Dans un élan toujours très humaniste et peut-être trop naïf pour beaucoup d’entre-nous, SKILLET continue son chemin, faisant fi des critiques et rassemblant même de plus en plus d’adeptes. Entre Rock et Metal, le combo poursuit la diffusion de la bonne parole sans pour autant faire de concessions sur son style musical, qui reste étonnamment musclé et robuste. Entre résistance face à l’adversité, respect de soi et une empathie permanente, le combo reste d’une positivité à toute épreuve et c’est aussi ce qui fait du bien chez lui.
SKILLET
« Revolution »
(Hear It Loud)
Près de 30 ans après sa création, SKILLET fait-il enfin sa révolution ? Diantre ! Le groupe de Memphis serait-il sur le point de changer de chapelle ? Qu’on se rassure, le fer de lance du Rock chrétien, fort tout de même de 22 millions d’albums vendus et accessoirement de 24 milliards de streams, reste fidèle à son Alternative Rock pêchu, niché aux frontières du Metal. Ici, l’évènement majeur est surtout le fait qu’il a quitté sa maison de disque pour se lancer en indépendant. Mais les Américains ont les reins plutôt solides.
Donc non, John Cooper n’est pas le nouveau Che Guevara du Rock Yankee et le message de SKILLET n’est qu’espérance, foi et amour. Cela n’empêche d’ailleurs pas le quatuor à la parfaite parité d’envoyer du bois et de balancer un gros son grâce à des riffs massifs, une paire basse/batterie qui bastonne et un frontman solide, soutenu au chant sur plusieurs titres par sa cogneuse en chef Jen Ledger. Trois ans après « Dominion », on a le doit à une facette très moderne dans la production, et ce n’est peut-être pas l’idée de l’année.
En effet, et même si c’était déjà présent précédemment, SKILLET use et abuse des claviers. Et il a eu la main lourde. Les refrains sont bien sûr très accrocheurs, mais les sonorités très ‘fêtes foraines’ qu’on retrouve d’habitude dans le Modern Metal et le MetalCore lui donnent un côté fadasse. Peu importe, la formation du Tennessee n’a rien perdu de son ADN et sait se faire efficace (« Showtime », « Unpopular », « Not Afraid », « Death Defier », « Fire Inside Of Me »). Un fois encore, ce nouvel opus est pavé de bonnes intentions.
Grâce à un son très actuel et organique, BLACK NOTE GRAFFITI réussit le tour de force de concilier l’énergie des groupes Fusion des années 90 avec l’approche assez neuve de la scène Alternative Metal d’aujourd’hui. Pour leur quatrième album, les Américains livrent des titres bien rentre-dedans, tout en présentant des morceaux distinctifs entre rage et mélodies appuyées. « Resist The Divide » est un disque qui a beaucoup de sens et la technique à l’œuvre en fait une petite surprise… et une belle confirmation.
BLACK NOTE GRAFFITI
« Resist The Divide »
(Golden Robot Records)
Originaire du Michigan, BLACK NOTE GRAFFITI fait partie de ces groupes difficile à définir. Sur un fond progressif, le quintet développe des sonorités alternatives, très Rock aussi sur des mélodies accrocheuses, afin d’obtenir un style assez unique. Ce qui importe d’abord chez lui, c’est cet incroyable travail effectué, tant sur la musique que sur les émotions qu’elle diffuse à travers les textes. Depuis « Volume I » paru en 2013, son Metal est en pleine ébullition, devient aussi plus personnel et percute avec beaucoup d’ardeur et de conviction.
Déjà sur son « Volume III » décliné en deux parties, « Fall » et « Rise » en 2020, BLACK NOTE GRAFFITI avait sérieusement élevé son niveau et « Resist The Divide » vient confirmer ses intentions. Pour ce quatrième album, la production a été confiée à Josh Schroeder (Lorna Shore, Butcher Babies) et l’impact est manifeste. Sur de gros riffs et une solide rythmique, Gabrielle-Gloria se montre très en verve et la frontwoman déploie ici des facultés vocales explosives, polymorphes et une belle assurance.
Avec son petit côté RATM et Deftones dans l’accroche et sur la vivacité brute et directe des guitares, BLACK NOTE GRAFFITI possède un jeu moderne et percutant. « Resist The Divide » aborde des sujets traumatiques avec force et que la chanteuse semble littéralement vivre, tant elle apparaît habitée et offre beaucoup de sincérité et d’authenticité au propos (« Place You Lie », « The Source », « Drown », « Black Roses », « Paradox »). Accrocheur de bout en bout, le combo installe sa vision du Metal avec talent et puissance.
Alors que son pays voit un important revival Hard Rock 90’s, c’est le moment choisi par BLACK OAK COUNTY pour évoluer dans un Alternative Metal très moderne et fédérateur. Direct et mélodique, le quatuor dispose d’une force de frappe conséquente. « III » devrait ravir les amateurs de Rock très musclé et Heavy, où les effluves d’un style plus classique et intemporel résistent bien. Une réussite totale et une belle reconversion, qui offrent un avenir radieux à la formation nordique.
BLACK OAK COUNTY
« III »
(Mighty Music)
L’histoire de BLACK OAK COUNTY a connu quelques rebondissements à commencer par un changement de nom dès sa création. Ensuite, après un premier album éponyme en 2017 enregistré chez Jacob Hansen (Volbeat, Pretty Maids), le groupe connait un succès notable, ce qui n’empêche pas son chanteur et guitariste Niels Beier de quitter le navire. Qu’à cela ne tienne, le trio sort un nouvel opus avec son bassiste René Kristensen au chant en 2019 (« Theater Of The Mind »). Et c’est il y a deux ans que l’ancien frontman réintègre le combo.
Avec Jack Svendsen à la guitare et Mike Svendsen derrière les fûts, BLACK OAK COUNTY semble plus soudé que jamais et prend même un virage important dans son aventure musicale sur cette nouvelle réalisation sobrement intitulée « III ». Arborant jusqu’à présent un Hard Rock assez classique et de bonne tenue, les Danois œuvrent désormais dans un Alternative Metal, où la présence des deux chanteurs est vraiment un plus. Et c’est sans compter sur un songwriting redoutablement efficace et une production massive.
Co-écrit et produit par Nicklas Sonne, une sommité du milieu musical au Danemark, « III » affiche une puissance dévastatrice, des riffs lourds à souhait et des refrains implacables, le tout dans une dynamique très groove. BLACK OAK COUNTY tient le bon bout et montre de solides arguments, quelque part entre Shinedown et un Nickelback sous stéroïdes (« Crossed The Line », « Save Your Breath », « No More », « « Enemy », « Timebomb », « Fire Inside », « www.lies »). Frais et énergique, le jeu des Scandinaves est très accrocheur.
L’arrivée du six-cordiste américain Corey Lowery sur la précédente réalisation avait déjà fait beaucoup de bien à SEETHER. Avec « The Surface Seems So Far », les Sud-Africains continuent le virage amorcé, faisant toujours la part belle aux mélodies entêtantes comme aux riffs massifs et bien rentre-dedans. Cette fois, l’entente entre les deux six-cordistes prend réellement toute sa dimension et offre à cette neuvième production une impulsion très subtile, accrocheuse et toujours aussi Heavy.
SEETHER
« The Surface Seems So Far »
(Fantasy Records)
Quatre ans après « Si Vis Pacem, Para Bellum » (2020) suivi de près par l’EP « Wasteland – The Purgatory » l’année suivante, SEETHER nous gratifie d’un nouvel et franchement très bon album. Certes, il se dégage toujours cette atmosphère assez particulière, sombre et mélancolique dans les morceaux du quatuor. « The Surface Seems To So Far » ne déroge donc pas à la règle mais, entre les tourments très présents, se trouvent aussi une luminosité et une fraîcheur musicale qui, paradoxalement, apportent beaucoup de positivité. Et les raisons ne sont pas forcément compliquées à déceler.
Comme souvent, c’est du côté du line-up de SEETHER qu’il faut se pencher. Shaun Morgan (chant, guitare), Dalle Stewart (basse) et John Humphrey (batterie) tiennent toujours la boutique de main de maître et avec la vigueur qu’on leur connait. Alors, c’est à l’éclosion de Corey Lowery arrivé 2019, soit déjà sur l’opus précédent, que l’on doit certainement ce nouvel élan. L’Américain, petit frère d’un certain Clint de Sevendust, prend ici de nouvelles responsabilités et offre un côté aéré aux parties de guitares, qui ne sont contentent plus d’être simplement agressives et dominantes.
Ce n’est pas vraiment un hasard si SEETHER est l’une des formations les plus intéressantes de la scène Alternative Metal/Rock mondiale. Outre la voix singulière de son frontman, une rythmique solide et puissante, c’est surtout le jeu et la complicité entre les deux guitaristes qui fait la différence d’avec leurs homologues américains pour l’essentiel. Car, et même si c’est le cas, le combo de Pretoria ne vise pas forcément le single qui va cartonner. Il reste assez obscur et pourtant si attachant (« Judas Mind », « Illusion », « Walls Come Down », « Try To Heal », « Lost All Control »). Ferme et consistant !
Avec sa nouvelle formation, le six-cordiste, songwriter et producteur Jason Hook tourne la page de son ancien groupe en se montrant plus créatif. Résolument moderne dans le son et l’écriture, le Canadien a effectué un recrutement de choix, tout en mixant un virulent Hard Rock avec des incursions bien sentiers vers le Nu Metal et brièvement le MetalCore. Avec un tel premier effort, FLAT BLACK ne devrait pas rester bien longtemps dans l’ombre.
FLAT BLACK
« Dark Side Of The Brain »
(Fearless Records)
Après avoir œuvré chez Five Finger Death Punch une bonne décennie et participé à six albums majeurs du groupe, Jason Hook avait décidé de quitter le navire, estimant qu’artistiquement, l’essentiel avait été réalisé. Et on ne peut que lui donner raison. Ensuite, c’est aux côtés de l’excellent Corey Marks et de la chanteuse Dorothy Martin qu’il a continué à distiller ses talents de guitariste et de compositeur. Et c’est l’an dernier qu’il monte FLAT BLACK, un combo de musiciens affamés et inspirés.
Regroupés autour de leur leader, qui produit également l’album avec Chris Collier (Korn), le chanteur Wes Horton, le bassiste Nicholas Diltz et le batteur Rob Pierce donnent le meilleur d’eux-mêmes et malgré un relatif anonymat, ils se montrent à la hauteur et très aguerris. FLAT BLACK possède une belle force de frappe et l’Alternative Metal des Américains déploie une énergie féroce et constante. Certes, on y retrouve aussi quelques touches identifiables à FFDP, puisque Hook en a longtemps été la signature sonore.
Ici, il sort l’artillerie lourde et son jeu est fulgurant. Toujours aussi impressionnant au niveau des riffs, les mélodies ne sont pas en reste et le frontman se fait lui aussi plaisir en variant le clair et le scream sur une rythmique survoltée. FLAT BLACK a de beaux arguments, capable d’être tranchant et brutal tout en imposant des refrains accrocheurs (« It’s Ok To Be Angry », « Sideways », « Home », « Halo », « Unwanted », « It’s Your Lack Of Respect »). Le quatuor signe ici une entrée en matière fracassante avec cet opus massif.
Si l’Espagne se fait assez discrète sur la scène Metal européenne, elle n’en demeure pas moins active et inspirée. Et BRAINDRAG fait une belle entrée en matière avec « Coure Roent », un premier opus qui en dit long sur les intentions et la motivation du combo. Avec à sa tête une chanteuse à la voix chaude, puissante et qui chante presqu’intégralement dans sa langue maternelle, le catalan, le quatuor évolue dans un Alternative Metal ancré dans son temps et très percutant.
BRAINDRAG
« Coure Roent »
(Wormholedeath Records)
Fondé il y a un peu moins de dix ans à Barcelone, BRAINDRAG est typiquement de ces groupes dont on apprécie la technique, la persévérance et l’humilité. Créé par le guitariste Enric GS, c’est avec l’arrivée de Mirea Pérez au chant que les choses se sont accélérées avec l’EP « Atreverme » (2019), reprenant d’anciennes chansons issues de « One » (2017) et « Soñar » (2018), ses deux précédents formats courts. Ce premier album marque donc le franchissement d’un cap et impose le style des Espagnols.
Dans un Alternative Metal solide (Lorenç Arbonés à la batterie et Gon Tello à la basse y sont aussi pour beaucoup) et également assez sensuel grâce à sa frontwoman, BRAINDRAG présente des morceaux bien structurés, mélodiques et accrocheurs. Et là où il sort son épingle du jeu et se montre original, c’est que l’essentiel de « Coure Roent » est chanté en catalan, une belle preuve d’indépendance au regard d’une industrie musicale dominé par une influence anglophone omniprésente.
Pour autant, BRAINDRAG n’a rien d’exotique et emprunte même de nombreux courants actuels du Metal et du Rock, ce qui rend son jeu très moderne. Des sonorités orientales de « Pro Human Race » au plus progressif et massif « Rhapsody » qui clôt l’album, le quatuor est très volontaire, vif et créatif en multipliant les atmosphères. Ce mariage entre Melodic Rock et Hard Rock, avec une touche Heavy tranchante, prouve que la formation ibérique en a sous le pied et qu’elle est prête à déferler hors de ses frontières.
Avec « Keep Me Fed » », Daniela (chant, guitare), Paulina (batterie, chant) et Alejandra Villareal (basse, chœurs), également pianistes, affirment avec force une identité musicale désormais identifiable. Entre Rock et Metal, avec une touche combative très fédératrice, leur audace fait mouche sur ces 12 nouveaux titres, véritablement taillés pour la scène, devenue entretemps leur terrain de jeu favori. L’heure de la maturité a donc sonné pour les jeunes femmes qui ont fait de THE WARNING une machine bien huilée et irrésistible.
THE WARNING
« Keep Me Fed »
(Lava Records/Republic Records)
Alors qu’elles avaient sorti « XXI Century Blood » (2027) et « Queen Of The Murder Scene » (2018) juste après leur premier EP, « Escape The Mind » (2015), les trois sœurs n’étaient que très peu sorties de leur Mexique natal et avaient pourtant attiré mon attention dès 2020. S’en étaient suivi « Error » (2022) après le six-titres « Mayday » (2021) et c’est à partir de ce moment-là que THE WARNING a vraiment explosé, tant que le plan artistique qu’au niveau de sa notoriété, bien aidé par une maîtrise des réseaux sociaux avec lesquels elles ont grandi.
Depuis une grosse dizaine d’années maintenant, le trio de Monterrey suit une trajectoire parfaite, qui les propulse aujourd’hui parmi les révélations, et même un peu plus, de la scène Rock/Hard. Il faut dire qu’elles n’ont eu de cesse d’enchaîner les concerts aux côtés de grands noms, parmi lesquels leurs idoles de Metallica, et c’est même entre leurs tournées qu’elles ont composé « Keep Me Fed », où THE WARNING fait définitivement sa mue en se présentant avec des nouveaux titres beaucoup plus matures et toujours aussi accrocheurs.
La première chose qui surprend agréablement sur ce quatrième opus, c’est la puissance et le coffre de la production. Le trio montre ainsi toute l’ampleur de son potentiel et la fratrie Villareal se hisse à un niveau dont l’impact, tout en nuances, est saisissant. « Six Feet Deep », « S!ck », « More », « Consume » et celui qui devenu un hymne dans leur pays « Qué Más Quieres », chanté en espagnol, offrent un relief auquel THE WARNING ne nous avait pas encore habitué. Et cette rage toute féminine brille et résonne comme un rugissement.
Il y a trois ans sur « Push », les Anglo-américains de Sons Of Alpha Centauri avaient fait le pari d’intégrer l’excellent chanteur Jonah Matranga à son post-Metal instrumental, devenu de fait plus alternatif avec des sonorités 90’s. Pari remporté haut la main et « Pull » vient s’inscrire dans une belle continuité sur des morceaux techniquement redoutables et des mélodies accrocheuses. SOAC avance tout en émotion sur des fulgurances très maîtrisées et originales. L’occasion était trop belle pour en parler avec son bassiste et fondateur Nick Hannon.
– Trois ans après « Push », vous êtes de retour avec « Pull » et il semblerait que le pli soit désormais pris. Vous n’êtes plus un groupe instrumental, puisque Jonah Matranga est toujours au rendez-vous et le line-up semble aussi stabilisé. Est-ce que cette configuration de SONS OF ALPHA CENTAURI est enfin la bonne ?
Nous apprécions vraiment que Jonah et Mitch (Wheeler, batterie – NDR) fassent partie du groupe et que cette phase, c’est-à-dire l’époque où cela n’était qu’une simple idée, soit consolidée. Mais quel que soit notre niveau d’engagement, et même auparavant, je pense que le groupe est toujours axé en interne autour du noyau dur que nous formons avec Marlon (King, guitariste – NDR). Nous sommes les ‘fils’ d’ALPHA CENTAURI. A l’heure actuelle, il s’agit plus d’un ‘engagement’ que d’un statut permanent, c’est sûr !
– Cependant, cela ne veut pas dire que vous ne réserviez pas de surprises. Au contraire même, car votre démarche musicale paraît plus précise et déterminée. L’album est plus direct et joue sur l’efficacité des morceaux. Est-ce à dire que vous délaissez pour un temps l’aspect expérimental de votre post-Metal des premières réalisations ?
J’aime les choses que nous avons faites autour des ambiances précédemment, car à notre meilleur dans l’écriture, on avait l’impression qu’elles capturaient les côtés progressifs comme ceux plus expérimentaux. Mais non, je ne pense pas que nous ayons abandonné cet aspect du groupe. En ce moment, ce n’est pas trop notre truc, mais il y a toujours beaucoup de choses qui tournent en arrière-plan ! C’est similaire à nos côtés Desert Rock et instrumentaux aussi, je pense. Notre défi est de continuer à les diluer dans les albums, sans les rendre trop accessibles dans le concept et l’interprétation.
– Ce qui attire immédiatement l’attention, c’est la faculté de Jonah Matranga à captiver l’attention, grâce à un chant tout en émotion et des refrains entêtants comme sur « Ephemeral », par exemple, qui ouvre l’album. On pense d’ailleurs à Ed Kowalczyk du groupe Live, qui possède cette même faculté a envoûté l’auditeur. L’ensemble sonne même plus Rock dans son approche, c’était l’objectif ?
Oui et cette fois-ci, il s’agissait aussi de capturer l’ambiance post-HardCore de la fin des années 90. De toute évidence, Jonah est très influencé par Far, bien sûr, mais aussi Will Haven, Helmet, Quicksand ou Deftones, pour ne citer qu’eux. Cela se retrouve notamment dans l’approche, le ton et la composition. C’est un mélange de post-HardCore, de Metal et de Rock Alternatif. Je pense qu’atteindre cette cible n’était pas forcément notre objectif, mais nous avons évolué pour le rendre plus pertinent dans les années 2020, soit plus d’une génération plus tard.
– « Pull » présente aussi un aspect plus compact et direct. Les morceaux aussi ont un côté plus ‘chanson’ qu’auparavant, où les parties instrumentales semblaient plus libres et aériennes. Tout le monde s’est mis au service du collectif et de l’impact des morceaux, cette fois ?
Absolument. L’écriture des riffs, des breaks et même des mélodies est quelque chose que nous avons commencé à affiner sur « Continuum », et surtout sur « Push ». Mais avec « Pull », nous savions que la force ne résiderait pas tant dans la charge utile de ces éléments que dans le mécanisme de diffusion des chansons elles-mêmes. Donc, les structures sont devenues vraiment importantes et même une priorité pour nous. Nous avons aussi beaucoup réécrit, changé les compositions, puis élargit et redessiné certains aspects pour faire de la place au chant et à la batterie, plutôt que d’être trop plat et de simplement charger d’éléments certains morceaux.
– Vous évoluez toujours en quatuor, lequel est toujours anglo-américain. Sans parler de l’osmose qui règne chez SOAC, est-ce que ce n’est pas trop compliqué au niveau de la logistique notamment pour travailler sereinement ?
C’est un peu plus complexe que d’avoir quatre personnes dans la même pièce, c’est sûr. Mais nous faisons cela depuis de nombreuses années maintenant. Je pense que nous avons affiné notre processus de collaboration. La clef est de prendre notre temps pour bien faire les choses. Personne n’aime précipiter les choses et ce n’est vraiment pas nécessaire. Alors, s’assurer que nous allons tous dans le bon sens, et dans le bon ordre, compense ce qui peut souvent paraître comme une logistique assez complexe !
– Avec « Pull », vous livrez un style que l’on pourrait qualifier d’‘Alternative post-Metal’ avec toujours des touches progressives et surtout une intensité dans l’émotion qui est assez phénoménale. On sent beaucoup de passion et de sincérité dans les textes de Jonah. Est-ce que c’est vous musiciens qui vous adaptez à ces paroles pour y apporter une force supplémentaire, ou c’est lui qui écrit suivant vos compositions ?
Un peu des deux. La capacité de Jonah à créer des harmonies et à transmettre des émotions dans la musique est indéniable. Ainsi, lorsqu’il découvre quelque chose qui change la dynamique de la chanson, nous prenons du recul et nous réfléchissons à la manière dont nous allons modifier, ou altérer, le morceau pour saisir et élever ses mélodies à travers des breaks, par exemple. Nous apprenons tellement de choses sur l’intégration des voix dans les morceaux. Ce n’est pas une superposition d’éléments et cela a vraiment changé ma façon d’aborder l’écriture avec Marlon. Maintenant, nous pensons plutôt à comment cela pourrait fonctionner avec des voix. C’est une chose que nous ne faisions pas auparavant.
– J’aimerais qu’on dise un mot que cette rythmique que tu formes avec Mitch Wheeler à la batterie. Ce qui surprend au fil des écoutes, c’est votre complicité, car sur des morceaux en apparence assez accessibles, vous vous faites carrément plaisir ! Il s’avère que dans le détail, les structures sont plutôt complexes et très techniques. C’est une sorte d’héritage de votre post-Metal instrumental d’antan, qui était peut-être axé sur la performance ? Un truc de musicien, en somme…
Jouer avec de grands musiciens est toujours un plaisir et je suis très fier de n’avoir travaillé qu’avec de grands batteurs. Steve, le batteur original de SOAC était fantastique et Mitch est tout simplement hors-norme avec sa précision et ses capacités à diriger les morceaux. Tandis que la basse et les guitares donnent de la profondeur aux morceaux, Mitch a leur donné de l’énergie, du dynamisme et cette touche post-HardCore sans être trop Rock, ni trop Metal. C’est une ligne fine, précise et il l’a parfaitement réussi. Former la section rythmique avec lui est un honneur absolu !
– Qu’en est-il de vos autres collaborations et projets ? Je pense notamment à Yawning Sons et à une éventuelle suite à « Sky Island », qui était fascinant…
Gary (Arce de Yawning Man – NRD) est particulièrement occupé en ce moment avec Big Scenic Nowhere et bien sûr Yawning Man, mais nous sommes toujours en contact. Encore une fois, Gary est une autre personne avec laquelle il existe un véritable lien, il y aura donc toujours une envie de travailler ensemble à un moment donné.
– Enfin, lors de notre dernière interview, nous avions parlé un peu de concert. Est-ce que cela se concrétise aussi de ce côté-là, car on imagine sans mal la dimension que prendrait « Pull » sur scène…
La logistique est beaucoup plus compliquée à gérer pour le live que pour l’écriture et l’enregistrement. Mais si, par exemple, Mitch et Jonah se retrouvent en tournée ici, alors cela deviendrait une réelle possibilité. Nous aimerions faire avancer cet aspect-là du groupe pour faire plus de choses à travers quelques performances live. Et puis, en étant si proches et mêmes voisins, nous adorerions vraiment venir jouer en France !
L’album de SONS OF ALPHA CENTAURI, « Pull », est disponible chez Exile On Mainstream Records.
Frais et enthousiaste, ce premier opus complet de BAD SITUATION est peut-être celui que les amateurs de Rock musclé, Heavy et grungy attendaient pour démarrer enfin le printemps de la plus belle des manières. Très groove et même joyeux, les deux musiciens avancent sur un rythme soutenu et de bons gros riffs, soigneusement mis en valeur par une production-maison, qui tient bien la route. « Bad Situation » se dresse dans un esprit live, vivifiant et terriblement addictif.
BAD SITUATION
« Bad Situation »
(Thrash Talkin Records/Klonosphere/Season Of Mist)
Direct et efficace, BAD SITUATION se présente donc avec un premier album éponyme, qui ne manque pas d’énergie. Pour un peu, on en oublierait presque qu’ils ne sont que deux. Aziz Bentot (guitare, chant) et Lucas Pelletier (batterie, chœurs) confirment les bonnes choses entendues sur leur EP « Electrify Me », sorti il y a deux ans. Forcément sans fioritures, ces nouvelles compos s’inscrivent dans un Alternative Rock synthétisant les 30 dernières années. Le panel des références est vaste, mais le rendu très cohérent et carrément pêchu.
On connait l’explosivité des duos dans d’autres registres, mais c’est vrai aussi qu’en termes de Heavy Rock, la basse tient un rôle essentiel et remplir l’espace sonore ne règle pas tout. Et il faut reconnaître que BAD SITUATION s’en sort très bien grâce, notamment, à des guitares très présentes et solides et une bonne balance dans le chant entre le lead et les chœurs. Positifs et dynamiques, les Français distillent avec beaucoup d’entrain des morceaux accrocheurs et se promènent entre Nickelback et QOTSA, le sourire aux lèvres.
Sur un Rock massif flirtant avec le Metal, et malgré quelques touches de Punk californien, BAD SITUATION trouve l’équilibre entre puissance, mélodies entêtantes et refrains fédérateurs (« On My Own », « Fallin’ Apart », « Nothing Lasts Forever », « Echoes », « Won’t Back Home »). La belle ballade « Drown » offre une belle respiration, pleine d’émotion et dotée d’un songwriting imparable. On peut affirmer avec conviction que « Bad Situation » va faire des ravages en concert et guider le public dans une belle communion. Bien joué !
Les Finlandais risquent de devenir la nouvelle attraction Rock de ce printemps avec leur deuxième album, « The Power ». Un mois, presque jour pour jour, avant sa sortie chez Reaper Entertainment, MOON SHOT a déjà laissé échapper les singles « Yes », « Shadow Boxer » « Blackened Spiral » et « The Power », qui mettent le feu aux poudres dans les charts scandinaves et allemands depuis quelques semaines. L’occasion était belle de discuter avec Jussi Ylikoski (guitare/production) et Ville Malja (chant) de ce nouvel opus tout en puissance et en mélodie, qui vient sonner le renouveau de l’Alternative Rock européen.
– Avant l’interview, j’ai réécouté votre premier album « Confession » et la différence avec « The Power » est assez saisissante. Outre la production qui est nettement plus massive, l’intention n’est pas non plus la même. MOON SHOT a surpassé une certaine naïveté à l’œuvre sur le précédent. C’est également votre sentiment ?
Jussi : Tout d’abord, merci pour ta perspicacité. Je pense la même chose. A mon avis, l’écriture des chansons est plus riche et la production est plus sophistiquée sur « The Power ». Nous avons eu la chance de commencer à construire ce nouvel album en nous appuyant sur les acquis du précédent, donc le son et la production sont beaucoup plus délibérés, et cela donne le sentiment d’être moins naïf, c’est vrai.
Ville : Waouh, merci ! C’est bon à entendre ! Je pense que nous avons grandi ensemble en tant que groupe entre « Confession » et « The Power ». La période d’écriture des chansons a été aussi plus longue et très intensive. Nous avons travaillé avec Jussi pendant plus de deux ans sur les chansons de l’album. Et puis, il y a eu le Covid et l’invasion russe en Ukraine en même temps. Tous ces éléments ont un impact direct sur le processus. « The Power » est comme un journal très conséquent, qui raconte ce qui s’est passé au cours des 800 jours environ pendant lesquels nous avons travaillé sur le disque.
– Entre les deux albums, MOON SHOT a beaucoup grandi musicalement, tant dans la composition comme dans le son et l’approche. Quel a été le déclic ?
Jussi : Simplement l’envie d’évoluer et de faire un grand album de Rock, je suppose. En pratique, nous avons travaillé de la même manière et avec les mêmes personnes. Je pense que cela a vraiment payé. De cette façon, nous n’avons pas eu besoin de perdre de temps à chercher une autre manière de faire ou à changer nos habitudes avec un nouveau producteur, etc… J’avais largement le temps pour créer et produire suffisamment de bonnes chansons et vraiment d’en extraire toute la substance.
– Votre Alternative Rock montre une énergie incroyable et il y a même une certaine urgence dans de nombreux morceaux, comme si vous étiez pressés. Et de cette dynamique, il ressort beaucoup de sincérité et l’envie de propager un message très positif. Est-ce que c’est aussi une façon d’affronter l’état actuel de notre société ?
Jussi : C’est bien dit. Je pense qu’une bonne chanson Rock doit accélérer les battements du cœur et vous faire respirer plus vite aussi. Et la sincérité est au centre de MOON SHOT. Cela n’aurait eu aucun sens de faire cela sans être sincère. Nous n’avons pas la volonté, ou le désir, de nous cacher derrière quoi que ce soit, mais tout simplement de laisser les choses se dérouler d’elles-mêmes.
Ville : Bien sûr, et tout le monde peut aussi se cacher derrière un voile d’ironie. Tout le monde peut prendre la pose et crier ‘Fuck You !’. Mais avoir le courage de s’exprimer, d’ouvrir un dialogue et de se tenir sincèrement là où l’on est, et peu importe que cela soit effrayant, inconfortable et dérangeant, c’est ça la vérité. MOON SHOT n’est pas un groupe avec un message politique, mais nous pensons néanmoins que les plus grandes décisions ne peuvent être prises qu’en écoutant notre cœur. Il y a une boussole morale incorruptible en chacun de nous. Nous devons juste être assez courageux pour la regarder en face.
– J’aimerais aussi que l’on parle du son de MOON SHOT. Vous êtes les dignes héritiers des groupes scandinaves qui ont forgé une identité musicale très distincte que l’on retrouve en Finlande, mais aussi chez vos voisins et dans les mélodies surtout. Comment est-ce que la définiriez ? Ça n’a rien d’américain, par exemple…
Jussi : Il y a un fil directeur en matière de mélodies et de progressions d’accords, qui me touche vraiment. Ce décor musical est une combinaison de mélancolie, d’héritage slave avec également une touche moderne.
Ville : Nous essayons toujours de garder les choses simples. Avec Jussi, on a ce dicton : ‘ce n’est pas prêt si on ne peut plus rien ajouter, mais c’est prêt quand on ne peut plus rien enlever’. C’est en quelque sorte notre leitmotiv et la réponse à tous ceux qui s’interrogent sur les chansons de MOON SHOT.
– Toujours au niveau du son, vos morceaux contiennent des riffs puissants et amples, c’est vrai. Et plutôt (peut-être aussi ?) que d’utiliser des claviers ou des samples, il y a beaucoup de gimmicks à la guitare, qui rappellent un peu le jeu de Tom Morello, notamment. Est-ce que, justement, l’objectif est de conserver le son le plus brut et organique possible ?
Jussi : Oui, dans tous les cas. Mais la sensation brute et organique ne sert pas toujours les chansons de MOON SHOT. Il y a donc du temps et de la place pour une production plus scénique avec beaucoup plus de hauteur. Je pense que dans les riffs et les solos de guitare, le brut et l’organique fonctionnent. En tout cas, le style de Tom Morello me tient toujours à cœur.
– On parlait tout à l’heure d’urgence dans le jeu, mais vous avez aussi commencé la composition de « The Power » très peu de temps après « Confession » et les tournées qui ont suivi. C’est dû à la période de pandémie, ou à une créativité débordante amorcée dès le premier album ?
Jussi : Les deux. J’ai dû reporter la sortie de « Confession », car je sentais que j’étais sur une bonne lancée, alors j’ai décidé de profiter de ce temps d’arrêt pour commencer immédiatement à écrire de nouvelles chansons. C’était à l’été 2020.
– Il y a aussi une grande évolution dans l’écriture, qui se veut très fédératrice avec un esprit très ‘Stadium’, comme le veut l’expression consacrée. Si ça peut apporter une certaine intemporalité aux morceaux, cela les inscrit aussi dans une époque précise, non ? Dans un laps de temps défini… C’est assez paradoxal, finalement ?
Jussi : (Rires) oui ! Je suis un enfant de la scène Rock alternative et Punk/Hard-Core des 90’s et du début des années 2000. Cet héritage est profondément ancré en moi. Je pense que cela s’entend dans les chansons que j’écris, aussi ‘intemporelles’, soient-elles.
Ville : Je crois que l’intemporalité est quelque chose que l’on ne peut pas atteindre. Il n’y a pas de recette pour que les choses durent. La seule façon d’y parvenir est de faire de notre mieux et toujours un peu plus. La composition et les paroles impérissables sont toujours réalisées avec la plus haute qualité, et elle vient de l’aspect le plus sincère et le plus fidèle de l’artiste. On ne peut pas trop le concevoir ou le diriger, il suffit de s’y mettre et de respirer à travers les chansons et les paroles. Et avec un peu de chance, le résultat sera un jour de cette qualité.
– Pour « The Power », vous avez été particulièrement investi dans la production, surtout toi Jussi. L’objectif était d’obtenir le son que tu voulais dès le départ, ou est-ce que tu as découvert des possibilités qui t’ont permis de donner encore plus d’ampleur aux morceaux avec ce côté très live également ?
Jussi : Il y a eu beaucoup d’apprentissage et de découverte de nouvelles possibilités musicales et de production tout au long du processus de création de « The Power ». Ma vision globale du son était déjà assez claire au début, mais nous avons découvert de nouvelles et de meilleures façons de mettre cela en pratique au fur et à mesure que les choses avançaient. Dans la phase de post-production, nous avons répété les chansons plusieurs fois et nous avons trouvé des choses à améliorer à chaque fois. Chanson par chanson et petit à petit.
– Jussi, tu as déclaré que la composition de « The Power » était le fruit d’un long travail de deux ans, depuis l’écriture jusqu’à l’ultime touche finale de la production. Quelles ont été les étapes marquantes de ce long processus pour vous ?
Jussi : La première étape à la fin de la deuxième session à l’E-Studio à Sipoo, en Finlande. A ce moment-là, nous nous sommes concentrés uniquement sur l’enregistrement de la batterie. Et nous avons fini par apporter des changements assez importants aux structures des chansons. En sortant de là, j’ai senti que nous avions pris de bonnes décisions en matière d’écriture et que nous avions de superbes prises de batterie enregistrées. Je sentais que tout allait très bien fonctionner, donc c’était une grande victoire.
La deuxième étape a été lorsque Juppu (Julius Mauranen, qui a mixé et coproduit l’album – NDR) et moi avons terminé le mixage final du premier morceau. C’était après une longue et exigeante période de post-production et d’enregistrements de guitare. Même si nous avions encore un long chemin à parcourir, je savais que j’avais la recette d’un mix Rock de classe mondiale pour MOON SHOT.
Enfin, la troisième étape a été celle où nous avons terminé les mixages finaux des 15 chansons.
– Enfin, vous êtes tous les quatre des musiciens expérimentés qui avez joué au sein de Children Of Bodom, Disco Ensemble et Lapko. Est-ce qu’avec MOON SHOT, vous êtes parvenu à accomplir ce que vous attendiez d’un groupe en votre for intérieur et de votre vision du Rock en particulier ?
Jussi : Je pense que c’est un miracle en soi que ce groupe existe et que j’ai la deuxième chance de vivre le moment de créer quelque chose à partir de zéro, de ressentir et de partager cette excitation. Pour moi, le véritable accomplissement est de trouver du sens et de la passion dans la création, la lecture de la musique et de rester inspiré. Le reste suit, quoi qu’il en soit.
Ville : Quand j’étais adolescent, je rêvais de partir en tournée à l’étranger, de me réveiller dans le bus et de rire beaucoup. C’est exactement ce que nous faisons en ce moment. D’une certaine manière, MOON SHOT est un miracle. Aucun de nous n’a vu venir ce groupe, mais nous y sommes. Il est un parfait exemple de la façon dont les plus belles choses arrivent par accident. Mais après ces moments miraculeux, il reste encore beaucoup de travail à faire. En ce qui concerne ce que nous pourrions encore réaliser. Je crois honnêtement que nous n’en sommes encore qu’au tout début. Cette fusée est sur le point de s’envoler encore bien plus haut bientôt ! (Sourires)
MOON SHOT sortira son deuxième album, « The Power », le 26 avril chez Reaper Entertainment.