Catégories
Extrême France Metal Progressif

Dirge : entre testament et héritage [Interview]

Créé en 1994, DIRGE a écumé pendant 25 ans les scènes françaises et internationales jusqu’à sa dissolution il y a deux ans. Tout d’abord dans un registre Metal Indus puis en évoluant vers un post-Metal atmosphérique et progressif, le groupe aura marqué de son empreinte la scène hexagonale et laisse un bel héritage en ayant ouvert de très nombreuses portes à la scène actuelle. Alain B. (batterie) et Stéphane L. (guitare, chant, samples) reviennent sur ce parcours et présentent « Vanishing Point », compilation testamentaire et inédite sortie le 26 mars dernier.

Photo : Stéphane Burlot

– J’aimerais tout d’abord qu’on revienne en 1994 à la création du groupe, une époque où le Metal Indus, notamment en France, était assez marginale malgré des groupes comme Treponem Pal et vous. Aviez-vous le sentiment d’être au début de quelque chose sur la scène hexagonale ?

Stéphane L. : Pour être honnête, Treponem Pal était là depuis bien longtemps quand le groupe s’est formé et ils avaient déjà une certaine notoriété (C’est vrai ! – NDR). Les premières démos de DIRGE, sorties au milieu des 90’s s’inscrivaient certes dans une tendance à la fusion machines/guitare, très inspirées par des groupes anglais comme Scorn ou Godflesh, sauf que ce Metal Industriel, qui comme tu le rappelles restait peu développé ici, me semblait alors, avec le recul, déjà sur le déclin. Donc, je n’ai pas le sentiment que DIRGE ait été au début de quoi que ce soit par rapport à ce style en France. C’est plutôt en développant une facette plus viscérale et atmosphérique à la fin de la décennie que le groupe s’est retrouvé, sans le savoir, à l’avant-garde de quelque chose de nouveau. Et pour le coup, pas seulement en France. Sauf qu’on était évidemment loin de parler de post-Metal ou je-ne-sais-trop-quoi à l’époque. Il me semble qu’il n’y avait alors guère qu’Isis, Breach et nous pour trouver un intérêt dans l’héritage sonique de Neurosis.

– Après plusieurs changements de line-up avant 2001, DIRGE a ensuite pris un virage plus atmosphérique avec des morceaux plus longs et beaucoup plus d’expérimentations sonores. Quel était votre leitmotiv à ce moment-là ?

SL. : Je ne sais pas si on peut parler de leitmotiv… Disons qu’on ne voulait se fixer aucune limite en termes d’expérimentations. C’était une tendance tacite entre nous tous, une envie commune et logique.

Alain B. : Le truc c’est qu’à partir de 1999 et mon arrivée à la batterie et celle de Zomber aux samples, le groupe est parti dans quelque chose de beaucoup plus organique et naturel. Le côté machine a ainsi commencé à s’estomper au profit d’une approche plus humaine. L’arrivée de Stéphane en 2001 n’a fait qu’amplifier cette mutation.

SL. : Avoir un véritable batteur en lieu et place d’une boîte à rythme et un mec qui joue les samples en direct a logiquement influé sur la forme de la musique, notamment en explosant le carcan imposé par les programmations et les BPM (qui constituaient paradoxalement l’ADN du DIRGE d’origine). L’abandon de cette rigidité électronique nous a d’un coup laissé beaucoup plus de liberté pour expérimenter, tester, en particulier en étirant les rythmes et les riffs et en jouant sur les répétitions et les durées. Il y a aussi eu tout un travail de recherche sur le volume sonore, le grain et les textures des amplis, un ré-accordage pour renforcer les basses et générer les vibrations les plus telluriques qui soient. Et en contrepoint de ces partis-pris de lourdeur et de puissance, on a aussi voulu introduire une véritable approche progressive et atmosphérique, pour mettre un peu d’air dans tout ce magma. Bref, on s’est retrouvé en 2001/2002 à l’orée d’un champ d’expérimentation incroyablement étendu. Tout cela a débouché sur de longues sessions d’impros pendant les répétitions, qui ont fini par devenir le corps de notre troisième album « And Shall The Sky Descend ».

– « Wings Of Lead Over Dormant Seas », votre quatrième album, a aussi marqué un tournant et une évolution dans le style de DIRGE. L’idée, là encore, était de toujours expérimenter et d’explorer de nouveaux espaces musicaux ?

AB. : On avait une idée bien précise avec « Wings Of Lead… », on voulait enregistrer tout l’album en live, avec le moins de prises possibles, afin de retranscrire au mieux les émotions. On voulait faire les choses naturellement. On a du coup énormément travaillé en amont pour traduire au mieux cette envie.

SL. : Pouvoir jouer et enregistrer d’une traite de si longs morceaux, aux structures labyrinthiques, passait évidemment par une longue préparation d’avant-studio. Apprivoiser et retranscrire au mieux les sessions d’improvisation a peut-être été le plus gros challenge. On savait que les nouveaux titres seraient encore une fois très longs et progressifs, mais il n’était pas questions pour autant d’étirer les choses gratuitement, juste pour le plaisir d’être monolithique. On voulait que tous les éléments, même les plus extrêmes (les tempos, les durées, les sons parasites, les larsens, etc) soient pertinents et servent notre vision de l’époque. Les morceaux ont dans leur majorité été profilés pour être enregistrés live et donc retranscriptibles comme tel une fois sur scène. C’est un disque qui a été fait avec très peu d’artifices studio.

AB. : Quant à l’évolution du style, je crois qu’on ne l’a absolument pas calculé, le processus de création a toujours été un peu le même entre nous.

Le visuel original (146×170 cm), « Ouverture» , par Axël Kriloffv et l’album…

– DIRGE a réellement pris son envol avec « Elysian Magnetic Fields » et « Hyperion », qui vous ont valu une belle reconnaissance et un statut de leader de la scène Indus française. Les années 2010 étaient-elles, selon toi, les meilleures du groupe ?

AB. : Disons surtout que 2011 a été le début de nombreux concerts dans toute l’Europe, avec deux tournées par an. Alors les conditions n’étaient pas simples, mais au final cela a été le début d’une super aventure. On y a noué de nombreux contacts.

SL. : C’est effectivement la période pendant laquelle le groupe a le plus existé en live, en particulier à l’étranger. Avec donc tout ce qui va avec : rencontres, découvertes de nouveaux pays, bons souvenirs et expérience douloureuses, bref, tout ce qui fait la vie d’un groupe en tournée. On est aussi devenu logiquement bien meilleurs sur scène. Et surtout, ce sont des années qui nous ont enfin permis de mieux diffuser notre musique et de toucher plus de gens. Donc pour moi, c’était de loin la meilleure période pour DIRGE. Et les trois albums sortis entre 2011 et 2018 restent mes préférés.

– Pourtant en mars 2019, il n’y a pas si longtemps, vous annoncez la fin du groupe. Qu’est-ce qui a mené à une telle décision ? Vous aviez chacun envie de vous investir dans d’autres projets ?

AB. : Tu sais, le groupe a été créé en 1994 et au bout d’un moment, tu as aussi envie d’avoir une autre reconnaissance, de monter des tournées plus facilement et de jouer dans de meilleures conditions.

SL. : Et comme rien de changeait, qu’on continuait de galérer pour monter les tournées, de s’épuiser sur la route, de dormir par terre et de perdre de la thune, on a compris que rien ne changerait, même avec un nouvel album (« Lost Empyrean »), dont on était pourtant super fier.

AB. : Du coup au bout plus de 20 ans, tu te dis effectivement que tu as fait le tour, et qu’il faut passer à autre chose. Après, au vu des très bons retours qui ont suivi « Lost Empyrean », on aurait bien un peu plus défendu l’album sur scène, mais bon c’est comme ça !

SL. : Le manque de reconnaissance et les galères on en outre fatalement abîmé l’équilibre au sein du groupe où tout commençait à devenir vraiment compliqué. On a donc décidé de terminer l’écriture et l’enregistrement de « Lost Empyrean », de tourner une dernière fois avant sa sortie, d’assurer la promo puis de saborder le groupe juste après. On a préféré arrêter tant que nous étions encore créatifs et pertinents, plutôt que de sortir le disque de trop. Histoire d’arrêter en étant honnête et au clair avec nous-mêmes. Mais il y a beaucoup de regrets et d’incompréhension, c’est sûr.

Photo : Stéphane Burlot

– Aujourd’hui, vous sortez le conséquent et très dense « Vanishing Point » qui regroupe surtout des versions inédites et live. Tout d’abord, qu’est-ce qui vous a motivé à sortir cette compilation testamentaire ? C’est pour mettre un point final à l’aventure ?

SL. : En fait, on voulait juste regrouper sur un même disque (trois au final), les inédits et les raretés qui nous semblaient importants dans l’histoire et la chronologie du groupe. Sachant que 90% de ce qui constitue « Vanishing Point » est soit inédit, soit totalement devenu introuvable, il y a derrière ce projet une dimension exhaustive et définitive qui nous semblait nécessaire pour effectivement mettre un point final à l’aventure.

AB. : Cela faisait un bout de temps qu’avec Stéphane, nous avions envie de faire enfin paraître certains inédits, de ressortir quelques raretés, de remasteriser certains titres et de les rassembler dans une compilation. Donc, cela nous a pris une bonne année pour faire le tri, retrouver les morceaux, s’arrêter sur une set-list et entreprendre toute la partie restauration et mix.

– Ces trois CD passent en revue tous les lines-up et les albums de DIRGE et vous avez confié ce travail de « restauration » au talentueux Raphaël Bovey. Comment cela s’est-il passé et comment avez-vous défini le choix des titres et des versions ?

AB. : Après le super travail de Raphaël sur « Lost Empyrean », il nous semblait évident que cet énorme boulot de mix, de nettoyage, d’harmonisation et de mastering lui revienne ! C’est d’ailleurs grâce à lui qu’il y a ce troisième CD ; son travail de restauration et de mix sur le live de 2005 nous a tellement bluffé qu’on a décidé de compléter « Vanishing Point » avec ces titres, ce qui permettait ainsi d’ajouter la dimension scénique qui manquait à la compil.

SL. : On avait besoin de quelqu’un de très compétent bien sûr, mais aussi qui connaisse bien notre musique, en qui on avait toute confiance et avec qui il serait très facile de bosser et de communiquer. Le choix était donc évident. Raph a vraiment eu un rôle décisif dans ce projet, tant il a su homogénéiser ces 25 ans de musiques, de sources et de productions parfois très différentes pour en faire un tout très cohérent.

– Après 25 ans d’une carrière très créative menée tambours battants, quelle image et quelle empreinte pensez-vous et aimeriez-vous laisser au public ? Et qu’avez-vous à dire à celles et ceux qui vont vous découvrir avec « Vanishing Point » ?

AB. : On aimerait laisser une image de sincérité. On a toujours fait les choses le mieux possible, joué avec la même intensité dans une salle vide ou dans une salle pleine ! On aime partager ce que l’on ressent, ce que l’on crée avec les gens qui nous suivent depuis longtemps, comme avec ceux qui nous découvrent.

– Enfin, il faut bien que je vous pose la question qui brûle toutes les lèvres : a-t-on une chance de revoir un jour DIRGE sur scène ou avec un nouvel album ?

AB. : Franchement, non je ne pense pas.

SL. : En tous cas, pas avec un nouvel album, ça c’est certain.

« Vanishing Point » est disponible depuis le 26 mars chez Blight Records et Division Records.

Bandcamp : http://dirgeparis.bandcamp.com

Facebook : https://www.facebook.com/DIRGE.fr

Catégories
Extrême International Metal

While She Sleeps : une société pas si anonyme [Interview]

Originaire de Sheffield en Angleterre, WHILE SHE SLEEPS est un groupe très actif et activiste de la scène MetalCore depuis 2009 surtout. Après avoir créé son studio et son propre label, le quintet vient de concevoir Patreon, une plateforme où les fans deviennent les principaux acteurs de l’économie du groupe à travers leur participation. Grâce à ses abonnés, le groupe devient producteur de contenus en tout genre à la demande de leurs fans : c’est l’objectif de la « Sleeps Society ». Lawrence « Loz » Taylor, chanteur du groupe, en dit plus sur cette nouvelle démarche, ainsi que sur l’album qui va bientôt sortir…

Photo : Giles Smith

– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que tu nous expliques en quelques mots ce qui vous a motivé à créer la « Sleeps Society »…

En fait, le processus a commencé avec « You Are We » en 2017, parce que c’était la première fois que nous produisions notre album nous-mêmes. Et il a été l’un de nos plus grands succès. Nous avions tout gérer de A à Z, c’est-à-dire de la production du disque à la promotion, les concerts, etc… C’est vraiment à ce moment-là que l’idée de la « Sleeps Society » a germé. On a pu mettre le doigt sur ce qui n’allait pas dans l’industrie musicale depuis ces dernières années. Il fallait effectuer un changement, car le système ne fonctionnait plus. On ne pouvait plus faire carrière dans cet establishment-là. Cette notion de communauté nous a donc paru essentielle et nécessaire. Le fait de s’adresser directement à la fan-base était évident, car ce sont les premiers concernés et notre relation avec elle fonctionne très bien. Ce rapport direct avec nos fans a changé beaucoup de choses. Cette plateforme nous sert à nous adresser à eux et à échanger en évitant le système en place. Ce n’est pas facile pour les groupes en ce moment. Le streaming représente aujourd’hui 95% de l’écoute de musique, ce qui est énorme et ce changement a bouleversé beaucoup de choses. Alors, si on veut que le milieu underground survive, il fallait apporter quelque chose de supplémentaire, car que nous ne sommes pas dans le même système qu’un groupe de Pop commercial. On a du faire évoluer notre façon de travailler.

– Concrètement, comment fonctionne-t-elle d’autant qu’elle peut s’adapter à tous les groupes qui le souhaitent, non ?

Oui bien sûr, mais tu sais, ce n’est pas quelque chose de très nouveau en fait. Cela permet de tout gérer soi-même, en direct et sans intermédiaire. La liberté est totale. C’est une plateforme qui permet de se passer de l’establishment en place, d’être indépendant. Nous avons beaucoup appris avec cette façon de faire et je pense que cela peut aussi aider beaucoup de groupes.  

– En 2019, vous aviez alerté des dangers du streaming en éditant un t-shirt pour souligner l’importance des ventes de merchandising pour la survie des groupes. Penses-tu que cette sensibilisation ait porté ses fruits ?

Oui, ce t-shirt a beaucoup sensibilisé, c’est sûr. Le message était très clair et beaucoup de gens en ont pris conscience. Ils ont compris que 5.000 streams correspondaient environ à 20£. Quand tu mets tout ça dans la balance, c’est un truc de fou. Il fallait vraiment en informer les gens. Je pense que maintenant beaucoup de monde a compris que ça n’allait pas et qu’il fallait faire quelque chose. Au final, ce sont encore et toujours les gros de l’industrie musicale qui raflent la mise, et non les artistes. D’où l’importance du merchandising direct, même si cela ne remplace pas la vente physique d’albums.


Le fameux t-shirt avec lequel WHILE SHE SLEEPS a commencé à éveiller les consciences en 2019.

– Revenons en 2021. Face à vos multiples campagnes et votre militantisme, comment réagit votre maison de disques ? Avez-vous son soutien ?

Oui, c’est assez génial d’ailleurs ! La « Sleeps Society » bénéficie d’un grand soutien de la part de notre maison de disques. Tout le monde a appris énormément avec cette démarche. C’est aussi plus simple pour nous de pouvoir composer et faire les choses quand nous en avons envie, gérer nous-mêmes les réseaux sociaux et leurs contenus. On sait qu’on s’adresse aux bonnes personnes au bon moment. Tout le monde peut aussi voir ce que l’on fait et nous sommes vraiment contents du soutien que l’on reçoit : les gens sont au cœur du projet. Tout le monde y trouve son compte et c’est une très bonne chose.

– Votre cinquième album va bientôt sortir (le 16 avril) et la première chose qui interpelle, ce sont ces morceaux beaucoup plus directs et incisifs. Vous avez cherché à être encore plus efficaces dans le songwriting ?

Je ne pense pas que c’était quelque chose de conscient lorsque nous avons écrit les morceaux. C’est ce que beaucoup de gens nous ont dit. Le message était beaucoup plus direct et indépendant sur ce nouvel album. Nous aimons toujours beaucoup parler de politique dans nos textes, et chacun peut y faire son interprétation. Notre message n’a pas tellement changé depuis toutes ces années. Nous parlons d’unité et des situations difficiles qu’on peut rencontrer en y apportant notre point de vue. C’est vrai que beaucoup de monde s’y retrouve surtout dans cette période de pandémie, où nous sommes encore plus isolés que jamais. Nous restons toujours positifs et j’espère que les fans ressentent toute cette énergie positive. Nous sommes une sorte de confident, c’est pourquoi cette communauté est importante.  

– Musicalement, votre style s’affine aussi de plus en plus et tout en gardant cette puissance énorme. Ce nouvel album est beaucoup plus mélodique et peut-être moins brutal. Le but est-il de fédérer le plus possible en étant un peu plus accessible ?

Comme je te le disais, il n’y avait rien de prémédité au moment de l’écriture. On voulait juste faire un album différent. Nous jouons ensemble depuis de longues années maintenant et nous aimons des styles de musique très variés. Ce nouvel album est juste une nouvelle collaboration où chacun apporte ses idées. Nos influences sont variées et nous emportent dans des registres et aussi un flow nouveau à chaque fois. On n’a jamais voulu sortir deux fois le même album, et sur « Sleeps Society », on voulait vraiment quelque chose de collectif. Je pense que nous sommes chanceux de pouvoir changer ainsi de terrain de jeu et de faire grandir et évoluer WHILE SHE SLEEPS. Nous ne voulons pas sonner comme les autres. Un groupe qui ne sonne pas comme tout le monde est un bon groupe, je pense. Nous créons notre propre vision de la musique à partir de tout ce que nous écoutons, et c’est vraiment ce que nous aimons faire.

Photo : Giles Smith

– Une fois encore « Sleeps Society » est toujours aussi bien produit. Comment avez-vous travaillé pour la composition de l’album ?

Il m’arrive d’enregistrer des textes sur mon téléphone, les gars proposent des idées de morceaux, et ainsi de suite…. chacun apporte sa pierre à l’édifice. Nous avons enregistré cet album pendant le confinement, ce qui aurait du être compliqué car nous ne pouvions pas être dans la même pièce ensemble. Mais nous avons notre propre endroit pour travailler, ce qui nous a beaucoup aidé. C’est le QG de WHILE SHE SLEEPS. Ici, on peut être tous ensemble tout en gardant de bonnes distanciations. On a vraiment de la chance d’avoir ce lieu pour pouvoir travailler tranquillement. Malgré la pandémie, tout s’est presque normalement passé et ça nous a permis de ne pas trop nous préoccuper de la situation.

– Vous avez aussi invité Simon Neil de Biffy Clyro sur « Nervous », et Deryck Whibley de Sum 41 sur « Defeat For The Brave ». Qu’est-ce qui vous a rapproché, car vos univers sont assez différents ?

Ah oui, définitivement ! Simon était assez nerveux, car tout le monde a été très touché par la pandémie. Et donc l’avoir comme guest sur l’album était très important pour nous. Et beaucoup de très bonnes choses se sont passées. Nous avons vraiment voulu que les invités apportent un vrai plus sur l’album en y apportant leur patte, leur style et leur vision du morceau. Ils ont choisi leur façon de chanter les titres. C’est cela qui nous intéressait vraiment. Et puis, ce sont deux chanteurs que nous respectons énormément. C’était vraiment génial et incroyable pour nous de les avoir sur le disque. Il s’est vraiment passé quelque chose de spécial avec eux. Ils sont très positifs et je pense que les gens vont s’en rendre compte en écoutant les morceaux.

– Il y a aussi ce morceau « Call Of The Void » avec le featuring de la Sleep Society. De qui est-elle composée ?

A la base, nous avons lancé un appel sur nos réseaux en demandant à nos fans de participer à l’album pour les remercier. On leur a donc donné les paroles du premier morceau qu’on avait écrit avec le groupe avec deux versions différentes. Du coup, ils se sont enregistrés avec leur téléphone ou un micro, et l’objectif était de les intégrer sur l’album. C’est ça la « Sleeps Society » ! Ca a donné quelque chose de vraiment spécial de pouvoir faire participer nos fans à ce nouveau disque sur ce morceau.

– Enfin, en menant votre combat pour la reconnaissance des droits des groupes en plus de cette pandémie, comment arrivez-vous à rester positif en cette période trouble et inédite ?

C’est vrai que c’est difficile pour le monde de rester positif sur une aussi longue période. Pour ma part, j’aime parler de petites victoires en restant concentrer sur le fait de vivre tout ça semaine après semaine. Rester positif tous les jours n’est pas évident, quand on ne sait pas quand tout reviendra à la normale. Il faut y aller petit à petit et surtout garder espoir.

« Sleeps Society », le nouvel album de WHILE SHE SLEEPS, sortira le 16 avril chez Spinefarm Records/ Universal.

Catégories
Doom Rock Stoner/Desert

Los Disidentes Del Sucio Motel : dissidence post-Rock

Contourner l’évidence et les codes semble avoir été le leitmotiv de ce quatrième album de LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL. Si la touche et l’esprit Stoner Doom sont toujours présents, le quintet français s’est ouvert une nouvelle voie qui conduit « Polaris » dans un post-Rock convaincant et immersif.

LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL

« Polaris »

(Klonosphere/Ripple Music)

Après 15 ans d’activité et le très bon « Human Collapse » il y a cinq ans, LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL fait son retour avec « Polaris », qui marque encore le franchissement d’un cap pour le quintet. Toujours sur une base Stoner Doom, c’est plutôt dans un esprit post-Rock aérien que se déploie ce quatrième album. Consistant et intense, le registre des français prend encore de l’ampleur.  

Fuzz, Progressif et très Psych, LDDSM n’a pas délaissé son identité sonore construite autour de gros riffs, de mid-tempos hypnotiques et de cet esprit très jam, qui fait sa signature. Et avec son irrésistible polyphonie menée par Nicolas Foucaud, Daniel Scherding et Katia Jacob, les Strasbourgeois sont aussi incisifs que planants et font une belle place aux parties instrumentales (« Earthrise »).

Assez Grungy sur « Blue Giant » et « Horizon », LDDSM joue la carte de la diversité pour nous guider dans un univers musical qu’il maîtrise parfaitement (« The Plague », « Alpha Ursae Minor »). Loin d’être plombant, « Polaris » propose des moments plus légers et très convaincants (« The Great Filter »). En se démarquant d’un Stoner et d’un Doom trop prononcés, le quintet s’ouvre une brèche post-Rock originale.

Catégories
Doom Extrême

1782 : de profundis clamavi

Est-il possible d’aller encore plus loin dans les atmosphères écrasantes et parfois presque claustrophobiques du Doom ? Le trio italien 1782 s’est certainement posé la question et s’est mis à l’ouvrage en un rien de temps. Résultat : « From The Graveyard » est un deuxième album tentaculaire et asphyxiant.

1782

« From The Graveyard »

(Heavy Psych Sounds Records)

1782 tire son nom de l’année de l’ultime procès en sorcellerie ayant eu lieu en Europe et qui vit Anna Göldi condamnée, torturée et assassinée. Autant dire que le trio sarde ne pouvait mieux planter le décor et laisser s’exprimer son Horror Occult Doom qui nous plonge dans les profondeurs abyssales de n’importe quel enfer ! Et pour plus de sensations, une écoute au casque s’impose.

Enregistré et produit par Alfredo Carboni chez lui en Sardaigne, le trio propose un son encore plus étouffant et chargé que ce qu’il avait proposé sur le très bon Volume 2 des « Doom Sessions » aux côtés d’Acid Mammoth. Cette fois, 1782 nous laisse à peine respirer pour s’enfoncer dans les ténèbres épaisses d’un Doom écrasant comme jamais. « From The Graveyard » porte bien son nom.

Marco Nieddu (guitare, chant), Gabriele Fancellu (batterie) et Francesco Pintore (basse) ont également fait appel à leur ami Nico Sechi (orgue Hammond) et à leur producteur (synthétiseurs) pour accentuer les atmosphères pesantes de ce deuxième album. La texture sonore du groupe prend une autre dimension dans laquelle 1782 a parfaitement trouvé ses marques (« Bloody Ritual », « Witch Death Cult », « Sleepless Malice »).

Catégories
Extrême Metal Progressif

Death Of A Dryad : un conte très contemporain

Sept ans après son premier effort, le duo Dark Metal Atmosphérique s’est remis à la tache et propose de nous conter une histoire sombre et musicalement obsédante. Avec « Hameln », DEATH OF A DRYAD présente une diversité musicale incroyable, originale et actuelle qui vient transcender une légende plus que centenaire.

DEATH OF A DRYAD

« Hameln »

(Wormholedeath Records)

Composé des deux multi-instrumentistes Carol et Nogh, également fondateurs du groupe Mind Imperium, DEATH OF A DRYAD a déjà près de 13 ans d’existence et un album éponyme sorti en 2014 à son actif. Avec « Hameln », c’est à travers un Dark Metal Atmosphérique aux contours médiévaux (et pour cause !) que les Lyonnais revisitent la légende allemande du joueur de flûte de Hamelin et son invasion par les rats.

La force de « Hameln » réside bien sûr dans son côté narratif dû au concept de l’album, et DEATH OF A DRYAD montre une fluidité imparable dans cette multitude d’atmosphères traversée par le duo. Intense et éthérée, la musique des Français reste toujours captivante. La technicité et la justesse dont ils font preuve sont par ailleurs servies par une production exceptionnelle : un travail d’orfèvre.

Guidé par une flûte légère tout au long de l’album, on navigue entre passages Folk et intonations Black Metal, où se mêlent des parties vocales masculines et féminines claires, tantôt narrées, chuchotées ou saturées. DEATH OF A DRYAD livre un album complet et abouti en s’appropriant les styles avec intelligence et savoir-faire (« Enter The Piper », « Apud Omnes Hostes », « Left To Die », « Freedom Lies »). Envoûtant !

Catégories
Doom Extrême International Stoner/Desert

Acid Mammoth : une ascension à marche soutenue [Interview]

En l’espace de seulement trois albums et d’un split EP, le quatuor grec ACID MAMMOTH s’est fait une solide réputation dans l’univers Doom européen. Une position qu’il faudra maintenant confirmer sur scène, dès que possible. Une chose est sûre, on a franchement hâte de les découvrir en concert et prendre en pleine face le Stoner Doom lourd et épais des Hellènes. Entretien avec Chris Babalis Jr., guitariste et chanteur du combo.

– Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ACID MAMMOTH n’évolue pas  vraiment à l’allure d’un pachyderme. Trois albums et un split EP en trois ans : la cadence est soutenue. On a presque le sentiment que vous êtes dans l’urgence, c’est le cas ?

C’est vrai que nous avons été très occupés ces deux dernières années. Nous n’étions forcément pressés, mais le processus de chacun de ces albums s’est déroulé de manière assez fluide et naturelle. Nous avions beaucoup d’idées de chansons, donc c’était logique pour nous de les enregistrer plutôt que d’attendre. Nous avons pris notre temps avec « Acid Mammoth » et le suivant « Under Acid Hoof », avec des sorties espacées de trois ans. Quant à « Doom Sessions Vol.2 » et « Caravan », nous pouvons remercier les confinements pour avoir été une source d’inspiration. Dès que nous avons été coincés chez nous, écrire de la musique et être créatif était le seul moyen de préserver notre santé mentale en ces temps sombres. C’’est pour ça que nous avons pu enregistrer ces deux disques en si peu de temps.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut rappeler qu’ACID MAMMOTH est aussi une affaire de famille, puisqu’on te retrouve aux côtés de ton père aux guitares, et vous êtes tous des amis d’enfance. Comment cela se passe-t-il au sein du groupe ? Qui écoute qui ? C’est qui le patron ?

Il n’y a pas de patron dans le groupe, nous travaillons tous ensemble pour atteindre les mêmes buts et les mêmes objectifs. Le simple fait que nous nous connaissons si bien nous permet de travailler encore plus facilement, car nous ne sommes pas seulement les membres d’un groupe qui se rencontrent une fois par semaine pour les répétitions, mais de très bons amis qui traînent ensemble tout le temps. Bien sûr, avoir mon père dans le groupe rend l’équipe encore plus forte, car notre lien indéfectible père/fils nous permet de travailler harmonieusement et ensemble les guitares. Dimos et Marios sont aussi ravis de travailler avec lui car, après tout, ils l’ont bien connu avant qu’on joue tous ensemble. Et nous partageons tous la même fascination pour Black Sabbath. En grandissant et à travers différentes générations bien sûr, on a pu se réaliser à travers le groupe, en jouant ensemble des airs de ‘Sabbath’ et en partageant la même passion pour le Heavy.

– Après un premier album éponyme et autoproduit, vous signez chez l’excellent label Heavy Psych Sounds Records, reconnu pour son catalogue exceptionnel. Quelle a été tout d’abord votre premier sentiment ? Un certain accomplissement, une fierté ?

Nous sommes vraiment fiers de faire partie de la famille HPS et de faire partie de cette liste d’artistes incroyables et que nous admirons. HPS a été formidable depuis le premier jour et nous sommes vraiment heureux. C’est un peu comme notre maison maintenant, après quatre albums sortis chez eux. Nous avons hâte de voir ce que nous ferons ensemble à l’avenir. Si tu me disais quand nous avons commencé ce groupe que, non seulement nous signerions avec Heavy Psych Sounds, mais aussi que nous ferions quatre albums ensemble, je ne l’aurais pas cru. Nous les avons contacté pour une signature potentielle après l’enregistrement de « Under Acid Hoof », et Heavy Psych Sounds nous a accueilli après la première écoute du disque !

– « Under Acid Hoof » sort donc en 2019 et on découvre le Stoner Doom puissant du groupe. Même si on sent encore une certaine influence sabbathienne, le chant surprend par sa clarté et une certaine douceur très contenue. C’est à ce moment-là que vous avez peaufiné et que vous avez affirmé vraiment votre style ?

Nos influences sabbathiennes sont présentes et ce n’est pas un secret : nous sommes tous de grands fans. Cependant, nous essayons de présenter notre propre version du Doom. Nous intégrons toutes ces influences, en essayant toujours de produire quelque chose d’authentique et personnel, même si ce n’est peut-être pas quelque chose de nouveau ou de révolutionnaire. Nous n’avons jamais cherché à révolutionner le genre, nous sommes d’abord des fans, puis des musiciens. Tout ce que nous avons toujours voulu depuis le début était de créer ensemble des morceaux que nous aimons. Nous avons réussi à cet égard, car nous sommes vraiment satisfaits de chaque disque que nous produisons. Chacun est fait avec beaucoup d’amour. Il peut en effet y avoir une certaine douceur à certains moments dans nos chansons, car nous voulons leur apporter une sensation apaisante, une atmosphère familière qui vous fait vous sentir chez vous à chaque fois que vous faites tourner nos disques.

– En septembre dernier, vous figurez sur le volume 2 des « Doom Sessions » de votre label aux côtés du groupe 1782. Comment s’est passée cette nouvelle expérience, où vous signez trois inédits franchement massifs. Vous n’avez pas été tentés par une collaboration directe avec 1782 ?

C’est vraiment génial de partager un disque avec 1782. C’est un groupe de Doom fantastique, ainsi que des gars formidables. Il y a des différences dans nos sons respectifs. 1782 adopte un son plus vintage et Old School dans leurs albums, qui fonctionne très bien et vous emmène directement aux profondeurs de l’enfer. Au contraire, nous adoptons un son plus cristallin et plus moderne dans nos chansons. Chaque style fonctionne parfaitement pour chaque groupe et malgré nos différences, les deux styles s’accordent très bien. C’est un disque vraiment sombre et occulte, et nous croyons fermement que les deux groupes ont tout donné pour produire des chansons qui nous parlent vraiment plutôt que d’adopter une approche « gardons les bonnes chansons pour le prochain album », qui aurait entaché la sortie.

– Il y a quelques jours, vous sortiez « Caravan » que vous avez écrit, enregistré et produit en plein confinement. Qu’est-ce que cette situation a apporté à ce troisième album ? J’imagine que les conditions étaient très particulières ?

Composer les chansons de « Caravan », tout en étant coincé à la maison, a été une belle expérience, apaisante même. L’enregistrement de l’album n’était pas du tout problématique, car Athènes venait de sortir du premier confinement, donc c’était génial. Cependant, dès que nous avons commencé à mixer l’album, la ville a subi à nouveau un verrouillage total. Puis la situation a changé et certainement pas pour le meilleur. Faire la post-production de l’album sans pouvoir se rencontrer a été une tâche vraiment ardue, car presque tout devait être fait à distance. Il y a eu quelques visites secrètes au studio très discrètement, mais il a définitivement fallu beaucoup d’énergie pour que ça marche. En fin de compte, nous sommes tous très satisfaits du produit final et je ne pense pas que le son et la qualité auraient été différents de toute façon. Nous avons tous les cinq, y compris notre ingénieur du son, travaillé dur pour réaliser et apporter notre vision comme elle était initialement prévue.

– « Caravan » est très mélodique et pourtant très lourd et épais. Malgré le très Stoner « Berserker », l’ensemble se fond dans un Doom profond. Il y règne pourtant une certaine luminosité, comment l’expliquez-vous ?

« Caravan » reflète vraiment notre humeur pendant cette période sombre, cette frustration de ne pas pouvoir réaliser notre passion au maximum et d’attendre que les choses s’améliorent à nouveau. Il y a une certaine mélancolie dans son essence, un sentiment morne de désespoir et de destin imminent qui se réalise à travers quelques morceaux plus mélodiques. Il conserve sa lourdeur : c’est encore 40 minutes de Doom lourd et très fuzz, mais aussi plus personnel. On aurait pu jouer la sécurité et sortir un copier-coller de « Under Acid Hoof », mais aucun de nous ne le voulait. Nous voulions sortir quelque chose qui nous parle vraiment et reflète nos pensées et nos sentiments à un moment où nous avions le plus besoin d’écrire de la musique. C’était aussi le seul moyen de préserver notre santé mentale, en bloquant nos frustrations.

– Là encore, vous avez fait appel à votre producteur Dionysis Dimitrakos, qui commence à bien connaître ACID MAMMOTH. Ce qui surprend en écoutant les deux derniers albums à la suite, c’est que les deux ne forment presqu’un tant l’unité sonore et musicale est manifeste. C’était votre volonté ?

Dionysis est comme le cinquième membre du groupe. Il a travaillé très dur pour retranscrire notre vision, tout en y mettant ses formidables compétences, ainsi que son identité sur les albums. Il fait tellement partie intégrante du groupe car, sans lui, nous serions complètement différents en termes de son et d’esthétique. Il y a définitivement une unité musicale, ainsi que de continuité entre les deux albums. Nous avons trouvé notre son et nous n’avons pas l’intention de faire de changement majeur à l’avenir. Nous voulons être cohérents, et nous avons toujours voulu que le lien entre les albums soit aussi fluide que possible. Il y a bien sûr des différences entre les deux disques. « Caravan » est sans doute plus organique que « Under Acid Hoof », mais les deux possèdent le même caractère.

– Enfin, vous reprenez sur « Caravan » le même concept graphique que sur « Under Acid Hoof ». Est-ce à dire que les couleurs rouges et noires, qui enveloppent les spécimens présents sur les pochettes, sont devenues l’identité visuelle d’ACID MAMMOTH ?

Nous pouvons remercier Branca Studio pour les pochettes. L’esthétique honore et complète parfaitement notre musique. Nous pensons que cette combinaison de rouge et de blanc jaunâtre apporte un certain côté vintage et Old School, comme un film d’horreur des années 60. Et la combinaison avec les riffs Doom Metal conduit l’ensemble à un résultat vraiment épanouissant. En effet, ces deux couleurs sont devenues notre identité visuelle, mais cela ne signifie pas que nous ne sommes pas disposés à utiliser des couleurs différentes à l’avenir. Mais oui, nous sommes tous d’accord pour dire que le rouge, en tout cas, est la couleur d’ACID MAMMOTH puisqu’elle est présente sur nos trois albums.

« Caravan » est disponible depuis le 5 mars chez Heavy Psych Sounds Records.

Bandcamp : https://acidmammoth.bandcamp.com

Retrouvez la chronique de « Caravan » : https://rocknforce.com/acid-mammoth-cest-la-que-les-atheniens-aneantirent

Catégories
Extrême Metal

Cryptosis : sortir des stéréotypes

Les vrais amateurs de Thrash Metal connaissent déjà CRYPTOSIS sans le savoir et  sous un autre nom et dans un style quelque peu différent. En effet, le trio néerlandais revient sous une nouvelle identité avec un registre beaucoup plus technique et progressif qui le rend vraiment irrésistible. Une belle claque qui laisse des traces.

CRYPTOSIS

« Bionic Swarm »

(Century Media Records)

Distillator est mort, vive CRYPTOSIS ! Désireux de ne pas rester bloqué dans un univers Thrash Metal qui semblait les étouffer, le combo néerlandais a tué le père pour mieux ressusciter dans un registre où le trio a désormais toute la latitude pour s’exprimer et explorer des contrées métalliques qui vont du Technical au Progressif, tout en gardant son identité Thrash (« Game Of Souls »).

Fini le côté Old School et place à un style très actuel et résolument moderne, le groupe va de l’avant et à pleine vitesse. Sobrement orchestré sur certains morceaux, CRYPTOSIS a opté pour un Power Thrash Progressif qui bastonne (« Decipler », « Death Technology », « Conjuring The Egoist »). Très dense, ce premier album des Hollandais multiplie les assauts à grand renfort de riffs tranchants sur un chant assassin.

Très varié sans se disperser, « Bionic Swarm » dégage une belle puissance et des atmosphères souvent frénétiques et techniquement imparables (« Prospect Of Immortality », « Flux Divergence »). CRYPTOSIS fait les choses en grand en y mettant les formes et avec une belle fluidité. Pour leurs débuts sous ce nouveau nom, les Néerlandais frappent fort et massivement… et c’est audacieux et convaincant. 

Catégories
Extrême International

The Crown : le Metal comme carburant [Interview]

En 30 ans de carrière, THE CROWN est devenu une institution mondiale en termes de Death Metal. Jamais rassasiés, les Suédois sortent un « Royal Destroyer » brutal, plus intemporel que jamais et avec toujours ces touches Thrash et groovy qui font leur particularité. Robin Sörqvist, guitariste du combo, nous en dit un peu sur ce nouvel album et les intentions musicales du groupe.

Photo : Ida Kucera

– On vous savait agressifs et virulents mais là, ouvrir ce nouvel album avec le très explosif « Baptized In Violence », c’est très frontal ! Le but était de scotcher tout le monde d’entrée de jeu ?

L’idée initiale n’était pas d’ouvrir l’album avec cette chanson. Elle était censée devenir plutôt un morceau bonus, vraiment brutal. Mais pourquoi devrait-on toujours suivre ses propres plans ? (Rires) En fait, la chanson s’est avérée être géniale. La brutalité et l’énergie étaient trop bonnes pour n’être qu’un bonus, alors c’est devenu ce choc. On carbure au Metal !

– Le son Metal extrême suédois est souvent cité en référence car il demeure pionnier dans le style. En l’occurrence, « Royal Destroyer » correspond parfaitement à la définition qu’on en a. C’est quelque chose d’instinctif chez vous, ou vous sentez-vous dépositaire de cette identité sonore ?

C’est tout simplement notre identité sonore. Il n’y a pas de discussion pour savoir si une chanson devrait correspondre, ou pas. Nous faisons simplement ce que nous faisons et le résultat est direct. C’est un tout et c’est ce qu’il en ressort. Je pense d’ailleurs que notre son est assez unique. Il y a des choses personnelles en termes de mélodies et de progressions d’accords que l’on retrouve dans tout le répertoire de THE CROWN. Vous ajoutez à tout ça une attitude très punk assaisonnée de la voix de Johan, et vous obtenez notre son.

– « Royal Destroyer » est toujours ce bel assemblage de Death, de Thrash et de groove avec un côté Old School intemporel. Justement, on a vraiment l’impression que vous êtes imperturbables face aux modes et aux nouveaux courants musicaux, c’est le cas ?

Nous ne suivons aucune tendance musicale. Nous écrivons avec le cœur, notre humeur et notre âme. Ce qui est à la mode à un moment donné n’a jamais été la préoccupation de THE CROWN. Si vous pouviez voir nos collections d’albums privés, les plus récents datent  probablement de 2000 ! (Rires) Blagues à part, il y a bien sûr des artistes intéressants et vraiment talentueux dans le monde entier. Mais il n’y a pas beaucoup de nouveaux groupes vraiment bons, qui vous scotchent dans votre fauteuil. Peut-être que la numérisation en a tué la beauté ? Ou alors, peut-être que nous sommes tous trop paresseux pour emprunter cette voie. 

Photo : Ida Kucera

– Ce qui surprend aussi sur ce nouvel album, ce sont les changements d’ambiances au fil des morceaux, et pourtant il y a une belle continuité musicale. Dans quel état d’esprit avez-vous composé « Royal destroyer » ?

Il n’y avait pas de critères spéciaux qui visaient à faire un album plus diversifié ou d’un niveau plus élevé que « Cobra Speed Venom ». Puisque nous étions vraiment fiers de tout le processus de sa création, nous avons discuté de la manière de surmonter cela. Nous voulions opter pour la diversité et je pense que c’était une sage décision. Une batterie rapide, des guitares qui déchirent, des growls puissants mélangés à une belle mélancolie acoustique. Sans oublier d’ajouter une cloche, des hennissements de chevaux, un peu de sons de guerre et de tonnerre… Et voilà ! (Rires)

– Vocalement aussi, il y a une belle évolution et surtout une impression de grande maîtrise. Tu mets ça sur le compte de l’expérience, ou est-ce que c’est une nouvelle approche ?

Il y a bien sûr l’expérience de 30 ans de Death Metal qui joue beaucoup. Johan (Lindstrand – NDR) maîtrise une technique qui le rend plus détendu lorsqu’il chante. Il peut se concentrer davantage sur le timing et la prononciation, qui font vraiment ressortir le chant. Il n’y a pas beaucoup de chanteurs de Death Metal qui rendent les paroles aussi faciles à comprendre que lui.

– Enfin, on a tous récemment appris la mort de Lars-Göran Petrov, chanteur d’Entombed et Entombed A.D. Comment as-tu ressenti cette grande perte pour le Metal suédois notamment et au-delà ?

Oui, c’était vraiment un triste jour. Je l’ai suivi sur les réseaux sociaux et j’ai pu voir qu’il a vraiment combattu durement sa maladie jusqu’à la fin, et toujours avec le sourire et une attitude positive. C’est une légende et il a livré de la très bonne musique, de l’inspiration avec beaucoup d’esprit tout au long de sa carrière. Je n’ai jamais entendu un seul mot de travers sur lui. La dernière fois que je l’ai vu, c’était le 11 mai 2019, nous avons joué au festival ‘Graveland’ en plein air à Hoogeveen (Pays-Bas), que de bons souvenirs.

– Enfin, tu n’y échapperas pas car la question me brûle les lèvres : as-tu regardé la série « The Crown » ?

(Rires) Bien joué ! Non, je n’ai pas regardé, mais je leur suggère fortement d’utiliser « Royal Destroyer » comme bande originale de la prochaine saison !

« Royal Destroyer » est disponible depuis le 12 mars chez Metal Blade Records

Catégories
Extrême

Xael : une violente odyssée symphonique

Brutal, subtil et très technique, ce deuxième album des Américains de XAEL ne se contente pas de fusionner des genres musicaux très différents. Il créé un monde où se rencontrent Fantasy, science-fiction, Technical Death, Metal Progressif et le Folk Pagan dans une unité futuriste et à la fois ancestrale. « Bloodtide Rising » est un album hors du commun.

XAEL

« Bloodtide Rising »

(Pavement Entertainment)

C’est en 2017 que le batteur Joshua Ward (Rapheumets Well) pose les bases et les fondations de XAEL, dont le projet en lui-même est déjà un concept à lui tout seul. L’Américain fait des émules et est bientôt rejoint par le chanteur Joshua Niemeyer, le guitariste Daniel Presnell, le chanteur et six-cordiste Chris Hathcock (The Reticent) et le bassiste Brad Parris (Nile). Autant dire une belle bande de furieux !

Dans un univers original et personnel où le groupe est allé jusqu’à créer un monde entre Fantasy et science-fiction d’une complexité étonnante, on découvre également un registre musical assez singulier. Entre Technical Death, Folk, sonorités Folk et ancestrales, XAEL surprend et la grande technicité du quintet mise à disposition d’un tel concept est magistrale.

Très polymorphe, « Bloodtide Rising » renvoie autant à des groupes comme Cattle Decapitation que Wardruna, c’est dire le large spectre que proposent les Américains. Aussi à l’aise dans un registre Metal Progressif que Death et Pagan, l’odyssée proposée par XAEL est franchement inédite. Eclectique et novateur, le combo captive et ensorcelle (« Suun Rai Arn », « Srai-The Demon Of Erring », « Bloodtide Rising », …). Une envolée spectaculaire !

Catégories
Extrême Stoner/Desert

Cosmic Reaper : défier la gravité

C’est sur un faux-rythme que COSMIC REAPER surgit avec un Doom Metal Psych aux subtiles sonorités Stoner à travers un premier album éponyme rugueux et granitique. Simples, efficaces et obsédants, les morceaux du quatuor Américain sont aussi épais que tranchants, et la voix lointaine et éthérée de leur chanteur tente tant bien que mal à apporter un peu de lumière à cette sombre entreprise. Un régal !

COSMIC REAPER

« Cosmic Reaper »

(Heavy Psych Sounds Records)

Avant de vous caler ce premier album de COSMIC REAPER entre les oreilles, installez-vous confortablement et prenez une bonne respiration. Le quatuor américain présente un Doom Metal aux contours Psych et la chape de plomb qui va s’abattre sur vos tympans est écrasante à tout point de vue. Véritablement sur orbite, le combo est paré pour le décollage et le voyage s’annonce mouvementé.

Originaire de Caroline du Nord, COSMIC REAPER a fait ses premières armes avec un EP, « Demon Dance », qui a vite séduit les amateurs de sensations fortes, qui se sont rapidement rués à ses concerts. Stoppés net par la pandémie, les Américains en ont profité pour composer un premier album éponyme et les sept morceaux présentés sentent le souffre autant qu’ils bastonnent et enivrent. 

Dès les premières notes de « Hellion », l’expédition spatiale commence dans une atmosphère tendue, où la production massive et puissante fait des merveilles. COSMIC REAPER a également soigné les arrangements sur ces nouveaux titres à vraiment écouter au casque (« Stellar Death », « Planet Eater », « Infrasonic ») ! Et comment ne pas succomber à « Wasteland » et ses deux parties aussi Psych qu’épaisses ? Voilà, vous pouvez respirer !