Guitariste emblématique aussi incontesté et qu’incontestable du Blues moderne, GARY MOORE a marqué les esprits grâce à un son unique, un jeu éblouissant et un incroyable toucher. Dix ans après sa tragique disparition, on découvre huit morceaux inédits (quatre originaux et autant de reprises) à travers ce « How Blue Can You Get », qui vient se poser aux côtés des classiques du musicien.
GARY MOORE
« How Blue Can You Get »
(Provogue/Mascot)
La majeure partie des albums posthumes ennuient, agacent et n’apportent rien mais, par chance, il n’en est rien de ce (presque) nouveau disque de GARY MOORE. Reconnu comme l’un des meilleurs guitaristes et songwriters de sa génération, le nord-Irlandais a marqué d’une empreinte indélébile le monde du Blues, et même au-delà. Avec quatre chansons originales et autant de reprises, « How Blue Can You Get » fait revivre la légende.
Cet album provient tout droit des archives familiales du musicien, qui semblent regorger de versions alternatives et de prises inédites, qui restent hors du commun. Dès les premières notes de « I’m Tore Down » signé Freddie King, on retrouve le son et le toucher incroyable de GARY MOORE, qui se fait aussi plaisir sur « Steppin’ Out » de Memphis Slim et « Done Somebody Wrong » d’Elmore James.
Parmi les titres originaux, le guitariste régale d’émotion sur « In My Dreams », superbe ballade dans la lignée des derniers albums du maître. « Looking At Your Picture » reste dans la même veine, tout comme le déchirant et stratosphérique « Living With The Blues ». GARY MOORE rend aussi un hommage touchant à BB King avec le superbe « How Blue Can You Get ». En plus de nous régaler, la légende fait toujours autant de bien.
Après le très bon dernier album de Maceo Parker (sur ce même nouveau label de Mascot), c’est au tour de DUMPSTAPHUNK de rendre à la Nouvelle-Orléans son audace musicale et toute sa splendeur issue de la Funk et du Rythm’n Blues avec un côté Rock dynamitant. Le combo des Neville et Meters n’a rien perdu de son panache.
DUMPSTAPHUNK
« Where Do We Go From Here »
(The Funk Garage/Mascot Label)
Alors qu’on s’attendait à un double-album après la sortie en single du morceau-titre en août dernier, c’est finalement un album dense et conséquent que présente DUMPSTAPHUNK, énorme machine à Groove de la Nouvelle-Orléans. Sept longues années s’éparent « Where Do We Go From Here » de son prédécesseur et Ivan Neville et sa bande sont plus enthousiastes que jamais.
Politiquement engagés, les Américains mettent leur Funky-Beat très Rock au service de revendications fortes (« Justice 2020 »). Entre modernité et héritage Soul et Rythm’n Blues de la Nouvelle-Orléans, DUMPSTAPHUNK fait la jonction et rend ces morceaux, parfois des reprises, d’une étonnante intemporalité (« Let’s Get At It », « United Nation Stomp », « Make It After All »).
Si les guitares sont très présentes (à noter la présence de Marcus King), les cuivres ne sont pas en reste et offrent une couleur resplendissante à ce « Where Do We Go From Here », plein de groove et très enjoué. Puissant et créatif, DUMPSTAPHUNK avance avec un énorme respect pour la Funk de sa ville, tout en se réinventant avec pertinence (« Itchy Boo », « Dumpstamental », « Sons »). Un vrai rayon de soleil !
Si pour de nombreux musiciens, c’est aux Etats-Unis que se joue et se vit le Blues, certains font le chemin inverse. C’est le cas du songwriter, chanteur et guitariste américain JAY RYAN, établi en France puis une trentaine d’années. Avec « Le Cœur Sec », cinquième album du musicien, il s’exprime en français dans un Blues très Rock et Americana. Un côté brut authentique.
JAY AND THE COOKS
« Le Cœur Sec »
(Juste Une Trace/Socadisc)
Eternel baroudeur, le songwriter américain a posé ses valises en France, en Provence, avant de venir s’installer près de Paris à Saint-Denis. Après avoir joué dans de nombreuses formations, JAY RYAN a réuni ses COOKS, groupe constitué de proches avec qui il revient aujourd’hui avec un album qui brille notamment par la grande qualité de son line-up. Le sextet a fière allure et les compos s’en ressentent.
Dans un registre à dominance Blues, le chanteur et guitariste livre le cinquième album de JAY AND THE COOKS. Entièrement écrit en français, « Le Cœur Sec » sonne très Rock et jette un regard acide sur notre société et la situation actuelle (« Presque Foutu », « Travailleurs Essentiels », « Je N’ai Pas Vu Les Signes »). Authentique et sincère, les morceaux de l’Américain s’inscrivent dans un style très brut et avec humour (« La Seine S’en Moque », « Branché Bio »).
Cette poésie urbaine est également teintée de Country et d’Americana comme sur l’étonnante reprise de Gainsbourg (« Je Suis Venu Te Dire Que Je M’en Vais »), où JAY AND THE COOKS offre une version très personnelle et singulière de ce classique de la chanson française. S’il est vrai qu’il faut parfois tendre l’oreille pour saisir toute la subtilité des textes, le chanteur rend une copie remarquable et touchante.
Songwriter de grande classe et brillant musicien, STEPHEN FOSTER incarne l’âme Southern dans toute sa splendeur et son large spectre. Avec son groupe HOWLER, basé à Muscle Shoals en Alabama, le musicien, qui a sorti huit albums cette dernière décennie, livre un « Southern » qui rappelle ô combien le sud américain est inspirant.
STEPHEN FOSTER & HOWLER
« Southern »
(Thoroughbred Music)
Les fans de Blues et de Southern Rock connaissent STEPHEN FOSTER. Le guitariste, claviériste et songwriter de génie est une légende et œuvre depuis cinq décennies au service de la musique made in Muscle Shoals. Cette agglomération d’Alabama est mondialement connue pour ses studios qui ont fait les belles heures des charts américains. Proche de Memphis et de Nashville, ce haut lieu résonne toujours.
Compagnon de jeu de Percy Sledge et compositeur pour Lynyrd Skynyrd, STEPHEN FOSTER a travaillé avec le gratin et revient aujourd’hui avec son groupe HOWLER. Constitué de musiciens ayant joué avec Little Richard et Jerry Lee Lewis, le quatuor a une allure de grosse machine… et c’en est une ! Combinant, Blues, Rock, Americana et Boogie-woogie, les Américains portent l’âme et le son du sud des Etats-Unis avec brio.
« You Can’t Take Me Home », premier extrait de « Southern », a été écrit en hommage à son ami Ronnie Van Zant disparu tragiquement en 1977. A l’écoute du morceau, on comprend mieux la complicité et le passé commun que STEPHEN FOSTER partage avec Lynyrd Skynyrd. L’album est d’une grande sincérité et les morceaux sont aussi brûlants qu’ils peuvent être touchants et profonds (« Little Things », « Cathead Blues », « Biloxi », « Arkansas »).
Voix de velours, authenticité et une musique où se marient avec grâce Blues et Soul : voici la recette de ce deuxième album d’ARCHIE LEE HOOKER, neveu du géant Boogieman. Le chanteur américain, installé en France depuis dix ans, ne se contente pas de surfer sur l’héritage familial, bien au contraire, et le prouve avec une musique aussi envoûtante que subtile et majestueuse.
ARCHIE LEE HOOKER & THE COAST TO COAST BLUES BAND
« Living In A Memory »
(Dixiefrog/PIAS)
Ce n’est jamais facile d’endosser le patronyme d’une légende du Blues et pourtant ARCHIE LEE HOOKER, neveu du Boogieman, continue sa route avec un héritage musical à faire pâlir n’importe quel bluesman. Ayant vécu chez son oncle plus de 10 ans où il a aussi vu défiler les plus grands noms du style, le chanteur du Mississippi s’est forgé une expérience incomparable entouré des plus grands dont l’immense John Lee bien sûr.
Mais c’est finalement assez éloigné du patrimoine musical familial qu’évolue le musicien. ARCHIE LEE HOOKER a trouvé sa voie depuis de nombreuses années et si elle reste gravée dans un Blues intemporel et tout aussi majestueux que son oncle, la comparaison s’arrête là. C’est à Memphis qu’il a fait ses premières armes dans un groupe de Gospel, dont on retrouve l’empreinte Soul tout au long des morceaux de « Living In A Memory ».
Installé en France depuis 2011, le chanteur a monté un groupe où l’alchimie est époustouflante. Le quintet compte des musiciens brésiliens, français et luxembourgeois tous animés de la même flamme et d’un feeling incomparable (« Long Gone », « Getaway », « Nightmare Blues », « I Lost A Good Woman » et le tendre et touchant « I Miss You, Mama »). ARCHIE LEE HOOKER et son COAST TO COAST BLUES BAND régale et enchante.
Très mélodique et accrocheur, ce premier album de RUMOUR montre un très bel équilibre entre des morceaux au songwriting efficace et à la production limpide et sans fioriture. « The Journey » a de quoi séduire à bien des niveaux, grâce à un style Americana assez Pop, où le Rock, la Folk et le Blues et quelques sonorités Country vont à l’essentiel.
RUMOUR
« The Journey »
(Independant)
Originaire d’Angleterre, RUMOUR sort son premier album autoproduit « The Journey » et on sent que le groupe s’est vraiment fait plaisir. Loin d’être des débutants, les cinq membres de la formation sont des musiciens aguerris, qui ont ensemble voulu conjuguer leur talent et leur expérience sur des morceaux aboutis et remarquablement bien interprétés. Très bien produit, « The Journey » est une belle surprise.
Ayant pour la plupart fait leurs armes aux côtés de pointures internationales et anglaises, Liz Nicholls (chant), Peter Brookes (guitare), Rob Craner (batterie), Paul Brambarni (claviers) et Owen Davidson (basse) présentent un registre sur une base Americana teinté de Pop. Quelque part entre Fleetwood Mac, Tom Petty et Texas, RUMOUR a trouvé sa voie dans une ligne positive et entraînante.
Tout en finesse et sur un groove remarquable, les Anglais font preuve de beaucoup de feeling, portés par la voix chaude et délicate de Liz Nicholls. A la guitare, Peter Brookes, qui signent les morceaux avec le poète et écrivain Phil Thomson, fait des merveilles grâce à un jeu oscillant entre Rock, Folk, Blues et des solos aérés et efficaces. En ballades et titres plus pêchus, RUMOUR impose une touche très personnelle.
Joueur de Blues, de Rock Psychédélique, de Jazz, compositeur de musique classique et de films, GARY LUCAS est une bande originale de son époque à lui tout seul. Songwriter et guitariste hors-pair et aux mille visages, l’Américain est aussi incontournable que discret, dont le talent et la virtuosité parlent pour lui. Aujourd’hui sort « The Essential », une belle représentation de l’éclectisme et de l’élégance du musicien.
GARY LUCAS
« The Essential »
(Knitting Factory Records/PIAS)
Je sais que je ne chronique habituellement pas les compilations, mais si vous n’avez aucun album de GARY LUCAS, c’est le moment de vous procurer « The Essentiel ». Le double-album retrace sur 36 titres les 40 ans de l’incroyable carrière de ce guitariste de génie. Bien plus qu’un guitar-hero, l’Américain est un héro de la guitare à qui aucun style ne résiste : un touche-à-tout capable de tous les grands écarts possible.
Le leader de Captain Beefheart, puis de Gods & Monsters, a joué avec les plus grands groupes et artistes et compte également une trentaine d’albums solos à son actif et dans des registres très différents. Parmi ses collaborations, GARY LUCAS a côtoyé Leonard Bernstein, Chris Cornell, Nick Cave, Warren Haynes (Allman Brothers), Iggy Pop, Dr John… La liste est très longue !
Mais le fait le plus marquant et célèbre du guitariste reste la découverte de Jeff Buckley dont il devient le mentor et pour qui il écrira « Mojo Pin » et « Grace », devenus des classiques. Producteur des Français de Tanger et co-compositeur de « Spider Web » de Joan Osborne, GARY LUCAS a même signé des bandes originales de films et de séries TV. Virtuose au jeu élégant, l’Américain est bien plus qu’une référence.
A la fois très costaud et sensible, on sent que VOODOO RAMBLE a dû barouder pour en arriver à un Blues Rock aussi efficace. Tout en puissance et en feeling, les Croates menés par un Boris Zamba impérial à la guitare et au chant, livre un nouvel album remarquablement bien produit et au contenu qui balaie le style de ses racines américaines jusqu’en l’Europe de belle manière. « That’s Why » est aussi accrocheur que profond et fait vraiment du bien.
VOODOO RAMBLE
« That’s Why »
(Thoroughbred Music)
Fondé il y a un peu plus de 10 ans en Croatie par Boris Zamba, leader de la formation, VOODOO RAMBLE a longtemps écumé les bars, les festivals, les rassemblements de bikers et autres clubs pour bâtir sa réputation aujourd’hui irréprochable et étendue jusqu’en Italie et à Memphis. Guitariste, chanteur et songwriter, le musicien a eu tout le loisir de peaufiner un Blues, qui sonne très Rock et même Rythm’n Blues.
Pour son premier album sur le label indépendant Thoroughbred Music, le groupe n’a pas fait les choses à moitié. Sur une superbe production signée Drago Smokrovic Smokva, alias ‘The Fig’, VOODOO RAMBLE propose 12 titres très aboutis aux saveurs variées, passant d’une ambiance très cuivrée à la Blues Brothers à un style plus profond et rude et des sonorités à dominante européenne.
On retrouve pourtant chez les Croates une interprétation très américaine et Soul sur une énergie débordante. Très groove et tout en feeling, Boris Zamba mène ses hommes dans un registre plein de fraîcheur (« Raise Your Hand », « Yellow River », « The Man »). Avec ce très bon « That’s Why », VOODOO RAMBLE se hisse tranquillement au rang des meilleures formations Blues Rock actuelle sans trembler (« Midnight Train », « Sally »).
La musique de SLIM PAUL vient du cœur et s’en va directement toucher l’âme. Deuxième album pour le Toulousain dans sa nouvelle vie d’artiste après des années au sein de Scarecrow pendant plus d’une décennie. C’est dorénavant en trio avec des musiciens dont la complicité paraît tellement naturelle que le chanteur, guitariste et songwriter lance une invitation Blues très apaisante à travers ce « Good For You », dont la production est d’une justesse remarquable.
SLIM PAUL
« Good For You »
(Regarts/Old Pot Records/L’Autre Distribution)
En l’espace d’un album, « Dead Already » (2018), SLIM PAUL s’est forgé une belle réputation an arpentant les scènes de France, d’Europe et aussi d’Amérique du Nord. Autant dire qu’en si peu de temps, le musicien n’a pas beaucoup quitté sa guitare et n’a pas non plus lâché son micro. Cela dit, le Français n’est pas un nouveau venu, loin de là… car l’aventure a commencé il y a une quinzaine d’années.
C’est surtout avec son groupe déjà atypique, Scarecrow, qui mélangeait Blues et Hip-Hop, que SLIM PAUL s’est aguerri avant de s’envoler pour les Etats-Unis comme pour mieux s’imprégner de la musique qui lui colle à la peau : le Blues. C’est de cette expérience que va naître son premier album, qui voit arriver Jamo (batterie) et Manu Panier (basse), dorénavant compagnons de route.
En cette triste et longue période, « Good For You » tombe à pic et en plus de rendre le sourire apporte chaleur et réconfort. Electrique ou acoustique, Blues ou Gospel, Slide ou dobro, le Toulousain est lumineux (« When You Keep On Groovin », « Amazing you », « Tess And I »). Parfois plus sombre et féroce (« Bury Me Deep »), SLIM PAUL reste optimiste, sincère et plein d’humour (« Log Dog Blues »). Exaltant, endiablé et très touchant !
Figure emblématique de la scène Rock hexagonale, LITTLE BOB vient de livrer un album aussi touchant que rageur et surtout plein d’espoir. Combatif et toujours accompagné de ses BLUES BASTARDS, le Havrais continue son bonhomme de chemin, faisant fi des obstacles, et revient avec « We Need Hope », qui prend tout son sens dans notre société actuelle. Le rockeur entretient le courage de rêver de liberté et aussi de changement. Toujours très positif, Roberto Piazza est plus que jamais ancré dans son époque. Entretien.
– Tout d’abord, félicitations pour ce très bon album… une habitude ! Avant d’entrer dans le détail, « We Need Hope » a été écrit avant la crise du Covid, comme une espèce de vision. Même s’il découle d’un moment personnel très triste, tu sentais déjà que quelque chose se passait dans la société…
Depuis quelques années, il y a un truc qui s’est passé : on s’est tous fait avoir par le capitalisme ambiant et dans le monde entier. On ne fait même plus travailler les gens ici. On va acheter des masques en Chine, par exemple, ce qui est aberrant. Et c’est juste pour que quelques uns s’en mettent plein des poches. Aujourd’hui, l’être humain ne compte pas. Il n’y a que le CAC 40 et le pognon.
– Finalement, alors que tout le monde parle à tort et à travers de résilience, cet album l’incarne parfaitement. Tu aurais même pu lui donner ce titre, non ?
Oui, bien sûr. En fait, le titre est venu comme ça : il était en moi. Je suis très heureux d’avoir donné ce titre à l’album. Il y a des chansons qui ont un sens profond et qui traite de sujets très actuels comme des migrants sur « Walls And Barbed Wires ». D’autres sont plus légères comme « I Was Kind » qui parle du moment où j’ai été touché par la grâce du Rock’n’Roll, où encore « Looking For Guy-Georges » du prénom de celui qui était mon premier guitariste dans Little Bob Story. Et puis, il y a des titres plus ou moins tristes qui parlent de ce qui est arrivé dans ma vie privée avec la disparition de ma femme il y a deux ans. J’ai fait beaucoup de chansons pour elle, et j’aurais même pu en faire plus ! Une chanson comme « You Can’t Come Back », je peux à peine la chanter d’ailleurs. Mais toutes ne sont pas si dures, elles racontent aussi notre rencontre. Sur l’album, on trouve des titres qui râlent, politiquement parlant, d’autres plus joyeux et plus graves en ce qui me concerne.
Tout ça a découlé d’une tournée en Angleterre fin 2019. Le fait d’être allé jouer à Londres, et même si la ville a beaucoup changé, m’a donné une pêche incroyable. En rentrant, je me suis mis à écrire et avec le groupe, on a mis le reste en place, chacun apportant son petit grain de sel et son talent aussi. On a enregistré fin février-début mars l’an dernier juste avant le premier confinement. On a juste repris quelques jours de studio en juin pour retoucher quelques voix, faire des chœurs et une guitare ou deux aussi. Tonio, notre ingé-son, a mixé l’ensemble et on était prêt. On devait le sortir avant mais vu la situation, ce n’était pas possible. Et aujourd’hui, certaines enseignes dans les centres commerciaux sont aussi fermées. La situation est déjà assez compliquée à cause de l’industrie du disque, alors ça n’aide vraiment pas. Et je ne te parle pas des concerts annulés, des fans qu’on ne voit plus lors des dédicaces et du nombre très restreint de disques dans les bacs, par exemple…
– « We Need Hope » a bien été enregistré avec tes Blues Bastards. Comment s’est passé l’enregistrement ? J’imagine que ça a aussi du faire du bien à tout le monde de se retrouver en studio ?
L’album a été enregistré avant le Covid et avant le confinement. Nous étions ravis d’enregistrer, mais après on a eu les boules pendant un an, parce que le disque ne sortait pas. On avait presqu’envie de faire d’autres morceaux pour le suivant ! On essaie de répéter ensemble quand même de temps en temps ici au Havre, mais nous sommes trop dispersés et éloignés les uns des autres.
– On te retrouve toujours aussi sincère et authentique et presqu’imperméable aux modes. Tu n’as jamais été tenté de sortir un peu de son registre ? Ne serait que pour essayer ?
Non, parce que j’aime quand ça joue, donc je ne tomberai jamais dans l’Electro. Il y a déjà trop de rappeurs qui chantent avec des machines. Je n’aime pas ça, je préfère quand les êtres humains jouent, y mettent leur cœur et leur savoir-faire. Mais je pourrais faire un disque acoustique, par exemple, pour le fun. Ça, on sait faire avec le groupe. Ce sont tous des supers zicos, donc ça pourrait très bien arriver.
– Beaucoup de morceaux sont dédiés à ton épouse et on le comprend très bien, et comme un retour à tes racines italiennes, tu chantes aussi le magnifique « Il Bello Della Vita ». C’est quelque chose que tu avais en tête depuis longtemps ?
Je l’avais déjà fait à deux reprises par le passé, dont « Libero » en 2001. Pour « Il Bello Della Vita », c’est très simple : le goût de la vie, c’était elle. Je l’ai écrit très vite, d’une traite et en italien, car elle adorait ça. Elle ne le parlait pas, mais elle apprenait. Et cette chanson parle de nous, tout simplement.
– Justement comme un clin d’œil à notre époque, tu reprends également « Bella Ciao » qu’on commence d’ailleurs à réentendre beaucoup depuis quelques temps, y compris dans des séries télé. Vu le ton de l’album et son titre, ça t’a paru naturel d’interpréter cette chanson si emblématique ?
Tu sais, je ne regarde pas la télé. Alors, ça n’a aucune influence sur moi. En fait, j’ai trouvé une version de « Bella Ciao » traduite en anglais par Tom Waits, qui en a fait une version Blues avec son guitariste. Je me suis dit : « Tiens, une version anglaise et par Tom Waits en plus, c’est cool ! ». Et puis, j’avais envie de la faire parce que le racisme ressort beaucoup en ce moment. Les gens sont mal et ça fait renaître ces choses, même si elles ont toujours existé.
– Contrairement à ce qu’on pourrait penser de prime abord, « We Need Hope » dégage beaucoup plus d’amour que de tristesse ou de colère. C’était ton intention de faire ce beau contrepied ?
Bien sûr, parce qu’il faut y voir aussi le fait que nous avons besoin de cet espoir pour un changement. Si on veut réussir à vivre heureux sur cette Terre, il faudrait changer beaucoup de choses. Ça paraît impossible, car il faudrait une révolution mondiale. Et ce n’est malheureusement pas prêt d’arriver…
– Enfin, j’aimerais que tu me parles un peu de ces trois très bonnes reprises d’Humble Pie, des Kinks et de Richie Heaven. Quand on connait ta carrière, ça n’a rien de surprenant. C’était une manière de remercier ces artistes et ou est-ce que c’est venu un peu par hasard ?
« Natural Born Boogie » figurait sur le premier album d’Humble Pie et a été écrit par Steve Marriott. On a trouvé que ça swinguait grave et on a tout de suite eu envie de la reprendre. Gilou (Gilles Mallet, guitariste de Little Bob depuis 1981 – NDR) m’a proposé « Where Have All The Good Times Gone » des Kinks, qui reste totalement actuel, parce qu’on regrette tous les beaux jours avec les concerts, les coups au bar, les restos… Et enfin, « Freedom » est une chanson qui hurle vraiment la liberté et que j’avais très envie de chanter avec ce petit côté Gospel. J’y ai même ajouté un couplet que j’ai moi-même écrit. C’est une chanson qu’on jouera aussi bien sûr, car quand on parle de liberté : c’est moi ! (Sourires)