Elle chante depuis sa tendre enfance et, aujourd’hui, la force et la puissance qu’elle dégage est au service d’un Blues emprunt de Soul, de R&B, de Funk et d’Americana. Avec « August Moon », ALLISON AUGUST multiplie les écarts, passant d’un registre à l’autre avec une totale maîtrise. D’une belle authenticité et avec une sincérité très perceptible, elle interprète de manière limpide des chansons qu’elle a écrites ou co-écrites et où elle brille en offrant une sensation très familière et proche. Un moment de vie sur une musique très élégante.
ALLISON AUGUST
« August Moon »
(MoMojo Records)
Elle a le soleil dans la voix et neuf longues années après « Holy Water », elle signe enfin son retour avec un nouvel album auquel elle se consacre depuis quelques années. Et si la Californienne affiche déjà un beau parcours, ce nouvel opus vient sonner en quelque sorte l’heure d’une certaine consécration artistique pour elle. En effet, ALISSON AUGUST a fait appel au grand et awardisé Tony Braunagel, batteur auprès des plus grands noms du Blues et de la Soul, et sur plusieurs titres du disque, ainsi que metteur en son pour Eric Burdon, Mike Zito, Taj Mahal ou Coco Montoya pour ne citer qu’eux.
Autant dire que la voix de l’Américaine résonne de la plus belle des manières sur ce « August Moon », qui nous transporte sur des ambiances variées et qui, dans un écrin Blues Americana, laisse échapper des styles qui la porte depuis toujours comme le Jazz, le R&B, la Country-Soul ou la Funk. C’est d’ailleurs le cas sur « I Won’t Say No » qu’elle interprète magistralement en duo Sugaray Rayford, autre monument électrisant de la scène Soul Blues. Deux personnalités qui se complètent à merveille sur ce titre qui vient confirmer qu’ALLISON AUGUST mène sa barque avec une folle énergie.
Tendre ou survoltée, la chanteuse passe par toutes les émotions sur un groove de chaque instant, magnifiquement orchestré par un groupe qui met toute son expérience au service d’un feeling implacable. Soutenue par un trio de chœurs vibrants et chaleureux, elle enchaîne des morceaux au songwriting efficace et elle laisse respirer les chansons tout en évoquant des sujets souvent très personnels, traités avec délicatesse. ALLISON AUGUST livre ici l’une de ses plus belles performances sur album et on se délecte de chaque instant (« Blue Eye Boy », « Blues Is My Religion », « I Ain’t Lyin’ »). Somptueux !
Un pied dans un Blues très actuel et l’autre dans un Classic Rock intemporel, ELLIS MANO BAND continue sa belle aventure en se dévoilant un peu plus sur ce quatrième opus, où il semble avoir digéré les nombreuses références qui rassemblent les cinq musiciens. Et le style n’en est pas plus resserré pour autant. Au contraire, « Morph » montre un visage aux multiples facettes, tout en se faisant très rassembleur et sans perdre le sens très affiné et raffiné de son jeu. Les disques de ce calibre se font rares et lorsqu’ils montrent autant de facilité et d’évidence dans le jeu, cela devient une réelle gourmandise, dont on dévore chaque miette.
ELLIS MANO BAND
« Morph »
(SPV Recordings)
Après un somptueux album live en mars de l’année dernière (« Access All Areas »), ELLIS MANO BAND est cette fois retourné en studio pour y enregistrer son quatrième album. Et la formation internationale y a encore fait des merveilles. Très inspirés, les cinq musiciens font parler l’expérience et se présentent avec dix nouveaux titres, plus un morceau enregistré en public, « The Fight For Peace », petit chef d’œuvre de sept minutes. Et les surprises se succèdent, tant le groupe du chanteur Chris Ellis et du guitariste Edis Mano sort de son habituel Blues Rock. Une façon aussi de franchir certaines frontières musicales et de se faire plaisir sans rien se refuser. Et avec autant de talent, tout paraît si simple et spontané.
Car si ELLIS MANO BAND œuvre pour l’essentiel dans un Blues très contemporain sur « Morph », il n’hésite pas très longtemps à prendre le parti d’un Classic Rock solide et enlevé, histoire aussi d’appuyer son propos comme sur le génial « For All I Care » ou « Countdown To Nothing ». Les Suisses montrent une incroyable variété dans les ambiances, et ce n’est pas pour déplaire à leur frontman, qui livre une prestation entre émotion et pleine puissance (« Scars », « Virtually Love »). Le jeu d’Edis Mano est, quant à lui, toujours aussi virtuose. Le six-cordiste reste d’une dextérité et d’une fluidité absolue et se garde bien de ne pas tomber dans le démonstratif, malgré une technique souvent très impressionnante.
Toujours justes et jamais superflus, les claviers portent les mélodies, tandis que la rythmique élève un peu plus ces nouvelles compositions, comme sur « Madness And Tears » qui n’est pas sans rappeler un certain David Bowie, preuve s’il en est qu’ELLIS MANO BAND est à son aise dans des registres où on ne l’attend pas forcément. Il est question de délicatesse aussi, bien sûr, quand le quintet se fait plus Blues (« Count Me In », « 20 Years », « Stray »). Un mot aussi de la très belle production de « Morph » qui, parfaitement équilibrée, dévoile au fil des écoutes des arrangements d’une grande finesse et des variations sonores assez stupéfiantes. Les Helvètes placent la barre toujours plus haut avec beaucoup de naturel.
Photo : Tabea Hüberli
Retrouvez la chronique de leur précédent album live :
KAT RIGGINS chante le Blues comme elle respire et les notes de Gospel et de Rythm’n Blues, dans lesquelles elle se meut, le rendent encore plus joyeux et pétillant. Sur « Revival », elle confirme la classe dont elle a toujours fait preuve depuis ses débuts. Avec un naturel et une vivacité de chaque instant, le voyage devient vite addictif et on se laisse guider par cette voix chaleureuse et envoûtante. Une magie qui devient très vite évidente et irrésistible.
KAT RIGGINS & HER BLUES REVIVAL
« Revival »
(House Of Berry Productions)
Et de six pour KAT RIGGINS qui, deux ans après l’excellent « Progeny », surgit avec « Revival » qui n’est pas sans rappeler dans son titre son premier effort, « Blues Revival » sorti en 2016. Un réveil qui semble se faire par étape pour la chanteuse et compositrice floridienne, qui en a aussi profité pour quitter le label de Mike Zito, Gulf Coast Records. Après ces deux dernières belles réalisations qui l’auront particulièrement mis en lumière et lui valurent deux nominations aux Blues Music Awards, celle-ci devrait suivre leurs pas…
Paru il y a quelques semaines parmi beaucoup d’autres, « Revival » dénote quelque peu de son prédécesseur. Vocalement, KAT RIGGINS est toujours exceptionnelle de puissance, de polyvalence et de feeling. C’est essentiellement le contenu qui peut peut-être surprendre par son côté plus classique, plus roots aussi et donc moins moderne, mais solidement intemporel. L’Américaine et son groupe montrent une fois encore qu’ils sont à leur aise dans tous les registres et qu’il n’y a pas grand-chose qui leur résiste.
Conçu avec Tim Mulberry qui l’a produit, mixé et masterisé, la frontwoman a co-écrit l’ensemble de « Revival » et les morceaux respirent toujours cet aspect optimiste et positif, dont elle a fait sa marque de fabrique. Malgré un son un peu en dessous et étouffé (à moins que ce ne soit le numérique), KAT RIGGINS est rayonnante et porte aussi ce nouvel opus grâce à des textes enthousiasmants et pertinents (« Lucky », « Revived », « Southern Soul », « Mojo Thief », « Mighty », « Healer »). Brûlant et enjoué, « Revival » réveille les sens.
Sur un groove irrésistible, la multi-instrumentiste présente sa sixième réalisation, « Do It My Own Way », sur son propre label. Et elle est loin d’avoir fait les choses à moitié. Il faut dire que depuis ses débuts en 2014 avec « Heart Soul & Saxophone », puis un passage chez Ruf Records le temps de deux albums et ensuite de belles récompenses, VANESSA COLLIER n’a eu de cesse de peaufiner son jeu, sa voix et ses qualités de songwriter. Vibrante et enjouée, elle nous régale à nouveau avec un disque intemporel et pluriel.
VANESSA COLLIER
« Do It My Own Way »
(Phenix Music Records)
Comme son titre l’indique, pour son sixième album, VANESSA COLLIER a décidé de tout faire à sa façon et on ne peut que lui donner raison. « Do It My Own Way » parcourt le large panel artistique de la musicienne avec beaucoup de finesse et de talent. La Texane, aujourd’hui basée en Caroline du Sud, est entourée d’un groupe incroyable et pourtant on la retrouve dans bien des rôles. Douze fois nominée aux Blues Music Awards qu’elle a remportés à quatre reprises, elle atteint ici des sommets avec une prise en main exceptionnelle.
Chanteuse et compositrice, VANESSA COLLIER ne se contente pas de ses saxophones alto et ténor, elle joue également de la flûte, du dobro et quelques slides sur ces nouveaux morceaux où elle a aussi géré les choeurs et les arrangements. Enregistré en analogique, « Do It My Own Way » conjugue la Funk, le R&B, le Blues, et le Rock avec exactitude et un feeling constant. On se laisse littéralement happer par cette réalisation, dont la chaude et authentique production conforte le style de l’Américaine avec brio.
Pétillante et solaire, sensible et profonde, VANESSA COLLIER vit au rythme de ses chansons entre des instants Gospel suspendus, des élans plus Swing, Rock’n’Roll ou Soul façon New Orleans. Comme sur ses précédents opus, « Do It My Own Way » n’est pas disque de saxophoniste autocentré, il s’ouvre à tous les (nombreux) instruments dans une belle harmonie. Vocalement aussi, sa prestation est remarquable et haute en couleur (« Elbow Grease », « Wild As A Rainstorm », « Rosetta », « Warrior » et le morceau-titre). Etincelant !
C’est dans la torpeur de Miami que DEVON ALLMAN est allé enregistrer ce nouvel album solo, une production qui reflète d’ailleurs bien la chaleur de la ‘Magic City’. Le chanteur, guitariste et compositeur met de côté le Southern Rock dont il est un héritier direct pour élaborer un Blues plus langoureux et délicat. Pour autant, « Miami Moon » regorge de ces solos qui ont fait sa réputation et il semble littéralement se laisser guider par ces nouveaux morceaux. L’Américain aime surprendre et ce n’est peut-être pas l’album qu’on attendait de lui, tant il paraît loin de la fougue des réalisations du Allman Betts Band notamment. L’occasion de parler avec lui de l’ambiance diffusée ici, de ses sensations sur ce nouveau disque et du lieu symbolique de son enregistrement.
– Cela fait huit ans que l’on attend ce quatrième album solo. Cela dit, tu n’es pas resté inactif puisque tu as sorti deux disques avec Allman Betts Band. A quel moment as-tu ressenti le besoin de te remettre à la composition et à l’écriture ? A moins que ce soit des morceaux que tu avais déjà de côté depuis un moment ?
Une fois que The Allman Betts Band a décidé de faire une pause, j’étais impatient de retourner en tournée et d’enregistrer en tant qu’artiste solo. Je n’avais qu’une seule chanson prête à être jouée… l’instrumental « Sahara ». C’était amusant d’être dos au mur sans aucun autre matériel. Début 2022, j’étais en tournée avec Samantha Fish et mon guitariste Jackson Stokes et j’allais à l’arrière du bus pour écrire les chansons qui sont devenues « Miami Moon ». La seule chose que je voulais vraiment, c’était des chansons qui me donnent l’impression de passer un bon moment.
– D’ailleurs, « Miami Moon » dénote clairement d’avec les albums du Allman Betts Band, qui sont clairement inscrits dans la lignée de l’héritage laissé par vos pères respectifs. Avais-tu aussi besoin d’un changement d’ambiance, de laisser un temps le Southern Rock de côté pour quelque chose de plus Blues ?
J’avais déjà huit autres albums avant même que The Allman Betts Band ne se forme. J’ai donc toujours aimé montrer différentes facettes de mes goûts musicaux. J’aime toujours changer de style… du Blues au Rock, en passant par l’Americana et le R&B. Je m’ennuie facilement ! (Rires)
– Pourtant, tu n’as pas complètement coupé les ponts, puisque « Miami Moon » a été enregistré dans les studios Criteria où ton père a réalisé « Eat A Peach » avec Allman Brothers Band et où ton oncle Duane et Eric Clapton ont enregistré le célèbre « Layla ». J’imagine qu’il y avait une atmosphère assez spéciale. Justement, est-ce que tu y as trouvé une sorte de réconfort et de familiarité, ou plutôt un peu de pression ?
Les studios Criteria m’ont offert une atmosphère agréable pour travailler. Aucune pression du tout… Juste un groupe de musiciens fantastiques, qui donnent vie à des chansons. Cela signifie beaucoup pour moi de travailler dans un espace où ma famille et mes héros ont travaillé… c’est un honneur d’avoir travaillé là-bas.
– A priori, l’ambiance était plutôt à la détente, puisqu’on te retrouve dans un registre très Soul, Funky, un peu Pop et parfois aussi latino et sur un groove assez vintage de temps en temps. Il en ressort un album très chaleureux et passionné. Est-ce que tu aurais pu l’enregistrer ailleurs qu’à Miami pour obtenir cette ambiance, et est-ce que les saveurs de la ville t’ont aussi inspiré ?
Je pense que cette ambiance est en grande partie due aux excellents musiciens, mais oui, Miami elle-même s’est retrouvée dans le groove et les sensations de l’album. Je pense toujours que le lieu peut ajouter à l’art, c’est sûr. Mais ces musiciens ont tout simplement cartonné.
– La production est elle aussi très organique et on imagine facilement que tout a été enregistré sur bandes en analogique. Pourtant, « Miami Moon » dégage beaucoup de modernité dans les morceaux comme dans le son d’ailleurs. De quelle manière as-tu trouvé cet équilibre et quel est ton rôle au niveau de la production ?
Tom Hambridge et moi avons travaillé côte à côte sur trois projets jusqu’à présent. Nous avons tout gravé pendant l’enregistrement de départ sur des bandes analogiques, comme on le faisait pour les albums classiques. Il a supervisé le découpage de la bande et j’ai pris le relais avec Chris Turnbaugh, ingénieur du son à St. Louis, pour les overdubs, afin de réaliser les percussions, les chœurs, la section de cordes, les cuivres, les guitares et tous ces autres petites douceurs pour les oreilles. Tom a ensuite travaillé avec moi sur les voix à Nashville. J’étais satisfait du mélange de tout ce travail et je suis retourné à Nashville pour le mixage… tout cela a été un très long processus.
– En dehors de tes albums solos, tu as toujours accordé beaucoup d’importance aux collaborations et aux réalisations en groupe comme avec Royal Southern Brotherhood, Honeytribe et bien sûr Allman Betts band. Depuis « Turquoise » en 2013, considères-tu ces productions sous ton propre nom comme quelque chose de plus personnel, voire intime, à savoir un environnement dans lequel tu peux t’exprimer pleinement et plus librement ?
Oui, j’aime collaborer avec d’autres musiciens, comme le reflète ma discographie, mais faire les choses seul permet de s’épanouir davantage. Les autres groupes ont généralement un cadre et un son dans lesquels travailler… Le faire seul me permet d’aller au-delà.
– Durant ta carrière, tu as joué un peu partout et notamment en Europe avec même une collaboration assez longue avec Javier Vargas, que j’ai aussi eu le plaisir d’interviewer. Y a-t-il un aspect ou une approche sonore et musicale du Blues ici qu’on ne retrouve pas aux Etats-Unis et qui te séduit ?
Le Blues appartient à l’Amérique… Nous sommes un jeune pays, nous n’avons pas grand-chose à revendiquer, car l’Europe a beaucoup plus d’Histoire que l’Amérique… mais le Blues et le barbecue sont à nous ! (Rires)
– Parmi tous tes projets, Allman Betts Band est probablement le plus attrayant pour le grand public, car il perpétue une sorte de mythe à travers une transmission et une continuité familiale. « Bless Your Hearts » est sorti il y a quatre ans maintenant. Est-ce que vous avez déjà avec Duane un troisième album en tête, ou vos carrières solos respectives occupent toute votre attention pour l’instant ?
– Pour conclure, j’aimerais que tu nous parles de la magnifique tournée d’Allman Betts Family Revival en fin d’année aux Etats-Unis. Le casting est exceptionnel et j’imagine que les setlist le seront tout autant. Tout d’abord, comment se prépare une telle réunion, et enfin peut-on espérer vous voir tous ensemble (ne serait-ce que toi en solo !) un jour en France ?
C’est une tournée très agréable et le plan directeur est quelque chose que j’ai pris de l’incroyable film-concert « The Last Waltz »… Allman Betts Band est notre groupe-maison et nos invités viennent célébrer le catalogue intemporel de mon père et du Allman Brothers Band. C’est comme une grande réunion de famille et c’est toujours tellement agréable de retrouver tout le monde et de jouer ensemble. Et là, je viens de jouer à Megève et j’ai également passé mes vacances avec ma femme à Saint-Tropez… J’attends toujours avec impatience mon retour en France !
L’album de DEVON ALLMAN, « Miami Moon », est disponible chez Create Records, le propre label du musicien.
Brute et authentique, la Soul hyper-punchy proposée par la New-Yorkaise ravive avec talent l’esprit des pionnières comme Mavis Staples et résonne même comme une version féminine d’Otis Redding. Terriblement Funky, un brin roots et doté d’un charme rétro irrésistible, BETTE SMITH livre l’un des disques les plus palpitants du style depuis un moment. Aussi intense que tendre, « Goodthing » révèle une force créative et bouillonnante avec un pied dans chaque millénaire.
BETTE SMITH
« Goodthing »
(Kartel Music Group)
Les débuts de BETTE SMITH remontent maintenant à presque 20 ans. Originaire de Brooklyn, la chanteuse et compositrice est d’abord passée par la chorale de son père avant d’éclore sous le nom de Bette Stuy avec un premier opus suivi d’un EP. C’est à partir de 2017 et « Jetlagger » qu’elle prend véritablement son envol et se produit aux côtés de Kenny Wayne Shepherd et Drive-By Truck, tout en participant à de multiples enregistrements studio. « Goodthing » est donc son quatrième album et il en impose !
Il y a quelque chose d’iconique et d’intemporel dans la voix de BETTE SMITH. Nourrie de Gospel, de Soul, de Rock de Funk et de Blues, la frontwoman dépoussière les codes très 70’s du genre et, tout en les respectant, leur offre une couleur et une fraîcheur très contemporaines. En jouant aussi sur un côté vintage savoureux, elle fait sonner ses morceaux avec énergie et se montre très actuelle dans leur interprétation. « Goodthing » est une sorte de concentré de douceurs acidulées, dont il est difficile de se défaire.
Après avoir travaillé sur ses compositions, l’Américaine a traversé l’Atlantique pour entamer une collaboration avec le producteur Jimmy Hogarth réputé pour son travail avec Amy Winehouse et Tina Turner notamment. Et le duo fait des étincelles sur les 13 pépites que compte « Goodthing », le bien-nommé. Le chant de BETTE SMITH y est électrique (« Eternal Blessings », « M.O.N.E.Y. », « Whup ‘Em Good », « More Than A Billionaire », « Cave » et le morceau-titre). Ce disque fait un bien fou et s’écoute en boucle !
Dans son univers feutré et explosif à l’occasion, la Soul, le Blues et la Funk font cause commune dans une belle harmonie et avec « By The Way », la formation du sud-ouest impose définitivement son style, sa patte et un son très personnel. Bien sûr, on perçoit encore brièvement des références comme celles des Blues Brothers, l’ambiance de ‘The Commitments’ ou même les fulgurances d’un Maceo Parker, mais THE SUPERSOUL BROTHERS est plus identifiable que jamais, preuve d’un allant créatif imperturbable.
THE SUPERSOUL BROTHERS
« By The Way »
(Dixiefrog/Pias)
Bien que fondé en 2015, c’est surtout depuis trois ans que l’on n’arrête plus THE SUPERSOUL BROTHERS. Depuis « Shadows & Light » en 2021, suivi de près par le monumental « The Road To Sound Live » sur lequel le groupe livre une performance incroyable dans son Béarn natal, les choses se sont franchement accélérées. Parti à la conquête de Memphis en janvier dernier pour le légendaire International Blues Challenge (IBC) où ils ont terminé dans le ‘Final Four’, les Français réapparaissent déjà avec « By the Way », leur deuxième album studio. Et là encore, ils surprennent autant qu’ils enchantent.
Dorénavant incontournable sur la scène Soul hexagonale, et pas seulement, THE SUPERSOUL BROTHERS réussit le tour de force de concrétiser la qualité de ses précédentes prestations vinyliques avec une réalisation plus profonde de prime abord, d’où émane à nouveau une atmosphère à la fois douce et festive. Sur une production et des arrangements très soignés, l’énergique combo, qui a entretemps changé de batteur, met un peu plus l’accent sur l’aspect cuivré de son registre, tout en laissant une place de choix à l’orgue Hammond et ses effluves enveloppantes.
Autour de son frontman David Noël, les SUPERSOUL BROTHERS se sont parés d’une section cuivre de quatre musiciens, qui viennent grossir le groove à l’œuvre sur « By The Way ». La chanteuse Claire Rousselot-Paillez se fait aussi plus présente et prend même le lead sur l’excellent « Play It Like A Sister ». Les Palois prennent du volume, de l’assurance et dégagent plus que jamais beaucoup de classe. Au milieu du très addictif morceau-titre, de « Toy Party Tim », « Time Is Right », « Snow Day In The World » ou « Take My Hand » vient même se nicher l’ensoleillé Reggae des Viceroys « Heart Made Of Stone ». Envoûtant !
Retrouvez la chronique de l’album live du groupe :
Les albums live sont souvent des instants hors du temps et en matière de Blues, cela se vérifie quasi-systématiquement tant ils se vivent intensément… et ils n’ont d’ailleurs pas vraiment le choix, sinon c’est la chute. ELLIS MANO BAND est un groupe de scène et il ne faut pas bien longtemps pour s’en rendre compte. Sur un groove constant, une délicatesse et une finesse qui font dans la dentelle et un chanteur totalement investi, la formation helvète fait plus que jouer du Blues, elle le respire à travers chaque note. « Live : All Access Areas » n’est pas une démonstration, mais une parfaite partition.
ELLIS MANO BAND
« Live : Access All Areas »
(SPV Recordings/SPV)
Pour celles et ceux qui l’ignorent, ELLIS MANO BAND est la rencontre explosive et placée sous le signe du feeling et de la complicité entre le chanteur Chris Ellis et le guitariste Edis Mano. Musiciens chevronnés, c’est assez naturellement qu’ils sont rejoints par le bassiste Séverin Graf, le batteur Nico Looser et Luc Bosshardt aux claviers. Basé en Suisse, comme l’équipe de France de tennis (pardon…!), le quintet s’est vite retrouvé autour d’un Contemporary Blues, comme on dit aujourd’hui, c’est-à-dire un style très actuel, mais qui fait aussi beaucoup de place à des teintes Soul, R&B et à quelques jams bien senties sur scène.
Et c’est précisément en concert que le ELLIS MANO BAND nous embarque cette fois et la balade sur les 15 morceaux est majestueuse, n’ayons pas peur des superlatifs, car ils sont plus que justifiés. Le groupe, qui présente d’ailleurs un line-up multinational, passe en revue ses trois albums studio, histoire de nous faire patienter jusqu’à la sortie du quatrième, qui devrait intervenir à la fin de l’année ou au tout début de 2025. Et ce « Live : Access All Areas » se perçoit comme une visite guidée d’un parcours sans faute et ouvre les portes de son répertoire avec classe et une fluidité dans le jeu exemplaire de leur part à tous.
Et quoi de plus normal que d’entamer l’album avec « Whiskey », leur tout premier single, suivi quelques mois plus tard par un premier opus, « Here & Now », déjà prometteur ? Le ton est donné et le public chaleureux n’en perd pas une miette. Enregistré en Allemagne et en Suisse, « Live : Access All Areas » livre quelques pépites et autres moments suspendus particulièrement immersifs. ELLIS MANO BAND se faufile dans toutes les ambiances avec une facilité déconcertante, qui donnent lieu à des versions de haut vol (« Bad News Blues », « Forsaken », l’enivrant « Bad Water », « Only With You », « Johnny & Suzy »). Magique !
Malgré son jeune âge, KATIE HENRY a déjà tout d’une grande. Compositrice, pianiste, guitariste et chanteuse, elle embrasse le Blues avec un naturel déconcertant, tout en affichant déjà une originalité remarquable et beaucoup de personnalité. Ne s’interdisant aucun détour par le R&B, la Soul, le Rock ou la Pop, l’Américaine vient de sortir « Get Goin’ », son deuxième album, qu’elle a eu la chance d’enregistrer avec le grand Bernard Allison accompagné pour l’occasion de ses musiciens. Rencontre avec une blueswoman, dont les premiers pas annoncent un avenir radieux.
Photo : Tino Sieland
– « High Road », ton premier album, est sorti il y a six ans maintenant et le chemin parcouru est remarquable. Quel regard portes-tu sur ces premières années et tes débuts dans le New-Jersey ?
Merci d’apprécié mes progrès et mon parcours. En repensant à l’endroit où tout a commencé, je me sens vraiment reconnaissante que ma famille aime la musique et qu’il y ait eu un piano à la maison ! Je dois aussi beaucoup à ma grand-mère, parce qu’elle m’a écouté attentivement, lorsque je jouais et m’a fait prendre conscience de l’impact que la musique peut avoir.
– Tu as commencé à composer très tôt après avoir appris le piano, puis la guitare. Même si tu mélanges plusieurs styles dans tes albums, comment es-tu venue au Blues ?
Je dirais que la chanson « Hurts Me Too » d’Elmore James est vraiment ce qui m’a permis de comprendre que le Blues était en moi. J’ai vu un groupe le jouer en live et je suis rentrée chez moi pour l’apprendre, parce que j’avais un désir ardent de la jouer. C’était aussi l’une des premières chansons que j’ai interprétées au chant. Puis, j’ai rejoint mon premier groupe de Blues peu de temps après ça, car quelqu’un m’avait entendu la jouer. J’ai finalement découvert de plus en plus de choses et j’ai appris que c’est la base de toute la musique Classic Rock que j’aime et avec laquelle j’ai grandi.
– Il y a deux ans, les choses se sont accélérées avec la signature chez Ruf Records, un label reconnu dans le monde du Blues pour son beau catalogue, puis est sorti de « On My Way ». J’imagine que cela a été une belle récompense et aussi une grande source de motivation, non ?
Absolument ! Je suis très reconnaissante que mon chemin ait croisé celui de Thomas Ruf à ce moment-là. Ruf Records est devenu comme une famille pour moi maintenant.
– La même année, il y a eu « Blues Caravan » avec Ghalia Volt et Will Jacobs. Qu’est-ce que tu retiens de cette expérience avec de jeunes artistes comme toi, et qui t’a aussi permis de partir en tournée hors des Etats-Unis ?
C’était la première fois que je voyageais hors des États-Unis, et surtout que je faisais une tournée ailleurs ! C’était très excitant et je ne savais pas à quoi m’attendre. C’était la première fois que je jouais aussi longtemps, soir après soir, et j’ai tellement grandi grâce à cette expérience. C’était aussi très amusant de jouer avec des artistes que je considère comme mes amis, parce qu’ils sont aussi très attachés à la musique et soucieux de bien faire.
Photo : Tino Sieland
– Et tu as eu aussi l’occasion de jouer aussi en Europe ensuite pour le 30ème anniversaire de Ruf Records, et notamment à Paris récemment au New Morning. Quelles différences as-tu noté entre le public américain et européen ? Est-ce que les amoureux de Blues sont les mêmes partout ?
Oui, j’étais tellement heureuse d’avoir eu l’opportunité de jouer à Paris ! J’ai eu envie de venir et d’y jouer toute ma vie et j’ai bien l’intention de revenir. Et je dirais que les amateurs de Blues sont les mêmes partout, mais que le public européen le fait vraiment savoir lorsqu’il s’amuse ! L’énergie dans la salle à la fin du spectacle pour un rappel est toujours très spéciale.
– Pour « Get Goin’ », tu as eu l’opportunité et la chance d’enregistrer avec Bernard Allison et son groupe. Il a aussi joué sur plusieurs morceaux et a produit l’album. Cela doit être une expérience incroyable, d’autant qu’elle a dû être très enrichissante à tous points de vue, non ?
Ce fut vraiment une bénédiction de travailler avec Bernard et son groupe. Ils ont fait de leur mieux pour me soutenir tout au long du processus. Bernard a notamment veillé à ce que je ne me limite en aucune manière. Il voulait faire ressortir toutes mes facettes musicales, ce que j’ai beaucoup apprécié. C’est gratifiant d’avoir travaillé dur ensemble et d’avoir cet album, dont nous sommes tous fiers.
– D’ailleurs, est-ce que tu avais déjà composé l’ensemble de l’album avant d’entrer en studio, ou y a-t-il eu un travail de co-écriture avec Bernard, ou juste quelques arrangements ou orchestrations sur certains morceaux ?
J’avais juste des ébauches de chansons et quelques arrangements avant d’entrer en studio, mais nous avons surtout beaucoup travaillé sur les chansons sur place.
– Justement, de quelle manière composes-tu ? Tu pars du piano ou de la guitare et est-ce que l’un ou l’autre va automatiquement donner la couleur du morceau ? La guitare peut être plus percutante, par exemple…
C’est vrai ! J’aime le côté percutant de la guitare et les chansons ressortent définitivement de manière différente. Je dirais que j’écris sur les deux instruments de manière égale. Généralement, je trouve une mélodie au chant et je construis autour de cela. La plupart des chansons commencent par le premier couplet, ou par ce qui finit par être le refrain, comme la chanson « A Doll’s Heart », par exemple. La mélodie du refrain est apparue, puis le reste de la chanson a été construit autour.
– Si « Get Goin’ » est très bluesy évidemment, on y décèle aussi des notes Pop, R&B, Soul, Soul et Rock. C’est important pour toi cette pluralité musicale ? Tu ne te sentais peut-être pas de réaliser un album purement Blues ?
Oui, il y a un mélange bluesy dans le son et les influences, car la pluralité musicale est très importante pour moi. J’essaie aussi de ne pas me concentrer sur la catégorisation de la musique que je fais, car cela peut limiter mon processus créatif au final. Au lieu de ça, je me concentre sur la création d’une musique que je ressens et qui résonne en m’étant fidèle intimement et aussi selon mon propre vécu.
Photo : Tino Sieland
– Même s’ils s’inscrivent dans une continuité très naturelle, « Get Goin’ » montre une étonnante maturité par rapport à « On My Way ». Tu as ressenti aussi une réelle progression dans ton jeu et dans la composition entre les deux albums ?
Merci ! J’ai vraiment l’impression d’avoir énormément grandi au cours des deux dernières années. Comme je le disais tout à l’heure, jouer soir après soir sur la tournée ‘Blues Caravan’ a vraiment renforcé mes capacités, et m’a aussi permis d’obtenir de plus en plus de premières parties et d’opportunités de festivals. Je pense aussi que certains changements personnels, ainsi que des pertes subies, m’ont fait plonger plus profondément en moi-même ce qui, je pense, transparaît aussi dans l’écriture.
– On l’a dit, tu es chanteuse, guitariste et claviériste. Dans quel domaine te sens-tu le plus à ton aise ? Seule au chant ou avec un instrument entre les mains ?
Jouer du piano et chanter est la configuration dans laquelle je me sens le plus à l’aise, car c’est comme ça que tout a commencé !
– Pour conclure, tu vas sûrement défendre ce nouvel album sur scène. Quels musiciens vont t’accompagner ? Ceux de Bernard, ou un autre groupe ?
Oui, j’ai vraiment hâte de jouer ces chansons en live et ce sera désormais avec mon propre groupe, mais si l’occasion se présente de jouer à nouveau avec Bernard, je la saisirai avec plaisir !
« Get Goin’ » de KATIE HENRY est disponible chez Ruf Records.
Dans un registre très cuivré, mâtiné de piano, de délicates guitares et d’une rythmique au groove imparable, BRITTI s’avance avec « Hello, Im Britti », dont on peut d’ores et déjà présager qu’il s’agit du premier opus d’une très longue série. Sur 11 chansons, les présentations sont faites et on survole la Nouvelle-Orleans dans un souffle Soul tout aussi feutré que doté d’une grande ferveur. Chanteuse et compositrice, Brittany Guerin, à l’état civil, joue sur une certaine fragilité, tout en évoluant avec un bel aplomb.
BRITTI
« Hello, I’m Britti »
(Easy Eye Sound)
Du haut de sa petite vingtaine d’années, BRITTI se présente sur son premier album avec une assurance, un feeling et surtout un talent incroyable. Cela n’aura d’ailleurs pas échappé à Dan Auerbach, la moitié des Black Keys et le patron du label Easy Eyes Sound, qui ne s’est pas contenté de la signer aussitôt, mais il l’a également accompagné, et de belle manière, dans ses premiers pas vinyliques. Et le résultat est là : une voix envoûtante et cristalline, une Soul très Southern, où se projettent d’étincelants reflets de Blues, de R&B, de Country et de Rock. Un mix à la fois hors du temps et pourtant si actuel.
Née à Baton Rouge, elle qui chantait déjà, parait-il, au saut du berceau, embrasse avec un naturel déconcertant tout l’héritage musical de sa Louisiane natale. Il y a aussi autant de Muscle Shoals que de l’esprit de la Motown dans ce premier album, si bien ciselé. C’est très probablement cette facilité à s’approprier autant de styles pour n’en faire qu’un qui a séduit Auerbach, qui produit « Hello, I’m Britti », mais qui l’a aussi co-écrit. BRITTI chante comme elle respire et on ne lui en voudra sûrement pas si on pense parfois à Sade, bien sûr, mais aussi à Dolly Parton, Tracy Chapman ou Diana Ross.
Sur une production très organique et chaleureuse, les morceaux de l’Américaine nous embarquent dans un univers où la douceur et la légèreté règnent. La jeune songwriter offre évidemment une vision très contemporaine à ce « Hello, I’m Britti », qui prend soin de ne surtout tomber dans le panneau de la célébration et de l’hommage. Elle mène ses chansons avec une touche très personnelle et s’impose grâce à une présence vocale irrésistible (« So Tired », « Still Gone », « Nothing Compares To You », «Silly Boy », « There Ain’t Nothing », « Reach Out », « Save Me »). BRITTI éblouit d’entrée de jeu avec classe.