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Silmarils : une identité indélébile [Interview]

SILMARILS représente le son et la fougue de la scène française du milieu des années 90 et début 2000, celle où l’on osait encore fusionner les genres et rassembler au-delà des chapelles. 25 longues années après « 4 Life », le combo remet les gants et revient à la charge avec « Apocalypto ». Histoire de garder intacte cette fraîcheur qui a fait sa réputation, c’est à Los Angeles, et sous la houlette de Segal Huredia, que la plus américanisée des formations de l’hexagone a mixé son explosif cinquième album. Toujours aussi incisif et percutant, il fracasse les codes, se meut en brûlot et promet de renverser les foules dès le printemps prochain. Entretien sans filtre avec David Salsedo, frontman du groupe, à l’œil affûté qu’il s’agisse de sa musique comme de notre société.

– Qu’est-ce qui fait qu’un groupe de votre notoriété dans son pays décide de se mettre tout à coup sur pause ? Vous aviez le sentiment d’avoir été au bout de quelque chose ? Que peut-être l’énergie commençait à manquer, d’autant que le line-up n’a pas changé ?

Ce n’est pas tant une histoire d’énergie. On a démarré ensemble avec ce même line-up quand on avait 15 ans. Ca commençait à faire longtemps et il y a eu une espèce de tourbillon : album, tournée, album, tournée, etc… Et au bout d’un moment, les mecs avaient envie d’essayer autre chose. On s’est dit que plutôt que de faire un mauvais disque, c’était bien que chacun arrive à faire des choses hors du groupe, même si j’avais déjà fait un peu d’écriture et de prod’ de mon côté. C’était donc le bon moment pour le faire avant de ne plus en avoir envie et attendre que ça nous manque à nouveau. Alors, le projet en tant que tel a été mis sur pause.

– Justement en 2008, tu sors « Wine & Pasta » en solo dans un registre différent de SILMARILS. Comment est né le projet à l’époque ? Tu avais des morceaux plus personnels qui ne convenaient pas au groupe et que tu souhaitais vraiment sortir ?

Oui, c’était plus comme un concept-album. Je me suis dit qu’il y avait deux aspects chez moi avec un premier plus rentre-dedans à l’image de SILMARILS, que j’adore au niveau des textes comme de la musique et qui est vraiment mon truc. Et puis, dans mes goûts musicaux, j’ai une autre sensibilité qui est plus Pop indé, plus arrangée. Alors, à un moment donné, je me suis dit que cela faisait longtemps que j’avais envie de faire un truc comme ça. C’était le bon moment et je ne voulais pas avoir de regrets par rapport à mon autre rêve. Je l’ai fait et j’en suis très content. Et une fois que c’était fini, je n’avais pas forcément envie de continuer dans cette voie-là, mais j’étais heureux de l’avoir fait. C’était une très bonne expérience, on y a passé beaucoup de temps et dans un registre totalement différent. Et puis, je ne me voyais pas faire quelque chose qui ressemble de près ou de loin à SILMARILS.

– Et vous avez refait surface en 2020 avec le « Live In Confinement », un EP de quatre titres en digital. On sait que SILMARILS a toujours été un groupe en réaction à la société, c’est la situation sanitaire et politique de l’époque qui y avait poussé ?

En fait, ce qui s’est passé, c’est qu’on a décidé de reformer le groupe trois jours avant le confinement ! (Rires) On s’est un peu retrouvé comme des cons. On est tous partis, pour ceux qui ont pu, se planquer à la campagne et un pote du groupe nous a appelés pour nous dire qu’il montait un gros truc : le « Live In Confinement ». On s’est donc dit qu’avant le Bataclan, c’était une bonne façon de faire quelque chose ensemble pour raccrocher les wagons. Finalement, cela nous a remis le pied à l’étrier et c’était une super expérience. On a tous travaillé séparément et d’arrache-pied. Ca nous servi de déclencheur un peu plus vite que prévu.

– C’est donc en 2022 que vous officialisez vraiment votre retour avec un concert d’anthologie au Bataclan. Là aussi, vous prenez un peu tout le monde à contre-pied, car en général, les groupes sortent un album, puis seulement enchaînent les concerts. Comme vous êtes vraiment un groupe de scène, vous ne pouviez pas imaginer votre retour sans voir si le désir était toujours là et surtout vos fans ?

En fait, le contexte de tout ça était de fêter les 25 ans du premier album et de se retrouver. On y avait d’ailleurs joué « Welcome To America », le premier single d’« Apocalypto ». Ca a aussi été l’occasion de voir si on existait encore et si ça intéressait encore du monde, s’il y avait toujours des gens qui nous suivaient. Finalement, ça a été un concert d’anthologie, comme tu dis, parce que c’était ultra-complet et on a même fait plus de monde que 25 ans avant ! C’était incroyable ! (Rires) Ca nous a donné l’énergie de sortir « Welcome To America », qui était d’ailleurs déjà prêt, puis de repartir.

–  Ensuite, au printemps 2023 donc, « Welcome To America » sort et on retrouve le SILMARILS qu’on aime et qu’on connait à savoir rageur, provocateur et surtout fédérateur comme au premier jour. Comment se sent-on à ce moment-là et est-ce que le choix du morceau vous a alors paru évident ?

Pour nous, il était évident, car il contient vraiment d’ADN de SILMARILS. Mais on voulait aussi trouver un nouvel angle. On ne voulait pas arriver avec le son de 1995. Il fallait une évolution dans la production, tout en gardant notre style avec le riff, le texte et le phrasé. On a aussi choisi un parti-pris un peu plus Hip-Hop avec un marqueur évident tout de suite, dès le premier single. Si certains ont trouvé qu’il y avait moins de guitare, le titre a très bien marché. Et pour moi, c’était la façon dont SILMARILS devait se repositionner en 2025 sur un nouvel album. Il fallait reconnaître le groupe tout de suite, sans que ce soit ringard dans le son. En gros, je ne voulais pas sonner comme Limp Bizkit aujourd’hui.

– « Au Paradis », « Oublie-Moi » et « No Pain  No Gain » suivent dans la foulée, et force est de constater que vous n’avez pas changé. La fraîcheur est intacte, le son aussi et les textes sont toujours aussi percutants. Le sentiment qui domine alors, c’est qu’en fait, vous étiez simplement sur pause. Alors, qu’est-ce qui a tout réenclenché ?

En ce qui me concerne, c’est lorsqu’on a travaillé sur la réédition du premier album. Je ne l’avais pas écouté depuis sa sortie quasiment. Je me suis replongé dans différentes versions et dans les prises studio, j’ai du vraiment entrer dans les archives. Et en faisant ça, l’ADN du groupe et son identité sont devenus évidents. Notre objectif a toujours été de ne jamais se répéter au fil des albums, c’est notamment pour ça qu’on a fait « Vegas 76 », sans grosses guitares et beaucoup n’ont d’ailleurs pas aimé. Mais on l’assume. Avec le recul, je comprends que les gens aient été un peu perdus. Ils ne sont pas dans nos têtes, ils ne savent pas forcément comment on a envie d’évoluer. Mais, on ne voulait pas servir le même truc pendant 20 ans. Après, il y en a qui le font. Ac/Dc le fait très bien, et c’est très bien ! Au bout d’un moment, on était arrivé au bout de nos expérimentations. En fait, je me suis servi du premier album comme base pour faire le nouveau, tout en faisant évoluer le son, bien sûr, en le rendant plus actuel. On voulait que ça fasse bouger la tête et que ça puisse s’écouter en voiture ! (Sourires)

– Dans ce nouvel album, on retrouve des textes qui collent parfaitement à ce qu’est la société d’aujourd’hui avec des travers aussi variés que nombreux. Vous posez le doigt sur ce qui fâche et ce ne sont pas les dérives qui manquent. Ce qui est plus étonnant, c’est que beaucoup de morceaux ont un fond assez pessimiste. La situation se prête moins aujourd’hui à la dérision qu’il y a quelques années ?

Le nouvel album reste dans la lignée des deux premiers. Alors pessimiste, oui, ce n’est pas très joyeux, en effet. Je trouve que l’époque ne donne pas de place à la dérision. Clairement ! C’est mon point de vue, bien sûr. Sur ces textes, j’ai voulu rester frontal et pas dans la métaphore. Il fallait de la punchline, que ce soit percutant et qu’on comprenne le propos sans passer par des prismes stylistiques. C’est dans ta gueule, voilà ! Je l’ai vraiment écrit avec les tripes et avec ma vision du monde. Je ne suis même pas désabusé. Il y a de la colère, bien sûr, mais pas seulement. C’est une façon de dire : « Arrêtez de nous prendre pour des cons, on a compris ! On vous voit ! ». L’époque est tragique à tous les niveaux et je n’arrive pas à lui trouver des trucs positifs.

– D’ailleurs, puisqu’on parle d’engagement et de revendication : est-ce qu’on peut être de droite et écouter et apprécier SILMARILS ?

(Silence)… C’est une bonne question ! A la base, je dirai non quand même. Tu m’as surpris ! (Rires) Si on veut entrer dans le détail, ce qui me déprime, c’est le positionnement de certains politiques. Quand tu vois le Front National (oui, appelons-le par son nom – NDR) qui prétend faire du social et s’adresse aux prolétaires, ce n’était pas le cas il y a 30 ans. Maintenant, je pense que certaines personnes venant de la droite de la droite et de milieux populaires peuvent se retrouver dans certains textes… malheureusement ! (Rires) Dans « Welcome To America », je parle de poujadisme, ce qui pose le curseur assez haut tout de même. Et aujourd’hui, je pense aussi qu’il y a aussi des réacs de gauche. C’est une bonne question que tu poses là…

J’ai des amis de droite qui se marrent en écoutant mes textes et qui me disent que je suis d’extrême gauche. Mais c’est plus compliqué que ça. Même si j’en viens, je ne peux pas adhérer à celle d’aujourd’hui. Je me définirai plus comme un anarchiste, voilà. Et encore, je ne sais même plus ! (Rires) Maintenant, la tonalité de SILMARILS n’est pas de droite, soyons sérieux. Un titre comme « Oublie-moi » est très clair quand même. Cela dit, les frontières sont de plus en plus floutées. De mon point de vue, avant on savait où étaient les méchants et où étaient les gentils. Aujourd’hui, c’est un peu plus compliqué ! Donc globalement, je ne pense pas que les gens de droite puissent aimer les textes de SILMARILS. Après, on ne va pas se mentir, on vient tous de banlieue et de familles de gauche. Mais, pour conclure et sans dire que c’était mieux avant, est-ce qu’on a le droit de dire qu’il y a une dérive grave, une baisse culturelle aussi sans pour autant qu’on nous foute une étiquette de réacs ? Je ne sais pas… Si pour ne pas l’être, il fait tout trouver magnifique, alors tout est magnifique, ouais…

– « Apocalypto » contient beaucoup de titres forts, fédérateurs et vraiment impactants. On a presque l’impression d’écouter le ‘Best Of’ de 20 ans d’absence. C’est aussi ton sentiment ?

Ce n’est pas à moi de le dire, mais puisque tu le fais… (Sourires) Mais je trouve que c’est un excellent disque avec dix bonnes chansons. Il n’y a rien à jeter. J’en suis très fier et j’adore tous les morceaux. Pour avoir commencé à les répéter et en avoir joué quelques uns en festivals, je peux te dire qu’ils défoncent !

– En ce qui concerne l’écriture, tu pars plutôt d’un déroulé qui peut être assimilé à une histoire, ou est-ce que tu construis plutôt autour de punchlines, car ce n’est pas ce qui manque sur l’album ?

En fait, je prends titre par titre et chacun est une épreuve. Pour « Welcome To America », c’était presque miraculeux, parce que c’était comme si j’avais retrouvé une recette que je pensais avoir oublié. Une chanson de SILMARILS ne s’écrit pas comme une chanson Pop. C’est une alchimie, un mélange entre le Metal et le Hip-Hop, c’est-à-dire que ce ne sont pas des trucs forcément mélodiques. Chaque morceau est un combat et je souffre quand j’écris et quand je compose. D’abord avec la musique et une fois que c’est fait, il y a les paroles et ça recommence, c’est même encore pire ! Il n’y a donc pas de déroulé global, je l’ai fait titre par titre. Je me suis beaucoup écouté en termes de textes, en essayant de ne pas trop réfléchir. Au départ, je n’avais pas de thèmes précis, j’ai laissé parler les sentiments. J’ai essayé de capter ce qui m’entourait, de savoir quel était mon feeling, mes ressentis, mes frustrations, ma colère et d’en faire des chansons. Je me suis même dit que je n’avais jamais autant écrit au premier degré qu’ici et j’ai livré la matière aussi brute que possible. J’ai tout fait pour être compris et percutant.

– J’aimerais aussi qu’on évoque cet écart entre vos prestations live et studio. Pour vous avoir vu un nombre incalculable de fois en concert, ils sont toujours plus Rock et Metal, et moins Hip-Hop que les versions du disque. C’est l’énergie de la scène qui donne ce résultat, ou est-ce que ce sont finalement deux exercices que vous aimez séparer ?

On ne se dit pas qu’on va faire des versions différentes. A 95%, les arrangements sont les mêmes que sur le disque. Si tu prends le premier album, c’est juste une captation live de SILMARILS. Il n’y avait pas un gros travail de production. Maintenant avec l’expérience, on a aussi un plaisir à façonner les shows, à avoir de la prod’, des grosses basses, des gros beats… Sur disque, j’ai aussi envie qu’on comprenne ce que je raconte. Après, sur scène, tu es aussi emporter par l’énergie du groupe et du public. Et c’est bien, tant mieux ! C’est vrai que l’expérience est différente.

– Je disais tout à l’heure qu’on vous retrouve comme si on ne vous avait jamais vraiment quitté et avec ce son, qui est la marque de fabrique de SILMARILS. Et « Apocalypto » est aussi passé entre les mains de Segal Huredia (Dr Dre, Eminem, Green Day, …). Il était votre premier choix ? Et lui avez-vous fait écouter vos anciens albums pour garder une certaine continuité dans l’approche et la dynamique, même s’il sonne résolument actuel ?

Non, pas du tout. Je ne sais pas s’il a fait un travail de son côté. On avait déjà travaillé ensemble sur d’autres projets qui n’avaient rien à voir avec SILMARILS. C’est aussi grâce à DJ Swift, notre DJ qui bosse à Los Angeles. Et puis, la façon dont on a fait le disque appelait aussi à ça, en termes de savoir-faire et de son. On a aussi travaillé sur les fréquences. On voulait beaucoup de volume et comme il a aussi œuvré dans le Rock, il cochait toutes cases, en fait. Il a fait du Rock, du Punk Rock et aussi du Metal, car il est proche de Deftones, House Of Pain, Everlast, Linkin Park et Cypress Hill aussi… Il sait tout faire finalement ! En écoutant les maquettes, il m’a dit qu’il n’y manquait que le ‘West Coast Sound’ et c’est ce qu’il nous a apporté. Un son qu’on retrouve aussi chez les Red Hot. Et puis, même si on chante en français et qu’on y tient, je pense que notre musique est aussi très inspirée des Etats-Unis. C’est intrinsèque pour eux et ça lui a paru normal qu’on finisse l’album chez eux. Il m’a dit que le disque devait être mixé en Californie, qu’il n’y avait pas le choix en fait… Et ça nous a fait marrer ! (Sourires) C’est vrai que de se retrouver aujourd’hui avec des mecs comme ça en studio est un rêve.

(David, B-Real & Segal Huredia)

– Un petit mot aussi sur le morceau « No Pain No Gain » avec B-Real de Cypress Hill. Si la surprise est de taille, elle est parfaitement en phase avec SILMARILS et le titre est l’un des moments forts de l’album. Comment se sont effectuées la rencontre et votre collaboration ? Et est-ce qu’on dirige et donne la voie à suivre à B-Real dans un studio ?

En fait, l’album est déjà fini et mixé. L’un d’entre-nous a pensé que ce sera bien d’avoir un featuring et on a tous réfléchi en se demandant qui est-ce qu’on kiffait le plus. On parlait déjà de Cypress Hill dans une chanson de « Vegas 76 ». Comme on était déjà allé à Los Angeles, on les avait vus jouer et on avait aussi croisé du monde de ce milieu. On savait également que Segal avait beaucoup bossé avec lui et qu’il le connaissait. Je lui en ai parlé en lui demandant de faire passer le morceau. J’ai fait une démo où je chante le premier couplet et je lui ai demandé que s’il pouvait écrire un truc pour le second, ce serait mortel ! Il m’a dit que B-Real était très occupé, qu’il produisait beaucoup, qu’il ne l’avait pas vu depuis un petit moment et que le groupe n’arrêtait pas de tourner.

Trois mois après, il me rappelle pour me dire qu’il n’avait rien, aucune réponse positive ou négative. Et début mars, je me lève un matin et je reçois un texto de Segal. C’était une capture d’écran de celui de B-Real. Il disait que c’était fait, qu’il avait déjà écrit le texte et qu’il était prêt à l’enregistrer dans quatre jours ! Ensuite, ça a été un peu le coup de speed pour gérer l’avion, l’hébergement, l’argent… On est parti à plusieurs et tant qu’à être là-bas, on s’est dit qu’on allait faire des images, donc on a pris des caméras. Et quatre jours après, on était en studio avec B-Real !

On s’est fait un petit barbecue mexicain ensemble avant, puisque c’était l’été. C’était vraiment en toute décontraction, entre potes. Il était très pressé, mais il a passé du temps avec nous. On a parlé du morceau bien sûr. Je lui ai demandé si ça lui plaisait et il m’a répondu qu’il ne serait pas là sinon. J’ai écouté ses paroles, j’ai traduit en français, car il était parti sur le même thème et j’ai tout fait d’une traite. Le plus impressionnant a été lorsqu’il a commencé à balancer le flow, car son texte est super fort. Il parle de ses parents, de ses origines. Et là, quand il envoie : tu as des frissons ! Même les Ricains et Segal nous ont dit : « Tu as du grand B-Real aujourd’hui ! ». Il crie avec ses tripes et surtout son flow et la performance ont emmené le morceau ailleurs.

C’était vraiment la cerise sur le gâteau, alors que l’album était fini ! Très belle expérience et beaucoup d’Américains présents, qui travaillent avec Dr Dre, nous ont dit qu’il ne s’était vraiment pas foutu de notre gueule ! Et encore une fois, ce n’est pas un feat pour un feat, il a emmené le morceau à un autre niveau et ça, c’est grâce à lui.

– J’aimerais qu’on dise un mot de « Tu Nous Mérites Pas », dont on comprend évidemment à qui il s’adresse. Je n’ai pas pu m’empêcher d’y voir un clin d’œil à « L’Homme Providentiel »  et « Tant Que Parle l’Economie » sur « Original Karma ». Depuis 1997, on a le sentiment que rien n’a changé et que c’est même de pire en pire et que plus c’est gros, plus ça passe… C’est ce que tu avais en tête en l’écrivant ?

C’est exactement le texto que j’ai envoyé à mon manageur il y a deux jours. Et c’est vrai aujourd’hui que plus c’est gros, plus ça passe… Et ça ne dérange plus personne, en fait. C’est quand même un truc de dingue ! « Tu Nous Mérites Pas » vient du fait qu’à un moment donné, on inverse la charge de la preuve. C’est-à-dire qu’on demande aux gens de prouver qu’ils ne sont pas coupables, alors que ça devrait être l’inverse. Et c’est pareil avec le pouvoir. J’ai le sentiment qu’il y a une liquéfaction totale. Avec Macron, on est arrivé à un summum managérial déshumanisé, cynique et ironique de banquier d’affaires. Et intrinsèquement, c’est ce qu’il est. En général, je n’aime pas trop parler de politique, car tout est dans mes textes. Mais, en gros, la vente à la découpe de la France a commencé sous Sarkozy. Hollande a déçu aussi, car l’homme qui lui murmurait à l’oreille était déjà Macron. Et il est arrivé en disant que c’était à nous de le mériter, et non le contraire. Et là, je me suis dit qu’on avait un gros problème ! (Sourires) On demande toujours aux mêmes de faire les efforts, alors qu’ils sont déjà sur la corde raide.

Et c’est vrai, pour en revenir à « Original Karma » qui date quand même de 1997, il y avait déjà « Tant Que Parle L’Economie » et « L’homme providentiel », … Lors des manifs contre la réforme des retraites, sur les camions de la CGT, ils les passaient. On m’avait envoyé une vidéo et j’ai halluciné. Alors il y a peut-être une forme de reconnaissance, c’est vrai, mais surtout on avait quand même mis dans le mille à l’époque. On pointait des choses, car nous ne sommes pas trop dans le jugement. On faisait des constats en chanson et avec le phrasé et les paroles en disant : vous voyez ça ? Et après cet album-là, tout s’est réalisé… en pire ! On avait mis des warnings, j’essaie de me dire ça. Et « Tu Nous Mérites Pas » est une façon de dire : ça suffit ! Il n’y a que juste une symbolique du pouvoir au final. Une ancienne prof de philo m’avait expliqué un jour que si tu enlèves les drapeaux sur la voiture présidentielle, il n’y a plus de symbolique du pouvoir et là, les gens le dévorent. Ils arrêtent la voiture et ils le mangent. C’est aussi ce que veut dire la chanson. A un moment donné, il va falloir arrêter de tirer sur la corde. Depuis sept ans, il y a un cynisme assumé et un tel mépris… Tu vois, là, on est encore à parler de ta question si les gens de droite peuvent aimer SILMARILS, ou pas ! (Sourires)

Un dernier mot au sujet de la production d’« Apocalypto », qui paraît sur votre propre label et qui sera distribué par PIAS. C’était une évidence, voire une nécessité, pour vous de le sortir vous-mêmes, et ainsi garder le contrôle de ce nouvel album de bout en bout ?

Vu le disque que l’on faisait en termes de format, mais aussi des paroles : on s’est dit qu’il ne pourrait pas avoir sa place en major. Déjà, parce qu’il n’y a plus de Rock en maison-de-disques. On ne signe plus d’artistes, mais on signe des marques. On fait du business avec ça. On rachète un groupe qui marche une fois qu’il tourne bien. Il y a aussi une histoire de cohérence par rapport au propos. On est assez grand, on sait le faire et on va y aller tout seul sans rien demander à personne. Et on ne nous fera pas chier pour une pochette comme cela nous est déjà arrivé. On y va, mais je ne te cache pas que je n’avais pas mesuré la charge de travail et financière que ça représente, si tu veux faire ça bien. Mais nous sommes super contents et très fiers.

Le nouvel album de SILMARILS, « Apocalypto », sortira le 27 septembre.

(Photos : Florent Schmidt, sauf 3 et 6)

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Blues Rock Soul / Funk

The Black Keys : funky vibes

L’heure est à la détente pour THE BLACK KEYS, qui s’autorise le temps de ce nouvel opus une sorte de récréation nettement plus vaporeuse, mais non sans livrer un ardente prestation. Souvent galvaudée, le terme de groove prend ici tout son sens à travers 14 morceaux où l’objectif du groupe est clairement de prendre du plaisir et surtout d’en donner. Très 70’s dans les sonorités, des effluves de Soul, de Funk et d’un Blues tendre et généreux font cause commune sur « Ohio Players », qui donne autant le sourire que la patate !    

THE BLACK KEYS

« Ohio Players »

(Easy Eye Sound/Nonesuch Records)

Joie et félicité ! THE BLACK KEYS est de retour, clope au bec, avec une pêche d’enfer et sur un groove aussi démoniaque que réjouissant ! Alors ok, Dan Auerbach et Patrick Carney ne sont pas complètement seuls. « Ohio Players » n’est pas non plus complètement un album de leur composition. Et alors ? Le duo est particulièrement bien entouré et la tracklist est joyeuse, funky et, on ne va pas se mentir, ça fait plutôt du bien par les temps qui courent ! Il y a forcément aussi une explication très rationnelle à ce douzième effort studio des Américains, qui nous emmènent assez loin de l’âpreté du Blues Rock de « Dropout Boogie ».

En titrant ce nouvel opus du nom du cultissime groupe de Funk, THE BLACK KEYS annonce la couleur : elle sera festive, légère et explosive. L’idée de cette création inattendue et originale est née lors de soirées organisées par le groupe, où il passait de vieux 45tr de sa collection. Et c’est l’esprit de ces fêtes qui a constitué le fil rouge de l’album. A l’exception de « I Forgot to Be Your Lover », une chanson écrite par William Bell et Booker T. Jones, l’ensemble de « Ohio Players » est signé et produit par le tandem de la petite ville d’Akron. En revanche, les collaborations ne manquent pas et elles ont même parfois assez surprenantes.

Le guitariste/chanteur et le batteur ne renient pas une seule seconde leur patte musicale et encore moins ce son si particulier qui les distingue depuis leurs débuts. L’approche est la même et on la ressent jusqu’à cette production, certes, plus lisse cette fois, mais tellement riche en arrangements. Facile et aérien, THE BLACK KEYS a donc convié l’ami Beck sur près de la moitié de « Ohio Players », tandis que Noël Gallagher (oui, oui !) intervient aussi dans la composition de trois morceaux. Et la participation des rappeurs Juicy J et Lil Noid libère quelques instants de Hip-Hop langoureux. On sait s’amuser dans l’Ohio et ça fait du bien !

Retrouvez les chroniques de leurs deux derniers albums :

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Blues Rock Country Rythm'n' Blues Soul

ZZ Ward : on the top

Rien que le fait d’oser utiliser comme pseudonyme ZZ WARD en dit long et montre à quel point Zsuzsanna Eva Ward n’a pas froid aux yeux et possède une incroyable détermination. Son étonnant timbre de voix, sa faculté à assimiler un grand nombre d’univers différents dans un Blues Rock entrainant, mêlés à une authenticité omniprésente, font d’elle une musicienne hors-norme à bien des égards. En brisant les cloisons et les étiquettes, elle affiche une liberté singulière sur ce troisième opus, « Dirty Shine », avec lequel elle prend pleinement son envol.

ZZ WARD

« Dirty Shine »

(Dirty Shine Records)

Placer ZZ WARD dans la catégorie Blues Rock n’est pas quelque chose d’erroné bien sur, mais ce serait bien trop restrictif et réducteur pour la chanteuse américaine, puisque l’une de ses particularités est justement de s’engouffrer dans tous les genres qu’elle affectionne. Depuis « Til The Casket Drops » (2012), puis avec « The Storm » (2017), elle s’affirme musicalement en brouillant les pistes et en déjouant tous les pronostics. Et en ayant créé son propre label, la multi-instrumentiste affirme son caractère et son indépendance. « Dirty  Shine » se pose comme un accomplissement de son très créatif parcours.

Avec un style aussi distinctif basé sur le Blues, la songwriter navigue à l’envie en suivant son instinct et surtout ce qui la fait vibrer. Ainsi, « Dirty Shine » comporte des sonorités Rock, R&B, Hip-Hop (notamment sur « Tin Cups » en duo avec Aloe Blacc), Pop et insuffle même des ambiances Country très Roots. ZZ WARD est à l’aise partout et avec une telle voix, rien ne lui parait interdit, tant elle est capable d’user de variations phénoménales. Démontrant que le Blues mène à tout et en le mettant à la base de ses chansons, elle s’impose comme une artiste complète, inventive et sans frontières musicales.

Ayant grandi dans l’Oregon, c’est désormais depuis Los Angeles qu’elle distille son Blues Rock aux multiples saveurs. Le groovy « OverdoZZe », la slide sur « Don’t Let Me Down », « Baby Don’t » et ses effluves Hip-Hop, l’ensoleillé « Dirty Shine », le bluesy « Ride Or Die » et l’accrocheur « Dead Or Alive » montrent à quel point ce troisième album de la frontwoman est unique en son genre. Vocalement irrésistible, jouant de sa force et de sensualité, ZZ WARD est aussi atypique que touchante. Avec « Dirty Shine », elle rassemble et séduit avec naturel et spontanéité.

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Concerts France Metal

Jurassic Fest : dinosaurus headbanging [Interview]

Dès vendredi (le 20/05), Le-Grand-Pressigny, en Touraine, accueillera le JURASSIC FEST pour trois jours durant lesquels le Metal, le Hip-Hop, l’Electro et la Techno vont se réunir sous l’œil bienveillant de quelques dinosaures, venus en voisins. Avec une belle programmation, les organisateurs proposent un événement dont l’affiche est plutôt alléchante (Smash Hit Combo, Atlantis Chronicles, Beyond The Styx, Stinky, The Necromancers, Hard Mind, Carmen Sea, Final Shodown, …). Et il n’est pas trop tard pour s’y rendre !!!   

– La première édition du JURASSIC FEST aura lieu du 20 au 22 mai à Le-Grand-Pressigny. Qu’est-ce qui vous a motivé à l’organiser au départ et comment cela se présente-t-il à quelques jours de l’événement ?

Danny (organisateur) : Le JURASSIC FEST est une édition parmi une série d’événements passés durant lesquels on retrouve trois scènes distinctes : Metal, Hip Hop et Techno/Electro. Le festival reflète l’état d’esprit de notre collectif, en tant qu’organisateurs, puisque nous sommes implantés à titre personnel dans des milieux de la culture et dans des réseaux assez différents, mais complémentaires, les uns des autres. C’est toujours surprenant de pouvoir réunir des structures et un public venant de multiples horizons culturels le temps d’un festival. Effectivement, la pression monte énormément et nous sommes débordés à quelques jours du festival. Dans l’ensemble, cela se finalise bien, et c’est en partie grâce au soutien que nous apportent nos partenaires, notamment la SACEM, l’association FREEFORM et la société WWWY et ainsi qu’aux nombreuses préventes.

– Vous avez opté pour une thématique autour des dinosaures, de Jurassic Parc bien sûr et de la jungle. Et vous recommandez même au public de venir déguiser. Ca vous est venu comment ? Juste pour changer les B.O. des films de Spielberg ?

Arthur (membre du bureau) : L’idée trottait dans ma tête depuis assez longtemps. Des styles musicaux éclectiques et underground se produisant dans un environnement inédit, une infrastructure aux aires de Jurassic Park. Et puis, la franchise regorge d’idées que nous pouvons empruntées pour créer un lieu éphémère et unique en son genre avec une mise en scène et une décoration originale et vivante.

THE NECROMANCERS

– Avant de parler du contenu Metal de la programmation, vous avez prévu trois scènes avec des ambiances très, très différentes : Metal, Hip-Hop, Electro et Techno. Ce sont des domaines assez éloignés les uns des autres et le contraste va être saisissant. Vous pensez que ces publics souvent opposés peuvent se retrouver et cohabiter assez naturellement et artistiquement ?

Danny : Le public de ces trois scènes partagent beaucoup de similitudes, que ce soit au niveau de la fidélité à leurs milieux respectifs, ou de l’influence culturelle et leur mode de vie. Nous pouvons qualifier ces milieux comme étant très spécialisés, voire pour certains hermétiques. Pourtant, ils sont souvent engagés sur le plan social et surtout, ils sont très peu (ou mal ?) médiatisés en France. Et malheureusement, les financements et l’argent public ne les concernent pas, ou alors très difficilement. Et ils détiennent aussi des valeurs en commun.

Durant nos événements, c’est toujours surprenant d’être témoins de ce ‘clash’ des cultures parmi les publics. Dans l’ensemble, nous avons eu des retours très positifs de teuffeurs qui découvrent leur premier pogos, ou alors de metalleux qui hochent la tête et entrent en transe devant la Techno. Ce qui les rapproche le plus selon nous, c’est l’ouverture d’esprit, l’innovation musicale et la recherche artistique qui sont ancrés et qui continuent d’évoluer dans leur milieu respectif.

– En ce qui concerne la programmation Metal, vous avez fait appel à 12 groupes, tous français. C’est en soutien à la scène hexagonale, et plus simplement parce que le niveau est très bon ? Ou alors, c’était peut-être plus simple à mettre en place aussi…

C’est un pur hasard, et comme tu l’as précisé, la scène hexagonale nous réserve de belles surprises et des artistes de qualité. La plupart d’entre-eux sont plus ou moins proches de notre réseau d’organisation. Lorsque nous effectuons les choix de programmation, nous prenons également en compte les personnalités et l’ambiance au sein du groupe (idéologies, …), ainsi que leurs réseaux. Nous essayons de faire au mieux pour privilégier des rencontres artistiques intéressantes et enrichissantes pour tout le monde, dans le but d’élargir les réseaux et d’inciter les personnes à la découverte bienveillante et au partage. Nous privilégions les groupes proches géographiquement, puisque nous avons aussi des valeurs écologiques.

ATLANTIS CHRONICLES

– La qualité de la programmation est vraiment incontestable et les registres englobent des groupes Djent, Metal HardCore, Rock Occult, post-Metal… le spectre est large et même assez pointu. C’est ce que vous écoutez ou est-ce une réelle demande du public ? D’ailleurs, comment avez-vous élaboré le line-up du JURASSIC FEST ?

En tant qu’organisateurs, nous sommes investis dans la musique et nous sommes aussi porteurs de projets artistiques. Et grâce à nos expériences au fil des années, nous avons déjà pu partager la scène avec certains de ces artistes et tisser des liens. Comme je l’ai dit juste avant, nous prenons également en compte l’aspect humain de ces artistes. En ce qui concerne les choix musicaux, oui, ce sont des groupes que nous écoutons ou soutenons personnellement à travers nos réseaux respectifs.

– J’ai aussi remarqué que vous mettiez l’accent sur l’aspect écologique du festival. Quelles mesures concrètes avez-vous prises ? Et il faut aussi rappeler qu’au jurassique, la pollution était quasi-inexistence…

Danny : Selon des études récentes, l’aspect le plus polluant d’un festival est lors du déplacement du public (environ 70% des émissions). Pour ce qui est de nos initiatives suite à la crise écologique actuelle, nous mettons en place quelques actions concrètes :

– Création d’un groupe Facebook dédié aux covoiturages avec plus de 500 membres, et contenant des informations sur l’accès du festival par le biais des transports en communs (bus Rémi Touraine…) départementales et régionales.

– Optimisation et recyclage des matériaux (produits de récupérations etc…) destinés pour nos installations, la scénographie et une partie de nos décorations sur le site, mais aussi pour la signalétique, les panneaux, les infrastructures (récupération d’une caravane pour le stand des jetons, bars en palettes, etc…)

– Sensibilisation du public grâce à nos partenaires (associations, militants, artistes et affichage sur place…). 

Cette année, nous sélectionnons des prestataires spécialisés pour la restauration du festival (montage et démontage compris) : food-trucks bio, locaux et responsables qui travaillent avec des producteurs et fermiers de la région en donnant la priorité au bio local. Ils élaborent des menus conscients avec des régimes végans et végétariens, strictement sans bœuf (le bœuf étant l’un des aliments le plus néfaste pour nous et pour l’environnement).

Nos partenaires depuis le début des temps, La Cacaravane de Tours, interviennent également chaque année avec des toilettes sèches installées sur l’ensemble du site (parkings, camping, backstage etc…). Les déchets étant à chaque fois traités et compostés dans les règles à la fin du festival, afin de ne pas impacter le site. Nous interdisons l’accès à la forêt communale autour du festival en explicitant nos objectifs environnementaux.

BEYOND THE STYX

– Sans vouloir casser l’ambiance évidemment, on assiste en ce moment à de nombreuses annulations de concerts et de festivals faute de préventes suffisantes. Dans quel état d’esprit êtes-vous et ne pensez-vous pas plus largement que trop de festivals va finir par tuer les festivals ?

Danny : C’est important, voire essentiel, pour les acteurs et organisateurs du milieu de la culture de promouvoir des valeurs fortes et bienveillantes au sein de notre société, qui se doit d’évoluer sur énormément d’aspects, surtout avec les enjeux actuels. En ce sens, les événements et les organisateurs détiennent un rôle-clef dans la transmission et la sensibilisation du public. Nous encourageons d’autres festivals  à se démarquer, à s’exprimer et mettre en avant la bienveillance,- ainsi que leurs valeurs. Nous encourageons aussi le public à s’éduquer et se renseigner sur la quantité de travail qu’il y a autour de l’organisation d’un tel événement, même de petite envergure comme nous.

– Enfin pour conclure et toujours par rapport au jurassique : vous êtes plutôt ère mésozoïque ou phanérozoïque ? Car la question va se poser…

Arthur : Mésozoïque, bien évidemment ! L’ère des dinosaures a un aspect proche du merveilleux, où ces magnifiques créatures peuplaient tous les continents et prospéraient dans un écosystème symbiotique.

Toutes les infos à retrouver sur la page Facebook du festival :www.facebook.com/opgarencorp