C’est avec beaucoup de feeling et de précision dans le jeu que JADE ELEPHANT surgit avec un premier opus abouti et séduisant. Inspiré par le grand dirigeable tout comme Creedence Clearwater Revival notamment, les Canadiens, qui n’ont pourtant pas connu cette période bénie, sont totalement imprégnés de cette culture vintage pleine de vibrations fortes qu’il remettent au goût du jour avec talent et dans la formule la plus épurée et sincère qui soit : le trio. Une énergie débordante sur dynamique authentique.
JADE ELEPHANT
« Jade Elephant »
(Independant)
Même s’ils sont encore tous les trois dans la vingtaine, ils nous rappellent au bon souvenir d’un Rock 70’s débridé et sauvage. Et si le nom de Led Zeppelin revient sans cesse en tête, JADE ELEPHANT réussit à trouver sa voie et affirmer sa touche sur ce premier album éponyme, qui en dit déjà long sur ses ambitions. Brut et organique, « Jade Elephant » est un recueil de dix morceaux bien structurés, efficaces et mélodiques qui, malgré leurs références évidentes, n’ont absolument rien de poussiéreux.
Après avoir sorti « So Far » en novembre dernier, sur lequel figuraient déjà trois morceaux de ce long format, JADE ELEPHANT se lance donc dans le grand bain et le résultat est très convaincant. Produit et mixé par Russell Broom entre Langdon et Calgary en Alberta, « Jade Elephant » affiche exactement le son que l’on attend d’un tel disque. Farouche et massif, il reflète l’état d’esprit d’une certaine époque conjugué à la fougue de jeunes musiciens qui se surprennent à en prolonger le plaisir avec vigueur.
Le power trio se montre plein d’audace en ouvrant avec « That Much Is Clear », un titre qui commence de manière acoustique pour se conclure par un solo électrisant. Ensuite, JADE ELEPHANT poursuit sur sa lancée et s’enflamme sur « Bad Thing », « I Got Time », « Zombie », « Pay The Piper » et « Hallway Dark ». Sans révolutionner le genre, le groupe l’oxygène à sa façon et avec la manière. Voir la nouvelle génération reprendre le flambeau avec autant de classe et d’enthousiasme est un ravissement.
Si ce deuxième album a quelque chose de solaire dans le son, il l’est nettement moins dans son propos. Cela dit, « Lost In Lizardland » est lumineux et dynamique et surtout, il vient confirmer que la formation toulousaine n’a pas son pareil pour mettre en musique des visions souvent hostiles et obsédantes. PADDANG hypnotise et s’engouffre dans une épopée cosmique pleine de rebondissements. Revigorant !
PADDANG
« Lost In Lizardland »
(Le Cèpe Records/Stolen Body Records/98 Décibels/Noise Circle)
Lorsque pas moins de quatre labels se penchent sur un même groupe, c’est qu’il doit y avoir une bonne raison. Deux ans après « Chasing Ghosts », PADDANG remet le couvert et nous invite à une sorte de road-trip Sci-Fi, où les gros lézards ne sont jamais loin et la bonne humeur omniprésente. Sur « Lost In Lizardland », le fil conducteur tourne autour des enjeux mondiaux actuels et le trio nous met en garde à travers l’histoire de Moros, une jeune femme désenchantée en mode survie. Tout un programme !
Composé de Thomas Boquel (guitare), Guirec Petton (basse, synthés) et Rémi Fournier (batterie), PADDANG a la particularité de compter trois chanteurs dans ses rangs et le travail sur les harmonies vocales a même quelque chose des Beach Boys (si, si !) dans un ensemble qui résonne de manière androgyne, planante et insaisissable. Avec le soutien du claviériste Cédric Forestier, le trio développe un univers musicalement très riche et on le doit à des arrangements soignés et très créatifs, qui rendent cet album si singulier.
Si l’exigence est au cœur de « Lost In Lizardland », on perçoit aussi beaucoup de plaisir dans l’interprétation de ces huit nouveaux morceaux. Passé l’intro, on entre dans le vif du sujet avec « Pressure », qui dévoile d’ailleurs un passage en français, et PADDANG pare également son Psych Rock d’aspects plus Heavy et massif. Parfois assez Pop (« Lizardland »), atmosphérique (« Moros Journey ») ou cinématique (« The Astral Flood »), l’aventure sonore est captivante et bien fuzz. Enfin, laissez « Agartha » défiler et patientez jusqu’à l’assaut final.
Il y a deux ans, le jeune guitariste-chanteur faisait une entrée fracassante avec un premier effort, « World OfConfusion », d’une maturité déjà bluffante. Le voici déjà de retour avec la même fougue, les mêmes convictions et un son qui s’est franchement étoffé. Plus percutant encore, mais également de plus en plus à l’aise dans des sphères aériennes, PACÔME ROTONDO passe haut la main le difficile exercice du deuxième album. Le Lyonnais fait preuve d’une liberté totale et enrobe son Blues Rock de teintes progressives et psychédélique avec une audace rafraîchissante sur ce « Crimson Rêverie » aux saveurs multiples. Entretien avec un musicien, qui montre déjà un savoir-faire et une maîtrise de son jeu et du songwriting rares.
– La première question que je me pose est de comprendre comment lorsqu’on grandit dans les années 2000, on acquiert une culture et un goût aussi prononcés pour la musique Blues et Rock des 70’s. Est-ce que c’est le fruit d’un apprentissage fait en famille, ou au contraire une grande curiosité de ta part ?
Je pense que c’est un tout. Effectivement, l’environnement familial joue un rôle, mais la curiosité y est aussi pour beaucoup. Avant d’être musicien, je suis d’abord un mélomane. Ecouter de la musique m’a donné envie d’en faire. A la maison, j’ai toujours baigné dans un environnement musical Blues et Rock avec les goûts de mon père, tel que Calvin Russel, Gary Moore, Bonamassa, ou du côté de ma mère avec des choses plus actuelles comme Depeche Mode, Seal, Robbie Williams… Dans tous les cas, ça a toujours été de la musique joué par des instrumentistes.
Et de mon côté, j’ai écouté beaucoup de Hard Rock et de Metal et je me suis forgé ma propre expérience. C’est vraiment un style que j’affectionne et qui m’a donné envie de travailler mon instrument pour jouer à la manière des guitaristes que j’apprécie dans le style comme Zakk Wylde, Kiko Loureiro, Paul Quinn de Saxon, etc…
Les rencontres aussi sont importantes, il y a toujours un tel ou un tel qui te dit : tiens, écoute cet album, ça devrait te plaire. Que ce soit des professeurs que j’ai eu, de simples discussions entre mélomanes souvent plus âgés que moi ! (Rires) ou avec des camarades musiciens, tous ont eu un impact dans ma culture musicale. C’est d’ailleurs grâce à ce genre d’échanges que j’ai découvert, avec joie, Albert et Freddie King.
Et puis comme tu l’as très bien dit, j’ai grandi dans les années 2000 (je suis né en 2001….), avec Internet et YouTube, où il est quand même facile d’écouter de la musique et de découvrir plein de choses. Je continue d’affirmer que le streaming est, quand il s’agit de découvertes, un outil absolument formidable et fantastique. Si on est un boulimique de musique, c’est une confiserie à ciel ouvert !
– On t’avait découvert il y a deux ans avec un premier album, « World Of Confusion », dans un Blues Rock aussi explosif que sensible et déjà avec une vraie touche. Même si tes références sont assez évidentes, comment justement as-tu œuvré pour t’en détacher le plus possible ?
Je n’ai pas réellement cherché à me détacher de mes influences. Cependant, j’ai essayé d’en mettre d’autres en valeur ! Le laps de temps a été assez court entre les deux albums, il est compliqué de se ‘réinventer’ totalement dans un intervalle aussi limité (enregistrement en mars 2023 pour le premier album et novembre 2024 pour le deuxième). Mais j’ai voulu proposer une expérience nouvelle et éviter la redite de « World Of Confusion ». Et je pense que cela passe aussi par le fait de ne rien s’interdire. Avec l’ajout du clavier, le travail de composition a lui aussi été différent.
– Tu es guitariste et aussi chanteur, ce qui ne va pas forcément de soi, puisque beaucoup préfèrent se concentrer sur leur instrument ou leur voix. Est-ce que pour toi, cela a été une évidence de mener de front les deux exercices ? Et quant est-il du contenu des textes ?
Alors, peut-être que cela ne semble pas aller de soi au premier abord, mais nombreuses sont mes références de guitariste-chanteur et qui excellent dans les deux registres. Je pense évidemment à Hendrix, Gallagher ou encore les trois King dans un contexte Blues Rock, et Dave Mustaine ou James Hetfield dans un registre plus Metal. Je pourrais d’ailleurs citer aussi George Benson. Cela est donc plutôt apparu comme une évidence pour moi plutôt qu’une contrainte, même si je me sens tout de même plus guitariste que chanteur !
Evidemment, je donne beaucoup d’importance aux textes. La musique est un joli vecteur pour faire passer des messages, ou simplement raconter une histoire. Dans mes morceaux, je raconte mon rapport à l’autre, à l’amour, la mort, la déception, l’alcool, …Je décris aussi ce qu’il se passe dans le monde. J’aime bien cet exercice d’écriture, c’est une belle introspection.
– Sans parler de fossé, la différence entre « World Of Confusion » et « Crimson Rêverie » est assez flagrante. La première se situe au niveau du son, tandis qu’on te sent également beaucoup plus assuré dans ton jeu comme vocalement. Tu le dois à un travail acharné, à l’enchaînement des concerts, ou l’expérience vient forcément de ces deux aspects de la musique ?
C’est évidemment un tout. Je dirais que le retour d’expérience de « World Of Confusion » est primordial et il participe à cette différence. Le clavier apporte aussi beaucoup au son du groupe, il permet d’avoir un son de guitare tout à fait différent, de créer des ambiances et il participe fortement au climat du disque. J’ai été assez exigeant envers moi-même sur mes parties de guitares et de voix sur ce deuxième album, tout comme les comparses qui m’accompagnent. On a beaucoup travaillé de notre côté, et en groupe, pour tirer le meilleur de nous-mêmes ! Je suis content qu’on ressente cette différence.
– Sur ton premier album, l’atmosphère globale était nettement marquée par le Blues Rock avec des sonorités très British et irlandaises aussi. Est-ce qu’avant de te projeter sur la suite, tu avais besoin de faire une espèce de bilan personnel sur ton lien avec ses racines profondes ?
Avec un laps de temps aussi court, il n’y a quasi pas eu de pause d’écriture entre les deux albums. Dès la fin de l’enregistrement de « World of Confusion », le travail de composition a repris. Non, il n’y a pas de bilan personnel sur mon lien avec mes influences Blues Rock. En fait, j’ai plein d’autres influences et c’est peut-être ces dernières qui se dévoilent un peu plus sur cet opus. J’ai un gros passif de hard rockeur/metalleux, cela se ressent sur certains titres et dans ma manière d’aborder certains solos ! Mes influences Folk et Blues sont aussi à l’honneur avec un titre comme « Is The World », et même Pop sur « A Man Needs ». Sans parler du coté Prog avec le titre éponyme. Puisque je suis un boulimique de musique et que j’aime énormément de styles, il m’est difficile de trancher dans une direction précise. Finalement, toutes ces racines et influences forment la musique de PACÔME ROTONDO !
– Avec « Crimson Rêverie », on te retrouve dans un registre très 70’s et surtout avec une approche plus Classic Rock voire Hard Rock, c’est selon, avec des inspirations clairement ancrées dans les pas de Led Zeppelin, des Doors et de Deep Purple, notamment dans les parties d’orgue et les aspects plus aériens. Avant d’entrer dans les détails, est-ce que l’apport de claviers, et donc d’un nouveau membre, t’a paru indispensable pour te mouvoir plus facilement dans ce registre ?
Oui, l’apport du clavier m’a paru nécessaire. Cela me semblait essentiel, afin de proposer un discours nouveau et d’étoffer ma musique. C’est un exercice différent du power trio, deux approches singulières. Le clavier offre plus de liberté à la guitare et un certain confort. Je peux aussi me détacher de certaines parties et aborder l’aspect chant plus sereinement.
Led Zeppelin, Deep Purple et les Doors sont des groupes que j’ai beaucoup écouté et dont je maîtrise assez bien la discographie, je suis donc heureux qu’on retrouve un peu de tout ça dans ma musique ! Cet album est un peu comme le premier, une combinaison de tout ce que j’aime. Hard Rock, Hard Blues, Rock Psyché, Rock Progressif, Folk….
– Est-ce que, finalement, la formation avec laquelle tu te présentes sur « Crimson Rêverie » est celle dans laquelle tu t’épanouies le plus et qui convient le mieux pour la musique que tu as en tête ? Le groupe de PACÔME ROTONDO est-il au complet dans cette formule ?
A l’heure actuelle, oui, c’est celle avec laquelle je m’épanouis le plus et qui retranscrit au mieux mes idées. Après, rien n’est figé ! Un retour au power trio n’est pas prévu, bien que j’aime ce côté brut et l’aspect ‘sans parachute’. Je pense en avoir fait le tour, du moins pour l’instant. La formation ne pourra que s’étoffer à l’avenir !
– On l’a rapidement évoqué, mais il y a une progression assez évidente aussi dans la production de ce nouvel album. Qu’est-ce qui a changé cette fois-ci ? Ton entourage en studio a-t-il changé et surtout, qu’as-tu appris de ton premier enregistrement ?
L’entourage n’a pas changé ! Même studio, même ingénieur du son pour les prises et le mix (Pascal Coquard du Studio ‘Les Tontons Flingueurs’ – NDR) et même ingénieur du son pour le mastering (Alan Ward d’Electric City Studio – NDR). La production a été différente, on a pris le temps de travailler les sons et de tester plein de choses ! J’avais envie de faire sonner le disque différemment du premier, qui a été formateur. Il m’a permis d’aborder le deuxième de manière beaucoup plus sereine. Il y avait moins d’appréhension et un stress positif, proche de l’excitation. On savait comment donner le meilleur de nous-mêmes, sans se contraindre d’une pression négative. Et puis, je savais peut-être un peu plus où je voulais emmener ce deuxième album dans la production.
– Le morceau-titre est aussi assez angulaire sur l’album avec ses sept minutes. Là encore, c’est quelque chose que l’on n’entend plus beaucoup dans les répertoires contemporains. Est-ce une chanson sur laquelle tu t’es penché plus longuement que les autres avec l’idée, peut-être, d’en faire une sorte de ‘morceau signature’ dans ton parcours ?
Effectivement, ces sept minutes peuvent paraître comme un OVNI, à l’instar du dernier titre qui dure 7min40 ! Pourtant, ce sont ces deux-là qui sont venus le plus naturellement. Les idées se sont mises en place de manière assez fluides et cohérentes. La longueur permet de prendre le temps, de proposer un discours et de faire évoluer le morceau. C’est peut-être dans ce genre de registre que la suite se fera. Dans un monde où tout va plus vite, où les musiques sont de plus en plus courtes et où les gens perdent l’attention au bout des 15 premières secondes, c’était un pari risqué. Mais ces morceaux très longs sont aussi des références pour moi comme chez Pink Floyd, Supertramp, The Doors, etc… Dans tous les cas, je serais vraiment réjoui et flatté qu’on assimile ça à un ‘morceau signature’.
– Un mot aussi du titre « Interlude II » et son côté très Gary Moore et qui est par ailleurs instrumental. De quelle manière le perçois-tu sur « Crimson Rêverie » ? Comme une sorte de respiration ou franchement un hommage au guitar-heros irlandais ?
« Interlude II » est le petit frère du titre « Interlude », qui était présent sur « World Of Confusion ». J’aime bien ce côté 100% instrumental. Une capsule dans un album. Faire passer un discours avec seulement son instrument n’est pas chose aisée. C’est toujours délicat et compliqué à réaliser. Je vois ça comme un challenge personnel. D’ailleurs, je ne voulais pas qu’on l’enregistre, je n’étais vraiment pas satisfait de mes parties. Et puis, mes comparses m’ont poussé et j’ai essayé d’oublier celles que j’avais composées pour la guitare, de me détacher de tout ça pour jouer dans l’instant présent et improviser pleinement le jour de l’enregistrement. Je suis très heureux du résultat, je trouve que la guitare chante et ça me fait plaisir ! C’est marrant que tu y trouves des inspirations de Gary Moore, car cela n’a pas du tout été une référence pour ce morceau de mon côte. « Interlude II » est né, au départ, d’une écoute de l’album « Genesis » de Genesis. Le climat de « Mama » a été une belle source d’inspiration. Je voulais aussi avoir un côté Pink Floyd, très Prog, avec une guitare très arienne au début du titre et ce piano très présent, qui participe au climat du morceau. Je perçois ce titre comme un hommage à mes influences Prog et comme un lien avec le premier album. Gary Moore n’est donc pas dans l’équation. Mais si jamais tu peux me trouver un morceau de lui dans cet esprit, ça m’intéresse ! (On s’en reparle sans faute ! – NDR)
– Enfin, peu avant la fin de l’album, on te retrouve aux côtés de Raoul Chichin pour une version beaucoup plus Folk et dans un Blues très aéré et puissant du standard de Buffalo Springfield, « For What It’s Worth ». C’est un choix un peu surprenant de jouer cette chanson qui date de 1966. Comment vous êtes-vous retrouvés tous les deux autour de ce morceau ? Et qui en est à l’initiative ?
Au départ, je souhaitais faire une reprise sur l’album. « For What It’s Worth » est une chanson qui m’accompagne depuis longtemps et que j’apprécie tout particulièrement. Je voulais un arrangement assez personnel du titre, éloigné de l’original, sans trop transformer l’œuvre de base ! Raoul est un bon copain. S’il devait y avoir un invité sur le disque, ça ne pouvait être que lui. Ça m’a paru tout naturel de l’inviter ! On a enregistré ses parties chez lui à Paris, mi-décembre, alors qu’il rentrait tout juste de tournée. Et c’est un chouette souvenir, on aura bien rigolé à faire ça !
Le nouvel album de PACÔME ROTONDO, « Crimson Rêverie », est autoproduit et disponible chez Inouie Distribution.
La réunion de talents laisse souvent entrevoir de très belles choses et c’est précisément le cas avec ce torride et sensuel « Cougar », livré par une formation où l’expérience et la complicité sont en totale symbiose. THE DAVIDSON TRIO transpire le Rock et respire le Blues et sa configuration offre le meilleur ajustage possible dans ce style relevé et très contemporain. Emmené par un chanteur et bassiste inspiré, ce premier effort est sensationnel à plus d’un titre.
THE DAVIDSON TRIO
« Cougar »
(Independant)
Bassiste chevronné et réputé, Owen Davidson monte enfin son projet personnel après avoir accompagné tant d’artistes, Depuis Uli Jon Roth jusqu’à Rumour avec un très bon opus sorti il y a quatre ans. Et c’est toujours en indépendant qu’il a créé THE DAVIDSON TRIO, dont le premier album, « Cougar », est largement à la hauteur des attentes. Soutenu par le guitariste Ben Bicknell et le batteur Ellis Brown, il prend aussi le chant en plus de son instrument, et le Blues Rock qui en ressort naît d’une belle inspiration commune.
Même si les britanniques font leurs premières armes ensemble, il ne faut pas longtemps pour comprendre que « Cougar » n’est pas du travail d’amateurs. Fluides et percutants, ils se montrent solides et créatifs. L’objectif avec THE DAVIDSON TRIO était pour son fondateur de renouer avec ses racines Blues, Rock et Funk et surtout dans une formule power trio, dont on connaît la redoutable efficacité. Et la touche British Blues et le registre de nos trois bluesmen naviguent aussi des rives du Mississippi jusqu’aux contrées plus au Sud des Etats-Unis.
Très Rock d’entrée sur « Medusa Touch », THE DAVIDSON TRIO place la barre très haut et le chant très Soul d’Owen se fait aussi accrocheur que les guitares, dont le solo d’ouverture donne le ton. Le combo de Birmingham évolue sur un groove sans faille, aussi chaleureux que sensible. Old School sur « The Deep », dynamique sur « Hold On » et « The Cure », ou plus roots sur « Blues River », il fait preuve d’une incroyable diversité et d’un feeling hors-pair. Les trois musiciens se trouvent les yeux fermés et chacun brille pour l’autre.
Sortir de leur zone de confort a été le principal objectif des Italiens avec « Vertigo », qui marque, il est vrai, un changement dans leur discographie. Plus massif et avec une énergie très palpable, SANDNESS joue sur la diversité, tout en restant attaché à un Hard Rock très accrocheur. Si les références sont nombreuses et parfois même opposées, il règne une belle osmose sur les dix titres, même s’ils ne tiennent que sur une grosse demi-heure. Il y a une réelle proximité et le combo est d’une sincérité qui force le respect, sans pour autant bousculer le genre.
SANDNESS
« Vertigo »
(Rockshots Records)
En 15 ans d’existence, SANDNESS est parvenu à s’imposer dans son pays, et même au-delà, avec un Hard Rock mélodique et fédérateur qui fait un bel amalgame entre la scène la plus musclée des années 80 et 90 et un style très actuel. Toujours dans l’air du temps, le power trio a modernisé son jeu au fil de ses réalisations et ce cinquième album, en plus d’un EP, est un aboutissement de ces dernières années de travail. Résolument européen dans le son, « Vertigo » voit le combo monter en puissance et affirmer son identité musicale.
Même si le groupe a conservé un brin de nostalgie dans ses compositions, il a fait appel à son compatriote Alessandro Del Vecchio pour la production et le metteur-en-son, longtemps affilié à Frontiers Music, apporte une esthétique très soignée et une belle dynamique à « Vertigo ». SANDNESS prend du volume et cela se ressent dès « Per Aspera Ad Astra » en ouverture. Si on se rapproche d’un hard FM voire de l’AOR, notamment au niveau des refrains et de certains chorus, les riffs restent percutants et robustes.
Très directs et avec une intention très live, les Transalpins ont pensé ce nouvel opus pour la scène et l’efficacité de la configuration à trois le rend très authentique. L’un des principaux atouts de SANDNESS réside aussi dans le travail des voix, facilité par ses deux chanteurs et un batteur qui les soutient aux chœurs. En se partageant le chant, le guitariste et le bassiste s’offrent de multiples possibilités, dont celle de se présenter avec un registre élargi, bifurquant à l’occasion dans un Hard Blues délectable (« Not Your Dog », « Train Of Time »). Solide !
Spontané, rugueux et instinctif, HIPPIE DEATH CULT donne déjà entière satisfaction sur album, alors que dire de ses performances live ! Celle captée à domicile le 9 novembre dernier au ‘Star Theater’ de Portland a dû résonner et retentir un long moment, tant la prestation offerte relève d’une intense déflagration. Les trois musiciens ont atteint des sphères Heavy Psych bardées de proto-Metal et d’un Stoner Doom puissant et aérien. Une véritable prouesse !
HIPPIE DEATH CULT
« Live At The Star Theater »
(Heavy Psych Sounds Records)
Le temps de trois réalisations studio, d’un changement de line-up qui a vu sa bassiste prendre aussi le chant, et la configuration passer en power trio, et HIPPIE DEATH CULT a effectué sa mue de la plus belle des manières. D’ailleurs, « Helichrysum », sorti il y a deux ans, avait déjà confirmé un virage vers un proto-Metal très Heavy aux contours Doom et à l’approche toujours aussi Psych. Avec le départ de son chanteur et claviériste Ben Jackson, les Américains ont adopté une ligne plus brute et musclée qui leur va franchement bien.
Plus épanouie que jamais, la frontwoman a vraiment pris les reines du groupe et donne le ton de ce « Live At The Star Theater ». Ce concert, que l’on ne retrouve ici qu’en partie, venait clore une tournée en 2024 où HIPPIE DEATH CULT avait parcouru les Etats-Unis, le Canada et l’Europe sans (presque) lever le pied. Et forcément, il fallait que le final ait lieu chez lui, à Portland dans l’Oregon, là où tout a commencé. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il a fait trembler l’édifice du lieu… et pas à moitié !
Devant quelques privilégiés (que l’on entend même parler), le combo fait surtout la part belle à son dernier disque (« Arise », « Toxic Annihilator », « Shadows », et « Red Giant ») et termine ce live avec « Circle Of Days », morceau-titre de son deuxième opus. Et sur plus de 16 minutes, HIPPIE DEATH CULT prend magistralement son envol, scotche tout le monde et, finalement, nous laisse sur notre faim… mais bien sonner tout de même. A eux trois, Eddie Brnabic (guitare), Harry Silvers (batterie) et Laura Phillips (basse, chant) ont tout retourné.
Retrouvez aussi les chroniques des deux derniers albums du groupe :
Originaire de la Nouvelle-Orleans, ERIC JOHANSON n’aura pas mis très longtemps à s’imposer sur la scène très prolifique des jeunes bluesmen américains. Ayant fait ses gammes aux côtés de Cyril Neville, Anders Osborne et des Neville Brothers, il tape ensuite dans l’œil de Tab Benoit qui le signe aussitôt sur son label Whiskey Bayou Records, où sort « Burn It Down » en 2017. Depuis, le guitariste et chanteur ne cesse d’arpenter les scènes du monde entier et on le retrouve tout naturellement avec « Live In Mississippi », qui fait suite à son dernier opus studio « The Deep And The Dirty ». Entretien avec un artiste qui s’exprime pleinement en concert, où il transmet sa passion d’un Blues relevé.
– Trois ans après le « Live at DBA: New Orleans Bootleg », tu es déjà de retour avec un autre album live. Cela peut paraître un peu surprenant, surtout après quatre albums studio et deux autres de reprises. C’était le bon moment d’en sortir un nouveau, selon toi ?
Pour moi, ce qui compte vraiment, c’est de pouvoir capturer ces moments et de les partager avec les gens. Le dernier album live n’était disponible physiquement que lors de nos concerts et sur ma boutique en ligne. Faire celui-ci avec Ruf Records signifiait qu’il serait disponible en vinyle ainsi qu’en CD, et dans les magasins partout en Europe et en Amérique du Nord. C’est donc cet autre aspect qui m’a enthousiasmé.
– Avoir sorti deux albums live sur une assez courte carrière laisse à penser que c’est vraiment su scène que tu te sens le mieux. Qu’y a-t-il de si spécial dans le fait d’enregistrer un disque en public ? C’est l’échange ?
Oui, il y a quelque chose de spécial qui se produit quand on ressent la chanson et l’énergie du public. Avec les enregistrements en studio, on joue presque tout en live, mais c’est différent, parce qu’on sait qu’on crée la version album. Lors d’un concert, on prend plus de risques et le public peut aussi nous inciter à jouer avec plus d’intensité. C’est un moment partagé, et les gens jouent un rôle très important dans l’ambiance.
– « Live In Mississippi » fait, bien sûr, la part belle à ton dernier album « The Deep And The Dirty », qui a été couronné de succès. Ton envie première était-elle de donner des versions différentes de tes morceaux avec peut-être les modifications que la scène leur a apportées au fil des concerts ?
Nous avons pris beaucoup de plaisir à jouer les chansons de ce nouvel album, et comme la précédente sortie live est sortie avant celles-ci, il était logique d’en inclure davantage sur « Live in Mississippi ». Lorsque nous les jouons en live, nous pouvons étirer certains passages ou explorer un peu plus les solos. Nous trouvons tout le temps de nouvelles choses à inclure aux morceaux.
– « Live In Mississippi » présente dix chansons au total. J’imagine bien sûr que tes concerts sont bien plus longs. Comment s’est passé le choix de conserver celles-ci pour l’album ? Tu as décidé en fonction de tes interprétations, ou il s’agit plutôt d’un équilibre dans ton répertoire qui te définit finalement le mieux ?
Oui, le concert était bien plus long que ce disque. On ne peut pas mettre autant de musique sur un vinyle, donc on a dû le réduire à ce qui semblait être un bon échantillon de la soirée. Bien sûr, une partie de moi veut sortir un coffret avec deux ou trois vinyles, ou quelque chose comme ça, mais ça devient une sortie vraiment chère à ce stade. Je repense aussi à certains grands disques live qui sont devenus des classiques, même s’ils étaient suffisamment courts pour tenir sur un seul disque. Et puis, parfois, ça vous fait réaliser qu’on peut transmettre l’ambiance sans que ça dure pour autant deux heures.
– Pour ton dernier album, « The Deep And The Dirty », tu as beaucoup tourné, que ce soit aux Etats-Unis comme en Europe. J’imagine que les émotions sont nombreuses et très diverses. Dans quel pays et par quel public as-tu été le plus surpris ou séduit ?
J’adore vraiment voyager partout. C’est l’un des meilleurs aspects des tournées, celui de rencontrer des gens du monde entier et de ressentir cette connexion entre tous les peuples à travers la musique. Nous avons joué dans des festivals incroyables en Espagne, en Suède et aux Pays-Bas, et ce sont toujours des moments géniaux, parce que les gens vous entendent pour la première fois. Mais j’aime aussi beaucoup conduire à travers l’Europe pour faire la tournée des clubs et voir la campagne. Nous serons d’ailleurs à nouveau en Europe à la fin de l’année et j’ai vraiment hâte !
– Comme son nom l’indique, l’album a été enregistré dans le Mississippi au ‘Ground Zero Club’ de Biloxi. Pourquoi as-tu fait le choix de ce concert en particulier ? Correspond-il à un moment spécial de ta tournée, à un endroit que tu connaissais déjà, ou plus simplement c’est le public a été le plus réceptif ?
J’aime l’idée de capturer la musique dans l’environnement d’où elle provient. Notre dernière sortie live a été réalisée ici à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, et le Mississippi est un autre lieu de naissance important du Blues et de la musique roots. Nous voulions également trouver un concert où nous savions que la salle serait prête à nous aider à le réaliser, et les gars de ‘Ground Zero’ sont tout simplement super sympas et serviables.
– L’enregistrement d’un album live n’est jamais quelque chose que l’on fait au hasard, il demande aussi de la préparation et pas uniquement du côté des musiciens. Est-ce que, justement, c’est un rendez-vous spécial avec le public avant même de commencer le concert, car on sait qu’il va être immortalisé sur disque ?
Non, car je ne veux pas que les gens se comportent différemment parce que c’est enregistré. Je veux juste capturer un instantané authentique de l’expérience. Je crois avoir mentionné une fois au micro que nous étions en train d’enregistrer, mais pour l’essentiel, nous nous sommes juste concentrés sur le fait de nous amuser avec le public, comme on le fait toujours.
– Partir en tournée dure quelques semaines, voire quelques mois, et les concerts sont forcément nombreux. Est-ce que tu as fait évoluer ta setlist au fil des dates, ou peut-être même suivant le public ou le pays, voire plus simplement au fil de tes envies ?
Je n’écris plus de setlist, sauf s’il s’agit d’un concert très court, comme une première partie ou une brève apparition dans un festival. Je me base simplement sur mon ressenti et sur la chanson qui me semble la plus appropriée à jouer ensuite. Certaines ont tendance à être placées au début ou la fin, mais j’essaie toujours d’éviter de faire le même set.
– L’album passe par des émotions et des atmosphères très différentes. Tu avais aussi le désir de livrer le panel le plus large de ton répertoire avec des instants parfois opposés et qui font aussi bien sûr ton jeu et ton style plus largement ?
Oui, je pense que le défi de choisir une sélection de morceaux pour un concert est de montrer différentes facettes de ce que tu fais. Je pense que ce disque est une bonne représentation du mélange de styles qui composent mon son.
– Tu as la particularité d’évoluer en trio, ce qui offre beaucoup de proximité entre les musiciens, mais aussi une grande immédiateté avec le public. On te sent justement très proche des gens. C’était vraiment ce que tu souhaitais capter de ces moments en concerts ?
Bien sûr, j’ai toujours été attiré par le son du trio, parce qu’on peut entendre tellement de détails de chaque musicien. Nous occupons chacun un espace sonore différent, donc rien ne masque vraiment quoi que ce soit de l’autre. Cela met tout le monde en avant, donc il faut vraiment tout donner dans sa performance. Je pense que cela se traduit également par une intimité avec le public, ce que j’aime beaucoup.
« Live In Mississippi » d’ERIC JOHANSON sera disponible le 21 mars chez Ruf Records.
Retrouvez la chronique de « The Deep And The Dirty »…
En très, très grande forme, le six-cordiste et chanteur américain SEAN CHAMBERSa bâti un pont plus que solide entre les Etats-Unis et l’Angleterre avec comme ciment un Blues Rock vivifiant, communicatif, brut, parfois marécageux et sans concession. Accompagné par la sémillante et irrésistible Savoy Brown Rythm Section, le power trio est exaltant, tant chacun semble au sommet de son art. Cet instantané live est d’une force et d’une énergie qui ne peuvent laisser les amoureux de Blues Rock, comme les autres, de marbre. Monumental !
SEAN CHAMBERS
« Live From Daryl’s House Club »
(Quarto Valley Records)
Il a du feu dans les mains et une vision globale du Blues Rock, qui fait de lui l’un des meilleurs représentants actuels du genre. Adoubé par l’iconique Hubert Sumlin qui en fait son guitariste principal et son chef d’orchestre pendant cinq ans, SEAN CHAMBERS a ensuite commencé à tracer son chemin en solo et a sorti huit albums. D’ailleurs remarqué et couvert de louanges par le grand Paul Rodgers, il fait connaissance en 2019 avec la fameuse Savoy Brown Rythm Section lors d’un festival. Le lien musical est naturel et immédiat et la suite est tout aussi éclectique et tellement virtuose.
Avant la disparition de Kim Simmonds, guitariste-fondateur de Savoy Brown il y a deux ans, celui-ci a même donné sa bénédiction au trio dans lequel SEAN CHAMBERS croise le fer pour notre plus grand bonheur avec le bassiste Pat De Salvo et le batteur Garnet Grimm, épine dorsale du groupe londonien. Un trio magique anglo-américain qui fait aujourd’hui des étincelles et qui est venu renverser le public du Daryl’s House Club dans l’Etat de New-York, pourtant habitué aux joutes Blues et Rock. Le set enregistré en mai 2024 est tout simplement époustouflant.
Il y a du Hendrix et du SRV chez le Floridien, ce qui rend son jeu particulièrement complet et enveloppant. Porté par un public totalement subjugué, le groupe électrise la salle et distille un Blues Rock endiablé constitué de morceaux de SEAN CHAMBERS bien sûr, mais aussi de titres composés, et savamment choisis, du grand Simmonds. Une sorte d’hommage qui ne dit pas son nom, mais qui est réellement palpable et qui ne manque pas d’audace dans l’interprétation (« Cobra », « Red Hot Mama », « Bullfrog Blues », « You’re Gonna Miss Me », « Louisiana Blues »). Juste exceptionnel !
C’est encore avec une grande discrétion que THE BOY THAT GHOT AWAY présente son quatrième effort, un peu comme s’il voulait s’éviter une trop forte exposition, une lumière aveuglante. Pourtant, le potentiel est énorme, le style racé et costaud et « Peacetime » devient même très vite addictif. Jouant sur la densité du Stoner Rock et l’intensité émotionnelle du Grunge originel, les musiciens évitent pourtant les sonorités trop 90’s et s’inscrivent même parfaitement dans leur temps. Solide, nerveux et accrocheur, il est difficile de ne pas succomber à cette authentique immersion hyper-Rock.
THE BOY THAT GOT AWAY
« Peacetime »
(Independant)
La pochette est ténébreuse, vierge de toute indication sur le nom du groupe et le titre de l’album. Et cela caractérise finalement assez bien la démarche très DIY et indépendante des trois Danois. Pourtant, cela fait maintenant plus de dix ans que THE BOY THAT GOT AWAY œuvre à l’explosion de son Stoner Grunge graveleux et massif. On peine à croire que le reste du monde ne s’en soit pas aperçu un peu plus tôt. Car « Peacetime » est tout de même le quatrième effort du power trio et la maîtrise et l’intelligence des morceaux sont incontestables et captivantes.
Dès « Influx », titre d’introduction instrumental qui vient poser l’ambiance, THE BOY THAT GOT AWAY instaure un climat d’une grande froideur. Enregistré, mixé et produit par Tue Madsen, la production se veut brute et très organique. Pas de superflu donc et encore moins d’effets de manche, le morceau-titre ouvre les hostilités et la puissance affichée montre un combo expérimenté et décidé. L’impression d’un Desert Rock typiquement nordique s’entend peu à peu pour nous envelopper d’une harmonie étonnamment familière et attachante, malgré un propos assez noir.
Sombre et emprunt de mélancolie, il se dégage pourtant une force incroyable de « Peacetime », due à un groove épais oscillant entre colère et quiétude. Bien sûr, THE BOY THAT GOT AWAY rappellera les premiers QOTSA avec des clins d’œil à Soundgarden, mais c’est sans compter sur l’originalité des Scandinaves. Car, quand ils lâchent les chevaux, le ton monte et les décibels grimpent en volume (« Sleepwalker », « The How », « Aesel », « Homecoming »). Et c’est la chanson semi-acoustique chantée en danois, « Boy », qui vient clore cette belle réalisation. Enthousiasmant !
Profondément ancré dans un Blues authentique et viscéral, NO MONEY KIDS transforme ce genre auquel peu de monde ose toucher pour en donner une vision très moderne et protéiforme. En se réinventant à chaque album, le duo composé de Felix Matschulat (guitare, chant) et de JM Pelatan (basse, machines, synthés) accueille désormais Alex Berger à la batterie, comme pour mieux imprégné d’acoustique un registre élégant et toujours aussi novateur. Ce nouvel album, « Fireworks », tire aussi son titre d’un sentiment partagé par les trois musiciens et dont son chanteur et guitariste nous parle…
– Près de quatre ans après « Factory », on vous retrouve enfin avec « Fireworks », un cinquième album qui porte bien son nom. A l’époque, comment avez-vous vécu cette pandémie ? J’imagine que passer à la suite n’a pas dû être évident…
En fait, pendant la pandémie, on était en pleine création de « Factory » et c’est au sortir du Covid qu’on a commencé la tournée. Cette période nous a profondément marqué, et encore sur cet album, car elle nous a montré qu’il était toujours important de créer et d’être en perpétuelle recherche. On ne sait pas de quoi demain sera fait et si on aura de nouveau un confinement. Au final, ça nous a donné l’élan de produire « Factory », puis dans la foulée « Fireworks ».
– Justement, est-ce que l’intention première avec « Fireworks » a d’abord été de renouer avec la joie, celle de composer de nouveaux morceaux, puis de retrouver votre public bien sûr ?
C’est clairement ça ! « Factory » était un album assez introspectif et assez lourd dans lequel on traitait de la condition ouvrière. Pour composer un album, j’ai aussi besoin d’un thème principal pour créer une architecture avec des personnages qui se retrouvent. Pour « Factory », c’était donc l’usine, alors que sur « Fireworks », on est beaucoup plus dans le lâcher-prise. Et justement après le Covid, on avait envie de faire du Rock’n’Roll sur scène et c’est ce qu’on a fait en studio. J’ai imaginé tous les personnages qui se retrouvent dans un motel un peu fantasmé des Etats-Unis. Une espèce d’Amérique très visuelle aussi et qui t’amène dans des road-trips.
– Il y a un vent de liberté palpable sur ce nouvel album, qui se veut peut-être plus direct et aussi plus joyeux que les précédents. Y avait-il une sorte d’urgence pour vous de retrouver et de provoquer les sourires ?
Ce sont des trucs qu’on ne maîtrise finalement pas trop. Tu sais, quand on va en studio, on ne se met pas de cahier des charges trop précis car, généralement, on finit toujours par être un peu déçu. On ne se pose pas de questions, on fait en fonction de nos envies et des sensations en nous disant que tout est possible. Et il se trouve que sur cet album-là, ce qui nous a vraiment animés, c’est ce désir de tout envoyer valdinguer, de prendre ta voiture et de voyager. C’était un peu l’idée.
– Musicalement, on retrouve le son de NO MONEY KIDS et ce mélange de Blues Rock et de sonorités Electro. Cependant, « Fireworks » a un côté très roots et immédiat. L’idée était-elle d’être explosif avec aussi à l’esprit vos futures prestations live ?
Je crois que ce qui a beaucoup impacté notre manière de produire est l’arrivée d’Alex (Berger du groupe Jokvs – NDR) à la batterie. On a toujours été un duo depuis nos débuts et là, ça fait deux ans que nous sommes un trio sur scène. On a mis longtemps pour changer de formule, parce qu’on marche à la rencontre et à l’émotionnel dans le groupe. On voulait rester à deux, car notre relation est tellement forte sur scène et ailleurs. Et là, on a commencé à travailler plus à trois. Même si JM et moi produisons toujours l’ensemble, l’arrivée d’Alex à influer sur notre manière de faire. En fait, on avait déjà anticipé les parties de batterie et avec lui, cela sonne clairement plus live. Ensuite, il y a aussi eu des réenregistrements de batterie et ça nous a lancé sur des sonorités plus authentiques et plus roots sûrement.
– Ce nouvel album a été en partie enregistré à New-York, qui n’est pas forcément une terre de Blues, par ailleurs. Vous aviez besoin de changer un peu d’air ? Peut-être aussi de vous livrer à de nouvelles expériences sonores ? Quel était l’objectif de cette ‘délocalisation’ ?
On est revenu quand même, on ne s’est pas totalement délocalisé ! (Rires) En fait, à la fin du processus de création, il nous restait un titre à faire. C’était « Get Free » qui est sorti en single juste avant le disque. Et on a eu besoin d’expérimenter tout ce dont on se servait sur l’album, c’est-à-dire cette Amérique un peu fantasmée, ces grands espaces et cette imagerie un peu ‘tarantinesque’. C’est aussi un peu un concours de circonstances, car on a signé avec un tourneur aux Etats-Unis, qui nous a proposé immédiatement une date à New-York. On s’est donc dit qu’il fallait faire les prises là-bas. On a enregistré « Get Free » à New-York et on en a profité pour faire un partenariat avec un label sur place. Du coup, on a fait des sessions live en pressant les vinyles à chaque fermeture. Il y a 18 sessions qui vont bientôt sortir en autant de 45tr.
– A l’écoute de « Fireworks », on remarque quelques similitudes avec le travail de Sturgill Simpson et aussi de Dan Auerbach, et pas seulement avec les Black Keys, mais aussi dans sa manière de produire. Est-ce que, d’une certaine manière, NO MONEY KIDS s’inscrit dans cette veine artistique pour toi ?
Je pense que ce virement, axé sur des typologies de sons peut-être un peu plus authentique et mêlées aussi à des textures assez modernes, s’inscrit dans le travail que peut faire Dan Auerbach avec Easy Eyes Sound (son label – NDR) et ce genre d’artistes. Et pour ce nouvel album, on avait besoin de ça. Je suis un grand fan de Rythm’n Blues et de Dan Auerbach, car il va chercher des références qui me parlent. Je pense qu’on a plus assumé ce côté-là, cet aspect américain par rapport à nos albums précédents.
– On le disait, vous êtes allés à New-York pour enregistrer « Get Free ». Vous qui avez prôné le DIY (Do It Yourself), est-ce que l’heure du changement est venue ?
(Rires) Non, parce qu’on finit par tout faire nous-mêmes. On a fait les prises là-bas, mais après, c’est nous qui faisons le mix, le mastering et qui produisons. On arrange tout ensemble, on est encore producteur de nos albums d’ailleurs. On tient vraiment à le rester, car c’est une liberté de dingue. C’est ce qui nous permet aussi de voir les tenants et les aboutissants de la création et de pouvoir maîtriser tout ça. On est toujours surpris et content de vivre de notre musique et de la produire. Il n’y a personne pour nous donner telle ou telle direction artistique, et c’est quelque chose qu’on veut absolument garder. On ne sait pas de quoi demain sera fait et, si cela se trouve, on fera un album beaucoup plus Electro ou plus Blues et on veut avoir cette possibilité.
– Votre Blues Rock a toujours été très moderne dans son approche et surtout dans le son. Sans vous éloigner de ses racines, comment intégrez-vous les samples et les éléments électroniques, tout en restant fidèles au style en lui-même ? Y a-t-il des limites que vous vous imposez, ou au contraire, ça n’a aucune importance ?
Il n’y a vraiment aucune limite. On fait ce qu’on a envie à l’instant T. C’est vraiment une photographie du moment présent et la seule limite qu’on se fixe celle de notre volonté et de ce que l’on trouve esthétiquement beau. Et si ça nous plait, on ne le change pas.
– Comme d’habitude, vous avez apporté beaucoup de soins aux arrangements pour trouver un bel équilibre. Est-ce qu’une grosse partie de votre travail se fait aussi en post-production ?
Oui, même si cela a un peu changé sur cet album. J’ai plus pris part à la production cette fois. D’habitude, on travaille à deux avec JM. Je compose et j’écris les chansons en guitare/voix, et ensuite on produit à deux dans le sens où on va chercher les instruments pour construire la chanson. Pour « Fireworks », ce que j’envoyais à JM était déjà plus produit, avec les batteries, les synthés, etc… Après, JM mixait, masterisait et rajoutait le petit liant qui faisait que tout marchait bien ensemble. On retravaillait un peu tout ça en studio, mais la plus grosse partie a été faite chez moi, dans mon studio. C’est ce qui change aussi des autres albums, parce que j’ai pu pousser la composition en lien avec la production et de manière plus introspective qu’auparavant. J’ai pu amener au bout mon idée de la composition, de ma vision. Ensuite, on travaille à deux et il y a toujours des compromis évidemment.
– D’ailleurs, penses-tu que la musique de NO MONEY KIDS aurait cette même fraîcheur et cet impact sans les éléments électroniques qui l’enveloppent, même si certains titres sont très bruts ?
Non, parce que c’est ce qui fait notre particularité et c’est aussi pour ça qu’on tient en tant que groupe. Au-delà de notre métier aujourd’hui, on est de grands passionnés et surtout des grands amoureux. C’est comme un couple, on a encore des histoires à écrire. Donc l’alliance de l’électronique et du son brut, c’est vraiment notre alliance. En tant que musicien, on n’est pas dans la copie. D’ailleurs, on n’est pas très fort là-dedans. En fait, quand on aime un style, ça ne nous intéresse pas d’en copier les éléments. Nous ne sommes pas dans une reproduction mécanique d’un genre. Sans aller chercher tel ou tel instrument, on va en faire un mélange. C’est ce mélange qui fait l’ADN de NO MONEY KIDS.
– Donc, ce serait difficilement envisageable d’imaginer NO MONEY KIDS en acoustique, par exemple ?
C’est possible, mais si tu nous demandes de choisir entre la version acoustique et la version produite, on choisira toujours la produite. Même si on adore l’acoustique !
– Il y a depuis quelques années maintenant beaucoup de duos qui œuvrent dans le domaine du Blues et ses dérivés comme The Inspector Cluzo, Knuckle Heads, One Rusty Band, Dirty Deep à l’occasion, The Blue Butter Pot et même Ko Ko Mo dans un registre Pop grand public. C’est presque devenu une spécialité française. Quel regard portes-tu sur ce type de formations à deux, même si vous êtes maintenant trois, et entretenez-vous des relations avec certaines d’entre-elles ? Il pourrait y avoir le clan des duos…
Je suis un réel partisan de ce genre de formule, parce que ça casse les codes et les habitudes de chacun. Ca pousse à faire des choses qui ne sont pas conventionnelles quand on apprend un instrument. Ca nous pousse dans nos retranchements et, généralement, cela donne des groupes avec des particularismes plus forts. Le fait de ne pas avoir l’apport d’une basse ou d’une batterie casse ce power trio qu’on a tous dans l’oreille. Il y a donc des choses qu’il faut combler et là, les artistes prennent de l’importance car ils doivent palier ce manque. Et ça laisse aussi beaucoup plus de place à la création. C’est vrai que ce que proposent tous ceux que tu as cités sont vachement bien. Après, on en a croisé pas mal sur la route, dont Ko Ko Mo au début et Catfish aussi. Il y a MoonShaker aussi avec qui on a beaucoup tourné et avec qui on a une vraie relation fraternelle. On garde de bons contacts avec tout le monde, mais c’est vrai qu’il n’y a pas de collectif du duo. Ce serait d’ailleurs peut-être quelque chose à créer.
– Enfin, on découvre sur certaines photos récentes du groupe un troisième membre, on en a déjà un peu parlé. Est-ce que NO MONEY KIDS est en train de grossir ses rangs et peux-tu nous le présenter ?
On a rencontré Alex un peu par hasard, il nous avait été conseillé par un ami pour le remplacement de Greg (Damson, batteur au sein de la formation Steve Amber – NDR). On a eu exactement le même coup de foudre que celui entre JM et moi à l’époque quand on s’est rencontré en studio. Cela a été très simple. Ce qui est marrant chez NO MONEY KIDS, c’est qu’on est tous de génération différente. Et c’est une richesse. Alex est beaucoup plus jeune que nous, mais, musicalement, on est exactement su la même longueur d’onde. C’est la première fois qu’il a une telle fusion, car peu importe ce qu’on lui propose, il le comprend tout de suite. C’est un vrai métronome et en même temps, il a un groove de dingue. On a beaucoup joué avec des boîtes à rythmes et ça a été une dominante sur nos concerts, quelque chose sur laquelle on était très à cheval, car avoir un rythme clair nous permet de nous exprimer très librement. Il est capable de faire ça et toutes les références qu’il a apportées étaient aussi les nôtres. Je pense que cela amène NO MONEY KIDS un niveau au-dessus.
– Et donc, vous devenez un power trio…
Oui… (Rires) Cela dit, on casse un peu ce power trio, car on triche un peu. On est des bidouilleurs, des tricheurs. L’idée de NO MONEY KIDS à la base était d’apporter les éléments de studio sur scène, afin que les gens prennent conscience de l’importance de la production et de ses effets. Et on voulait partager ça avec le plus de monde possible. Et avec Alex, ce qui est marrant, c’est qu’en étant trois, on lance tellement de choses, il y a tellement d’artifices, de synthés partout… Et avec toujours cette idée de faire du Blues, bien sûr ! C’est un power trio qui n’en est pas un… en vrai ! (Rires) On fait tous beaucoup de choses et on a plusieurs postes chacun, en fait.
L’album de NO MONEY KIDS, « Fireworks », est disponible chez Roy Music.