Catégories
Doom Heavy Psych Rock Metal Stoner Doom

Occult Hand Order : une captivante noirceur

Sombre et ténébreux, « Silence By The Raging Sea » regorge de détails qui viennent se nicher avec une belle fluidité au creux des morceaux, qui se découvrent et se dévoilent un peu plus à chaque écoute. Stoner autant que Metal, le subtil Doom d’OCCULT HAND ORDER tend également vers le post-Rock et le Prog Rock 70’s avec une musicalité très organique. L’esthétisme poétique des Français peut paraître brumeux de prime abord et pourtant un bel éclat s’en échappe.

OCCULT HAND ORDER

« Silence By The Raging See »

(Independant)

Après des débuts remarqués avec un bon premier album éponyme en 2019, un an tout juste après sa formation, suivi du EP « The Chained, The Burned, The Wounded » qui a confirmé son intension et ses ambitions, OCCULT HAND ORDER semble décidé à passer à la vitesse supérieure. Pourtant autoproduit, le trio a confié le mastering de « Silence By The Raging Sea » au grand Magnus Lindberg, qu’on ne présente plus, pour un résultat très convaincant qui fait honneur aux morceaux de ce nouvel opus.

Sur six titres étendus, les Lyonnais prennent le temps de poser des atmosphères sur des structures psychédéliques et progressives qui se distinguent par des passages faisant l’équilibre entre des moments rugueux et dynamiques et d’autres légers et aériens. OCCULT HAND ORDER parvient à définir et distinguer son univers unique forgé de Stoner et de Metal avec beaucoup de précision, grâce également à une très bonne production. Très Doom, « Silence By The Raging Sea » a également des saveurs 70’s très envoûtantes.  

Sur des ambiances occultes (forcément !) et ésotériques, le power trio parvient rapidement à captiver et le chant lointain se fait même incantatoire et parfois légèrement chamanique, tant il donne l’impression de s’évaporer. De plus, OCCULT HAND ORDER étonne encore sur la richesse instrumentale qu’il affiche malgré une formation assez restreinte. Les teintes sont multiples, les fulgurances transcendent et les mélodies portent l’ensemble avec générosité (« Sink », « Pyre », « Fever », « Tidal Waves »). Renversant !

Photo : Quentin Dassibat
Catégories
Rock Progressif

Fish On Friday : une pêche miraculeuse

Brillant cette fois encore, le quatuor belgo-anglo-américain continue son aventure musicale entre un Rock Progressif fin et un Art-Rock très élaboré. Avec « 8mm », FISH ON FRIDAY avance dans une sorte de spleen très positif (si, si !) où les claviers se mêlent à la guitare, guidés par un chant à trois voix particulièrement bien mixé. Atmosphérique et aux multiples reliefs, cette nouvelle réalisation surprend et détend autant qu’elle envoûte.

FISH ON FRIDAY

« 8mm »

(Cherry Red Records)

Après le très bon « Black Rain » sorti il y a trois ans, la multinationale progressive livre « 8mm », un album d’une élégance renouvelée à laquelle elle nous a habitués depuis ses débuts. Toujours emprunt d’une certaine nostalgie dans ses textes et sa musique, FISH ON FRIDAY fait cette fois un clin d’œil aux vieux films amateurs à travers son titre bien sûr, et aussi dans son contenu qui met en valeur les mélodies, les harmonies, la créativité des musiciens et livre quelques surprises.

Fondé il y a un peu plus de 15 ans à Anvers en Belgique par le claviériste, chanteur et producteur Frank Van Bogaert (avec Williams Beckers parti depuis) et aujourd’hui accompagné du guitariste californien Marty Townsend, du bassiste anglais Nick Beggs et du Belge Marcus Weymaere à la batterie, FISH ON FRIDAY dévoile son univers si singulier sur des réalisations toujours aussi raffinées. « 8mm » ne déroge pas à la règle et le voyage est beau, tant l’envolée est constante.

Coproduit par Beggs et Van Bogaert, qui se partagent subtilement le chant, ce sixième opus accueille aussi la chanteuse Lula Beggs sur plusieurs titres, ainsi que Theo Travis (flûte et saxo). Délicate et aérienne, la légèreté apparente fait presqu’oublier la virtuosité du groupe et la grande qualité des arrangements. FISH ON FRIDAY se fend même d’une superbe reprise des Britanniques Metro (« Flames » sorti en 1977) et enchaine quelques merveilles (« 8mm », « Jump This Wall », « Silently Raging »).

Catégories
Classic Rock Hard Blues Rock 70's

The Vintage Caravan : une nostalgie réinventée

C’est toujours avec la même intensité que les îliens de THE VINTAGE CARAVAN livrent chacune de leurs réalisations. Depuis leur premier album éponyme en 2011, le chemin est déjà long, car les trois jeunes musiciens n’ont eu de cesse de se produire sans relâche. Cela valait donc bien un témoignage discographique de ces prestations endiablées, et c’est dorénavant chose faire avec « The Monuments Tour », dont la très belle production offre une immersion totale au cœur du Hard Blues 70’s du combo.

THE VINTAGE CARAVAN

« The Monuments Tour »

(Napalm Records)

Depuis plus d’une décennie maintenant, le jeune trio enflamme toutes les scènes où il se produit et qu’il arpente avec une énergie, une fougue et une assurance déconcertantes. Enraciné dans des années 70 qu’ils n’ont pourtant pas connu, les Islandais ont parfaitement assimilé les codes, les sonorités et surtout l’état d’esprit très jam de cette époque. Et avec une petite touche progressive supplémentaire, le Hard Blues de THE VINTAGE CARAVAN fait plus que respecter un genre, il lui apporte une bonne dose de modernité.

Affichant aujourd’hui cinq albums studio à son compteur, le groupe montre une évolution constante et pourtant son répertoire reste très homogène. D’ailleurs, « The Monuments Tour » parcourt toute sa discographie à travers 13 morceaux parfois réarrangés, mais pour l’essentiel très fidèles aux versions originales. Grâce à des performances explosives dans les plus grands festivals européens, THE VINTAGE CARAVAN maîtrise complètement son sujet et se fait même plaisir sur des improvisations étincelantes tout en feeling.  

Capté lors de leur récente tournée l’an dernier, « The Monuments Tour » est une sorte de voyage musical sur fond de psychédélisme, où le Classic Rock et le Blues Rock font cause commune. Puissant et plein d’audace, le set proposé n’élude aucun disque et même si les morceaux sont issus de différents concerts, THE VINTAGE CARAVAN s’affirme avec détermination et fluidité (« Whispers », « Cristallized », « Can’t get You Off My Mind », « Psychedelic Mushroom Man », « Expand Your Mind », « Clarity »). Vivifiant !  

Photo : Tjeerd Derkink

Retrouvez l’interview du groupe à la sortie de l’album « Monuments » :

Catégories
France Rock Progressif

Nine Skies : guidé par l’émotion [Interview]

A peine « The Lightmaker » sorti, NINE SKIES a pris enfin la route pour une première série de concerts dans le sud de la France, d’où est originaire la majorité de ses membres. Un retour devant le public qui s’est fait attendre et qui s’est soldé par une belle réussite. Pour sa quatrième réalisation, le groupe a vu les choses en grand et livré un album digne des meilleures productions actuelles. Autour d’un noyau dur inamovible, le septet (sur scène) présente un Rock Progressif varié, s’appuyant sur de solides fondations et avec un regard peut-être plus électrique qu’auparavant. Anne-Claire Rallo, claviériste et parolière, et Alexandre Lamia, guitariste, arrangeur et également claviériste reviennent sur ce nouvel opus et les premières dates.   

– Vous nous aviez laissé il y a deux ans avec « 5.20 », un album entièrement acoustique, pour revenir aujourd’hui avec « The Lightmaker » où vous renouez avec l’électrique. Sur le précédent, c’était surtout l’envie de tenter une expérience musicale différente et d’explorer d’autres sonorités qui vous avaient motivé ?

Alex : Oui, il y a un peu de ça, car nous aimons énormément explorer des nouvelles facettes musicales. « 5.20 » était en réalité censé être un album où l’on réarrangeait acoustiquement nos anciens morceaux, mais de fil en aiguille, nous en sommes arrivés à un album entièrement original.

– « The Lightmaker » est votre quatrième album et probablement aussi le plus abouti. Et au-delà de ça, c’est aussi le premier sans Eric (Bouillette). Il y a une profondeur évidente qui s’en dégage d’ailleurs. De quelle manière et dans quel état d’esprit l’avez-vous abordé, puis composé ?

Alex : Merci beaucoup. Ce fut une épreuve terriblement compliquée pour moi, mais en même temps libératrice. J’ai tendance à réfugier et libérer mes émotions par la sincérité de la musique. Elle ne trompe jamais, et j’ai voulu m’investir encore plus pour honorer Eric et tout ce qu’il a donné et m’a donné. J’ai longtemps critiqué le résultat final de « The Lightmaker », mais je suis content que le public reçoive l’album aussi bien.

Photo : Philippe Comodini

– Dorénavant, NINE SKIES repose sur un socle solide et également encore différent. Anne-Claire, tu t’es occupée de l’écriture des textes et du concept de l’album. Comment vous êtes-vous répartis la composition des morceaux de « The Lightmaker » ?

Anne-Claire : A vrai dire, nous n’avons pas eu besoin de nous répartir la composition, puisque nous avons, Alex et moi, travaillé tous les deux sur la base de chaque morceau avant de les envoyer aux musiciens. Alex sur l’instrumental et moi sur le concept et les paroles. Mais nous échangeons toujours nos idées et nos sentiments sur chaque titre : Alex au niveau thématique et moi pour l’aspect musical.

– C’est une habitude chez vous maintenant, on retrouve de nombreux guests, dont certains sont même familiers aux auditeurs. Peux-tu nous faire les présentations et nous expliquer la répartition et le choix de chacun sur les nouveaux morceaux ?

Anne-Claire : Nous sommes très chanceux. D’abord, parce que tous ces musiciens sont des artistes bourrés de talent, mais aussi parce que chaque participation fait sens. Il ne s’agit pas d’une pyramide de lego. D’ailleurs beaucoup d’entre eux sont également des amis. 

Riccardo était une évidence. Il entretenait un rapport très fort avec Eric, et ils sont très proches tant au niveau artistique qu’émotionnel. Il s’est totalement approprié le poème que je lui ai envoyé pour « The Explorer » et a réussi à se l’approprier tout en faisant un superbe hommage à Eric. Arnaud et Laura ont parfaitement cerné l’esprit que nous voulions dégager de « The Chaotic », et Adam Holzman est juste, comme à son habitude, exceptionnel. L’ambiance de ses claviers tout au long de la chanson, et bien sûr avec ce solo dont lui seul a le secret, rendent le morceau magique.

Kristoffer (Gildenlöw) a également été une des plus belles surprises de cet album. Il est non seulement doué au-delà du commun, mais c’est quelqu’un d’exceptionnel humainement. Son travail vocal et de basse sur « The Lost » est exceptionnel et cela a été un réel plaisir de travailler à la création de ce morceau avec lui, étape par étape.

Charlie (Bramald) est également un ami proche. C’était, comme Riccardo, une évidence, pour l’album comme pour Eric. Et il a fait un travail extraordinaire. Je n’ai même pas besoin d’en parler, il vous suffit d’écouter !

Et « The Architect »… Ce morceau est très particulier pour moi, et cher à mon cœur, pour beaucoup de raisons. Je pense que c’est la conclusion parfaite pour l’album et je suis ravie de voir qu’il est très bien accueilli par les auditeurs. Le chant d’Achraf est splendide, Marco Minnemann est, comme à son habitude, royal et la guitare de John Mitchell vit d’elle-même, grâce à cette magie dont lui seul à le secret, et tout en donnant à la fois une seconde vie au morceau et même à l’album lui-même. J’aime vraiment que le disque se conclue ainsi. 

Anne-Claire Rallo – Photo : Philippe Comodini

– Je trouve les titres de ce nouvel album beaucoup plus incisifs que sur les autres. Cela s’explique par le concept, par les circonstances qui ont touché le groupe de très près ou, là encore, c’est un nouvel aspect de NINE SKIES que vous souhaitiez présenter et découvrir peut-être aussi vous-mêmes ?

Anne-Claire : il est certain que les expériences personnelles d’un artiste influencent, consciemment ou pas, ses créations, mais nous n’avons pas réfléchi à un aspect particulier que nous voulions atteindre. C’est juste réellement le résultat sincère des choses telles qu’elles avaient besoin de sortir.

Alex : Ce qui est bien avec NINE SKIES, c’est que nous faisons confiance à nos ressentis plus qu’à une direction déjà définie. Nous essayons de les transformer plutôt que de penser à un concept. Celui-ci vient après les émotions.

– Même si NINE SKIES évolue bien sûr autour d’un noyau dur de cinq musiciens, est-ce que vous ne seriez pas tenté à l’avenir par la réalisation d’un album juste entre vous ? Ou est-ce que ce partage et ces collaborations ne font-ils pas finalement partie intégrante de l’ADN du groupe ?

Anne-Claire : Comme je le disais, nous créons dans l’intensité du ressenti, rien n’est réfléchi. Cela ne signifie pas que nous faisons n’importe quoi non plus, bien sûr ! Le premier album était du 100% NINE SKIES, sans guests. Chaque participation a un sens profond et une réelle signification. Nous ne pensons pas encore au prochain album, nous verrons comment les choses se présentent le moment venu.

Alex : Qui sait ! Nous n’y pensons pas encore et nous voulons pour l’instant nous tourner vers le live, un maximum. Mais nous sommes complètement ouverts pour tester des choses différentes à l’avenir.

Alexandre Lamia – Photo : Philippe Comodini

– Depuis sa création, NINE SKIES s’est produit assez peu sur scène en raison des distances entre vous. Là, une série de concerts vient de s’achever. Comment l’avez-vous abordé étant donné le line-up très fluctuant du groupe ?

Anne-Claire : En effet, les évènements divers et le Covid nous ont forcé à annuler les dates et les tournées prévues après le ’Prog en Beauce’. Nous sommes très impatients de pouvoir enfin leur donner vie. Nous avons enfin le line-up parfait et cela est plus rassurant qu’une source de stress. Tous les musiciens apportent énormément avec leur touche personnelle et nous pouvons facilement adapter en live les morceaux sans les guests présents en studio, surtout dans le sens où nous ne sommes pas un groupe qui joue sur du backing ou qui reproduit une copie parfaite du CD sur scène.

Alex : Je peux, du coup, te répondre après cette première tournée, car elle fut une expérience absolument inoubliable. Les musiciens sont tous des monstres dans leur domaine et nous avons une telle énergie, une communication et une connexion que je peux juste dire que nous attendons vivement la suite, c’est-à-dire la tournée anglaise en mars 2024 !

– Un peu de légèreté pour conclure, et même si j’ai évidemment ma petite idée sur le sujet : que cache cette appellation de ‘Rock Frogressif’, dont vous vous affublez depuis peu ?

Anne-Claire : A vrai dire, c’est un de nos auditeurs qui nous a un jour attribué ce titre. Nous l’utilisons évidemment de manière ironique, notamment en réponse (taquinerie, mais jamais méchante) à certaines classifications, dont nous sommes régulièrement le sujet : néo-prog, prog de chambre, etc… La chose est restée depuis !

« The Lightmaker », le nouvel et quatrième album de NINE SKIES, est disponible sur le Bandcamp du groupe :

https://nineskies.bandcamp.com/album/the-lightmaker

Et chez FTF Music :

https://www.ftf-music.com/shop/nineskies/nineskies.htm

Et une simple recherche sur le site (en haut à droite) vous permettra de retrouver toutes les interviews du groupe et les chroniques d’albums.

Catégories
Hard 70's Heavy Psych Rock Stoner Blues

Fuzzy Grass : psychedelic garden

Avec le Rock Psychédélique, les possibilités sont multiples et le spectre musical est particulièrement vaste. Et si vous y injectez une tonalité bluesy, des influences progressives et Stoner et un faible pour l’improvisation, c’est une autoroute artistique qui s’offre à vous. FUZZY GRASS l’a bien compris et sa deuxième réalisation, « The Revenge Of The Blue Nut », est un océan de liberté et de créativité mis en fusion par quatre musiciens aux aspirations audacieuses et solaires.

FUZZY GRASS

« The Revenge Of The Blue Nut »

(Independant)

Il y a cinq ans, le quatuor sortait son premier album, « 1971 », et envoyait un signal fort et une indication claire quant à la démarche entreprise et l’époque qui l’inspire. Et FUZZY GRASS n’a pas modifié sa trajectoire d’un iota et enfonce même le clou avec « The Revenge Of The Blue Nut ». Toujours animé par un esprit old school et une grosse dose de bonne humeur, ce nouvel opus brille par ses ambiances souvent lourdes, mais délicieusement Psych et Blues. Et sous ces cieux très zeppeliniens, on est très vite envoûté.

Levons immédiatement le voile, car le suspense ne tiendra pas longtemps de toute façon, pour affirmer que l’ombre du grand dirigeable plane sur les six morceaux. Et on ne s’en plaindra pas, bien au contraire ! Mais FUZZY GRASS ne donne pas dans la pâle copie, il entretient la légende et continue l’aventure avec un regard neuf et très personnel. Très jam dans l’esprit, le groupe présente pourtant des titres très bien ciselés, jouant sur les contrastes et les couleurs musicales.

Et quel studio plus approprié que celui de La Trappe près de Toulouse, d’où est originaire la formation, avec son matériel vintage et bien sûr analogique pouvait mieux capter l’énergie électrisante de « The Revenge Of The Blue Nut » ? Les titres de FUZZY GRASS prennent un relief saisissant et on remonte le temps le sourire aux lèvres. Dès les premières notes de « Living In Time », le groove percute sur un ton progressif. Intense et Heavy sur « The Dreamer » et « Insight », c’est l’ultime « Moonlight Shades » qui finit de nous scotcher !

Photo : Fuzzy Grass
Catégories
Classic Rock Hard 70's Rock Progressif

Wishbone Ash : une cure de jouvence

Fondateur et garant de l’identité si particulière de WISHBONE ASH, Andy Powell perpétue avec élégance et inspiration l’héritage de son groupe, qui traverse le temps comme si de rien n’était. Entre Classic Rock, Hard Rock et avec un soupçon de Prog, les Anglais reviennent avec une surprise de taille. Mark Abrahams montre son évidente complicité à la guitare avec son leader, tandis que Bob Skeat (basse) et Mike Truscott (batterie) offrent une rythmique étincelante tout au long de ce « Live Dates Live » hors-norme.

WISHBONE ASH

« Live Dates Live »

(Steamhammer/SPV)

Quelle drôle d’idée que de rejouer en live un album live sorti il y a 50 ans déjà ! C’est pour célébrer cet anniversaire et surtout remercier ses fans que WISHBONE ASH s’est lancé dans cette belle aventure… jusqu’à faire écho à la pochette du « Live Dates » sorti en 1973 (une bien belle année !). Et histoire de bien faire les choses, les Anglais ont décidé de réinterpréter les morceaux dans le même ordre, avec la même envie et un talent toujours intact. Seul rescapé du line-up originel, le grand Andy Powell tient toujours les reines au chant et à la guitare bien sûr, et ses trois complices ne sont pas en reste, non plus.

Ce grand classique des Britanniques a donc été enregistré il y a tout juste cinq décennies et ils avaient même pu bénéficier du studio mobile des Rolling Stones pour l’immortaliser lors d’une longue tournée. D’ailleurs, aujourd’hui encore, la production de l’époque reste tout à fait honorable. A ce moment-là de sa carrière, le groupe était considéré comme l’un des meilleurs de son registre sur scène… une réputation largement conservée. WISHBONE ASH y interprète des titres figurant sur les albums « Argus », « Wishbone Four »  et « Pilgrimage », ainsi que leur succès « Blowin’ Free » et, bien sûr, l’incontournable « Phoenix » et ses 14 minutes.

Cette fois, c’est en dehors du Royaume-Uni et plus précisément au Daryl’s House Club de Pawling dans l’état de New-York que le quatuor s’est installé pour revisiter son mythique album. Et le résultat est plus que convaincant. L’intention de WISHBONE ASH n’est pas tant de donner un ‘coup de neuf’ à la première version, mais au contraire de la respecter et de conserver l’esprit et la philosophie d’antan. « Live Dates Live » ne sent pas la naphtaline, très loin de là, et c’est toujours un grand plaisir de réécouter « The King Will Come », « Warrior », « Rock’n Roll Widow »,  ou encore « The Pilgrim » et « Jail Bait ». La classe est la même et le temps n’a aucune emprise !

Catégories
International Rock Progressif

Eloy : dans les arcanes de l’Histoire [Interview]

La boucle est bouclée pour Frank Bornemann, guitariste, chanteur et compositeur d’ELOY. La trilogie autour de la vie de Jeanne d’Arc arrive donc à son terme avec le troisième volet de cette folle aventure avec « Echoes From The Past ». Faisant suite à « The Vision, The Sword And The Pyre Part I & II », ce nouvel opus se présente dans une ambiance légèrement différentes des précédents, puisqu’on y retrouve une touche très personnelle et propre au groupe allemand. Son leader nous en dit plus sur cette épopée musicale moyenâgeuse, et pourtant si actuelle dans le son et les morceaux.

– « Echoes From The Past » a une saveur un peu particulière, puisqu’il est non seulement le 20ème album studio d’ELOY, mais il est aussi le dernier volet de la ta trilogie consacrée à Jeanne d’Arc. Quel regard portes-tu sur cette carrière bien remplie ?

Etonné par sa durée, ému par la grande attention qui a été accordée à la musique d’ELOY, reconnaissant pour une si grande communauté de fans autour du globe qui m’a permis de faire cette carrière et d’être toujours en forme et en bonne santé.

– Ce nouvel album fait donc suite à « The Vision, The Sword And The Pyre Part I & II », une aventure débutée en 2017. Comment as-tu fait évoluer la narration dans un premier temps ? Et est-ce que cette trilogie a été écrite en une seule fois, ou au fur et à mesure ?

Dès le début, j’ai eu l’intention de créer une œuvre absolument authentique et historiquement correcte dans tous ses détails. Pour ce faire, j’ai consulté différents historiens, dont Régine Pernoud et Olivier Bouzy, le directeur du Centre Jeanne d’Arc à Orléans. C’est ainsi que je suis devenu un fin connaisseur de son histoire. Pour m’inspirer, j’ai visité de nombreux lieux où elle avait vécu et travaillé. Puis, j’ai commencé à travailler sur l’œuvre. J’ai d’abord cherché un titre intéressant et je l’ai trouvé avec « La vision, l’épée et le bûcher », et je me suis lancé. Comme il s’agit d’une œuvre très complexe, je l’ai divisée en deux albums et je me suis d’abord concentré sur le contenu du premier, qui est sorti en 2017 et a été très remarqué. Il a eu un grand succès et s’est placé dans plusieurs charts.

Encouragé par ce succès, j’ai immédiatement travaillé sur le deuxième volet, qui est sorti en 2019 et a également eu du succès en se classant aussi dans plusieurs charts. Au début, je n’avais pas pensé à un troisième album. Plus tard, je me suis rendu compte que le conteur, Jean de Metz, n’avait pratiquement rien dit de ses impressions, pensées, peurs et sentiments sur les deux albums. J’ai donc décidé de créer un troisième volet, dans lequel il serait le protagoniste des événements aux côtés de Jeanne d’Arc et refléterait les événements dans sa mémoire. C’est devenu un album très émotionnel que j’ai intitulé « Echos du passé ». Et l’album marche aussi très bien.

– Musicalement, de quelle manière es-tu parvenu à trouver cet équilibre, car les trois albums montrent une belle unité ?

Je ne sais pas. J’ai simplement composé, écrit des textes et je me suis mis dans la peau de Jean de Metz. Je me suis donc totalement identifié à lui. Je devais penser et ressentir comme lui, sinon cela n’aurait pas été possible. En ce qui concerne la musique, j’avais plus de liberté que dans les deux précédents. Ainsi, lors de la composition, des éléments typiques d’ELOY ont été introduits dans la musique, ce qui a probablement rappelé aux fans d’anciens albums. Pour moi, il était important que la musique s’accorde avec les deux premiers, malgré ses moments de force, de sensibilité et d’émotion variables. L’accueil positif réservé à « Echoes From The Past » me montre que j’ai probablement réussi à terminer la trilogie sur une bonne note.

– Ta fascination et ton admiration pour Jeanne d’Arc ne sont pas récentes, car tu avais déjà composé les morceaux « Jeanne d’Arc » en 1992 et « Company Of Angels » en 1994. Est-ce qu’à l’époque, tu avais déjà imaginé créer une telle épopée musicale ?

Oui, j’y pensais déjà lorsque j’ai composé le premier titre sur le thème de Jeanne d’Arc en 1990. Mais c’était trop tôt pour une grande œuvre conceptuelle, car je n’avais pas le temps et la tranquillité nécessaires à l’époque pour composer et produire un tel opus. C’est pourquoi nous en sommes restés sur une seule chanson. « Company of Angels », en 1984, était prévu pour un film américain, mais il n’a jamais vu le jour. J’ai donc placé ce titre sur l’album « The Tides Return Forever ». Ensuite, j’ai eu une période très chargée, avec de nombreuses productions dans mon studio, et je n’ai pas eu le temps de m’attaquer à une œuvre aussi importante. Ce n’est que bien plus tard que j’ai eu l’occasion de réaliser ce rêve.

– « Echoes From The Past » semble t’avoir pris plus de temps, puisqu’il n’y avait que deux ans entre les deux premiers albums. Cela est-il dû au Covid, ou l’album t’a-t-il demandé plus de travail ?

Oui, le problème a en effet été le Covid. Les musiciens et les ingénieurs du son étaient constamment absents. La production de cet album a été très éprouvante. Je suis d’autant plus heureux de ce succès.

– Comment pour les deux précédents, Jean de Metz, compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, est le protagoniste principal de l’histoire. Tu n’as pas été tenté de faire parler ton héroïne cette fois ?

Non, car cet album était dédié à Jean de Metz et à ses pensées et sentiments. Jeanne s’exprimait déjà sur « The Vision, the Sword & the Pyre Part 1 » avec la voix d’Alice Merton.

– Musicalement, ton Rock Progressif sonne très moderne aussi, tout en conservant ce côté intemporel propre à ELOY. Est-ce que le changement de line-up sur « Echoes From The Past » t’a également apporté un nouvel élan dans le jeu, la production et peut-être même dans la composition ?

Il n’y a pas eu de changement de casting, mais seulement des absences. Pendant la période de production, j’étais très souvent seul dans le studio. Les deux claviéristes, Hannes Folberth et Michael Gerlach, n’étaient pas là, et Steve Mann n’a pu participer aux claviers que pendant une période limitée, car il devait faire des tournées aux Etats-Unis, au Japon et en Angleterre en tant que guitariste. Au cours de la production, j’ai donc été très souvent seul en studio et je n’avais que sporadiquement des musiciens invités, auxquels j’expliquais ce qu’ils devaient jouer. Il n’y a eu aucun problème pour la basse et la batterie. Matze et Stephan ont apporté de superbes accents, qui ont donné un profil supplémentaire à l’album. Néanmoins, c’était une production épuisante et souvent solitaire pour moi, et finalement, j’ai dû mixer toute la musique et créer un pré-master.

– Ce qui est assez incroyable avec ELOY, c’est que tu as abordé des registres allant du Hard Rock au Space Rock en passant par le Krautrock, le Symphonique et bien sûr le Progressif. Pourtant, le style et le son du groupe sont immédiatement identifiables. Est-ce que c’est parce tu es le détenteur de cette identité depuis le début et que, finalement, ELOY ne pourrait pas continuer sans toi ?

Ce que tu supposes est vrai. J’ai effectivement fondé le groupe, j’ai fortement influencé son style par mes compositions et mon travail de production. J’ai également navigué à travers tous les changements de line-up. J’ai toujours tenu à ce que le groupe conserve son identité, et les fans m’ont largement récompensé pour cela.

– Enfin, lors de notre dernière interview, tu me disais que tu ne souhaitais pas faire de concerts autour de cette trilogie, mais un spectacle musical interprété par des artistes français. Où en est le projet aujourd’hui ?

Il est de facto impossible d’interpréter une telle œuvre uniquement avec une formation de groupe sous forme de concert avec de grands chœurs et des scénarios orchestraux. Dès le début, j’ai eu l’idée et l’intention de présenter « The Vision, the Sword and the Pyre » (sans « Echoes From The Part » et d’abord en France) comme un spectacle musical, à savoir un mélange de théâtre et de musique. Tous les dialogues et les paroles qui mènent l’action doivent provenir d’une troupe de comédiens français, qui se produisent sur scène. Les textes doivent bien sûr encore être écrits. Pour cela, je vais bientôt travailler avec un écrivain français. Il n’y aura pas de dialogues chantés, comme c’est le cas pour les comédies musicales. Si des représentations ont lieu à un moment ou à un autre dans d’autres pays, les textes parlés seront interprétés dans la langue du pays par une troupe de théâtre locale. Tu vois, le chemin à parcourir reste encore long et il n’est pas du tout certain que nous y parvenions. Croisons les doigts !

Le dernier album d’ELOY, « Echoes From The Past », est disponible chez Drakkar Entertainment.

Catégories
Rock Progressif

Nine Skies : frogressive land

Après la tragique disparition d’Eric Bouillette, l’un des principaux maîtres d’œuvre de la formation, on aurait pu s’interroger sur la suite qu’auraient donné les membres de NINE SKIES, et à juste titre d’ailleurs. En lui dédiant « The Lightmaker », le groupe de Rock Progressif opte donc pour la poursuite de leur si belle entreprise et on ne saurait que les en remercier. Très varié, aérien et parfois même aux frontières du Metal, les Français montrent une créativité toujours aussi féconde et basée sur une histoire saisissante.

NINE SKIES

« The Lightmaker »

(Independant/FTF Music)

Depuis ses débuts en 2017, NINE SKIES ne cesse de surprendre en se réinventant au fil des albums. « The Lightmaker » est le quatrième des Français en studio, auquel il faut ajouter « Live @ Prog En Beauce », sorti en 2021. Suite à la disparition de son multi-instrumentiste et compositeur Eric Bouillette, le groupe évolue aujourd’hui autour d’un cercle de six musiciens chevronnés, dont notamment la parolière, musicienne et créatrice du concept de l’album, Anne-Claire Rallo, et Alexandre Lamia (guitares, claviers), qui s’est aussi chargé de l’ensemble de la production dans ses moindres détails.

Suite à « 5.20 », entièrement acoustique, NINE SKIES revient avec un album-concept électrique de haute volée, qui voit se côtoyer de nombreux courants du Rock Progressif. Et si l’éventail musical est large, la liste des invités conviés sur « The Lightmaker » est également impressionnante et d’une qualité toujours aussi éclatante. On y retrouve Marco Minnemann, Adam Holzman, Kristoffer Gildenlöw, John Mitchell, Riccardo Romano, Martin Wilson, Charlie Bramald, Arnaud Quevedo et Laura Piazzai. Autant de talents qui font rayonner cette nouvelle réalisation.

C’est même devenu une marque de fabrique et une habitude qui offrent une belle diversité cette fois encore à des morceaux d’une rare élégance, où l’on retrouve d’ailleurs des aspects très percutants sur des morceaux relativement longs (« The Explorer », « The Dreamer », « The Chaotic », « The Lost », « The Architect »). Désormais incontournable sur la scène progressive hexagonale, le sextet livre un brillant opus, et c’est donc assez naturellement qu’ils s’exprimeront très prochainement ici même pour une explication plus en détail de la conception et de l’enregistrement de « The Lightmaker ». A suivre…

Retrouvez les précédentes interviews :

Catégories
Progressive Heavy Metal

Timechild : à travers l’obscurité

Il est assez rare de voir une jeune formation, même composée de musiciens chevronnés, franchir aussi vite les étapes en proposant un style dont il reste assez peu de représentants. Et pourtant, TIMECHILD, directement venu du Danemark, se pose avec « Blossom & Plague » dans un Heavy Metal, qui se fond dans un Rock Progressif avec une grande habileté.

TIMECHILD

« Blossom & Plague »

(Mighty Music)

Tout va très vite pour TIMECHILD qui, depuis sa formation en 2020, sort déjà son deuxième opus après « And Yet It Moves » il y a deux ans. Il faut dire que même si les Danois évoluent dans un Heavy Metal Progressif que d’autres comme Fates Warning ou Queensrÿche ont brillamment expérimentés avant eux, ils y apportent une approche nouvelle, pas forcément plus moderne, mais tout aussi efficace techniquement comme dans l’écriture.

Toujours aussi ambitieux, TIMECHILD donne une vision très personnelle de ce qu’un savant mélange de Heavy Metal et de Rock Progressif peut offrir. Si « Blossom & Plague » est plus sombre que son prédécesseur, il n’en demeure pas moins créatif et captivant. Et pour mettre en lumière ces nouvelles compos, le quatuor a fait appel à Soren Anderson (Glenn Hugues, Phil Campbell) pour la production. Le résultat est convaincant et séduit rapidement.

TIMECHILD joue sur les atmosphères grâce notamment à son chanteur et six-cordiste Anders Folden Brink, dont la voix très Classic Rock porte l’ensemble. L’autre point fort des Scandinaves est le jeu proposé par les twin-guitares, tantôt bluesy, tantôt épiques (« Call Of The Petrichor », « Hands Of Time », « The Sign » » et « The Dying Tide » décliné en trois parties et qui ouvre l’album). « Blossom & Plague » flirte même avec le Doom et vient confirmer les très bons débuts du groupe.  

Photo : Jakob Harris
Catégories
Rock Progressif

Karmamoi : une sensibilité intense

Précis et d’une grande délicatesse, le jeu de KARMAMOI brille littéralement sur cette nouvelle réalisation. Entre nouveaux titres et d’autres plus anciens qui ont reçu une relecture très soignée et inventive, les Italiens sortent l’un des meilleurs albums de Rock Progressif de cette année. Affichant plus d’une heure de musique, « Strings From The Edge Of Sound » est aussi complet qu’il est inspiré et immersif.

KARMAMOI

« Strings From The Edge of Sound »

(Independant)

Si la scène progressive italienne est aussi créative, c’est sûrement grâce à des formations comme KARMAMOI qui, depuis 15 ans en ce qui le concerne, l’anime et lui donne ses belles lettres de noblesse. Pourtant, c’est en s’appuyant sur des fondations Prog Rock britanniques établies il y a quelques décennies que les Transalpins se sont forgés cette identité très personnelle. Et sur ce sixième album, « Strings From The Edge Of Sound », elle s’affirme magnifiquement.

Ce nouvel opus réserve aussi son lot de surprises, puisque KARMAMOI propose quatre nouveaux titres et cinq déjà connus que le groupe a entièrement réarrangé pour leur offrir une version orchestrée. Et le résultat est somptueux, d’autant que l’ensemble est très homogène, parfaitement lié et ce sur plus d’une heure. Avec une telle tracklist, « Strings From The Edge OF Sound » ne montre aucun point faible et la qualité d’interprétation est également irréprochable. 

D’une grande finesse dans le songwriting, KARMAMOI fait preuve de beaucoup de diversité et de variations dans ses morceaux. Très bien produit par Daniele Giovannoni (batterie, claviers) et Valerio Sgargi (chant) avec Mark Tucker, le groupe fait la part belle au piano et à la guitare acoustique en ne s’interdisant pas des fulgurances très électriques bien senties. Et avec un tel chanteur, on est vite envoûté (« Black Hole Era », le génial « Nashira », « Room 101 », « Your Name », « Zealous Man »). Majestueux !