Catégories
Blues Rock Heavy Blues International

Erja Lyytinen : the northern star [Interview]

Très explosif et féminin, ce nouvel album de la Finlandaise vient bousculer le Blues déjà très Rock, auquel elle nous a habitués depuis une vingtaine d’année maintenant. Toujours aussi virtuose, elle sait aussi se faire plus sensuelle vocalement, soufflant le chaud et le froid à grand renfort de cette slide incroyable, dont elle a le secret. « Smell The Roses » sonne comme un retour aux fondamentaux, où le superflu n’a pas sa place. ERJA LYYTINEN offre une production très personnelle, intime et la fougue dont elle fait preuve ici ne laisse pas de place à l’hésitation. Rencontre avec une artiste passionnée et grande technicienne, qui se nourrit d’une sincérité de chaque instant.   

– « Smell The Roses » est l’un de tes albums le plus Rock et le plus brut, et pourtant on te voit poser avec une belle rose rouge. Quel contraste, ou sur quel paradoxe, as-tu voulu jouer sur cette pochette ?

Mon intention était de créer quelque chose de nouveau sur la pochette de l’album. Dès que j’ai su que le titre serait « Smell The Roses », j’ai voulu poser avec une rose, mais sous un angle différent de d’habitude. Sur la pochette, je la tiens dans ma bouche et mon expression légèrement surprise me dit : mais qu’est-ce que c’est ? Je voulais faire quelque chose de rafraîchissant, quelque chose qui donne envie de s’arrêter et de regarder à nouveau et de se demander ce qui se passe. Et pour les photos promotionnelles, nous avons opté pour un style plus classique, où la rose est idéalement placée entre les cordes de ma guitare. Il y a donc deux types de poses avec la rose. Et je trouve qu’elle va très bien avec le Rock !

– L’impression qui domine à l’écoute de « Smell The Roses », c’est cette production très épurée et sans fioritures, très instinctive. Est-ce que ton objectif était d’aller à l’essentiel, de ne pas trop d’encombrer d’arrangements superflus en livrant une expression très directe de tes chansons ?

Avec « Smell The Roses », je voulais faire un album purement Rock avec un groupe en formation classique. Et une guitare électrique, un orgue Hammond, une basse et une batterie constituent une base solide. Il n’y a pas beaucoup de superpositions. Nous voulions une ambiance live et créer des chansons et des sonorités qui donnent envie de se dire ‘Ouais, c’est du Rock !’. C’est mon album le plus heavy à ce jour, et j’y ai joué beaucoup de riffs de guitares. C’était rafraîchissant de faire simple. Je trouve qu’on a trop de fouillis de nos jours… trop de matériel, trop de tout. Donc, rester simple et directe, avec un esprit Rock des années 60 et 70 était vraiment l’objectif et nous y sommes parvenus.

– Cette fois encore, tu produis ce nouvel album. On peut facilement comprendre ton désir d’avoir la main sur tes chansons du début à la fin. Cependant, avec l’expérience que tu as aujourd’hui, tu n’as jamais été tenté par faire appel à un producteur américain, ou anglais, de renommée mondiale et qui t’ouvrirait peut-être nouveaux horizons musicaux, comme tu l’avais déjà fait avec David et Kinney Kimbrough dans le passé, par exemple ?

Oui, bien sûr, j’ai été tentée de faire appel à des producteurs de renommée mondiale ! Cependant, j’ai moi-même une vision claire et je n’ai pas peur de prendre des décisions. J’ai aussi enregistré moi-même mes solos de guitare et mes voix pour l’album, et j’apprécie beaucoup ce processus. Pour beaucoup d’artistes indépendants, produire ses propres enregistrements est aussi une option économique. J’ai adoré travailler avec Chris Kimsey et nous restons en contact. L’enregistrement de « Stolen Hearts » aux studios ‘State Of The Ark’ à Londres avec lui a été une expérience formidable en 2016. Il y a aussi des producteurs avec qui il serait intéressant de produire les prochains albums. On verra bien ce que l’avenir nous réserve pour la suite. Mais produire « Smell The Roses » seule était intéressant et assez facile, car je travaille avec mon groupe et mon ingénieur du son depuis un certain temps déjà. Tout s’est donc bien passé.

– Sur ce nouvel album, il y a des chansons comme « Going To Hell », « Abyss » ou « Empty Hours », qui sont très profondes avec des textes forts pleins de sens. Ce n’est pas la première fois que tu fais preuve d’autant d’audace, mais la thématique est peut-être plus sombre et plus dure aussi cette fois. C’est le monde actuel avec ses allures de chaos qui t’a poussé à aller dans ce sens ?

Le monde est dans un état étrange en ce moment et cela doit aussi se refléter dans la musique. Il y a aussi quelques ‘démons personnels’ que je libère toujours dans mes albums. Bien sûr, il y a aussi beaucoup de fiction, l’objectif étant d’émouvoir l’auditeur, de l’inciter à s’arrêter, à écouter et à trouver sa propre signification dans les chansons. Mais oui, cet album est bien plus sombre que mes précédents. Je n’ai pas peur d’aborder des sujets difficiles et d’apporter une touche de mysticisme à mes chansons. Par exemple, « Stoney Creek » est une histoire mystérieuse, qui n’a pas encore été résolue. Je trouve fascinant d’écrire des paroles dignes d’un film… de peindre un tableau pour l’auditeur.

– Tu as également multiplié les collaborations tout au long de ta carrière, dont beaucoup de très prestigieuses. Avec « Smell The Roses », tu donnes l’impression de vouloir revenir à quelque chose de plus personnel et de plus intime. Tu avais l’envie de revenir à l’essence-même de ton Blues Rock et à un style peut-être plus débridé ?

Personnel et intime, voilà ce dont nous avons besoin en ce moment. De l’honnêteté et de la sincérité. C’est la meilleure façon de toucher les gens : être ouvert et franc. C’est difficile pour nous, les gens, d’avoir ce genre de choses. Cet album doit être nouveau de ce point de vue, et je suppose que c’est pour cela que les gens l’apprécient. En écrivant les chansons, je ne voulais me limiter en aucune façon. La simplicité réside dans la production, mais les solos de guitare sont très intenses et je me suis efforcé de jouer différemment sur cet album que sur le précédent, « Waiting For The Daylight ». L’album est donc orienté Blues et Rock avec quelques touches de Hard Rock.

– Tu as déjà sorti cinq albums live et, justement, « Smell The Roses » a une sonorité très live et immédiate. Toi qui es une artiste de scène, tu as ressenti le besoin de revenir à un enregistrement qui se rapproche de tes prestations en concert ?

J’adore jouer en live. Et en écrivant pour cet album, j’ai aussi réfléchi à ce que j’aimerais jouer sur scène ces deux prochaines années. Nous avons aussi répété les morceaux avec mon groupe pendant les balances de notre tournée européenne et cela a dû influencer le matériel : les chansons fonctionnent sur scène comme sur l’album. Il est très organique. Nous avons déjà joué beaucoup de morceaux en concert et ils fonctionnent très bien en live. Je n’ai pas eu besoin de composer grand-chose pour mes parties de guitare. Donc, pour moi, c’est parfait !

– Justement, puisqu’on parle de concert, tu as aussi sorti il y a quelques semaines l’album « 20 Years Of Blues Rock ! » enregistré dans ta ville natale d’Helsinki pour marquer les 20 ans de ton premier album « Wildflower ». C’est un disque très fort émotionnellement. Quel regard portes-tu sur cet album par rapport à « Diamonds on the Road – Live », notamment, qui était sorti l’année précédente ? Le premier est-il plutôt destiné à tes fans de la première heure ?

« 20 Years of Blues Rock! » est un album live que nous avons enregistré lors de mon concert pour les 20 ans de ma carrière au légendaire ‘Tavastia Club’ d’Helsinki. L’album comprend deux CD et un DVD, ce qui en fait un disque vraiment sympa. J’avais invité toutes mes sections rythmiques depuis 2003 à jouer ce soir-là. Il y avait donc cinq bassistes, cinq batteurs et plein d’autres invités. C’était très nostalgique, très exaltant, une longue soirée pleine de souvenirs ! Nous avons joué des morceaux de chacun de mes albums studio avec les formations originales. C’était vraiment génial ! C’est donc un produit que nous allons continuer à proposer pendant un certain temps, car il s’adresse vraiment à mes fans de longue date, qui suivent ma carrière depuis l’enregistrement de mon premier album en 2003.

– En réécoutant ton album précédent, « Waiting For The Daylight », mais surtout tes albums live, j’ai noté une évolution dans ton jeu, pas au sens strictement technique, mais plutôt dans le jeu et la façon d’aborder les mélodies. Quel regard poses-tu justement sur ta façon de jouer ? Qu’est-ce qui a le plus changé, selon toi, dans ton rapport à ton instrument ?

Je joue de la guitare depuis plus de trente ans et c’est agréable d’entendre que les gens perçoivent mon évolution. Je n’ai pas peur de dépasser les limites et, aujourd’hui, j’essaie d’utiliser ouvertement tout ce que j’ai appris au fil des ans sur la guitare et la musique. Je suis donc très ouverte à l’exploration de cet instrument. J’apprécie également la musique progressive et la fusion. À l’époque, lorsque je jouais principalement dans les clubs de Blues, je ne pouvais pas vraiment jouer de musique progressive, mais aujourd’hui, je m’exprime plus librement, en espérant que mon public l’appréciera aussi. Et il semble qu’ils aient été plutôt satisfaits de mon approche plus Rock et progressive, que ce soit dans les mélodies ou les harmonies.

– Tu as toujours eu un son européen qu’on pourrait même qualifier de ‘nordique’ au regard de la scène britannique, par exemple. C’est ce qui te rend immédiatement identifiable et unique sur la scène Blues Rock mondiale. Justement quel regard portes-tu sur l’actuelle et  effervescente scène Blues, et notamment sur les femmes qui commencent enfin de plus en plus à occuper les premiers rangs ?

Mes origines finlandaises ont forcément un impact sur ma musique. C’est pourquoi je mélange mes racines nordiques avec la tradition du Rock et du Blues britannique et américain. C’est fascinant de voir de plus en plus de femmes évoluer dans le monde de la musique. Cela diversifie le secteur, offre davantage de possibilités aux femmes et aux jeunes filles et les encourage à suivre leur propre voie. Je pense que cela contribuera à l’essor de toute l’industrie. Quand j’ai commencé la guitare électrique à quinze ans, le paysage musical était très masculin, et le changement a été considérable ces dix dernières années.

– Enfin, avec son côté presque frontal, très Rock et parfois rugueux, « Smell The Roses » est peut-être l’album qui te ressemble le plus dans ses textes, mais aussi dans ton jeu, où tu sembles revenir à l’essentiel avec beaucoup de facilité d’ailleurs. Est-ce que tu te sens à un sommet de ta carrière aujourd’hui artistiquement ?

Eh bien, j’apprécie vraiment cette aventure ! Certaines choses me semblent beaucoup plus faciles aujourd’hui. J’ai un groupe et une équipe formidables avec qui travailler, j’aime jouer en live et écrire des chansons. Je suis heureuse et c’est particulièrement important. Le chemin a été long pour en arriver là, mais je sens qu’il y a encore beaucoup à faire. En tout cas, j’ai très envie de continuer et de découvrir ce que l’avenir nous réserve de génial !

Le nouvel album d’ERJA LYYTINEN, « Smell The Roses », sort le 28 mars chez Tuohi Records. Elle sera par ailleurs en tournée en Angleterre du 2 au 13 avril. Toutes les infos et les dates sont à retrouver sur son site : https://erjalyytinen.com

Photos : Ville Juurikkala

Retrouvez aussi les chroniques de ses derniers albums :

Catégories
Blues Blues Rock Chicago Blues Delta Blues

ZZ Ward : all the Blues

Artiste accomplie au parcourt assez étonnant, ZZ WARD sort un quatrième opus plein de surprises en suivant ses choix et ses envies. Sur « Liberation », chaque titre est concis et direct et traverse les courants du Blues avec passion et beaucoup de facilité.  A la fois Roots, Blues Rock, Southern, aux sonorités du Delta comme sur un groove Honky-Tonk, la frontwoman se fait brûlante, poignante, délicate et forte. Vibrante et intense, l’Américaine est exaltante et conquérante. Une belle démonstration de feeling et de maîtrise.

ZZ WARD

« Liberation »

(Dirty Shine/Sun Records)

Chaque nouvelle sortie de ZZ WARD est dorénavant scrutée de très près et quelques mois après son arrivée sur le mythique label Sun Records qui avait été marqué par l’EP « Mother », elle nous livre « Liberation ». Et la songwriter de Roseburg, Oregon, se présente avec un quatrième opus étonnant à bien des égards. En effet, le successeur de « Dirty Shine », sorti il y a deux ans, est composé de quatre des six morceaux de son récent format court paru en octobre dernier, ainsi que de quelques classiques revisités et, bien sûr, de chansons originales.

Celles et ceux qui auraient manqué « Mother » ont donc le droit à une petite séance de rattrapage. La multi-instrumentiste a renouvelé sa confiance au producteur Ryan Spraker, ayant lui-même plusieurs cordes à son arc, et « Liberation » est un album qui n’aura jamais aussi bien porté son nom. Au fil des morceaux, on découvre ZZ WARD déclamant son amour du Blues, sans filtre et sans fard, que ce soit sur ses propres titres ou sur les reprises qu’elle a savamment choisi et qu’elle s’est approprié avec brio…. Une expression de la liberté plus flamboyante que jamais.

Libre et libérée, la chanteuse fait ce qu’elle veut et elle sait tout faire. A travers les 14 chansons de « Liberation », elle démontre sa polyvalence tout comme sa connaissance d’un répertoire Blues très large. Parmi les covers de Big John Hamilton, Son House, Robert Johnson ou Fats Domino, ZZ WARD fait plus qu’explorer l’Histoire du genre, elle la réinvente et lui offre une toute nouvelle couleur. Et en marge, on se délecte de ses compositions très personnelles et intimes (« Love Alive », « Liberation », « Lioness », « Clairvoyant », « Next To You »). Brillante ! 

Retrouvez les chroniques précédentes :

Catégories
Blues Blues Rock International

Eric Johanson : in the cradle of Blues [Interview]

Originaire de la Nouvelle-Orleans, ERIC JOHANSON n’aura pas mis très longtemps à s’imposer sur la scène très prolifique des jeunes bluesmen américains. Ayant fait ses gammes aux côtés de Cyril Neville, Anders Osborne et des Neville Brothers, il tape ensuite dans l’œil de Tab Benoit qui le signe aussitôt sur son label Whiskey Bayou Records, où sort « Burn It Down » en 2017. Depuis, le guitariste et chanteur ne cesse d’arpenter les scènes du monde entier et on le retrouve tout naturellement avec « Live In Mississippi », qui fait suite à son dernier opus studio « The Deep And The Dirty ». Entretien avec un artiste qui s’exprime pleinement en concert, où il transmet sa passion d’un Blues relevé.

– Trois ans après le « Live at DBA: New Orleans Bootleg », tu es déjà de retour avec un autre album live. Cela peut paraître un peu surprenant, surtout après quatre albums studio et deux autres de reprises. C’était le bon moment d’en sortir un nouveau, selon toi ?

Pour moi, ce qui compte vraiment, c’est de pouvoir capturer ces moments et de les partager avec les gens. Le dernier album live n’était disponible physiquement que lors de nos concerts et sur ma boutique en ligne. Faire celui-ci avec Ruf Records signifiait qu’il serait disponible en vinyle ainsi qu’en CD, et dans les magasins partout en Europe et en Amérique du Nord. C’est donc cet autre aspect qui m’a enthousiasmé.

– Avoir sorti deux albums live sur une assez courte carrière laisse à penser que c’est vraiment su scène que tu te sens le mieux. Qu’y a-t-il de si spécial dans le fait d’enregistrer un disque en public ? C’est l’échange ?

Oui, il y a quelque chose de spécial qui se produit quand on ressent la chanson et l’énergie du public. Avec les enregistrements en studio, on joue presque tout en live, mais c’est différent, parce qu’on sait qu’on crée la version album. Lors d’un concert, on prend plus de risques et le public peut aussi nous inciter à jouer avec plus d’intensité. C’est un moment partagé, et les gens jouent un rôle très important dans l’ambiance.

– « Live In Mississippi » fait, bien sûr, la part belle à ton dernier album « The Deep And The Dirty », qui a été couronné de succès. Ton envie première était-elle de donner des versions différentes de tes morceaux avec peut-être les modifications que la scène leur a apportées au fil des concerts ?

Nous avons pris beaucoup de plaisir à jouer les chansons de ce nouvel album, et comme la précédente sortie live est sortie avant celles-ci, il était logique d’en inclure davantage sur « Live in Mississippi ». Lorsque nous les jouons en live, nous pouvons étirer certains passages ou explorer un peu plus les solos. Nous trouvons tout le temps de nouvelles choses à inclure aux morceaux.

– « Live In Mississippi » présente dix chansons au total. J’imagine bien sûr que tes concerts sont bien plus longs. Comment s’est passé le choix de conserver celles-ci pour l’album ? Tu as décidé en fonction de tes interprétations, ou il s’agit plutôt d’un équilibre dans ton répertoire qui te définit finalement le mieux ?

Oui, le concert était bien plus long que ce disque. On ne peut pas mettre autant de musique sur un vinyle, donc on a dû le réduire à ce qui semblait être un bon échantillon de la soirée. Bien sûr, une partie de moi veut sortir un coffret avec deux ou trois vinyles, ou quelque chose comme ça, mais ça devient une sortie vraiment chère à ce stade. Je repense aussi à certains grands disques live qui sont devenus des classiques, même s’ils étaient suffisamment courts pour tenir sur un seul disque. Et puis, parfois, ça vous fait réaliser qu’on peut transmettre l’ambiance sans que ça dure pour autant deux heures.

– Pour ton dernier album, « The Deep And The Dirty », tu as beaucoup tourné, que ce soit aux Etats-Unis comme en Europe. J’imagine que les émotions sont nombreuses et très diverses. Dans quel pays et par quel public as-tu été le plus surpris ou séduit ?

J’adore vraiment voyager partout. C’est l’un des meilleurs aspects des tournées, celui de rencontrer des gens du monde entier et de ressentir cette connexion entre tous les peuples à travers la musique. Nous avons joué dans des festivals incroyables en Espagne, en Suède et aux Pays-Bas, et ce sont toujours des moments géniaux, parce que les gens vous entendent pour la première fois. Mais j’aime aussi beaucoup conduire à travers l’Europe pour faire la tournée des clubs et voir la campagne. Nous serons d’ailleurs à nouveau en Europe à la fin de l’année et j’ai vraiment hâte !

– Comme son nom l’indique, l’album a été enregistré dans le Mississippi au ‘Ground Zero Club’ de Biloxi. Pourquoi as-tu fait le choix de ce concert en particulier ? Correspond-il à un moment spécial de ta tournée, à un endroit que tu connaissais déjà, ou plus simplement c’est le public a été le plus réceptif ?

J’aime l’idée de capturer la musique dans l’environnement d’où elle provient. Notre dernière sortie live a été réalisée ici à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, et le Mississippi est un autre lieu de naissance important du Blues et de la musique roots. Nous voulions également trouver un concert où nous savions que la salle serait prête à nous aider à le réaliser, et les gars de ‘Ground Zero’ sont tout simplement super sympas et serviables.

– L’enregistrement d’un album live n’est jamais quelque chose que l’on fait au hasard, il demande aussi de la préparation et pas uniquement du côté des musiciens. Est-ce que, justement, c’est un rendez-vous spécial avec le public avant même de commencer le concert, car on sait qu’il va être immortalisé sur disque ?

Non, car je ne veux pas que les gens se comportent différemment parce que c’est enregistré. Je veux juste capturer un instantané authentique de l’expérience. Je crois avoir mentionné une fois au micro que nous étions en train d’enregistrer, mais pour l’essentiel, nous nous sommes juste concentrés sur le fait de nous amuser avec le public, comme on le fait toujours.

– Partir en tournée dure quelques semaines, voire quelques mois, et les concerts sont forcément nombreux. Est-ce que tu as fait évoluer ta setlist au fil des dates, ou peut-être même suivant le public ou le pays, voire plus simplement au fil de tes envies ?   

Je n’écris plus de setlist, sauf s’il s’agit d’un concert très court, comme une première partie ou une brève apparition dans un festival. Je me base simplement sur mon ressenti et sur la chanson qui me semble la plus appropriée à jouer ensuite. Certaines ont tendance à être placées au début ou la fin, mais j’essaie toujours d’éviter de faire le même set.

– L’album passe par des émotions et des atmosphères très différentes. Tu avais aussi le désir de livrer le panel le plus large de ton répertoire avec des instants parfois opposés et qui font aussi bien sûr ton jeu et ton style plus largement ?

Oui, je pense que le défi de choisir une sélection de morceaux pour un concert est de montrer différentes facettes de ce que tu fais. Je pense que ce disque est une bonne représentation du mélange de styles qui composent mon son.

– Tu as la particularité d’évoluer en trio, ce qui offre beaucoup de proximité entre les musiciens, mais aussi une grande immédiateté avec le public. On te sent justement très proche des gens. C’était vraiment ce que tu souhaitais capter de ces moments en concerts ?

Bien sûr, j’ai toujours été attiré par le son du trio, parce qu’on peut entendre tellement de détails de chaque musicien. Nous occupons chacun un espace sonore différent, donc rien ne masque vraiment quoi que ce soit de l’autre. Cela met tout le monde en avant, donc il faut vraiment tout donner dans sa performance. Je pense que cela se traduit également par une intimité avec le public, ce que j’aime beaucoup.

« Live In Mississippi » d’ERIC JOHANSON sera disponible le 21 mars chez Ruf Records.

Retrouvez la chronique de « The Deep And The Dirty »…

… Et celle du Blues Caravan 2024 avec Katarina Pejak et Alastair Green :

Photos : Kaylie McCarthy (1,2, 4), Doug Hardesty (3) et Gypsy Bone Photography (5).

Catégories
Blues Rock

Sean Chambers : electric tradition

En très, très grande forme, le six-cordiste et chanteur américain SEAN CHAMBERSa bâti un pont plus que solide entre les Etats-Unis et l’Angleterre avec comme ciment un Blues Rock vivifiant, communicatif, brut, parfois marécageux et sans concession. Accompagné par la sémillante et irrésistible Savoy Brown Rythm Section, le power trio est exaltant, tant chacun semble au sommet de son art. Cet instantané live est d’une force et d’une énergie qui ne peuvent laisser les amoureux de Blues Rock, comme les autres, de marbre. Monumental !  

SEAN CHAMBERS

« Live From Daryl’s House Club »

(Quarto Valley Records)

Il a du feu dans les mains et une vision globale du Blues Rock, qui fait de lui l’un des meilleurs représentants actuels du genre. Adoubé par l’iconique Hubert Sumlin qui en fait son guitariste principal et son chef d’orchestre pendant cinq ans, SEAN CHAMBERS a ensuite commencé à tracer son chemin en solo et a sorti huit albums. D’ailleurs remarqué et couvert de louanges par le grand Paul Rodgers, il fait connaissance en 2019 avec la fameuse Savoy Brown Rythm Section lors d’un festival. Le lien musical est naturel et immédiat et la suite est tout aussi éclectique et tellement virtuose.

Avant la disparition de Kim Simmonds, guitariste-fondateur de Savoy Brown il y a deux ans, celui-ci a même donné sa bénédiction au trio dans lequel SEAN CHAMBERS croise le fer pour notre plus grand bonheur avec le bassiste Pat De Salvo et le batteur Garnet Grimm, épine dorsale du groupe londonien. Un trio magique anglo-américain qui fait aujourd’hui des étincelles et qui est venu renverser le public du Daryl’s House Club dans l’Etat de New-York, pourtant habitué aux joutes Blues et Rock. Le set enregistré en mai 2024 est tout simplement époustouflant.

Il y a du Hendrix et du SRV chez le Floridien, ce qui rend son jeu particulièrement complet et enveloppant. Porté par un public totalement subjugué, le groupe électrise la salle et distille un Blues Rock endiablé constitué de morceaux de SEAN CHAMBERS bien sûr, mais aussi de titres composés, et savamment choisis, du grand Simmonds. Une sorte d’hommage qui ne dit pas son nom, mais qui est réellement palpable et qui ne manque pas d’audace dans l’interprétation (« Cobra », « Red Hot Mama », « Bullfrog Blues », « You’re Gonna Miss Me », « Louisiana Blues »). Juste exceptionnel !

Catégories
Blues Rock Classic Rock

Ellis Mano Band : polymorphe

Un pied dans un Blues très actuel et l’autre dans un Classic Rock intemporel, ELLIS MANO BAND continue sa belle aventure en se dévoilant un peu plus sur ce quatrième opus, où il semble avoir digéré les nombreuses références qui rassemblent les cinq musiciens. Et le style n’en est pas plus resserré pour autant. Au contraire, « Morph » montre un visage aux multiples facettes, tout en se faisant très rassembleur et sans perdre le sens très affiné et raffiné de son jeu. Les disques de ce calibre se font rares et lorsqu’ils montrent autant de facilité et d’évidence dans le jeu, cela devient une réelle gourmandise, dont on dévore chaque miette.

ELLIS MANO BAND

« Morph »

(SPV Recordings)

Après un somptueux album live en mars de l’année dernière (« Access All Areas »), ELLIS MANO BAND est cette fois retourné en studio pour y enregistrer son quatrième album. Et la formation internationale y a encore fait des merveilles. Très inspirés, les cinq musiciens font parler l’expérience et se présentent avec dix nouveaux titres, plus un morceau enregistré en public, « The Fight For Peace », petit chef d’œuvre de sept minutes. Et les surprises se succèdent, tant le groupe du chanteur Chris Ellis et du guitariste Edis Mano sort de son habituel Blues Rock. Une façon aussi de franchir certaines frontières musicales et de se faire plaisir sans rien se refuser. Et avec autant de talent, tout paraît si simple et spontané.  

Car si ELLIS MANO BAND œuvre pour l’essentiel dans un Blues très contemporain sur « Morph », il n’hésite pas très longtemps à prendre le parti d’un Classic Rock solide et enlevé, histoire aussi d’appuyer son propos comme sur le génial « For All I Care » ou « Countdown To Nothing ». Les Suisses montrent une incroyable variété dans les ambiances, et ce n’est pas pour déplaire à leur frontman, qui livre une prestation entre émotion et pleine puissance (« Scars », « Virtually Love »). Le jeu d’Edis Mano est, quant à lui, toujours aussi virtuose. Le six-cordiste reste d’une dextérité et d’une fluidité absolue et se garde bien de ne pas tomber dans le démonstratif, malgré une technique souvent très impressionnante.

Toujours justes et jamais superflus, les claviers portent les mélodies, tandis que la rythmique élève un peu plus ces nouvelles compositions, comme sur « Madness And Tears » qui n’est pas sans rappeler un certain David Bowie, preuve s’il en est qu’ELLIS MANO BAND est à son aise dans des registres où on ne l’attend pas forcément.  Il est question de délicatesse aussi, bien sûr, quand le quintet se fait plus Blues (« Count Me In », « 20 Years », « Stray »). Un mot aussi de la très belle production de « Morph » qui, parfaitement équilibrée, dévoile au fil des écoutes des arrangements d’une grande finesse et des variations sonores assez stupéfiantes. Les Helvètes placent la barre toujours plus haut avec beaucoup de naturel.

Photo : Tabea Hüberli

Retrouvez la chronique de leur précédent album live :

Catégories
Blues Rock

T.G. Copperfield : Blues spirit

Toujours aussi brut et Rock, le Blues T.G. COPPERFIELD fait des étincelles et « All In Your Head » montre qu’il est encore loin d’avoir dévoilé l’entendue de son talent. Très européen dans le son et inspiré de références pourtant très américaines, le six-cordiste germanique fait encore parler la poudre et la qualité de son jeu et du songwriting offre à la nouvelle réalisation de sa décade un panache réjouissant et rassembleur. Inarrêtable, le musicien est à la tête d’une belle et conséquente discographie en assez peu de temps finalement.

T.G. COPPERFIELD

« All In Your Head »

(Timezone)

En huit ans seulement, T.G. COPPERFIELD a sorti deux EPs et présente aujourd’hui son dizième album. Autant dire que l’Allemand n’est pas du genre à rester se tourner les pouces. Cela dit, le Blues est un univers sans fin et lorsqu’il est agrémenté de Rock et de sonorités Southern, les possibilités sont infinies. Le songwriter l’a bien compris et semble intarissable comme le prouve « All In Your Head », un nouvel opus gorgé d’un Blues Rock incendaire toujours aussi roots, mené de main de maître par un groupe au diapason.

A ses côtés, Claus Bächer (claviers), Don Karlos (basse), Michael Hofmann (batterie) et Claudia Zormeier aux chœurs font vivre et respirer des compositions aussi explosives qu’elles peuvent aussi être réconfortantes. L’empreinte et l’identité sonore de T.G. COPPERFIELD est immédiatement identifiable et sa signature jaillit sur chaque riff et à chaque solo distillés par le guitariste-chanteur. Avec « All In Your Head », il affiche beaucoup de puissance, tout en restant terriblement mélodique et accrocheur.

Sur un groove épais, le Blues Rock de son ‘Electric Band’ fait des merveilles et présente aussi une belle diversité dans ces nouvelles compos (« Mule », « I’m On My Way », « Not Your Name »). Exigeant et pointilleux sur la production, T.G. COPPERFIELD aborde des thèmes sensibles et actuels en évitant de ne pas se faire trop sombre. S’il manie plus le chaud que le froid, il reste d’une créativité positive en mettant la même intensité sur toutes ses chansons (« Have Mercy On Me », « Redemption Blues », « World War III » et le morceau-titre).  

Catégories
Blues Rock Classic Rock France Soul / Funk

Red Beans & Pepper Sauce : magic souls [Interview]

Rarement un groupe aura laissé échapper autant de liberté et de joie sur un même album. Pour RED BEANS & PEPPER SAUCE, c’est un huitième opus haut en couleur qui vient marquer une nouvelle étape dans la carrière des Montpelliérains. Si l’esprit de corps dominait déjà dans le son et faisait la force du groupe, avec « Supernova », il prend une incroyable dimension. Autour de sa charismatique chanteuse, le quintet a fait un peu de place pour accueillir pas moins de neuf invités, français comme étrangers. Une très belle célébration de son Classic Rock teinté de Soul et de Blues, dont Laurent Galichon, le guitariste et principal compositeur, nous parle avec autant de fierté que d’émotion.

– Avant de parler de « Supernova », j’aimerais qu’on revienne un instant sur votre parcours. Huit albums studio et un live en 14 ans, le tout ponctué de tournées bien fournies, est un rythme vraiment effréné. Ca vous arrive quand même de prendre quelques pauses ?

Je trouve que c’est dur de se remettre au travail après une pause, j’ai pu le constater quand il a fallu s’y remettre après la pandémie de Covid. Alors je préfère éviter les pauses et battre le fer tant qu’il est chaud.

– Justement avec un tel rythme, toi qui signes l’ensemble des morceaux hormis « I Want To Take You Higher » de Sly & The Family Stone datant de 1969, quand prends-tu le temps de te poser pour composer ? Tu le fais aussi en tournée, ou tu t’imposes des moments dédiés ?

Dès que j’ai une idée, je l’enregistre sur mon smartphone, parfois même en voiture où je chante simplement la mélodie ou le riff pour archiver. Et quand vient le moment de travailler des morceaux, alors je pioche dans le tiroir à idée. Mais c’est vrai que quand on se retrouve à moins de six mois de la deadline pour envoyer le master au pressage, le travail s’intensifie et à chaque fois les derniers mois de production sont très intenses.

– « Supernova » est l’un de vos disques le plus direct et le plus clairement axé sur le Classic Rock, parfois Hard, avec toujours un côté Bluesy et Soul. Est-ce qu’il y a une envie cette fois-ci de prendre les morceaux plus à bras-le-corps et d’aller vers quelque chose de plus essentiel et de dense ?

Oui, tout à fait. Bien avant de commencer le travail, quand on parlait de ce nouvel album avec Niko Sarran (également batteur du groupe – NDR) qui les réalise, on avait en tête d’aller vers plus d’efficacité avec des titres plus courts et plus directs. Quand on attaque un nouvel album, on a souvent des discussions en amont, souvent dans le van en tournée, où on cherche des axes de travail, de nouvelles directions pour continuer d’évoluer et rester créatif.

– D’ailleurs, est-ce qu’au moment de commencer l’écriture d’un tel album, tu avais une sorte de ligne directrice ou une intention en tout cas de faire émerger une atmosphère et une énergie différente, plus massive ?

L’album précédent, « 7 », était très axé sur le Classic Rock et cette fois-ci, il y avait une envie de revenir à un équilibre entre Rock et Soul, mais toujours avec des riffs qui viennent du Blues. En fait, on essaie de faire des albums qui auraient pu sortir dans les 70’s et cette fois-ci, on a essayé de mettre du groove dans le Rock et inversement. Et puis, Niko a fourni un véritable travail d’orfèvre sur le son de l’album. Il y a passé quasiment deux fois plus de temps que sur les précédents.

– L’une des caractéristiques de « Supernova » est bien sûr le nombre d’invités, qui sont tout de même au nombre de neuf, ce qui fait beaucoup sur un même disque. Comment cela se décide-t-il, car c’est assez rare ? Tu as composé certaines chansons en fonction d’eux, ou les choses se sont faites plus naturellement en laissant une petite place à l’improvisation ? 

Inviter des musiciens faisait partie de ces axes qu’on se donne avant de commencer la production. On a donc laissé sur certains titres des plages pour permettre à nos invités de s’exprimer, mais sans savoir à l’avance de qui il s’agirait. Et c’est quand on se rapprochait de l’arrangement définitif qu’on prenait le temps de réfléchir à qui le proposer. Parfois, on est resté dans le style de l’invité comme avec Rabie Houti qui à l’habitude de jouer son violon arabo-andalou sur des rythmiques Rock, ou avec Johnny Gallagher sur une ballade Blues Rock. D’autres fois, on s’en est un peu éloigné comme avec Fred Chapellier qui nous rejoint sur un titre très Classic Rock avec un riff de guitare très ‘fat’, ou avec Sax Gordon qui vient jouer sur un titre vraiment très funky et plus éloigné de son Rocking Blues.

– Il est beaucoup question de ‘fusion’ sur cet album, et dans tous les sens du terme. En y prêtant bien l’oreille, on note le soin apporté aux arrangements notamment, tout comme à la production plus largement. « Supernova » a nécessité six mois de travail en studio. Vous êtes-vous laissés quelques respirations, histoire peut-être de prendre parfois un peu de recul, ou au contraire, les choses étaient déjà clairement définies dans ce que vous souhaitiez obtenir ?

C’est un travail de longue haleine, plus un marathon qu’un 100 mètres. Certains titres fonctionnent immédiatement, mais d’autres doivent passer par plusieurs étapes avant que nous soyons satisfaits du résultat. Et le travail continue même après la sortie de l’album, car certains morceaux doivent être repensés pour la scène. C’est un peu comme bâtir une maison : on passe des fondations à un bâtiment couvert très rapidement, mais les finitions, elles, prennent beaucoup plus de temps, car on entre dans les détails.

– Un mot sur les guests en commençant par les artistes français où l’on retrouve Manu Lanvin, Fred Chapellier, Yarol Poupaud ou encore le violoniste Rabie Houti. Ce sont tous des musiciens avec lesquels vous avez déjà joué sur scène. Ces rencontres se sont-elles transformées en collaborations que vous teniez vraiment à réaliser depuis un moment déjà ?

Ce sont surtout des rencontres marquantes qui ont lieu parfois en tournée avec tout le groupe, ou alors par un seul d’entre nous en dehors. Mais dans tous les cas, elles sont si importantes qu’elles donnent l’envie de faire de la musique ensemble. Et on a été ravi que tout le monde nous réponde ‘Oui’ ! Certains enregistrements ont dû être faits à distance à cause de l’éloignement et des emplois du temps, et d’autres ont donné lieu à des séances en studios qui nous ont marqué. J’ai kiffé de passer du temps avec Boney Fields dans le studio de Niko à Montpellier, ou avec Manu Lanvin dans son studio à Paris. Des belles sessions, où tu sens qu’il se passe quelque chose.

– Et puis, il y a l’aspect ‘international’ de l’album avec les présences du Camerounais Emmanuel Pi Djob, des Américains Boney Fields, Fred Wesley et Sax Gordon, sans oublier l’Irlandais Johnny Gallagher. Là encore, le casting est époustouflant. Est-ce que chacun d’entre-eux avait une partition à respecter, ou est-ce qu’on laisse plus facilement des talents comme les leurs s’exprimer librement avec une sorte de carte blanche ? 

Pour chacun d’entre eux, c’était carte blanche. Mais forcément, il y avait des échanges. Parfois, notre invité avait une idée très précise, parfois, il hésitait entre plusieurs. Alors, on discute, on échange, on essaye des choses. Par exemple, c’était vraiment génial de passer du temps avec Manu et de le voir proposer tellement de choses avec la générosité qu’on lui connaît. Mais surtout, ils nous ont tous offert ce qu’on attendait, c’est-à-dire le meilleur d’eux-mêmes. On peut entendre la voix incroyable et le groove d’Emmanuel Pi Djob, l’explosivité et le ‘fonk’ de Yarol, le toucher tout en finesse de Fred Chapellier, la générosité et la puissance de Manu Lanvin, le groove qui claque de Boney Fields, l’énergie de dingue de Sax Gordon, la maîtrise et le son envoûtant de Rabie Houti et le feeling de Johnny Gallagher. Et puis, il y a eu la session avec Fred Wesley. J’étais là quand il a commencé à jouer dans le studio : c’était un voyage dans le temps. J’entendais le « Doing It To Death » de James Brown que j’écoutais en boucle plus jeune. C’est un moment précieux que je garderai en moi toute ma vie. Il fait partie des gens qui ont inventé cette musique. En deux notes, tu sais qui est dans la pièce. Tous ces musiciens exceptionnels ont été d’une grande générosité avec nous. Ils ont élevé chacun des titres auxquels ils ont participé à un niveau supérieur, et nous leur en sommes éternellement reconnaissants.

– J’aimerais qu’on dise un mot sur cette reprise de Sly & The Family Stone sur laquelle il y a du beau monde et où le line-up de RED BEANS & PEPPER SAUCE est le plus élargi de l’album. Comment est-ce qu’on tient tout le monde dans ce cas-là, car il règne un esprit jam manifeste ? Et par ailleurs, pourquoi avoir choisi ce morceau-là en particulier ?

J’ai plutôt l’impression que c’est ce morceau qui m’a choisi, car j’ai une histoire particulière avec lui. Je l’ai découvert au début des années 90 à la télévision, en voyant des musiciens que je ne connaissais pas le jouer sur une énorme scène, devant des milliers de spectateurs aux États-Unis. Il s’agissait en fait de George Clinton et de Funkadelic/Parliament, avec Larry Graham et d’autres invités. Ce titre m’a transpercé et j’ai adoré le fait qu’il soit interprété par autant de musiciens sur scène : tout le monde dansait, tout le monde chantait, c’était la grosse teuf. J’ai ensuite découvert qu’il s’agissait d’un morceau de Sly & the Family Stone, et l’album « Stand » fut une nouvelle claque. A la même époque, d’autres artistes que je ne connaissais pas se sont produits à Béziers : FFF, puis les JB’s avec Maceo Parker, Fred Wesley et Pee Wee Ellis. Ces trois découvertes, en quelques mois, ont été ma porte d’entrée vers la Soul Music : James Brown, la Stax (avec les disques d’Otis Redding de mon père), la Motown, etc… Alors qu’à l’époque, j’écoutais plutôt du Rock des années 60/70 comme Led Zeppelin, Jimi Hendrix, Deep Purple… Cette période a complètement bouleversé mon orientation musicale. Alors aujourd’hui, enregistrer ce morceau avec Yarol de FFF et Fred Wesley des JB’s qui ont également participé à ce changement, dans une version avec un groupe élargi en mode ‘jam’ comme dans la version de George Clinton, c’est une histoire complètement folle.

– Enfin, « Supernova » est probablement aussi votre album le plus varié avec des aspects Southern, Heavy Rock, Blues, Funky et plus largement très Rock’n’Roll. RED BEANS & PEPPER SAUCE devient de plus en plus inclassable et c’est une très bonne chose. Est-ce une façon aussi de vous débarrasser peut-être de certaines cases dans lesquelles on a pu vous mettre auparavant, ou plus simplement un signe de maturité qui se traduit par beaucoup plus de liberté affichée ?

Ce n’est pas vraiment calculé. Tout le monde dans le groupe a des influences diverses et variées et c’est l’association de nos personnalités musicales qui fait ce qu’est RED BEANS & PEPPER SAUCE. Je ne suis même pas sûr qu’on puisse y changer quoi que ce soit. On peut seulement l’encadrer en se donnant quelques directions, mais au final on sonne comme on sonne et il me semble qu’on reste cohérent d’un album à un autre.

Le nouvel album de RED BEANS & PEPPER SAUCE, « Supernova », est disponible chez Crossroads/Socadisc.

Photos : Cristina Gomes Morgadinho (1), Thierry Wakx (2, 3, 5) et Monsieur Mind (4).

Retrouvez aussi l’interview du groupe à l’occasion de la sortie de l’album « 7 » :

Catégories
Blues Rock France

No Money Kids : fresh bluesy view [Interview]

Profondément ancré dans un Blues authentique et viscéral, NO MONEY KIDS transforme ce genre auquel peu de monde ose toucher pour en donner une vision très moderne et protéiforme. En se réinventant à chaque album, le duo composé de Felix Matschulat (guitare, chant) et de JM Pelatan (basse, machines, synthés) accueille désormais Alex Berger à la batterie, comme pour mieux imprégné d’acoustique un registre élégant et toujours aussi novateur. Ce nouvel album, « Fireworks », tire aussi son titre d’un sentiment partagé par les trois musiciens et dont son chanteur et guitariste nous parle…  

– Près de quatre ans après « Factory », on vous retrouve enfin avec « Fireworks », un cinquième album qui porte bien son nom. A l’époque, comment avez-vous vécu cette pandémie ? J’imagine que passer à la suite n’a pas dû être évident…

En fait, pendant la pandémie, on était en pleine création de « Factory » et c’est au sortir du Covid qu’on a commencé la tournée. Cette période nous a profondément marqué, et encore sur cet album, car elle nous a montré qu’il était toujours important de créer et d’être en perpétuelle recherche. On ne sait pas de quoi demain sera fait et si on aura de nouveau un confinement. Au final, ça nous a donné l’élan de produire « Factory », puis dans la foulée « Fireworks ».

– Justement, est-ce que l’intention première avec « Fireworks » a d’abord été de renouer avec la joie, celle de composer de nouveaux morceaux, puis de retrouver votre public bien sûr ?

C’est clairement ça ! « Factory » était un album assez introspectif et assez lourd dans lequel on traitait de la condition ouvrière. Pour composer un album, j’ai aussi besoin d’un thème principal pour créer une architecture avec des personnages qui se retrouvent. Pour « Factory », c’était donc l’usine, alors que sur « Fireworks », on est beaucoup plus dans le lâcher-prise. Et justement après le Covid, on avait envie de faire du Rock’n’Roll sur scène et c’est ce qu’on a fait en studio. J’ai imaginé tous les personnages qui se retrouvent dans un motel un peu fantasmé des Etats-Unis. Une espèce d’Amérique très visuelle aussi et qui t’amène dans des road-trips.

– Il y a un vent de liberté palpable sur ce nouvel album, qui se veut peut-être plus direct et aussi plus joyeux que les précédents. Y avait-il une sorte d’urgence pour vous de retrouver et de provoquer les sourires ?

Ce sont des trucs qu’on ne maîtrise finalement pas trop. Tu sais, quand on va en studio, on ne se met pas de cahier des charges trop précis car, généralement, on finit toujours par être un peu déçu. On ne se pose pas de questions, on fait en fonction de nos envies et des sensations en nous disant que tout est possible. Et il se trouve que sur cet album-là, ce qui nous a vraiment animés, c’est ce désir de tout envoyer valdinguer, de prendre ta voiture et de voyager. C’était un peu l’idée.

– Musicalement, on retrouve le son de NO MONEY KIDS et ce mélange de Blues Rock et de sonorités Electro. Cependant, « Fireworks » a un côté très roots et immédiat. L’idée était-elle d’être explosif avec aussi à l’esprit vos futures prestations live ?

Je crois que ce qui a beaucoup impacté notre manière de produire est l’arrivée d’Alex (Berger du groupe Jokvs – NDR) à la batterie. On a toujours été un duo depuis nos débuts et là, ça fait deux ans que nous sommes un trio sur scène. On a mis longtemps pour changer de formule, parce qu’on marche à la rencontre et à l’émotionnel dans le groupe. On voulait rester à deux, car notre relation est tellement forte sur scène et ailleurs. Et là, on a commencé à travailler plus à trois. Même si JM et moi produisons toujours l’ensemble, l’arrivée d’Alex à influer sur notre manière de faire. En fait, on avait déjà anticipé les parties de batterie et avec lui, cela sonne clairement plus live. Ensuite, il y a aussi eu des réenregistrements de batterie et ça nous a lancé sur des sonorités plus authentiques et plus roots sûrement.

– Ce nouvel album a été en partie enregistré à New-York, qui n’est pas forcément une terre de Blues, par ailleurs. Vous aviez besoin de changer un peu d’air ? Peut-être aussi de vous livrer à de nouvelles expériences sonores ? Quel était l’objectif de cette ‘délocalisation’ ?

On est revenu quand même, on ne s’est pas totalement délocalisé ! (Rires) En fait, à la fin du processus de création, il nous restait un titre à faire. C’était « Get Free » qui est sorti en single juste avant le disque. Et on a eu besoin d’expérimenter tout ce dont on se servait sur l’album, c’est-à-dire cette Amérique un peu fantasmée, ces grands espaces et cette imagerie un peu ‘tarantinesque’. C’est aussi un peu un concours de circonstances, car on a signé avec un tourneur aux Etats-Unis, qui nous a proposé immédiatement une date à New-York. On s’est donc dit qu’il fallait faire les prises là-bas. On a enregistré « Get Free » à New-York et on en a profité pour faire un partenariat avec un label sur place. Du coup, on a fait des sessions live en pressant les vinyles à chaque fermeture. Il y a 18 sessions qui vont bientôt sortir en autant de 45tr.

– A l’écoute de « Fireworks », on remarque quelques similitudes avec le travail de Sturgill Simpson et aussi de Dan Auerbach, et pas seulement avec les Black Keys, mais aussi dans sa manière de produire. Est-ce que, d’une certaine manière, NO MONEY KIDS s’inscrit dans cette veine artistique pour toi ?

Je pense que ce virement, axé sur des typologies de sons peut-être un peu plus authentique et mêlées aussi à des textures assez modernes, s’inscrit dans le travail que peut faire Dan Auerbach avec Easy Eyes Sound (son label – NDR) et ce genre d’artistes. Et pour ce nouvel album, on avait besoin de ça. Je suis un grand fan de Rythm’n Blues et de Dan Auerbach, car il va chercher des références qui me parlent. Je pense qu’on a plus assumé ce côté-là, cet aspect américain par rapport à nos albums précédents.

– On le disait, vous êtes allés à New-York pour enregistrer « Get Free ». Vous qui avez prôné le DIY (Do It Yourself), est-ce que l’heure du changement est venue ?

(Rires) Non, parce qu’on finit par tout faire nous-mêmes. On a fait les prises là-bas, mais après, c’est nous qui faisons le mix, le mastering et qui produisons. On arrange tout ensemble, on est encore producteur de nos albums d’ailleurs. On tient vraiment à le rester, car c’est une liberté de dingue. C’est ce qui nous permet aussi de voir les tenants et les aboutissants de la création et de pouvoir maîtriser tout ça. On est toujours surpris et content de vivre de notre musique et de la produire. Il n’y a personne pour nous donner telle ou telle direction artistique, et c’est quelque chose qu’on veut absolument garder. On ne sait pas de quoi demain sera fait et, si cela se trouve, on fera un album beaucoup plus Electro ou plus Blues et on veut avoir cette possibilité.

– Votre Blues Rock a toujours été très moderne dans son approche et surtout dans le son. Sans vous éloigner de ses racines, comment intégrez-vous les samples et les éléments électroniques, tout en restant fidèles au style en lui-même ? Y a-t-il des limites que vous vous imposez, ou au contraire, ça n’a aucune importance ?

Il n’y a vraiment aucune limite. On fait ce qu’on a envie à l’instant T. C’est vraiment une photographie du moment présent et la seule limite qu’on se fixe celle de notre volonté et de ce que l’on trouve esthétiquement beau. Et si ça nous plait, on ne le change pas.

– Comme d’habitude, vous avez apporté beaucoup de soins aux arrangements pour trouver un bel équilibre. Est-ce qu’une grosse partie de votre travail se fait aussi en post-production ?

Oui, même si cela a un peu changé sur cet album. J’ai plus pris part à la production cette fois. D’habitude, on travaille à deux avec JM. Je compose et j’écris les chansons en guitare/voix, et ensuite on produit à deux dans le sens où on va chercher les instruments pour construire la chanson. Pour « Fireworks », ce que j’envoyais à JM était déjà plus produit, avec les batteries, les synthés, etc… Après, JM mixait, masterisait et rajoutait le petit liant qui faisait que tout marchait bien ensemble. On retravaillait un peu tout ça en studio, mais la plus grosse partie a été faite chez moi, dans mon studio. C’est ce qui change aussi des autres albums, parce que j’ai pu pousser la composition en lien avec la production et de manière plus introspective qu’auparavant. J’ai pu amener au bout mon idée de la composition, de ma vision. Ensuite, on travaille à deux et il y a toujours des compromis évidemment.

– D’ailleurs, penses-tu que la musique de NO MONEY KIDS aurait cette même fraîcheur et cet impact sans les éléments électroniques qui l’enveloppent, même si certains titres sont très bruts ? 

Non, parce que c’est ce qui fait notre particularité et c’est aussi pour ça qu’on tient en tant que groupe. Au-delà de notre métier aujourd’hui, on est de grands passionnés et surtout des grands amoureux. C’est comme un couple, on a encore des histoires à écrire. Donc l’alliance de l’électronique et du son brut, c’est vraiment notre alliance. En tant que musicien, on n’est pas dans la copie. D’ailleurs, on n’est pas très fort là-dedans. En fait, quand on aime un style, ça ne nous intéresse pas d’en copier les éléments. Nous ne sommes pas dans une reproduction mécanique d’un genre. Sans aller chercher tel ou tel instrument, on va en faire un mélange. C’est ce mélange qui fait l’ADN de NO MONEY KIDS.

– Donc, ce serait difficilement envisageable d’imaginer NO MONEY KIDS en acoustique, par exemple ?

C’est possible, mais si tu nous demandes de choisir entre la version acoustique et la version produite, on choisira toujours la produite. Même si on adore l’acoustique !

– Il y a depuis quelques années maintenant beaucoup de duos qui œuvrent dans le domaine du Blues et ses dérivés comme The Inspector Cluzo, Knuckle Heads, One Rusty Band, Dirty Deep à l’occasion, The Blue Butter Pot et même Ko Ko Mo dans un registre Pop grand public. C’est presque devenu une spécialité française. Quel regard portes-tu sur ce type de formations à deux, même si vous êtes maintenant trois,  et entretenez-vous des relations avec certaines d’entre-elles ? Il pourrait y avoir le clan des duos…

Je suis un réel partisan de ce genre de formule, parce que ça casse les codes et les habitudes de chacun. Ca pousse à faire des choses qui ne sont pas conventionnelles quand on apprend un instrument. Ca nous pousse dans nos retranchements et, généralement, cela donne des groupes avec des particularismes plus forts. Le fait de ne pas avoir l’apport d’une basse ou d’une batterie casse ce power trio qu’on a tous dans l’oreille. Il y a donc des choses qu’il faut combler et là, les artistes prennent de l’importance car ils doivent palier ce manque. Et ça laisse aussi beaucoup plus de place à la création. C’est vrai que ce que proposent tous ceux que tu as cités sont vachement bien. Après, on en a croisé pas mal sur la route, dont Ko Ko Mo au début et Catfish aussi. Il y a MoonShaker aussi avec qui on a beaucoup tourné et avec qui on a une vraie relation fraternelle. On garde de bons contacts avec tout le monde, mais c’est vrai qu’il n’y a pas de collectif du duo. Ce serait d’ailleurs peut-être quelque chose à créer.

– Enfin, on découvre sur certaines photos récentes du groupe un troisième membre, on en a déjà un peu parlé. Est-ce que NO MONEY KIDS est en train de grossir ses rangs et peux-tu nous le présenter ?

On a rencontré Alex un peu par hasard, il nous avait été conseillé par un ami pour le remplacement de Greg (Damson, batteur au sein de la formation Steve Amber – NDR). On a eu exactement le même coup de foudre que celui entre JM et moi à l’époque quand on s’est rencontré en studio. Cela a été très simple. Ce qui est marrant chez NO MONEY KIDS, c’est qu’on est tous de génération différente. Et c’est une richesse. Alex est beaucoup plus jeune que nous, mais, musicalement, on est exactement su la même longueur d’onde. C’est la première fois qu’il a une telle fusion, car peu importe ce qu’on lui propose, il le comprend tout de suite. C’est un vrai métronome et en même temps, il a un groove de dingue. On a beaucoup joué avec des boîtes à rythmes et ça a été une dominante sur nos concerts, quelque chose sur laquelle on était très à cheval, car avoir un rythme clair nous permet de nous exprimer très librement. Il est capable de faire ça et toutes les références qu’il a apportées étaient aussi les nôtres. Je pense que cela amène NO MONEY KIDS un niveau au-dessus.

– Et donc, vous devenez un power trio…

Oui… (Rires) Cela dit, on casse un peu ce power trio, car on triche un peu. On est des bidouilleurs, des tricheurs. L’idée de NO MONEY KIDS à la base était d’apporter les éléments de studio sur scène, afin que les gens prennent conscience de l’importance de la production et de ses effets. Et on voulait partager ça avec le plus de monde possible. Et avec Alex, ce qui est marrant, c’est qu’en étant trois, on lance tellement de choses, il y a tellement d’artifices, de synthés partout… Et avec toujours cette idée de faire du Blues, bien sûr ! C’est un power trio qui n’en est pas un… en vrai ! (Rires) On fait tous beaucoup de choses et on a plusieurs postes chacun, en fait.

L’album de NO MONEY KIDS, « Fireworks », est disponible chez Roy Music.

Catégories
Americana Blues Rock Country-Rock

Jax Hollow : une voix dans l’Amérique

Si JAX HOLLOW a basé sa réputation grâce à des concerts enflammés et un Blues Rock pied au plancher, la songwriter originaire du Massachussetts a de très nombreuses cordes à son arc. Avec « Come Up Kid », celle qui vit désormais dans la ‘Music City’ du Tennessee, n’a pas mis longtemps à en saisir des codes artistiques aussi riches que nombreux, et nourrit désormais son registre de saveurs Americana, Country et Folk. Porté par une production somptueuse et très organique, elle détonne dans un paysage où elle vient apporter de la fraîcheur et une véritable bouffée d’air frais sur des sonorités Indie et très libres.

JAX HOLLOW

« Come Up Kid »

(Independent)

Elle l’avait révélé il y a quelques semaines ici même, ce nouvel opus serait plus intime, plus personnel et sa direction ne serait peut-être pas non plus celle que l’on attend de la flamboyante guitariste-chanteuse. Il faut reconnaître que de ce côté-là, la surprise est belle et elle est de taille. Car si « Come Up Kid » s’ouvre sur « Changing Suits », suivi de « Easy Or Harder ? », deux morceaux plein d’allant, c’est un aspect plus délicat et aux teintes acoustiques plus présentes que nous présente JAX HOLLOW. Et la jeune Américaine semble aussi plus imprégnée de ce que peut apporter Nashville en termes de couleurs musicales.

Dès « Keeping My hands Busy », c’est cette fibre qui ressort, tout comme sur le single « Don’t Call Me Baby » et ensuite « Fallout » et son violon. La musicienne avait présenté son nouvel effort comme étant une sorte de biographie de ses deux dernières années, faites de hauts et de bas. Et c’est vrai qu’en cela, son Americana se prête beaucoup plus à la narration, ce qui ne l’empêche pas d’assurer de belles envolées guitaristiques, passant de l’acoustique à l’électrique avec la même dextérité. Sorte de catharsis, « Come Up Kid » apparaît presque comme une libération pour JAX HOLLOW qui resplendit littéralement au chant.

Accompagnée par un groupe irréprochable et d’un feeling irrésistible, c’est sans doute la première fois aussi que la voix de la chanteuse prend une telle dimension. Capable d’une extrême sensibilité comme d’une puissance claire (« Corner Store Jay’s », « Blazing Glory », « Stone Cold Sober »), elle se balade d’un style à l’autre, d’une ambiance à une autre en jouant sur les émotions avec beaucoup de sincérité, comme sur la poignante chanson-titre ou la très country « Birds On A Wire ». Enfin, JAX HOLLOW clôt ce très bon disque avec le touchant « Sycamore St » pour un final de toute beauté en guitare et piano. Rayonnante !

Retrouvez son interview accordée au site il y a quelques semaines :

Catégories
Blues Blues Rock Soul / Funk

Grace Bowers & The Hodge Podge : so spicy !

Déjà nominée aux fameux Americana Music Association Honors & Awards cette année, la nouvelle sensation féminine guitaristique a aussi partagé la scène avec Slash, The Red Clay Strays et The Osbourne Brothers en livrant à chaque fois des prestations époustouflantes. C’est dire si son arrivée sous le feu des projecteurs est tout sauf un hasard. Solidement épaulée par un redoutable combo, THE HODGE PODGE, GRACE BOWERS dégage une énergie incroyable et passe du Blues à la Funk, comme du R’n B à la Soul et au Rock avec une facilité déconcertante. Dire qu’elle a de l’or au bout des doigts est un doux euphémisme. 

GRACE BOWERS & THE HODGE PODGE

« Wine On Venus »

(Independant)

Ne vous fiez surtout pas à son âge car, à 18 ans tout juste, la jeune musicienne originaire de Nashville et de la Bay Area a déjà tout d’une grande. Sorti dans la torpeur de l’été, début août, son album est tout simplement exceptionnel et il aurait été dommage de ne pas en dire quelques mots. Gorgé de Soul et dans un esprit revival Funk 70’s, ce premier effort de GRACE BOWERS avec son groupe THE HODGE PODGE est tellement abouti, tant au niveau de la composition que de la production, qu’il laisse présager, sans trop prendre de risque, d’un bel avenir. Car, sur « Wine On Venus », tout y est… rien ne manque !

Très collégial dans l’approche, l’unité musicale affichée par l’Américaine semble se fondre dans une jam sans fin, où l’équilibre entre le chant, les parties instrumentales guidées par l’hyper-groovy section de cuivres et la sautillante rythmique, laisse à GRACE BOWERS tout le loisir de faire parler sa guitare. De ce côté-là aussi, elle fait preuve d’une audace et d’une virtuosité très mature. Pourtant d’une autre génération, elle maîtrise déjà tous les codes à la perfection, et sans trop en faire non plus, elle s’inscrit dans un style qui semble véritablement fait pour elle, grâce à un jeu flamboyant et sauvage.

Aérienne et percutante, une voix plane aussi au-dessus de « Wine On Venus » avec grâce et dans une réelle alchimie portée par des HODGE PODGE survitaminés et chevronnés, affichant le double de l’âge de la jeune artiste. Car, contrairement à ce que l’on pourrait penser en voyant la pochette, ce n’est pas GRACE BOWERS qui s’illustre derrière le micro, mais la chanteuse Soul Esther Okai-Tetteh. Et sa puissance vocale renvoie à une interprétation délicate et savoureuse poussant vers des tessitures profondes (« Lucy », « Tell Me Why You Do That », « Wom No Teg », « Get On Now »). Un disque déjà incontournable !