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Damage Done : closer songs [Interview]

A l’écoute de ce premier album de DAMAGE DONE, c’est tout d’abord cette ambiance très familière qui séduit, tant elle captive et peut même rappeler quelques souvenirs. La deuxième surprise vient du fait que le quatuor évolue entièrement en acoustique, soutenu par une rythmique légère et aérienne et quelques discrets claviers. Une approche qui nous renvoie forcément aux légendaires concerts d’une certaine chaîne musicale américaine dans les années 90. Cependant, pas l’ombre d’une quelconque nostalgie sur « Stranger Skies », qui nous transporte dans un univers très immersif avec une rare proximité. Les Français s’aventurent avec talent dans des chemins tracés par Pearl Jam ou Alice In Chains. Rencontre avec le chanteur Romaric Lamare et le guitariste Florian Saulnier.

– Cinq ans après un premier deux-titres, « The Fire », DAMAGE DONE livre enfin son premier album. « Stranger Skies » s’inscrit d’ailleurs dans la continuité de l’EP. Est-ce que vous avez été ralenti dans votre élan par la pandémie, ou vous a-t-il fallu plus de temps pour l’écrire et le composer ?

Florian Saulnier (guitare lead, voix) : En 2020, on ne pensait clairement pas sortir l’album cinq ans plus tard. Le contexte de la pandémie nous a beaucoup ralentis et le groupe n’était pas encore au complet. En voyant que l’on allait devoir repousser le projet de l’album, même si peut-être la moitié des morceaux étaient déjà là, on tenait quand même à offrir un aperçu de ce qu’allait être cet album. « The Fire » a été enregistré chacun chez soi et n’a pas bénéficié d’une production optimale, mais il a tout de même permis de montrer une première facette de notre univers et c’était vraiment l’objectif de ce premier EP. Par la suite, on a pu compléter le groupe et finaliser les morceaux sur les aspects rythmiques et les arrangements. Ça a pris plus de temps que prévu initialement et par la suite, l’enregistrement de l’album a dû être réalisé sur six mois environ. Finalement, « Stranger Skies » arrive plus tard que ce que l’on aurait aimé, mais il sort avec les directions sonores et les choix artistiques qui correspondent pleinement à notre vision.

Romaric Lamare (chant, guitare) : Ce qui est intéressant, c’est que c’est à peu près à cette période qu’on a commencé à trouver notre rythme de composition. Et c’est à la sortie de la  pandémie qu’on a commencé à vouloir affiner l’évolution de notre musique.

– En tout cas, l’évolution musicale du groupe est très nette. J’ai le sentiment que « Stranger Skies » vous apporte aussi cette identité claire qui vous manquait peut-être avec, notamment, un son plus personnel. Sans parler forcément de maturité, avez-vous pu cette fois aller jusqu’au bout de vos idées ?

Florian : « Stranger Skies » a été composé sur la durée et je pense pouvoir dire qu’on a évolué dans notre style, et donc dans notre son, pendant la composition de ces morceaux.  On s’est pas mal attardé sur la direction vers laquelle on voulait emmener notre musique. Finalement, on a développé ce côté ‘Rock/Grunge’ en quelque chose d’un peu plus aérien et beaucoup plus arrangé que ce qu’étaient les morceaux du groupe à la base. C’est ce qui marque la différence entre « The Fire » et « Stranger Skies ». On a pu donner plus de profondeur à nos morceaux, tout en explorant des textures sonores que l’on n’avait pas imaginées à la base. Quelque part, on a mieux défini le style du groupe, tout en restant fidèles à nos premières inspirations.

– Etonnamment, on retrouve les deux chansons de « The Fire », c’est-à-dire le morceau-titre et « Dead End Run » dans des versions plus dynamiques et avec un relief nouveau. Vous teniez absolument à ce qu’elles soient présentes sur « Stranger Skies » ? Pour quelles raisons ? Et l’idée était-elle aussi de leur donner un nouvel éclat ?

Florian : Complètement car, à nos yeux, les morceaux n’avaient pas pu profiter d’une production optimale. Et même si effectivement, l’album sort cinq ans après cet EP, ces chansons faisaient partie intégrante de l’album au début du projet. On a donc pu, plus ou moins, les développer et les réarranger dans le sens du reste des compositions.

Romaric : Ça nous tenait à cœur que ces morceaux soient sur l’album et qu’ils bénéficient du même traitement que les autres, que ce soit en termes de production, comme le dit Flo, mais aussi en termes d’exposition et de diffusion.

– Ce premier album est également très bien produit et il met en valeur des arrangements qu’on ne trouvait pas sur l’EP, qui était plus brut dans l’approche. Est-ce que lorsqu’on propose une musique acoustique, ou semi-acoustique, c’est un travail plus important dans le sens où vous vous mettez peut-être plus à nu ? 

Romaric : Tout dépend de l’approche qu’on recherche. On aurait pu faire le choix de rester sur quelque chose de plus dépouillé et brut, mais ça ne cadrait pas avec notre vision. L’idée est vraiment de faire le lien entre le côté intimiste de l’acoustique et le côté plus immersif et moderne avec des arrangements discrets, mais qui permettent d’emporter encore plus l’auditeur avec nous.

– On l’a dit, DAMAGE DONE est apparu en 2020, une période où l’acoustique n’était pas un style très répandu, pour ne parler que du monde du Rock. Comment prend-on la décision de s’aventurer dans un tel registre, qui est devenu depuis la fin des 90’s très confidentiel ?

Florian : Je ne pense pas que l’on puisse vraiment parler de prise de décision. C’est surtout une question d’envie et de ce qui nous touche depuis pas mal de temps déjà. Au début du projet, on s’est retrouvé avec la même passion pour des morceaux que l’on chantait avec notre guitare chacun de notre côté. Après avoir passé pas mal de temps sur des reprises d’Alice In Chains, Pearl Jam ou d’autres artistes plus ‘Folk’ comme Ray LaMontagne ou même Neil Young, nos premières compositions étaient largement orientées. On a parlé précédemment des changements dans notre style qui sont venus un peu après, pendant le travail sur les morceaux, mais à la base que ce soient nos compositions ou notre style en lui-même, tout est vraiment venu naturellement.

– Justement, restons un peu sur ces fameuses années 90, et les légendaires ‘MTV Unplugged’, dont vous ne cachez d’ailleurs pas l’influence qu’elle a eu sur le groupe. Est-ce qu’il y a aujourd’hui un manque de ce côté-là, celui d’un Rock plus léger et aérien, qui ne se cache pas derrière un mur de guitare et qui laisse apparaître une authenticité réelle et palpable ?

Romaric : C’est encore une question de parti-pris. Mais si on s’y intéresse, il y en a pour tous les goûts. L’idée de l’acoustique, c’est en effet de rester au plus près des émotions, avec une sorte de fragilité et de simplicité, car on est plus à nu. Il y a tout de même pas mal d’artistes qui explorent cette voie acoustique, que ce soit le temps d’un album, ou bien de façon plus permanente. Il y a même des groupes qui, tout en restant électriques, arrivent à garder cette légèreté et ce côté aérien. Donc, je ne pense pas qu’on puisse dire qu’il y a un manque, simplement différentes approches. Pour nous, l’acoustique s’est imposée naturellement, parce que c’est ainsi qu’on se sent le plus à l’aise pour s’exprimer et transmettre ce qu’on a envie de partager.

 – D’ailleurs, même si DAMAGE DONE se présente en acoustique, on retrouve cette même touche dans d’autres registres comme la Folk, l’Americana ou le Blues. Et cela revient même en force. Même si vous restez dans un style très Rock et légèrement progressif, sentez-vous une certaine proximité avec ces autres genres, essentiellement américains d’ailleurs ?

Romaric : Oui, il y a forcément une sorte de proximité, et comme l’a dit Flo, on a pas mal écouté des artistes comme Brother Dege, Neil Young, Ray LaMontagne et d’autres, qui sont issus de ces genres… Aujourd’hui je pense qu’on s’en éloigne un peu avec quelque chose d’un peu plus progressif, mais on garde toujours cette connexion avec la Folk et ce côté plus Rock, ou Grunge pour faire court. Ça restera quelque chose qui est dans l’ADN du groupe et  le mien notamment dans ma façon de chanter. Ce sont aussi les styles où je me sens le plus à l’aise pour exprimer ce que j’ai à sortir.

– Revenons à « Stranger Skies », où l’on retrouve une douce mélancolie, qui colle souvent au style, c’est vrai. La prestation vocale est d’ailleurs incroyable, tant elle dégage une vérité dans l’engagement comme dans les textes. On a presque l’impression que la voix porte l’ensemble ou, en tout cas, est là pour captiver immédiatement l’auditeur avec des intros assez courtes. C’est le style qui nécessite une telle approche, selon vous ?

Romaric : C’est certain que ce style se prête bien à cette mélancolie. Il a un côté plus organique et l’idée de départ était justement de mêler cette chaleur acoustique avec une voix qui renforce cette intimité, tout en ajoutant les harmonies de Flo pour apporter plus de profondeur et d’ambiances à l’ensemble. Le fait que nous ayons commencé à composer à deux sur une bonne moitié de l’album n’y est pas étranger non plus, car l’intention était vraiment de placer les guitares et les voix au cœur de la démarche.

– Si votre musique peut paraître très épurée de prime abord, on est finalement assez loin du compte, puisque quelques claviers et samples viennent en complément des deux guitares et d’une rythmique électro-acoustique. L’objectif était-il aussi d’apporter une richesse sonore supplémentaire à « Stranger Skies » ?

Romaric : Exactement ! L’arrivée d’Antoine à la batterie et de Victor à la basse nous a vraiment poussés dans cette direction. Victor est un touche-à-tout passionné de synthétiseurs et de samples, et nous avons pris le temps de travailler chaque morceau pour enrichir les ambiances et la palette sonore. De son côté, Antoine a apporté son toucher et sa précision rythmique, donnant à l’album un juste équilibre entre intimité et une dynamique subtile.

– Enfin, on a l’impression qu’un style comme le vôtre se prête aussi à des endroits plus petits et des ambiances peut-être plus cosy et feutrées. Est-ce que c’est quelque chose que vous recherchez : une grande proximité avec votre public, plutôt que des lieux trop grands et peut-être mal adaptés ?

Florian : Alors, c’est ce que l’on recherche, mais peut-être pas entièrement. Et c’est clair aussi que l’on adore ces concerts donnés dans des endroits plus ‘petits’, car on va pouvoir aisément créer cette atmosphère intimiste qu’on affectionne beaucoup.

Romaric : Oui, ce qui compte vraiment pour nous, c’est l’atmosphère du concert. Peu importe la taille du lieu, tant que l’on arrive à créer cette bulle où la musique prend toute sa place. La proximité avec le public, c’est quelque chose de fort, mais on a aussi besoin que les conditions soient bonnes : un bon son, une belle écoute… C’est ça qui permet de transmettre pleinement l’émotion et de faire vivre les morceaux comme ils ont été pensés.

L’album de DAMAGE DONE, « Stranger Skies », sera disponible le 28 mars chez Klonosphere.

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Hard'n Heavy Metal Progressif

Bumblefoot : double fun

Révolutionnaire et exalté, BUMBLEFOOT fait partie d’une short-list de six-cordistes aussi novateurs qu’imprévisibles. Techniquement hyper-créatif, l’homme à la fretless double-manche ne cesse de se réinventer et d’aller vers l’inconnu pour libérer une musique qui n’appartient qu’à lui et qui semble si évidente à l’écoute. Sur « Bumblefoot… Returns! », il multiplie les surprises avec une incroyable fluidité dans des atmosphères changeantes et toujours très maîtrisées. Ces 14 nouveaux morceaux sont d’une audace totalement débridée et jubilatoire.

BUMBLEFOOT

« Bumblefoot… Returns! »

(Bumblefoot Music LLC)

Iconoclaste, fantasque et surtout virtuose, Ron Thal est un musicien étonnant, qui mène depuis plus de trois décennies une carrière qui lui ressemble finalement beaucoup. Après des débuts sous son propre nom, il adopte BUMBLEFOOT à la fin des 90’s et il se distingue aussitôt par son jeu hors-norme. En 2006, il intègre G N’R comme troisième guitariste, forme ensuite Act Of Anarchy, Sons Of Apollo et plus récemment le super-groupe Whom Gods Destroy. Et pourtant, son champ d’action est bien plus large et varié qu’il n’y paraît.

Du Breton Pat O’May en passant par Asia, il multiplie les collaborations en tant que producteur, compositeur et même enseignant, tout en prenant soin de ne jamais rester dans sa zone de confort. D’ailleurs, en a-t-il vraiment une ? BUMBLEFOOT est un technicien brillant doté d’une culture musicale complète et érudite. Sans virer à la démonstration, « Bumblefoot… Returns! » est un modèle du genre rassemblant à peu près tout ce qu’il peut faire avec son étonnant instrument, conçu sur mesure pour dépasser ses propres limites.

Cette nouvelle réalisation donne suite à « The Adventures Of Bumblefoot » sorti il y a tout juste 30 ans et qui présente l’Américain dans un registre entièrement instrumental, où il passe en revue tous les styles qui le font vibrer. BUMBLEFOOT transcende les genres (Metal, Rock, Blues, Acid Honky-Tonk, …), soigne les mélodies et présente ici quelques invités de choix comme Steve Vai, Brian May, Guthrie Govan et Ben Karas. Et surtout, complexe et pointu, l’album ne s’adresse pas qu’aux puristes. Une prouesse et une vraie gourmandise!

Photo : Andre Tedim

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France Metal Progressif Rock Progressif

Klone : l’avenir entre les mains [Interview]

Désormais incontournable sur la scène progressive française, Rock ou Metal d’ailleurs, KLONE livre un dixième album à la fois surprenant et très complet. Comme si le groupe tenait à parcourir les 25 ans d’une carrière riche et productive, « The Unseen » nous embarque dans un climat plus organique, légèrement plus abordable aussi, et nettement plus Rock. Sans faire pour autant l’impasse sur l’aspect massif de son registre, les morceaux sont ici presque plus intimes jouant sur une proximité très palpable. Malgré une fin de contrat quelque peu houleuse avec leur label, les Poitevins réalisent un disque chaleureux aussi aérien qu’accrocheur. Guillaume Bernard, guitariste et compositeur du sextet, revient sur cette nouvelle production et livre ses ambitions pour l’avenir de la formation.

– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que l’on revienne sur cette interview que tu as donnée cet été au Hellfest durant laquelle tu n’as pas ménagé le patron de Pelagic. Il se trouve que « The Unseen » est le dernier disque que vous deviez honorer contractuellement au label. Quel était le nœud du problème ?

En fait, cette interview, comme d’autres aussi, ont disparu du Net. Et je n’ai pas le droit d’en reparler avant un petit moment, c’est-à-dire pas avant que la sortie du disque soit terminée. C’est un peu délicat, je ne peux pas revenir sur le sujet. Mais d’ici quelques mois, je pourrais le faire. J’aurais à nouveau le droit d’en parler, car j’ai reçu des menaces et je suis contrait de me taire.

– Pour faire court et en évitant toute polémique, c’est un problème personnel ou c’est au niveau de la structure du label ?

C’est un problème du groupe avec la personne qui gère le label. Cela concerne aussi d’autres formations comme la nôtre, qui ont eu les mêmes soucis. Mais globalement, c’est relationnel, oui.

– J’imagine que la situation n’est pas des plus agréables pour vous, d’autant que « The Unseen » est un excellent album, peut-être même votre meilleur. Est-ce qu’on parvient malgré tout à faire facilement abstraction de tout ça pour composer d’abord, et ensuite pour le défendre au mieux et surtout sereinement ?

De toute façon, il y a tout intérêt à faire abstraction de cette histoire. Même si cela nous a occupés pas mal de temps, on s’est vite replongé dans l’album. On a avancé sur la musique de notre mieux et cela ne va pas nous empêcher de bien défendre le disque. On a d’ailleurs déjà beaucoup communiqué en France et à l’étranger. L’an prochain, on sera sur scène. En soi, ça n’a pas d’influence particulière à part quelques sauts d’humeur parfois quand tu reçois certains mails et messages. Ca devient un peu compliqué. Maintenant, on sait que c’est comme ça. Alors, on va à la fin de notre contrat avec ce label et on en retire aussi des enseignements pour que ce genre de situation ne se reproduise pas à l’avenir.

– Comme je le disais, « The Unseen » est probablement l’un des albums le plus abouti de KLONE. Comment se sont passés la composition et l’enregistrement dans un tel climat, car on vous sent tous très investis et épanouis, sans parler des morceaux qui dégagent une atmosphère très libre et positive. Vous auriez aussi pu y aller à reculons et c’est finalement tout le contraire…

Merci beaucoup, mais tu sais, on a travaillé dessus comme on l’a toujours fait sur les autres albums. Il faut savoir quand même que c’est un disque un peu particulier dans le sens où il y a des compositions qui datent d’un certain temps. La base vient de morceaux que je n’avais pas eu le temps de terminer. Il y en a même qui ont dix ans. En ce qui concerne la batterie, par exemple, cela aurait pu sortir au moment de « Here Comes The Sun » (2015 – NDR). En fait, à un moment donné, on avait tellement de morceaux qu’on n’avait pas pu tout finir et on voulait bosser sur du neuf. On a donc remis le nez dedans. Il n’y avait pas de lignes de basse, pas de guitares ou d’arrangements de sax, d’ambiances, etc… Et même pas de voix, ni de textes. Le socle était bien fixé et puis, ce sont aussi des morceaux qui nous tiennent à cœur. Pour l’anecdote, nous sommes même plus fiers de ces morceaux que ceux de « Meanwhile », par exemple. Ces titres auraient dû sortir et cela nous fait vraiment plaisir de le faire aujourd’hui.

– Et ça montre aussi une belle intemporalité de votre musique…

Oui, c’est vrai. Mais en soi, ça tient à l’adaptation des titres. Et puis, chaque morceau de KLONE a une histoire particulière. Souvent entre le début du travail et le moment de la sortie, il y a des espaces temps assez fous. C’est un peu comme si on avait mis des bouteilles de vin à la cave, et qu’on les ressortait. Et puis, on a eu le temps de les finir et d’obtenir un résultat certainement meilleur qu’il ne l’aurait été à l’époque et c’est ça qui est chouette. On a un regard nouveau dessus, avec de la fraîcheur, et cela nous permet de les fignoler comme on l’entend. Et là, avec des morceaux, c’est idéalement ce qu’on peut faire de mieux.

– Une fois que l’aventure Pelagic sera derrière vous, KLONE sera bien sûr en quête d’un nouveau label. Vous en avez déjà fait pas mal et non des moindres. Est-ce que vous avez déjà des pistes, voire déjà des pourparlers ? Et sinon, est-ce que la perspective de sortir le prochain album en indépendant est aussi une possibilité ?

C’est exactement notre questionnement d’aujourd’hui ! Du fait de nos expériences passées avec certains, et aussi sur le côté économique de la chose, on pense que nous serions capable d’investir ce que les labels ont pu investir sur nous. Ils se sont faits de l’argent sur le groupe, alors que nous n’avons quasiment rien perçu. On ne gagne même pas un Euro par disque vendus et c’est pareil pour le streaming. En fait, si on gagnait cet argent, ce ne serait pas pour acheter des maisons avec piscine, cela nous servirait à réinvestir dans le projet pour le faire grossir encore plus. On pourrait être beaucoup plus ambitieux sur pas mal de choses et mieux les faire. Je pense aux concerts, aux lights, à différents packagings, … à plein de petites choses en fait. Et aujourd’hui, on ne peut pas parce qu’on a ces contraintes financières qui sont là. Mais cela a toujours été le cas dans le milieu de la musique. Et comme on arrive à vendre pas mal de disques, on est à un stade où on se dit qu’on pourrait faire tout un tas de choses.

On sait aussi les domaines sur lesquels on peut être autonome et ceux où l’on peut éventuellement déléguer, à savoir la distribution, la mise en bac et même le travail de relation presse où on peut vite être débordé. Il y a du partage de tâches à faire avec des gens à payer pour l’entreprendre. En tout cas, ce qui est cool, c’est que nous avons cette option de l’indépendance et aussi celle de retravailler avec Kscope, par exemple. Season Of Mist serait aussi intéressé, on a eu également de belles accroches avec InsideOut Music, qui possède un très beau catalogue. Et il y a aussi d’autres labels, qui pourraient encore être intéressés. Après, dans le milieu, ce n’est pas une histoire de qualité musicale qui va faire pencher la balance, même si cela a son importance. Mais globalement, à partir du moment où tu vends un certain nombre de disques, tu peux être sûr que les labels vont être à l’affût, car ils vont pouvoir gagner de l’argent. Et ils sont aussi là pour ça, c’est vrai. Cela fait partie du jeu. En tout cas, on n’est pas en mauvaise position et on serait même en position de force pour négocier un contrat, qui irait dans le sens de KLONE. Et si on ne parvient pas à avoir ce que l’on veut, faire un mix entre l’indépendance et travailler avec certaines structures solides est envisageable et nous permettrait de franchir des étapes.

– « The Unseen » est également plus Rock que ses prédécesseurs et notamment que « Meanwhile ». J’ai pu lire que vous le définissiez comme de l’Art-Rock Progressif. KLONE a toujours eu cette approche, même si elle était plus marquée Metal. C’est un élan que vous entendez poursuivre ?

Ce qui est sûr, c’est que ces morceaux sont plus Rock, en effet, et c’est aussi là-dedans que nous nous épanouissons le plus. Aujourd’hui, on l’assume complètement et nous sommes vraiment l’aise avec ça. Même si on a pris du plaisir à faire « Meanwhile », on sent qu’on est plus proche des titres de « The Unseen ». Ensuite, pour ce qui est du terme ‘Art-Rock Progressif’, c’est l’appellation du label et c’est rigolo, mais ça reste du Rock au sens large avec des éléments progressifs qu’on retrouve dans des morceaux, qui peuvent être plus longs. Une chose est sûre, il n’y aura jamais de compromis dans notre musique. Si on continue à avoir des idées dans ce style, je pense qu’on continuera dans ce sens. On va essayer de faire de bonnes chansons. On pourra peut-être nous dire qu’on tourne en rond, puisque c’est ça aussi la musique de KLONE. Mais on ne va pas passer du coq à l’âne, non plus. Ca restera toujours progressif avec un côté plus aventureux peut-être dans les arrangements notamment, ou avec l’apparition d’autres instruments de musique aussi. L’optique de développement du projet se situe plutôt dans cette voie-là.

– La production est également plus légère et aérée et ce n’est pas seulement dû à son aspect plus Rock. Vous avez souhaité apporter des arrangements plus discrets et un spectre aussi moins chargé ? Je me souviens que pour « Meanwhile », tu me disais que vous avez eu du mal à tout faire entrer…

C’était le problème sur « Meanwhile », en effet. On avait mis beaucoup de distorsion sur nos guitares, parce qu’on voulait un son plus gros. Entre les riffs, les arrangements de synthés, de piano et autres, il y avait beaucoup de choses. Là, du fait qu’on voulait quelque chose de plus Rock, on a eu plus de place pour faire ressortir tous les détails. Précédemment, c’est vrai qu’on avait eu un problème pour tout faire entrer dans la machine. Cette fois, il y a plus d’air, le son est plus naturel aussi. On s’y retrouve plus. Il y avait un côté un peu chimique dans « Meanwhile », qui est aussi dû aussi aux codes du Metal. Là, le mix a été beaucoup plus simple. Ca reste quand même chargé en infos, mais chaque élément est plus facilement perceptible. Les lignes de basse, notamment, ressortent mieux et ça va dans le sens qu’on souhaitait.

– C’est vrai que dans l’ensemble « The Unseen » a des sonorités très organiques et assez acoustiques. C’était aussi dans la perspective de la tournée ‘unplugged’ que vous venez de terminer ? L’album se prête à une approche plus épurée en concert ? A moins que vous prévoyez de repartir dans une configuration plus Metal dans les mois qui viennent ?

Le côté ‘Unplugged’ nous sert toujours d’expérience pour tout un tas de choses et notamment pour le travail sur les nuances et la dynamique du son. Pour « The Unseen », on laisse d’abord le disque sortir et les gens s’en imprégner. Ensuite, pour ce qui est prévu pour les prochains concerts début février, on fera bien sûr attention à tout ça, mais ce sera plus Metal dans l’approche que sur le disque. Il y a ce côté rentre-dedans qui ressort toujours en live comme c’était déjà le cas sur « Le Grand Voyage » et « Here Comes The Sun ». Les concerts se prêtent beaucoup plus à ça, notamment pour nous.

– D’ailleurs en 2017, vous aviez déjà sorti « Unplugged », un album live entièrement acoustique. Je sais que les sensations sont opposées, mais quelle disposition est, selon toi, la plus proche de l’identité intrinsèque de KLONE ? Avec du gros son ou dans un registre plus intimiste ?

Un peu des deux, je pense, car cela fait partie de notre identité de groupe. KLONE a toujours été un mélange de subtilité et de choses plus Metal au niveau de la production. On se sent vraiment très à l’aise à jouer ‘unplugged’. On aime le format et aussi la possibilité que cela nous donne de pouvoir jouer dans des lieux très différents. On peut profiter de cadres dans lesquels on n’a pas la chance d’évoluer d’habitude. J’ai l’impression que le côté ‘Unplugged’ de KLONE passe peut-être mieux au niveau de l’émotion qu’en électrique. Après, les gens peuvent être aussi touchés différemment. Mais c’est vrai que si tu veux avoir du gros son avec des grosses distorsions, les grandes salles sont plus adaptées. J’aime bien les deux exercices, car cela nous permet de jouer sans nous lasser avec ces deux formules, avec une approche qui n’est pas la même. Et puis, on prend beaucoup de plaisir à tenter des choses différentes.

– J’aimerais aussi qu’on dise un mot du morceau « Spring », qui vient magnifiquement clore l’album du haut de ses 12 minutes. Forcément, il offre la liberté de produire de longues plages instrumentales. On sent que vous avez vraiment voulu vous faire plaisir. C’est quelque chose que vous affectionnez particulièrement de composer et de jouer des morceaux aussi longs, même si c’est assez courant dans le Prog ?

« Spring » est un morceau assez particulier, et notamment avec cette intro dont on nous parle souvent, qui a été ajoutée. En fait, le morceau a été composé à l’époque de « Here Comes The Sun ». En 1995, on l’avait donc enregistré, mais nous n’avions pas eu le temps de finir le texte et la voix. Comme on ne voulait pas le bâcler, on s’était dit qu’on le finirait plus tard. Et comme la production n’est pas la même, j’ai un peu fait exprès d’ajouter cette longue intro. C’était aussi pour qu’on oublie aussi un peu l’ancienne prod’ et que cela ne se fasse pas sentir à l’écoute. Elle permet d’aller un peu ailleurs et de retrouver le morceau sans se douter de la différence dans le temps. Car il faut aussi savoir que ce n’est pas non plus le même line-up de KLONE sur « Spring ». Ensuite, c’est vrai qu’on a toujours aimé faire des morceaux assez longs, même si celui-ci ne devait pas l’être à la base.

– Enfin, parlons aussi de cette superbe pochette, qui rappelle d’ailleurs un peu celle de « Meanwhile » dans ses couleurs et l’imaginaire auquel elle renvoie. Comment a-t-elle été conçue et avez-vous donné certaines consignes par rapport à ce que vous en attendiez ?

En fait, dans notre façon de procéder, on ne va plus demander à un artiste de créer quelque chose à partir d’une idée qu’on peut avoir. On cherche beaucoup de notre côté parmi des visuels qu’on aime bien et des gens dont on apprécie le boulot. Pour « The Unseen », comme pour presque tous les autres albums d’ailleurs, on a trouvé le visuel sur le compte Instagram d’un graphiste qu’on ne connaissait même pas. On l’a contacté, on lui a expliqué les choses pour la pochette et, en fait, il nous a dit qu’il avait travaillé à partir de l’Intelligence Artificielle. Au début, on n’était pas très chaud, mais on aimait beaucoup le visuel. On a fini par bosser avec lui, même si tout ça a été créé par un robot quelque part. Mais on savait qu’on ne retrouverait pas ça ailleurs. Et on avait tellement galéré pour trouver une pochette qui faisait l’unanimité qu’on a choisi celle-ci. On l’a fait passer dans l’entourage du groupe et tout le monde l’a trouvé mortelle ! On a donc fait ce choix d’autant que personne n’avait décelé que qu’elle avait été créée à partir de l’IA. Sur le principe, nous ne sommes pas vraiment pour. On s’était même un peu interdit de le faire, mais nous l’avons tous trouvé superbe et en vinyle, le rendu est magnifique !

L’album de KLONE, « The Unseen », est disponible chez Pelagic Records.

Retrouvez la chronique de « Meanwhile » :

Photos : Benjamin Delacoux (1, 3 & 5), Stephan Tidovar (4 & 6) et Talie Rose Eigeland (2).

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Wallack : l’urgence temporelle [Interview]

Malgré des changements de line-up finalement inhérents à chaque groupe, WALLACK est toujours debout et ressert dorénavant son jeu autour d’un Rock Indus aux légères teintes Metal et Grungy. Devenu trio depuis la récente sortie de « Loveless », les Poitevins s’aventurent dans des atmosphères bien plus sombres, mais toutes aussi prégnantes. Après deux albums (« White Noise »  et « Black Neons »), c’est dans un format plus court que le groupe joue avec le Fuzz et les machines dans un univers très personnel et saisissant. Cyprien Tillet (guitare, chant, synthé) revient sur les dernières péripéties du combo et surtout sur l’élaboration de ce deuxième album massif et compact.

Photo : Thibault Berthon

– Avant de parler de ce nouvel album, il s’est passé quatre ans depuis « Black Neons » et il y a eu quelques changements, à commencer par votre batteur et puis vous êtes désormais un trio, même si l’album a  été enregistré à quatre. Ça a été compliqué de maintenir le cap pendant et après la pandémie ? C’est l’une des raisons de ces mouvements de line-up ?

Notre précédent batteur, Vincent, a souhaité se consacrer pleinement à son entreprise de réparation et maintenance de matériel électronique et Marco, notre bassiste, a vogué vers de nouveaux projets musicaux. Thomas est arrivé à la batterie et, après avoir envisagé d’intégrer un nouveau bassiste, on s’est finalement rendu compte qu’on fonctionnait très bien en trio. On a décidé d’ajouter aux pistes programmées de synthé une piste de basse. Cela colle assez bien avec l’orientation Electro/Indus du nouveau disque. WALLACK a toujours été un groupe à géométrie variable et cela influe assez peu sur le rendu live ou studio. Pour en revenir à la période du Covid, ça a bien sûr été une période compliquée pour nous comme pour beaucoup de groupes, d’autant que notre album est sorti en début de confinement, ce qui nous a privés d’une diffusion efficace et d’une tournée promotionnelle. Il faut néanmoins relativiser les choses : beaucoup ont été plus durement touchés, et notamment au niveau sanitaire…

 On vous retrouve cette fois avec un EP ou un mini-album, c’est selon. C’est le format que vous aviez envisagé dès le départ ? Il n’était pas question d’un album complet ?

C’est un format qui s’est imposé, car nous visions à l’efficacité et voulions insuffler une vraie intensité et une forme d’urgence à ce disque. Pour autant, nous avons essayé de contrebalancer cette violence avec des plages plus ambiantes, presque cinématographiques. On a écrit beaucoup de morceaux entre mars 2020 et septembre 2022, date du début de l’enregistrement de « Loveless », et certains morceaux figureront peut-être sur un futur album. Mais nous avions un vrai désir de cohérence pour ce disque-là, ce qui nous a poussé à épurer le propos au maximum, pour arriver finalement à ce mini-album.

– L’univers musical de WALLACK est toujours aussi distinctif sur « Loveless » et il s’affirme nettement dans une dynamique Indus, qui n’est d’ailleurs pas rappeler Treponem Pal par moment. L’idée est maintenant de se poser clairement dans ce registre ?

Avant d’écouter du Stoner ou du Psyché, j’ai grandi dans une décennie où le Rock industriel et le Grunge ont explosé et j’ai toujours eu envie de marier ces deux styles sans vraiment savoir comment m’y prendre. Et puis le titre « Anxiety » sur le précédent album est arrivé et nous a montré une voie intéressante. Pour autant, on ne veut pas reproduire une recette, ni se concentrer sur un style au détriment d’autres influences chères à chacun de nous.

Photo : Thibault Berthon

 Pourtant, le Metal et le Rock font toujours cause commune dans des sonorités très organiques, loin de l’image souvent froide et sophistiquée de l’Indus. Malgré les claviers et/ou les samples, la musique de WALLACK garde beaucoup de proximité et même de chaleur. Tout en faisant preuve de beaucoup de modernité dans la démarche, vous restez fidèles à un son assez Rock. Cela dit, l’émancipation du Stoner semble faite, non ?

Même s’il y a un petit côté Metal, notamment dans la production, on est beaucoup plus proche du Rock, en effet. Nous avions l’objectif de faire un disque Rock et agressif, aux sonorités industrielles et qui n’oublie jamais d’être accessible. Pour autant, on ne s’interdit rien en termes d’influence et certains riffs comme les refrains de « Lux Altera » ou « More A Shade Than A Man » ne dépareilleraient pas dans un contexte Stoner. De même, on va trouver des influences Doom, voire Drone, sur un titre comme « To the End »… L’important est de faire coexister en toute intelligence ces différents styles.

– Tout comme sur « Black Neons », vous avez de nouveau fait appel à Fabien Devaux, qui s’est occupé de l’enregistrement, du mix et du mastering de « Loveless ». Il a dû s’adapter à cette évolution musicale, ou c’est le résultat d’une réflexion commune sur le son ?

Fabien n’a pas eu de mal à s’adapter à cette nouvelle orientation, puisqu’il a déjà une bonne expérience des projets Metal/Electro/Indus avec Step in Fluid ou Carpenter Brut. Il nous a même conseillés tout au long de la composition du disque et a suggéré nombre d’idées en terme de son compact et massif, sorte de fusion entre la basse, les guitares et les synthés Moog et Korg. On a finalement poursuivi les recherches sonores entamées sur certains titres de notre précédent disque, tout en allant plus loin dans la lourdeur avec l’omniprésence du fuzz. C’est aussi Fabien qui a organisé la rencontre avec notre batteur Thomas. Il existait déjà entre eux un passif de travail collaboratif, ainsi qu’une vraie alchimie, ce qui est un plus dans l’élaboration de notre nouveau son.

Photo : Thibault Berthon

– « Loveless » est aussi beaucoup plus sombre que « Black Neons » et le titre le souligne d’ailleurs aussi. Vous avez calqué la thématique du ‘Memento Mori’ sur vos morceaux, ou c’est la composition de ces nouveaux titres qui vous ont mené au sujet principal de ce nouvel EP ?

Cette thématique s’est imposée aux personnes que nous sommes aujourd’hui, préoccupées du temps qui passe, des choses que nous avons accomplies ou non, et du temps incertain qu’il nous reste pour les accomplir. J’ai toujours été obsédé par ces questions… Rien d’original au fond et quelque chose de terriblement humain. Cette urgence, nous l’avons mise dans des titres assez courts, visant à l’essentiel pour épouser d’un côté le ‘Carpe Diem’, la quête d’un plaisir immédiat, exigeant, insatiable, et de l’autre le ‘Memento Mori’, cette angoisse face au temps qui nous échappe et nous détruit.

 Ce qui ressort également de « Loveless », c’est l’aspect assez brut et très efficace, puisqu’on ne retrouve plus les sonorités post-Rock et Stoner. L’objectif était d’aller à l’essentiel, quitte à épurer vos compos au maximum ?

Oui, cette urgence répondait à un vrai besoin à un instant T, là où par le passé nous aimions étirer le propos en écrivant de longues montées, sans doute aussi parce que nous aimons la musique progressive et psychédélique. C’est en tout cas l’esthétique qu’on a souhaité insuffler à ce disque. Rien ne dit qu’on ne reviendra pas à des titres de huit minutes dans le futur ! On ne s’interdit rien, dans les limites de la cohérence inhérente à chaque disque.

– Il y a également une identité visuelle qui se dessine à travers les pochettes de vos deux dernières réalisations. La personnalité de WALLACK passe-t-elle aussi par l’image ? C’est devenu indissociable dans la musique aujourd’hui ? De pouvoir être rapidement identifié ? 

En effet, c’est indissociable. On pourrait le regretter, car l’image supplante souvent la musique. On cherche à capter l’œil rapidement, notamment dans les clips, car notre capacité d’attention est de plus en plus limitée, soumise à une culture du zapping. J’ai parfois l’impression que tout cela se fait au détriment de la musique. Cela court-circuite aussi l’imagination de l’auditeur qui, par un phénomène de correspondance, pourrait visualiser tout un monde, des paysages, des images, en fermant les yeux et en se laissant aller au rythme de la musique. Pour autant, je ne boude pas mon plaisir devant un super clip qui évite cet écueil et sublime un son ! Mais pour revenir plus précisément à la question de l’artwork, celui-ci est en effet très important, car il associe immédiatement un son à une image. Pour celui de « Loveless », on voulait représenter une vanité et, même si c’est un motif récurrent dans le Rock, le choix du crâne s’est imposé.  Seb a travaillé là-dessus et le résultat nous a bluffé tant il se démarquait des représentations ‘Rock’ habituelles. Il a aussi la subtilité de ne pas être immédiatement reconnaissable, de suggérer des visions personnelles et inconscientes.

 « Loveless » de WALLACK est disponible chez Klonosphere/Season Of Mist.

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Atmospheric Post-Metal Sludge

Inner Landscape : crépusculaire

Très live dans l’approche, la formation rhodanienne balance un premier album déjà très mature sur des références américaines que l’on rencontre assez peu en France. Très robuste grâce un Sludge puissant et robuste, INNER LANDSCAPE ne joue pas forcément l’écrasement, puisque le combo s’appuie aussi sur un post-Metal atmosphérique, qui confère des instants très contemplatifs et assez cinématographiques à « 3h33 », une réalisation à la production irréprochable et aux arrangements très soignés.

INNER LANDSCAPE

« 3H33 »

(Klonosphere/Season Of Mist)

Exigeant et pointilleux, Klonosphere n’a pas son pareil pour dénicher les pépites Metal de l’hexagone et être techniquement à la hauteur est l’une des premières prérogatives. Et de ce côté-là, INNER LANDSCAPE coche toutes les cases dès son arrivée sur la scène française. Il faut aussi préciser que les Lyonnais œuvrent dans un registre qui est plutôt confidentiel par chez nous. En effet, sur de solides et épaisses fondations Sludge, un post-Metal atmosphériques vient offrir un peu de légèreté à « 3h33 ». 

La pochette en elle-même donne le ton quant au contenu. C’est à la fois brut et rugueux, tout en étant assez lumineux. INNER LANDSCAPE joue sur les contrastes et le pari est plus que réussi. D’entrée de jeu, le chant hurlé saute justement à la gorge entre growl et scream, ce qui confirme le parti-pris du quatuor, même si quelques nuances apporteraient très probablement un peu plus de relief aux morceaux. Et cela vient également poser le son très organique de ce « 3h33 », très abouti.

Si le Sludge domine l’ensemble par son épaisseur et son aspect massif, les parties instrumentales libèrent des ambiances toutes en finesse et en précision, notamment grâce à un batteur qui joue sur le décalage des structures (« The Order Of Things », « Old Ghosts », « Unexpressive Fall »). Puis, INNER LANDSCAPE s’offre un break chaotique avec le bien-nommé « Wreckage » pour enchaîner sur le monumental morceau-titre, long de huit minutes. Malgré un format un peu spécial, le quatuor séduit déjà.

Photo : Jean-Sébastien Mattant
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Alternative Metal Alternative Rock Heavy Rock

Bad Situation : une belle ferveur

Frais et enthousiaste, ce premier opus complet de BAD SITUATION est peut-être celui que les amateurs de Rock musclé, Heavy et grungy attendaient pour démarrer enfin le printemps de la plus belle des manières. Très groove et même joyeux, les deux musiciens avancent sur un rythme soutenu et de bons gros riffs, soigneusement mis en valeur par une production-maison, qui tient bien la route. « Bad Situation » se dresse dans un esprit live, vivifiant et terriblement addictif.

BAD SITUATION

« Bad Situation »

(Thrash Talkin Records/Klonosphere/Season Of Mist)

Direct et efficace, BAD SITUATION se présente donc avec un premier album éponyme, qui ne manque pas d’énergie. Pour un peu, on en oublierait presque qu’ils ne sont que deux. Aziz Bentot (guitare, chant) et Lucas Pelletier (batterie, chœurs) confirment les bonnes choses entendues sur leur EP « Electrify Me », sorti il y a deux ans. Forcément sans fioritures, ces nouvelles compos s’inscrivent dans un Alternative Rock synthétisant les 30 dernières années. Le panel des références est vaste, mais le rendu très cohérent et carrément pêchu.

On connait l’explosivité des duos dans d’autres registres, mais c’est vrai aussi qu’en termes de Heavy Rock, la basse tient un rôle essentiel et remplir l’espace sonore ne règle pas tout. Et il faut reconnaître que BAD SITUATION s’en sort très bien grâce, notamment, à des guitares très présentes et solides et une bonne balance dans le chant entre le lead et les chœurs. Positifs et dynamiques, les Français distillent avec beaucoup d’entrain des morceaux accrocheurs et se promènent entre Nickelback et QOTSA, le sourire aux lèvres.

Sur un Rock massif flirtant avec le Metal, et malgré quelques touches de Punk californien, BAD SITUATION trouve l’équilibre entre puissance, mélodies entêtantes et refrains fédérateurs (« On My Own », « Fallin’ Apart », « Nothing Lasts Forever », « Echoes », « Won’t Back Home »). La belle ballade « Drown » offre une belle respiration, pleine d’émotion et dotée d’un songwriting imparable. On peut affirmer avec conviction que « Bad Situation » va faire des ravages en concert et guider le public dans une belle communion. Bien joué !

Photo : Kevin Merriaux
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Dark Folk Progressif

Los Disidentes Del Sucio Motel : une spontanéité si naturelle

Depuis bientôt deux décennies, les Alsaciens n’ont de cesse de faire évoluer leur style au fil des albums et des EP. Tout en gardant un pied dans un Stoner Prog souvent proche d’un post-Rock/Metal insaisissable, LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL multiplie les expériences, et celle-ci n’est peut-être pas la plus évidente. Légers, fins et presque mis à nu, ses propres morceaux s’exposent sur « Breath » dans une lumière nouvelle et flottante, où l’acoustique se revêt de cordes, comme pour mieux souffler et livrer ses mélodies dans une Dark Folk somptueuse.  

LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL

« Breath »

(Klonosphere)

C’est devenu une bonne habitude et même la marque de fabrique de LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL que de sortir un format court entre deux albums. Deux ans après « Polaris », le groupe s’offre donc une petite respiration avec le bien nommé « Breath », qui présente d’ailleurs deux nouveautés dans la démarche du quintet. Tout d’abord, on a le droit ici à cinq reprises, quelque chose d’assez inhabituel, et surtout pour la première fois en version acoustique, laissant les gros amplis de côté. 

Lorsqu’une chanson est bien écrite, elle se décline sans mal sous à peu près toutes les formes. Tous les musiciens vous le diront. On peut donc, sans exagérer, dire que les morceaux de LDDSM sont très bien composés car, en mode acoustique, ils ne souffrent d’aucune lacune, tant le passage de l’électrique à l’unplugged est évident et coule de source. Pour autant, il ne faut pas imaginer que les Strasbourgeois ont simplement épuré leur jeu et leurs compos, c’est même presque l’inverse.

LDDSM est donc allé puiser dans son dernier opus pour trois morceaux, avant de remonter le temps avec « Z » issu d’« Arcane » (2013) et le titre « From 66 To 51 », qui figure sur « Soundtrack from The Motion Picture » (2010). Réarrangées et livrées dans une interprétation aussi originale que délicate, ces cinq chansons mettent en avant les guitares sèches, le piano et le violoncelle, preuve qu’elles ont une intemporalité certaine. Peut-être un peu nostalgique, on retiendra plutôt la grande qualité artistique du répertoire.

Photo : Benjamin Hincker

Retrouvez la chronique de « Polaris » :

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Crossover France

Koudeta : un soulèvement musical [Interview]

Mené par sa très combative frontwoman, KOUTENA est la réunion de musiciens aguerris unis par une même envie, celle de livrer un Metal Crossover rassemblant des influences au large spectre, mais ayant en commun un esprit très 90’s. Direct et sans concession, le quatuor se présente avec un premier album efficace et brut, dont l’énergie se distille dans des riffs acérés, des rythmiques véloces et un chant redoutable de percussion. Rémi Verger, guitariste du quatuor, nous en dit plus sur la démarche du groupe et sa création.  

Photo : Pierre Guerin

– KOUDETA existe depuis maintenant quatre ans et votre premier album éponyme vient tout juste de sortir. Vous avez préféré prendre votre temps pour peaufiner votre style et votre jeu avant d’entrer en studio ?

Oui effectivement, le groupe a été créé durant l’été 2019 et on est rentré en studio à l’automne 2022. C’était le temps nécessaire pour composer et arranger les neuf chansons qui composent l’album. Le Covid a également un peu ralenti le processus.

– Vous êtes tous issus de plusieurs groupes à savoir Trepalium, New Assholes, War Inside et Vanilla Cage. Qu’est-ce qui vous a rapproché ? L’occasion de pouvoir faire autre chose que ce que vous faites déjà ou plus simplement par amitié ? Ou même les deux ?

A la base, le projet vient juste de l’envie de se retrouver entre potes pour envoyer du gros son. Avec Tom (batterie) et Ludo (basse), on se connaît depuis de longues années. On vit dans la même ville, on traîne dans les mêmes coins et on avait juste envie de jouer ensemble pour s’amuser. On a commencé à composer quelques titres, puis rapidement on a cherché un chanteur et c’est là que Ludo, qui joue également dans Trepalium, nous a suggéré d’intégrer Téona, qui se trouve être la femme de Sylvain Bouvier, le batteur de Trepalium. On a commencé à jouer ensemble et ça a tout de suite fonctionné !

– Justement, comment considérez-vous KOUDETA ? Comme un side-project ponctuel, ou est-ce que, plus clairement, votre intention est d’inscrire le groupe dans la durée ?

Notre objectif est bien de continuer à jouer le plus longtemps possible avec KOUDETA et de faire grossir le plus possible le projet. On est d’ailleurs déjà sur la composition du deuxième album !

Photo : Pierre Guerin

– Il émane une énergie très live de votre album, grâce à une proximité sonore évidente. Dans quelles conditions avez-vous enregistré « Koudeta » et sur quelle durée ?

On l’a enregistré durant l’automne 2022 au Nomad Audio en Vendée, le studio de Fabien Guilloteau. On avait maquetté tous les titres durant l’été et on est donc arrivé assez préparé et l’enregistrement s’est fait en une semaine. Il n’a pas été effectué en live, mais bien instrument après instrument, mais sans beaucoup de retouches et sans non plus empiler les couches sonores. C’est de là que vient, à mon avis, le côté live du son de l’album. On avait demandé à Fabien un mix, qui soit assez naturel et vivant et il a réussi à rendre la dynamique sonore que l’on désirait.

– Contrairement à beaucoup de groupes, votre style ne s’inscrit pas spécialement dans un registre précis, mais balaie au contraire de nombreux courants du Metal. C’est parce que vous écoutez tous des choses différentes qu’on perçoit autant d’influences chez KOUDETA ?

Oui, c’est exactement ça. On est tous fans de plein de courants et même de nombreux autres styles musicaux ! Cela va du gros Brutal Death jusqu’au Rock Progressif. On ne s’intéresse d’ailleurs pas tellement aux étiquettes, mais plutôt à la qualité intrinsèque de la musique quand on se penche sur un groupe. Et c’est certain qu’on ne souhaitait pas du tout s’enfermer dans un courant bien délimité, mais plutôt pouvoir exprimer une large palette musicale, d’autant plus qu’on peut compter sur la voix de Téona pour assurer dans un grand nombre de registres !

Photo : Pierre Guerin

– En revanche, il y a un aspect évident sur l’album, c’est qu’il est fortement ancré dans les années 90 et le spectre est même assez large. Beaucoup de nouveaux groupes surtout usent et abusent de samples, de boucles et de programmations. Est-ce que KOUDETA avance avec cette formule assez classique pour plus d’authenticité ?

On a tous été bercés par le Metal des années 90 et c’est là qu’on va trouver les principales influences du groupe : Pantera, Morbid Angel, Alice In Chains, Rage Against The Machine, Death pour citer celles qui nous paraissent les plus évidentes. Au niveau sonore, on souhaite en effet conserver une approche assez live et brute avec une formule basse-guitare-batterie, sans samples ou autre couche sonore. On ne s’interdit pas dans de futurs enregistrements d’enrichir la production, notamment avec du travail sur les voix et pourquoi un peu d’autres instruments mais, si c’est le cas, ce seront des titres qu’on ne reproduira pas en live. Le concept musical du groupe est d’être direct et authentique : notre son doit sortir des amplis, pas d’un ordinateur !

– Téona est géorgienne et plusieurs chansons sont très explicites au sujet de la Russie sur l’album. Au-delà de cette relation directe, est-ce que vous considérez KOUDETA comme un groupe engagé, ce qui se fait d’ailleurs de plus en plus rare en France ?

Certains textes ont effectivement une portée politique, mais KOUDETA est avant tout un projet artistique et le moyen d’exprimer nos émotions, nos frustrations, nos ressentis… Lorsqu’on évoque la politique, il s’agit avant tout d’exprimer ce qu’on a dans les tripes et dans le cœur sur ces sujets-là, comme lorsqu’on parle d’autres sujets non-politiques. La chanson « Bastard », qui parle de l’impérialisme russe et des conséquences sur la Géorgie ou l’Ukraine, n’a pas pour objectif d’avoir un quelconque impact politique, mais simplement de permettre à Téona de cracher la rage que lui inspire cette situation. Notre musique exprime ce qu’on ressent dans nos vies au quotidien, et la politique en fait partie, mais KOUDETA n’est pas pour autant un groupe qui se définit comme engagé politiquement.

Photo : Pierre Guerin

– Depuis quelques années, et c’est une très bonne chose, de nombreux groupes comptent une frontwoman dans leurs rangs. Est-ce que chez KOUDETA, c’était une volonté dès le départ, ou la question ne s’est même pas posée et Téona s’est imposée comme une évidence ?

Rien de prémédité là-dedans, on cherchait un chanteur et on savait que Téona avait un super potentiel, que ce soit au niveau musical ou scénique, et qu’elle avait un registre vocal assez large. Mais pour nous, garçon ou fille, ça n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est que ça marche aussi bien humainement que musicalement !!!

– Enfin, et malgré votre expérience personnelle et individuelle, KOUDETA fait partie de cette nouvelle vague de groupes Metal français sans complexe et il faut bien reconnaître que la scène hexagonale ne s’est jamais aussi bien portée, tant dans ses multiples talents que sur le nombre. Quel regard portez-vous là-dessus et votre envie est-elle aussi de vous exporter à courts ou moyens termes ?

C’est super que le Metal français commence à être présent à l’international et on aurait évidemment très envie de pouvoir défendre l’album à l’étranger !

Le premier album éponyme de KOUDETA est disponible chez Klonosphere.

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Dark Folk post-Rock Progressif Rock

The Ascending : le temps de l’élévation

Cela fait maintenant quelques décennies que la Cité des Ducs, c’est-à-dire Nantes, fleurit de belles histoires musicales et montre une grande diversité à travers les groupes qui la représentent. C’est d’ailleurs presque devenu un gage d’authenticité. THE ASCENDING en est le parfait exemple et son premier opus éponyme offre des sensations très pertinentes sur notre époque, où l’ancrage humain et naturel prédomine. Une réussite totale.

THE ASCENDING

« The Ascending »

(Frozen Records/Klonosphere)

Tous issus de la scène Rock et Metal nantaise, les six musiciens qui composent THE ASCENDING n’en sont pas à leur coup d’essai. Et pour preuve, on y retrouve des membres de Stinky, Alan Stivell, Les Hommes Crabes, Tsar, 20 Seconds Falling Man ou Kaiser. Autrement dit, du beau monde qui s’est réuni au sein d’un projet en forme de collectif, et surtout guidé par une liberté artistique qui prend ici une dimension saisissante.

Forcément avec de tels parcours et venant d’horizons aussi différents et même parfois opposés, il est assez difficile de définir avec précision le style de THE ASCENDING. Mais au fond, est-ce bien nécessaire ? Pour mieux appréhender ce bel éclectisme, il suffit d’être curieux et de se laisser aller, voire se perdre, dans ce savoureux mix de Dark Rock, de Folk atmosphérique teinté de Garage, de Post-Rock, de violon et d’une touche progressive.

Même s’il ne compte que six titres, « The Ascending » offre une belle idée des contours musicaux à l’œuvre. Mené par une chanteuse, Jessica Delot, et deux chanteurs, Clair et Eddy Kaiser, on croise dans ce premier opus des moments de poésie (« Circles In The Same Sky ») comme des passages plus engagés (« Waiting A Storm »). THE ASCENDING libère une force organique dans laquelle on se laisse prendre (« The Ascending », « Herons »). Très généreux !

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Metal Progressif

OSM : l’art du crescendo

En jouant sur les multiples facettes du Metal Progressif, à savoir l’aspect orchestral d’un côté et une sauvagerie très canalisée de l’autre, OSM présente un style très personnel et expressif. Mariant un chant clair très accrocheur et un growl loin d’être indispensable selon moi, le combo utilise de nombreux chemins et diffuse un concentré de Metal à la fois brutal et très mélodique sur ce très bon « Plagued By Doubts ».

OSM

« Plagued By Doubts »

(Klonosphere/Season Of Mist)

Partagé entre La Rochelle et Poitiers, OSM a seulement cinq ans d’existence et pourtant on reste bluffé par la maîtrise et la créativité du quatuor. Après une première entrée en matière remarquée avec « Which Way », le groupe revient avec un second format court, « Plagued By Doubt », où il a mis de côté le Stoner Metal de ses débuts au profit d’un Metal Progressif ravageur, balayant un large spectre musical.

Avec six morceaux s’étendant sur 36 minutes, on se dit tout de même qu’on était à deux doigts de se délecter d’un album complet, même si ce deuxième EP est déjà réjouissant à plus d’un titre. Et justement, ses titres, OSM les a particulièrement soignés et le mix de Chris Edrich offre un relief incroyable et un équilibre parfait à l’ensemble. Et si certaines compos brillent par leur complexité, on ne s’y perd jamais.

Sombre et massif, « Plagued By Doubts » pousse le côté progressif du groupe dans ses retranchements en plongeant dans des atmosphères extrêmes, qui font contraste avec d’autres plus aériennes (« Stuck In A Wrong » et le génial « Drown By Myself »). La lourdeur mêlée à la mélancolie est omniprésente, ce qui laisse à OSM un vaste terrain d’expérimentation (« Abyssal… », « … Loudness »). Un EP complet !

Photo : Julien Kors