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Yojimbo : astral connexion [Interview]

Trois ans après des débuts très prometteurs, les Strasbourgeois réalisent leur premier album, « Cycles », et la surprise est belle. Toujours dans un registre Stoner Rock, le spectre du quatuor s’est considérablement élargi, laissant entrer des sonorités Heavy, post-Rock, progressives et Doom. Très aérien, le groupe joue sur un groove épais pour libérer des paysages sonores très nuancés, appuyant sur les tessitures instrumentales et vocales avec soin. Et la galaxie de YOJIMBO s’élargit aussi avec de multiples projets autour d’un collectif d’artistes, afin de développer encore un univers déjà riche. Entretien collégial avec un combo plein de ressources et d’envie.

– Je me souviens très bien de votre premier EP éponyme sorti en 2022, dont les cinq morceaux m’avaient déjà fait forte impression. Que s’est-il passé ces trois dernières années ? J’imagine que les concerts vous ont permis d’acquérir de la confiance et aussi de mûrir votre projet…

Beaucoup de choses ! Déjà un changement de line-up en 2023 avec l’arrivée de Dom (Pichard – NDR) à la basse et aux chœurs, qui a remplacé Aurélien. Sophie (Steff, guitare et chant – NDR) et Flo (Herrbach – NDR) ont aussi quitté leur boulot pour se consacrer pleinement à la musique, et on a tous investi beaucoup plus de temps dans le projet. On répète deux jours complets par semaine, en plus du temps qu’on consacre à d’autres aspects du groupe, comme notre démarche multidisciplinaire et les collaborations artistiques. On travaille notamment avec le collectif M33, ce qui nous permet d’explorer d’autres champs que la musique pure. Les concerts nous ont aussi permis de gagner en assurance. On a bossé dur sur notre autonomie technique, et on a su bien s’entourer. En bref, on a fait en sorte de se donner les moyens de donner de l’ambition au projet.

– Sans parler de métamorphose, on vous retrouve avec un premier album, « Cycles », qui marque une évolution notable chez YOJIMBO. L’énergie y est décuplée, tout comme votre univers qui s’affirme clairement. Quelles ont été les principales étapes de cette maturité acquise ?

On a bossé dur, tout simplement. Beaucoup d’exploration, de remises en question, d’introspections aussi sur l’intention qu’on voulait faire porter à notre musique. On a pris le temps de chercher le bon son, de comprendre ce qu’on voulait vraiment transmettre. Le fait d’avoir Flo dans le groupe, qui est ingé son de métier, a été un vrai plus. Avec les moyens du bord, il a drivé toute la partie technique de la pré-production jusqu’à l’enregistrement avant que les copains du studio La Turbine mettent ça brillamment en forme au mix. Tout ça nous a permis d’aller loin dans les détails.

– Ce qui est aussi assez étonnant, et on le pressentait déjà sur l’EP, c’est cette sensation de liberté, qui s’épanouit dans un registre toujours aussi Stoner bien sûr, mais où l’aspect progressif, Doom et post-Rock sont plus présent. Vous aviez besoin de prendre de la hauteur musicalement ? De développer un côté plus aérien ?

Ça s’est fait assez naturellement. Quand on compose, on ne se dit pas ‘il faut que ça sonne Stoner’ ou ‘mettons une touche de Doom là’. On a un panel d’influences très large à nous quatre, et ça ouvre des portes qu’on n’hésite pas à pousser. On aime l’idée que notre musique soit écoutée comme un voyage, et on a sans doute davantage assumé ça dans « Cycles ». Et c’est vrai que les touches post/prog apportent une forme de carburant à cette volonté d’ouvrir les espaces dans ce voyage.

– Bien sûr, la production de « Cycles » n’a plus grand-chose à voir avec celle de « Yojimbo ». Est-ce que c’est une simple question de production, donc de moyen, ou au contraire, vous êtes parvenus à obtenir le son que vous aviez toujours souhaité ? Entre une puissance massive propre au Stoner et des passages plus légers et très sinueux…

Un peu des deux. On a accordé plus de temps, mais surtout on savait ce qu’on voulait. Ce n’est pas qu’une question de matos ou de studio, c’est aussi le fruit d’une vraie démarche sonore et artistique qu’on a affinée avec le temps. On a notamment beaucoup œuvré à ce que chaque instrument trouve sa place.

– YOJIMBO a toujours revendiqué ce côté cosmique que vous qualifiez même d’intergalactique. Sur « Cycles », il est encore très présent et plus poussé, je trouve. Est-ce qu’il y a, selon vous, un aspect de votre style, c’est-à-dire, le Stoner, le Prog ou le post-Rock qui prend un peu le dessus, et qui domine ce bel équilibre ?

On navigue vraiment à vue, mais le Stoner reste dans notre branche principale. Il y a des morceaux très Doom, d’autres très planants, d’autres plus Heavy… On essaie de ne pas prioriser un style au détriment d’un autre, mais plutôt de créer une continuité d’énergie ou d’évocation. L’esthétique intergalactique nous permet de lier tout ça sans cloisonner : c’est ce qui fait qu’on parle de ‘Stoner Intergalactique’.

– Même si l’on pourrait penser que votre propos pourrait être décalé, compte tenu d’une musique assez intemporelle, vos textes traitent de thématiques très actuelles comme l’écologie, le capitalisme, les conflits comme des choses plus personnelles. Comment conciliez-vous votre aspect ‘cosmique’, qui pourrait se prévaloir d’un certain détachement avec des sujets aussi concrets et sociétaux ?

Les textes sont écrits par Sophie, mais on les travaille au besoin ensemble ensuite, notamment pour chercher les bons niveaux de lecture. On veut que nos paroles aient du fond, mais aussi qu’elles laissent de la place à l’interprétation personnelle. Notre univers est peut-être cosmique, mais il parle du monde dans lequel on vit : des violences systémiques, de nos dérives politiques, de nos rapports au pouvoir ou à la nature. Le filtre science-fictionnel, ou symbolique, est là pour créer une mise à distance poétique, mais il n’y a jamais de déconnexion.

– Je trouve aussi ce premier album techniquement plus complexe. Y avait-il des choses que vous n’aviez pas osées sur « Yojimbo », car le groupe était encore jeune ? Et vous sentez-vous aujourd’hui peut-être débridé par rapport à vos débuts, car le potentiel était déjà là ?

C’est sûr qu’au début, il y a toujours une forme de retenue, d’hésitation à pousser certaines idées jusqu’au bout et un manque de maîtrise aussi. Aujourd’hui, on s’autorise beaucoup plus de libertés, que ce soit dans les structures, les textures, ou les intentions. On a aussi beaucoup évolué individuellement en tant que musiciens, notamment en travaillant nos instruments. Et puis, le groupe est soudé, donc la confiance mutuelle permet d’aller plus loin. On compose pour se surprendre autant que pour surprendre les autres.

– Vocalement aussi, l’évolution est flagrante. Sophie, est-ce que le fait que tu sois peut-être plus entreprenante vient de la scène et des facilités qu’elle enseigne ? Ou alors, comme tu es également guitariste, tu as peut-être aussi décidé d’accorder plus d’attention au chant dans une certaine mesure sur l’album ?

La maturité et le travail, clairement ! (Rires) J’ai passé plus de temps à analyser mes forces et mes faiblesses, mais aussi à davantage interpréter que simplement chanter. J’ai également un autre projet musical dans un tout autre registre (Folk Blues) avec lequel je tourne beaucoup, et qui m’a énormément fait évoluer vocalement. C’est un peu un mélange de tout ça : la tournée, le studio, la répétition, la composition et surtout … le recul. Mais j’attache un point d’honneur à évoluer guitaristiquement aussi. Je cherche à sortir de ma zone de confort pour aller plus loin, que ce soit en tant que guitariste ou chanteuse.

– Parallèlement à la sortie de « Cycles », vous avez également entamé une démarche artistique originale, celle d’écrire une nouvelle de Science-Fiction, mais sous la formule d’un collectif rassemblant différentes activités. Pouvez-vous en dire un peu plus ? Et celle-ci pourrait-elle être la base, par exemple, de votre prochain album ?     

Oui, la nouvelle est un peu notre fil d’Ariane. C’est Stef (Legrand, batterie – NDR) qui en est à l’origine et on l’a retravaillée collectivement en 2023, avec l’accompagnement de Saïda Kasmi du collectif M33. Elle avait notamment déjà accompagné l’écriture de l’album concept de Mathieu Chedid. Cette nouvelle est à la fois un socle, un outil d’inspiration et un prétexte à collaboration. On partage des extraits ou des pitchs aux artistes avec qui on bosse, pour qu’ils puissent en proposer une lecture personnelle. On leur propose aussi de privilégier le réemploi quand c’est possible pour créer autour de cet univers. C’est une façon de sortir du cadre de la commande et d’ouvrir l’imaginaire. La nouvelle est déjà très présente dans « Cycles » et elle nous servira encore pour la suite, sous plein de formes possibles. Rien n’est décidé pour le moment et on ne veut pas figer le processus. Ce qui prime, c’est l’expérimentation.

– Enfin, j’aimerais qu’on dise un mot de cette magnifique pochette d’album que vous avez confié à l’équipe de Førtifem, dont on connait le travail pour de grands groupes, ainsi que pour les deux plus gros festivals Metal français. C’est assez rare de laisser carte blanche, surtout pour un premier album à des personnes extérieures. Comment s’est effectuée la connexion entre vous et leur avez-vous tout de même donné un fil rouge, voire vos nouveaux morceaux à écouter ?

C’est en réalité des amis de longue date de Dom. Il connaissait Jesse via des collaborations photo dans les années 2000, bien avant la création de Førtifem, et il a aussi rapidement accroché avec Adrien à leur rencontre. Dom squattait souvent leur canapé lors de ses passages réguliers à Paris. Depuis, leur travail a explosé, et à juste titre. Ils bossent avec des groupes mastodonte de la scène Rock/Metal et des marques de renom. Même si on aime travailler prioritairement avec des artistes de notre région, pour cette pochette on savait que c’était eux qu’il nous fallait. Pas seulement, parce que leur taf est incroyable, mais parce qu’ils ont une vraie démarche artistique et engagée qui résonne avec la nôtre. On a tout de même donné une idée très générale. Pour le reste la magie du duo a opéré et ils ont parfaitement saisi notre intention.

L’album de YOJIMBO, « Cycles », est disponible sur le Bandcamp du groupe : https://yojimbostonerband.bandcamp.com/album/cycles

Photos : Paola Guigou (1, 3, 5), P-Mod (2) et RésiFredo (4).

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Heavy Stoner Psych Stoner Doom

Torpedo Torpedo : blasted orbit

Rarement un si jeune groupe aura paru aussi insaisissable. Si les premiers titres de ce premier opus peuvent laisser présager de la suite, le combo prend tout le monde à contre-pied avec une dextérité et une fluidité très réfléchies. Sans intellectualiser son style et son jeu, TORPEDO TORPEDO déploie beaucoup de sensibilité et de feeling. Le groupe sait déjà parfaitement où il va, et les émotions sur lesquelles il se meut font écho à un nombre impressionnant de courants musicaux. « Arrows Of Time » développe des allures cosmiques et accrocheuses avec une justesse puissante et très personnelle.

TORPEDO TORPEDO

« Arrows Of Time »

(Electric Fire Records)

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la scène Stoner autrichienne est d’une grande discrétion, pour ne pas dire d’une confidentialité presqu’absolue. Cela dit, les choses pourraient changer, car les Viennois font une entrée assez fracassante et surtout très convaincante avec leur premier album, « Arrows Of Time ». Après avoir sorti un premier EP de quatre titres en 2022 (« The Kuiper Belt Mantras »), TORPEDO TORPEDO se présente cette fois sur la longueur, ce qui permet de constater et de savourer toute la richesse et l’originalité de son Heavy Stoner Psych extrêmement varié.

Car, dans une ambiance assez cinématique, le power trio multiplie les embardées et se montre d’un éclectisme parfois surprenant. Empruntant au Space Rock, au post-Rock, au Doom essentiellement, mais aussi en glissant quelques touches bluesy dans les guitares, on y décèle même des réminiscences Grunge dans la voix. Autant dire que les membres de TORPEDO TORPEDO ont parfaitement assimilé un nombre important de styles et, même en opposition, ils parviennent à leur donner vie dans une unité bluffante et singulière. Une belle preuve d’intelligence et de maîtrise.

Résumer « Arrows Of Time » en quelques mots est peine perdue, puisque chacun des huit morceaux sont très différents dans leur approche. Pourtant, on s’y retrouve ! TORPEDO TORPEDO prend le soin de ne pas nous perdre en route, malgré des envolées aériennes qui viennent côtoyer des déflagrations chaotiques volcaniques dans un Doom Metal lourd. Ecrasant, mais terriblement groovy, ce premier effort joue sur une technique, plus qu’une technicité, dans des atmosphères qui peuvent être intrigantes, légères, progressives, enivrantes ou carrément épiques. Spectaculaire !

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Doom Doom Rock Stoner Doom

Maison Dieu : divine nature

Les Transalpins ont jeté leur dévolu sur les plantes, en l’occurrence le lierre, l’arum, la mandragore et la sauge. Et de cette union végétale est né un Doom mystique à la fois Rock et Metal, mâtiné de Stoner et de Noise. MAISON DIEU a fait de ce concept un terrain de jeu assez unique, un brin psychédélique et surtout doté de beaucoup de caractère. « Herbacea » ouvre une voie étonnante, parfois complexe, mais bien menée à cette nouvelle formation très créative.

MAISON DIEU

« Herbacea »

(Sliptrick Records)

Il est assez rare que je chronique un EP, mais lorsque celui-ci est suffisamment original et complet malgré sa durée, un rapide éclairage est toujours le bienvenu. Tout d’abord intrigué par le nom, puis par le concept musical, force est de constater que cette première réalisation des Italiens sort franchement de l’ordinaire. En effet, MAISON DIEU célèbre ici la nature et précisément quatre plantes autour desquelles se dessine un style qu’ils qualifient eux-mêmes de Mystic Doom. Une sorte d’ode un peu spéciale à l’environnement.

C’est la voix de Carlotta Di Stefano, également guitariste, qui sert de guide sur les cinq titres, si l’on compte l’intro chantée très chamanique qui nous plonge dans « Herbacea ». MAISON DIEU a parfaitement su établir les frontières de son monde, et malgré le format court, le Doom sombre et surprenant qu’il propose est tout sauf linéaire. Aux côtés de la frontwoman, Mauro Mariotti tient la basse et apparaît aussi sur le duo « Calla », et c’est Ivan Natalucci qui donne le rythme sur des atmosphères très changeantes.

A travers quatre morceaux bien ciselés, le trio a pris soin d’élargir son Doom vers des horizons Rock et Metal, tout en proposant quelques embardées Stoner et même Noise. MAISON DIEU joue sur les contrastes avec un son très organique et une sensation live très présente (« Edera », « Mandragola », « Terra E Salvia »). « Herbacea » est un premier effort réussi et intense, qui se développe dans un univers singulier et que le combo devrait pouvoir investir de manière encore plus approfondie sur album. Déjà captivant.

Photo : Paolo Sciamanna

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Heavy Stoner Stoner Doom Stoner Metal

Moon Wizard : une sombre lueur

Soufflant le chaud et le froid sur des morceaux très homogènes, MOON WIZARD présente un Stoner Metal varié, tout en maîtrise, à travers lequel cohabitent des atmosphères Doom, Heavy et même Hard Rock avec une épaisseur enveloppante. Mélodique et massif, « Sirens » impose des refrains entêtants portés par une frontwoman, qui se balade entre Metal et Rock sur des rythmes soutenus et languissants. Une réussite qui montre la vitalité de l’underground yankee.

MOON WIZARD

« Sirens »

(Hammerheart Records)

Troisième album pour Ashton Nelson (batterie), Aaron Brancheau (guitare) et Joseph Fiel (basse, chant) et le deuxième pour Sami Wolf (chant) qui a rejoint les trois amis d’enfance sur « The Night Harvest » sorti en 2020. Depuis cinq ans maintenant, MOON WIZARD peaufine son Stoner Doom Metal du côté de Salt Lake City, Utah, et « Sirens » est un bel aboutissement de ces dernières années de travail. Et cette présence féminine au chant a également ouvert un plus large champ d’action au quatuor.

Issus de la scène Black et Death, les trois musiciens de la formation originelle ont gardé un côté obscur dans leur Stoner et si le Doom domine les débats, les influences Heavy Metal sont très présentes et offrent à MOON WIZARD un aspect très mélodique. Et c’est aussi la voix de sa chanteuse qui distingue le combo avec originalité. On est loin d’un registre plombant et écrasant. Le groupe se veut plutôt accessible et se montre très accrocheur en s’inscrivant dans les pas très sabbathiens et classiques de leurs aînés.

Sur une production soignée, plus solide qu’agressive, MOON WIZARD évite aussi les écueils grâce à une paire basse/batterie en osmose et un guitariste inspiré et efficace qui donne sa ligne directrice à « Sirens ». Avec une mixité vocale utilisée à bon escient, l’ensemble gagne en profondeur et devient vite addictif (« Luminare », « Dessert Procession », « Magnolia », « Sunday », « Epoch »). Avec ce nouvel opus, les Américains franchissent un cap et livrent un disque mature et créatif. Bien structurés, les titres présentent un volume intéressant.

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Heavy Stoner Psych Stoner Doom

Starmonger : occulte et sinueux

Si les pointilleux trouveront toujours quelques références, parfois évidentes, dans cette nouvelle réalisation des Français, il faut reconnaître une chose, c’est qu’ils ont franchi un cap et que le Stoner aux teintes multiples proposé ici est original et très personnel. Compact et tranchant, « Occultation » change d’ambiance au fil des titres, tout en conservant une ligne directrice claire. STARMONGER avance sur un groove épais et affirmé, et laisse de la place pour des solos de guitare bien menés et convaincants.     

STARMONGER

« Occultation »

(Interstellar Smoke Records)

STARMONGER fêtera ses dix ans d’existence l’an prochain et « Occultation » sera une belle occasion de les célébrer sur scène. Sur une pente ascendante depuis ses débuts avec la sortie de quatre EPs consécutifs et d’un premier album autoproduit en 2020, « Revelation », le trio se présente avec de bonnes intentions sur ce deuxième opus solide et massif. S’il taquine toujours autant quelques registres comme le Classic et le Space Rock, l’ensemble trouve son identité dans un Heavy Stoner Psych plus assumé, semble-t-il, et surtout de plus en plus probant.

Les Parisiens gardent aussi cette couleur très Doom et un élan épique, notamment dans le chant (« Conjuction »). Composé dorénavant d’Arthur Desbois (chant, guitare), Mathias Friedman (basse) et Seb Antoine (batterie), ces deux derniers assurant aussi les chœurs, STARMONGER s’appuie sur une rythmique bétonnée, qui donne du corps à des plages instrumentales conséquentes. Avec des titres dépassant les formats standards d’autres styles, le power trio prend son temps pour installer des atmosphères tortueuses et captivantes.

Assez progressif dans la structure de ses morceaux, le groupe nous guide dans un univers sombre et souvent pesant, d’où surgissent de puissantes déflagrations. Grâce à un sens du riff aiguisé et soigné, « Occultation » se fait aussi lancinant avant de nous rattraper avec des attaques frontales flirtant avec le Metal. Et STARMONGER a également pris soin de ne pas boucher l’espace sonore et laisse intelligemment respirer ses compositions, grâce aussi à des lignes de basse irréprochables (« Black Lodge », « Serpent », « Page Of Swords », « Phobos »). L’ensemble est vif et bien ciselé !     

Photo : Cécile Corbois

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Psych Sludge Stoner Doom

Oda : mystic vibes

Fait-maison et enregistré live pour l’essentiel, ce premier opus des trois musiciens de la capitale devrait ravir les amateurs de Stoner Doom/Sludge. Les atmosphères vaporeuses un brin incantatoires de « Bloodstained » montrent déjà un groupe déterminé et adepte des morceaux d’une bonne longueur. En abordant des climats très changeants, ODA évite pourtant de se perdre et se montre même vraiment costaud et captivant. Des débuts très encourageants.

ODA

« Bloodstained »

(Independant)

Fondé en 2021 seulement, Cyril Thommered (batterie), Emmanuel Brège (basse) et Thomas Féraud (chant, guitare) n’ont pas tardé à se mettre à l’ouvrage et à construire leur propre univers musical. Le fond est Doom et Occult, tandis que la forme se dessine dans un Stoner Rock rugueux et très Fuzz. L’objectif d’ODA est d’assembler toutes les pièces de cet appétissant puzzle et de donner vie à des morceaux qui sont autant d’invitations à un voyage à la fois sombre, chaotique et envoûtant.

Tout en travaillant d’arrache-pied et en donnant quelques concerts, le trio parisien se forge vite un son et une identité. Avec « Bloodstained », ODA s’affirme déjà comme une formation solide et cette première réalisation autoproduite en dit long sur ses ambitions. Enregistrée au coeur de la forêt de Brocéliande, l’ambiance mystique qui l’entoure semble même avoir offert un supplément d’âme à l’atmosphère profondément mélancolique et terriblement organique, qui règne sur les six titres.

Oscillant entre six et onze minutes, les morceaux de « Bloodstained » réservent quelques surprises. Si la lourdeur et l’épaisseur de sa doublette rythmique donne du corps, le côté massif bascule d’une lenteur ténébreuse dans des fulgurances Sludge au groove gras, d’où émerge au lointain un chant tout à coup presque délicat. Inquiétant et âpre, ODA ne néglige pas pour autant les mélodies… comme pour mieux nous renvoyer dans les cordes (« Children Of The Night », « Rabid Hole », « Mourning Star » et le saisissant « Zombi »). Prometteur !

(Photo : Thomas Féraud)

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Desert Rock Heavy Stoner Psych Stoner Doom

Blue Heron : scarred desert

Offrant tour à tour des plages instrumentales planantes et épurées et des moments aux sonorités dont les textures sont intenses et compactes, BLUE HERON a fait de son désert un champ de bataille, qui donne aussi lieu à quelques trêves. Profond et pour le moins vibrant comme vrombissant, il navigue entre Desert Rock, Doom Metal et Heavy Stoner Psych avec tellement de dextérité que « Everything Fades » en devient presqu’obsédant. Le cap du deuxième effort est passé avec brio et une belle énergie.

BLUE HERON

« Everything Fades »

(Blues Funeral Recordings)

L’émergence de BLUE HERON a beau être relativement récente, ces trois dernières années ont été chargées, puisqu’après un single deux-titres en 2021 (« Black Blood Of The Earth »/« A Sunken Place »), les Américains ont enchaîné sur leur lancée. La sortie du premier album, « Ephemeral » (2022), les a menés sur la route un petit moment avant de partager le volume 8 de la fameuse série « Turned To Stone » de Ripple Music avec les excellents High Desert Queen. Et les voici avec un deuxième opus à forte déflagration.

Malgré une pochette quelque peu trompeuse, BLUE HERON nous promène dans son désert du Nouveau-Mexique pour une balade aride. Se situant entre Desert et Stoner Rock, « Everything Fades » est une réalisation un peu plus complexe qu’il n’y parait et surtout beaucoup plus riche. Avec le court morceau d’intro, « Null Geographic », puis le morceau-titre, on est d’abord troublé par le chant de Jadd Shickler qui offre un écho direct et à peine voilé au grand Lemmy. La suite ne s’annonce donc pas forcément légère.

Et en effet, la lourdeur des riffs et celle du duo basse/batterie libèrent une résonance Doom, Heavy et Psych. Très underground dans l’esprit, BLUE HERON semble se laisser aller au gré de ses inspirations, tout en restant fidèle à une ligne directrice très claire. Enivrant et mélodique, le combo flirte aussi du côté du Metal avec beaucoup de subtilité et sur un fuzz bourdonnant (« Swangson », « Dinosaur », « Trepidation », « Clearmountain », « Fight Of The Herron »). Un disque d’une densité musicale incroyable et un trip qui l’est tout autant.

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Psych Stoner Doom Stoner Prog

Fostermother : une aventure éblouissante

Doté d’une incroyable créativité, FOSTERMOTHER se présente avec « Echo Manor » où il parvient encore à surprendre, grâce à un subtil alliage de Stoner et de Rock, de Doom et de Psych, le tout dans une atmosphère progressive éclatante. Très bien produit, le digne successeur de « The Ocean » s’annonce comme l’une des pièces maîtresses de la discographie des Américains. Un modèle de diversité et une ouverture musicale totalement maîtrisée et envoûtante.

FOSTERMOTHER

« Echo Manor »

(Ripple Music)

Depuis sa formation en 2019, le combo de Houston ne cesse de surprendre. Dès son premier album éponyme l’année suivante, FOSTERMOTHER a su s’imposer jusqu’à signer chez Ripple Music qui a sorti « The Ocean » et mis tout le monde d’accord. Sur une base Stoner Doom, le power trio continue ses expérimentations et avec « Echo Manor », le leader et fondateur Travis Weatherred (chant, guitare, claviers), Stephen Griffin (guitare, basse, claviers) et Jason Motamedi (batterie) explorent de nouvelles contrées musicales.

Tout en évoluant au fil de ses réalisations, FOSTERMOTHER réussit pourtant à imprimer sa personnalité artistique, même si les grands écarts sont nombreux depuis ses débuts. Dans ce cas, difficile de définir précisément le style des Texans. Sur « Echo Manor », leur Stoner Rock s’engouffre dans des territoires Psych et surtout progressifs, lorgnant même du côté du post-Rock avec des passages très aériens. Ce nouvel opus est de loin le plus trippant des trois et l’invitation à ce voyage étonnant et varié est franchement irrésistible.

Si le Doom de FOSTERMOTHER s’est vraiment éclairci, il n’en demeure pas moins véloce et puissant. Très bien ciselé, cette troisième production joue sur les ambiances, multiplie les tempos et offre une palette de riffs à la fois racés et mélodiques. Intenses, les nouvelles compos ne font pas l’impasse sur l’aspect occulte que le groupe cultive depuis toujours (« Wraith », « All We Know », « King To A dead Tree », « In The Garden Of Lies » et l’excellent morceau-titre). Avec beaucoup d’élégance, « Echo Manor » est littéralement brillant.

Retrouvez les chroniques des deux premiers albums :

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Dark Folk Heavy Stoner Doom Stoner Doom

Moon Womb : transcendental

L’une des premières choses qui surprend chez MOON WOMB, c’est cette production à la fois rugueuse et sauvage, et pourtant très lumineuse, qui se caractérise par une volonté d’authenticité et d’une certaine pureté. La délicatesse presque vulnérable de la voix fait face à des distorsions guitaristiques où l’étrangeté musicale reste étonnamment familière et transcendante. Les Américains donnent le sentiment d’avoir totalement électrifié un registre acoustique pour lui donner du corps et le résultat est plus qu’ingénieux.   

MOON WOMB

« Moon Womb »

(Firelight Records)

Rangé derrière une étiquette Heavy Rock un peu étriquée, MOON WOMB fait partie de ses groupes complètement atypiques, qui semblent avoir un don inné pour désarçonner leur auditoire. Car sur ce premier album éponyme, les frontières stylistiques sont abattues pour laisser libre-court à l’inspiration du duo, qui nous embarque dans un périple musical contemplatif, globalement assez sombre, mais toujours pertinent et original. Ici s’entrechoquent Folk et psychédélisme sur fond d’ésotérisme et de magie.

Originaire de Woodland en Caroline Du Nord, Brandy (chant, batterie et cymbales) et Richard Flickinger (guitare et amplification) se sont créé un univers très personnel, composé de paysages sonores aux reliefs saisissants. Très organique dans le son, « Moon Womb » est guidé par la voix de sa chanteuse, qui n’a pas son pareil pour donner aux morceaux des aspects presqu’incantatoires avec une douceur enchanteresse. MOON WOMB se montre très intimiste dans l’approche et même assez minimaliste dans la composition.

Le tandem est en symbiose totale et si la voix semble ouvrir le chemin, la guitare baryton aux sonorités brutes et singulières donne le ton aux ambiances qui s’engouffrent dans des passages très sombres et atmosphériques. On est proches d’une Dark Folk où se mêlent contes de fées et folklore dans une ode à la nature. La lenteur des compositions de MOON WOMB libère d’étonnantes impressions de liberté et d’espace et des éléments empruntés au Drone, voire au Doom, se joignent à ce mélange artistique créatif et inattendu.         

Photo : Agatha Donkar Lund
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Heavy metal Stoner Doom Stoner Metal

The Watchers : un regard noir

Issu de l’underground Metal de San Francisco, THE WATCHERS se blottit avec une certaine férocité dans l’obscurité et les ténèbres d’un Stoner Metal dont les saveurs très 70’s sont définitivement addictives. Pour autant, il ne risque pas d’échapper très longtemps aux lumières qui devraient le relever à un plus large public. Cette deuxième production est d’une efficacité et d’une virtuosité décapante. « Nyctophilia » est un voyage musical aux atmosphères multiples et singulières qui donne envie de repartir encore et encore.

THE WATCHERS

« Nyctophilia »

(Ripple Music)

Loin des fastes de la scène Thrash Metal qui colle à la peau de la Bay Area, THE WATCHERS a pris une toute autre voie, celle d’un Stoner teinté de Heavy Metal et aux légers accents Doom. Créé en 2016, les membres du groupe ont d’abord fait leurs armes chez Spiral Arms, White Witch Canyon, Black Gates, Systematic et Vicious Rumors. Autant dire que le quatuor est rompu à l’exercice, ce qui lui permet d’évoluer avec une aisance naturelle dans un univers qu’ils s’est façonné minutieusement pour distiller un style très personnel.

Toujours produit et réalisé par Max Norman (Ozzy, Megadeth), « Nyctophilia » marque pourtant un tournant pour THE WATCHERS, qui voit ici ses compositions parfaitement mises en lumière par un son étincelant. Après l’EP « Sabbath Highway » sorti l’année de sa formation, puis le premier album « Black Abyss » et le court « High And Alive » livré en pleine pandémie, les Californiens prennent une nouvelle dimension. Ce deuxième opus avance sur des morceaux variés, très aboutis et originaux malgré d’évidentes références.

Sur une intro acoustique, THE WATCHERS nous guide vers les ténèbres comme écrasés par un soleil de plomb avec « Twilight » et «  I Am The Dark ». Sur des riffs épais et charpentés, le combo nous saisit pour ne plus nous lâcher. Emmené par Tim Narducci (guitare, chant), il déroule sur des mélodies prenantes, parfois bluesy, des solos enivrants et un chant véritablement habité (« Eastward Though The Zodiac », « Haunt You When Im Dead », « Taker »). Et l’ambiance vintage vient accentuer cette sombre et délicieuse emprise.