Après plus de trois décennies au service d’un Blues toujours étincelant, le guitariste, chanteur, songwriter et producteur de Baton Rouge a toujours du feu dans les doigts et une créativité qui ne faiblit pas. Suite à une longue parenthèse qu’il a passé à prendre soin de sa région tout en se donnant les moyens de travailler dans les meilleures conditions, TAB BENOIT effectue un superbe retour avec « I Hear Thunder », composé avec Anders Osborne et George Porter Jr. Une réalisation pleine de vie et aussi bien écrite qu’interprétée.
TAB BENOIT
« I Hear Thunder »
(Whiskey Bayou Records)
Si TAB BENOIT est resté discographiquement muet durant 13 longues années, c’est qu’il s’est attelé à des activités qui lui tiennent à coeur. A commencer par la préservation des zones humides de sa Louisiane et l’érosion côtière de celle-ci, et le musicien a également créé son propre studio et son label. Et c’est donc lui qui a produit, mixé et masterisé « I Hear Thunder », le digne successeur de « Box Of Pictures – Voice Of The Wetlands Allstars » et « Medicine » parus la même année. Ainsi s’ouvre un nouveau chapitre.
Pour mener à bien son entreprise, c’est de son groupe de tournée qu’il s’est entouré et on retrouve avec plaisir Terence Higgins (batterie), Corey Duplechin (basse) et bien sûr le guitariste Anders Osborne. Ce dernier a d’ailleurs co-écrit la plupart des morceaux de « I Hear Thunder » avec le bassiste George Porter Jr. Une équipe de choc s’il en est qui contribue à faire de ce nouvel opus l’un des meilleurs de la carrière de TAB BENOIT, ce qui n’est pas rien lorsque l’on s’y penche un peu.
Dès le morceau-titre qui ouvre l’album, il y a de l’électricité dans l’air et le jeu stratosphérique des deux guitaristes promet une bien belle suite. Le bayou tient bien sûr le rôle principal dans les textes, le chanteur continuant ainsi en musique son combat écologique. Entraînant, parfois déchirant et techniquement exceptionnel, « I Hear Thunder » montre que le Blues Rock de TAB BENOIT est l’un des plus attractifs du moment (« The Ghost Of Gatemouth Brown », « Still Gray », « Overdue », « Bayou Man »). On en redemande !
A Kansas City, et notamment dans la famille FISH, on en connait un rayon sur le Blues et son univers. Et si le prénom de Samantha est le premier qui vient à l’esprit, la musique de son aînée AMANDA n’a rien à lui envier. Montrant plus de facilité à s’engouffrer dans les racines de la musique roots américaine, elle est aussi créative quand il s’agit d’Americana que d’autres variations plus Rock et Alternative Country. Et avec « Kingdom », elle nous régale de sa voix authentique et sincère sur des textes forts.
AMANDA FISH
« Kingdom »
(VizzTone Label Group)
Nettement moins exposée médiatiquement que sa jeune sœur Samantha, dont le Blues Rock fait des étincelles depuis des années maintenant, AMANDA FISH mène une carrière plus discrète et plus sobre musicalement. Dans un registre qui présente tout de même quelques similitudes, c’est cependant au cœur d’un Americana Roots teinté de Blues qu’évolue cette artiste aux multiples facettes. Et avec ce troisième album, son talent resplendit dans des ambiances très variées et des mélodies soutenues où elle mène le bal.
A la fois bassiste, guitariste, pianiste, chanteuse et bien sûr compositrice, AMANDA FISH joue aussi du ukulele et de la mandoline et cette richesse instrumentale n’a rien d’étonnant lorsqu’on écoute ce délicat et solide « Kingdom ». Cela dit, si elle évolue sous son nom, les musiciens qui l’accompagnent sont nombreux, notamment les guitaristes et dans des approches très différentes. Et puis, on notera aussi la belle participation à l’harmonica de Richard Rosenblatt, le patron de son label, sur « Work ».
Affirmer qu’AMANDA FISH est une grande chanteuse est un doux euphémisme, tant son spectre vocal est puissant et enveloppant, et s’adapte sans mal aux morceaux estampillés Blues, Americana, Country Honkytonk et très roots de ce « Kingdom » d’ailleurs parfaitement produit. A ses côtés, les six-cordistes Terry Midkiff, Billy Evanochoko, Jeremiah Johnson et Dylan Farrell offrent un relief considérable entre slide et riffs appuyés. Et on retiendra aussi le touchant piano-voix « Mother », l’un des moments forts de cet opus.
C’est dans la torpeur de Miami que DEVON ALLMAN est allé enregistrer ce nouvel album solo, une production qui reflète d’ailleurs bien la chaleur de la ‘Magic City’. Le chanteur, guitariste et compositeur met de côté le Southern Rock dont il est un héritier direct pour élaborer un Blues plus langoureux et délicat. Pour autant, « Miami Moon » regorge de ces solos qui ont fait sa réputation et il semble littéralement se laisser guider par ces nouveaux morceaux. L’Américain aime surprendre et ce n’est peut-être pas l’album qu’on attendait de lui, tant il paraît loin de la fougue des réalisations du Allman Betts Band notamment. L’occasion de parler avec lui de l’ambiance diffusée ici, de ses sensations sur ce nouveau disque et du lieu symbolique de son enregistrement.
– Cela fait huit ans que l’on attend ce quatrième album solo. Cela dit, tu n’es pas resté inactif puisque tu as sorti deux disques avec Allman Betts Band. A quel moment as-tu ressenti le besoin de te remettre à la composition et à l’écriture ? A moins que ce soit des morceaux que tu avais déjà de côté depuis un moment ?
Une fois que The Allman Betts Band a décidé de faire une pause, j’étais impatient de retourner en tournée et d’enregistrer en tant qu’artiste solo. Je n’avais qu’une seule chanson prête à être jouée… l’instrumental « Sahara ». C’était amusant d’être dos au mur sans aucun autre matériel. Début 2022, j’étais en tournée avec Samantha Fish et mon guitariste Jackson Stokes et j’allais à l’arrière du bus pour écrire les chansons qui sont devenues « Miami Moon ». La seule chose que je voulais vraiment, c’était des chansons qui me donnent l’impression de passer un bon moment.
– D’ailleurs, « Miami Moon » dénote clairement d’avec les albums du Allman Betts Band, qui sont clairement inscrits dans la lignée de l’héritage laissé par vos pères respectifs. Avais-tu aussi besoin d’un changement d’ambiance, de laisser un temps le Southern Rock de côté pour quelque chose de plus Blues ?
J’avais déjà huit autres albums avant même que The Allman Betts Band ne se forme. J’ai donc toujours aimé montrer différentes facettes de mes goûts musicaux. J’aime toujours changer de style… du Blues au Rock, en passant par l’Americana et le R&B. Je m’ennuie facilement ! (Rires)
– Pourtant, tu n’as pas complètement coupé les ponts, puisque « Miami Moon » a été enregistré dans les studios Criteria où ton père a réalisé « Eat A Peach » avec Allman Brothers Band et où ton oncle Duane et Eric Clapton ont enregistré le célèbre « Layla ». J’imagine qu’il y avait une atmosphère assez spéciale. Justement, est-ce que tu y as trouvé une sorte de réconfort et de familiarité, ou plutôt un peu de pression ?
Les studios Criteria m’ont offert une atmosphère agréable pour travailler. Aucune pression du tout… Juste un groupe de musiciens fantastiques, qui donnent vie à des chansons. Cela signifie beaucoup pour moi de travailler dans un espace où ma famille et mes héros ont travaillé… c’est un honneur d’avoir travaillé là-bas.
– A priori, l’ambiance était plutôt à la détente, puisqu’on te retrouve dans un registre très Soul, Funky, un peu Pop et parfois aussi latino et sur un groove assez vintage de temps en temps. Il en ressort un album très chaleureux et passionné. Est-ce que tu aurais pu l’enregistrer ailleurs qu’à Miami pour obtenir cette ambiance, et est-ce que les saveurs de la ville t’ont aussi inspiré ?
Je pense que cette ambiance est en grande partie due aux excellents musiciens, mais oui, Miami elle-même s’est retrouvée dans le groove et les sensations de l’album. Je pense toujours que le lieu peut ajouter à l’art, c’est sûr. Mais ces musiciens ont tout simplement cartonné.
– La production est elle aussi très organique et on imagine facilement que tout a été enregistré sur bandes en analogique. Pourtant, « Miami Moon » dégage beaucoup de modernité dans les morceaux comme dans le son d’ailleurs. De quelle manière as-tu trouvé cet équilibre et quel est ton rôle au niveau de la production ?
Tom Hambridge et moi avons travaillé côte à côte sur trois projets jusqu’à présent. Nous avons tout gravé pendant l’enregistrement de départ sur des bandes analogiques, comme on le faisait pour les albums classiques. Il a supervisé le découpage de la bande et j’ai pris le relais avec Chris Turnbaugh, ingénieur du son à St. Louis, pour les overdubs, afin de réaliser les percussions, les chœurs, la section de cordes, les cuivres, les guitares et tous ces autres petites douceurs pour les oreilles. Tom a ensuite travaillé avec moi sur les voix à Nashville. J’étais satisfait du mélange de tout ce travail et je suis retourné à Nashville pour le mixage… tout cela a été un très long processus.
– En dehors de tes albums solos, tu as toujours accordé beaucoup d’importance aux collaborations et aux réalisations en groupe comme avec Royal Southern Brotherhood, Honeytribe et bien sûr Allman Betts band. Depuis « Turquoise » en 2013, considères-tu ces productions sous ton propre nom comme quelque chose de plus personnel, voire intime, à savoir un environnement dans lequel tu peux t’exprimer pleinement et plus librement ?
Oui, j’aime collaborer avec d’autres musiciens, comme le reflète ma discographie, mais faire les choses seul permet de s’épanouir davantage. Les autres groupes ont généralement un cadre et un son dans lesquels travailler… Le faire seul me permet d’aller au-delà.
– Durant ta carrière, tu as joué un peu partout et notamment en Europe avec même une collaboration assez longue avec Javier Vargas, que j’ai aussi eu le plaisir d’interviewer. Y a-t-il un aspect ou une approche sonore et musicale du Blues ici qu’on ne retrouve pas aux Etats-Unis et qui te séduit ?
Le Blues appartient à l’Amérique… Nous sommes un jeune pays, nous n’avons pas grand-chose à revendiquer, car l’Europe a beaucoup plus d’Histoire que l’Amérique… mais le Blues et le barbecue sont à nous ! (Rires)
– Parmi tous tes projets, Allman Betts Band est probablement le plus attrayant pour le grand public, car il perpétue une sorte de mythe à travers une transmission et une continuité familiale. « Bless Your Hearts » est sorti il y a quatre ans maintenant. Est-ce que vous avez déjà avec Duane un troisième album en tête, ou vos carrières solos respectives occupent toute votre attention pour l’instant ?
– Pour conclure, j’aimerais que tu nous parles de la magnifique tournée d’Allman Betts Family Revival en fin d’année aux Etats-Unis. Le casting est exceptionnel et j’imagine que les setlist le seront tout autant. Tout d’abord, comment se prépare une telle réunion, et enfin peut-on espérer vous voir tous ensemble (ne serait-ce que toi en solo !) un jour en France ?
C’est une tournée très agréable et le plan directeur est quelque chose que j’ai pris de l’incroyable film-concert « The Last Waltz »… Allman Betts Band est notre groupe-maison et nos invités viennent célébrer le catalogue intemporel de mon père et du Allman Brothers Band. C’est comme une grande réunion de famille et c’est toujours tellement agréable de retrouver tout le monde et de jouer ensemble. Et là, je viens de jouer à Megève et j’ai également passé mes vacances avec ma femme à Saint-Tropez… J’attends toujours avec impatience mon retour en France !
L’album de DEVON ALLMAN, « Miami Moon », est disponible chez Create Records, le propre label du musicien.
Si l’univers d’ELLES BAILEY est constitué d’un Americana très roots aux sonorités et au groove bluesy et gospel, ne vous y trompez, la chanteuse, musicienne et compositrice nous vient de Bristol en Angleterre, d’où elle élabore depuis quatre albums maintenant une superbe discographie. Aussi émouvante que terriblement endiablée, elle joue de toutes les sensations, surfant sur toutes les émotions pour en extraire un registre authentique, touchant et positif. Avec « Beneath The Neon Glow », la Britannique nous régale une fois encore. Entretien avec une artiste vraiment attachante avant qu’elle n’entame une tournée automnale.
– Tu avais été contrainte par la pandémie d’enregistrer « Shining In The Half Light » dans les studios Middle Farm dans le Devon, plutôt que dans le Tennessee initialement prévu. Cette fois, c’est un choix délibéré, puisque tu as écrit des chansons de « Beneath The Neon Glow » à Nashville avant de rentrer en Angleterre. Est-ce que, finalement, ce n’est pas le bon compromis pour élaborer ton ‘Americana Britannica’ ?
Oui, j’ai écrit la majeure partie de cet album au Royaume-Uni, à l’exception de « 1972 » et de « Silhouette In A Sunset », qui ont été écrites à Nashville, après ma prestation à l’évènement ‘Americana Fest’ et juste avant de rentrer en studio chez moi en Angleterre. Je serai toujours inspiré par la musique américaine et j’aime à penser qu’il y a un son transatlantique dans ma musique.
– On te retrouve aussi avec la même équipe et notamment Dan Weller à la production. Est-ce que c’est cette complicité artistique qui te pousse à enregistrer tes albums en Angleterre et aussi conserver une certaine continuité musicale peut-être plus britannique ?
Je savais en faisant « Beneath The Neon Glow » que je voulais le faire avec la même équipe que pour « Shining In The Half Light » : le même producteur, le même ingénieur, le même groupe et le même studio. Mais je savais aussi que je ne voulais pas refaire le même disque. Et j’étais sûre que nous pouvions faire quelque chose de génial ensemble, c’est pour cette raison que j’ai choisi ces personnes en particulier. Chacun dans la pièce apporte ses propres influences et les fusionne pour m’aider à raconter mon histoire.
– Dans quel état d’esprit étais-tu au moment de l’écriture de ce nouvel album, car tu passes par toutes les émotions ? Et malgré tout, l’ensemble est très positif et montre aussi beaucoup de sérénité. C’est ça le fameux ‘Enjoy Your Ride’ ?
Je pense que j’ai traversé toutes les émotions en écrivant cet album : l’exaltation comme les sommets de ma carrière mêlés à une profonde dépression. J’ai beaucoup lutté contre le syndrome de l’imposteur. Mais même si ce disque joue les montagnes russes des émotions que j’ai ressenties, il laisse heureusement toujours un sentiment d’élévation… Parce qu’il faut profiter du voyage, non ?!
– Ce quatrième album contient aussi beaucoup d’énergie et, même si tu travailles dorénavant avec Cooking Vinyl Records, est-ce que ton indépendance te donne une volonté supplémentaire pour aller de l’avant, te surpasser à chaque fois et aussi contrôler toutes étapes du processus d’un album ?
Je pense que peu importe avec qui je travaille, que ce soit avec mon label ou un autre, cela restera toujours mon objectif. C’est vraiment génial d’avoir le soutien de Cooking Vinyl derrière moi, une équipe tellement dynamique, mais je reste toujours aux commandes et je prends les décisions, ce que j’apprécie aussi ! (Sourires)
– Justement, tu es une chanteuse, une musicienne et une compositrice accomplie et reconnue dans le monde du Blues et de l’Americana. Par ailleurs, tes prestations live sont aussi très réputées. J’imagine que percer aussi aux USA fait partie de tes projets et de tes ambitions. C’est un marché et un univers plus difficile à conquérir, selon toi, pour une Anglaise dans ce style ?
Je n’ai jamais fait de tournée aux États-Unis et j’adorerais le faire. Cependant, en tant qu’artiste indépendant, je suis pleinement consciente des coûts que cela impliquerait pour percer là-bas, même les visas ont un prix que je ne peux pas me permettre pour le moment. Donc si quelqu’un a envie de m’aider à réaliser ce rêve, je suis toute ouïe ! (Rires)
– Depuis un peu plus de quatre ans maintenant, tu multiplies les récompenses avec un dizaine d’Awards en Angleterre. Comment est-ce tu reçois tout ça ? Fais-tu une différence et une réelle distinction entre la reconnaissance du public et celle de la profession ? Et y en a-t-il une plus importante que l’autre ?
Oh, wow, c’est une question délicate. J’ai eu la chance de recevoir de nombreux prix et ils m’ont ouvert des portes ici au Royaume-Uni et à l’étranger. Et s’il est important d’avoir la reconnaissance de l’industrie, car cela permet de faire connaître votre musique à un public plus large, pour moi, la reconnaissance du public est la plus importante. C’est lui qui écoute, qui vient aux concerts, qui se connecte avec moi en ligne et qui me soutient. Ce sont les vrais, vraiment les vrais, tout le reste n’est que de la poudre aux yeux !
– Un petit mot aussi sur ton émission hebdomadaire sur ‘Planet Rock Radio’. C’est assez rare de voir une artiste en présenter d’autres, surtout dans le même style musical. Quel plaisir prends-tu à faire de la radio ? Il y a l’aspect ‘découverte’ bien sûr, et le vois-tu aussi comme un tremplin pour la musique Roots américaine et britannique en Angleterre ?
C’est l’une de mes activités préférées. J’adore le fait de pouvoir mettre en avant des artistes émergents de l’Americana et du Rock à la radio. C’est une industrie très difficile, donc pouvoir donner aux autres la chance de se faire entendre sur une radio nationale est une immense joie pour moi. J’aime aussi entendre les auditeurs me dire à quel point ils apprécient la nouvelle musique ! Je suis très reconnaissante d’être sur ‘Planet Rock’ ! (Sourires)
– Enfin, tu vas commencer une tournée cet automne. J’imagine qu’aller sur scène à la rencontre de ton public est la plus belle récompense après des mois de travail en studio et de promotion. Est-ce que c’est le véritable poumon de ta vie d’artiste, ce que tu attends avec impatience après chaque sortie d’album ?
Oui, j’ai vraiment hâte de partir sur la route, de rencontrer les fans et de fêter cet album ! Et ça fait longtemps que j’attends ça ! (Sourires)
Le nouvel album d’ELLES BAILEY, « Beneath The Neon Glow », est disponible chez Cooking Vinyl Records.
Retrouvez la chronique de l’album « Shining In The Half Light » :
Jeune artiste complète basée à Nashville, JAX HOLLOW est une musicienne dont la musique délivre une folle énergie et, par-dessus tout, une réelle et palpable sincérité. Authentique et directe, la guitariste et chanteuse écume les scènes américaines comme européennes depuis un moment déjà. Pointilleuse et perfectionniste, elle se trouve actuellement en studio pour l’enregistrement de son troisième album à paraître dans quelques semaines. L’occasion de faire un point avec elle sur ses nouvelles compostions et plus largement sur sa vision artistique. Entretien.
– Tout d’abord, parlons de ce moment un peu particulier, puisque tu es actuellement en studio pour l’enregistrement de ton troisième album, qui sera terminé fin-septembre. Alors comment cela se passe-t-il pour le moment ?
Tout d’abord merci de m’avoir invité ! Nous en sommes à peu près à la moitié de l’enregistrement du nouvel album et ça se passe très bien jusqu’à présent. Il est en préparation depuis un peu plus d’un an maintenant. Beaucoup de chansons ont été écrites, mais seule une poignée d’entre-elles ont émergé. Et même certaines, qui sont encore en cours de préparation, ne sont pas garanties de parvenir jusqu’aux oreilles des gens.
– Pour « Only The Wild One », tu étais accompagnée de musiciens brillants et expérimentés. A priori, tu as changé d’équipe pour ce nouvel album. Est-ce que tu peux nous les présenter et nous expliquer un peu de quelle manière tu as choisis le groupe qui joue à tes côtés cette fois ?
Bien sûr, j’essaie une nouvelle approche pour le nouvel album et il met en vedette mon groupe de tournée cette fois. J’ai emmené ces gentilshommes autour du monde avec moi et je voulais capturer l’alchimie que nous avons sur scène, en studio. Il y a donc Michael Lupo, qui est diplômé du Berklee College Of Music de Rhode Island et qui, non seulement joue de la batterie, mais compose aussi de la musique. Puis, j’ai Taylor Tuke aux claviers et aux chœurs. C’est un artiste incroyable, ainsi qu’un instrumentiste accompli, jouant du piano, de la guitare et de la basse. Il est originaire du Colorado. Ensuite, j’ai aussi les meilleurs de Nashville pour d’autres parties, notamment Tim Marks à la basse, Smith Curry à la Steel et Ross Holmes au violon, et encore d’autres à venir !
– On l’a dit, tu vas bientôt terminer les sessions d’enregistrement de ce nouvel album. Comment est-ce que tu procèdes ? Y a-t-il encore une part de créativité, d’écriture et peut-être d’imprévu en studio, ou est-ce que tout est soigneusement calé à l’avance avec une idée bien précise de ce que tu souhaites obtenir ?
J’avais soigneusement planifié chaque étape de ce disque et j’ai depuis tout jeté par la fenêtre. Il n’y a tout simplement pas de bonne façon d’aborder l’art. Vous pouvez tout guider, vous pouvez travailler sur une chanson pendant des mois, l’aimer inconditionnellement, puis l’abandonner totalement pour des raisons imprévues. J’ai laissé tomber le contrôle, je m’accroche maintenant aux rênes et je vois dans quelle direction elles bougent naturellement. Puis, j’essaie d’attraper cette étincelle. Je la suis, j’essaie de rester fidèle à l’intention originale de chaque chanson lors de la création. Ensuite, je mets les meilleurs créatifs que je connais au premier plan et nous comptons tous activement sur notre instinct et notre talent pour créer le bon espace pour que chacun puisse respirer.
– Tu viens de sortir un premier single, « Don’t Call Me Baby », qui est une belle ballade. Pour ton album précédent, c’était « Wolf In Sheepskin », une chanson également très calme. Tu aimes bien dévoiler les aspects peut-être les plus tendres, tranquilles et les plus sensibles de tes albums au public avant des titres plus nerveux et plus Rock ?
Ce ne sont peut-être que des coïncidences, mais je vois tout à fait ce que tu veux dire. Je me suis dit que le premier single de ce nouvel album devait être rythmé et entraînant. Puis j’ai réfléchi un peu plus et je suis arrivée à la conclusion : je ne suis pas sur un label. Rien de ce que je fais n’est jamais conforme aux habitudes de toute façon. Je n’ai donc pas à me conformer à l’idée qu’on ne publie jamais une ballade pour une premier single. Alors, j’ai encore suivi mon instinct. J’avais un fort sentiment à propos de « Don’t Call Me Baby ». C’est tellement brut, réel et intime. Je crois en cette chanson dans son ensemble.
– D’ailleurs, je crois que tu n’as pas encore dévoilé le titre de ce troisième album. Est-ce que l’on peut savoir comment il s’appellera et surtout quand est-ce que sa sortie est prévue ?
Je pense que je l’appellerai « Come Up Kid ». C’est une biographie des deux dernières années de ma vie. De la standing-ovation en ouverture de Melissa Etheride au ‘Ryman Auditorium’ de Nashville jusqu’à la nuit à dormir dans ma voiture.
– J’aimerais qu’on fasse un petit flashback sur ton premier disque « Underdog Anthems », qui était très Rock. « Only the Wild One » avait une toute autre sensibilité et un aspect plus travaillé peut-être sur les arrangements et plus produit aussi. Est-ce que, justement, cela correspondait à des moments très différents en termes d’intensité dans ta vie personnelle et qu’on a retrouvé à travers tes chansons ?
J’avais une certaine colère sur « Underdog Anthems ». Depuis, j’ai été un peu humiliée par la vie, par l’industrie de la musique, par le monde… Chaque album est le reflet de l’endroit où se trouve un artiste à ce moment-là, mais celui-ci est différent. Cette fois, je n’ai pas peur de creuser certaines choses jusqu’ici désordonnées. Je ne suis pas opposée à prendre le long chemin du retour, je n’ai plus peur de ce qu’ils pensent. J’ai été sauvage trop longtemps. J’ai été sur la route à travers le monde, j’ai eu le cœur détruit et puis j’ai eu des aperçus de l’amour le plus incroyable que je n’ai jamais trouvé… il y a beaucoup de choses à creuser dans la vie de nos jours à travers la musique.
– « Only The Wild One » avait apporté un véritable vent de fraîcheur avec un style désormais identifiable fait de Classic Rock, de Blues et d’Americana sur un chant très personnel. Doit-on s’attendre à une certaine continuité avec ce nouvel album ?
La continuité est l’objectif, mais je me laisse davantage aller sur les chansons cette fois-ci. Je ne vais pas écrire un morceau Classic Rock juste pour en avoir un. Il faut que cela me plaise. J’ai déjà écrit des chansons de Heavy Rock pour cet album qui ne verront pas le jour, car elles ne m’ont pas donné cette confiance à 100 % pour que je croie réellement en elles.
– Tu es musicienne, chanteuse et compositrice. De quelle manière est-il plus naturel pour toi de faire passer des émotions à travers ta musique ? Plutôt par la voix, ou avec ta guitare ?
J’ai eu la chance d’étudier cette forme d’art dans des conditions intenses et de poursuivre ce voyage au-delà des murs du Berklee College Of Music et dans le monde réel. Celui-ci ne se soucie pas du fait que vous puissiez écrire à des moments inhabituels, ou jouer des gammes diminuées en ‘sweep picking’ sur le manche de votre guitare. Je pense que ce dont le monde a besoin aujourd’hui, c’est d’un sentiment d’unité, peut-être d’un certain soulagement dans le contexte d’une impression moins solitaire. Lorsque quelqu’un s’ouvre à une vulnérabilité totale, ou dit quelque chose sans s’excuser, je pense que cela inspire une réaction en chaîne. J’aimerais inviter les gens à aller à contre-courant et dans tous les aspects de la vie.
– Sur « Don’t Call me Baby », il y a le violon de Ross Holmes, qui apporte une touche légèrement Country. Etant originaire et résidente de Nashville, j’imagine que la tentation est grande tant la Country Music y est présente. Est-ce un domaine musical que tu as envie d’explorer, car il y a beaucoup d’effervescence dans le style depuis un moment déjà aux Etats-Unis et qui se propage ailleurs ?
La Country/Americana est un genre que j’explore, c’est vrai. Je suis à Nashville depuis un certain temps et je l’ai certainement intégré à mon style Et puis, cette fois-ci, je ne m’en tiens pas strictement au Rock. Je ne me suis jamais vraiment limité au Rock de toute façon, même sur « Underdog Anthems ». J’avais sorti une chanson Country toute simple sur l’album, « Drift Together », et je pense qu’il était facile de me mettre dans cette catégorie à ce moment-là. C’était Michael Wagener qui avait produit ce disque et il ressemble à ses disques de Hard Rock emblématiques. Cela dit, mes héros suivent de toute façon des chemins différents à travers les genres, donc tout ça peut être un peu flottant de toute façon.
– On le sait, tu es vraiment dans ton élément lorsque tu es sur scène et on a vraiment l’impression que c’est le lieu de toutes les émotions pour toi et ta musique. Est-ce que pour ce nouvel album, tu te projettes déjà sur le rendu scénique au moment de la composition, ou c’est quelque chose qui arrive plus tard ?
J’adore être sur scène, c’est vrai ! J’ai eu la chance de jouer dans quelques grands festivals cet été et mes préférés ont été ceux de Blues en Belgique et aux Pays-Bas ! Faire une tournée avec les garçons a ouvert de nombreuses portes sur le plan créatif et nous voulons maintenant capturer un peu de cette magie en studio. Nous testons les nouvelles chansons depuis environ un an maintenant, elles sont donc presque prêtes à être enregistrées. Mais nous sommes aussi catégoriques sur le fait que chacune d’entre elles doit être parfaite. Donc, nous les réenregistrerons donc autant de fois que nécessaire.
– Tu enchaînes les concerts toute l’année, y compris en Europe où tu es venue à plusieurs reprises. D’ici, on imagine le terrain de jeu américain gigantesque et surtout peut-être plus réceptif à ta musique, qui n’est pas réellement notre culture. Y a-t-il des choses spéciales lors de tes tournées en Europe au niveau du public notamment ? Est-ce que ta musique est perçue de la même manière des deux côtés de l’Atlantique ?
Nous sommes mieux reçus à l’étranger. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Nous ADORONS le public européen : il est très attentif et il n’a pas peur de s’amuser ! Je ne connais pas les raisons pour lesquelles le marché européen est meilleur pour nous. Peut-être que le public apprécie davantage la vraie musique, les gens qui jouent de leurs instruments, sans pistes enregistrées… ?
– Pour conclure, j’aimerais que tu me dises pour quelles raisons tu restes une artiste indépendante. Est-ce que c’est un désir de pouvoir contrôler ton processus créatif dans son entier et parce qu’aujourd’hui un label a moins d’impact qu’auparavant, ou plus simplement parce qu’il est plus difficile d’être signé en raison d’une situation devenue peut-être saturée ?
C’est une bonne question. J’ai ma petite idée là-dessus… Je vais en poser juste une : je peux être difficile à cerner en termes de genre ou de style. Les labels n’aiment plus prendre de risques. C’est vraiment dommage. J’ai beaucoup d’amis à Nashville qui composent de la bonne musique et il y a 30 ans, je parie que tous auraient été signés. C’est franchement un acte solitaire d’essayer de tout faire soi-même, mais je ne suis plus seule maintenant. J’ai rassemblé des gens formidables autour de moi. Et nous avons trouvé la solution de manière très simple : saisir la vie par les couilles au lieu d’attendre que quelque chose se passe. J’ai eu un label qui m’observait pendant que les gens tapaient sur les bancs du ‘Ryman Auditorium’ pendant deux minutes d’affilée pour une standing-ovation. C’était en première partie de Melissa Etheridge. Et ils m’ont TOUJOURS laissé tomber. Donc s’ils attendent juste que je devienne ‘rentable’, alors je passerai mon tour…
Le single « Don’t Call Me Baby » du prochain album de JAX HOLLOW est déjà disponible sur les plateformes et retrouvez-la aussi sur son site :
La scène Blues Rock anglaise ne s’est rarement aussi bien portée que ces dernières années avec l’émergence d’artistes rafraîchissants et créatifs. Et BRAVE RIVAL en fait bien sûr partie, grâce à des compositions pleines d’émotion où le British Blues côtoie le Rock et la Soul pour s’élever dans des sphères puissantes et accrocheuses. Les deux chanteuses sont évidemment l’une des forces de la formation, mais c’est surtout la complicité artistique et le feeling très palpable de l’ensemble qui dominent cet ensemble soudé et harmonieux sur « Fight Or Flight ».
BRAVE RIVAL
« Fight Or Flight »
(Independant)
Mis en lumière il y a seulement deux ans avec un somptueux premier album, « Life’s Machine », suivi de près par un « Live At The Half Moon » époustouflant en live, BRAVE RIVAL n’avait pas mis très longtemps à se faire remarquer. Nominés aux UK Blues Awards dans la foulée, les Britanniques ont donc un rang à tenir et « Fight Of Flight » est attendu avec une certaine impatience. Et même s’ils ont déjà dévoilé pas moins de cinq singles, il reste des surprises… sept exactement ! Et sur les 50 minutes proposées, on passe littéralement par toutes les sensations.
Toujours aussi chevillé à son indépendance, BRAVE RIVAL est à nouveau passé par une campagne de crowdfunding pour financer son deuxième opus. Encore très bien produit, on retrouve les mêmes intentions, si ce n’est que le groupe montre peut-être un côté plus Rock cette fois. Du moins, c’est ce que laisse transparaître de l’entame pied au plancher du disque avec « Bad Choices », « Seventeen » et « Stand Up » avec en invités l’explosif et tonitruant Will Wilde et son harmonica.
Bien sûr, les deux frontwomen de BRAVE RIVAL, Chloe Josephine et Lindsey Bonnick, offrent des parties vocales aussi volcaniques que sensuelles et parviennent encore à éblouir par l’élégance de leur duo (« Insane », « Heavy », « All I Can Think About », « Five Years On », « Stars Upon My Scars »). Pour le groove, Donna Peters (batterie) et Billy Dedman (basse) font ronronner la machine, alors qu’Ed Clarke a du feu dans les doigts au point de livrer une prestation de haut vol avec notamment des solos renversants. Indispensable !
Retrouvez la chronique du précédent Live et l’interview accordée lors de la sortie du premier album :
Incroyable virtuose et distillant son feeling sur chaque note, le chanteur et guitariste CHRIS CAIN réapparaît sur le légendaire label Alligator avec un deuxième disque dont on ne se lasse pas. Totalement libre et épanoui grâce à un songwriting efficace et irréprochable, le musicien de San Jose s’en donne à cœur-joie et nous emporte sur ce « Good Intentions Gone Bad » séduisant de bout en bout, laissant parler sa six-corde avec une exceptionnelle fluidité.
CHRIS CAIN
« Good Intentions Gone Bad »
(Alligator Records)
Peut-être trop discret sur la scène Blues internationale et même américaine, CHRIS CAIN n’en demeure pas moins un artiste reconnu par ses pairs et dont la carrière parle pour lui. Avec une quinzaine d’albums étalés sur trois décennies, c’est surtout depuis sa signature en 2021 chez Alligator qu’il prend sérieusement la lumière, soutenu par Joe Bonamassa et Robben Ford notamment, qui ont su voir en lui le grand bluesman qu’il est. Et avec ce nouvel opus, il vient le confirmer avec beaucoup de classe.
Toujours dans cette veine héritière du son de Memphis et de BB King surtout, CHRIS CAIN s’en rendu dans le home-studio de Kid Andersen, producteur de « Good Intentions Gone Bad », mettre en boîte ses nouveaux morceaux. On y retrouve d’ailleurs beaucoup de cuivres, l’intervention de Kid sur divers instruments et celle de sa femme au chœur. Greg Rahn (piano, orgue), June Core et Sky Garcia (batterie), Cody Wright (basse) et même Tommy Castro sur un titre constitue ce solide line-up.
Electrique et classique, le jeu de CHRIS CAIN brille au son des riffs et des solos de sa Gibson ES-335, sans pour autant tomber dans une certaine nostalgie. Au lieu de ça, le Californien est étincelant, accrocheur et dynamique (« Too Little Too Late », « Fear Is My New Roommate », « Thankful » et le délicat « Blues For My Dad »). La joie transparaît sur les 15 morceaux et il est à souhaiter qu’enfin, il se pose définitivement au panthéon des plus grands de sa génération, car il le mérite vraiment.
Avec « Blueprints », CAITLIN KRISKO & THE BROADCAST semble franchir un cap et même si on devra se contenter de six titres, on reste sous le charme de ce nouvel, et bien trop court, effort. Avant une tournée anglaise à la rentrée, le quatuor se présente au meilleur de sa forme et la performance vocale de sa chanteuse est tout simplement époustouflante. Avec beaucoup de force et d’authenticité, elle captive grâce à des variations toute en puissance et terriblement mélodiques.
CAITLIN KRISKO & THE BROADCAST
« Blueprints »
(Independant)
Après l’excellent « Lost My Sight » paru en 2020 et qui avait déjà posé les solides fondations de THE BROADCAST, c’est avec l’EP « Blueprints » que les Américains font leur retour. Cette fois, leur chanteuse et parolière CAITLIN KRISKO y a ajouté son patronyme, peut-être pour mieux marquer de son empreinte ce nouveau format-court, mais pas seulement. Il faut préciser que les six morceaux ont un côté très personnel et introspectif dans la mesure où la frontwoman a récemment perdu sa mère et nombre des émotions traversées ici y font directement référence, rendant ce Blues teinté de Soul et de Rock plus émouvant encore.
Si le premier album avait une couleur peut-être plus roots et brute avec un jeu plus direct, sur « Blueprints », CAITLIN KRISKO & THE BROADCAST joue la carte de l’émotion et la chanteuse est réellement au centre de toute l’attention. Née à Détroit et ayant grandi à New-York, c’est désormais dans la ville d’Asheville en Caroline du Nord qu’elle est basée et sans tomber dans un registre clairement Southern, des sonorités et des intentions très Soul se dégagent du EP, notamment sur les très bons « Haunted By You », Have To Say Goodbye » « Blue Monday », les chansons les plus touchantes.
Déchirante souvent, CAITLIN KRISKO fait parler la puissance de sa voix tout en faisant preuve de beaucoup de sensibilité et d’une folle énergie, comme sur le très funky et enthousiasmant « Devil On Your Side », qui ouvre cette nouvelle réalisation. Et que dire de ses camarades qui élèvent THE BROADCAST sur chaque titre ! Sur une production limpide, le groove et les arrangements très soignés prennent une dimension enchanteresse, comme sur le dynamique « Piece Of You » et l’entêtant « Operator ». Très moderne dans son approche, « Blueprints » montre un large spectre musical, et on attend la suite rapidement.
Les réalisations des Suédois sont de plus en plus attendues, tant leur style s’affine au point de devenir addictif au fil des années. Même s’ils ont laissé échapper quelques singles avant sa sortie, « Birthday » est loin d’avoir dévoilé tous ses secrets. Authentique et organique dans le son, il fait preuve d’autant de sensibilité que d’aplomb et BLUES PILLS se fait de plus en plus incontournable. Avec une chanteuse engagée et élégante, les Scandinaves frappent fort et s’affirment avec talent.
BLUES PILLS
« Birthday »
(Throwdown Entertainment/BMG)
La décennie largement passée et la maternité de sa frontwoman aurait pu calmer les ardeurs de BLUES PILLS, mais à y regarder de plus près, il n’en est rien. Pourtant enregistré durant la grossesse d’Elin Larsson, « Birthday » ne propose pas vraiment le climat de tendresse auquel on aurait pu légitimement s’attendre. De plus, en le sortant en pleine période estivale, le quatuor montre qu’il n’a pas froid aux yeux. Et tous ces éléments mis bout à bout confirment une belle envie et surtout une assurance évidente.
Pour son quatrième album, auquel il faut ajouter un live et trois EPs, BLUES PILLS se présente avec son très reconnaissable Blues Rock où psychédélisme, élans sauvages et légères sonorités Pop se fondent dans une unité musicale que le combo élabore depuis ses débuts. Toujours portés par une voix envoûtante, les morceaux de « Birthday » s’envolent souvent, tout comme ils libèrent d’intenses émotions comme sur « Somebody Better », l’un des sommets de ce nouvel effort.
Toujours aussi bien produit, le morceau-titre, qui ouvre les festivités, donne le ton. Enjoué et volontaire, ses nouvelles compositions se veulent ouvertement féministes et la situation d’Elin Larsson au moment de l’enregistrement vient confirmer une force palpable (« Piggyback Ride », « Holding Me Back », « Don’t You Love It », « Back On That Horse Again »). Varié et inspiré, BLUES PILLS livre un opus complet et fait vibrer son Blues Rock avec beaucoup de profondeur et de charme. Personnel, convaincant et soigné !
Avec une telle signature vocale, il n’est pas si surprenant de voir BYWATER CALL gravir à ce rythme les échelons et surtout s’établir de belle manière sur une scène Southern Blues Rock, qui n’a pas été aussi vivante depuis des décennies. Guidée par sa frontwoman Meghan Parnell, elle-même accompagnée par un brillant sextet, la formation canadienne vient de publier son troisième album, « Shepherd », chaleureux, joyeux et dont il est difficile de se défaire. Enchaînant les concerts comme les distinctions, la chanteuse se livre sur l’approche musicale du groupe, sa liberté nouvellement acquise et le talent des musiciens qui forment cette belle entité ancrée dans une Soul renversante.
– Après votre premier album éponyme en 2019, puis « Remains » en 2022 suivi de l’EP « Beyond The Doorway » l’an dernier, vous revenez avec « Shepherd », qui est probablement votre réalisation la plus aboutie. Est-ce que BYWATER CALL a enfin, selon toi, complètement cerné son identité musicale à travers un style que vous aviez en tête depuis vos débuts ?
En fait, je ne sais pas si nous parviendrons un jour à définir pleinement notre identité musicale. En tant que groupe, nos influences et nos inspirations sont si diverses et en constante évolution que je pense, et j’espère, que notre son continuera d’évoluer au fil du temps. Nous sommes fiers de la diversité de la musique que nous créons. Je pense que cela nous permet d’emmener nos auditeurs dans un véritable voyage. Et j’espère que malgré cela, ou peut-être grâce à cela, nous avons, ou serons bientôt en mesure, de créer un son qui nous est propre.
– D’ailleurs, si « Shepherd » est si assuré et inspiré, est-ce le résultat de la centaine de concerts donnés à travers une dizaine de pays aux côtés de grands noms l’année dernière ? Est-ce que cette expérience acquise vous a aidé dans la composition de ce nouvel album, ou du moins dans son interprétation ?
Oui, je pense que tous ces concerts donnés ensemble au cours des 18 derniers mois nous ont vraiment aidés à nous fixer. Je crois que nous avons une confiance en notre musique et elle continue de grandir à mesure que nous nous appuyons sur nos points forts. Et bien sûr, les opportunités de côtoyer de grands talents, ou en devenir, ont certainement eu une influence. C’est toujours formidable de voir comment d’autres musiciens opèrent. Je crois que nous pouvons tous apprendre les uns des autres.
– Il y a une autre nouveauté avec ce troisième album. Vous avez quitté votre label, Gypsy Soul Records, pour vous autoproduire. Même si on peut facilement comprendre votre envie de liberté, est-ce que le support d’un label a moins d’importance aujourd’hui dans une industrie musicale qui a beaucoup changé ?
Il y a bien sûr beaucoup d’outils à la disposition des artistes indépendants aujourd’hui C’est formidable pour tous ceuyx qui peuvent ainsi prendre leur carrière en main. Je pense que c’est important. C’est beaucoup de travail de sortir un album tout seul et il y a beaucoup d’opportunités qui peuvent être manquées ou négligées. Il est difficile de savoir si vous faites vraiment tout ce qu’il faut. Avec une maison de disques, c’est agréable de sentir que vous faites partie d’une équipe, qui a l’expérience et la sagesse, et qui connait la meilleure façon de sortir de la musique efficacement. Pour notre part, nous voulions vraiment essayer de faire quelque chose par nous-mêmes, ce que nous n’avions pas encore fait. C’est une grande entreprise et nous avons beaucoup appris.
– Vous avez donc enregistré « Shepherd » vous-mêmes et la production est littéralement éclatante et trouve un bel équilibre. Justement, est-ce que le fait d’avoir été seuls aux commandes cette fois vous a permis d’oser plus de choses ?
Nous avons eu beaucoup de chance que Bruce (McCarthy – NDR), notre batteur, ait un petit studio et une bonne expérience comme ingé-son et aussi en mixage. Lorsque nous avons décidé de nous lancer dans cet album, il nous a gracieusement donné beaucoup de son temps et de son espace pour que nous puissions le mettre au point. Et oui, je pense que nous avons pu faire pas mal d’expérimentations grâce à ça. Nous savions que nous voulions une certaine esthétique pour certains morceaux et chez Bruce, nous expérimentions avec les micros et la façon de les utiliser, ainsi que les effets de lumière dans la production. Pour quelques chansons, nous voulions incorporer des percussions captivantes et Bruce a pu prendre le temps de jouer avec ça chez lui. De plus, grâce à la façon dont l’album a été conçu, Dave (Barnes – NDR) a pu enregistrer beaucoup de ses guitares chez lui, ce qui lui a donné beaucoup de liberté pour travailler sur la façon dont il voulait que ses parties sonnent.
– L’autre point fort de l’album est la puissance de ta prestation vocale, Meghan. On a le sentiment que tu guides vraiment ces nouveaux morceaux. Est-ce que cela est également dû au fait que vous ayez retrouvé une totale liberté artistique qui transparaît beaucoup plus dans ton chant ?
Ma voix sera toujours un élément important de n’importe quel morceau pour créer l’ambiance d’une chanson. Cependant, nous essayons de plus en plus de trouver l’équilibre idéal, les parties les plus fortes et les plus efficaces de ma voix, et de nous y concentrer au lieu de ressentir le besoin de nous mettre en valeur. Je pense que plus nous jouons et enregistrons, plus je suis à l’aise et confiante dans le fait que ma voix sera entendue, même dans les moments les plus tendres, délicats et décalés, et je pense que c’est tout aussi important. Au fur et à mesure que nous expérimentons, comprendre que je n’ai pas toujours besoin de chanter fort, et au plus haut de ma tessiture pour être entendu, nous aide vraiment à trouver des idées nouvelles et intéressantes.
– L’autre chose qui domine à l’écoute de « Shepherd », c’est cette ambiance très positive et joyeuse. L’esprit Southern est toujours l’élément principal et il y a aussi des sonorités typiques de la Nouvelle-Orléans, qui sont parfaitement incarnées dans « Sweet Maria », notamment. Cette chanson a-t-elle été une sorte de déclic pour conditionner l’atmosphère globale de l’album ?
Nous avons toujours voulu capturer la chaleur et la joie dans notre son. Nous pensons qu’il est important de faire ressentir quelque chose aux gens à travers notre musique et sur cet album, nous avons définitivement célébré cela dans de nombreux morceaux comme « Sweet Maria », « Turn It Around », « Roll » ou « For All We Know, Sign of Peace ». Toutes ces chansons ont une ambiance très positive et estivale.
Je crois que l’on peut dire que « Sweet Maria » a été le début de tout ça. La chanson nous a été apportée par John Kervin (claviers – NDR) et elle dégage une atmosphère tellement agréable dès le début. Il a eu la gentillesse de me laisser creuser vocalement et lyriquement cette idée de célébration, et avec un peu d’expérimentation, nous avons fini par obtenir « Sweet Maria ». C’était le premier nouveau morceau de l’album que nous avons enregistré et sorti en single aussi. Et il semble avoir donné le ton approprié à tout ce qui a suivi ensuite.
Nous avons écrit « Sign of Peace », le dernier morceau de l’album, il y a des années, au tout début de la création du groupe. Nous l’avons donc beaucoup joué et il a évolué au fil du temps, mais il ne nous a jamais semblé pertinent de l’enregistrer. Avec l’ambiance plus joyeuse de cet album et un penchant plus éclectique, cela semblait être le bon moment. Nous avons pensé que nous pourrions nous amuser un peu avec. Alors, Steve (Dyte, trompette – NDR) a écrit un superbe chorus à quatre voix dans un premier couplet pour aider à capturer l’ambiance de la Nouvelle-Orléans et cela s’intègre parfaitement dans le paysage de « Shepherd ».
– L’orgue et les cuivres sont aussi plus présents sur l’album, ce qui lui donne un aspect plus Soul et un peu moins Rock peut-être. C’est une manière de jouer plus facilement sur les émotions avec plus de douceur dans l’approche musicale et le son ?
Exploiter les émotions est très important pour nous et nous nous efforçons toujours de nous améliorer. Chaque musicien du groupe est incroyablement talentueux, nous voulons donc nous assurer de mettre en valeur et de cultiver tous nos points forts. John est un claviériste incroyable et Julian (Nally, saxophone – NDR) et Steve (trompette) travaillent si bien ensemble. Il est donc important de mettre cela en valeur. Nous aimons faire bouger les morceaux… Mais nous aimons encore plus les moments très Soul, plein d’émotion et de joie. Et les cuivres et l’orgue contribuent à adoucir l’esthétique de la musique.
– On l’a dit, vous avez beaucoup tourné et notamment en Europe, où vous avez aussi participé à la ‘Sea Mediterranean Cruise’ de Joe Bonamassa. Aujourd’hui, cela vous vaut d’être nominés aux UK Blues Awards pour le prix du meilleur artiste international. C’est déjà une belle récompense, d’autant qu’elle arrive d’un autre continent. Dans quel état d’esprit êtes-vous ? Et cela doit être également une grande motivation…
Cette nomination a été une surprise totale. Je l’ai découvert lorsque nous avons été tagués dans un post sur les réseaux. Venant d’un pays où nous n’avions eu l’occasion de faire qu’une seule tournée à ce moment-là, et considérant les artistes phénoménaux aux côtés desquels nous étions nommés, c’était vraiment un honneur. Etre mentionné aux côtés de Larkin Poe notamment est incroyable. Cela dit, je pense qu’il est important de ne pas accorder trop d’importance aux récompenses, il y a trop d’artistes fantastiques pour que tout le monde soit correctement reconnu… mais ça aide de savoir que notre musique est appréciée !
– Enfin, on assiste depuis quelques temps à un certain renouveau de la scène Southern Rock et Blues avec l’émergence de formations comme la vôtre d’ailleurs, qui ont vraiment su se faire une place. Qu’est-ce que cela t’inspire de voir ce style si emblématique trouver un second souffle avec une nouvelle génération pleine de talent ?
Je pense que c’est très encourageant de voir qu’il y a encore une place pour la musique live dans le monde numérique et celui des DJ d’aujourd’hui. Il y a une chaleur, une émotion et une humanité qui semblent souvent absentes dans une grande partie de la musique actuelle, du moins pour moi. Voir de nouveaux groupes dans des genres similaires au nôtre réussir à attirer un public est une victoire pour nous tous. Plus ce renouveau touche de fans, plus il y en aura de nouveaux à même d’écouter tous ceux qui tentent leur chance… Les adeptes de la scène Southern Rock et Blues, nouveaux comme anciens, ont beaucoup de place dans leur cœur pour les artistes établis et aussi émergents. Ils veulent juste faire partie de quelque chose de magique, comme nous.
Le nouvel album de BYWATER CALL, « Shepherd », est disponible sur le site du groupe, tout comme les billets de la tournée qui aura lieu du 2 octobre au 22 novembre prochain en Europe : www.bywatercall.com
Photos : Juan Perez-Fajardo (1), Erin Cosentino (2, 3), Mal Whichelow (4) et Zoran Veselinovic (5).