Les Danois de FEATHER MOUNTAIN soufflent le chaud et le froid sur leur deuxième album, « To Exit A Maelstrom », qui sort étonnamment en indépendant. Technique et véloce, le Metal Progressif du quatuor, teinté de Rock du même registre, se faufile brillamment à travers des atmosphères très variées d’où s’échappe une dualité artistique opposant complexité et légèreté.
FEATHER MOUNTAIN
« To Exit A Maelstrom »
(Independant)
En explorant des thèmes comme la maladie ou la perte d’un être cher, FEATHER MOUNTAIN n’a pas choisi le chemin le plus facile. Et pourtant, c’est la paix de l’esprit et un horizon d’espoir et de réconfort que vise le groupe. Et c’est réussi. A l’écoute de ce deuxième album, « To Exit A Maelstrom », qui succède à « Nidus » sorti il y a trois ans, le quatuor touche vraiment au but, grâce à des morceaux très travaillés et fournis.
Sur une production limpide et lumineuse signée Johan Emanuel Jørgensen, les Danois trouvent un bel équilibre entre un Metal Progressif lourd et massif et des envolées plus Rock propres à l’évasion. FEATHER MOUNTAIN développe des sujets existentiels à base de métaphores et de symboliques, ce qui donne une touche très particulière et tout en contraste à sa musique.
Très technique, les Scandinaves s’engouffrent dans des méandres très progressifs en alternant des titres très nerveux et féroces avec des ambiances plus légères, mais également saisissantes et envoûtantes (« August Mantra », « Pariah », « Cloud-Headed », « Bliss », et le génial « Maelstrom »). FEATHER MOUNTAIN séduit grâce à une approche très créative et une maîtrise qui lui ouvre tous les champs du possible.
Il y a de l’électricité dans l’air dans le sud de l’Oklahoma et il semblerait que FROM THE GRAVE ait de nouveau été frappé par la foudre. Fort de débuts plus que prometteurs, le trio de Stoner Metal se meut avec une aisance de plus en plus manifeste dans un registre à l’ambiance Cosmic Doom, et « Indian Burial Ground » est aussi précis que massif.
FROM THE GRAVE
« Indian Burial Ground »
(Independant)
L’an dernier à la même période, FROM THE GRAVE avait piqué ma curiosité avec son EP « Around The Fire », qui annonçait avec trois très bons morceaux la sortie à suivre de « Indian Burial Ground », son deuxième album encore tout chaud. C’est donc un vrai plaisir de retrouver le trio du sud de l’Oklahoma et son Southern Stoner Metal aussi puissant que cosmique.
En l’espace de cinq ans, FROM THE GRAVE a vraiment peaufiné son jeu pour être encore plus incisif et créatif. Après s’être aguerris sur scène aux côtés de Crobot, Texas Hippie Coalition ou Anti-Mortem, Heath Thomas (guitare, chant), Michael Smith (basse) et Dan Anderson (batterie) ont encore accentué les tonalités Psych et Doom, tout en conservant ce son Southern qui vient rappeler ses origines.
Sur une très bonne autoproduction, on retrouve en version remasterisée l’intégralité du EP (« Let Face Down », « Take Up Snakes » et « The Crucible ») à laquelle viennent s’ajouter des morceaux fulgurants mariant Stoner metal et Cosmic Doom. FROM THE GRAVE est plus original que jamais, son jeu est puissant et la qualité des arrangements montre le cap franchi (« The Visit », « Mirage », « Fire From The Sun »). Compact !
Même instrumentale, la musique de GLEN ne manque ni de poésie, ni d’expression. Le Post-Rock Progressif du groupe berlinois prend une dimension nouvelle sur ce deuxième album, « Pull ! », parfaitement interprété et superbement bien produit. Parvenant à captiver à travers des morceaux pourtant assez longs, mais très rythmés et accrocheurs, le quatuor présente de multiples facettes dues aux parcours singuliers de ses membres. Entretien avec Wilhelm Stegmeier et Eleni Ampelakioutou pour évoquer ce nouvel opus, mais pas seulement…
– On sait que Berlin est une capitale culturelle cosmopolite et GLEN avec son line-up international en est la preuve. Comment vous êtes-vous rencontrés et sur quelles bases et quelles influences musicales avez-vous décidé de bâtir votre répertoire ?
Wilhelm : Eleni et moi sommes des collaborateurs de longue date, tant dans la musique qu’au cinéma. Nous avons collaboré sur plusieurs projets de films : Eleni en tant que réalisatrice, et moi comme compositeur de longs métrages, de documentaires et de films abstraits expérimentaux. Brendan Dougherty nous a été présenté. En plus d’être batteur, il travaille dans le théâtre en tant qu’artiste sonore et a collaboré avec l’Ensemble de danse Meg Stuarts, « Damad Goods », ainsi qu’avec divers autres groupes de danse et de performance. Nous connaissons aussi Maria Zastrow depuis assez longtemps. Elle a animé une émission dans une station de radio indépendante à Berlin, où elle nous avait invité à présenter notre précédent album « Crack ». Elle s’est demandé pourquoi nous ne lui avons pas demandé de jouer de la basse. Et comme elle avait déjà participé à un autre projet musical avec nous, on lui a simplement proposé.
– Vous venez de sortir « Pull ! », votre deuxième album et il est cette fois entièrement instrumental. Le choix de se passer de chant a été une décision que vous aviez prise dès le départ, ou est-ce venu naturellement ? Les morceaux se suffisant à eux-mêmes finalement ?
Wilhelm : Au sein du groupe, il y a toujours eu un terrain d’entente. Il y a une forte influence de l’élément narratif épique issu de la musique cinématographique, la création de nouveaux espaces sonores et de structures ouvertes aux musiques expérimentales ; et d’autre part, celle de la puissante dynamique et l’énergie du Noise, du Drone et du Rock Progressif également. Nous ne voulons pas nous limiter à produire de la musique qui contribue à un genre spécifique. Il y a une transformation constante au sein du groupe.
– Bien qu’instrumental, « Pull ! » se présente comme un album-concept. Est-ce que vous pouvez entrer dans le détail pour nous l’expliquer, et est-ce que le fait de se priver de textes complique les choses pour le côté narratif ?
Eleni : Le titre « Pull ! », ainsi que chaque titre de l’album ouvre la voie à une ambiguïté délibérée. Le morceau « Ahab » et ses illustrations font référence à Mocha Dick, une célèbre baleine agressive, mentionnée pour la première fois en 1839 dans une histoire publiée dans « The Knickerbocker » et « New-York Monthly Magazine », et qui ont probablement été une inspiration pour « Moby Dick » de Melville. Par ailleurs, il se dégage d’autres thèmes comme les personnages mythiques à domination masculine dans « Ahab », les efforts insurmontables sur « Korinth » et le bouton de rose comme énigme de « Davos », entourés de la « Montagne magique » de Thomas Mann accueillant le Forum Economique Mondial, et « Buffalo Ballet », qui est le témoin des batailles historiques de l’urbanisation, sont ouverts à de multiples interprétations. Autant, chacun de ces titres signifie quelque chose pour nous, autant ils laissent suffisamment d’espace à l’auditeur pour de multiples interprétations. Et c’est ce que nous voulions.
– Wilhelm, toi qui viens de la composition de musiques de films, tu as dû être peut-être plus à l’aise dans l’écriture de ces nouveaux morceaux, non ?
Wilhelm : Je suis venu à la musique de film, car j’étais fan de musique de film. J’aime les aspects narratifs des compositions et les paysages sonores de compositeurs comme Ennio Morricone, Pierre Jansen, Georges Delerue, Jerry Fielding ou Michael Small pour n’en citer que quelques-uns. J’aime les images que crée cette musique, même sans regarder le film. Travailler comme compositeur de film, c’est un rêve devenu réalité d’une certaine façon. D’un autre côté, c’est un engagement, car il faut servir les images du réalisateur, bonnes ou mauvaises. En travaillant sur la musique sans ces limitations, je peux servir et orchestrer mes propres images personnelles. Au-delà de cela, travailler en tant que compositeur peut aussi être une entreprise solitaire. Mais j’aime collaborer dans un contexte de groupe et apporter à la musique l’élan des autres musiciens.
– Le fait aussi que les nouveaux titres soient assez longs doit faciliter l’installation d’ambiances musicales grâce à une plus grande liberté, notamment pour un album-concept, non ?
Wilhelm : Tu as tout à fait raison. Certains effets ont besoin de temps pour se développer et s’élever. Par exemple, le rythme répétitif de « Yoo Doo Right » du groupe Can crée un vortex hypnotique qui dure 20 minutes. Cela créé une atmosphère qui rappelle la transe des percussions tribales. Sunn O))) a aussi créé un environnement transcendantal sacré avec son Drones et son volume massif. Pour ce genre de compositions, le temps est une partie essentielle de la musique. C’est un concept complètement différent d’une chanson Pop de trois minutes.
– Musicalement, l’univers de GLEN est assez vaste, même si on peut vous définir comme un groupe de Post-Rock Progressif. C’est une façon de brouiller les pistes, de ne pas se restreindre à un style ?
Eleni : Comme Wilhelm l’a mentionné précédemment, nous ne voulons pas contribuer à la musique d’un genre spécifique. On ne pense jamais à ça. Le terme « Post-Rock » contient tellement de musique et de styles différents que nous nous sentons assez à l’aise pour être définis comme tel, même si nous n’aimons vraiment pas être cataloguer de quelque manière que ce soit.
– Etonnamment, « Pull ! » est un album très technique musicalement et pourtant il est très abordable et ne présente pas de complexité apparente à l’écoute. C’est important pour vous d’être le plus « lisible » possible ?
Wilhelm : Pour moi, la musique est avant tout une expression émotionnelle et non une représentation de virtuosité et de technique. C’est une autre forme de communication. C’est merveilleux quand cette connexion émotionnelle se produit. Donc être « lisible », c’est probablement souhaité par n’importe quel musicien. Cela dit, nous ne changerons jamais un morceau ou une partie pour la rendre plus « lisible » ou consommable. En écoutant notre précédent disque, un ami a été surpris de pouvoir même danser sur notre musique… Je lui ai dit : eh bien danse ! D’un autre côté, Morricone, même avec ses compositions les plus expérimentales pour le cinéma et avec le collectif de compositeurs d’Avant-Garde Gruppo Di Improvvisazione Nuova Consananza ou The Group, a toujours réussi d’une manière ou d’une autre à créer des « Hits », en tout cas selon moi.
– Un dernier mot aussi sur votre travail avec le grand Reinhold Mack, qui a mixé l’album. Comment s’est passé votre collaboration et comment le contact a-t-il eu lieu ?
Wilhelm : Pour faire court, nous avons grandi dans le même petit village dans le sud profond de l’Allemagne… mais pas exactement au même moment. Sa famille avait un magasin de piano à côté de la maison de mes parents. Quand j’étais petit, il avait déjà du succès dans le monde de la musique. Dans le magasin de piano, ses parents avaient exposé une collection de ses disques d’or et je me tenais devant la fenêtre quand j’étais jeune, pensant qu’il y avait une sorte de sortie par là… Je me souviens juste de l’avoir sans doute vu une fois avec mon père quand j’avais peut-être trois ans dans la rue. Il portait un long manteau et des cheveux longs avec un autre gars dans le même style. Je les pointais du doigt en disant « Deatels », ce qui était censé signifier « Beatles ».
De nombreuses années plus tard, j’ai reçu un e-mail surprenant de sa part. Il était à Los Angeles et il venait de rentrer d’Allemagne. Il a allumé la télévision et a regardé un film allemand découvrant mon nom dans le générique de fin pour la musique… Calculant alors que nous étions autrefois voisins… Nous avons alors eu des contacts sporadiques. Quand on travaillait sur « Pull ! », il m’a contacté pour tout autre chose. Nous avons parlé un peu de musique et de business, je lui ai parlé de GLEN et du fait que nous travaillions sur un nouvel album.
De retour au studio, Eleni et moi étions coincés sur un morceau et on avait tendance à en faire de trop. J’avais nos échanges en tête et je lui ai dit : « Qu’aurait fait Mack ? », en pensant à la simplification parfaite de « Another One Bites the Dust ». Nous avons écouté la chanson et avons été subjugués par la parfaite production. Je lui ai alors écrit et il m’a répondu : « Si vous avez un problème, envoyez-le moi ». C’est ainsi qu’a commencé la collaboration, qui a été une belle expérience et vraiment un grand plaisir ! Au final, il a mixé l’intégralité de l’album et nous lui en sommes très reconnaissants ! Ce qui est drôle, c’est que nous ne nous sommes jamais rencontrés en personne jusqu’à présent… sauf par incident quand j’étais petit garçon… peut-être.
L’album « Pull ! » est disponible chez Anesthetize Productions depuis le 7 mai.
En l’espace de trois ans, HIPPIE DEATH CULT est parvenu à conquérir la scène de Portland et le quatuor ne compte pas s’arrêter là. Après un premier album (« 111 »), une participation à une compilation en hommage à Black Sabbath et à la bande-son du film « All Gone Wrong », le combo de Stoner Psych Prog débarque avec un deuxième album addictif.
HIPPIE DEATH CULT
« Circle Of Days »
(Heavy Psych Sounds Records)
Sous de faux airs sabbathiens, le quatuor de Portland explore bien d’autres sphères musicales, qui vont du Heavy aux riffs bien gras à un Psych Progressif tirant sur le Doom et le Classic Rock. HIPPIE DEATH CULT propose sur « Circles Of Days » une synthèse pertinente entre Metal et Rock après seulement trois ans d’existence. Il faut dire que les Américains ne sont pas restés les bras croisés, loin de là.
Et c’est cette faculté à fusionner les genres qui rend la musique du groupe aussi efficace et rassembleuse. Le quatuor s’amuse des styles et des époques pour livrer des morceaux intemporels et pourtant bien ancrés dans leur temps. Composé de seulement cinq titres et s’étirant sur près de 40 minutes, « Circles Of Days » montrent aussi un beau panel du registre de HIPPIE DEATH CULT, à commencer par le morceau-titre de l’album.
Dès le brumeux « Red Meat Tricks », le combo nous enveloppe avec un son à la fois lointain, langoureux et massif. Le clavier vient apporter une touche apaisante à la solide rythmique des Américains (« Hornet Party », « Eye In The Sky »), qui est guidée par la touchante et captivante voix de Ben Jackson. HIPPIE DEATH CULT est aussi véloce qu’extatique et est surtout capable de belles variations (« Walk Within »).
L’heure pour WINE GUARDIAN de briller au sein de la scène Metal et Rock progressive italienne, et même au-delà, serait-elle enfin venue ? Avec « Timescape », le trio affirme son style et se montre percutant et inventif. Après un EP et un premier album autoproduits, les Transalpins paraissent plus prêts que jamais.
WINE GUARDIAN
« Timescape »
(Logic II Logic Records/Burning Mind Music)
Présent sur la scène Metal progressive depuis maintenant 13 ans, WINE GUARDIAN ne livre pourtant que son deuxième album après un premier EP en 2014. Malgré une discographie peu étoffée, les Italiens se sont fait rapidement remarquer et « Timescape » vient confirmer tous les espoirs placés en eux. Et avec ce nouvel opus, le trio devrait enfin prendre son envol.
Après avoir évolué sur ses premières réalisations dans un registre rappelant Queensrÿche, Savatage et Fates Warning, WINE GUARDIAN a considérablement modernisé son jeu, tout en gardant des sonorités Heavy Metal très marquées. Et les Transalpins ont également conservé un côté très Rock, ne se privant pourtant pas quelques expérimentations tout en restant toujours aussi pertinents.
Avec « Timescape », Lorenzo Parigi (guitare, chant), Stefano Capitani (basse) et Davide Sgarbi (batterie) se montrent particulièrement inspirés et la qualité technique affichée et très bien mise en valeur sur une production précise et soignée (« Chemical Indulgence », « Digital Drama », « The Luminous Whale » et le très bon « The Astounding Journey »). WINE GUARDIAN déploie une belle créativité et on attend la confirmation.
Originaire de la côte est américaine, CRAWLING MANIFEST se présente avec un très bon deuxième album. « Radical Absolution » s’inscrit dans la tradition Thrash Metal de la Bay Area combinée à des éléments Death et une production moderne et assez groove. La grosse rythmique, les riffs acérés et tranchants et la voix agressive distillés sur ce nouvel opus sont réjouissants.
CRAWLING MANIFEST
« Radical Absolution »
(Independant)
Formé en 2014 dans le Maryland, CRAWLING MANIFEST compte à son actif deux EP, un album et « Radical Absolution » est donc le deuxième opus des Américains, et il vient marquer un nouveau départ pour le groupe. Après plusieurs changements de line-up et des tournées aux côtés de Soulfly et Fleshgod Apocalypse notamment, les thrashers reviennent en force.
Seuls rescapés de la formation originelle, Andrew Gladu (chant, basse, batterie) et Trevor Layton (guitare) ont décidé de continuer l’aventure et de se recentrer sur leurs premières amours : le Thrash made in Bay Area. En y incorporant une dose de Groove Metal et de Death dans la voix, CRAWLING MANIFEST a même pris du volume et ce deuxième album renvoie aux belles heures du Thrash américain.
Puissant et assez intemporel, « Radical Absolution » est aussi engagé politiquement et dresse un constat brutal sur l’état de la société (« World War III », « Revolution »). A l’ancienne, CRAWLING MANIFEST a construit son album autour d’une intro instrumentale (« Land Of The Free ») et un dernier titre instrumental sur un groove presque bluesy (« Onslaught »). Le duo réussit le pari d’un disque sobre et agressif.
Pour son deuxième album, OPPROBRE vient confirmer les grandes qualités déjà aperçues sur « Le Naufrage ». Avec « Fragments De Destinées », les Français posent avec force un post-Black Metal aux contours post-Rock et Progressif. La puissance du jeu des Montpelliérains n’éclipsent pas pour autant la finesse des morceaux et la grande qualité d’interprétation du combo. Une belle confirmation.
OPPROBRE
« Fragments De Destinées »
(Klonosphere/Season Of Mist)
Commençons par l’essentiel. Non, OPPROBRE ne va rien vous jeter dessus et non, le groupe n’a pas sombré en 2017 malgré « Le Naufrage » annoncé en titre de son premier album. Voilà, on a fait le tour des vannes pourries, alors entrons dans le vif de « Fragments De Destinées », petit bijou ancré dans un post-Black Metal tirant de belles manière vers des sonorités post-Rock et progressives.
Très mélodique tout en restant Shoegaze, le quintet offre un digne successeur à son premier opus et il brille d’entrée de jeu par un bon mix et une très belle production signée par le combo lui-même. OPPROBRE sait où il va et cela s’entend dès la première partie de « Vertige », l’intro qui ouvre l’album. Aériens tout en restant massifs, les Montpelliérains jouent surtout sur les atmosphères de morceaux qui s’étirent habillement dans la durée.
Dans une ambiance d’un romantisme mélancolique et agité, le quintet alterne avec la même finesse un chant growl et clair, le tout en français (même si ça ne saute pas de suite aux oreilles). S’inspirant de littérature et de philosophie, l’univers d’OPPROBRE est captivant et l’attention portée aux arrangements notamment le rend vraiment saisissant (« Renouveau », « Absence », « Steppes », « L’Epreuve », « Indifférence »). Costaud et créatif.
Quand l’intelligence, la technique et le savoir-faire convergent et font sens dans un post-Rock Progressif qui allie puissance, mélodie et légèreté, ça donne « Pull ! », deuxième album du quatuor berlinois GLEN. Malgré la complexité du jeu et la précision des arrangements, le groupe évolue dans un registre instrumental très abordable, efficace et captivant. Un modèle d’authenticité en somme !
GLEN
« Pull ! »
(Anesthetize Productions)
Basé à Berlin, GLEN a pourtant la particularité d’être guidé par le multi-instrumentiste et compositeur de musique de film Wilhelm Stegmeier, de la Grecque Eleni Ampelakioutou (guitare, piano, percus), de la Gréco-autrichienne Maria Zastrow (basse) et de l’Américain Brendan Dougherty (batterie). Et le quatuor réserve encore bien des surprises sur cet addictif « Pull ! », qui s’écoute et se réécoute à l’envie.
Les cinq morceaux (enfin sur la version physique, celle qui s’écoute) oscillent en neuf et douze minutes, qui ne sont pas de trop pour poser les atmosphères qui font de ce deuxième album une sphère musicale où il fait bon se laisser aller. Cantonner GLEN a un simple groupe de post-Rock serait également réducteur, tant les quatre musiciens sont d’une musicalité pointue et minutieuse, mais sans jamais tomber dans une béatitude trop technique et démonstrative.
Mixé par le grand Reinhold Mack, « Pull ! » bénéficie d’une production à la hauteur des compositions des Berlinois. Outre un groove qui ne faiblit jamais, le travail effectué sur les guitares est exceptionnel et ne sombre pas dans des textures trop saturées. Cette légèreté apparente doit également beaucoup à la composante progressive et instrumentale de GLEN. Et même en l’absence de chant, le quatuor raconte pourtant de belles histoires.
L’envoûtement commence avec « Lecture » et son enchevêtrement de guitares, avant de se laisser porter par les percussions de « Korinth » dont le crescendo et le lead de la guitare sont particulièrement expressifs. La ligne de basse sur le très rythmé « Ahab » continue de captiver, avant le plongeon dans l’accrocheuse mélodie de « Davos ». Doux et léger, le morceau se fait plus planant grâce à des notes d’orgue très pertinentes. Enfin, GLEN se fait plaisir avec « Buffalo Bullet », reprise de John Cale et seul titre chanté de l’album.
Très travaillé et pourtant très accessible, « Pull ! » est d’une beauté renversante et saisissante. Efficace et entraînant, l’album met en lumière le talent des musiciens, qui portent l’ensemble et se mettent au service de morceaux dont la progression et la grande qualité des arrangements font des merveilles. GLEN joue sur les sensations avec un feeling tellement fluide qu’il en est irrésistible. Et il est aussi question de baleine… mais c’est une autre histoire !
Le guitariste et chanteur MYLES KENNEDY ne tient pas en place, alors plutôt que de rester sans rien faire durant le confinement, il en a profité pour composer et mettre la touche finale à « The Ides Of March ». Revenu à un Rock US qui lui va si bien, l’Américain livre un deuxième album, qui fait beaucoup de bien.
MYLES KENNEDY
« The Ides of March »
(Napalm Records)
Contraint de rester chez lui en raison de la pandémie, le très prolifique MYLES KENNEDY a profité de l’annulation de ses tournées pour se pencher sur son deuxième album solo. Et après le très bon « Year Of The Tiger » en 2018, le frontman d’Alter Bridge et du projet solo de Slash livre « The Ides Of March », un opus plus électrique et moins intimiste, mais avec toujours autant de créativité et de sincérité.
Pour ce nouvel album, MYLES KENNEDY a électrifié et électrisé son jeu et distille un Rock US comme il en a l’habitude, et dont il reste un modèle du genre. Grâce à une voix puissante et idéale pour ses très accrocheuses mélodies, le chanteur n’en demeure pas moins l’excellent guitariste que l’on connait et, entre riffs entêtants et solos millimétrés bourrés de feeling, mène sa barque avec classe.
Accompagné de Tim Tournier (basse) et de Zia Uddin (batterie), MYLES KENNEDY a confié la production de « The Ides Of March » au producteur Michael Baskette, collaborateur de longue date. Entraînant sur « In Stride » et « Get Along », ou plus touchant sur « Tell It Like It Is » et « Worried Mind », l’Américain brille et excelle carrément sur le morceau-titre long de près de huit minutes. Une grande bouffée d’air positive et très Rock.
Tout en feeling, sans être trop démonstratif et malgré une virtuosité de chaque instant, JESSIE LEE & THE ALCHEMISTS vient confirmer toute la classe et l’élégance aperçues sur son premier album il y a trois ans. Plein d’émotion, de douceur mais aussi d’ardeur et de chaleur, le groupe régale sur ce « Let In Shine » abouti et d’où émane une atmosphère radieuse.
JESSIE LEE & THE ALCHEMISTS
« Let It Shine »
(Dixiefrog Records/PIAS)
Décidemment la scène Blues et Blues Rock française se porte de mieux en mieux en dévoilant un style et un son bien à elle, grâce à des groupes inspirés et définitivement décomplexés. Et JESSIE LEE & THE ALCHEMISTS tire formidablement bien son épingle du jeu avec ce second album, où le duo formé par la chanteuse et guitariste Jessie Lee et le six-cordiste et songwriter Alexis ‘Mr Al’ Didier montre une énorme complicité.
Idéalement accompagné par Laurent Cokelaere (basse), Stéphane Minana-Ripoll (batterie) et Laurian Daire (claviers), JESSIE LEE & THE ALCHEMISTS développe un groove et une aisance artistique totale. Et l’on doit certainement ce bel équilibre au fait que « Let It Shine » ait été mixé et masterisé en analogique, offrant une superbe couleur à l’album que des chœurs féminins et des cuivres viennent un peu plus faire briller.
Alors que JESSIE LEE est vocalement impériale avec la fougue et le feeling qu’on lui connait, Mr Al et THE ALCHEMISTS font aussi preuve de beaucoup de liberté et de générosité dans le jeu (« But You Lie », « The Same », « One Only Thing »). L’album dévoile des contrées Blues majestueuses dans un ensemble très Soul, Rock, et même Southern (« You Gotta », « Let It Shine », « I Don’t Need To Say »). Eminemment solaire et bienfaiteur !