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France Grunge Heavy Rock Stoner Rock

7 Weeks : d’une ardente authenticité [Interview]

Le malheureux timing subi par l’excellent « Sisyphus » il y a deux ans est loin d’avoir refroidi 7 WEEKS. Bien au contraire, le trio fait de nouveau sensation avec « Fade Into Blurred Lines », un album certes moins solaire que le précédent, mais qui livre une vérité musicale comme on n’en voit peu. Le Heavy Rock teinté de Stoner et un brin Grunge des Français dévoile beaucoup de fragilité dans un sens, mais elle vient renforcer une puissance émotionnelle sincère et intense, qui se fond dans des sonorités Blues très personnelles. Julien Bernard, chanteur et bassiste, revient sur le récent parcours du groupe et l’élaboration de ce sixième opus. Entretien.

Photo : Marie d’Emm

– Il y a trois ans vous commenciez la série « Sisyphus » avec un très bon album, suivi de l’EP « What’s Next ? » l’année suivante. Avec le recul, qu’en retiens-tu ? La période a été pénible et malgré tout, 7 WEEKS sort deux très belles productions…

Ca a été une période très productive, on a compensé le fait de ne pouvoir jouer l’album sur scène par des projets annexes, c’est-à-dire l’EP, des sessions live acoustiques, des livestreams, etc… On ne pouvait pas tout laisser s’arrêter, on a tenu bon et notre structuration en label indépendant autogéré nous a permis de faire ça, là où tout le monde était en ‘sommeil’. Si on avait été sur un autre label, ou une major, jamais on aurait pu le faire. Ca montre aussi qu’en cas de crise, les petits arrivent à survivre là où les grosses productions s’arrêtent. Le problème est quand ça repart, les ‘gros’ trustent tout ! (Sourires)

– Est-ce qu’après la pandémie, vous avez pu reprendre le chemin des concerts normalement et enfin défendre votre album dans les meilleures conditions ?

Oui, on a réattaqué les dates dès juillet 2021 et on a fait une belle tournée sur l’automne, puis une nouvelle série de concerts jusqu’à l’été 2022, avant de s’attaquer au nouvel album.

Photo : Jérémie Noël

– Vous revenez aujourd’hui avec « Fade Into Blurred Lines » sur lequel vous vous affirmez encore plus. Quand avez-vous commencé sa composition, car on le sent très spontané ?

Les premières idées datent de début 2021, mais le travail réel sur l’album s’est fait à partir de janvier 2022. Puis à la fin août, notre clavier a décidé de ne pas repartir sur un nouvel album. On s’est donc retrouvé à trois et nous avons tout repensé et composé dans cette dynamique de trio. C’est effectivement assez spontané dans le sens où on a voulu faire ça de manière très organique, très live.

– Malgré la puissance qu’il dégage, ce nouvel album a aussi un côté encore plus personnel et aussi très intimiste. Comment combinez-vous ces deux aspects, car on vous sent aussi très libérés dans le jeu ? Et il y a l’importance accordée aux textes également…

Exactement, pour la première fois, j’ai pu déléguer la guitare, que je faisais jusque-là sur quasiment tous les albums. J’ai donc vraiment pu me concentrer sur l’écriture dans sa globalité avec mes instruments de prédilection, à savoir le chant et la basse. J’ai travaillé les textes avec une amie anglaise (Katy du groupe Lizzard) et on a été assez loin. On a pris le temps de comprendre ce que je voulais exprimer et trouver la bonne formulation, celle qui sonnerait le mieux avec la musique. Les textes sont écrits de manière à vraiment se livrer en les chantant, d’où le côté intimiste sur des morceaux comme « Mute » ou « Shimmering Blue ». De manière générale, chacun a pu se concentrer sur son instrument et sur la manière d’exprimer au mieux l’état d’esprit ou l’émotion du morceau. Et le fait de se retrouver à trois pour bosser en profondeur sur les titres a permis une musicalité qui est très expressive.

Photo : Romain Mouneix

– Pour « Fade Into Blurred Lines », vous avez enregistré l’album en condition live, ce qui lui confère un son très organique, et d’ailleurs la sincérité et l’authenticité qui s’en dégagent sont éclatantes. En quoi cela était-il important pour vous, car la production et les arrangements sont également très soignés ?

On tenait à capturer des prises live très brutes dans le jeu et le feeling pour ensuite ajouter les arrangements, sans se soucier de savoir si on pourrait les jouer sur scène. Si les prises brutes fonctionnent, les arrangements ne sont que la cerise sur le gâteau et non un cache-misère.

– Votre Heavy Rock est toujours teinté de Stoner, légèrement de Grunge et cette fois, il y a également des éléments bluesy qui viennent se greffer. Ca va dans le sens et dans le propos général de l’album ? Ou est-ce juste une volonté artistique et sonore ?

Il me semble qu’on a toujours eu cette fibre Blues, dès « Carnivora » en 2013 sur un morceau comme « Shadow Rider », par exemple. Peut-être était-elle moins ressentie, car la production des disques qui était moins organique. Cette influence-là est logique vu la musique que l’on fait. Mais c’est vrai que cet album s’y prête beaucoup. Le Blues est une forme d’expression, c’est chanter et jouer ce qu’on ressent ou ce qu’on vit de manière très crue. En ce sens-là, nous faisons du Blues sur ce disque. Simplement, nous ne sommes pas du Mississipi ou de Chicago. La forme est différente, mais pas le fond.

Photo : Jérémie Noël

– J’aimerais que tu nous dises un mot sur cette très belle pochette, ce qui est d’ailleurs une habitude chez vous. Quelle est ton interprétation de cette statue étonnante et très expressive de Don Quichotte ? Elle est d’ailleurs présente dans le clip de « Gorgo ». Et de qui est-elle l’œuvre ?

Nous avons effectivement la chance de travailler avec Gilles Estines, qui est un ami et qui fait quasiment tous nos visuels. Il nous sort toujours des choses magnifiques. Pour cet album, on lui avait donné plusieurs pistes, dont celle d’un Don Quichotte, qui en en rapport avec le morceau « Windmills ». Après plusieurs propositions, il nous a semblé que ce visuel très fort conviendrait parfaitement au sentiment général du disque et à son titre. Pour le titre « Gorgo », on a eu cette idée de créer la statue en vrai pour la filmer dans le sable pour mieux coller au texte. Puis, on a demandé à une connaissance, Loïc Delage de Hom’ort, de s’inspirer de la pochette et il a crée ce personnage. C’est un sculpteur sur métal très doué. On adore sa statue et elle trône dorénavant dans mon jardin !

– Depuis vos débuts, vous avez produit six albums et deux EP via votre label F2M Planet, et vous gérez également vous-mêmes vos tournées. On comprend facilement votre désir d’indépendance et de liberté, mais est-ce que ce n’est pas trop contraignant dans la mesure où cela pourrait empiéter sur la création musicale ?

Ca empiète surtout sur nos vies personnelles ! (Sourires) C’est une somme de travail considérable, mais ça nous permet de faire les choses comme on l’entend. On respecte les gens qui font ça et on est respecté aussi pour ça. On ne lâche rien et on est honnête dans notre démarche.

– La sortie de « Fade Into Blurred Lines » correspond au démarrage de la première partie de votre tournée. C’est important de le livrer en live, tant qu’il est encore ‘chaud’ ?

Oui, on a hâte de rejouer. Le premier concert était un vrai soulagement après tous ces mois de travail et d’attente. Le trio fonctionne très bien en live et les nouveaux morceaux sont super à jouer.

Le nouvel album de 7 WEEKS, « Fade Into Blurred Lines » est disponible chez F2M Planet.

Retrouvez la chronique du précédent EP du groupe :

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Stoner Rock

Fire Down Below : sunny storm

FIRE DOWN BELOW a tellement bien intégré et assimilé les codes, les sensations, l’intention, le son et les vibrations inhérents et propres au Stoner Rock qu’il en vient à l’incarner pleinement et à lui donner une vision moderne, tout en respectant la tradition instaurée par ses aînés. Produit par Nick DiSalvo (frontman d’Elder et Delving), « Low Desert Surf Club » propulse le quatuor vers des sommets et se pose déjà comme l’un des meilleurs albums du genre de l’année. Incontournable !

FIRE DOWN BELOW

« Low Desert Surf Club »

(Ripple Music)

Depuis 2015 et « Viper Vixen Goddess Saint », l’ascension des Belges n’a pas cessé et leur Stoner Rock a très largement franchi les frontières du plat pays. Immédiatement repéré par le label américain Ripple Music, qui s’est empressé de rééditer son premier effort, FIRE DOWN BELOW est aujourd’hui un combo sur lequel il faut compter. Après « Hymn Of The Cosmic Man » trois ans plus tard, c’est « Low Desert Surf Club » qui vient mettre en joie les platines dans un registre aussi fun que fuzz.

Pourtant composé pendant la pandémie, ce troisième album est gorgé de soleil et contient exactement tous les ingrédients qui font que le Stoner peut être parfois tellement ‘feel good’. Et à ce niveau de qualité, on parle d’un concentré de bien-être absolu. Il suffit juste d’imaginer un road-trip ultra-festif sur une plage ou dans le désert de Californie, puis écouter « Low Desert Surf Club » très fort. Aux premières notes de « Cocaine Hippo », l’ambiance est posée et FIRE DOWN BELOW donne la charge.

Véloces sur « California », tripants et polyvalents sur « Hear Comes The Flood » et « Airwolf », les Flamands se baladent avec précision et puissance. L’incroyable rythmique bastonne sur un groove hypnotique, la voix brûlante de Jeroen Van Troyen enveloppe les titres avec une habileté imparable et les deux guitares rayonnent de concert (« Dune Buggy », « The Last Cowboy », « Surf Queen »). Enfin, FIRE DOWN BELOW se livre avec éclat sur « Mantra » et ses 16 minutes entre Psych et chaleur bluesy. Une masterclass !

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Hard 70's Stoner Rock

Masheena : sunny crossover

Intense et dévastateur, ce premier opus de MASHEENA est une réussite totale. Le savant mélange d’un Stoner solaire et d’un Hard Rock Old School donne à « West Coast Hard Rock » une couleur singulière. Dynamique et efficace, cette entrée en matière de ces quatre musiciens chevronnés se veut aussi accessible que précise et pointue. D’une grande fraîcheur, le style du combo est rassembleur et réjouissant.

MASHEENA

« West Coast Hard Rock »

(Majestic Mountain Records/Electric Talon Records)

La ville de Bergen en Norvège vient encore d’accoucher d’un groupe hors-norme, qui prend racine dans des influences en provenance directe de l’héritage laissé par Black Sabbath et Kiss sur qui on aurait greffé Clutch, Monster Magnet et Kadavar. Né dans l’esprit de membres d’Abbath, Immortal et Lost In Last et supervisé par le producteur et batteur d’Enslaved, Iver Sandøy, MASHEENA est un concentré de force et de mélodie, où le Stoner Rock télescope brillamment le Hard Rock.

L’objectif premier du quatuor était de se faire plaisir et d’écrire des morceaux célébrant le Hard Rock des 70’s avec toute la lumière possible, tout en y ajoutant une épaisseur Stoner musclée légèrement vintage. Et en sollicitant la légende Gene Freeman pour la production de « West Coast Hard Rock », MASHEENA a mis tous les atouts de son côté pour livrer un album qui fera date. Addictif dès le premier titre, « 1979 », les Scandinaves ne lèvent pas le pied et captivent jusqu’à « Where Are You Now ».

Il émane beaucoup de joie et de plaisir de « West Coast Hard Rock », comme si les musiciens proposaient une sorte de grande fête en forme de récréation, mais savamment orchestrée. Car si MASHEENA semble réellement s’amuser, les quatre Norvégiens n’en présentent pas moins un disque très abouti que leur talent respectif rend tellement fédérateur (« Under The Same Sun », « Looks Like A Man », « 5 Seconds », « Brings Me Down »). Une belle et grosse claque pleine de bonne humeur !

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Psych Stoner Doom Stoner Rock

Moon Coven : exploration solaire

Sauf incident majeur, MOON COVEN est en passe de s’installer dans la durée avec cette nouvelle galette, tant son style, sa technique et sa créativité sont à leur zénith. Sur une base Psych et Fuzz, le Stoner Rock asséné sur « Sun King » est d’une maturité absolue et d’une belle diversité. Effet bulldozer garanti !

MOON COVEN

« Sun King »

(Ripple Music)

Au printemps 2021, « Slumber Wood » avait tout balayé sur son passage et l’arrivée du groupe chez Ripple Music ne pouvait se faire de manière plus fracassante. Alors plongés dans un Stoner Doom très brumeux et massif, les Suédois avaient livré une copie parfaite après moins de dix d’existence. Mais MOON COVEN aime débarquer là où on ne l’attend pas. Et « Sun King » en est la preuve éclatante.

Le quatuor renoue avec les fondamentaux du Stoner Rock en gardant bien sûr un côté Heavy et très Fuzz. Et si l’on perçoit quelques riffs et rythmiques Doom, « Sun King » est bien plus lumineux que son prédécesseur. MOON COVEN n’a rien perdu non plus de son aspect obscur et occulte, mais il est beaucoup plus canalisé et distillé dans un registre plus aéré et beaucoup plus dynamique. Le combo n’a pas levé le pied !

Enregistré et mixé par David Regn Leban, guitariste et chanteur de la formation, ce quatrième opus se révèle aussi solide et Psych que ce à quoi nous ont habitué les Scandinaves. Compacts et aussi plus variés, les morceaux de « Sun King » ont un côté obsédant, qui les rend particulièrement puissants (« Wicked Words In Gold They Wrote », « The Yawning Wild », « The Last Color » et le morceau-titre. MOON COVEN est inarrêtable !

Retrouvez la chronique du précédent album :

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Psych Stoner Rock Stoner/Desert

Los Estuches : fuego en los cactus

Ca sent la poussière et le mezcal sur ce premier album de LOS ESTUCHES. Ce sont ‘des cas’, ça ne fait aucun doute, mais derrière cette apparence indolente provoquée par un chanteur qui semble volontairement se laisse aller, se cache un groupe distillant un Psych Rock très Stoner et Desert Rock avec ardeur et dans des atmosphères arides, planantes dont les refrains restent gravés.  

LOS ESTUCHES

« High On Veggies »

(Independant)

C’est à Monterrey au Mexique que Feli Amparano (guitare, chant) et Uri Wapinski (chant, basse, claviers) ont monté il y a trois ans LOS ESTUCHES. Pour le moins éclectique, le duo avait en tête un savoureux mélange musical à base de Space Rock et de Stoner où des sonorités Surf, Garage et Pop viennent se greffer. Et c’est précisément ce que l’on retrouve sur « High On Veggies », dont la variété des chansons surprend au fil du disque.

Pour ce premier effort, LOS ESTUCHES a enregistré les renforts de Cesar Sanmiguel (basse, batterie, chœurs) et de Roberto Cantu (lead guitare). Voilà donc le combo mexicain bien armé pour livrer huit morceaux gorgés de Psych et de soleil. Avec deux membres de Red Rooster Original dans ses rangs, le quatuor possède de beaux atouts et son univers est varié et pour le moins obsédant.

Chanté en espagnol et avec beaucoup de d’humour, les chansons de LOS ESTUCHES paraissent souvent lancinantes et même nonchalantes, mais la dynamique qui les anime rend bien service aux mélodies, qui deviennent vite, par ce côté très ‘cool’, entêtantes (« High On Veggies », « La Vi (De Nuevo) », « Clavado », « Las Cosas », « Ya Pasará »). On est vite enivré par cette ambiance chaleureuse et entraînante.  

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Psych Space Rock Stoner Rock

Apex Ten : l’accomplissement par la performance

Irrésistible et aventureux, « Aashray » est un album aussi séduisant qu’audacieux. Derrière un Stoner Rock solide et entêtant, le combo s’engouffre dans des profondeurs Psych et Space, qui lui laissent un champ d’investigation presque sans limite. APEX TEN joue très subtilement sur les reliefs d’un Fuzz contagieux.

APEX TEN

« Aashray »

(Independant)

Originaire de Liège, APEX TEN est un jeune groupe fondé en 2021 et qui pourtant sort déjà sa quatrième production. Il faut aussi préciser que le trio a basé son concept autour de l’improvisation et des jams. Mais si l’exercice peut paraître aisé, encore faut-il taper juste ! Et pour y parvenir, Alexis Radelet (batterie), Brad Masaya (basse) et Benoît Velez (guitare) savent comment s’y prendre pour hypnotiser l’auditeur.

Le power trio libère sa créativité dans un Stoner Rock instrumental où le côté Space Rock côtoie et se mêle à un univers psychédélique aussi vaste que cosmique. APEX TEN promet de l’évasion et il s’y tient. Les paysages sonores se suivent et se distinguent à travers ce « Aashray » à la fois profond et léger. Très aboutis, les sept morceaux bénéficient également d’une production claire et puissante.

Ce qui surprend aussi avec ce deuxième opus studio, c’est que l’on y découvre une multitude de détails d’une grande finesse au fil des écoutes. Si les Belges annoncent que les compositions proviennent essentiellement de l’improvisation, celles-ci sont très travaillées et les arrangements savamment étudiés (« Awakening », « Dazed », « Nagā », « Brahma »). Et enfin, APEX TEN ajoute à son Fuzz des sonorités hindoues parfaitement distillées.

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International Stoner Rock

Dozer : the return of the giant [Interview]

Que l’attente fut longue, mais que la récompense est belle ! 15 ans après « Beyond Colossal », son dernier album studio, DOZER est enfin de retour ! Et même si on a pu suivre les différents membres à travers d’autres formations, le quatuor réuni reste la référence en matière de Stoner Rock et le retrouver avec cette énergie et cette inspiration intacte est un ravissement… Et une grosse claque aussi, est-il besoin de la rappeler ! Fondateur et guitariste du combo suédois, Tommi Holappa nous fait une fois encore le plaisir de répondre à quelques questions au sujet de « Drifting In The Endless Void » et des retrouvailles du groupe.   

Photo : Mats Ek

– Il y a deux ans, alors que DOZER repartait en tournée avec un passage notamment en Australie, tu m’avais affirmé qu’aucun nouveau morceau n’était en cours d’écriture et même au programme. Aujourd’hui, on vous retrouve avec plaisir pour ce « Drifting In The Endless Void » décapant. Qu’est-ce qui vous fait changer d’idée ? C’est la reprise des concerts et l’accueil du public ?

La dernière fois que nous nous sommes parlés, nous avions surtout évoqué nos retrouvailles en répétition d’abord et ensuite le fait d’essayer d’écrire une première nouvelle chanson, ou au moins de voir si nous serions à nouveau créatifs ensemble. Rien ne s’était passé pendant quelques années. Le timing n’était pas le bon, je suppose. Mais ensuite, le Covid est arrivé en 2020 et du coup, nous avons eu beaucoup de temps libre et aucune tournée n’était prévue avec mon autre groupe Greenleaf. Donc, en 2020, nous avons écrit et enregistré un nouvel album avec Greenleaf. Puis à la fin de cette session d’enregistrement, j’ai parlé aux autres gars de DOZER et je leur ai demandé s’ils étaient d’humeur à essayer d’écrire de nouveaux titres. Et la réponse a été oui ! Alors on s’est rencontrés, on a écrit une chanson et tout s’est bien passé. C’était presque comme si on n’avait jamais cessé de jouer ensemble ! Un premier morceau à déboucher sur deux autres, et ainsi de suite… Quand nous avons réuni 3/4 idées définitives pour de nouveaux titres, Blues Funeral Recordings nous a contacté et nous a proposé un contrat d’enregistrement… et le reste appartient à l’Histoire ! Je pense que nous pouvons remercier le Covid qui a permis à DOZER de sortir un nouvel album aujourd’hui ! (Rires)

– Après les rééditions de vos trois premiers albums chez Heavy Psych Sounds, il y a aussi eu la sortie de « Vultures », un EP constitué d’inédits enregistrés entre 2014 et 2015 et qui n’étaient au départ que des démos. Dis-moi, est-ce que vous aviez déjà en tête l’idée de ce come-back tant attendu ?

Lorsque ces rééditions sont sorties, nous n’avions pas prévu de faire un vrai retour. Quand nous avons recommencé à faire des concerts en 2013-2014, nous en avions fait juste une poignée dans des festivals comme le ‘Desertfest’ et le ‘Hellfest’. C’était juste histoire de sortir un peu, de jouer d’anciens morceaux et passer un bon moment. Mais ensuite, après quelques années et quelques concerts supplémentaires, nous avons commencé à parler d’écrire de nouvelles choses. Surtout si on voulait continuer à faire des concerts, on a senti qu’il nous fallait du nouveau matériel bien sûr, et aussi que ce serait amusant d’essayer d’écrire quelque chose de neuf et de voir comment cela se passe.

Photo : Mats Ek

– Revenons justement deux ans en arrière, date à laquelle vous veniez de signer chez Heavy Psych Sounds. Or vous faites votre retour sur le label américain Blues Funeral Recordings. Que s’est-il passé ? Vous n’êtes pas parvenus à trouver un accord pour ce nouvel album ? Ou est-ce que vous visez plus clairement le marché américain ?

Nous avons signé avec Heavy Psych Sounds juste pour ces rééditions. Et ensuite lorsque Jadd de Blues Funeral Recordings a découvert que nous écrivions de nouveaux morceaux, il nous a fait une offre que nous ne pouvions pas refuser. Il n’était pas prévu de cibler davantage le marché américain ou quelque chose comme ça, c’était juste une bonne opportunité et nous nous connaissons aussi depuis longtemps. Nous avons travaillé avec lui auparavant et nous savions donc que si nous voulions sortir un nouvel album, il était la bonne personne pour le job.

– DOZER a donc fait une pause de 15 ans. C’est très long ! Pendant ce temps, Johan a joué dans Besvärjelsen, Fredrik avec Ambassadors Of The Sun et Sebastian et toi bien sûr avec Greenleaf. Que va-t-il advenir de ces groupes ? Vous allez continuer ou donner la priorité à DOZER ?

Greenleaf continuera comme d’habitude. Nous écrivons d’ailleurs du nouveau matériel pour notre prochain album en ce moment et si tout se passe comme prévu, nous l’enregistrerons à la fin de l’année. Johan a quitté Besvärjelsen et je ne sais pas si Fredrik fera encore quelque chose avec Ambassadors Of The Sun. Je sais que pour Dozer et Greenleaf, je prendrai du temps pour les deux groupes. C’est comme si tu avais donné naissance à deux bébés, tu ne peux pas donner la priorité à l’un ou à l’autre. Il faut donner tout ton amour aux deux ! (Rires)

Photo : Mats Ek

– D’ailleurs, vous avez tous joué, et joué encore, dans Greenleaf. Quelle distinction fais-tu entre les deux groupes ? Musicalement, quelles sont leurs principales différences, selon toi ? Et enfin, créez-vous avec DOZER des choses que vous n’oseriez peut-être pas avec Greenleaf, ou vice-versa ?

Greenleaf est plus Classic Rock et plus Blues au final, alors que DOZER est un peu plus Heavy. Les trucs plus Blues ne fonctionneraient jamais avec DOZER et les trucs plus durs ne fonctionneraient pas non plus avec Greenleaf. Bien sûr, il y a des similitudes entre les deux groupes, puisqu’ils développent et se basent beaucoup sur les riffs de guitare. Mais au final, je pense que les voix de Fredrik et Arvids sont si différentes l’une de l’autre que je ne m’inquiète pas trop du fait que les deux groupes pourraient sonner de la même façon un jour.

– Même si vous êtes tous restés très actifs au sein de la scène Stoner Rock, quels sentiments vous animent aujourd’hui en offrant un nouveau souffle à DOZER ? Vous devez être excités et impatients, non ? Et puis, DOZER est une référence du Stoner européen et mondial, vous avez un rang à tenir…

Impatients et excités… oui ! L’album a été enregistré il y a presque un an ! Nous voulons juste que les gens entendent ce que nous avons créé et dont nous sommes si fiers ! Espérons qu’ils l’aimeront autant que nous. On essaie de ne pas trop penser à garder un certain rang et à satisfaire les autres. On fait ce qu’on fait et si on est content… c’est cool ! Si nous pouvons rendre les gens heureux… alors, c’est même extra-cool ! (Rires)

Photo : Mats Ek

– Parlons de ce nouvel album. Quand êtes-vous attelés à son écriture et quelle a été l’idée directrice ? Vous êtes tous arrivés avec vos idées respectives ou est-ce que la composition s’est faite à quatre ?

Nous avons commencé à travailler sur des idées chacun de notre côté en décembre 2020 et un mois plus tard, nous nous sommes retrouvés pour la première fois en répétition pour travailler sur de nouveaux morceaux. Les premières répétitions ont été un peu lentes. Je pense que nous ne savions pas vraiment ce que nous voulions faire. Alors nous nous sommes isolés, nous avons essayé un tas de choses, des bonnes et des moins bonnes ! (Rires)

Tout a vraiment commencé à rouler quand Fredrik a apporté l’idée de « Missing 13 ». Je pense que c’est venu des accords de l’intro qu’il a joué et nous avons senti que ça sonnait bien et que c’était vraiment la fraîcheur de DOZER. Nous avons donc commencé à jammer et chacun est venu avec ses idées et ses réflexions. Ensuite, on est rentré chez nous, on a travaillé un peu plus dessus, puis nous sommes retournés en répétition et on a continué à travailler encore… C’est comme ça qu’on écrit les chansons : on bosse chez nous séparément, puis nous assemblons tous les morceaux ensemble. C’est un véritable effort de groupe.

Quoi qu’il en soit, une fois cette chanson terminée, j’ai trouvé le riff pour « Ex Human, Now Beast » et à partir de là, les choses ont commencé à se dérouler sans accrocs et nous avons en quelque sorte trouvé le ‘concept’ de l’album.

– L’autre question qui se pose est de savoir si vous avez immédiatement retrouvé vos automatismes et la fluidité du jeu qui animaient DOZER près de 15 ans auparavant ? Est-ce que tout est revenu naturellement ? De manière instinctive ?

Dès la première répétition, c’était comme si nous n’avions jamais cessé de jouer ensemble ! Je pense que nous avons tous ressenti que c’était agréable d’être de retour dans une même pièce pour jouer et ça sonnait plutôt bien tout de suite ! C’était les mêmes vieux gars de DOZER, mais un peu plus gros et plus grisonnants. Mais dans nos têtes, nous faisons toujours la fête comme si nous étions en 2003 ! (Rires)

Photo : Mats Ek

– Dès le départ, vous attaquez le disque avec « Mutation/Transformation », long de plus de 7 minutes et dont l’impact est monstrueux. L’idée était d’imposer beaucoup de force et de puissance dès le début de l’album ?

C’était la dernière chanson que nous avons écrite pour ce nouvel album. Nous avions l’impression que nous avions besoin d’un titre un peu plus lourd et avec un joli groove sur lequel on puisse secouer la tête. C’est quelque chose de plus puissant qui vient compléter l’ambiance de l’album. Une fois l’ensemble enregistré et quand nous avons entendu les premiers mixages de l’album, nous avons tout de suite compris que « Mutation/Transformation » devait être le titre d’ouverture.

– « Drifting In The Endless Void » compte sept morceaux et ils sont assez longs. Vous jouez aussi beaucoup sur les atmosphères et on peut sentir un vrai fil conducteur sur l’album. On a presque l’impression que vous l’avez conçu comme un album-concept. C’est le cas ?

Eh bien, dès le début, Fredrik avait en tête un concept autour des textes pour l’album. La musique est aussi un peu influencée par son histoire. En fait, « Missing 13 » est la trame de l’histoire et le reste des chansons est basé sur le même concept. Globalement, il s’agit d’une justification pour nos enfants. Nous avons reçu cette Terre de nos ancêtres et nous l’avons prise pour acquise. Nous, les humains, sommes de petits rouages dans cette grande grosse machine, et parfois cela peut vous faire sentir très petits et impuissants. D’où ce sentiment de ‘dériver dans le vide sans fin’ (Traduction du titre de l’album – NDR).

– Un mot aussi sur le mix et la production de l’album. On retrouve immédiatement le son et la touche de DOZER avec une sonorité très actuelle. Où l’avez-vous enregistré et avec qui avez-vous travaillé ?

Nous l’avons enregistré au studio Gröndahl à Stockholm avec Karl Daniel Lidén, qui a également mixé et masterisé l’album. Karl Daniel et moi travaillons ensemble depuis la fin des années 90. Il a été le premier batteur de Greenleaf, il a également été le batteur sur l’album de DOZER « Through The Eyes of Heathens » en 2006. Il a aussi enregistré « Beyond Colossal », ainsi que les cinq derniers albums de Greenleaf. Donc nous avons une belle histoire ensemble. (Rires)

Quoi qu’il en soit, Karl Daniel connaît le groupe de fond en comble, il est comme notre cinquième membre. C’est facile de travailler avec lui et nous n’avons pas à nous inquiéter, car nous savons qu’il obtiendra toujours un son explosif et puissant. Et jusqu’à présent, nous ne pouvons pas imaginer travailler avec quelqu’un d’autre.

– Enfin, vous allez aussi reprendre la route des concerts. Dans quel état d’esprit êtes-vous, car les fans vous attendent depuis si longtemps et sont aussi impatients que vous ? Peut-être même beaucoup plus…

Oui, nous allons jouer un peu plus maintenant et laisse-moi te dire ceci… Nous mourons d’envie de venir jouer les nouvelles chansons ! Car enfin, nous avons quelque chose de nouveau à proposer au public !

Le nouvel album de DOZER, « Drifting In The Endless Void », est disponible chez Blues Funeral Recordings.

Retrouvez l’interview accordée à Rock’n Force à l’occasion de la réédition de leurs trois premiers albums chez Heavy Psych Sounds en 2020 :

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Rock Progressif Stoner Rock

Grandma’s Ashes : des Parques émancipées

Après cinq ans sur la route à peaufiner son style à travers un voyage aussi introspectif qu’instructif pour les trois musiciennes et la réalisation d’un EP très prometteur en 2021, GRANDMA’S ASHES dévoile aujourd’hui un premier effort plein de certitudes, de surprises et avec une identité personnelle dont les contours sont désormais établis. « This Too Shall Pass » étonne et séduit… tout simplement.

GRANDMA’S ASHES

« This Too Shall Pass »

(Nice Prod/Baco Music)

Il y a deux ans à l’occasion de la sortie de leur premier EP, « The Fates », j’avais eu le plaisir d’interviewer Eva, Myriam et Edith, respectivement chanteuse et bassiste, guitariste et batteuse de GRANDMA’S ASHES. Ce premier cinq-titres, où elles donnent toutes les trois de la voix, mariait avec beaucoup d’élégance un Stoner Rock solide et des influences directement issues du Rock Progressif.

Avec « This Too Shall Pass », le trio féminin s’affirme de plus en plus et livre un premier album très abouti, très inspiré et surtout qui sort très habillement des sentiers battus. Si on pouvait considérer « The Fates » comme une mise en bouche, on entre cette fois de plein pied dans l’univers si singulier de GRANDMA’S ASHES. Le groupe a évolué naturellement, tant dans le visuel présenté que dans l’approche musicale.

Le combo conjugue des mélodies lumineuses sur des textes pourtant sombres et des refrains efficaces. Avec un travail remarquable sur les voix notamment et la présence de trois interludes qui sont autant de belles respirations, GRANDMA’S ASHES rend son premier opus très envoûtant. Musclé (« Cold Touch », « Caffeine »), sensible (« Aside », « Cassandra ») et plus aérien (« Lost At Sea », « Borderlands »), les trois artistes imposent leur style avec brio.

Photo : Alexandre Le Mouroux

Retrouvez l’interview du groupe accordée à Rock’n Force

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Stoner Rock

Tidal Wave : une vague fuzz

Malgré son assurance et un panache de vieux briscards, TIDAL WAVE n’en est pourtant qu’à son deuxième album. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec une telle créativité et une envie que l’on perçoit au fur et à mesure que le fuzz prend corps, les Nordiques ne devraient pas tarder à s’imposer sur la scène Stoner Rock. Avec son irrésistible touche Heavy, « The Lords Knows » se savoure en boucle.

TIDAL WAVE

« The Lord Knows »

(Ripple Music)

Sorti en 2019, le premier album des Suédois, « Blueberry Muffin », semble avoir fait suffisamment de bruit pour parvenir aux oreilles du label californien Ripple Music, qui s’est empressé de signer les Scandinaves. Et avec « The Lord Knows », ils enfoncent le clou grâce à un Stoner Rock puissant et mélodique. TIDAL WAVE mise sur une efficacité sans faille et l’opération est une franche réussite.

Le souffle de l’énergie déployée par le quatuor se fait immédiatement sentir avec « Lizard King », qui donne le ton d’un opus qui s’annonce d’ores et déjà très costaud. Epais et massifs, les riffs s’enchaînent sur des refrains accrocheurs et une dynamique qui ne faiblit pas. TIDAL WAVE se montre robuste et met le feu. Et la très bonne production vient vite confirmer sa grande qualité d’écriture.

Si Jesper Sjödin fait des prouesses à la guitare et qu’Adam Nordin (basse) et Rasmus Sunberg (batterie) ne sont pas en reste, que dire de la performance vocale d’Alexander Sundqvist ? Il est tout simplement bluffant de vérité et de folie sur l’ensemble de « The Lord Knows ». Et même si les influences de TIDAL WAVE sont évidentes, le combo tire admirablement son épingle du jeu (« End Of The Line », « Robbero Bobbero », « Purple Bird »). Grand !

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Proto-Metal Stoner Doom Stoner Rock

Godwatt : électrisant

Grand artisan de la scène Stoner italienne, GODWATT n’en finit pas de surprendre en se renouvelant au fil des albums. Bien qu’ancré dans un registre qui a fait ses preuves, le trio parvient avec une facilité déconcertante à modeler son Doom dans un Metal mélodique et accrocheur. « Vol. III » a clôt 2022 avec brio !

GODWATT

« Vol. III »

(Time To Kill Records)

Jusqu’en 2012, soit six ans après sa création, il fallait encore ajouter ‘Redemption’ au patronyme de GODWATT. « Vol. III » n’est donc pas la troisième production des Italiens, mais leur septième… et elle est de taille. Dynamique et puissant, le groupe offre un mix généreux et savamment dosé entre un Stoner Metal vivifiant et un Doom qui va puiser dans les origines-mêmes du style.

Composé de Moris Fosco (guitare, chant), Mauro Passeri (basse) et Jacopo Granieri (batterie), GODWATT montre sa faculté, sur ce nouvel opus, à pouvoir réunir les fans de Hard et de Heavy 70’s, de Doom et de Stoner Rock exalté. Grâce à un travail remarquable sur la variété des riffs, la folie des solos, une voix et des chœurs fédérateurs et une rythmique implacable, le groupe régale. 

Cela dit, les Transalpins ne donnent pas dans le revival et s’inscrivent au contraire dans une modernité bien réelle, musclée et servie par une production impeccable. Chantés dans sa langue maternelle, les morceaux de GODWATT prennent un relief original et une couleur mélodique très spéciale (« Signora Morte », « Croce », « Delirio », « Oscura », « Lamenti »). Fin et bien charpenté.