Savoureuse et chaleureuse, cette nouvelle réalisation des Anglo-irlandais est attendue depuis des années. Il faut reconnaître que THE ANSWER fait un parcours sans faute depuis plus de deux décennies maintenant. Entre Hard Rock et Blues Rock, le combo régale une fois encore avec ce lumineux « Sundowners » à la fois pêchu et délicat.
THE ANSWER
« Sundowners »
(Golden Robot Records)
Sept longues années se sont déjà passes depuis « Solas », dernier opus des Britanniques de THE ANSWER. Depuis sa création en 2000, le quatuor originaire de Newcastle d’un côté et de Downpatrick en Irlande du Nord de l’autre s’est forgé un solide répertoire commencé avec le phénoménale « Rise », qui a marqué les esprits et lui a permis d’écumer toute l’Europe avec les plus grands dont Ac/Dc.
Soudés depuis le début, Cormac Neeson (chant), Paul Mahon (guitare), Micky Waters (basse) et James Heatley (batterie) ont donc remis le bleu de chauffe et « Sundowners » est d’une incroyable fraîcheur. Le Rock Hard teinté de Blues ou le Blues mâtiné de Hard Rock, c’est selon, de THE ANSWER semble inusable et intemporel, niché quelque part entre Led Zeppelin et The Black Crowes.
Et ce septième album s’inscrit dans ce que le groupe a fait de meilleur. Dès l’envoûtant morceau-titre qui ouvre somptueusement les festivités, THE ANSWER prend les choses en main sur un groove imparable. Avec une production très soignée, l’équilibre entre les instruments est parfait et sert idéalement des chansons entêtantes (« Blood Brother », « California Rust », « Want You To Love Me », « Get On Back »). Classieux !
En quelques années, ALLY VENABLE est passée d’un statut de star montante à celui d’artiste confirmée. Sans donner dans le démonstratif, la Texane, qui ne renie pas l’influence du grand Stevie Ray Vaughan, fait preuve de beaucoup de feeling dans un esprit délicieusement Southern. Avec « Real Gone », la jeune musicienne fait des étincelles et s’affirme avec classe.
ALLY VENABLE
« Real Gone »
(Ruf Records)
A quelques jours de son 24ème anniversaire, ALLY VENABLE sort déjà son septième album, si l’on inclue le sept-titres « Wise Man » paru alors qu’elle n’avait que 14 ans ! Et cet enfant prodige du Blues Rock ne s’arrête plus depuis et peaufine son jeu au fil du temps. Rien d’étonnant pour cette dernière considération, si ce n’est que son registre devient également de plus en plus personnel.
Guitariste et chanteuse de grand talent, ALLY VENABLE est aussi une songwriter accomplie et réalise même l’ensemble de « Real Gone ». Une maturité qui ne surprend pas plus que ça d’ailleurs lorsque l’on connait la portante courte carrière de la jeune femme. Et pour ce nouvel opus, elle s’est même offerte la collaboration du producteur Tom Hambridge (Susan Tedeschi, Kingfish, …).
Outre les deux moments que constitue la participation de Joe Bonamassa (« Broken And Blue ») et du géant Buddy Guy (« Texas Louisiana »), « Real Gone » regorge de pépites et la musicienne mène l’ensemble avec une élégance rare. Punchy sur le morceau-titre, « Justifyin’ », « Kick Your Ass » et « Two Wrongs », ALLY VENABLE se montre aussi très délicate sur « Gone So Long » et « Blues Is My Best Friend ». Une désormais grande dame !
Avoir autant de talent et de créativité dès ses débuts, c’est suffisamment rare pour être souligné. Le Southern Blues Rock teinté de Soul de HARLEM LAKE est aussi fin et pertinent qu’il est techniquement irréprochable et irrésistible. Après un premier opus de haut vol, les Néerlandais présentent « Volition Live », dont la qualité de la captation est le parfait reflet de leurs très belles compositions.
HARLEM LAKE
« Volition Live »
(Independant)
Découvert il y a deux ans lors de la sortie de leur excellent premier album, « A Fool’s Paradise Vol.1 », les Hollandais ne cessent depuis de faire parler d’eux et l’aventure de cette jeune formation prend une très belle tournure. Auréolé d’une victoire à l’European Blues Challenge l’année dernière, HARLEM LAKE n’a pas attendu un deuxième enregistrement studio pour livrer déjà un premier opus live.
Enregistré le 27 août dernier au Culemborg Blues Festival aux Pays-Bas, « Volition Live » montre le groupe en pleine possession de ses moyens et surtout incroyablement inspiré. La scène révèle HARLEM LAKE avec éclat et les compositions de « A Fool’s Paradise Vol.1 » prennent une ampleur et un volume déjà perceptibles sur l’album. Et une autre surprise attend encore l’auditeur.
En effet, c’est en version XXL que le groupe s’est produit ce soir-là avec le soutien de choristes et d’une session cuivre qui vient augmenter le groove déjà l’œuvre sur les versions originales. Porté par la voix pleine d’émotion de Janne Timmer, le feeling de Sonny Ray à la guitare, des parties d’orgue Hammond de Dave Warmerdam et par une rythmique imparable, HARLEM LAKE prend un envol majestueux d’une classe monumentale.
Rageuse et tellement libre, la nouvelle réalisation de MOONLIGHT BENJAMIN libère une énergie où tout paraît connecté. Explosif et saturé, le Blues ensorcelé de la Queen haïtienne illumine par une volonté fascinante de parvenir à un dessein musical unique. Et c’est chose faite avec « Wayo », qui claque autant qu’il rassemble dans un melting-pot d’influences variées et universelles.
MOONLIGHT BENJAMIN
« Wayo »
(Absilone/Socadisc)
Entre poésie et chamanisme, la chanteuse prêtresse avance sur ce troisième album dans un cyclone Blues et Rock libérant un cri de liberté pour son île meurtri et même au-delà. Dans sa voix, MOONLIGHT BENJAMIN semble également se faire l’écho des multiples catastrophes naturelles et les régimes politiques désastreux qu’a subi Haïti à travers un style aussi intemporel que moderne. Ce disque est un séduisant voyage chaotique.
De cet esprit caribéen omniprésent et même si l’on retrouve aussi des rythmes typiquement africains, il émane une charge émotionnelle incroyable puisée dans la force insulaire de ses origines. MOONLIGHT BENJAMIN a fait sienne la puissance vaudou et l’impact sur ses propres textes chantés en créole est saisissant. Elle envoûte par un chant hypnotique qui se fond dans un Blues torturé. « Wayo » (cri de douleur en haïtien) prend ici tout son sens.
Intenses et spirituelles, ces onze nouvelles chansons produisent un relief étonnant et s’inscrivent dans une sorte de rituel où se croiseraient comme par magie The Black Keys et Rokia Traoré. Mais c’est sans compter sur la singularité vocale de MOONLIGHT BENJAMIN qui marie les genres avec une grande ferveur. « Wayo » est vraiment initiatique dans son approche très mystique, où la lourdeur des tempos accompagne des incantations magistrales.
Qualifier la musique de BOURBON HOUSE uniquement de Blues Rock serait bien trop réducteur. Sur un groove irrésistible, le quatuor du Wisconsin alimente son style de touches d’Americana et de Classic Rock, porté par la voix chaude et puissante de Lacey Crowe. A quelques semaines de la sortie du troisième album du groupe, la chanteuse fait les présentations et nous en dit un peu plus sur la démarche de BOURBON HOUSE qui, je l’espère, ne tardera pas à séduire le public français. Entretien.
– J’avoue vous avoir découvert récemment et un peu par hasard. En poussant un peu des recherches, je me suis aperçu que depuis 2017, vous aviez déjà sorti un EP, deux albums et plusieurs singles ces derniers mois. Est-ce que le fait que BOURBON HOUSE soit si prolifique tient d’une certaine urgence à composer et à jouer ?
Oui, parce qu’on a toujours envie de travailler sur quelque chose de nouveau. Je pense qu’en musique, il est difficile d’attendre, car il y a tellement de choses à faire entre l’écriture et l’enregistrement, ainsi qu’avec les tournées, les tournages de clips, etc… Créer de nouvelles choses est toujours quelque chose de très excitant.
– Votre premier EP éponyme était déjà annonciateur de votre Blues Rock si particulier. On a le sentiment que vous saviez dès le départ qu’elle était la voie à suivre. C’est le cas ?
Quand Jason (Clark, guitare – NDR) et moi avons commencé à écrire des chansons ensemble, il était plus qu’évident que nous étions sur la même longueur d’onde. Je pense que notre signature sonore a à voir avec notre combinaison en tant qu’auteurs-compositeurs. Ça tient aussi du fait que nous complétons très bien nos créations respectives. Je ne pense pas que je pourrais écrire ce genre de musique avec quelqu’un d’autre.
– D’ailleurs, BOURBON HOUSE a conservé le même line-up, je crois. Cette unité entre vous se ressent aussi à travers vos morceaux qui sont très spontanés et qui sonnent aussi très live sur disque. C’est important pour vous de garder cet aspect très direct ?
En fait, il y a eu quelques fluctuations en ce qui concerne notre section rythmique. Mais Jason et moi avons toujours été les auteurs-compositeurs, c’est pourquoi ça sonne toujours comme du BOURBON HOUSE. Le son ‘live’ auquel tu fais référence est un peu intentionnel même s’il est également assez inconscient. Nous avons beaucoup grandi en ce qui concerne l’enregistrement depuis notre premier EP, donc nos productions sont bien meilleures. Mais, nous apprécions toujours autant l’authenticité. Nous ne surproduisons pas, nous n’éditons pas, nous ne quantifions pas, nous ne corrigeons pas la hauteur, etc… Donc si un morceau nécessite cent prises pour être bon, c’est ce qu’il faut faire. Il est important pour nous que l’humain ne soit pas supprimé de la chanson pendant la production. Les petites imperfections sont belles aussi.
– Vu d’Europe, la musique du groupe faite de Blues, de Rock, d’Americana et de quelques sonorités Southern apparaît comme très roots. Est-ce que vous vous sentez un peu dépositaires et surtout héritiers d’un style typiquement américain ?
Je pense que tout est lié. Nous n’aimons pas nécessairement nous enfermer dans un style et nous utilisons des éléments de différents types de musique, mais au cœur des chansons de BOURBON HOUSE se trouvent les sons roots du Blues, de l’Americana et du Rock’n’Roll qui, je pense, influencent tant d’autres genres de toutes les régions du monde aussi.
– Ce qui ressort aussi de votre discographie, c’est que vos compositions et votre jeu s’affinent au fil de vos réalisations, même si « Into The Red » est beaucoup plus Rock que les autres. On a presque l’impression que chaque album est une nouvelle page blanche. C’est aussi comme ça que vous le percevez et l’appréhendez ?
Oui, absolument. Nous n’avons aucun intérêt à créer des variations d’une même chanson. Et même si nous avons une signature sonore à défendre et que nous écrirons toujours ces chansons Blues Rock solides et efficaces pour nos fans, nous avons toujours le désir de composer en allant encore plus loin et approfondir chaque morceau.
– Depuis juillet dernier, vous avez sorti quatre singles (« Resonate », « Out For Blood », « High Road Gypsy » et « Blue Magic »). Pourquoi ce choix et est-ce que ces chansons se retrouveront sur un album à venir prochainement ?
Oui ! En fait, nous en sommes maintenant à cinq singles depuis un an, si on inclue le dernier, « 20 to Life ». Il est tout simplement plus facile de commercialiser un album, lorsque tu as déjà sorti cinq singles. En fait, on travaille dessus depuis la sortie de « Resonate ». Notre quatrième album sortira au printemps et comprendra les cinq singles, deux versions acoustiques et quatre titres inédits.
– J’aimerais aussi que l’on parle de ta voix, Lacey, qui est aussi puissante que délicate. Est-ce que tu écris tes textes, car on te sent réellement habitée et très investie dans leur interprétation ?
Merci ! J’écris les paroles, oui. Non seulement parce que cela m’aide à transmettre le message à un niveau personnel, mais il est également important pour moi sur le plan sonore que les mots sonnent bien de la façon dont je les chante.
– D’ailleurs, la complicité qu’il y a entre ta voix et les riffs de Jason est très souvent explosives. De quelle manière travaillez-vous ce bel équilibre entre la voix et la guitare ?
En fait, si tu écoutes bien les riffs, il n’y a aucune raison pour que je les couvre avec ma voix. Pourquoi le ferai-je d’ailleurs ? C’est aussi une question de respect mutuel. Aucun de nous n’a un énorme ego et on croit toujours que tout ce qui est bon pour la chanson est ce qui doit être fait. Les voix et les guitares doivent se compléter et ne pas se concurrencer ou s’opposer.
– Enfin, il y a une chose qui me laisse un peu perplexe. Comment un groupe comme BOURBON HOUSE n’a-t-il pas encore signé sur un label ? C’est un désir d’indépendance et de pleine liberté ? Ou un manque d’opportunité ?
Je suppose que c’est un peu des deux. Nous avons eu des offres et avons même été signés brièvement. Nous voulons garder le contrôle et nous ne savons pas vraiment ce qu’un label pourrait faire de plus pour nous. L’industrie de la musique est si différente maintenant que les labels ne sont plus nécessaires pour réussir. En bref, nous ne cherchons pas à être signés. Mais si un gros label nous proposait la bonne offre, nous l’étudierions bien sûr.
Retrouvez BOURBON HOUSE et toute son actualité sur son site :
De par son style et ses sonorités, le Blues irlandais a toujours tenu une place particulière grâce, notamment, à ses deux piliers que sont Rory Gallagher et le nordiste Gary Moore. Tout en perpétuant la tradition, le guitariste et chanteur EAMONN McCORMACK impose une touche très personnelle à son Blues Rock. Le natif de Dublin livre un huitième album éponyme puissant et profond. Entretien avec un songwriter et un bluesman de son temps.
– On t’avait quitté il y a trois ans avec « Storyteller », un album lumineux emprunt d’une belle touche irlandaise. Avec ce nouvel album, ton jeu et surtout les morceaux sont beaucoup plus sombres et bruts. La différence d’ambiance et d’atmosphère est grande et manifeste. Que s’est-il passé ? On te sent un peu moins enjoué…
En effet, l’album laisse peut-être paraître ça, mais c’est juste ma façon d’être honnête et c’est aussi ce que je ressens. Avec les années Covid, puis la guerre en Ukraine, la société via Internet est aussi devenue très sombre. Il me fallait écrire avec mon cœur et je savais que certaines chansons ne seraient pas pour les timides. Je n’ai jamais été formaté. Donc, si je ressens le besoin d’écrire sur des sujets qui dérangent, j’ai du mal à me retenir et personnellement, j’ai toujours cru que c’était ce qui caractérise l’art également. Mais si on regarde le bon côté des choses, je suis en fait une personne positive, même si beaucoup de choses sont difficiles et dingues dans le monde d’aujourd’hui. Mais avec le temps, je crois que des changements apparaîtront et que nous, ou la prochaine génération, vivrons dans un monde meilleur et plus sûr.
– Tu ouvres l’album avec « Living Hell », long de huit minutes, au tempo assez lent et à la noirceur dominante. C’est assez inédit que démarrer un disque avec un titre d’une aussi grande émotion. C’est un choix très fort. Qu’est-ce qui t’a décidé à placer cette chanson en début plutôt qu’un titre plus entraînant et joyeux, et quel est son thème principal ?
Je me souviens qu’une fois que les dix chansons étaient prêtes, j’ai tout de suite pensé que « Living Hell » ouvrirait l’album. J’avais l’idée dans un coin de la tête dès le départ. En plus, c’était une des premières chansons, sinon la première, composée pour l’album. Je me suis donc habitué à ce qu’elle le soit avant même que nous ayons commencé l’enregistrement. Pendant un moment, j’ai également pensé qu’elle serait sans doute trop sombre pour démarrer. Mais je me suis immédiatement repris ! Bon sang, c’est un sujet profond sur lequel je me sens très légitime. Toute l’activité et cette industrie corrompue des armes à feu profitent directement, ou indirectement, aux gangs de rue et se propagent aussi dans des fusillades dans les écoles, dans les guerres de la drogue, dans les armées d’enfants et finalement attisent la guerre elle-même dans sa globalité.
– Au fil de l’album, on retrouve toujours ce Blues Rock très brut et délicat aussi, notamment dans les solos de guitare. S’il est toujours aussi survolté, c’est l’un de tes disques le plus pesant et le plus lourd dans le propos également. Il reflète peut-être plus notre société et notre monde d’aujourd’hui. C’est ce que tu as voulu dépeindre ?
Oui, je voulais relayer mes sentiments et projeter mes émotions dans les chansons, surtout qu’il s’agit de l’actualité du monde qui nous entoure aujourd’hui. Je joue toujours de la guitare en pensant d’abord à la chanson. C’est très important. Par conséquent, une chanson sur la guerre contre la drogue, ou la guerre nucléaire, ne sonnerait pas avec une ambiance douce. Donc ça devient sacrément lourd par endroit, mais c’est quelque chose de très naturel pour moi. Je n’y pense pas vraiment en tant que tel, c’est une sorte d’approche en pilote automatique. Je comprends tout de suite quelle guitare et le son qui fonctionneront pour chaque chanson. J’ai tendance à jouer très lourd, mais sans franchir cette frontière avec le Metal. Ma façon de jouer me permet de le faire tout en conservant cette sensation de Blues. C’est juste mon jeu qui est ainsi.
– Il règne cet esprit irlandais avec une morale finalement assez présente sur beaucoup de morceaux comme « Letter To My Son » ou « Angel Of Love ». Sans donner de leçon, il y a un côté protecteur et prévoyant. C’est assez rare de voir cet aspect assez engagé dans ta discographie. C’était important pour toi de livrer certains messages cette fois-ci ?
Bien sûr, je pense que la paternité change beaucoup votre point de vue sur la façon dont vous voyez les choses. Et oui, il y a toujours un élément de conseil irlandais, qui vient de notre culture. Il y a un prédicateur craignant Dieu et qui est ancré dans le cœur, l’âme et le corps, lorsque vous venez d’Irlande. C’est difficile à changer. Mais pour moi, « Letter To My Son » et « Angel Of Love » sont des chansons d’espoir. Avouons-le, il y a assez de cupidité, de haine et de racisme dans le monde et c’est donc aux parents d’éduquer leurs enfants à l’amour. Nous pouvons le changer pour le mieux, mais beaucoup de travail reste à faire. Dans « Angel Of Love », je demande qu’un ange d’amour soit envoyé, mais en fait, ce n’est qu’un portrait, une vision romane. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’un véritable Sauveur qui serait capable un jour, dans un avenir pas trop lointain, de rassembler toutes les grandes et petites puissances nucléaires et les amener à s’asseoir à une même table pour discutez de l’avenir, parce que nous savons que la guerre nucléaire sera dévastatrice pour tous.
– Et en marge, on retrouve ton style en power trio avec des morceaux beaucoup plus festifs comme « Rock’n’Roll Bogie Shoes » et « Social Media Blues », qui sont très dansants et beaucoup plus fun. Ce sont d’ailleurs des respirations très bienvenues sur l’album. C’est aussi comme ça que tu as souhaité qu’on les perçoive ?
C’est assez inconscient finalement. Ces deux chansons se prêtent à des sujets amusants et plus légers. Je me souviens les avoir joué sur ma guitare acoustique, assis dans une chambre d’hôtel et avoir pensé : « Génial ! Quelques chansons plus fun pour équilibrer un peu l’album » et cela pourra aussi empêcher l’auditeur de prendre du Prozac ! (Rires)
– Souvent, lorsqu’on sort un album éponyme, c’est pour affirmer son identité. La tienne est multiple avec des influences du Delta, Southern, parfois funky, Metal et celtique, bien sûr. Et ensuite, très moderne dans son graphisme, la pochette en dit long aussi. Comment l’as-tu imaginé ?
Tout a commencé autour de mon propre logo celtique, qui était l’idée de mon management. Mes initiales, ‘E-Mc-C’, sont y cachées ! Une fois les chansons écrites, et aussi diverses soient-elles, il y avait cet entremêlement qui me représente tellement. Donc, à peu près au même moment avec mon management, nous nous sommes dit que l’album était fidèle à ce que je suis, à mon style et à mon écriture. Alors, pourquoi ne pas en faire un album éponyme et avec mon nouveau logo ? Et nous nous y sommes tenus…
– Après une écoute attentive de l’album, on y décèle beaucoup de nuances avec un gros travail effectué sur les arrangements notamment. Où et dans quelles conditions a-t-il été enregistré ? Je trouve qu’il sonne légèrement différemment des précédents…
Il a été enregistré dans le même studio que « Storyteller » en Allemagne et de manière similaire, c’est-à-dire en live autant que possible. Les morceaux ont été répétés pour la plupart sur la magnifique île de Texel aux Pays-Bas. La grande différence sur cet album est que j’ai finalement pu développer le son de ma guitare exactement là où je le voulais. Et je l’ai fait sous la direction et avec l’aide de Hoovi, qui est un arrangeur et designer sonore autrichien. De plus, Arne Wiegand est un producteur fantastique et il a également ajouté sa magie au mix final.
– J’aimerais que tu nous dises un mot de ces deux chansons que tu as dédié à Lemmy de Motörhead et à l’aviatrice Amelia Mary Earhart, appelée également Lady Lindy (« Hats off to Lemmy » et « Lady Lindy »). Si je vois bien le lien avec Lemmy, le second est plus étonnant. On sent une grande marque de respect et presque de remerciement, c’est le cas ?
Oui, « Hats Off To Lemmy » est exactement ça. C’est un hommage au Hell Raiser sans compromis qu’était Lemmy. Je crois qu’il était le rockeur le plus authentique de tous les temps. Il était vraiment entier et il a vécu sa vie à fond.
Et c’est vrai que les pionniers de l’aviation m’ont toujours fasciné : des frère Wright, Alcock et Brown à Charles Lindburgh et Amelia Earhart. Quand j’étais jeune, mon père m’a montré sur la plage de Galway, où Alcock et Brown ont débarqué. Mais l’histoire d’Amelia a toujours été la plus intéressante pour moi. C’était une vraie pionnière. Elle vivait à une époque où les femmes ne mettaient pas de pantalon, sans parler de piloter son propre avion. Elle était en avance sur son temps. J’ai également écrit une chanson sur l’album au sujet du grand chef apache Geronimo et le sort des tribus indigènes. Son histoire est à la fois incroyable et tragique.
– Enfin, depuis huit albums maintenant, on t’a vu et considéré à juste titre comme la relève du Blues Rock irlandais, qui vit toujours dans le souvenir de Rory Gallagher et aussi du nordiste Gary Moore. Quel regard portes-tu sur la scène de ton pays, dont on entend finalement assez peu parler ?
C’est vrai que je suis très heureux de jouer, d’enregistrer, de faire des tournées et de perpétuer à ma manière une tradition unique de Blues Rock celtique. J’ai eu le plaisir de jouer et d’enregistrer avec Rory et Gary, et j’étais conscient de cette chance. Il y a pas mal de groupes ‘Tribute’ à Rory et Gary et c’est cool. Mais j’aimerais voir plus de jeunes Irlandais écrire et interpréter leur propre Blues Rock. Il y en a quelques-uns, mais très peu et c’est dommage, car les artistes de Blues Rock irlandais apportent quelque chose de très différent et de spécial dans leur jeu. Il y a une grande scène Rock chez nous et nous avons aussi le ‘Rory Gallagher International Tribute Festival’ à Ballyshannon dans le Donegal. Les médias nationaux et grand public ne soutiennent pas le Blues et le Rock autant qu’ils le devraient en Irlande. Ils l’ignorent presque et c’est dommage.
Le nouvel album d’EAMONN McCORMACK est disponible sur le site du musicien :
Plutôt rare en interview, mais d’une grande générosité musicale, THE INSPECTOR CLUZO est de retour avec le très bon « Horizon », neuvième opus d’une discographie qui s’étoffe autant que ses prestations enflamment les scènes où le duo sévit. Toujours entre Rock et Blues, les Gascons ont composé un très bon nouvel album, qui devient vite addictif (voir chronique ci-dessous). Superbement produit, un certain Iggy Pop y est même allé de son petit message personnel avec la délicatesse qu’on lui connait. Un disque qui respire donc la joie, mais qui met aussi le doigt sur de multiples problèmes environnementaux que connaissent bien les deux fermiers. Court donc, mais très agréable, échange avec deux amis, Laurent Lacrouts (chant et guitare) et Mathieu Jourdain (batterie), qui tranchent avec le milieu de l’industrie musicale pour mon plus grand plaisir.
– Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce neuvième album porte bien son nom. En effet, il présente un large « Horizon » de votre univers musical et aucun morceau ne ressemble à un autre. Pourtant, il y a une grande homogénéité. Votre désir était-il de faire une sorte de bilan, ou de tour du proprio, de vos 15 ans de carrière ?
C’est le neuvième album en 15 ans, on a toujours beaucoup écrits et composés de chansons. Nous faisons de la musique depuis l’age de 7 ans tous les deux, on a démarré par le sax et la trompette et nous jouons donc de plusieurs instruments. Quand on a co-arrangé le concert des arènes de Mont de Marsan avec le symphonique de Pau l’année dernière, ça a été un peu l’aboutissement là en effet, car quand ta musique est jouée devant 4.000 personnes par une trentaine de grands musiciens. Ca fait quelque chose, surtout 40 ans après. Une forme de parcours. Cet album « Horizon » est la suite logique de l’évolution de notre songwriting et de nos compétences qui évoluent avec les années depuis 40 ans… Nous n’avons cessé, tous les deux, de nous remettre en question en permanence, depuis que nous sommes jeunes et nous continuons à chaque album, car on pense que si tu veux progresser, il faut être humble et toujours se remettre en question.
– « Horizon » a nécessité trois ans de travail, ce qu’on peut comprendre entre votre métier à la ferme et les tournées. En écoutant le résultat et l’atmosphère joyeuse de l’album, on croirait presque que ces trois semaines à Nashville ont été une petite récréation. C’est le cas ?
Oui, de toute façon pour nous l’enregistrement est un accomplissement, c’est la fin du processus de création et donc on s’amuse toujours beaucoup. Le travail dur est fait en amont à la composition. C’est là qu’on travaille énormément et qu’on laisse le temps au temps, souvent quand la chanson a mûri, ça sort en 10mn. Mais le process de digestion peut prendre des années. Par exemple, « Horizon », la chanson elle-même, ça aura pris 15 ans… car elle était sur le premier album, mais on était insatisfait du résultat. On crée tout le temps, souvent à notre insu, en vivant tout simplement.
– Vous êtes donc retournés à Nashville enregistrer avec Vance Powell que vous connaissez maintenant très bien. Comment cela se passe-t-il avec un producteur de cette renommée ? Vous arrivez avec une idée bien précise du son que vous souhaitez, ou est-ce que vous vous laissez guider et suivez ses conseils ?
Vance est très sélectif avec les groupes avec qui il travaille. Il a refusé un paquet de groupes (gentiment), dont la liste est longue comme le bras et certains sont des noms très célèbres. On a pu l’expérimenté, car il a refusé de faire l’un des plus grands bluesmen américains juste devant nous, car on était là et l’autre voulait nous dégager. Et ça Powell, il est un peu comme nous, il s’en fout de qui tu es. C’est un indépendant comme nous, il fait ce qu’il veut et il n’a jamais été dans le show-biz. Et malgré le fait que c’est sûrement l’un des 2/3 meilleurs en Rock aux Etats-Unis, il ne travaille pas forcément son réseau comme on dit, un peu comme nous. Il se concentre aussi sur la musique seulement. Il veut que les groupes aient ‘a thing’, un truc. Tous les groupes qu’il fait ne sont pas des débutants. Ils ont tous un truc ultra-personnel. Du coup, il ne va pas corriger ce que tu es, puisque il t’a choisi pour cela (Rires) ! Il essaie de te guider pour tirer le meilleur de toi, donc en gros, c’est beaucoup d’essai de son, car tout est fait à la source. Mais les chansons ne bougent que très peu entre les démos et l’enregistrement. Par contre, le niveau d’exigence de la performance est ultra-élevé. Le chant sur cet album a été une priorité, car les textes portés sont forts et Vance a fait avec Laurent comme il fait avec Stapleton… C’est-à-dire à fond pour avoir le meilleur.
– Vance Powell a d’ailleurs déclaré que c’était votre album le plus personnel. On le comprend très bien à l’écoute des textes, qui parlent essentiellement de votre quotidien. Justement, lorsque vous écrivez et composez vos morceaux, on pourrait penser que vous ayez envie d’échapper un peu à tout ça le temps d’un disque. Votre métier est si viscéral que vous ne puissiez vous en détacher ?
C’est plutôt que le style de musique qu’on fait. En tout cas, c’est vrai que ce qu’on pense a besoin de sens, sinon ça sonne vite creux. Les textes dans ce style de musique, c’est 50%, voire plus, d’une chanson. Elles sont composées à la guitare acoustique et ça fait pareil (Rires) ! Si on n’y mettait pas de sens, on ne ferait plus de musique. Il faut avoir du carburant dans les tripes et ça, c’est la vie qui te le procure et trop de confort ne fait pas bon ménage avec cette musique. Et ce n’est pas notre cas (Rires) ! Donc, on peut continuer… (Sourires)
– Votre album précédent, « We The People Of The Soil », s’est très bien vendu ce qui devient assez rare de nos jours en France surtout et dans ce registre. Vous avez été approchés par plusieurs labels et maisons de disques, et vous avez préféré continuer l’aventure en indépendant. Pourquoi ce choix ? Cela aurait aussi pu vous soulager de pas mal de boulot et aussi de contraintes, non ?
On a eu des propositions. On en a toujours eu, provenant de labels et surtout en tournée où là, ça fait la queue (Rires) ! On aurait pu se refaire la grange avec ce qu’on nous a proposé, mais on trouve ça hors-sol par rapport à notre réelle valeur économique. On essaie de maintenir une certaine idée des richesses économiques, sociales et environnementales. Les trois sont très importants à nos yeux, et nous sommes les seuls qui peuvent faire les trois par nous-mêmes. On veut juste montrer, comme avec la ferme d’ailleurs qui est aussi indépendante, qu’avec de petits moyens et des richesses économiques, sociales et environnementales, on peut faire son truc dans une certaine forme de sobriété, mais aussi d’efficacité. Nous n’avons rien contre les gros, car il en faut, mais les petits autofinancés ont aussi le droit d’exister et c’est important. Il y a de la place pour tout le monde.
Partagé entre la ferme et la scène, THE INSPECTOR CLUZO a pourtant, et plus que jamais, les pieds sur terre. Mobilisé et entreprenant, le duo Blues Rock reste passionné et enflammé. Militants de la première heure, les Landais livrent avec « Horizon », l’un de leurs albums le plus personnel et le plus abouti de leur discographie. Découverte de l’album donc, avant une interview à venir…
THE INSPECTOR CLUZO
« Horizon »
(Fuck The Bass Player Records)
Il y a 15 ans, THE INSPECTOR CLUZO ouvrait la voie aux duos explosifs, qui sont aujourd’hui légions. Jamais égalés, Laurent Lacrouts (guitare, chant) et Mathieu Jourdain (batterie) viennent de sortir depuis leurs Landes natales un neuvième album ardent et toujours autoproduit, où leur Blues Rock prend encore plus de volume. Toujours aussi inspiré, le groupe nous livre un « Horizon » majestueux et… dégagé.
Trois ans de travail dont trois semaines de studio à Nashville, Tennessee, ont été nécessaires à THE INSPECTOR CLUZO pour élaborer et mettre au point le successeur de l’excellent « We The People Of The Soil », sorti il y a cinq ans. Fort de ce succès, les deux fermiers ont enchainé les concerts, dont une belle prestation au Hellfest cette année, et ont retrouvé le producteur Vance Powell (Raconters, Jack White) pour un résultat brillant.
Toujours aussi roots, THE INSPECTOR CLUZO réussit encore à surprendre grâce à des arrangements très soignés, des compos nuancées et un engagement intact. Magnifié par un violon, un violoncelle et une voix féminine sur « Shenanigans », délicat sur « The Outsider », entraînant sur « Act Local Think Global », musclé sur « Rockphobia » et « The Armchair Activist » et euphorisant sur « Saving The Geese », « Horizon » est un festin musical.
Resté dans l’ombre des groupes Rock, Blues Rock et Hard Rock ayant réussi à percer au-delà de leur Australie natale, Buffalo, devenu BUFFALO REVISITED, est pourtant à l’origine de l’élaboration d’un style qui a depuis fait ses preuves. Entre Metal, Blues et Rock et bardé de grosses guitares et d’une lourde rythmique, le groupe a ressurgit il y a quelques mois à l’occasion de la sortie de « Volcanic Rock Live », la version en public de son album le plus vendu. Dave Tice, leader et chanteur de la formation originelle, revient pour nous sur quatre décennies de musique et l’histoire peu commune d’un combo pas banal.
– Dave, avant de parler de cet album, j’aimerais savoir pourquoi tu as ajouté ’Revisited’, alors que le groupe s’appelle à l’origine BUFFALO ?
Pour deux raisons et je tiens vraiment à dire la vérité. Ce n’est pas le groupe original et je voulais m’assurer que tout le monde le comprenne. Ca m’ennuie toujours quand des groupes font des concerts en prétendant être quelque chose qu’ils ne sont pas. Pour moi, c’est contraire à l’éthique. Et ce n’est pas parce qu’il y a un membre originel que c’est le véritable groupe. Ce serait un mensonge… et pas très cool.
Ensuite, certains membres originels du groupe n’étaient pas très contents que je décide de faire tout ça. Ils ont tout essayé pour m’arrêter, même s’ils n’avaient pas joué depuis plus de 40 ans et qu’ils ne le faisaient pas non plus de leur côté. Ils m’ont menacé par des injonctions et ont même appelé les promoteurs en les menaçant également. Je n’aime pas qu’on me dise ce que je peux, ou ne peux pas, faire et je ne voulais pas passer ma vie dans les salles d’audience. Un ex-membre a même essayé de déposer le nom ‘Revisited’ juste pour m’arrêter.
– Tu es le chanteur et leader du groupe depuis ses débuts, ainsi que le dernier membre de la formation de départ. Alors que tu menais une carrière solo depuis de nombreuses années, qu’est-ce qui t’a poussé à faire revivre et ressusciter BUFFALO ?
Comme tu le dis, j’ai eu beaucoup d’autres projets depuis l’époque de BUFFALO, dont trois albums au Royaume-Uni avec The Count Bishops, suivis de trois ans à la tête du groupe britannique The Cobras. Je suis retourné en Australie en 1984 et j’ai tourné avec un certain nombre de groupes aussi. J’en ai formé quelques-uns moi-même et j’ai enregistré plusieurs albums. Actuellement, je chante, je joue de la guitare et de l’harmonica dans mon trio, The Dave Tice Trio. En fait, je n’ai jamais eu l’intention d’interpréter à nouveau les chansons de BUFFALO. J’aime aller de l’avant, mais pendant des années, on m’a demandé de faire des spectacles ‘revisitant’ ces chansons et on m’a finalement proposé quelque chose que je ne pouvais pas refuser. Ce que je pensais être un simple spectacle en 2013 s’est transformé en un succès les années suivantes. Ca a été une surprise pour moi que tant de gens conservent une grande affection pour les chansons du groupe. Je suis un musicien qui ne regarde derrière lui, car je sens qu’il est de mon devoir d’évoluer et d’explorer de nouveaux territoires. Après avoir fait le premier concert en co-tête d’affiche d’un festival de Sydney, j’ai découvert un amour renouvelé pour ces vieilles chansons et j’en suis très heureux.
– Aujourd’hui, qui compose BUFFALO REVISITED et comment as-tu choisi les musiciens qui t’accompagnent ?
Choisir des musiciens pour recréer le son de BUFFALO n’a pas été facile et, en fait, il y a eu trois line-up différents pour finalement arriver au groupe sur l’album live. Ils ont tous été bons mais, comme tu t’en doutes, ce sont de grands musiciens qui sont eux-mêmes impliqués dans d’autres projets et qui ne peuvent pas s’engager dans quelque chose qui ne se produit qu’occasionnellement. Je dois dire que l’ensemble de l’album live possède le meilleur line-up avec Troy Vod à la guitare, Steve Lorkin à la basse et Marcus Fraser à la batterie. Ils ont parfaitement su capter les sensations et la puissance de BUFFALO comme on peut l’entendre sur le disque.
– « Volcanic Rock » est l’album le plus emblématique du groupe et mis à part le fait qu’il s’est bien vendu à l’époque et qu’il a fêté ses 45 ans, qu’est-ce qui t’a donné envie de l’interpréter en entier pour sortir ce tout premier album live de BUFFALO REVISITED ?
Le spectacle où cela a été enregistré était une célébration du 45ème anniversaire de la sortie de « Volcanic Rock ». Ca semblait approprié de le faire et de satisfaire la demande constante des fans. Je n’ai jamais eu l’intention de faire un album live, mais j’avais demandé à l’ingénieur du son sur place de l’enregistrer comme souvenir pour les membres du groupe. Je ne m’attendais pas à ce que cela débouche sur une sortie commerciale. Ce n’est même pas du multipiste, juste un sous-mixage quatre pistes directement sorti de la console, ce qui prouve d’ailleurs la force du groupe et le talent du preneur de son. Ensuite, j’ai été contacté par Todd Severin de Ripple Music, qui est fan de BUFFALO, et il voulait savoir s’il y avait des trucs qu’il pourrait sortir aux Etats-Unis via son label. Je lui ai envoyé une copie approximative des chansons en direct et à ma grande surprise, il était très désireux de le sortir. Je dois remercier Todd et son équipe de m’avoir fait réaliser que notre musique est toujours appréciée bien au-delà des côtes australiennes.
– En écoutant « Volcanic Rock Live », on se rend compte que les morceaux restent intemporels et surtout que, 45 ans après, la puissance de ton chant est intacte. As-tu des regrets que l’aventure n’ait pas duré plus longtemps à l’époque ?
En fait, mon aventure a toujours continué, mais sur des routes nouvelles et différentes. Bien sûr, cela aurait été bien d’avoir plus de reconnaissance avec BUFFALO et de l’emmener partout dans le monde, mais ce n’était pas possible à l’époque. Mais je n’ai aucun regret. En fait, je pense que c’est même mieux. Trop de groupes ont du mal à se dépasser pour finalement dévaloriser ce qu’ils ont créé à l’origine. Toutes les choses ont une fin et rien ne dure éternellement. Si nous restons immobiles, nous stagnons et nous devenons des caricatures. Ce que nous avons fait à l’époque semble avoir résisté à l’épreuve de temps et nous ne devrions jamais gâcher cela en faisant quelque chose de nul. Et je te remercie pour le compliment sur mon chant et ce qu’il en reste. C’est simplement parce que je reste enthousiaste et que j’aime ce que je fais. Je ne suis ni lassé, blasé ou cynique.
– BUFFALO a montré la voie à de nombreux groupes australiens, et pas seulement, et on l’oublie un peu. Es-tu conscient de l’énorme héritage laissé par le groupe ?
Je suppose que j’en ai conscience, mais ce n’est pas quelque chose sur laquelle je m’attarde. A l’époque, on croyait en ce que nous faisions malgré le fait d’être ignoré par la radio et le ‘business’. Et maintenant nous voyons la reconnaissance, l’estime et l’amour des fans près de 50 ans plus tard et c’est pour moi plus précieux que de rester quelques semaines dans les charts. Je ne me soucie pas vraiment de la célébrité et de la taille des comptes bancaires, j’adore faire de la musique et j’ai eu la chance de pouvoir passer ma vie à le faire à ma manière, et sans l’interférence ou les manipulations de comptables et de managers. Il ne nous est jamais venu à l’esprit que nous allions influencer d’autres groupes, nous avons juste continué notre truc. Si nous l’avons fait, c’est un bonus supplémentaire.
– Le Rock très proto-Metal de BUFFALO a influencé de nombreux courants musicaux comme le Hard Rock, le Heavy Metal, le Stoner ou le Doom tout en gardant une touche très Blues Rock et Pub Rock. Actuellement, de quels styles et groupes te sens-tu le plus proche artistiquement ?
Je dois avouer que je ne fais pas beaucoup attention à ce que font les autres groupes, je me concentre sur mon propre travail. Cela dit, je ne vois personne que je décrirais comme proche de BUFFALO sur le plan artistique. D’après ce que j’ai entendu des groupes de Heavy Rock les plus récents, ils semblent tous avoir le même son avec des guitares saturées et floues, un million de notes dans chaque mesure et des voix grondantes que je ne peux pas distinguer. Cela semble être devenu une formule très restreinte.
– « Volcanic Rock Live » est donc votre seul album live. Il a été enregistré à Sydney devant quelques chanceux. Dans quelles conditions s’est déroulé le concert et comment est née cette collaboration avec Kent Stump de Wo Fat ?
Comme tu le dis, c’est notre seul album live et je suis heureux que cela se soit réellement produit. Le concert a eu lieu au ‘Crow Bar’ à Sydney devant un public limité, autour de 250 personnes. Et c’est quelque chose dont je suis fier. Quant à la ‘collaboration’ avec Kent, elle est née parce que Ripple lui a demandé de concevoir la pochette de l’album et je dois dire qu’il a fait un travail remarquable. En dehors d’échanges d’e-mails pour finaliser le design, je ne connais pas vraiment Kent, mais j’admire son travail.
– Enfin, ces quelques concerts et surtout la sortie de cet album t’ont-ils donné envie de continuer l’aventure, et pourquoi pas de composer de nouveaux morceaux pour donner une seconde vie à BUFFALO ?
Je ne dis jamais non, mais ce n’est pas dans mes plans de continuer les concerts avec BUFFALO REVISITED. Ripple Music a de quoi sortir un autre album de ce dernier concert et il peut choisir de le sortir dans le futur. Nous n’avons pas encore finalisé d’accord à ce sujet. Quant à écrire de nouvelles chansons, qui sait de quoi demain sera fait? Je ne m’attendais pas à sortir un album live via Ripple, mais c’est arrivé ! Le monde est un endroit étrange et merveilleux.
« Volcanic Rock Live » est disponible chez Ripple Music.
Et si ce troisième album de la chanteuse, guitariste et compositrice LAURA COX n’était finalement pas celui de la maturité ? Après un nombre incalculable de concerts, celle qui a toujours livré un Hard Blues teinté de Southern propose avec « Head Above Water » un disque authentique, à l’équilibre parfait et solide et montre une grande confiance, notamment vocalement. La Française a franchi un cap, c’est une évidence, en réalisant un disque plus posé et plus roots aussi. Entretien avec la virtuose.
– Notre dernière interview date d’octobre 2020 lors d’un concert en Bretagne (salle Cap Caval à Penmarc’h – 29) et c’était le dernier avant l’interdiction. Et tu me disais que le Covid avait tué ton deuxième album. Depuis, tu as repris le chemin des concerts. Quel bilan tires-tu finalement de « Burning Bright » ?
Oui, on a été beaucoup freiné dans la promotion. L’album est sorti en novembre 2019 et ensuite, on a tourné jusqu’en mars seulement alors qu’on était en pleine lancée. C’est vrai que la vie du deuxième album a été un peu étrange. Mais on a beaucoup joué depuis l’année dernière et on a pu continuer à le faire vivre, mais tout a été un peu décalé. Le cycle des concerts a été très étrange aussi et c’est donc assez difficile d’en tirer un bilan. On l’a joué comme on a pu, mais je sens, comme les gens, qu’on a besoin d’un peu de fraîcheur, de nouvelles chansons… Et cet album va faire du bien à tout le monde !
– J’ai eu le plaisir de te voir au dernier ‘Hellfest’, pour bien commencer la journée, et tu nous as servi un set époustouflant. Toi qui es vraiment une artiste de scène, quel souvenir en gardes-tu, surtout après des mois très compliqués pour tout le monde ?
En fait, le ‘Hellfest’, on a eu le temps de s’y préparer, car on avait été programmé fin 2019 et ensuite cela a été reporté, reporté… Donc, j’ai eu le temps de le voir venir ! Mais c’était comme un rêve. Cela faisait des années que j’en rêvais ! C’était aussi un peu étrange, car j’y vais en tant que festivalière depuis 2010 et j’avais un peu l’impression d’être chez moi, à la maison, mais cette fois, c’était de l’autre côté : du côté artiste. Et l’accueil a été bon et on s’est éclaté malgré la chaleur. C’est un super souvenir, même si tout est passé très vite, puisqu’on a joué une trentaine de minutes. Et j’espère que ce ne sera pas notre dernier !
– Juste pour conclure sur ta prestation à Clisson, comment est-ce qu’on prépare un set dans des conditions comme celles-ci, à savoir une grande exposition et un passage assez court finalement ?
C’est vrai que c’est un show qu’on a vraiment préparé différemment. On a sélectionné les chansons les plus pêchues, parce qu’on sait très bien que les gens ne s’attendent pas à avoir 30 minutes de ballades. D’habitude, le set n’est pas construit comme ça, mais on joue très rarement aussi peu de temps. On y a mis toute notre énergie, même si on n’a pas trop nuancé en envoyant principalement des titres très Rock. On voulait quelque chose de dynamique, qui arrive à maintenir le public en haleine. Il y avait aussi quelques titres du nouvel album qu’on avait joué en avant-première. Rapide et efficace, au final !
– Parlons maintenant de ce très bon « Head Above Water » que tu es allée enregistrer à nouveau au mythique Studio ICP de Bruxelles en Belgique avec Erwin Autrique et Ted Jensen. L’ambiance devait être explosive pour ce troisième album après une telle attente, non ? Ou est-ce qu’au contraire tu étais plus sereine et détendue ? Ou les trois !?
J’étais assez sereine au final. L’enregistrement du premier album (« Hard Blues Shot » – NDR) avait été un peu compliqué, car je manquais de confiance en moi et l’ambiance n’était pas non plus super, car on avait eu des soucis techniques. Maintenant, plus ça va et plus tout se passe bien. On a travaillé dans la bonne humeur en étant studieux et productif, même si on s’est aussi beaucoup amusé. Je savais que j’étais bien entourée, que l’ambiance était bonne et puis, on n’avait pas rodé les chansons sur scène comme d’habitude, non plus. Elles étaient plus fraîches, plus spontanées, moins préparées et je pense que ce n’est vraiment pas un mal pour du Rock. Parfois, on a tendance à passer trop de temps sur une chanson et on se perd. J’ai abordé tout ça très sereinement en sachant aussi que ce ne serait pas de tout repos, parce qu’on avait deux semaines bookées et il fallait enregistrer tous les instruments additionnels que j’avais mis, les différentes pistes de guitares : il y avait quand même un peu de monde sur l’enregistrement. J’avais fait un petit planning et on était bien organisé.
– D’ailleurs pour rester sur l’enregistrement, beaucoup d’artistes de Blues rêvent d’aller enregistrer aux Etats-Unis ou même en Angleterre. Tu n’as pas été tenté par une aventure outre-Atlantique pour « Head Above Water » ?
En fait, mon label (Verycords- NDR) m’a proposé de repartir à l’ICP et comme cela s’était très bien passé pour le deuxième album (« Burning Bright » – NDR), il y avait un côté rassurant aussi, car je connais bien l’ingé-son, je connais bien le matos et l’accueil est très bon. C’est un super studio ! Je me sentais bien de revenir, car je savais qu’ils nous attendaient et où on allait enregistrer aussi. A un moment, je voudrais sûrement chercher d’autres sonorités, d’autres expériences. En tout cas, pour celui-là, on le sentait bien de le faire là-bas.
– Le titre de l’album en dit long sur ton état d’esprit à travers ces onze nouveaux titres, et pourtant c’est peut-être ton album le moins rageur, ce qui ne veut pas dire le moins fougueux ! Comment tu l’expliques ? Son écriture pendant le Covid peut-être ?
C’est ça ! Pour cet album, je voulais quelque chose de moins Hard, j’en avais un peu marre de crier tout le temps ! (Rires) Pendant le Covid, je suis partie au Portugal où j’ai composé la majorité des chansons près de l’océan. Je pense que ça a joué sur l’ambiance. Je voulais un album Rock et assez énergique, mais un peu moins dans le côté sombre et Hard. C’est ce que j’ai essayé de faire et je pense aussi qu’il me ressemble un peu plus. Le travail de compos était assez différent puisque, géographiquement, je n’étais pas au même endroit donc on a beaucoup moins travaillé ensemble. Quand je suis revenue, on a tout réarrangé en répétition et Mathieu (Albiac- NDR) a aussi apporté beaucoup de riffs et d’instrumentaux sur les morceaux les plus Hard, mais pour le reste, j’ai beaucoup plus travaillé en solo.
– Justement, je le trouve beaucoup plus Blues dans son ensemble et légèrement moins Rock dans l’approche. Il y a des aspects très roots avec notamment un banjo plus présent et de la slide aussi. Ca vient d’un désir d’explorer plus en profondeur toutes ces façons de faire sonner les cordes pour offrir un rendu peut-être moins massif ?
Oui, c’’est quelque chose que j’avais déjà un peu commencé à explorer avec le banjo, qui était beaucoup plus discret, sur les autres albums. J’ai eu envie de pousser ça un peu plus, car j’adore les instruments un peu Bluegrass. J’ai ajouté un peu de banjo, de la lap-steel et c’est quelque chose qui me plait vraiment de mixer toutes ses influences. C’est quelque chose que je pense garder comme ligne directrice pour les prochains disques. Je vais continuer à creuser dans cette direction.
– Pour avoir beaucoup écouté « Head Above Water », il a une sensation de road-trip qui règne sur l’album avec une dynamique qui ralentit un peu parfois, mais sans jamais s’arrêter. On fait un bon bout de route sous des cieux assez cléments et enjoués. C’était l’intention de départ ?
Oui, un peu à la façon d’un voyage. J’avais envie qu’on se plonge un peu là-dedans avec un trame directrice. Comme tu dis, il y a des plans un peu plus doux, mais j’avais envie de l’imaginer comme on le faisait à l’époque, qu’on l’écoute en entier et pas en choisissant les chansons à l’unité. Je l’ai pensé comme ça, effectivement. En tant qu’auditrice, c’est aussi comme ça que j’écoute la musique. J’aime bien écouter les albums dans leur intégralité, plutôt que de sélectionner des chansons.
– On est complètement d’accord ! Le streaming, je ne sais même pas ce que c’est…
(Rires) C’est pratique, mais ça a beaucoup moins de charme, c’est vrai. Je préfère acheter un album pour avoir le contenu physique entre les mains. Un disque, tu le regardes, tu le découvres… C’est aussi un voyage visuel et pas seulement musical.
– Vocalement aussi, on te sent plus apaisée et plus féminine aussi, dans le bon sens du terme. Si la guitare reste ton terrain de jeu favori, est-ce que tu as plus travaillé ta voix sur cet album pour qu’elle soit autant mise en avant et avec autant de variété ?
Justement, j’ai arrêté de me dire que je voulais chanter comme telle ou telle chanteuse et j’y suis allée naturellement en me disant comment est-ce que je sentais les choses. Je n’ai pris aucune référence sur les chansons et tout ça est sorti très naturellement. Je pense aussi que j’ai gagné en expérience et en confiance en moi. Et vocalement, tout a été plus simple que sur les précédents. Je pense aussi que c’est parce que je m’affirme de plus en plus.
– Un petit mot aussi sur cette pochette, presqu’iconique, sur laquelle tu arbores une belle Les Paul Junior. Il y a un petit côté ‘figurine’ légèrement en contraste avec l’album. Comment s’est effectué ce choix ? Car on connait l’importance d’une pochette d’album…
En fait, je ne pensais pas partir dans cette direction, j’avais d’autres idées en tête. On a fait un shooting et quand le photographe a regardé ses photos et regardé tout ce qui avait été fait, il s’est arrêté sur celle-ci. Il m’a dit qu’elle était simple, que la posture était bonne, qu’elle en imposait tout en restant sobre et il est parti là-dessus. Moi, je n’étais pas sûre. On en a parlé avec le label et tout le monde a été unanime. Et finalement, j’en suis contente, car cela reste simple et ça laisse aussi un peu de mystère, car les gens qui ne me connaissent pas ne savent pas forcément à quoi s’attendre. Il y a la guitare qui donne une indication, mais ça donne aussi envie d’écouter, car tu te demandes un peu quel style de musique tu vas avoir ! (Rires)
– Enfin, j’aimerais te poser une question au sujet de Joe Bonamassa qui vient de créer son label, KTBA Records, et qui enchaine les signatures. Déjà, est-ce que vous vous connaissez et est-ce qu’ensuite une telle aventure avec un grand monsieur du Blues comme lui te tenterait ? Ne serait-ce que pour bénéficier d’une exposition internationale…
On ne s’est jamais côtoyé, mais je sais qu’il a vu mon nom passer et qu’il m’a cité sur des forums par rapport à des vidéos que je postais. Je l’adore, c’est l’un de mes guitaristes préférés et techniquement peut-être même le meilleur. Mais je ne te cache pas que je suis chez Verycords depuis mes débuts, et earMusic pour l’international maintenant, et ça se passe vraiment bien. J’espère continuer avec eux, mais on pourrait collaborer avec Joe Bonamassa sous d’autres formes comme des premières parties, par exemple, se voir plus en live et en tournée. Et c’est vrai que cette visibilité côté américain serait très bienvenue.
Depuis, LAURA COX est annoncée sur la croisière « Keeping The Blues Alive At Sea Mediterranean III » du 17 au 22 août prochains entre la Grèce et la Croatie à bord du Norwegian Jade et sera entourée de grands noms du Blues… comme quoi !
« Head Above Water » est disponible chez Verycords/earMusic.