Avec ce quatrième album, les trois Américains risquent de marquer les esprits, tant la lourdeur vibratoire qui enveloppe et s’étend sur l’ensemble de « Garden Creatures » a de quoi faire trembler la faille de San Andreas. Massifs et percutants, les morceaux de ce nouvel opus de DISASTROID prennent tous les chemins de traverse, via un flux où s’entrechoquent Stoner, Noise, Grunge et un soupçon de Psych. Une synthèse palpitante et insaisissable.
DISASTROID
« Garden Creatures »
(Heavy Psych Sounds)
A en croire le groupe, les recoins des maisons résidentielles de San Francisco ne sont pas si sûrs que ça et il s’y passe même des choses sinon terrifiantes, tout au moins lugubres. Au sein des jardins envahis de végétation, dans les caves pleines de secrets et au hasard des crimes et dans une solitude pesante, DISASTROID a imaginé et conçu un album assez obsessionnel, à l’épaisseur trouble et dans un registre où le Grunge et le Noise se fondent dans un Stoner Rock vrombissant et sérieusement Heavy.
Et l’un des grands artisans de l’atmosphère si spéciale de « Garden Creatures » est aussi Billy Anderson, connu pour ses collaborations avec Sleep, Melvins et Neurosis entre autres, qui a réalisé une incroyable production, que ce soit dans l’ambiance globale du disque que dans chaque détail. Si DISASTROID se sert du Stoner Rock comme socle principal et aussi comme fil conducteur, c’est pour mieux distiller un Grunge 90’s hyper-fuzz, d’où la voix d’Enver Koneya, également guitariste, s’envole dans une forme de songe vaporeux, mais appuyé.
Entre Noise et Heavy Rock, le power trio nous présente probablement la facette la moins glamour de San Francisco. De leur côté, Travis Williams (basse) et Braden McGaw (batterie) procèdent à un broyage en règle sur un groove dévastateur, flirtant même avec certains aspects Doom. Décidemment, DISASTROID n’est jamais à court d’idées, n’hésitant à mêler le son de la scène de Seattle du siècle dernier avec un Stoner moderne et pachydermique (« Garden Creatures », « Figurative Object », « 24 », « Light’Em Up, « Jack Londonin’ »). Une baffe !
Tout vient à point à qui sait attendre. Tel pourrait être le mantra d’EMERGENCY RULE, qui a patienté plus d’une décennie avant de sortir « The King Of Ithaca ». Et cette première réalisation est une bombe qui nous plonge dans la fureur et l’efficacité primale et palpitante du Rock véritable. Apre et mélodique, véloce et écrasant, fédérateur et musclé, le combo est à découvrir de toute urgence… et à écouter très fort !
EMERGENCY RULE
« The King of Ithaca »
(Wormholedeath Records)
Si les Australiens sortent aujourd’hui leur premier album, ce n’est pas pour autant des nouveaux venus sur la scène Metal et Rock. Depuis 2012, EMERCENCY RULE distille des singles au compte-goutte (« Snakes Eyes », « Blind », « Flag And A Medal », « The Zealot »). Composé de musiciens plus qu’aguerris ayant œuvré aux côtés d’Universum, Bruce Kulick et Mike Tramp, le quatuor balance un énorme pavé de Hard Rock avec « The King Of Ithaca », dont le contenu est d’une rare explosivité.
Si la puissance paraît être l’un des principaux arguments du groupe, c’est sans compter sur la richesse des genres présents sur ce très vigoureux opus. Le groove épais et gras des deux guitaristes, Chris George et Cal Wegener, mène la danse sur des riffs massifs et incendiaires, qui deviennent inévitablement contagieux au fil du disque. Il y a du Zakk Wylde dans l’air. Et EMERGENCY RULE s’appuie sur les martèlements de son cogneur de batteur, tout autant que sur les lignes de basse de Doug Clark, également chanteur.
Rugueux et brut, le style de la formation océanique puise dans les origines du Heavy, du Hard Rock, ainsi que du Southern et du Stoner. Difficile de résister à cet ouragan de décibels et à la voix rauque et enveloppante de son frontman. L’approche résolument live d’EMERGENCY RULE le rend irrésistible et très vite addictif (« Garden », « Bartender », « Abuse », « Ulysses », « Corporation », « From The Grave »). Et comme chez beaucoup de ses compatriotes, on retrouve cette touche si identifiable de son île-continent.
Avec près de 10K (comme on dit aujourd’hui) de followers sur Facebook, la STONER ROCK ARMY, créée et emmenée par le Québécois Eric Varasifsky, alias The General, est devenue incontournable pour tous les amateurs de Stoner Rock, bien sûr, mais aussi de tous ses dérivés qu’ils soient Heavy, Doom, Psych, Occult, Metal, Space, etc… Conscient de l’impact des réseaux, il est aussi présent sur Bandcamp, la plateforme la plus intelligente et de très loin, où l’on peut découvrir plus de 1.500 albums en ligne. Ayant attisé ma curiosité, j’ai voulu en savoir un peu plus sur l’homme au chapeau venu de la Belle Province. Entretien.
– Tout d’abord, comment es-tu venu au Stoner et quels sont les groupes qui ont fait la bascule et qui t’ont fait franchir le pas ?
Je suis de la vieille génération de groupes Rock et Hard Rock cultes des années 70 et j’ai toujours aimé les sonorités rétro, donc pour moi la musique Stoner s’en approche de beaucoup au niveau du son. Disons que la transition a été pratiquement automatique. En ce qui concerne les groupes, c’est difficile à dire car c’est un peu loin dans ma mémoire mais, bien sûr, Black Sabbath, qui est pour moi le premier vrai groupe Stoner, puis Kyuss, Fu Manchu, Orange Goblin, Sleep, Truckfighters et la liste continue…
– Cela fait maintenant quelques années que la STONER ROCK ARMY existe. Comment est née l’idée et surtout dans quel but ?
Il est important de savoir que la STONER ROCK ARMY existe depuis 15 ans et même un peu plus, car auparavant le groupe avait d’autres noms comme ‘Stoner Montréal’, ‘Stoner Rock Montréal’ et ‘Montréal Rock’, mais ces groupes Facebook que je tentais de créer ne fonctionnaient pas. Après un certain temps, j’ai décidé de tenter le coup une dernière fois, alors j’ai soudainement pensé à la ‘Kiss Army’. Eh oui ! Et je me suis dit pourquoi pas STONER ROCK ARMY ? Du coup, cela a fonctionné et les gens on commencé à participer de plus en plus et, à ma grande surprise, même les membres de groupes, ainsi que les labels s’y sont joints. Imagine mon excitation quand les héros que tu vénères te rejoignent. La STONER ROCK ARMY est simplement une page Facebook, qui nous permet de nous retrouver, de partager notre passion pour la musique, de permettre aux groupes de promouvoir leurs productions, ainsi que les labels. Et la maxime de la STONER ROCK ARMY est ‘We Are Family, In Music We Unite’ !
– Tu es très actif sur les réseaux sociaux où tu animes donc un groupe dédié, ainsi que sur Bandcamp. Quelle est la différence entre les deux ? Bandcamp fait presque penser à une collection, une sorte de discothèque virtuelle. C’est le cas ?
Bandcamp est effectivement une grande discothèque virtuelle. Pour les groupes, c’est la plateforme par excellence pour se faire connaître, selon moi, et elle est facile d’accès. Depuis longtemps, je clame haut et fort que Bandcamp est la place pour les groupes, car elle rapporte pour eux un peu d’argent pour leur permettre de nous livrer d’autres albums grâce à un effet pyramidal. L’un est donc un réseau social, tandis que l’autre fait office de discothèque.
– Tu es basé à Montréal au Québec, comment se porte la scène Stoner de ce côté du Canada ?
Oui, le quartier général de la STONER ROCK ARMY est effectivement à Montréal au Québec. La scène Stoner ici est de plus en plus forte, et j’en suis vraiment fier. Il y a beaucoup de bons groupes qui se forment et plusieurs sont même à mon avis du calibre des grands noms. Le talent est vraiment là et la passion aussi. Nous avons également de bons endroits où nous retrouver, mais j’aimerais y voir plus de groupes de l’extérieur. Parfois, et en de rares occasions, ils passent sans s’arrêter ici et c’est vraiment dommage, car ils seraient reçu en héro.
The General lors de la deuxième ‘Stoner Rock Army Night‘
– En plus de ta forte présence sur le Net, tu organises aussi les ‘Stoner Rock Army Night’, c’est-à-dire des concerts. L’idée est de promouvoir les groupes locaux, ou est-ce que tu fais aussi venir des groupes étrangers, américains, par exemple ?
Il y a eu trois concerts de la ‘Stoner Rock Army Night’ qui ont été de vrais succès. A chaque fois, l’endroit était plein à craquer. Mais pour être honnête, j’étais un bleu en ce qui concerne la promotion et l’organisation de concert, et c’est Fred, le chanteur du groupe Sons Of Arrakis de Montréal, qui m’a donné ma chance et m’a servi de professeur. Il s’est occupé de tous les aspects pour les deux premiers concerts. J’ai beaucoup appris et ensuite pour le troisième, c’est mon pote Frank du groupe Paradise (Montréal), qui a finalisé mon apprentissage. Le problème reste toujours l’aspect financier. J’aimerais de plus en plus être en mesure de pouvoir faire venir les groupes d’ailleurs, qui sont aussi très intéressés pour venir jouer, mais je dois procéder étape par étape. Mon rêve ultime serait un véritable ‘Stoner Rock Army Festival’ de deux à trois jours en extérieur et que des gens de tous les coins du globe y participent.
– Le Stoner en général a beaucoup évolué en assez peu de temps finalement. Quels sont les courants qui ont ta préférence, et comment juges-tu l’évolution du genre ?
Je crois fermement que le Stoner Rock est le nouveau Rock et la tendance est de plus en plus à la hausse. Pour ma part, j’adore le Space Stoner et l’Occult, si on peut les classer ainsi. Je me fais vieux, donc je suis de plus en plus calme dans mes choix musicaux. (Rires) Je crois encore une fois que le vent tourne au niveau Rock, et c’est peut-être dû au fait que le genre est plus facile à produire. En seulement une année, il est clair qu’il y a eu beaucoup plus d’albums de Stoner, toutes catégories confondues, qui on vu le jour comparativement au Rock, disons plus commercial.
The General avec le groupe américain Ruby The Hatchet
– Parmi les groupes émergents, quelles sont tes plus belles découvertes de cette année qui vient de s’achever ? Et à l’heure où tout le monde y va de son Top 10 notamment, quel est le tien ?
2023 a été une année complètement folle avec de très bon albums. A vrai dire, j’ai eu beaucoup de mal pour choisir mes albums préféré, ainsi que dans mes votes pour le ‘Doom Charts’, ce qui est rare. En général, je me décide assez rapidement. Je vois cela comme un bon signe, car plus la tache est ardue, plus la qualité des groupes et leur travail sont bons. C’est juste génial, non ? Mais certains albums se sont démarqués plus que d’autres. Le groupe Black Glow du Mexique notamment a gagné mon vote cette année, suivi de Nepaal, Child, The Spacelords, Tidal Wave, Westing, Occult Witches, Burn Ritual, Moon Coven, Acid King et j’en passe…
– Un dernier mot sur les labels, car il y a quelque chose de surprenant. De nombreux groupes Stoner, même établis, ne sont pas signés sur les grosses maisons de disques. Ça reste une musique de niche, selon toi ? Et, finalement, est-ce qu’un changement de ‘statut’ serait souhaitable pour le style en général ?
Bonne question. En fait, beaucoup de groupes se financent et font leur promotion eux-mêmes. Je sais que certains gros labels reçoivent beaucoup de demande dans l’année et ils doivent faire des choix et laisser parfois passer de bons albums. A ma grande surprise, certains groupes ne connaissent même pas les labels. J’en ai d’ailleurs dirigé quelques uns vers des maisons de disques. Alors, changer ? Pourquoi changer une formule gagnante ?
Diriger une maison de disques ne consiste pas seulement à sortir des albums, cela permet aussi de monter de beaux projets et, lorsqu’une collectivité artistique unie est à l’œuvre, cela offre aussi la possibilité d’avancer vers sur un dessein commun. Avec BURN ON THE BAYOU, une trentaine de ‘groupes maison’ s’est attelé à rendre un hommage hors-norme à Creedence Clearwater Revival de la plus heavy des manières qui soit. Masterisée par Kent Stump des légendaires Wo Fat, cette première compilation de Ripple Music est unique en son genre.
BURN ON THE BAYOU
« A Heavy Underground Tribute To Creedence Clearwater Revival »
(Ripple Music)
C’est en 2021 que Todd Severin a décidé de fonder le label Ripple Music avec John Rancik. Basé à San Reno en Californie, il est aujourd’hui une instruction dans les domaines du Stoner, du Doom, du Heavy Rock, du Fuzz, du Metal underground, du Psych et affiliés. Avec une portée internationale, son catalogue en impose et compte parmi les incontournables du genre. Jamais à court d’idées, le boss a proposé à plusieurs groupes de sa belle écurie de reprendre à leur compte un morceau du mythique Creedence Clearwater Revival et voici BURN ON THE BAYOU, un double-album aussi surprenant que passionnant.
Cependant, c’eût été trop simple et évident de rendre un hommage à un représentant phare du registre de Ripple Music, dont l’influence aurait pesé sur tout le monde (oui, on pense aux mêmes !). Non, il fallait créer la surprise et Creedence Clearwater Revival et son appartenance au Bayou se sont rapidement imposés. A noter au passage l’excellente reprise du classique « Born In The Bayou », datant de 1969 sur l’album « Bayou Country », par Hot Spring Water. La grande majorité des artistes ici sont de près ou de loin attachés à la brume et la boue des marécages et c’est donc avec beaucoup de naturel que ces 32 morceaux brillent d’un nouvel éclat.
S’ils ne sont, bien sûr, pas de la génération de John Fogerty et sa bande, la majorité des formations ici présentes étant pour l’essentiel américaines, elles ont toutes plus ou moins grandi au son des hits des gars de la baie de San Francisco depuis leur opus éponyme en 1968. Evidemment, BURN ON THE BAYOU n’élude aucune de ces pièces maîtresses de l’Histoire du Rock. On retrouve donc sans surprise, mais avec beaucoup de plaisir, « Fortunate Son », « Suzy Q », « Rumble Tamble », « Bad Moon Rising », « Sailor’s Lament », « Proud Mary », « Heart It Through The Grapevine », « Cotton Fields », « Lodi », « Midnight Is The Right Time » et quelques autres.
Ce qui est étonnant, et très agréable aussi, c’est de voir avec quel respect chaque groupe interprète les morceaux de Creedence Clearwater Revival, tout en restant dans son propre registre qu’il soit Stoner, Doom, Psych, … Sur le papier, certaines covers sont aux antipodes des originales et pourtant l’ensemble est exceptionnel, d’une grande justesse et surtout dans l’esprit des compositeurs. Enfin, sur la trentaine de combos, on retrouve Bone Church, Great Electric Quest, Kind, High Priestess, Kabbalah, La Chinga, Thunder Horse, Void Vator, War Cloud, Curse The Son, Cortez… Du beau monde et des habitués du site !
Résolument moderne, les références des Niçois ont pourtant surgi quelques décennies en arrière, tournées vers un Rock Alternatif aussi explosif que rugueux et aux accents Stoner très prononcés. DIRTY BLACK SUMMER ne s’interdit d’ailleurs pas quelques sonorités Metal, ce qui n’a rien de surprenant étant donné le pédigrée de ses musiciens. Après un EP il y a deux ans, ce premier album, « Gospel Of Your Sins », est très consistant, vivifiant et il passe véritablement la Baie des Anges à la sulfateuse.
DIRTY BLACK SUMMER
« Gospel Of Your Sins »
(Nova Lux Production)
Créé au coeur de la pandémie par des membres de groupes de Metal extrêmes comme une sorte de palliatif à cette triste époque, DIRTY BLACK SUMMER avait pourtant apporté beaucoup de fraîcheur avec son premier EP, « Great Deception », un six-titre aussi fougueux que mélodique et accrocheur. Les azuréens ne cachaient d’ailleurs pas leur désir de retrouver leurs premières sensations musicales, lesquelles se situent dans les années 90 et chez des groupes comme Soundgarden et Pearl Jam notamment. Mais leur vision est plus sombre et très actuelle ici.
S’il reste un petit côté Alternative Rock légèrement mainstream, DIRTY BLACK SUMMER a considérablement durci le ton et le style affiché sur « Gospel Of Your Sins » est clairement ‘blackened‘. La tonalité du chant est également plus agressive et directe, même si le travail sur les voix est toujours aussi conséquent. Le quintet a mûri son registre et l’énergie déployée est franchement électrique. Le combo sort les crocs et les riffs très massifs et Stoner apportent une densité très solide aux dix titres. Le registre est aussi nettement plus personnel et les compositions plus percutantes.
Racé et tendu, ce premier opus est très organique dans le son et profondément humain dans les textes. DIRTY BLACK SUMMER explore nos failles et même si l’atmosphère est plus obscure, c’est une sorte de libération à laquelle il se livre. Le duo de guitaristes fait des merveilles et redouble de puissance, tandis que la rythmique martèle avec fermeté sur le chant acéré d’un Michael Khettabi très en verve et combatif (« All Saints », « Toxik Boy », « At The Devil’s Night », « Spit On My Grave », « Nothingness » et le morceau-titre). Monumental !
Le malheureux timing subi par l’excellent « Sisyphus » il y a deux ans est loin d’avoir refroidi 7 WEEKS. Bien au contraire, le trio fait de nouveau sensation avec « Fade Into Blurred Lines », un album certes moins solaire que le précédent, mais qui livre une vérité musicale comme on n’en voit peu. Le Heavy Rock teinté de Stoner et un brin Grunge des Français dévoile beaucoup de fragilité dans un sens, mais elle vient renforcer une puissance émotionnelle sincère et intense, qui se fond dans des sonorités Blues très personnelles. Julien Bernard, chanteur et bassiste, revient sur le récent parcours du groupe et l’élaboration de ce sixième opus. Entretien.
Photo : Marie d’Emm
– Il y a trois ans vous commenciez la série « Sisyphus » avec un très bon album, suivi de l’EP « What’s Next ? » l’année suivante. Avec le recul, qu’en retiens-tu ? La période a été pénible et malgré tout, 7 WEEKS sort deux très belles productions…
Ca a été une période très productive, on a compensé le fait de ne pouvoir jouer l’album sur scène par des projets annexes, c’est-à-dire l’EP, des sessions live acoustiques, des livestreams, etc… On ne pouvait pas tout laisser s’arrêter, on a tenu bon et notre structuration en label indépendant autogéré nous a permis de faire ça, là où tout le monde était en ‘sommeil’. Si on avait été sur un autre label, ou une major, jamais on aurait pu le faire. Ca montre aussi qu’en cas de crise, les petits arrivent à survivre là où les grosses productions s’arrêtent. Le problème est quand ça repart, les ‘gros’ trustent tout ! (Sourires)
– Est-ce qu’après la pandémie, vous avez pu reprendre le chemin des concerts normalement et enfin défendre votre album dans les meilleures conditions ?
Oui, on a réattaqué les dates dès juillet 2021 et on a fait une belle tournée sur l’automne, puis une nouvelle série de concerts jusqu’à l’été 2022, avant de s’attaquer au nouvel album.
Photo : Jérémie Noël
– Vous revenez aujourd’hui avec « Fade Into Blurred Lines » sur lequel vous vous affirmez encore plus. Quand avez-vous commencé sa composition, car on le sent très spontané ?
Les premières idées datent de début 2021, mais le travail réel sur l’album s’est fait à partir de janvier 2022. Puis à la fin août, notre clavier a décidé de ne pas repartir sur un nouvel album. On s’est donc retrouvé à trois et nous avons tout repensé et composé dans cette dynamique de trio. C’est effectivement assez spontané dans le sens où on a voulu faire ça de manière très organique, très live.
– Malgré la puissance qu’il dégage, ce nouvel album a aussi un côté encore plus personnel et aussi très intimiste. Comment combinez-vous ces deux aspects, car on vous sent aussi très libérés dans le jeu ? Et il y a l’importance accordée aux textes également…
Exactement, pour la première fois, j’ai pu déléguer la guitare, que je faisais jusque-là sur quasiment tous les albums. J’ai donc vraiment pu me concentrer sur l’écriture dans sa globalité avec mes instruments de prédilection, à savoir le chant et la basse. J’ai travaillé les textes avec une amie anglaise (Katy du groupe Lizzard) et on a été assez loin. On a pris le temps de comprendre ce que je voulais exprimer et trouver la bonne formulation, celle qui sonnerait le mieux avec la musique. Les textes sont écrits de manière à vraiment se livrer en les chantant, d’où le côté intimiste sur des morceaux comme « Mute » ou « Shimmering Blue ». De manière générale, chacun a pu se concentrer sur son instrument et sur la manière d’exprimer au mieux l’état d’esprit ou l’émotion du morceau. Et le fait de se retrouver à trois pour bosser en profondeur sur les titres a permis une musicalité qui est très expressive.
Photo : Romain Mouneix
– Pour « Fade Into Blurred Lines », vous avez enregistré l’album en condition live, ce qui lui confère un son très organique, et d’ailleurs la sincérité et l’authenticité qui s’en dégagent sont éclatantes. En quoi cela était-il important pour vous, car la production et les arrangements sont également très soignés ?
On tenait à capturer des prises live très brutes dans le jeu et le feeling pour ensuite ajouter les arrangements, sans se soucier de savoir si on pourrait les jouer sur scène. Si les prises brutes fonctionnent, les arrangements ne sont que la cerise sur le gâteau et non un cache-misère.
– Votre Heavy Rock est toujours teinté de Stoner, légèrement de Grunge et cette fois, il y a également des éléments bluesy qui viennent se greffer. Ca va dans le sens et dans le propos général de l’album ? Ou est-ce juste une volonté artistique et sonore ?
Il me semble qu’on a toujours eu cette fibre Blues, dès « Carnivora » en 2013 sur un morceau comme « Shadow Rider », par exemple. Peut-être était-elle moins ressentie, car la production des disques qui était moins organique. Cette influence-là est logique vu la musique que l’on fait. Mais c’est vrai que cet album s’y prête beaucoup. Le Blues est une forme d’expression, c’est chanter et jouer ce qu’on ressent ou ce qu’on vit de manière très crue. En ce sens-là, nous faisons du Blues sur ce disque. Simplement, nous ne sommes pas du Mississipi ou de Chicago. La forme est différente, mais pas le fond.
Photo : Jérémie Noël
– J’aimerais que tu nous dises un mot sur cette très belle pochette, ce qui est d’ailleurs une habitude chez vous. Quelle est ton interprétation de cette statue étonnante et très expressive de Don Quichotte ? Elle est d’ailleurs présente dans le clip de « Gorgo ». Et de qui est-elle l’œuvre ?
Nous avons effectivement la chance de travailler avec Gilles Estines, qui est un ami et qui fait quasiment tous nos visuels. Il nous sort toujours des choses magnifiques. Pour cet album, on lui avait donné plusieurs pistes, dont celle d’un Don Quichotte, qui en en rapport avec le morceau « Windmills ». Après plusieurs propositions, il nous a semblé que ce visuel très fort conviendrait parfaitement au sentiment général du disque et à son titre. Pour le titre « Gorgo », on a eu cette idée de créer la statue en vrai pour la filmer dans le sable pour mieux coller au texte. Puis, on a demandé à une connaissance, Loïc Delage de Hom’ort, de s’inspirer de la pochette et il a crée ce personnage. C’est un sculpteur sur métal très doué. On adore sa statue et elle trône dorénavant dans mon jardin !
– Depuis vos débuts, vous avez produit six albums et deux EP via votre label F2M Planet, et vous gérez également vous-mêmes vos tournées. On comprend facilement votre désir d’indépendance et de liberté, mais est-ce que ce n’est pas trop contraignant dans la mesure où cela pourrait empiéter sur la création musicale ?
Ca empiète surtout sur nos vies personnelles ! (Sourires) C’est une somme de travail considérable, mais ça nous permet de faire les choses comme on l’entend. On respecte les gens qui font ça et on est respecté aussi pour ça. On ne lâche rien et on est honnête dans notre démarche.
– La sortie de « Fade Into Blurred Lines » correspond au démarrage de la première partie de votre tournée. C’est important de le livrer en live, tant qu’il est encore ‘chaud’ ?
Oui, on a hâte de rejouer. Le premier concert était un vrai soulagement après tous ces mois de travail et d’attente. Le trio fonctionne très bien en live et les nouveaux morceaux sont super à jouer.
Le nouvel album de 7 WEEKS, « Fade Into Blurred Lines » est disponible chez F2M Planet.
Retrouvez la chronique du précédent EP du groupe :
FIRE DOWN BELOW a tellement bien intégré et assimilé les codes, les sensations, l’intention, le son et les vibrations inhérents et propres au Stoner Rock qu’il en vient à l’incarner pleinement et à lui donner une vision moderne, tout en respectant la tradition instaurée par ses aînés. Produit par Nick DiSalvo (frontman d’Elder et Delving), « Low Desert Surf Club » propulse le quatuor vers des sommets et se pose déjà comme l’un des meilleurs albums du genre de l’année. Incontournable !
FIRE DOWN BELOW
« Low Desert Surf Club »
(Ripple Music)
Depuis 2015 et « Viper Vixen Goddess Saint », l’ascension des Belges n’a pas cessé et leur Stoner Rock a très largement franchi les frontières du plat pays. Immédiatement repéré par le label américain Ripple Music, qui s’est empressé de rééditer son premier effort, FIRE DOWN BELOW est aujourd’hui un combo sur lequel il faut compter. Après « Hymn Of The Cosmic Man » trois ans plus tard, c’est « Low Desert Surf Club » qui vient mettre en joie les platines dans un registre aussi fun que fuzz.
Pourtant composé pendant la pandémie, ce troisième album est gorgé de soleil et contient exactement tous les ingrédients qui font que le Stoner peut être parfois tellement ‘feel good’. Et à ce niveau de qualité, on parle d’un concentré de bien-être absolu. Il suffit juste d’imaginer un road-trip ultra-festif sur une plage ou dans le désert de Californie, puis écouter « Low Desert Surf Club » très fort. Aux premières notes de « Cocaine Hippo », l’ambiance est posée et FIRE DOWN BELOW donne la charge.
Véloces sur « California », tripants et polyvalents sur « Hear Comes The Flood » et « Airwolf », les Flamands se baladent avec précision et puissance. L’incroyable rythmique bastonne sur un groove hypnotique, la voix brûlante de Jeroen Van Troyen enveloppe les titres avec une habileté imparable et les deux guitares rayonnent de concert (« Dune Buggy », « The Last Cowboy », « Surf Queen »). Enfin, FIRE DOWN BELOW se livre avec éclat sur « Mantra » et ses 16 minutes entre Psych et chaleur bluesy. Une masterclass !
Intense et dévastateur, ce premier opus de MASHEENA est une réussite totale. Le savant mélange d’un Stoner solaire et d’un Hard Rock Old School donne à « West Coast Hard Rock » une couleur singulière. Dynamique et efficace, cette entrée en matière de ces quatre musiciens chevronnés se veut aussi accessible que précise et pointue. D’une grande fraîcheur, le style du combo est rassembleur et réjouissant.
MASHEENA
« West Coast Hard Rock »
(Majestic Mountain Records/Electric Talon Records)
La ville de Bergen en Norvège vient encore d’accoucher d’un groupe hors-norme, qui prend racine dans des influences en provenance directe de l’héritage laissé par Black Sabbath et Kiss sur qui on aurait greffé Clutch, Monster Magnet et Kadavar. Né dans l’esprit de membres d’Abbath, Immortal et Lost In Last et supervisé par le producteur et batteur d’Enslaved, Iver Sandøy, MASHEENA est un concentré de force et de mélodie, où le Stoner Rock télescope brillamment le Hard Rock.
L’objectif premier du quatuor était de se faire plaisir et d’écrire des morceaux célébrant le Hard Rock des 70’s avec toute la lumière possible, tout en y ajoutant une épaisseur Stoner musclée légèrement vintage. Et en sollicitant la légende Gene Freeman pour la production de « West Coast Hard Rock », MASHEENA a mis tous les atouts de son côté pour livrer un album qui fera date. Addictif dès le premier titre, « 1979 », les Scandinaves ne lèvent pas le pied et captivent jusqu’à « Where Are You Now ».
Il émane beaucoup de joie et de plaisir de « West Coast Hard Rock », comme si les musiciens proposaient une sorte de grande fête en forme de récréation, mais savamment orchestrée. Car si MASHEENA semble réellement s’amuser, les quatre Norvégiens n’en présentent pas moins un disque très abouti que leur talent respectif rend tellement fédérateur (« Under The Same Sun », « Looks Like A Man », « 5 Seconds », « Brings Me Down »). Une belle et grosse claque pleine de bonne humeur !
Sauf incident majeur, MOON COVEN est en passe de s’installer dans la durée avec cette nouvelle galette, tant son style, sa technique et sa créativité sont à leur zénith. Sur une base Psych et Fuzz, le Stoner Rock asséné sur « Sun King » est d’une maturité absolue et d’une belle diversité. Effet bulldozer garanti !
MOON COVEN
« Sun King »
(Ripple Music)
Au printemps 2021, « Slumber Wood » avait tout balayé sur son passage et l’arrivée du groupe chez Ripple Music ne pouvait se faire de manière plus fracassante. Alors plongés dans un Stoner Doom très brumeux et massif, les Suédois avaient livré une copie parfaite après moins de dix d’existence. Mais MOON COVEN aime débarquer là où on ne l’attend pas. Et « Sun King » en est la preuve éclatante.
Le quatuor renoue avec les fondamentaux du Stoner Rock en gardant bien sûr un côté Heavy et très Fuzz. Et si l’on perçoit quelques riffs et rythmiques Doom, « Sun King » est bien plus lumineux que son prédécesseur. MOON COVEN n’a rien perdu non plus de son aspect obscur et occulte, mais il est beaucoup plus canalisé et distillé dans un registre plus aéré et beaucoup plus dynamique. Le combo n’a pas levé le pied !
Enregistré et mixé par David Regn Leban, guitariste et chanteur de la formation, ce quatrième opus se révèle aussi solide et Psych que ce à quoi nous ont habitué les Scandinaves. Compacts et aussi plus variés, les morceaux de « Sun King » ont un côté obsédant, qui les rend particulièrement puissants (« Wicked Words In Gold They Wrote », « The Yawning Wild », « The Last Color » et le morceau-titre. MOON COVEN est inarrêtable !
Ca sent la poussière et le mezcal sur ce premier album de LOS ESTUCHES. Ce sont ‘des cas’, ça ne fait aucun doute, mais derrière cette apparence indolente provoquée par un chanteur qui semble volontairement se laisse aller, se cache un groupe distillant un Psych Rock très Stoner et Desert Rock avec ardeur et dans des atmosphères arides, planantes dont les refrains restent gravés.
LOS ESTUCHES
« High On Veggies »
(Independant)
C’est à Monterrey au Mexique que Feli Amparano (guitare, chant) et Uri Wapinski (chant, basse, claviers) ont monté il y a trois ans LOS ESTUCHES. Pour le moins éclectique, le duo avait en tête un savoureux mélange musical à base de Space Rock et de Stoner où des sonorités Surf, Garage et Pop viennent se greffer. Et c’est précisément ce que l’on retrouve sur « High On Veggies », dont la variété des chansons surprend au fil du disque.
Pour ce premier effort, LOS ESTUCHES a enregistré les renforts de Cesar Sanmiguel (basse, batterie, chœurs) et de Roberto Cantu (lead guitare). Voilà donc le combo mexicain bien armé pour livrer huit morceaux gorgés de Psych et de soleil. Avec deux membres de Red Rooster Original dans ses rangs, le quatuor possède de beaux atouts et son univers est varié et pour le moins obsédant.
Chanté en espagnol et avec beaucoup de d’humour, les chansons de LOS ESTUCHES paraissent souvent lancinantes et même nonchalantes, mais la dynamique qui les anime rend bien service aux mélodies, qui deviennent vite, par ce côté très ‘cool’, entêtantes (« High On Veggies », « La Vi (De Nuevo) », « Clavado », « Las Cosas », « Ya Pasará »). On est vite enivré par cette ambiance chaleureuse et entraînante.