE BEASTS
« Neon Skies & Different Highs »
(Naked)
Incontournable représentant de la scène Blues belge, en mode très alternatif, BOOGIE BEASTS nous fait le plaisir d’un nouvel album, le cinquième au total et le quatrième en studio. Et avec « Neon Skies & Different Highs », la surprise est belle, tant la richesse des morceaux est dense et la production signée Koenraad Foesters particulièrement soignée. Malgré des arrangements aux petits oignons, l’essentiel de la réalisation ne repose pas sur ces seuls détails, mais ils contribuent grandement à la solidité de l’ensemble.
Très différent de « Blues From Jupiter » (2022), l’approche du quatuor se veut plus profonde et il affiche un virage très mature en ne s’interdisant aucune incartade, que ce soit dans des contrées Desert Rock, Psych, R&B ou même légèrement Gospel. Si la base du jeu de BOOGIE BEASTS reste le Hill Country Blues pour l’aspect épuré, il prend ici une toute autre dimension. Toujours aussi identifiable, le son reste brut, parfois froid et assez urbain finalement. La chaleur se trouve ailleurs et elle est très présente encore.
Avec 18 pistes, dont quatre interludes, « Neon Skies & Different Highs » est particulièrement généreux, ce qui permet de multiples expérimentations à travers des ambiances toujours très maîtrisées. Comme de coutume chez BOOGIE BEASTS, l’harmonica mène le bal sur des sonorités propres à Chicago et, grâce à des riffs efficaces et un groove rythmique d’enfer, on passe d’un titre à l’autre avec un plaisir constant. Retenir juste quelques morceaux est presqu’une insulte à ce disque qui s’écoute dans son entier. Well done !
L’heure est à la détente pour THE BLACK KEYS, qui s’autorise le temps de ce nouvel opus une sorte de récréation nettement plus vaporeuse, mais non sans livrer un ardente prestation. Souvent galvaudée, le terme de groove prend ici tout son sens à travers 14 morceaux où l’objectif du groupe est clairement de prendre du plaisir et surtout d’en donner. Très 70’s dans les sonorités, des effluves de Soul, de Funk et d’un Blues tendre et généreux font cause commune sur « Ohio Players », qui donne autant le sourire que la patate !
THE BLACK KEYS
« Ohio Players »
(Easy Eye Sound/Nonesuch Records)
Joie et félicité ! THE BLACK KEYS est de retour, clope au bec, avec une pêche d’enfer et sur un groove aussi démoniaque que réjouissant ! Alors ok, Dan Auerbach et Patrick Carney ne sont pas complètement seuls. « Ohio Players » n’est pas non plus complètement un album de leur composition. Et alors ? Le duo est particulièrement bien entouré et la tracklist est joyeuse, funky et, on ne va pas se mentir, ça fait plutôt du bien par les temps qui courent ! Il y a forcément aussi une explication très rationnelle à ce douzième effort studio des Américains, qui nous emmènent assez loin de l’âpreté du Blues Rock de « Dropout Boogie ».
En titrant ce nouvel opus du nom du cultissime groupe de Funk, THE BLACK KEYS annonce la couleur : elle sera festive, légère et explosive. L’idée de cette création inattendue et originale est née lors de soirées organisées par le groupe, où il passait de vieux 45tr de sa collection. Et c’est l’esprit de ces fêtes qui a constitué le fil rouge de l’album. A l’exception de « I Forgot to Be Your Lover », une chanson écrite par William Bell et Booker T. Jones, l’ensemble de « Ohio Players » est signé et produit par le tandem de la petite ville d’Akron. En revanche, les collaborations ne manquent pas et elles ont même parfois assez surprenantes.
Le guitariste/chanteur et le batteur ne renient pas une seule seconde leur patte musicale et encore moins ce son si particulier qui les distingue depuis leurs débuts. L’approche est la même et on la ressent jusqu’à cette production, certes, plus lisse cette fois, mais tellement riche en arrangements. Facile et aérien, THE BLACK KEYS a donc convié l’ami Beck sur près de la moitié de « Ohio Players », tandis que Noël Gallagher (oui, oui !) intervient aussi dans la composition de trois morceaux. Et la participation des rappeurs Juicy J et Lil Noid libère quelques instants de Hip-Hop langoureux. On sait s’amuser dans l’Ohio et ça fait du bien !
Retrouvez les chroniques de leurs deux derniers albums :
Incontournable sur la scène Blues hexagonale, FRED CHAPELLIER revient dans un format qu’il affectionne tout particulièrement : le live. Envoûtant et instinctif, ce double-album fait la part belle à son dernier opus studio, enrobé de quelques covers. Grâce à un chant irrésistible et des cuivres en osmose, « Live In Paris » irradie de plaisir et magnifie le Blues du Messin. Une superbe plongée dans un lieu au diapason de l’artiste.
FRED CHAPELLIER
« Live In Paris »
(Dixiefrog)
Après le splendide « Straight To The Point » sorti il y a deux ans, FRED CHAPELLIER a repris le chemin des concerts en faisant un beau détour par le ‘Jazz Club Etoile’ de Paris. L’idée a été d’immortaliser la soirée, en prenant soin de ne mettre aucun de ses musiciens dans la confidence, histoire de capter toute la spontanéité et le naturel qui émanent de son Blues à la fois contemporain et intemporel. Et ce « Live In Paris », qui se déploie sur deux CD, retranscrit parfaitement la chaleur du moment et transmet le bel échange avec une salle, qui n’en perd pas une miette.
Et c’est donc son dernier album studio que le guitariste et chanteur a mis en avant, toujours entouré des mêmes musiciens, auxquels il faut ajouter une magnifique session cuivre, qui offre un lustre lumineux à l’ensemble. Michel Gaucher (saxophone), Eric Mula (trompette) et Pierre d’Angelo (saxophone) apportent un souffle Soul et Rythm’n Blues aux morceaux avec beaucoup de feeling, alternant les morceaux calmes et d’autres plus exaltés avec une fluidité incroyable. FRED CHAPELLIER et ses sept compagnons de scène libèrent une énergie enveloppante.
Fidèle à lui-même, le bluesman se fait plaisir à reprendre Roy Buchanan et Peter Green à qui il a d’ailleurs consacré deux albums (« A Tribute to Roy Buchanan » et « Fred Chapellier Plays Peter Green »). En totale liberté, le groupe enchaîne les titres, fait chanter son public et se livre aussi à quelques impros savoureuses, comme pour mieux faire durer le plaisir. FRED CHAPELLIER rayonne et offre de superbes solos, qui se fondent dans un répertoire taillé sur mesure auquel ce « Live In Paris » rend toute l’authenticité. On se retrouve totalement immergé au sein du club parisien pour un moment de grâce total.
Retrouvez la chronique de « Straight To The Point » :
Les albums live sont souvent des instants hors du temps et en matière de Blues, cela se vérifie quasi-systématiquement tant ils se vivent intensément… et ils n’ont d’ailleurs pas vraiment le choix, sinon c’est la chute. ELLIS MANO BAND est un groupe de scène et il ne faut pas bien longtemps pour s’en rendre compte. Sur un groove constant, une délicatesse et une finesse qui font dans la dentelle et un chanteur totalement investi, la formation helvète fait plus que jouer du Blues, elle le respire à travers chaque note. « Live : All Access Areas » n’est pas une démonstration, mais une parfaite partition.
ELLIS MANO BAND
« Live : Access All Areas »
(SPV Recordings/SPV)
Pour celles et ceux qui l’ignorent, ELLIS MANO BAND est la rencontre explosive et placée sous le signe du feeling et de la complicité entre le chanteur Chris Ellis et le guitariste Edis Mano. Musiciens chevronnés, c’est assez naturellement qu’ils sont rejoints par le bassiste Séverin Graf, le batteur Nico Looser et Luc Bosshardt aux claviers. Basé en Suisse, comme l’équipe de France de tennis (pardon…!), le quintet s’est vite retrouvé autour d’un Contemporary Blues, comme on dit aujourd’hui, c’est-à-dire un style très actuel, mais qui fait aussi beaucoup de place à des teintes Soul, R&B et à quelques jams bien senties sur scène.
Et c’est précisément en concert que le ELLIS MANO BAND nous embarque cette fois et la balade sur les 15 morceaux est majestueuse, n’ayons pas peur des superlatifs, car ils sont plus que justifiés. Le groupe, qui présente d’ailleurs un line-up multinational, passe en revue ses trois albums studio, histoire de nous faire patienter jusqu’à la sortie du quatrième, qui devrait intervenir à la fin de l’année ou au tout début de 2025. Et ce « Live : Access All Areas » se perçoit comme une visite guidée d’un parcours sans faute et ouvre les portes de son répertoire avec classe et une fluidité dans le jeu exemplaire de leur part à tous.
Et quoi de plus normal que d’entamer l’album avec « Whiskey », leur tout premier single, suivi quelques mois plus tard par un premier opus, « Here & Now », déjà prometteur ? Le ton est donné et le public chaleureux n’en perd pas une miette. Enregistré en Allemagne et en Suisse, « Live : Access All Areas » livre quelques pépites et autres moments suspendus particulièrement immersifs. ELLIS MANO BAND se faufile dans toutes les ambiances avec une facilité déconcertante, qui donnent lieu à des versions de haut vol (« Bad News Blues », « Forsaken », l’enivrant « Bad Water », « Only With You », « Johnny & Suzy »). Magique !
Né au pays de Galles, c’est au Canada, puis aux Etats-Unis, que PHILIP SAYCE a passé le plus clair de sa vie et surtout qu’il s’est construit artistiquement en tant que musicien et chanteur. Accompagné par le gratin de la scène californienne devant comme derrière la console, il livre « The Wolves Are Coming », un nouvel opus qui surfe sur une dynamique Blues Rock explosive, souvent saturée et terriblement accrocheuse. Et la finesse du panel de son jeu balaie l’horizon avec un feeling solaire.
PHILIP SAYCE
« The Wolves Are Coming »
(Atomic Gemini/Forty Below Records)
Le parcours de PHILIP SAYCE a quelque chose qui teint du conte de fée, ce qui ne signifie d’ailleurs pas que le Gallois n’ait pas eu à travailler dur, mais il faut avouer que les planètes se sont particulièrement bien alignées. Ayant grandi à Toronto, il a été initié au Blues par ses parents. Adolescent, il brille déjà et le grand Jeff Healey le prend sous son aile, le fait participer à ses enregistrements et à ses tournées. Au début des années 2000, c’est à Los Angeles qu’il pose ses valises, rencontre Melissa Etheridge et joue sur ses disques. Puis, c’est en 2005 qu’il se lance en solo et sort « Peace Machine » et les fans commencent alors à le suivre et à écouter ce Blues si vivant.
Presque 20 ans plus tard, PHILIP SAYCE revient avec un septième album studio, auquel il faut ajouter un EP et un live, et il faut reconnaître que « The Wolves Are Coming » est sa réalisation la plus aboutie à ce jour. Songwriter inspiré et aguerri, le guitariste et chanteur montre une incroyable fraîcheur, qui est due à une technique, un feeling et une énergie présents sur chaque morceau. Entouré d’un groupe de musiciens chevronnés et reconnus, la production est somptueuse, aussi naturelle en apparence que travaillée dans le moindre détail. Quant au Canadien d’adoption, il s’occupe des guitares, du chant, de la basse et du piano.
Pourtant composé en pleine pandémie, « The Wolves Are Coming » révèle l’ambiance ludique et très libre qu’a précisément ressenti PHILIP SAYCE en studio à ce moment-là. Très bruts dans le son, certains titres font l’effet d’un ouragan (« Oh ! That Bitches Brew », « Backstabber »), d’autres sont presqu’apaisants (« It’s Over Now ») et il sait aussi se faire rayonnant (« Lady Love Divine », « Black Moon »). A noter également la délicate reprise de John Lee Hooker, « This Is Hip », et « Blackbirds Fly Alone », qui aurait eu sa place sur le « Mama Said » de Lenny Kravitz. Le Bluesman excelle autant dans la douceur que dans une exaltation frénétique. Génial !
« Broken » est déjà la 31ème réalisation du grand bluesman WALTER TROUT, et pourtant il donne toujours cette impression d’émerveillement dans son jeu, tout comme dans le chant à travers lequel il se livre littéralement. Au-delà du simple Blues Rock qu’il pourrait se contenter d’interpréter et de composer avec la facilité qu’on lui connait, il se frotte ici au Boogie, au Country Blues, à des morceaux clairement Rock et d’autres toujours aussi poignants. Et puis, la participation de quelques guests triés sur le volet apporte une lumière réjouissante.
WALTER TROUT
« Broken »
(Provogue/Mascot)
Le parcours de WALTER TROUT parle de lui-même et ne peut qu’imposer, sans discussion aucune, le respect. Avec plus de trente albums à son actif, des collaborations avec tout ce que compte comme talents le monde du Blues et du Rock et une longue lutte contre ses démons personnels avec lesquels il a longtemps pactisé, l’Américain a gagné depuis bien longtemps sa place sur le mont Rushmore de la guitare Blues. Avec « Broken », il vient se frotter comme toujours aux émotions les plus authentiques. Et on ne peut que constater, et avec le sourire, qu’il n’y absolument rien de cassé dans son jeu. Le maître se tient debout.
Toujours produit par son ami de longue date Eric Corne, ce nouvel album va piocher dans les nombreux recours du style, passant par du Blues Rock tonique et exalté, à des titres plus Country Blues (« Turn And Walk Away ») ou du Boogie pour celui qui a côtoyé de très près John Lee Hooker (« Bleed »). WALTER TROUT fait étalage d’un savoir-faire, d’une virtuosité et d’un feeling qu’il est l’un des rares à posséder aujourd’hui. A 72 ans, on aurait presque pu envisager qu’il se repose un temps sur des lauriers acquis de longue date, mais c’est tout le contraire. Musclé ou bouleversant (« Love Is My Life »), il sait décidemment tout faire.
Au chant aussi, WALTER TROUT se fait plaisir comme sur « Breathe », écrit pendant le confinement par Richard ‘Bear’ Gerstein et ce n’est pas la seule surprise. L’album s’ouvre sur le morceau-titre, un splendide duo avec la grande Beth Hart, où ils arpentent ensemble des chemins vocaux rocailleux et savoureux. La présence du légendaire harmoniciste Will Wilde illumine également « Bleed », mais c’est celle de Dee Snider, leader de Twisted Sister, qui fait de véritables étincelles sur « I’ve Had Enough ». On ne l’attendait pas à ce niveau-là et le duo est explosif. Enfin, « Courage Is The Dark », « Heaven Or Hell », « Talkin’ To Myself », « Turn Away And Walk » ou « Falls Apart » régalent aussi.
Retrouvez la chronique de son album précédent, « Ride » :