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International Metal Progressif Symphonic Metal

Ignea : entre colère et douleur [Interview]

Parler des groupes ukrainiens est plus que jamais une question de soutien à un peuple et à ses artistes. C’est donc tout naturellement que Rock’n Force donne aujourd’hui la parole à IGNEA, groupe de Metal Symphonique et Progressif, basé à Kiev. Signé il y a quelques mois chez Napalm Records, les musiciens étaient en plein enregistrement de leur premier album sur une major, lorsque le conflit a éclaté. Entretien avec Helle Bohdanova, chanteuse du quintet, sur les récents événements qui ont bouleversé leur projet, mais surtout fait entrer la douleur dans leur vie au quotidien.

Photo : Darina Momot

– Avant toute chose, comment allez-vous ? Et sans donner de précisions, êtes-vous toujours à Kiev et surtout est-ce que vous êtes tous sains et saufs ?

Tous les membres du groupe IGNEA vont bien, compte tenu des circonstances. Oui, nous restons tous à Kiev. Il est difficile de dire que nous sommes en sécurité, car il n’y a pas d’endroit sûrs en Ukraine, tant que la guerre continue.

– Avant de revenir sur ces tragiques événements qui secouent votre pays, j’aimerais aussi que l’on parle du groupe. Depuis ces cinq dernières années, vous avez sorti deux albums et un split EP plus récemment. Comment avez-vous démarré et de quelle manière avez-vous mené IGNEA jusqu’à présent ?

Le groupe a été fondé par notre claviériste et compositeur Yevhenii. L’histoire du groupe a commencé en 2013 avec notre premier EP « Sputnik ». Cependant, au cours de toutes ces années, nous avons été confrontés à de nombreux défis, qui nous ont empêchés d’être actifs tout le temps. Nous avons eu des partenaires commerciaux indignes, puis la pandémie et aujourd’hui la guerre. Cela fait beaucoup de bouleversements et d’aléas malheureux. Mais, pendant ce temps, nous avons agrandi notre base fans dans le monde entier, et nous les en remercions chaque jour.

– Justement, le fruit de tout ce travail a été récompensé avec la signature il y a quelques mois chez Napalm Records. Dans quelles circonstances cela s’est-il passé et j’imagine que c’est aussi une belle récompense pour vous ?

Je dis toujours qu’un contrat avec un label doit être bénéfique pour tout le monde. Je pense que nos progrès en tant que groupe ont attiré Napalm Records à nous, et notre désir de changer de label a favorisé les choses. Dans les faits, ils nous ont contactés, nous avons travaillé sur les conditions d’un contrat, nous avons trouvé un accord et nous voici donc chez eux. Cependant, notre collaboration démarrera véritablement au prochain album.

Photo : Veronika Gusieva

– Alors que vous étiez en plein enregistrement, la guerre vous a stoppé net dans votre élan. Où en étiez-vous sur l’album et comment cela se passait-il en studio jusqu’à présent ? Vous aviez bien avancé malgré tout ?

Nous avons réussi à enregistrer toutes les parties de guitare et de basse, quelques arrangements orchestraux et de synthé et la moitié des voix. Cependant, il reste encore beaucoup à faire, et c’est assez compliqué avec les sirènes d’alerte de raids aériens, qui ont lieu chaque jour dans la ville. Mais nous essayons maintenant de faire tout notre possible pour au moins terminer l’enregistrement.

– D’ailleurs, peut-on avoir quelques informations sur l’album ? Quel sera son titre, par exemple ? Et qui le produit ?

Je ne peux encore divulguer aucun détail autre que le fait qu’il est produit par Max Morton, qui a façonné le son de toutes nos réalisations jusqu’à présent.

– J’imagine que l’enregistrement ne va pas pouvoir reprendre avant un moment. A ce sujet, le studio est-il intact et avez-vous pensé à poursuivre l’album ailleurs à l’étranger ?

Il faut savoir que cette guerre à grande échelle en Ukraine inclut une mobilisation générale. Tous les hommes de 18 à 60 ans ne sont pas autorisés à quitter le pays, tant que la guerre n’est pas terminée. Même si nous voulions partir à l’étranger en tant qu’artistes, ce n’est pas possible. Et, en dehors du travail du groupe, nous avons fait du bénévolat et aidé comme nous le pouvions pour combattre l’agresseur ici, à Kiev. Notre producteur reste également dans la ville. Donc, il n’y a aucune raison et aucun moyen pour nous de quitter le pays. Nous essaierons donc de terminer l’enregistrement à Kiev.

– Même si vos morceaux sont achevés au niveau de l’écriture, pensez-vous qu’à la reprise, la guerre puisse les faire évoluer en raison de probables sentiments endurcis et d’une colère légitime ?

Les chansons ont été achevées avant le début de la guerre, et c’est un concept-album qui n’a rien à voir avec la guerre. Par conséquent, nous ne changerons rien au niveau des compositions. Peut-être que ce sera plus facile pour moi d’enregistrer les growls, parce que je pourrais y mettre toute ma colère et ma douleur. Cependant, je dois avouer que ces événements nous ont changés en tant que personnes pour toujours. Notre musique dans le futur sera différente, c’est certain. Si nous survivons.

Photo : Veronika Gusieva

– Un petit mot sur « Bestia », qui est un split EP-concept que vous avez sorti avec le groupe Ersedu en octobre dernier. D’où est venue l’idée de ce concept et du choix de vos deux morceaux ? Et puis, il y a ce titre symphonique de 15 minutes également…

Cet EP est le résultat d’une amitié de dix ans avec ERSEDU (groupe de Metal ukrainien originaire d’Odessa) Nous étions chez eux au milieu de la pandémie et avons décidé de faire quelque chose ensemble. Ils avaient l’instrumental d’une chanson, j’ai écrit les paroles et c’est devenu « Mermaids ». Ensuite, le concept du disque est né et chacun a contribué à hauteur de deux chansons de son côté. Et enfin, parce que tous les titres ont une grande teneur symphonique, nous avons également décidé de faire un mix à partir des arrangements orchestraux utilisés dans ces morceaux.

– A l’heure actuelle, votre nouvel album aurait du être enregistré et vous deviez aussi être en tournée. Comment vivez-vous tout ça, et quand et comment imaginez-vous votre retour sur scène et plus globalement à la musique ?

C’est une question très difficile pour nous. Mis à part tous les événements horribles qui se produisent dans notre pays, il est très douloureux de voir d’autres groupes tourner et sortir de la musique pendant que notre carrière est suspendue et tout cela après deux ans de pandémie. Nous avons encore le temps de terminer l’enregistrement de l’album avant la date limite, mais vous devez comprendre que nous ne sommes pas en mesure de faire de photos promotionnelles, ni de filmer de vidéos ou de proposer autre chose. Beaucoup de gens ont quitté le pays et beaucoup ont perdu leur maison. Nos villes sont encore bombardées chaque jour. Et quand on va dormir, on ne sait pas si on se réveillera. Et tout cela malgré le fait qu’en ce moment, Kiev n’est pas encerclée par les troupes russes. Nous ne savons pas quand tout cela s’arrêtera et quand nous pourrons reprendre complètement les activités du groupe. Tout ce que nous pouvons faire, c’est croire en nos forces armées et les aider autant que nous le pouvons.

– Enfin, quand cette guerre sera terminée, et souhaitons-le le plus vite possible, comment voyez-vous le futur d’IGNEA ? Une reprise dans des conditions normales ne sera pas tout de suite possible…

Mentalement, nous pensons que nous ne nous en remettrons jamais. Parce que nous aurons toujours une trace de cette guerre dans notre âme et notre esprit. Mais nous voulons vraiment continuer et réaliser nos rêves de sortir de nouvelles musiques et de faire des tournées. L’une des choses que cette guerre nous a apprises est de ne rien remettre au lendemain, car il peut ne pas y en avoir. Une fois la guerre terminée, nous continuerons notre chemin musical, tout en restaurant nos villes après les destructions massives causées par les Russes.

Un grand merci à Helle, à qui je renouvelle bien sûr tout mon soutien, ainsi qu’à l’ensemble du groupe, et à Mike de Coene de Hard Life Promotion pour la mise en contact.

L’interview a été réalisée le 7 avril dernier.

Vous pouvez aider le groupe en vous procurant le split Ep sur son Bandcamp: https://ignea.bandcamp.com/album/bestia

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France Groove Metal Post-Metal

Stengah : entre deux turbulences [Interview]

A force d’un travail acharné, les Lillois se présentent avec un album incroyable de créativité et osent à peu près tout à travers un registre où viennent s’entrechoquer des ambiances et des fulgurances étonnantes. STENGAH, en reprenant le titre d’un classique de Meshuggah comme nom, vise très haut et « Soma Sema » laisse entre voir le meilleur pour le quintet. Entretien avec Eliott Williame, batteur et compositeur du groupe.

Photo : Earlawakes

– STENGAH est un nouveau venu sur la scène Metal française et dès votre premier album, vous mettez tout le monde d’accord en affichant une puissance phénoménale. Avant de parler de « Soma Sema », pouvez-vous revenir sur votre parcours, ainsi que sur votre signature chez Mascot Records pour vos débuts ? 

Merci pour ce retour ! On a débuté le projet en 2013 en cherchant un line up stable et cohérent pour prendre le temps aussi de définir une identité précise et personnelle. C’est vraiment en 2016 que le groupe a commencé à exister avec les premiers concerts et la démo « Mechanic of the Sphere », sortie en avril la même année. En 2017, nous avons été sélectionnés et avons remporté le ‘Metal Battle France’, qui nous a envoyé jouer au ‘Wacken Open Air’, ce qui a été un gros tremplin pour nous faire repérer et gagner en visibilité. Ça nous a ouvert pas mal de portes, et de plus en plus de monde a commencé à s’intéresser à STENGAH. On a été très encouragé et très soutenu pendant la création de l’album jusqu’à tomber dans l’oreille d’un certain Richard Gamba, aujourd’hui notre manager et ami. Il nous a appris des milliers de choses et nous a accompagnés dans un premier temps pour sortir « Soma Sema » sur un label. Ce qui a fait la différence avec Mascot Records, c’est qu’ils se fichent un peu de savoir si le groupe est déjà connu, ou seulement émergent. Ce qui les intéresse avant tout, c’est la proposition artistique et le potentiel qui va avec. Ils y vont un peu au coup de cœur, et c’est pour ça qu’ils nous ont signé à l’époque. Honnêtement, c’est une des plus belles reconnaissances qu’on ait pu avoir sur ce disque. 

– Entre Groove et post-Metal, votre style est aussi créatif que technique, ce qui rend votre album saisissant à tout point de vue. Vous jouez aussi sur les atmosphères avec un côté très progressif. STENGAH est un concentré de beaucoup de choses. Comment canalisez-vous toute cette énergie ?

Il y a un jeu de nuance que je retrouve principalement dans le Rock Progressif et le Jazz, où chaque moment va être impactant parce qu’il vient contrebalancer des couleurs musicales différentes. Ici, on joue sur le même plan, c’est-à-dire qu’un passage doux dans un morceau va renforcer énormément le suivant qui sera beaucoup plus agressif, ou inversement. Quelque chose de très sombre et très compacté va être mis en avant, parce qu’il va entrer en collision avec quelque chose de très lumineux et ouvert. Même si ça ne dure pas longtemps, ça suffit à ce que tout dans un morceau soit mis en valeur. Il y a des morceaux qui nous laissent, le public et nous-mêmes, totalement à bout de souffle. Et ça marche parce qu’il y a un temps de respiration avant ou après. Le défi évidemment est d’arriver à rendre tout ça très cohérent. Là, il faut y aller au feeling, tester, prendre des risques et se sentir satisfait quand ça fonctionne. 

– « Soma Sema » fait vraiment penser à un voyage musical aussi chaotique que précis et très structuré. Quel est le point de départ de vos compositions ? Vous partez d’un thème mélodique, ou vous vous laissez guider par le texte ?

En général, il y a un thème qui me vient en tête, que je n’arrive pas forcément à identifier et qui me prend par surprise, puis en vient un autre, etc… Je dis souvent qu’il y a un côté accidentel. Je me laisse moi-même surprendre par la composition, ce qui demande beaucoup de concentration pour arriver mentalement à tout assembler comme un puzzle, en recherchant les bonnes transitions et le meilleur équilibre. Le texte peut arriver avant, pendant ou après. Il est un peu composé comme une guitare ou une batterie en attendant d’être restitué par le chant. Cette idée de voyage, de chaos et de structure, c’est tout à fait ça. Les trois cohabitent en permanence et forment un tout très personnel, et en même temps très ouvert et très contemplatif. 

– Ce qui surprend aussi sur l’album, c’est l’approche presque animale des morceaux et leur aspect très moderne. C’est sur cette dualité que se basent le style et la démarche de STENGAH pour l’essentiel ?

Oui, je dirais que ça vient de la somme de nombreuses influences musicales et même d’autres formes d’arts, comme la peinture ou plus récemment la danse. Quand on ressent le mouvement de l’artiste dans sa production, je trouve ça saisissant.  De même, il est très important pour moi de ressentir le musicien derrière son instrument dans la musique de STENGAH. C’est une manière de raconter quelque chose de sincère, qui prend aux tripes dès qu’on se laisse embarquer. 

Photo : Earlawakes

– Vous avez également un côté très avant-gardiste, malgré des riffs très Metal et tendus. A l’écoute de « Soma Sema », on a presque le sentiment que le Métal ne vous suffit pas et qu’il vous faut franchir d’autres caps. C’est le cas ? 

A l’époque où le groupe s’est fondé, il était question de monter un ‘groupe de musique’,  sans vraiment parler de Metal ou autre. J’aime préciser que le style Metal s’est imposé de lui-même à travers la composition et à mesure que le line-up s’est créé, notamment avec l’arrivée du chanteur qui est capable d’aller très loin en termes d’intensité musicale. Aujourd’hui, et je pense que c’est la grande force de STENGAH, on a un style musical très ouvert, qui va pouvoir se permettre d’emprunter à tous les genres musicaux. C’est une musique qui transpirera toujours notre amour pour le Metal sous toutes ses formes, mais qui a le potentiel d’évoluer constamment et de surprendre tout en restant cohérente. 

– J’aimerais qu’on parle de la production et du mix qui présentent un parfait équilibre entre les deux guitares, la rythmique et le chant. Dans quelles conditions et avec qui avez-vous travaillé ? Et est-ce que le résultat est à l’image de ce que vous aviez en tête au départ ?

Je pense que ce qui donne cette sensation d’équilibre, c’est que nous nous sommes acharnés à donner un aspect ‘Live’ aux enregistrements studios. À la batterie, je ne cherche pas à coller absolument au clic. Le métronome est plus là en guise de repère. Je considère la basse comme une extension de la batterie, et vice versa. Donc même chose, dans quasiment tous les passages de l’album on joue seulement à deux, et non pas à trois avec le clic. On a bossé avec Thomas Jankowski au Sound Up Studio à Tourcoing, qui est aussi notre ingé-son live. L’avantage est que Thomas est lui-même batteur, ce qui lui permet de comprendre facilement cette approche rythmique un peu hors du temps et des mesures. Autre exemple, j’ai parfois fait refaire les parties de guitares, car elles étaient trop précises avec le tempo, ce qui donnait un aspect mécanique à certains riffs parmi les plus techniques. 

– Vocalement, il y a aussi beaucoup de changements de tons et de tessitures. Comment adaptez-vous la voix à la ligne musicale ? Elle-t-elle le lead sur les morceaux ?

Pour le chant, on a enregistré au studio d’Alex Orta, qui est plus tard devenu guitariste au sein du groupe. À l’époque, nous avons enfermé Nicolas dans un tout petit espace, comme s’il se retrouvait lui-même piégé dans la thématique de l’album (qui parle d’un esprit piégé dans son propre corps). Je te rassure, on a pris soin de lui quand même ! Mais l’idée a été pour lui de s’immerger totalement dans les textes et la musique, et de mon côté, je lui racontais des paysages entiers, des rêves, avec des couleurs et des sensations. En quelque sorte, on a un peu joué avec le principe de synesthésie… Finalement, Nico s’est approprié tout ça et en a fait sa propre interprétation. C’est vraiment là que la voix s’est parfaitement intégrée dans la musique, à travers quelque chose à la fois d’écrit et de spontané. Ça nous a permis d’aller explorer tout un tas d’émotions qui sont parfaitement retranscrites dans son chant, et donc avec tout un tas de sonorités parfois même inattendues. On l’entend essoufflé dans « Swoon » ou à bout de souffle à la fin de « Blank Masses Inheritance », et ce n’est pas du bluff. C’est le fruit d’un engagement corporel et mental énorme de la part de tous à l’intérieur de cette musique. 

– Enfin, un petit mot sur la scène, car avec la qualité des groupes français actuels, on peut imaginer de très beaux plateaux. Avec quelles formations seriez-vous ravis de partager l’affiche?

Il y a tellement de groupes… J’ai envie de dire à peu près tout le monde, même dans des styles un peu différents, on est toujours très ouverts quelque soit la nature du groupe. Si on reste en France, je dirais Igorrr, Hangman’s Chair, Gorod, Benighted ou même Gojira… des projets déjà bien connus, mais c’est vrai qu’il y a un paquet de belles découvertes à faire en France ou chez nos voisins en Europe. Et depuis qu’on a repris les concerts, c’est intéressant de découvrir comment tous ces groupes ont évolué durant les deux ans de stand-by général. J’ai envie de citer Oddism ou The Lumberjack Feedback qui sont de chez nous, ou Huntsmen (US) et Loathe (UK). Nous allons prochainement retrouver un groupe de Rock Prog semi-acoustique à Bordeaux, qui s’appelle Qlay, avec qui nous partageront une date là-bas le 14 Novembre 2022. On va mélanger les genres, et ça va être énorme. On serait encore ‘hors Metal’, mais mon plus grand rêve serait de partager un jour la scène avec le groupe français légendaire Magma, mené par Christian Vander. 

« Soma Sema », l’album de STENGAH, est disponible depuis le 18 mars chez Mascot Records.

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Heavy metal Speed Metal

Wasted : les fantômes du Metal

En bons sénateurs, les membres de WASTED livrent leur quatrième album en quatre décennies. Toujours aussi racé et affichant une énergie brute, le quintet danois œuvre dans un Heavy metal assez Old School, d’où émanent quelques parties très musclées bien Speed Metal et presque Thrash. Entre deux fantômes, « The Haunted House » ouvre ses portes…

WASTED

« The Haunted House »

(Denomination Records)

WASTED est sans nul doute un groupe d’intermittents du spectacle… au sens premier du terme. Fondé au début des années 80, les Danois comptent plusieurs périodes d’activités. De 1981 à 1985 tout d’abord, puis un retour ponctuel en 1987 et finalement, le quintet montre une certaine constance depuis 2013. Et après 41 ans de carrière tout de même, un quatrième voit le jour et la fougue est intacte !

Vétéran de la scène danoise, c’est donc assez naturellement que WASTED évolue dans un registre Heavy Metal Old School, mais sans l’être pourtant vraiment. Sur des bases 80’s et 90’s, le combo a réussi à rendre sa production et surtout ses compositions très actuelles. Robuste et massif, le combo fait preuve d’une vigueur inchangée et un goût du riff insatiable et ferme.

WASTED nous laisse donc les clefs de « The Haunted House » avec son atmosphère pour le moins sombre. Entraînant et fédérateur, le groupe ne se contente pas d’envoyer la sauce, il expérimente judicieusement quelques pistes audacieuses (« Mr Black », « Coffin Maker », « Resurrection »). De solos hyper Heavy en rythmiques racées, le quintet fait le job, de bien belle manière, et espérons que ce quatrième opus soit celui d’un retour définitif.  

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Extrême Groove Metal Progressif Thrash Metal

Meshuggah : insubmersible et tentaculaire

Grand artisan du Thrash Metal, MESHUGGAH poursuit sa route en évoluant avec une régularité et une créativité inamovibles. Le Metal extrême des Suédois traverse aujourd’hui le Groove, le Djent, l’Atmospheric et le Progressif avec une touche et une technique rarement atteintes par d’autres. « Immutable » terrasse, sur plus d’heure, tout sur son passage avec une intensité monstrueuse. Fascinant de puissance et de précision.

MESHUGGAH

« Immutable »

(Atomic Fire Records)

Depuis sa création en 1987 et son premier album en 1991 (« Contradictions Collapse ») : MESHUGGAH, c’est 35 ans de rage, de férocité et d’une technicité jamais rassasiées. Fidèles au poste, Jens Kidman (chant), Fredrik Thordendal (guiatre) et Tomas Haake (batterie), tous fondateurs du combo, continuent de repousser les limites de leur style et « Immutable » s’inscrit parmi les meilleures réalisations des Suédois.

Si le Thrash Metal originel du groupe reste identifiable, il faut bien avouer que MESHUGGAH a su traverser les époques, assimiler les courants et se les approprier avec un feeling et une puissance de feu phénoménales. Sans bouleverser ses habitudes, les Scandinaves présentent des morceaux massifs et hypnotiques, passant en revue tout ce que le Metal compte d’extrême à l’heure actuelle.

Les guitares, véritable marque de fabrique du groupe, avancent façon rouleau-compresseur sur des riffs colossaux où les huit cordes, accordées au moins deux tons plus bas par rapport à la moyenne, offrent un volume saisissant (« The Abysmal Eye », « The Faultless »). MESHUGGAH insiste sur les rythmes répétitifs et assommants (« Armies Of The Preposterous », « Phantoms »), tout en se faisant atmosphériques (« Ligature Marks »). Gigantesque !

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Heavy metal Speed Metal

Redshark : une voracité sans limite

En prenant le requin comme emblème du groupe, REDSHARK ne s’y est pas trompé. Acéré et racé, le Heavy Metal du quintet reprend à son compte les codes d’un registre traditionnel, tout en s’ancrant avec vigueur et fermeté dans son temps. Ici, pas de nostalgie ou de démarche vintage, les Barcelonais posent, sur des bases intemporelles, un style très actuel, relevé et « Digital Race » est une belle et grosse claque.  

REDSHARK

« Digital Race »

(Listenable Records)

Les influences de REDSHARK viennent du Heavy Metal des années 80 et les Espagnols ne s’en cachent pas. Bien au contraire, sur ce premier album, se confondent des émanations de la NWOBHM et notamment de Judas Priest comme d’autres du continent américain avec Savatage, Exciter ou Metal Church. Sans rendre une pale copie de ses glorieux ainés, le quintet présente un style flirtant avec le Speed, en apportant de la fraîcheur et la volonté de s’inscrire dans un style, qui ne sombre pas dans la nostalgie.

Fondé il y a dix ans à Barcelone, le combo a pris son temps pour établir son line-up sous l’impulsion de Philip Graves, guitariste et fondateur de REDSHARK. Avec comme objectif de livrer un Heavy Metal musclé et galopant à souhait, les Catalans ne cessent d’accélérer le tempo de leurs morceaux au fil des ans, après une première entrevue sur un EP, « Evil Realm », sorti en 2019. Avec « Digital Race », un cap a de nouveau été franchi, élevant un peu plus ce registre intemporel.

Mélodique, accrocheur et vivifiant, ce premier album tient toutes ses promesses et affiche un son résolument moderne et puissant (« The Drille State », « Mars Recall »). Technique et massif, le groupe ne bouscule pas la tradition, mais lui donne un bon coup de jeune avec des morceaux que n’auraient pas renié certaines formations d’antan (« Kill Your Idol », « Burning Angels »). Mené par la force vocale de son chanteur, Pau Correas, REDSHARK fait plus que monter les crocs, il dévore tout ce qui dépasse (« I’m Falling »).  

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Alternative Metal Alternative Rock France

After Us : le goût du détail [Interview]

Originaire de la région parisienne, AFTER US est apparu il y a quelques semaines avec un premier EP, « Breaking The Dark », composé de quatre morceaux plus que prometteurs. Entre Rock et Metal, le quintet a particulièrement peaufiné les mélodies et les refrains, apportant une grande fraîcheur à ses morceaux. Pouvant compter sur une frontwoman dont la prestation est irréprochable, les Franciliens peuvent dorénavant aborder sereinement la scène, en attendant un premier album qu’ils enregistreront en fin d’année. Céline Himmer, chanteuse du groupe, nous en dit plus sur la formation et ses projets.

– AFTER US a vu le jour il a trois ans, d’abord sous la forme d’un trio, puis s’est étoffé d’une rythmique basse/batterie. Peu de temps après, la pandémie nous est tombée dessus, ce qui ne vous a d’ailleurs pas freiné. Vous avez même auditionné votre bassiste par Zoom. Ce n’est pas banal. Comment cela s’est-il passé ? Ca a du être assez spécial ? 

Oui, c’est vrai, on a beaucoup échangé pendant cette époque, car on avait un peu peur que cela nous éloigne. Cela a plutôt renforcé les liens. On a composé des morceaux, et on avait Guilhem (Bretillon, le bassiste- NRD) en contact et on s’est dit qu’il fallait qu’on le recrute, alors cela s’est fait par Zoom. Et ça s’est plutôt bien passé ! (Rires) Il nous avait envoyé son travail et on a discuté tous ensemble pour prendre la décision. Et puis, ça lui a aussi beaucoup plu, ce qui a été très facile finalement. Une fois en répétition, on s’est vraiment dit qu’on avait fait le bon choix !

– Une fois le line-up au complet, vous vous êtes mis à la composition, ou est-ce qu’une grande partie des morceaux était déjà bien avancée ?

Les morceaux étaient presque finis, pourtant nous en avons par la suite beaucoup réarrangé et pour certains presque complètement. On a gardé les squelettes, à savoir la structure, la ligne vocale et la mélodie, mais pour tout ce qui est riffs de guitare, beaucoup ont été reliftés.   

– Est-ce que c’est la période qui vous a décidé à sortir un EP de quatre titres étant donné que rien n’était encore simple, ou est-ce que vous êtes dits que pour un jeune groupe, un format court était une meilleure carte de visite ?

Oui, on voulait déjà faire une carte de visite pour voir un petit peu quel serait l’accueil et avoir aussi une édition physique de notre travail, tout ce qui avait été fait pendant cette période. Et aussi voir comment on pouvait se débrouiller en studio, et finalement le EP a reçu un très bon accueil. Et cela nous encourage vraiment à faire l’album en fin d’année.

– Sinon, vous aviez de quoi sortir un album complet ? Même si c’est souvent une question de budget, car on reste un peu sur notre faim…

En fait, on a choisi les quatre titres les plus aboutis, car d’autres étaient encore un peu en chantier. On en avait, mais on voulait sortir les morceaux dont nous étions les plus fiers et dont on savait qu’ils pouvaient toucher les gens, et surtout les peaufiner encore plus en studio. Nous avions aussi envie de présenter des univers différents. En fait, tout cela a été choisi et décidé entre nous.

– Parlons plus en détail de « Breaking The Dark ». On y découvre un univers Rock/Metal Alternatif assez peu représenté en France. Vous mettez s’accent sur les mélodies avec des refrains qui sonnent souvent Pop. Votre objectif était de rendre AFTER US le plus accessible possible ?

Pas forcément, mais on voulait que cela corresponde à notre vision de notre musique. On a cherché à bien distinguer les instruments et la voix pour montrer quelque chose de propre et d’abouti. C’est vraiment ce qui a déterminé notre démarche pour la sélection des titres.

– On note aussi sur les quatre morceaux un soin tout particulier apporté à la production et aux arrangements. Chaque détail a du nécessiter une attention particulière, j’imagine. C’est un travail que vous avez effectué en studio ou déjà en amont ?

On a beaucoup fait de pré-maquettes en échangeant beaucoup entre nous et aussi avec HK (Krauss de Vamacara Studio – NDR) qui nous a enregistré. Nous nous sommes échangés les propositions, et en arrivant en studio, nous avions encore d’autres idées que nous avons ajouté. En fait, c’est un gros travail de fond, tout cela a été très, très réfléchi.

– Vocalement aussi, tu livres une prestation limpide et qui dégage une grande force. Etonnamment, on n’est pas totalement dans un registre Rock ou Metal, et il y a beaucoup de similitudes avec Kim Wilde, par exemple. Là encore, il y a un grand mélange des genres…

Je pense que j’ai une voix qui me permet de faire pas mal de choses, mais je ne voulais pas tomber dans la caricature. Je peux faire des choses plus Rock, mais je voulais garder mon identité vocale en faisait en sorte qu’elle soit la plus naturelle possible, sans effet. Je peux faire des voix plus soutenues, mais mon envie était aussi que l’on retrouve les mêmes performances en live que sur disque, que soit cohérent et que je puisse tout reproduire. C’est ma vraie voix, ce que je chante habituellement. C’est mon registre le plus naturel possible ! (Rires) C’était important de retrouver cette liberté sur les morceaux, même s’il n’y en a que quatre. Sur l’album, on pourra se rendre compte du large panel du groupe, et du fait qu’on aime faire des choses très différentes. Donc, peu importe le style, il faut que ma voix reste ce qu’elle est et qu’elle soit identifiable sur tout l’ensemble et sans bidouillage.

-Maintenant que la situation est revenue à la normale, où en êtes-vous au niveau concert ? Ca se met en place doucement ? On sait que ce n’est jamais évident pour un jeune groupe avec un premier EP…

C’est notre gros projet pour 2022 et on y travaille d’arrache-pied. La plupart de nos répétitions servent à trouver ce son live, car on veut vraiment pouvoir tout restituer sur scène.

– Pour conclure, tu évoquais tout à l’heure de votre premier album. C’est donc acté ?

Exactement, en novembre, on retourne en studio voir HK pour y enregistrer cette fois l’album, qui devrait comprendre entre dix et douze titres. C’est bouclé ! (Rires) Et il sortira en indépendant, tant que nous n’aurons pas décroché un contrat satisfaisant.

Retrouvez la chronique du EP d’AFTER US :

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Death Metal France MetalCore

Except One : from Core to Death [Interview]

Si on peut reprocher à certains groupes de toujours faire le même disque, il n’en est rien avec EXCEPT ONE, dont on peut suivre l’évolution du style au fil des réalisations. Sur « Broken », le nouvel album des Français, l’aspect Death Metal prend quelque peu le pas sur le MetalCore des débuts du combo. Naty, le batteur du groupe, revient justement sur ces récentes mutations dans le style du quintet et le travail effectué sur ce nouvel opus.

– On vous avait laissé il y a quatre ans avec « Fallen », qui était en quelque sorte l’aboutissement du travail sur vos deux premiers EP. Avec « Broken », vous franchissez clairement un cap. C’est le fruit d’un travail sur le long terme, ou plutôt celui de l’accumulation des concerts?

Un peu des deux, en fait. Avant la pandémie, on était en tournée en tête d’affiche en France, puis en tournée européenne avec un groupe danois. On était dans une bonne dynamique et nous avions même commencé à composer. Ensuite, le confinement est arrivé. Et comme nous n’avions plus rien, on a pu se poser sur les compositions en apportant des choses différentes, un peu plus matures et avec plus d’ambiances aussi.

– C’est qui est remarquable avec EXCEPT ONE, c’est que l’on peut constater l’évolution de votre identité musicale, et surtout de votre son depuis vos débuts il y a une dizaine d’années. Est-ce qu’avec « Broken », vous avez le sentiment d’avoir trouvé le son que vous cherchiez et le style que vous vouliez présenter ?

Nous sommes hyper-contents du son. Est-ce qu’il est définitif ? On ne sait pas encore. Cette fois-ci, on a travaillé avec un directeur artistique (Jelly Carderelli & Symheris – NDR), qui a géré l’enregistrement, le mix et le mastering. On a eu beaucoup d’échanges. On lui a précisé la façon dont on voulait que l’album sonne, à savoir un peu plus naturel dans un sens, et moins électronique. C’est évident que dorénavant, on s’orientera vers ce genre de son avec une exigence de ce niveau-là. Une chose est sûre, on ne peut que s’améliorer encore d’avantage.

– Vous évoluez depuis vos débuts dans un registre MetalCore, qui tend de plus en plus vers le DeathCore sur ce nouvel album. Votre intention était de durcir le ton sur « Broken » ? D’afficher un style plus radical ?

Ce n’était pas délibéré, c’est sorti comme ça, en fait. Avec le confinement, on a tous ressenti une grande frustration, qui a d’ailleurs donné le nom de l’album. Le fait d’avoir relâché tout ça s’étend sur l’album, c’est vrai. Il y a un côté hargneux, qui représente bien nos sentiments à ce moment-là. Le contexte a beaucoup joué.

Naty, batteur d’EXCEPT ONE

– Ce qui est assez impressionnant sur ce nouvel album, c’est la qualité de la production et son côté très massif et compact. Dans quelles conditions l’avez-vous enregistré ? Malgré le fait d’être en autoproduction, vous avez mis plus de moyens ? Et peut-être travaillé avec des personnes qui ont vraiment su cerner votre son ?

Oui, c’est les deux. Tout d’abord, le directeur artistique avec qui nous avons travaillé a été très exigeant. On lui a apporté le projet en lui précisant ce qu’on voulait faire. Et il nous a répondu pour que le faire, il fallait être très minutieux sur certains points. C’est en avançant main dans la main qu’on a pu obtenir cette production. Avoir un regard extérieur est toujours bénéfique. Il nous a apporté un recul qu’on n’avait pas forcément.

– D’ailleurs, ce qui est étonnant avec « Broken », c’est que vous n’êtes toujours pas signés, alors que votre album n’a franchement pas à rougir face aux productions du même style au-delà de nos frontières. C’est un vrai désir de votre part de rester indépendants ?

En fait, on attend l’opportunité de trouver un label qui nous corresponde bien que ce soit au niveau du style comme de nos envies. Mais ce n’est pas forcément voulu, c’est juste que nous n’avons pas forcément eu les bonnes propositions, ni l’occasion de rencontrer encore les bonnes personnes.

– Tout en restant très véloces sur l’ensemble des morceaux, vous misez aussi sur une puissance de feu super efficace et une lourdeur dans les riffs assez phénoménale. On sent une énergie incroyable sur tout l’album et surtout un son très organique. Sans faire dans le Old School, on vous sent plus direct et peut-être plus authentique dans votre approche…

Oui, c’est une vraie volonté. On voulait vraiment sonner plus naturel. Et puis, on aime ce côté Old School où la batterie est très peu triée, il n’y a pas non plus beaucoup d’effets de guitares, et juste quelques samples, qui apportent une ambiance. Ce mélange Old School et moderne, qui mène à ce côté DeathCore, nous convient bien et nous séduit de plus en plus. 

– L’album commence sur une intro qui donne l’ambiance à venir, et il est ensuite scindé en deux avec l’interlude « Broken » justement. Vous l’avez pensé en deux parties, comme deux faces distinctes ?

Non, pas vraiment. On voulait un interlude et une intro dès le départ. « Broken » a été placé au milieu de l’album comme une respiration, en fait. On voulait aérer un peu le début pour qu’il y ait plus d’impact sur la deuxième partie. Sinon, cela aurait peut-être été trop brut et trop compact à l’écoute.

– D’ailleurs, on observe aussi que la première partie est très MetalCore, alors que la seconde est beaucoup plus marquée par le côté Death Metal de votre registre. Là aussi, c’est une volonté de votre part ? Comme pour montrer une facette plus féroce ?

On a fait plusieurs écoutes des morceaux avant d’en définir l’ordre. Sur le moment, on ne s’est pas vraiment rendu compte que cela allait créer une scission entre les deux parties. La première est nettement plus MetalCore et la seconde plus Death Metal, c’est vrai. Mais ce n’était pas voulu, en revanche ! (Rires) On fait des trucs biens sans faire gaffe, c’est magnifique ! (Rires)

– Finalement, que doit-on retenir de ces différents aspects de l’album ? Que vous vous dirigez de plus en plus vers un DeathCore plus assumé et plus sauvage, et peut-être moins estampillé MetalCore comme auparavant ?

Oui, on peut le dire, parce que c’est une vraie volonté. Après, les chansons, on les a sentis comme ça sans entrer dans une réflexion sur le style. Cela vient aussi du fait que dans le groupe, même si on écoute les mêmes choses, chacun a ses styles de prédilections qui vont du Thrash au Black en passant par le MetalCore ou l’Indus. C’est ce mélange-là qui est plus présent sur « Broken », et on s’y retrouve aussi vraiment tous.

– Pour conclure, j’aimerais qu’on dise un mot sur la prestation assez époustouflante d’Estelle au chant. Là aussi, il y a une maîtrise totale et une vraie variété dans les intonations avec une performance qu’on sent très profonde et très travaillée. On a presque l’impression qu’il y a eu un déclic. C’est le cas ?

Il y a eu énormément de travail sur le chant. Comme je te disais, on a enregistré avec quelqu’un de vraiment exigeant, et cela se ressent sur tous les aspects et par conséquent sur le chant également. Il fallait que la diction soit encore meilleure, que les growls tiennent mieux et tout ça représente beaucoup de travail, c’est vrai. Pour nous, c’est aussi une évolution assez logique d’être plus solide et constant sans stagner musicalement et techniquement. Au final, on souhaite être de meilleurs musiciens. Sur « Broken », on en a aussi peut-être moins mis, en se rapprochant plus d’un DeathCore ou d’un Death Metal moderne, avec toujours des touches de MetalCore. Et si ça plait aux gens qui n’en écoutent pas forcément (dont moi – NDR), alors on est content ! (Rires)

« Broken », le nouvel album d’EXCEPT ONE est disponible depuis le 15 janvier.

Album et merch : https://exceptone.bigcartel.com/

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Black Metal Post-Metal Sludge

Alta Rossa : quand le ciel s’assombrit

La scène Metal extrême française a depuis bien longtemps perdu de sa timidité et aussi peut-être d’un léger manque de savoir-faire, elle est aujourd’hui l’une des plus créatives, techniques et prolifiques. Certes, les membres d’ALTA ROSSA ont déjà fait leurs preuves, il n’en demeure pas moins qu’avec « Void Of An Era », le quintet signe un premier album massif et très abouti.

ALTA ROSSA

« Void Of An Era »

(Source Atone Records)

Né du rapprochement il y a deux ans entre des membres des groupes Horskh et Asidefromaday, ALTA ROSSA se présente avec un premier album brutal et saisissant. « Void Of An Era » dépeint de manière sombre l’état de notre monde et de notre époque avec une vision peu optimiste, c’est vrai, mais à travers laquelle le quintet affiche une vraie force emplie d’une belle résistance.

Dans une atmosphère lourde, à l’image de notre société, ALTA ROSSA se veut aussi fracassant que captivant. Dans un post-Metal où de nombreux registres extrêmes trouvent leur place, le combo ne laisse presqu’aucun répit, malgré quelques sonorités Noise à peine plus légères. Constitué de Sludge, de fulgurances Black Metal et parfois Hard-Core, le groupe exulte.

Gorgé d’une colère et d’une rage resserrées sur une demi-heure dense et bien tassée, ce premier opus rassemble tous les ingrédients propres à une explosion post-Metal en bonne et due forme faite d’urgence, de violence et une puissance envahissante (« Binary Cell », « Cycle », « Orbiting », « The Fall »). Et même si la batterie me paraît légèrement sous-mixée, ALTA ROSSA explore et brutalise à tout-va.

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Hard 70's

The Neptune Power Foundation : love is all

S’il n’est pas question d’amour vache sur ce nouvel album des Australiens de THE NEPTUNE POWER FOUNDATION, on en est pas très loin. En effet, « Les Démons de l’Amour » est une ode et une belle déclaration de la part du tonitruant quintet de Sydney à travers un Rock psychédélique, Metal et progressif réellement addictif et aux mélodies contagieuses, le tout dans une atmosphère 70’s sauvage et solaire.

THE NEPTUNE POWER FEDERATION

« Le Demon De L’Amour »

(Cruz Del Sur Music)

A l’aube de ses 10 ans d’existence, le quintet australien surgit avec un cinquième album constitué de chansons d’amour et très justement intitulé « Les Démons de l’Amour » (en français dans le texte). Jugeant le style un peu désuet, THE NEPTUNE POWER FOUNDATION a composé de huit morceaux d’amour, certes, mais d’un point de vue féminin, sans doute celui de sa prêtresse de chanteuse Screamin’ Loz Sutch, et il est pour le moins débridé.

Sur ce nouvel opus, les cultes obscurs, les meurtres et des histoires d’hypnotisme sont au menu de la vision très Rock et Metal qu’ont les Australiens. A grand renfort de riffs musclés, de lourdes rythmiques et d’une indomptable frontwoman, THE NEPTUNE POWER FOUNDATION offre un album à la fois démoniaque et ensorceleur dans un univers musical très 70’s, proche d’un proto-Metal façon Led Zep et Black Sabbath.

L’aspect Psych, Prog et vintage rend ces nouvelles compos entêtantes, bourrées de tension et dégageant une énergie folle. Il faut dire que les deux guitaristes rayonnent tout autant que leur diablesse de chanteuse, qui livre une prestation exceptionnelle en illuminant littéralement « Les Démons de l’Amour » (« My Precious One », « Loving You Is Killing Me », « Stay With Three »). THE NEPTUNE POWER FOUNDATION donne des preuves d’amour exaltées.

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Blues Rock Folk/Americana International Soul / Funk

Harlem Lake : au service du feeling [Interview part.1]

Véritable révélation Americana Blues Rock venue des Pays-Bas, HARLEM LAKE a sorti il y a quelques semaine un superbe premier album, « A Fool’s Paradise Vol.1 ». Dans un registre très Southern, le quintet affiche une étonnante maturité et un style déjà très personnel. Guidé par la voix exceptionnelle de Janne Timmer, également parolière, le groupe traverse des contrées Blues, Rock et Soul avec une aisance désarmante et un feeling incroyable. Entretien en deux parties avec la chanteuse du groupe, qui nous en dit un peu plus sur le processus de création et la démarche artistique de HARLEM LAKE…

Photo : Melle de Groot

– La première chose qui surprend à l’écoute de « A Fool’s Paradise Vol.1 », c’est la découverte de votre pays d’origine, la Hollande. On a franchement l’impression d’entendre un groupe du sud des Etats-Unis. Vous avez grandi avec le registre Southern américain qu’il soit Rock, Blues ou Soul ?

Merci, c’est un vrai compliment ! Enfants, nous avons grandi avec beaucoup de styles de musique différents. Et à l’adolescence, nous avons tous découvert le Blues chacun à notre manière. Pour Dave (Warmerdam, piano, claviers – NDR), ce fut grâce à un accordeur de piano qui, après avoir accordé le sien, lui a joué du Boogie Woogie. Et il s’est avéré qu’il s’agissait de Mr Boogie Woogie, l’un des meilleurs pianistes néerlandais. Pour ma part, j’ai toujours adoré Joe Cocker et Sonny (Ray, guitare – NDR), quant à lui, porte vraiment l’héritage du Blues en lui. Nos parents écoutaient des artistes Rock plus grand public comme Dire Straits, Fleetwood Mac, Genesis et Pink Floyd. Et si on commence à creuser à partir de là, on finit toujours par se retrouver à la croisée des chemins !

– HARLEM LAKE a été fondé par votre pianiste Dave Warmerdam, avant d’être rejoint par Sonny Ray à la guitare et toi au chant. Ensuite, Benjamin Torbijn et Kjelt Ostendorf ont constitué la rythmique. Vous évoluez tellement naturellement ensemble que votre album sonne comme une évidence. Comment se sont passées ces rencontres, car il y a un tel feeling entre vous ?

Sonny et Dave se connaissaient de leur scène Blues locale, car ils viennent de la même région. Dave et moi, nous nous étions déjà rencontrés à plusieurs reprises durant notre adolescence. On avait l’habitude d’aller voir les groupes du coin en concert et lors des tremplins organisés dans un lieu près de chez nous : le Duycker. Le groupe a vu une vidéo où je chantais un classique du Blues, « Oh Darling », et ils m’ont invitée pour un concert-test en en forme d’audition. Sonny a été très enthousiaste et nous sommes devenus amis assez rapidement. Ça a vraiment matché ! Cependant, l’année dernière n’a pas été facile et nous avons dû nous séparer de notre ancienne section rythmique. Mais Kjelt (Ostendorf, bassiste – NDR) s’était déjà joint à nous quelque temps auparavant pour des sessions de pré-production, car notre précédent bassiste n’était pas disponible. Il joue également sur la plupart des chansons du disque. Et enfin, Benjamin (Torbijn, batterie – NDR) avait déjà joué avec Sonny auparavant dans un autre groupe et cela a tout de suite été évident quand nous l’avons invité à jammer.

Photo : Julia Bo Heijnen

– Vous avez composé et monté un répertoire très abouti en peu de temps, ce qui est très rare dans ce registre. Et les concerts ont rapidement confirmé votre talent. Vous avez senti tout de suite que votre musique s’imposait d’elle-même ?

Je pense qu’il n’y a pas de réponse simple et rapide à cela. Lorsque vous écrivez un morceau, vous pensez à la chanson et au message que vous voulez y mettre. La chose la plus importante est que nous aimons ce que nous faisons, et pendant l’écriture des chansons, nous nous concentrons uniquement sur la musique, tout le reste passe au second plan. Mais c’est vrai qu’il nous est arrivé d’écrire des morceaux qui ont immédiatement sonné. C’est un sentiment très excitant et grisant, lorsque vous créez quelque chose et que vous le ressentez tout de suite. Pour la plupart des chansons qui figurent sur « A Fool’s Paradise vol.1 », j’avais ce sentiment. Mais bien sûr, certains morceaux ont eu besoin de plus d’attention et d’être plus travaillés que d’autres.

– On l’a dit, HARLEM LAKE marie habillement les différents courants Southern avec une base Rock fortement teintée de Blues et de Soul. Vous avez l’intelligence de mettre votre technique au service d’un feeling incroyable. L’important est d’abord de donner une âme à vos morceaux ?

C’est une question difficile ! La plupart des chansons commencent par un feeling à partir duquel la musique évolue. Il nous pousse à prendre la guitare, à nous asseoir derrière le piano ou à chanter. Sonny et Dave ont le talent de traduire leurs sentiments en musique et je suis souvent capable de les mettre en mots et en mélodies. Les ingrédients les plus importants pour qu’une chanson vous touche est très probablement l’honnêteté et l’intention qu’on y met. Sans cela, ce serait juste creux et froid.

Photo : Cem Altınöz

– Les chansons sont littéralement transcendées par le feeling, l’émotion et ta puissance vocale, que l’on peut d’ailleurs aussi retrouver chez Sharleen Spiteri notamment. De quoi parlent vos textes et est-ce la musique qui vient se poser sur les paroles, ou l’inverse ?

Les thèmes principaux de notre premier album sont l’amour, la perte, le désir et ce que tout ça peut nous apprendre. Il s’agit de grandir à travers la douleur et de trouver la force d’affronter et d’apprendre, au lieu de retomber dans des schémas toxiques. Il faut apprécier ce que nous avons, tout en aspirant à ce que nous n’avons pas encore. Le titre « A Fool’s Paradise » fait référence au phénomène de vivre dans un monde où rien n’est ce qu’il paraît. Nous avons tellement grandi ces dernières années que nos chansons racontent les leçons que nous avons apprises et les nouvelles visions du monde que nous avons aujourd’hui. Par ailleurs, sur l’album, nous essayons de décrire le fait que tout le monde a des imperfections et éprouve des difficultés, et que ce serait un paradis de fous, si on pensait être les seuls dans ce cas ! (Rires)

En ce qui concerne le processus d’écriture, il diffère selon la chanson. La musique ou les paroles peuvent venir en premier, et cela dépend aussi si la chanson est écrite par l’un d’entre nous ou par l’ensemble du groupe. Cela peut arriver que le groupe soit en train de composer et qu’en même temps j’écrive les paroles, comme pour « Deaf & Blind ». Il est aussi arrivé que Dave produise entièrement un morceau et me l’envoie. Ce fut le cas pour « A Fool’s Paradise », par exemple. Parfois, j’écris des paroles sous forme de poème, je n’y touche pas pendant des mois et quand la bonne musique arrive, je les ressors comme pour « Please Watch My Bag ». Pour « The River », Sonny a sorti un riff de guitare, nous nous sommes assis à côté avec Dave et la chanson s’est faite ainsi. Nous n’avons pas vraiment de méthode, et très souvent, en utiliser plusieurs nous permet de découvrir beaucoup de choses.

– Outre les mélodies qui sont terriblement efficaces, il y a un énorme travail sur les arrangements, qui peuvent d’ailleurs rappeler les premiers albums de Tedeschi Trucks Band et d’autres grosses formations Blues et Soul. Chaque détail compte et pourtant l’ensemble est si fluide. On vous sent vraiment pointilleux et tellement libres à la fois. C’est un drôle de contraste, non ?

Oui, c’est vrai. Nous nous efforçons toujours d’obtenir une musique de grande qualité avec beaucoup de technique, mais nous nous laissons aussi beaucoup aller en suivant le feeling de l’un d’entre-nous. Lorsque nous discutons sur certaines parties de nos morceaux, nous arrivons facilement à mettre nos égos de côté pour être totalement au service de la chanson. Cela dit, c’est Dave qui a la plus grande influence sur les arrangements, tout simplement parce qu’il a une très bonne oreille et un grand feeling. Il sait mieux que personne élever une chanson. Par ailleurs, c’est un processus qui prend beaucoup de temps et qui demande beaucoup de tentatives, et pas toujours réussies d’ailleurs. C’est vrai que l’âme d’une chanson, comme nous en avons parlé plus tôt, prend forme et grandit pendant le processus d’écriture. Les détails et les arrangements que l’on ajoute ensuite sont là pour renforcer cet ensemble et laisser ressortir les parties les plus importantes, que ce soit un gros riff de guitare, le texte ou tout le travail fait en amont sur la mélodie.

A suivre…

Retrouvez la chronique de l’album :