Comme souvent chez elle, c’est en bousculant et en déplaçant les frontières du Blues que BETH HART s’ouvre la voie vers des horizons multiples avec cette force et ce talent, qui paraissent grandir au fil du temps. Sur « You Still Got Me », elle maîtrise plus jamais ses effluves vocaux, sans trop en faire d’ailleurs, et s’offre des flâneries musicales vibrantes et profondes. Son franc parler, parfois cru, fait d’elle la plus rockeuse des blueswomen et on se régale une fois encore de ses textes, qui n’éludent jamais rien. Entourée de grands musiciens, elle nous fait surfer sur un groove imparable et des crescendos irrésistibles.
BETH HART
« You Still Got Me »
(Provogue/Mascot Label Group)
Certaines voix sont inimitables, uniques et particulièrement marquantes. C’est le cas de BETH HART et de son légendaire trémolo. C’est deux-là sont indissociables et ils brillent une fois encore sur ce onzième et très attendu album. Car si « A Tribute To Led Zeppelin » a rapidement comblé un vide pendant la pandémie sans vraiment convaincre, son dernier opus a déjà cinq ans et parvenir à ce niveau d’interprétation et d’écriture a dû relever du défi pour l’Américaine, qui s’était donc offerte une escapade anglaise entretemps, sûrement plus facile à négocier pour elle. Car se hisser au niveau de « War In My Mind », c’est retrouver l’émotion et une certaine rage aussi qui font d’elle une chanteuse d’exception.
On avait déjà pu la retrouver sur l’album solo de Slash consacré au Blues en mai dernier avec la reprise de « Stormy Monday » de T-Bone Walker, où elle apparaissait littéralement habitée. Sans doute d’ailleurs le moment fort du disque. C’est donc assez naturellement que le guitariste de G N’R lui rend la pareille sur le génial « Savior With A Razor », qui ouvre « You Still Got Me » et où son sens du riff fait des merveilles. Là aussi, c’est sans doute l’un des titres les plus impactants de cette nouvelle production. Et l’autre guest de marque n’est autre que le légendaire Eric Gales, dont la virtuosité est toujours saisissante et qui fait briller « Sugar N My Bowl ». Mais ne nous y trompons, c’est bel et bien BETH HART qui mène le bal.
A travers les douze chansons qui composent « You Still Got Me », la Californienne se fait plaisir et les arbore toutes dans des styles différents. Blues Rock sur l’entame avec ses deux invités, très feutrée sur « Drunk On Valentine », carrément Country-Rock sur « Wanna Be Big Bad Johnny Cash » où sa gouaille fait des étincelles, ou sur la poignante ballade « Wonderful World », rien ne résiste à la frontwoman. Avec cette émotion à fleur de peau qui la caractérise, BETH HART se montre aussi envoûtante que touchante, grâce à une interprétation toujours très personnelle et presqu’intime (« Don’t Call The Police », « Machine Gun Vibrato »). Et si elle semble parfois s’éloigner du Blues, elle ne le quitte jamais.
(Photo : Greg Watermann)
Retrouvez la chronique de son album « A Tribute To Zeppelin » :
Boostée au Boogie Blues et à un Blues Rock rugueux, la rencontre discographique entre JD SIMO et LUTHER DICKINSON est aussi explosive qu’on pouvait l’espérer. Sur un groove très roots et une volonté électrisante de se réapproprier quelques classiques, ils se relaient tour à tour au chant et surtout s’échangent d’incendiaires solos de guitare. Changeant les riffs, bousculant les structures des morceaux et le faisant avec une joie palpable, les deux Américains jouent avec ce patrimoine musical intemporel avec beaucoup de respect sur ce trépidant « Do The Rump ! ».
JD SIMO & LUTHER DICKINSON
« Do The Rump! »
(Forty Below Records)
Certaines connexions sont si naturelles qu’elles donnent lieu à des instants presque magiques. Cela dit, on peut se dire que ça doit faire un moment qu’ils se tournent autour, tant l’alchimie est totale et la fluidité très électrique. Tous deux artistes solo, sidemen, ainsi que songwriters avec des airs de guitar-heros, JD SIMO et LUTHER DICKINSON affichent à eux deux un parcours incroyable. Le premier s’est illustré seul, et aussi en studio avec Jack White et Chris Isaak, et son alter-ego avec North Mississippi Allstars, The Black Crowes et John Hiatt. Chevronnés et aguerris, le duo connait son sujet sur le bout des doigts.
Et par un heureux hasard, il se trouve aussi qu’ils partagent les mêmes goûts musicaux et les mêmes références, parmi lesquelles le Hill Country Blues, le Spiritual, le Swamp Rock et un Afrobeat très funky. Autant dire que les bases et les fondations sont solides et lorsque l’on connait en plus le feeling et la technique de JD SIMO et de LUTHER DICKINSON, il n’y a aucun doute sur ce qu’ils sont capables de produire ensemble. Et sur ce point-là, « Do The Rump ! » est un modèle du genre et une démonstration de réinterprétation hors-norme. Car il s’agit ici de reprises, et pas de n’importe qui…
Enregistré en live dans le home-studio de JD SIMO à Nashville et avec Adam Abrashoff derrière les fûts, « Do The Rump ! » est aussi spontané qu’instinctif. Le trio s’est donc fait très plaisir, oubliant les overdubs, en reprenant quelques standards… à sa façon ! Et si l’on sent de l’amusement sur cette première collaboration, il y a aussi beaucoup d’application et surtout un savoir-faire imparable. LUTHER DICKINSON et son compère offrent un lifting étonnant et une tout autre lecture à de morceaux signés John Lee Hooker, Junior Kimbrough, JJ Cale ou RL Burnside… Et c’est jubilatoire !
Même si seulement un an sépare les deux volumes de « Dirt On My Diamonds », que l’attente a paru longue ! Il faut reconnaître que le songwriter, guitariste et chanteur avait placé la barre très haut et qu’une suite du même niveau était espérée. Et elle ne déçoit pas, bien au contraire, elle enchante. KENNY WAYNE SHEPHERD, entouré d’un groupe hors-norme, se montre une fois encore très inspiré et l’ambiance des studios de Muscle Shoals ne semble pas y être étrangère. Après ce « Vol. 2 », vous n’aurez qu’une envie : (ré)écouter le « Vol. 1 » !
KENNY WAYNE SHEPHERD
« Dirt On My Diamonds Vol.2 »
(Mascot Label Group)
Cela fait déjà un bon moment que les doutes se dissipent fortement et « Dirt On My Diamonds Vol.2 » vient clore une réflexion commencée il y a longtemps déjà. Je pense donc, et cela n’engage que moi, que KENNY WAYNE SHEPHERD est tout simplement le meilleur bluesman de sa génération. Sa technique, sa dextérité, son feeling et son écriture semblent désormais très au-dessus du lot. Parce qu’il n’élude aucun style, qu’il est aussi pertinent et doué au chant qu’à la guitare, il coche donc toutes les cases. Et ce second volet achève brillamment un cycle créatif entamé l’an dernier avec ses musiciens pour obtenir ce brillant double-album.
En moins de 30 ans de carrière, il s’est montré éblouissant à de très nombreuses reprises, mais c’est surtout cette constance et une régularité infaillible dans la qualité de ses albums, qui font la différence. KENNY WAYNE SHEPHERD ne traverse jamais le désert et son inspiration va même grandissante. Et puis, contrairement à bon nombre de ses confrères, il se met toujours au service des morceaux, et non l’inverse comme tellement d’autres. A l’instar du premier volume, c’est dans les légendaires studios Fame à Muscle Shoals, en Alabama, qu’a été enregistrée cette seconde partie et elle est encore bien compacte avec huit titres chaleureux et enflammés.
Ce n’est donc pas très loin de sa Louisiane natale que le songwriter est allé mettre sur bande les deux « Dirt On My Diamonds ». Comme précédemment, c’est Noah Hunt qui tient le chant principal, même si KENNY WAYNE SHEPHERD ouvre le bal avec le groovy « I Got A Woman » et se montre très attachant sur « My Guitar Is Crying ». On retrouve aussi des cuivres chaleureux (« Watch You Go »), des chansons plus funky (« Pressure ») et une superbe reprise de « She Loves My Automobile » de ZZ Top, élevée par des parties de guitare époustouflantes. Si le premier volume était déjà génial, on peut, sans exagérer, affirmer que celui-ci est encore meilleur. Une prouesse !
(Photo : Mark Seliger)
Retrouvez les chroniques de « Dirt On My Diamonds Vol.1 » et de « Trouble Is…25 » :
De la Louisiane avec ERIC JOHANSON, à Belgrade avec KATARINA PEJAK jusqu’en Californie avec ALASTAIR GREENE, cette fois le « Blues Caravan » de Ruf Records nous propose une belle balade et si, sur le papier, l’éclectisme du trio peut surprendre, il est littéralement envoûtant sur scène. Chacun y va de son propre répertoire avant de se retrouver sur des morceaux judicieusement choisis entre compositions personnelles et quelques reprises bien senties. Un régal de deux heures entre Blues Jazzy et solide Blues Rock.
BLUES CARAVAN
« Katarina Pejak, Eric Johanson & Alastair Greene »
(Ruf Records)
Le label allemand Ruf Records, qui fête cette année ses 30 ans d’existence, a eu la belle idée il y a près de deux décennies déjà (19 ans pour être précis) de mettre en place les désormais célèbres « Blues Caravan ». L’idée est que trois artistes de la maison de disques se partagent la scène et jouent ensemble le temps d’une tournée. Avant KATARINA PEJAK, ERIC JOHANSON et ALASTAIR GREENE, de grands noms se succédés parmi lesquels on peut citer (et il en manque !) Vanessa Collier, Ally Venable, Albert Castiglia, Bernard Allison, Mike Zito, Ashley Sherlock, Ghalia Volt, Katie Henry, Sue Foley, Ana Popovic et beaucoup d’autres.
Et c’est vrai que chaque épisode de « Blues Caravan » révèle de belles surprises à travers des rencontres artistiques très intéressantes. Pour KATARINA PEJAK, c’est un retour car elle était déjà présente il y a cinq ans. La pianiste et chanteuse serbe, qui compte six albums (dont deux live) à son actif, apporte une note de Blues plus légère et jazzy à l’ensemble. Car de leur côté, les Américains ERIC JOHANSON et ALASTAIR GREENE ont pour habitude d’œuvrer dans un registre plus soutenu, essentiellement Blues Rock sur des riffs plus costauds. Et pour leur première apparition sur cette nouvelle tournée, ils ont été plus que convaincants.
Accompagnés par Christin Neddens (batterie) et Tomek Germann (basse), les trois musiciens se livrent sur deux heures de concert à travers 16 morceaux, enregistrés en avril dernier au ‘Blues Garage’ d’Isernhagen. Le principe est le même : ils se partagent équitablement la setlist avec quatre titres chacun et quatre autres ensemble. On peut donc découvrir les univers distincts de KATARINA PEJAK, ERIC JOHANSON et ALASTAIR GREENE entre chansons originales et reprises (Robert Johnson, Pink Floyd, Dr. John, Elmore James). Un bel album, plein de groove, de belles guitares et de chants différents dans une belle unité.
(Photo : Tino Sieland)
Retrouvez les interviews et les chroniques d’albums d’artistes ayant participé aux « Blues Caravan » :
En l’espace d’une quinzaine d’années, le groupe, désormais basé dans l’Indiana, s’est fait un nom dans le monde du Blues au sens large du terme, au point d’être adoubé par Joe Bonamassa himself. Trois ans après sa signature chez Mascot Records et l’album « Voices », THE COLD STARES a grossi ses rangs avec l’arrivée d’un bassiste et de nouvelles ambitions. « The Southern » est foncièrement contemporain, Rock et Psychédélique par moment, tout en intégrant quelques saveurs du sud des Etats-Unis. Une fusion qui fait mouche et donne à la formation une nouvelle impulsion.
THE COLD STARES
« The Southern »
(Mascot Records)
Septième album au compteur et six EP depuis 2014 et « Cold Wet Night » pour le combo originaire du Kentucky, qui se présente avec une nouveauté de taille sur « The Southern ». Fondé par le guitariste et chanteur Chris Tapp et le batteur Brian Mullins, THE COLD STARES accueille Bryce Klueh et c’est une très bonne chose. Certes, on connait la qualité de certains duos, qui font d’ailleurs souvent l’impasse sur le bassiste, mais il y manque souvent ce troisième homme qui apporte groove et rondeur à un jeu souvent un peu sec.
Le Heavy Blues des Américains prend donc une nouvelle dimension et cette mue en power trio ouvre bien des perspectives. Si le son et le registre d’origine ne souffraient pas franchement d’absence de variété, l’apport d’un nouveau membre donne du coffre et du relief à « The Southern ». Toujours aussi moderne dans l’approche, et même un brin urbain dans le son, THE COLD STARES a décidé de se pencher sur l’aspect Southern de ses nombreuses influences, ce qui le propulse forcément dans un esprit plus roots et brut.
Cela dit, ce nouvel opus ne s’inscrit vraiment dans un Rock Sudiste pur et dur. Non, il est plutôt question de Blues Rock et de Hard Blues très actuels. Seuls « Coming Home » et « Mortality Blues » sonnent vraiment southern, ce qui n’enlève rien à la qualité de cette réalisation à la production très organique, profonde et souvent sombre qui offre un petit côté héroïque à THE COLD STARES. On ne s’ennuie pas une seconde entre riffs musclés, solos très bien sentis et un chant vraiment flamboyant. Mature et inspiré.
Après plus de trois décennies au service d’un Blues toujours étincelant, le guitariste, chanteur, songwriter et producteur de Baton Rouge a toujours du feu dans les doigts et une créativité qui ne faiblit pas. Suite à une longue parenthèse qu’il a passé à prendre soin de sa région tout en se donnant les moyens de travailler dans les meilleures conditions, TAB BENOIT effectue un superbe retour avec « I Hear Thunder », composé avec Anders Osborne et George Porter Jr. Une réalisation pleine de vie et aussi bien écrite qu’interprétée.
TAB BENOIT
« I Hear Thunder »
(Whiskey Bayou Records)
Si TAB BENOIT est resté discographiquement muet durant 13 longues années, c’est qu’il s’est attelé à des activités qui lui tiennent à coeur. A commencer par la préservation des zones humides de sa Louisiane et l’érosion côtière de celle-ci, et le musicien a également créé son propre studio et son label. Et c’est donc lui qui a produit, mixé et masterisé « I Hear Thunder », le digne successeur de « Box Of Pictures – Voice Of The Wetlands Allstars » et « Medicine » parus la même année. Ainsi s’ouvre un nouveau chapitre.
Pour mener à bien son entreprise, c’est de son groupe de tournée qu’il s’est entouré et on retrouve avec plaisir Terence Higgins (batterie), Corey Duplechin (basse) et bien sûr le guitariste Anders Osborne. Ce dernier a d’ailleurs co-écrit la plupart des morceaux de « I Hear Thunder » avec le bassiste George Porter Jr. Une équipe de choc s’il en est qui contribue à faire de ce nouvel opus l’un des meilleurs de la carrière de TAB BENOIT, ce qui n’est pas rien lorsque l’on s’y penche un peu.
Dès le morceau-titre qui ouvre l’album, il y a de l’électricité dans l’air et le jeu stratosphérique des deux guitaristes promet une bien belle suite. Le bayou tient bien sûr le rôle principal dans les textes, le chanteur continuant ainsi en musique son combat écologique. Entraînant, parfois déchirant et techniquement exceptionnel, « I Hear Thunder » montre que le Blues Rock de TAB BENOIT est l’un des plus attractifs du moment (« The Ghost Of Gatemouth Brown », « Still Gray », « Overdue », « Bayou Man »). On en redemande !
Jeune artiste complète basée à Nashville, JAX HOLLOW est une musicienne dont la musique délivre une folle énergie et, par-dessus tout, une réelle et palpable sincérité. Authentique et directe, la guitariste et chanteuse écume les scènes américaines comme européennes depuis un moment déjà. Pointilleuse et perfectionniste, elle se trouve actuellement en studio pour l’enregistrement de son troisième album à paraître dans quelques semaines. L’occasion de faire un point avec elle sur ses nouvelles compostions et plus largement sur sa vision artistique. Entretien.
– Tout d’abord, parlons de ce moment un peu particulier, puisque tu es actuellement en studio pour l’enregistrement de ton troisième album, qui sera terminé fin-septembre. Alors comment cela se passe-t-il pour le moment ?
Tout d’abord merci de m’avoir invité ! Nous en sommes à peu près à la moitié de l’enregistrement du nouvel album et ça se passe très bien jusqu’à présent. Il est en préparation depuis un peu plus d’un an maintenant. Beaucoup de chansons ont été écrites, mais seule une poignée d’entre-elles ont émergé. Et même certaines, qui sont encore en cours de préparation, ne sont pas garanties de parvenir jusqu’aux oreilles des gens.
– Pour « Only The Wild One », tu étais accompagnée de musiciens brillants et expérimentés. A priori, tu as changé d’équipe pour ce nouvel album. Est-ce que tu peux nous les présenter et nous expliquer un peu de quelle manière tu as choisis le groupe qui joue à tes côtés cette fois ?
Bien sûr, j’essaie une nouvelle approche pour le nouvel album et il met en vedette mon groupe de tournée cette fois. J’ai emmené ces gentilshommes autour du monde avec moi et je voulais capturer l’alchimie que nous avons sur scène, en studio. Il y a donc Michael Lupo, qui est diplômé du Berklee College Of Music de Rhode Island et qui, non seulement joue de la batterie, mais compose aussi de la musique. Puis, j’ai Taylor Tuke aux claviers et aux chœurs. C’est un artiste incroyable, ainsi qu’un instrumentiste accompli, jouant du piano, de la guitare et de la basse. Il est originaire du Colorado. Ensuite, j’ai aussi les meilleurs de Nashville pour d’autres parties, notamment Tim Marks à la basse, Smith Curry à la Steel et Ross Holmes au violon, et encore d’autres à venir !
– On l’a dit, tu vas bientôt terminer les sessions d’enregistrement de ce nouvel album. Comment est-ce que tu procèdes ? Y a-t-il encore une part de créativité, d’écriture et peut-être d’imprévu en studio, ou est-ce que tout est soigneusement calé à l’avance avec une idée bien précise de ce que tu souhaites obtenir ?
J’avais soigneusement planifié chaque étape de ce disque et j’ai depuis tout jeté par la fenêtre. Il n’y a tout simplement pas de bonne façon d’aborder l’art. Vous pouvez tout guider, vous pouvez travailler sur une chanson pendant des mois, l’aimer inconditionnellement, puis l’abandonner totalement pour des raisons imprévues. J’ai laissé tomber le contrôle, je m’accroche maintenant aux rênes et je vois dans quelle direction elles bougent naturellement. Puis, j’essaie d’attraper cette étincelle. Je la suis, j’essaie de rester fidèle à l’intention originale de chaque chanson lors de la création. Ensuite, je mets les meilleurs créatifs que je connais au premier plan et nous comptons tous activement sur notre instinct et notre talent pour créer le bon espace pour que chacun puisse respirer.
– Tu viens de sortir un premier single, « Don’t Call Me Baby », qui est une belle ballade. Pour ton album précédent, c’était « Wolf In Sheepskin », une chanson également très calme. Tu aimes bien dévoiler les aspects peut-être les plus tendres, tranquilles et les plus sensibles de tes albums au public avant des titres plus nerveux et plus Rock ?
Ce ne sont peut-être que des coïncidences, mais je vois tout à fait ce que tu veux dire. Je me suis dit que le premier single de ce nouvel album devait être rythmé et entraînant. Puis j’ai réfléchi un peu plus et je suis arrivée à la conclusion : je ne suis pas sur un label. Rien de ce que je fais n’est jamais conforme aux habitudes de toute façon. Je n’ai donc pas à me conformer à l’idée qu’on ne publie jamais une ballade pour une premier single. Alors, j’ai encore suivi mon instinct. J’avais un fort sentiment à propos de « Don’t Call Me Baby ». C’est tellement brut, réel et intime. Je crois en cette chanson dans son ensemble.
– D’ailleurs, je crois que tu n’as pas encore dévoilé le titre de ce troisième album. Est-ce que l’on peut savoir comment il s’appellera et surtout quand est-ce que sa sortie est prévue ?
Je pense que je l’appellerai « Come Up Kid ». C’est une biographie des deux dernières années de ma vie. De la standing-ovation en ouverture de Melissa Etheride au ‘Ryman Auditorium’ de Nashville jusqu’à la nuit à dormir dans ma voiture.
– J’aimerais qu’on fasse un petit flashback sur ton premier disque « Underdog Anthems », qui était très Rock. « Only the Wild One » avait une toute autre sensibilité et un aspect plus travaillé peut-être sur les arrangements et plus produit aussi. Est-ce que, justement, cela correspondait à des moments très différents en termes d’intensité dans ta vie personnelle et qu’on a retrouvé à travers tes chansons ?
J’avais une certaine colère sur « Underdog Anthems ». Depuis, j’ai été un peu humiliée par la vie, par l’industrie de la musique, par le monde… Chaque album est le reflet de l’endroit où se trouve un artiste à ce moment-là, mais celui-ci est différent. Cette fois, je n’ai pas peur de creuser certaines choses jusqu’ici désordonnées. Je ne suis pas opposée à prendre le long chemin du retour, je n’ai plus peur de ce qu’ils pensent. J’ai été sauvage trop longtemps. J’ai été sur la route à travers le monde, j’ai eu le cœur détruit et puis j’ai eu des aperçus de l’amour le plus incroyable que je n’ai jamais trouvé… il y a beaucoup de choses à creuser dans la vie de nos jours à travers la musique.
– « Only The Wild One » avait apporté un véritable vent de fraîcheur avec un style désormais identifiable fait de Classic Rock, de Blues et d’Americana sur un chant très personnel. Doit-on s’attendre à une certaine continuité avec ce nouvel album ?
La continuité est l’objectif, mais je me laisse davantage aller sur les chansons cette fois-ci. Je ne vais pas écrire un morceau Classic Rock juste pour en avoir un. Il faut que cela me plaise. J’ai déjà écrit des chansons de Heavy Rock pour cet album qui ne verront pas le jour, car elles ne m’ont pas donné cette confiance à 100 % pour que je croie réellement en elles.
– Tu es musicienne, chanteuse et compositrice. De quelle manière est-il plus naturel pour toi de faire passer des émotions à travers ta musique ? Plutôt par la voix, ou avec ta guitare ?
J’ai eu la chance d’étudier cette forme d’art dans des conditions intenses et de poursuivre ce voyage au-delà des murs du Berklee College Of Music et dans le monde réel. Celui-ci ne se soucie pas du fait que vous puissiez écrire à des moments inhabituels, ou jouer des gammes diminuées en ‘sweep picking’ sur le manche de votre guitare. Je pense que ce dont le monde a besoin aujourd’hui, c’est d’un sentiment d’unité, peut-être d’un certain soulagement dans le contexte d’une impression moins solitaire. Lorsque quelqu’un s’ouvre à une vulnérabilité totale, ou dit quelque chose sans s’excuser, je pense que cela inspire une réaction en chaîne. J’aimerais inviter les gens à aller à contre-courant et dans tous les aspects de la vie.
– Sur « Don’t Call me Baby », il y a le violon de Ross Holmes, qui apporte une touche légèrement Country. Etant originaire et résidente de Nashville, j’imagine que la tentation est grande tant la Country Music y est présente. Est-ce un domaine musical que tu as envie d’explorer, car il y a beaucoup d’effervescence dans le style depuis un moment déjà aux Etats-Unis et qui se propage ailleurs ?
La Country/Americana est un genre que j’explore, c’est vrai. Je suis à Nashville depuis un certain temps et je l’ai certainement intégré à mon style Et puis, cette fois-ci, je ne m’en tiens pas strictement au Rock. Je ne me suis jamais vraiment limité au Rock de toute façon, même sur « Underdog Anthems ». J’avais sorti une chanson Country toute simple sur l’album, « Drift Together », et je pense qu’il était facile de me mettre dans cette catégorie à ce moment-là. C’était Michael Wagener qui avait produit ce disque et il ressemble à ses disques de Hard Rock emblématiques. Cela dit, mes héros suivent de toute façon des chemins différents à travers les genres, donc tout ça peut être un peu flottant de toute façon.
– On le sait, tu es vraiment dans ton élément lorsque tu es sur scène et on a vraiment l’impression que c’est le lieu de toutes les émotions pour toi et ta musique. Est-ce que pour ce nouvel album, tu te projettes déjà sur le rendu scénique au moment de la composition, ou c’est quelque chose qui arrive plus tard ?
J’adore être sur scène, c’est vrai ! J’ai eu la chance de jouer dans quelques grands festivals cet été et mes préférés ont été ceux de Blues en Belgique et aux Pays-Bas ! Faire une tournée avec les garçons a ouvert de nombreuses portes sur le plan créatif et nous voulons maintenant capturer un peu de cette magie en studio. Nous testons les nouvelles chansons depuis environ un an maintenant, elles sont donc presque prêtes à être enregistrées. Mais nous sommes aussi catégoriques sur le fait que chacune d’entre elles doit être parfaite. Donc, nous les réenregistrerons donc autant de fois que nécessaire.
– Tu enchaînes les concerts toute l’année, y compris en Europe où tu es venue à plusieurs reprises. D’ici, on imagine le terrain de jeu américain gigantesque et surtout peut-être plus réceptif à ta musique, qui n’est pas réellement notre culture. Y a-t-il des choses spéciales lors de tes tournées en Europe au niveau du public notamment ? Est-ce que ta musique est perçue de la même manière des deux côtés de l’Atlantique ?
Nous sommes mieux reçus à l’étranger. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Nous ADORONS le public européen : il est très attentif et il n’a pas peur de s’amuser ! Je ne connais pas les raisons pour lesquelles le marché européen est meilleur pour nous. Peut-être que le public apprécie davantage la vraie musique, les gens qui jouent de leurs instruments, sans pistes enregistrées… ?
– Pour conclure, j’aimerais que tu me dises pour quelles raisons tu restes une artiste indépendante. Est-ce que c’est un désir de pouvoir contrôler ton processus créatif dans son entier et parce qu’aujourd’hui un label a moins d’impact qu’auparavant, ou plus simplement parce qu’il est plus difficile d’être signé en raison d’une situation devenue peut-être saturée ?
C’est une bonne question. J’ai ma petite idée là-dessus… Je vais en poser juste une : je peux être difficile à cerner en termes de genre ou de style. Les labels n’aiment plus prendre de risques. C’est vraiment dommage. J’ai beaucoup d’amis à Nashville qui composent de la bonne musique et il y a 30 ans, je parie que tous auraient été signés. C’est franchement un acte solitaire d’essayer de tout faire soi-même, mais je ne suis plus seule maintenant. J’ai rassemblé des gens formidables autour de moi. Et nous avons trouvé la solution de manière très simple : saisir la vie par les couilles au lieu d’attendre que quelque chose se passe. J’ai eu un label qui m’observait pendant que les gens tapaient sur les bancs du ‘Ryman Auditorium’ pendant deux minutes d’affilée pour une standing-ovation. C’était en première partie de Melissa Etheridge. Et ils m’ont TOUJOURS laissé tomber. Donc s’ils attendent juste que je devienne ‘rentable’, alors je passerai mon tour…
Le single « Don’t Call Me Baby » du prochain album de JAX HOLLOW est déjà disponible sur les plateformes et retrouvez-la aussi sur son site :
La scène Blues Rock anglaise ne s’est rarement aussi bien portée que ces dernières années avec l’émergence d’artistes rafraîchissants et créatifs. Et BRAVE RIVAL en fait bien sûr partie, grâce à des compositions pleines d’émotion où le British Blues côtoie le Rock et la Soul pour s’élever dans des sphères puissantes et accrocheuses. Les deux chanteuses sont évidemment l’une des forces de la formation, mais c’est surtout la complicité artistique et le feeling très palpable de l’ensemble qui dominent cet ensemble soudé et harmonieux sur « Fight Or Flight ».
BRAVE RIVAL
« Fight Or Flight »
(Independant)
Mis en lumière il y a seulement deux ans avec un somptueux premier album, « Life’s Machine », suivi de près par un « Live At The Half Moon » époustouflant en live, BRAVE RIVAL n’avait pas mis très longtemps à se faire remarquer. Nominés aux UK Blues Awards dans la foulée, les Britanniques ont donc un rang à tenir et « Fight Of Flight » est attendu avec une certaine impatience. Et même s’ils ont déjà dévoilé pas moins de cinq singles, il reste des surprises… sept exactement ! Et sur les 50 minutes proposées, on passe littéralement par toutes les sensations.
Toujours aussi chevillé à son indépendance, BRAVE RIVAL est à nouveau passé par une campagne de crowdfunding pour financer son deuxième opus. Encore très bien produit, on retrouve les mêmes intentions, si ce n’est que le groupe montre peut-être un côté plus Rock cette fois. Du moins, c’est ce que laisse transparaître de l’entame pied au plancher du disque avec « Bad Choices », « Seventeen » et « Stand Up » avec en invités l’explosif et tonitruant Will Wilde et son harmonica.
Bien sûr, les deux frontwomen de BRAVE RIVAL, Chloe Josephine et Lindsey Bonnick, offrent des parties vocales aussi volcaniques que sensuelles et parviennent encore à éblouir par l’élégance de leur duo (« Insane », « Heavy », « All I Can Think About », « Five Years On », « Stars Upon My Scars »). Pour le groove, Donna Peters (batterie) et Billy Dedman (basse) font ronronner la machine, alors qu’Ed Clarke a du feu dans les doigts au point de livrer une prestation de haut vol avec notamment des solos renversants. Indispensable !
Retrouvez la chronique du précédent Live et l’interview accordée lors de la sortie du premier album :
Les réalisations des Suédois sont de plus en plus attendues, tant leur style s’affine au point de devenir addictif au fil des années. Même s’ils ont laissé échapper quelques singles avant sa sortie, « Birthday » est loin d’avoir dévoilé tous ses secrets. Authentique et organique dans le son, il fait preuve d’autant de sensibilité que d’aplomb et BLUES PILLS se fait de plus en plus incontournable. Avec une chanteuse engagée et élégante, les Scandinaves frappent fort et s’affirment avec talent.
BLUES PILLS
« Birthday »
(Throwdown Entertainment/BMG)
La décennie largement passée et la maternité de sa frontwoman aurait pu calmer les ardeurs de BLUES PILLS, mais à y regarder de plus près, il n’en est rien. Pourtant enregistré durant la grossesse d’Elin Larsson, « Birthday » ne propose pas vraiment le climat de tendresse auquel on aurait pu légitimement s’attendre. De plus, en le sortant en pleine période estivale, le quatuor montre qu’il n’a pas froid aux yeux. Et tous ces éléments mis bout à bout confirment une belle envie et surtout une assurance évidente.
Pour son quatrième album, auquel il faut ajouter un live et trois EPs, BLUES PILLS se présente avec son très reconnaissable Blues Rock où psychédélisme, élans sauvages et légères sonorités Pop se fondent dans une unité musicale que le combo élabore depuis ses débuts. Toujours portés par une voix envoûtante, les morceaux de « Birthday » s’envolent souvent, tout comme ils libèrent d’intenses émotions comme sur « Somebody Better », l’un des sommets de ce nouvel effort.
Toujours aussi bien produit, le morceau-titre, qui ouvre les festivités, donne le ton. Enjoué et volontaire, ses nouvelles compositions se veulent ouvertement féministes et la situation d’Elin Larsson au moment de l’enregistrement vient confirmer une force palpable (« Piggyback Ride », « Holding Me Back », « Don’t You Love It », « Back On That Horse Again »). Varié et inspiré, BLUES PILLS livre un opus complet et fait vibrer son Blues Rock avec beaucoup de profondeur et de charme. Personnel, convaincant et soigné !
C’est avec beaucoup de générosité, tant dans l’intention que dans l’interprétation, qu’ALBERT CASTIGLIA s’offre un nouvel opus en solo. Conçu et réalisé assez rapidement, il officie en véritable patron aux côtés de grands noms du Blues Rock actuel venus lui prêter main forte. Et si le nombre de covers dépasse celui des originaux, on se régale de ses talents d’autant que les artistes qui le soutiennent dans cette aventure sont exceptionnels. « Righteous Souls » va compter parmi les meilleures réalisations de cette année.
ALBERT CASTIGLIA
« Righteous Souls »
(Gulf Coast Records)
Tout juste auréolé d’un Grammy Award du meilleur album de Blues Rock à Memphis pour son duo ‘Blood Brothers’ avec son ami Mike Zito, également patron de son label et producteur de ce nouvel album, ALBERT CASTIGLIA remet le couvert et nous offre même un menu cinq étoiles. Car si on a l’habitude des duos, regrouper autant d’invités si prestigieux sur un même disque est assez incroyable. Et l’Américain ne se contente pas d’empiler les morceaux, il les lie sur une thématique forte et très personnelle.
Deux ans après « I Got Love » et quelques mois seulement après le « Live In Canada » en duo, c’est une nouvelle inspiration qui guide cette fois le guitariste et chanteur. Malgré un laps de temps trop court pour livrer à lui seul tous les titres, « Righteous Souls » compte quatre chansons inédites (« Centerline », « Mama, I Love You », « Till They Take It Away » et « No Tears Left To Cry »). Et sur ces nouveautés, ALBERT CASTIGLIA est accompagné par Popa Chubby, Christone ‘Kingfish’ Ingram, Ally Venable, Gary Hoey et sa Fille Rayne.
Sur des reprises savamment choisies parmi lesquelles on retrouve Willie Dixon, Buddy Guy, Eric Clapton, Luther Johnson et son mentor Junior Wells sur deux pistes, le New-Yorkais se montre brillant et son jeu toujours aussi affûté. Avec une saveur vintage très relevée, ALBERT CASTIGLIA accueille Alabama Mike, Danielle Nicole, Joe Bonamassa, Jimmy Carpenter, Josh Smith ou encore Monster Mike Welch. Et, cerise sur le gâteau, « Righteous Souls » garde sa patte malgré cette péliade de guests. Un travail somptueux et virtuose.
Retrouvez la chronique de son dernier album et celle de BLOOD BROTHERS en duo avec Mike Zito :