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Doom International

Candlemass : roots of Doom [Interview]

Ce n’est pas exagéré de dire que « Sweet Evil Sun » est le meilleur album de CANDLEMASS depuis bien longtemps. D’une part parce qu’il légitime enfin Johan Längqvist comme frontman irremplaçable au sein du quintet suédois, mais aussi et surtout car la qualité des morceaux et l’excellente production de Marcus Jidell (d’Avatarium, groupe fondé par Leif Edling) font de ce treizième opus un modèle du genre… le Doom, dont les Scandinaves revendiquent la paternité. Mats ‘Mappe’ Björkman, guitariste et membre fondateur, fait le point sur l’actualité de CANDLEMASS et ce registre qu’il chérit tant.

– Avant de parler de l’album, j’aimerais qu’on dise un mot sur votre nomination aux Grammy Awards. C’est une belle consécration et au-delà de ça, c’est une très bonne chose que le Doom se démocratise enfin, non ?

Oui, c’est fantastique et pas seulement pour nous, même si cela nous appartient. Pour l’ensemble de notre carrière, c’est une énorme marque de respect et nous sommes vraiment ravis. Ce n’est pas quelque chose que nous avons cherché ou attendu. Ce n’était pas un objectif. C’est un sentiment très étrange et c’est aussi une très grande fierté, vraiment.

– Près de 40 ans après leur sortie « Epicus Doomicus Metallicus » et « Nightfall » sont toujours des modèles pour les nouveaux comme les plus anciens groupes de Doom. Même si Black Sabbath avait posé les bases, cela doit être assez incroyable de se dire que l’on est l’un des principaux créateurs d’un style et d’avoir un si bel héritage…

Oui, c’est génial ! Lorsque nous jouons ces morceaux, c’est incroyable de voir que le jeune public les connait presque tous par cœur, alors que ces mêmes fans n’étaient pas nés. C’est quelque chose qui nous rend très fiers. Parfois, j’ai même du mal à y croire. Dès le départ, nous l’avons fait pour eux à l’époque. C’est vrai qu’on peut nous comparer à Black Sabbath, bien sûr. Le style est aussi Metal et leurs premiers albums sont fantastiques. Mais le Doom est arrivé avec nous. Il y avait des prémisses dans les années 70 évidemment avec des tas de styles différents. Et quand nous sommes arrivés, on a commencé à appeler ça le Doom Metal, et c’était juste fantastique ! Bien sûr, Black Sabbath a beaucoup contribué à tout ça avec un jeu très lent. Et ensuite, CANDLEMASS a développé le style et à chaque fois, je suis surpris par l’impact que cela a eu.

– A la sortie de « Sweet Evil Sun », tu as dit qu’il s’agissait d’un retour aux sources pour CANDLEMASS. Or, je n’ai pas l’impression que vous vous en soyez éloignés au fil du temps. Alors qui a-t-il de si différent sur ce nouvel album, selon toi ?

Je pense qu’il représente un condensé de ce qu’est CANDLEMASS. Il n’y rien de nouveau, mais nous allons toujours dans la même voie, celle que nous suivons depuis nos débuts. C’est vrai que nous avons toujours joué le même style, mais nous avons adapté les formats et les sonorités aux époques que nous avons traversées. Peut-être que « Sweet Evil Sun » a des sonorités et des intentions qui se rapprochent plus de nos débuts. Cela dit, ce serait stupide de vouloir refaire les mêmes albums. Nous évoluons en permanence, mais dans une certaine continuité également. L’album est très Heavy avec des mélodies : il y a tout ce qu’est CANDLEMASS. C’est quelque chose dont nous sommes fiers !

– Est-ce que cela a aussi à voir avec le fait que CANDLEMASS retrouve son line-up de 1987, la grande époque du groupe ?

Oui bien sûr, cela a certainement joué, c’est vrai. Nous avons souvent changé de chanteur, mais nous avons toujours fait la même musique. Nous nous sommes dit effectivement que c’était le bon moment pour Johan (Längqvist – NDR) de nous rejoindre. Nous lui avons donc demandé de revenir.

– C’est aussi le deuxième album consécutif avec lui au chant. Finalement, c’est bel et bien le meilleur chanteur que CANDLEMASS ait eu, le plus en phase avec la musique du groupe, non ?

Je pense que dans un certain sens, les autres étaient très bons aussi. Tous ont apporté quelque chose de vraiment bénéfique à CANDLEMASS et de très belle manière. Mais c’est vrai que Johan vit vraiment ce qu’il chante, il est imprégné de Doom. Il est de retour depuis 2016 maintenant et il est le chanteur qui a eu le plus d’impact dans le groupe. C’est certain qu’il est génial pour CANDLEMASS, et il est une partie de nous. Au départ, il ne voulait pas revenir pour des raisons personnelles et il pensait que ce n’était pas non plus le bon moment. Mais maintenant, le timing est parfait pour ce que nous souhaitons faire. Oui, c’est sans conteste le meilleur chanteur de CANDLEMASS, sans aucun doute.

– D’ailleurs, l’ensemble de « Sweet Evil Sun » est très fluide, on sent une réelle unité et une grande complicité entre vous. Avez-vous pris plus de plaisir à l’enregistrement ? Et est-ce que Johan a participé plus activement à l’écriture de son côté ?

Non, pas vraiment… C’est toujours Leif (Edling, bassiste et fondateur – NDR) qui décide de tout ! (Rires) D’ailleurs, il fait presque tout, mais ce n’est pas un dictateur : nous faisons les choses ensemble ! Mais Johan était avec nous en studio, ce qui n’était pas arrivé depuis des années et il a aussi donné ses idées sur les morceaux. Et Leif l’a laissé faire. Il y avait un réel esprit d’équipe, tout le monde a travaillé ensemble sur l’album. Chacun a pu apporter sa pierre à la musique de CANDLEMASS. Nous sommes un groupe vraiment uni, comme des frères. C’est vrai que cela faisait longtemps que Johan n’était pas resté avec nous aussi longtemps et je peux l’entendre sur le disque. Nous sommes une équipe ! 

Mats ‘Mappe’ Björkman lors du Festival « Metallian Birthday Party » célébrant les 30 ans du magazine en mai dernier par Melissa Beugnies Photography.

– Je trouve que « Sweet Evil Sun » est un album sombre, mais aussi très mélodique. Est-ce que tu penses que c’est peut-être aussi l’album le plus accessible de CANDLEMASS ?

Mouais… C’est quelque chose que plusieurs amis m’ont aussi dit. C’est vrai qu’il est très bien produit, il est très Doom aussi, très roots et très ancré dans notre époque également. C’est très difficile de le comparer à d’autres. C’est vrai aussi qu’il a déclenché pas mal de choses comme cette nomination aux Grammy Awards. Et puis, les retours des médias sont très, très bons. Il nous a peut-être permis d’accéder à certaines nouvelles choses, mais cela reste incontestablement du CANDLEMASS !  

– Pour conclure, j’aimerais que tu me donnes ton impression sur la scène Doom actuelle qui s’étend du Metal au Rock en passant par le Stoner. Une fois encore, vous avez fait des émules et dans beaucoup de styles. Ca doit être aussi une grande fierté, j’imagine ?

Oui, bien sûr, et c’est génial ! Je suis très attentif à la scène Doom actuelle, qui va même jusqu’au Black Metal. J’ai beaucoup de respect pour tous ces groupes, car ce qu’ils font est unique. Et la scène Doom est en train de devenir une entité à part entière. Si l’on compare le Doom actuel avec les débuts, elle n’a plus rien à voir. Elle s’est considérablement élargie. Avec Black Sabbath et Trouble, nous sommes à l’origine du Doom Metal et une influence majeure. Les groupes d’aujourd’hui se construisent autour de ça en faisant des choses très différentes. Par exemple, beaucoup d’entre eux jouent très lentement… très, très lentement ! (Rires) Nous, nous sommes un groupe de Metal et c’est vrai que notre empreinte est partout. C’est vraiment fantastique ! 

Le nouvel album de CANDLEMASS, « Sweet Evil Sun », est disponible chez Napalm Records.

Et retrouvez la chronique de l’album :

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Modern Metal

League Of Distortion : sans concession

Forts d’une solide expérience, les membres de LEAGUE OF DISTORTION ont uni leurs forces autour d’un même projet résolument Metal et clairement moderne. Avec ce premier album éponyme, le quatuor allemand frappe fort et devrait très vite se faire une place de choix parmi les groupes à suivre de près.

LEAGUE OF DISTORTION

« League Of Distortion »

(Napalm Records)

Récemment fondé par la chanteuse Anna Brunner, connue pour être l’une des frontwomen du groupe de Metal symphonique Exit Eden, et par le guitariste du combo Heavy Metal Kissin’ Dynamite, Jim Müller, LEAGUE OF DISTORTION n’évolue pourtant dans aucun de ces deux registres, même si les riffs sont Heavy et perçants à souhait. C’est dans une configuration très moderne et bardée de samples que les Allemands se transcendent.

Epaulé par la rythmique très musclée de Tino Calmbach (batterie) et Felix Rehmann (basse), le quatuor montre une belle unité grâce à des compositions puissantes, racées et rendues très efficaces par leur format court. LEAGUE OF DISTORTION fait preuve d’une incroyable fraîcheur due à une production compacte, léchée et bien équilibrée. Le groupe martèle ses dix titres avec assurance et une grande maîtrise.

La palette vocale et l’énergie déployée par sa chanteuse permettent aussi aux Teutons d’asséner un style très vif et véloce (« Wolf Or Lamb », « The Bitter End », « My Revenge »). D’une agressivité peu contenue, Anna Brunner clame sa rage sur des morceaux sans équivoque et très accrocheurs. LEAGUE OF DISTORTION parvient dès son premier opus à se montrer original et plutôt saillant (« I’m A Bitch », « Sin », « Do You Really Think I Fucking Care »).

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Doom Heavy metal

Candlemass : l’essence du doom

Sinistre, théâtral ou hargneux, le Doom de CANDLEMASS agit toujours comme par magie et comme au premier, où ses fondations prenaient forme sur un « Epicus Doomicus Metallicus » devenue la référence du genre. Et c’est justement sur leurs racines que se sont penchés les Suédois usant de la force et de la précision qui ont forgé leur légende.

CANDLEMASS

« Sweet Evil Sun »

(Napalm Records)

En phase de boucler leur quatrième décennie d’existence, les Suédois continuent sur leur lancée et c’est sous le line-up établi en 1987 qu’ils présentent le massif « Sweet Evil Sun », leur treizième album studio. Grand architecte du Doom, CANDLEMASS n’est toujours pas à bout de souffle et il faut reconnaître que le retour de son chanteur Johan Längquist depuis l’opus précédent fait beaucoup de bien.

Sans surprise mais toujours aussi imposant, le Doom des Scandinaves libère de multiples atmosphères très prenantes et d’une lourdeur écrasante. Grâce à la production très organique de Marcus Jidell (guitariste d’Avatarium, groupe créé par Leif Edling), « Sweet Evil Sun » fait trembler les murs tout en évoluant dans les brumes épaisses du Heavy Metal tellement identifiable de CANDLEMASS.

Toujours guidé par son leader, fondateur et bassiste Edling, le quintet peut compter sur la frappe et le groove de Jan Lindh (batterie). Cependant, c’est le travail effectué sur les guitares qui transcende ces nouveaux titres. Les riffs de Mats Björkman combinés aux solos sauvages de Lars Johansson donnent ce relief si particulier à CANDLEMASS depuis 38 ans maintenant.

Quant à « Sweet Evil Sun », il nous ramène en partie aux premières heures du groupe. Dès « Wizard Of The Vortex », la puissance se fait sentir tout comme sur le morceau-titre. CANDLMEMASS délivre majestueusement son Doom épique sur « Scandinavian Gods » et sur « When Death Sighs », où la chanteuse Jennie-Ann Smith d’Avatarium méritait bien plus que quelques mots sur le refrain. Pas essentiel, mais solide.

Photo : Linda Åkerberg
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folk Hard 70's Psych Rock Progressif

Hällas : un îlot psychédélique

L’Adventure Rock’ proposée cette fois encore par le quintet montant de la scène suédoise, HÄLLAS, va régaler les amateurs de styles progressifs au sens large. Passant par des contrées proto-Metal, Hard Rock et Folk dans un univers 70’s quasi-mystique, « Isle Of Wisdom » est à la fois épique, déjanté et captivant grâce à des musiciens de haut vol.

HÄLLAS

« Isle Of Wisdom »

(Napalm Records)

HÄLLAS est le nom du chevalier imagine et créé par le groupe, et dont le dessein est de prendre part à une guerre provoquée par une reine tyrannique. Et il vit dans un univers parallèle médiéval, cela va de soi. Une fois le décor planté, on a déjà une petite idée du style musical du quintet suédois : un Rock Progressif aux très nombreuses facettes. L’idée est de se laisser guider…

Non sans une certaine nostalgie, le registre du groupe regorge d’influences 70’s allant du proto-Metal au Hard Rock et de la Folk au Psychédélique. Cependant, cela n’empêche pas à HÄLLAS de présenter une réelle originalité sur ce troisième album, « Isle Of Wisdom ». L’aventure Rock proposée par les Scandinaves ne manque pas de sel et attise même une certaine curiosité.

Assez mystique, l’ambiance rétro-Rock Progressive qui règne sur ce nouvel opus est assez saisissante, au point que l’on se retrouve projeté des décennies en arrière. Les claviers, les orgues et les synthés livrent des atmosphères épiques, bien soutenus par les envolées guitaristiques des deux six-cordistes. Avec « Isle Of Wisdom », HÄLLAS assume parfaitement son style débridé (« Birth Into Darkness », « Earl’s Theme », « Elusion Gate »).

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International Metal Progressif Symphonic Metal

Ignea : entre colère et douleur [Interview]

Parler des groupes ukrainiens est plus que jamais une question de soutien à un peuple et à ses artistes. C’est donc tout naturellement que Rock’n Force donne aujourd’hui la parole à IGNEA, groupe de Metal Symphonique et Progressif, basé à Kiev. Signé il y a quelques mois chez Napalm Records, les musiciens étaient en plein enregistrement de leur premier album sur une major, lorsque le conflit a éclaté. Entretien avec Helle Bohdanova, chanteuse du quintet, sur les récents événements qui ont bouleversé leur projet, mais surtout fait entrer la douleur dans leur vie au quotidien.

Photo : Darina Momot

– Avant toute chose, comment allez-vous ? Et sans donner de précisions, êtes-vous toujours à Kiev et surtout est-ce que vous êtes tous sains et saufs ?

Tous les membres du groupe IGNEA vont bien, compte tenu des circonstances. Oui, nous restons tous à Kiev. Il est difficile de dire que nous sommes en sécurité, car il n’y a pas d’endroit sûrs en Ukraine, tant que la guerre continue.

– Avant de revenir sur ces tragiques événements qui secouent votre pays, j’aimerais aussi que l’on parle du groupe. Depuis ces cinq dernières années, vous avez sorti deux albums et un split EP plus récemment. Comment avez-vous démarré et de quelle manière avez-vous mené IGNEA jusqu’à présent ?

Le groupe a été fondé par notre claviériste et compositeur Yevhenii. L’histoire du groupe a commencé en 2013 avec notre premier EP « Sputnik ». Cependant, au cours de toutes ces années, nous avons été confrontés à de nombreux défis, qui nous ont empêchés d’être actifs tout le temps. Nous avons eu des partenaires commerciaux indignes, puis la pandémie et aujourd’hui la guerre. Cela fait beaucoup de bouleversements et d’aléas malheureux. Mais, pendant ce temps, nous avons agrandi notre base fans dans le monde entier, et nous les en remercions chaque jour.

– Justement, le fruit de tout ce travail a été récompensé avec la signature il y a quelques mois chez Napalm Records. Dans quelles circonstances cela s’est-il passé et j’imagine que c’est aussi une belle récompense pour vous ?

Je dis toujours qu’un contrat avec un label doit être bénéfique pour tout le monde. Je pense que nos progrès en tant que groupe ont attiré Napalm Records à nous, et notre désir de changer de label a favorisé les choses. Dans les faits, ils nous ont contactés, nous avons travaillé sur les conditions d’un contrat, nous avons trouvé un accord et nous voici donc chez eux. Cependant, notre collaboration démarrera véritablement au prochain album.

Photo : Veronika Gusieva

– Alors que vous étiez en plein enregistrement, la guerre vous a stoppé net dans votre élan. Où en étiez-vous sur l’album et comment cela se passait-il en studio jusqu’à présent ? Vous aviez bien avancé malgré tout ?

Nous avons réussi à enregistrer toutes les parties de guitare et de basse, quelques arrangements orchestraux et de synthé et la moitié des voix. Cependant, il reste encore beaucoup à faire, et c’est assez compliqué avec les sirènes d’alerte de raids aériens, qui ont lieu chaque jour dans la ville. Mais nous essayons maintenant de faire tout notre possible pour au moins terminer l’enregistrement.

– D’ailleurs, peut-on avoir quelques informations sur l’album ? Quel sera son titre, par exemple ? Et qui le produit ?

Je ne peux encore divulguer aucun détail autre que le fait qu’il est produit par Max Morton, qui a façonné le son de toutes nos réalisations jusqu’à présent.

– J’imagine que l’enregistrement ne va pas pouvoir reprendre avant un moment. A ce sujet, le studio est-il intact et avez-vous pensé à poursuivre l’album ailleurs à l’étranger ?

Il faut savoir que cette guerre à grande échelle en Ukraine inclut une mobilisation générale. Tous les hommes de 18 à 60 ans ne sont pas autorisés à quitter le pays, tant que la guerre n’est pas terminée. Même si nous voulions partir à l’étranger en tant qu’artistes, ce n’est pas possible. Et, en dehors du travail du groupe, nous avons fait du bénévolat et aidé comme nous le pouvions pour combattre l’agresseur ici, à Kiev. Notre producteur reste également dans la ville. Donc, il n’y a aucune raison et aucun moyen pour nous de quitter le pays. Nous essaierons donc de terminer l’enregistrement à Kiev.

– Même si vos morceaux sont achevés au niveau de l’écriture, pensez-vous qu’à la reprise, la guerre puisse les faire évoluer en raison de probables sentiments endurcis et d’une colère légitime ?

Les chansons ont été achevées avant le début de la guerre, et c’est un concept-album qui n’a rien à voir avec la guerre. Par conséquent, nous ne changerons rien au niveau des compositions. Peut-être que ce sera plus facile pour moi d’enregistrer les growls, parce que je pourrais y mettre toute ma colère et ma douleur. Cependant, je dois avouer que ces événements nous ont changés en tant que personnes pour toujours. Notre musique dans le futur sera différente, c’est certain. Si nous survivons.

Photo : Veronika Gusieva

– Un petit mot sur « Bestia », qui est un split EP-concept que vous avez sorti avec le groupe Ersedu en octobre dernier. D’où est venue l’idée de ce concept et du choix de vos deux morceaux ? Et puis, il y a ce titre symphonique de 15 minutes également…

Cet EP est le résultat d’une amitié de dix ans avec ERSEDU (groupe de Metal ukrainien originaire d’Odessa) Nous étions chez eux au milieu de la pandémie et avons décidé de faire quelque chose ensemble. Ils avaient l’instrumental d’une chanson, j’ai écrit les paroles et c’est devenu « Mermaids ». Ensuite, le concept du disque est né et chacun a contribué à hauteur de deux chansons de son côté. Et enfin, parce que tous les titres ont une grande teneur symphonique, nous avons également décidé de faire un mix à partir des arrangements orchestraux utilisés dans ces morceaux.

– A l’heure actuelle, votre nouvel album aurait du être enregistré et vous deviez aussi être en tournée. Comment vivez-vous tout ça, et quand et comment imaginez-vous votre retour sur scène et plus globalement à la musique ?

C’est une question très difficile pour nous. Mis à part tous les événements horribles qui se produisent dans notre pays, il est très douloureux de voir d’autres groupes tourner et sortir de la musique pendant que notre carrière est suspendue et tout cela après deux ans de pandémie. Nous avons encore le temps de terminer l’enregistrement de l’album avant la date limite, mais vous devez comprendre que nous ne sommes pas en mesure de faire de photos promotionnelles, ni de filmer de vidéos ou de proposer autre chose. Beaucoup de gens ont quitté le pays et beaucoup ont perdu leur maison. Nos villes sont encore bombardées chaque jour. Et quand on va dormir, on ne sait pas si on se réveillera. Et tout cela malgré le fait qu’en ce moment, Kiev n’est pas encerclée par les troupes russes. Nous ne savons pas quand tout cela s’arrêtera et quand nous pourrons reprendre complètement les activités du groupe. Tout ce que nous pouvons faire, c’est croire en nos forces armées et les aider autant que nous le pouvons.

– Enfin, quand cette guerre sera terminée, et souhaitons-le le plus vite possible, comment voyez-vous le futur d’IGNEA ? Une reprise dans des conditions normales ne sera pas tout de suite possible…

Mentalement, nous pensons que nous ne nous en remettrons jamais. Parce que nous aurons toujours une trace de cette guerre dans notre âme et notre esprit. Mais nous voulons vraiment continuer et réaliser nos rêves de sortir de nouvelles musiques et de faire des tournées. L’une des choses que cette guerre nous a apprises est de ne rien remettre au lendemain, car il peut ne pas y en avoir. Une fois la guerre terminée, nous continuerons notre chemin musical, tout en restaurant nos villes après les destructions massives causées par les Russes.

Un grand merci à Helle, à qui je renouvelle bien sûr tout mon soutien, ainsi qu’à l’ensemble du groupe, et à Mike de Coene de Hard Life Promotion pour la mise en contact.

L’interview a été réalisée le 7 avril dernier.

Vous pouvez aider le groupe en vous procurant le split Ep sur son Bandcamp: https://ignea.bandcamp.com/album/bestia

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Thrash Metal

Destruction : démoniaque

Toujours aussi percutant, DESTRUCTION a parfaitement huilé sa machine de guerre et affûté ses instruments pour livrer ce « Diabolical », aussi sauvage et virulent qu’à ses débuts. Mené sur un rythme d’enfer, ce 15ème album vient célébrer les 40 ans de carrière de ce groupe mythique, qui a marqué le Thrash Metal d’une empreinte indélébile. Une fois encore, c’est un régal !

DESTRUCTION

« Diabolical »

(Napalm Records)

Au panthéon du Thrash Metal allemand, il y a Kreator, Sodom, Tankard et DESTRUCTION. Et depuis quatre décennies maintenant, ces quatre-là nous régalent d’album en album repoussant dans leurs extrêmes retranchements les frontières de leur style. Et pour ce 15ème album, « Diabolical », Les teutons ont sorti l’artillerie lourde, enchainant parfaitement avec le « Live Attack » sorti l’été dernier. Ici encore, le combo est très loin de rendre son dernier souffle et affiche même une forme olympique.

Afin de fêter comme il se doit son 40ème anniversaire, DESTRUCTION n’y est pas allé de main morte et offre un nouvel opus enthousiasmant à plus d’un titre. Mike Sifringer (guitare) Schmier (chant, basse) et Wawrzyniec Dramowicz (batterie) prouvent une fois encore qu’ils demeurent les rares représentants de cette grande époque à encore pouvoir catapulter leurs fans dans un Thrash aussi tranchant et racé que mélodique et Heavy. Les légendes ne meurent jamais.

Dès « Under The Spell », les Allemands nous mettent dans le bain avec une paire basse/batterie survoltée, des riffs ravageurs et toujours ce chant qui vient sonner la révolte (« Diabolical », « Hope Dies Last » et le très Heavy « Tormented Soul »). Imparable de rapidité et d’explosivité (« State Of Apathy », « The Lonely Wolf »), DESTRUCTION s’offre même en fin d’album, petite cerise sur le gâteau, une réjouissante reprise de GBH (« City baby Attacked By Rats »). Diabolique !

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Metal Progressif

Persefone : une approche visionnaire

Sombre et pourtant éclatant, ce sixième et très attendu album du sextet basé à Andorre, « Metanoia », est un voyage étonnant et très percutant à travers un Metal Progressif appuyé, violent parfois, technique souvent et très mélodique. Un mélange détonnant proposé par un PERSEFONE grandiose et plein de surprises.

PERSEFONE

« Metanoia »

(Napalm Records)

PERSEFONE a la particularité d’être constitué des six personnes les plus connues de la Principauté d’Andorre, ce qui n’est pas rien. Blague à part, en l’espace de deux décennies, le groupe est devenu une valeur sûre, bien que discrète, du Metal Progressif à tendance extrême. Toujours très mélodique et doté d’une puissance phénoménale, « Metanoia » surgit cinq ans après « Aathma » et surprend encore par sa richesse.

Comme d’habitude, PERSEFONE se présente avec une production aux petits oignons, toute en finesse et pleine de relief. Et on doit cette belle mise en lumière à David Castillo (Leprous, Soen, Opeth) pour le mix et à Tony Lindgren (Enslaved, Sepultura) pour le mastering. Dire que « Metanoia » sonne parfaitement est un doux euphémisme, mais l’essentiel reste la musique et le groupe frappe encore très fort. 

Dans une multitude de paysages sonores et musicaux, les Andorrans brillent par la force de leurs nouvelles compositions où le Metal Progressif se fond dans des ambiances Death et brutales et d’autres plus légères et presque rêveuses (« Katabasis », « Merkabah »). PERSEFONE éblouit carrément sur « Consciousness Pt.3 » et conclue magnifiquement ce nouvel opus avec les trois actes d’« Anabasis ». Exemplaire et indispensable.

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Groove Metal MetalCore Modern Metal

Infected Rain : l’éclosion

Très actif et reconnu dans une nouvelle vague Metal incisive, moderne et qui mise sur une frontwoman puissante et agressive, INFECTED RAIN fait partie de ces combos devenus incontournables depuis plus d’une décennie maintenant. Très attendu, « Ecdysis », le cinquième album du quintet moldave, vient confirmer la détermination et l’ardeur du groupe.

INFECTED RAIN

« Ecdysis »

(Napalm Records)

Comme chacun le sait, « Ecdysis » signifie la métamorphose (en grec ancien, bien sûr), alors voyons si INFECTED RAIN a fait la sienne et si le quintet a évolué depuis son dernier album « Endorphin » (2019). S’il n’y a pas de réels bouleversements dans le style des Moldaves, le groupe affiche une évidente maturité artistique et, malgré quelques détours, semble avoir mieux défini les contours de son identité musicale.

Pour ce qui est du contenu, INFECTED RAIN n’a pas changé ses habitudes, qui restent furieuses, intenses et décomplexées. Elena Cataraga, frontwoman et atout majeur du combo, a même élargi un spectre vocale qu’elle maîtrise de mieux en mieux en y apportant la diversité qui lui manquait jusqu’à présent. Entre un chant clair et puissant, des screams et un growl rageur, la palette s’est élargie.

Contrairement à Jinjer, dont les Moldaves sont musicalement assez proches, INFECTED RAIN ne reste pas coincé dans un registre Metal restreint. Entre MetalCore et Nu Metal, le quintet a injecté une petite dose d’Electro et surtout un groove, rappelant Korn, massif et nuancé (« The Realm Of Chaos », « Everlasting Lethargy » et les deux très bonnes parties de « Postmortem »). Une évolution notable et bienvenue.

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Blues Rock Metal Rock

Me And That Man : what’s really new ?

A priori, pour le frontman Nergal, Behemoth n’est pas une fin en soi. Encore une fois entouré d’une pléiade d’invités de talent, le Polonais récidive avec ME AND THAT MAN et le deuxième (second ?) volume de « New Man, New Songs, Same Shit ». Toujours aussi indécis et approximatif dans la démarche, il faut énormément d’abnégation pour se satisfaire d’un tel album, artistiquement désossé.  

ME AND THAT MAN

« New Man, New Songs, Same Shit, Vol. 2 »

(Napalm Records)

Pas très emballé par le premier volume de ME AND THAT MAN, side-projet du frontman de Behemoth, Nergal, j’ai naïvement pensé que ce deuxième volet de « New Man, New Songs, Same Shit » prendrait une autre tournure, cette fois originale. Car sur le papier aussi, la guest-list est alléchante : Gary Holt (ex-Slayer, Exodus), Alissa White-Gluz (Arch Enemy), Randy Blythe (Lamb Of God), Devin Townsend, Myrkur et quelques autres sont de la partie.

S’échapper de son style de prédilection peut être une belle aventure comme une douce récréation… à condition de savoir où l’on va. Et force est de constater qu’avec ME AND THAT MAN, Nergal a quelques idées, mais aucune réelle intention. Sans être désagréable, il est assez difficile d’accrocher à cet album hybride qui ne rend pas vraiment hommage à des registres comme la Folk, la Country et surtout le Blues, particulièrement malmené.  

Très inégal, ce deuxième album navigue dans une sorte de Dark Rock Pop un peu Metal très convenue qui, malgré tout, parvient à prendre un peu de relief suivant les invités. Sans trouver leur véritable direction musicale, « Black Hearse Cadillac », « All Hope Has Gone » avec Blaze Bayley, « Coldest Day In Hell » avec Ralf Gyllenhammar de Mustasch et surtout « Angel Of Light » avec Myrkur sortent du lot. Ce nouvel opus de ME AND THAT MAN reste encore confus et superficiel.  

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Melodic Metal Symphonic Metal

Ad Infinitum : l’histoire se poursuit…

AD INFINITUM revient déjà sur le devant de la scène avec un deuxième chapitre musclé, « Chapter II : Legacy », beaucoup plus tranchant et toujours aussi mélodique. Très varié dans son ensemble, ce deuxième opus du combo de la chanteuse suisse Melissa Bonny côtoie des ambiances épiques, atmosphériques et très Heavy sur des compositions actuelles et solides.

AD INFINITUM

« Chapter II – Legacy »

(Napalm Records)

Moins de deux ans après un premier effort très réussi (« Chapter I : Monarchy »), AD INFINITUM propose la suite avec un « Chapter II : Legacy », tout aussi bon que son prédécesseur. On retrouve avec plaisir l’ex-chanteuse d’Evenmore et de Rage Of Light, Melissa Bonny, dont le chant est encore plus assuré et puissant. Ici, pas de registre lyrique, mais au contraire, une voix claire qui porte les morceaux avec force.

Petit changement également au niveau de la couleur d’ensemble de « Chapter II : Legacy » avec un style toujours aussi mélodique, mais plus Heavy et nettement moins symphonique. Malgré un album qui s’étend sur près d’une heure, AD INFINITUM ne tergiverse pas et va à l’essentiel sur des titres fédérateurs, qui devraient certainement faire leur petit effet sur scène, d’autant que les riffs et les solos d’Adrien Thessavitz ne manquent pas de feeling.

Le combo a donc gagné en impact et en percussion avec des refrains accrocheurs et une remarquable polyvalence vocale de la part de Melissa Bonny. AD INFINITUM accueille même sur « Afterlife » un invité de choix en la présence de Nils Molin (Amaranthe, Dynazty) pour un duo très convaincant. Sans être trop chargée, la production de l’album est elle aussi très bien réalisée, offrant un opus de grande qualité.