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Hangman’s Chair : cold exploration [Interview]

Depuis ses débuts il y a 20 ans maintenant, HANGMAN’S CHAIR ne cesse d’évoluer, même si un lien persiste toujours entre ses albums. Du Sludge brutal au Doom très pesant, le groupe prolonge son aventure dans un post-Metal aux déflagrations Hard-Core avec un aspect Cold Wave et gothique plus prononcé aujourd’hui. Pour autant, la patte est toujours là, elle se peaufine et suit les envies et les inspirations de son binôme créatif, composé de Julien Chanut (guitare) et de Medhi Birouk Thépegnier (batterie). Sur ce septième opus, le quatuor français explore encore et toujours des sonorités qui collent à des textes emplis de mélancolie. Contraction de ‘Sadness’ et ‘addiction’, « Saddiction » s’inscrit dans un voyage musical très immersif, narratif aussi et surtout très captivant. Entretien avec un batteur passionné et très investi dans un projet, dont la vision se projette dorénavant sur le long terme.   

– Il y a un peu plus de deux ans, vous sortiez « A Loner », premier chapitre d’une trilogie. « Saddiction » est donc sa suite. Est-ce qu’à l’époque, vous travailliez déjà sur ce nouvel album ?

Pour être sincère et transparent avec toi, cette histoire de trilogie est sortie de la tête de Julien lors d’une conversation qu’on a eu avec la personne qui nous a fait la bio du dernier album. J’ai trouvé ça intéressant même s’il a son point de vue et que j’ai le mien. Je trouve ça bien, parce que ça permet aussi de ranger un peu notre chambre. Quand on parle de trilogie, ça veut dire que c’est le second volet et qu’il va y en avoir un troisième, alors que je ne sais même pas ce qu’il va se passer demain. C’est donc assez étrange de parler comme ça comme d’un concept établi. Cela dit, ça permet aussi de voir un peu où on en est. Je comprends bien l’idée de Julien, car il a essayé de classer un peu notre style et notre concept musical au sein de HANGMAN’S CHAIR par rapport à nos albums. Et donc, ça se tient, bien sûr. C’est vrai qu’on avait ouvert une nouvelle ère avec « A Loner ». C’est un épisode, avec le confinement aussi, où l’on a eu envie d’explorer plus en profondeur le côté Cold Wave. Et « Saddiction » est arrivé à point nommé dans le sens où on a continué cette exploration. Je comprends bien l’idée de la trilogie, car je suis à un âge où je passe à un autre concept moi-même dans ma tête et dans ma vie. J’ai aussi quitté Paris avec toute la tension et la folie qu’il y a autour du groupe. J’aime donc l’idée de cette nouvelle ère avec cette trilogie. C’est surtout une manière de voir les choses, en fait. Il a son idée par rapport au son, tandis que je le vois plus comme une étape de vie.

– Il n’y a pas vraiment de règles chez les artistes qui sortent des trilogies, mais concernant HANGMAN’S CHAIR, est-ce que vous voyez la trame des trois albums, ou est-ce que les idées émergent au fur et à mesure ?

Oui, je l’entends, je le vois venir. Pour le moment, je suis dans un cycle d’attente pour l’écriture et l’enregistrement et puis, nous sommes en pleine promo aussi. Je suis dans une phase de digestion par rapport à ce nouvel album. Après, c’est différent pour chaque groupe, mais en ce qui nous concerne, on met énormément de cœur à l’ouvrage. Il y a beaucoup de choses, beaucoup de sacrifices aussi. Tu sais, on se connaît avec Julien depuis nos 13 ans. Il y a une espèce de vie de couple, dans laquelle il faut gérer le côté humain et le côté professionnel avec tout le groupe. Il y a toujours eu des hauts et des bas dans les émotions et on retranscrit tout ça dans la musique, que ce soit des épreuves, des déceptions, des pertes… C’est la vie de tous les jours en fait. Et cela peut être parfois un peu lourd. J’ai un peu de mal à avoir une vision du futur, puisqu’on parle de cette trilogie. Et là, nous sommes au moment de la sortie de l’album, ce qui est toujours assez exceptionnel, même si les retours sont très bons dans les médias. J’attends maintenant ceux des auditeurs, qui sont une étape ultra-importante. Pour l’instant, je suis un peu en eaux troubles… ! (Rires)

– Je comprends très bien cette impression de vertige. Mais sur une trilogie comme celle-ci, on se lance tout de même dans une aventure sur le long terme, c’est-à-dire que vous ne pouvez pas ne pas faire le troisième…

Exactement ! Ça veut dire qu’il y a quelque chose de prédéfini ou de préparé. Mais sincèrement, je ne sais ce que demain nous réserve. C’est aussi pour ça que cette trilogie m’intéresse, même si j’ai du mal à intégrer l’idée pour l’instant. Julien a un rapport à l’écriture et je le comprends bien. Cela dit, il y a une globalité qui est assez effrayante. C’est le temps qui décide un peu de tout ça, par rapport à nos vies, et notre musique en est le reflet. Et avec tout ce que j’ai injecté de ma vie dans ce nouvel album, je suis vidé.

– Avant de parler du contenu de  « Saddiction », j’aimerais qu’on parle de la production. Une trilogie s’étale environ sur 6/8 ans et vu les avancées technologiques actuelles, tout peut aller très vite, sans même parler d’IA. Vous vous êtes-vous posé des limites pour que ces trois albums gardent une unité sonore ?

C’est une bonne question car, pour moi et avec un peu de recul, les choses se sont faites assez naturellement sur les deux derniers albums. On ne se pose aucune limite, car ce serait grave quand même. En revanche, cela nous arrive de ne pas être d’accord et de mettre nos idées en opposition, bien sûr. Il y a toujours débat, mais il y a des choses assez naturelles au niveau de la composition. Avec tout ce qu’il s’est passé pour « A Loner », la signature avec Nuclear Blast, une visibilité augmentée, beaucoup de concerts car on n’a jamais autant joué de toute notre vie, on a senti avec Julien le besoin de prendre du temps pour digérer tout ça. Et finalement, cette espèce de schizophrénie nous a poussés à composer directement. On a été très inspiré, chacun de notre côté. Et comme j’ai déménagé au bord de la mer, je suis arrivé avec des morceaux plus lumineux et il y a eu un frein de la part de Julien, car il n’arrivait pas à entrer dans le truc. Il a fallu que je me réadapte, que je revois ma copie. Donc, tu vois, notre musique dépend de tout ça, de tous ces paramètres personnels dans nos vies. En fait, on ne se met pas de frein, mais il nous arrive de nous recadrer, de rester sur une espèce de ligne directrice en laissant aussi de la marge à la création et à l’exploration. C’est magique en tout cas de pouvoir écrire comme ça. Je touche du bois, car on arrive encore à être inspiré par la vie qui passe et tout ce qu’il peut y avoir autour. Et de tout ça, c’est vraiment génial d’en sortir des mélodies !

– En revanche, musicalement, l’évolution de HANGMAN’S CHAIR est nette, et pas seulement depuis « Saddiction » ou « A Loner ». Les influences gothiques et Cold Wave sont manifestes. Est-ce pour mieux coller au propos de l’album, ou c’est plus largement une direction que vous entendez tenir à l’avenir ? Parce qu’on est quand même très loin du Sludge de vos débuts…

Clairement ! On a commencé en 2005 avec HANGMAN’S CHAIR et je pense qu’à ce moment-là, on était très à fond dans la veine du groupe qu’on avait avant et qui était plus Hard-Core et Metal, tirant même sur le Doom et le Sludge de la Nouvelle Orleans. On écoutait énormément Pentagram, Saint Vitus, etc… C’est vrai que cela a dépeint sur nous et HANGMAN’S CHAIR est arrivé juste après. Sur nos deux premiers albums, on était complètement dans l’exploration. C’est vrai qu’aujourd’hui, j’ai un peu de mal à réécouter ces disques, car on s’y perd un peu nous-mêmes. Mais c’est assez touchant, car ce sont nos débuts aussi. Je pense que c’est avec « Hope / / / Dope / / / Rop » (2012 – NDR) que la bascule a eu lieu. Il a été déclencheur pour la suite. Après, l’important est de rester naviguer, car ça reste de la musique et c’est vraiment là que je me sens le mieux. J’ai aussi l’impression qu’on arrivait bien à digérer tout ce qu’on écoutait et c’était très varié. Ca pouvait aller de Depeche Mode aux Cure, mais aussi à la scène Hard-Core new-yorkaise qu’on a beaucoup écoutée avec les Cro-Mags, Bad Brains, etc… Ensuite, certaines choses sont revenues sur des bases qu’on aime. Dernièrement, on a peut-être écouté plus de choses Cold, post-Punk, New-Wave et gothiques. Ce sont des ambiances qu’on arrive à bien manier et dans lesquelles on sait combiner plusieurs ambiances. Julien arrive le plus souvent avec des morceaux froids et assez agressifs, tandis que les miens sont peut-être plus mélancoliques, mélodiques avec des arpèges et des effets. Et c’est ce mix des deux qui fait la couleur de l’album, sa lumière. C’est toute la magie de notre binôme.

– Comme sur « A Loner », il y a un gros travail sur les tessitures sonores et les atmosphères. Pourtant, vous restez percutants. L’ambiance post- Metal/Rock domine toujours avec un petit côté Doom sous-jacent. L’idée d’entretenir le Sludge de vos débuts est définitivement passée ?

C’est vrai que sur « A Loner » et avec tous les concerts qu’on a donné ensuite, on est peut-être allé plus loin dans le côté post-Rock et le gothique parfois. On a beaucoup travaillé le traitement du son et des tessitures. Avec « Saddiction », ce qu’on a fait naturellement, c’est peut-être retrouver ce côté doomy et Sludge de nos débuts. Ca se mélange aussi beaucoup mieux, c’est plus digeste. Le travail sur ce dernier album a aussi été de réintégrer les sons de nos premiers amours et que ce soit harmonieux. Et j’ai l’impression que ça a débouché sur le deuxième volet de cette… trilogie ! (Rires) Il y a un équilibre plus évident avec des chansons plus courtes aussi et qui sont un peu le résultat de la tournée précédente. L’envie a été d’aller droit au but sur certaines choses.

– Parlons un peu des vidéos, qui ont aussi beaucoup d’importance chez HANGMAN’S CHAIR. Sur « Cold & Distant » (extrait de « A Loner »), Béatrice Dalle faisait partie de l’aventure et cette fois sur « Kowloon Light », il y a clairement une référence au « Into The Void » de Gaspard Noe…

« Into The Void » est clairement une référence, c’est vrai, et nous sommes très fans de l’œuvre de Gaspard Noe. On a adoré ce film car, esthétiquement, il est incroyable. Il a été hyper-loin dans la photo. On n’a pas non plus voulu aller volontairement dans ce sens, mais les gens avec qui on travaille savent qu’on aime ce genre-là et que nous sommes très friands du travail de Gaspard Noe. C’est super en tout cas que tu l’aies ressenti, car c’est une grosse influence. Et puis, il y a aussi un côté cinématique chez HANGMAN’S CHAIR, parce que ça nous a toujours fait vibrer. Il y a des liens très proches avec la vidéo et la photo, c’est certain. On se rapproche de certains univers comme celui de Lynch, par exemple. J’adore les vidéos qui subliment un morceau et j’adore les musiques qui subliment les images. C’est très lié.

– Avec un album aussi conceptuel et les clips qui sont réalisés, on imagine que vous allez aussi soigner la scénographie de vos concerts à venir. De quelle manière travaillez-vous cet aspect au sein du groupe ?

On travaille avec des techniciens qui nous apportent énormément de conseils. Il faut savoir aussi que nous sommes un groupe avec un certain statut, c’est vrai, mais pas illimité. On a un agent qui travaille très bien, qui nous trouvent les dates et les budgets, donc il faut toujours aussi voir l’aspect financier et ce que l’on peut faire, ou pas. Et puis, on fait aussi une musique qui est très terre-à-terre et j’adore aussi les groupes qui n’ont pas forcément de scénographie particulière. On essaie de faire ce que l’on peut et d’améliorer à chaque fois nos concerts de ce côté-là et on a la chance d’avoir une belle équipe qui s’occupe très bien de la création en habillant la musique du mieux possible. On a déjà intégré de la vidéo sur nos concerts par le passé, mais budgétairement, c’était très compliqué. Ensuite, il y a le risque de décrochage du public avec trop d’infos d’un coup. Après, c’est quelque chose que j’aime beaucoup chez d’autres groupes, où la musique s’y prête peut-être plus. Pour l’instant, je préfère de l’habillage d’éclairage. Il y a un équilibre à trouver, il ne faut pas non plus se cacher derrière une scénographie, malgré l’air du temps où le public attend de gros shows.

– Justement, comment allez-vous organiser votre setlist ? Car, au-delà des deux derniers albums, il y a les cinq précédents ?

Ce n’est jamais évident chez HANGMAN’S CHAIR de construire un set avec la longueur des morceaux, car on joue une heure et quart/une heure et demi et même 45 minutes en festival. C’est vrai qu’à la sortie d’un album, on a envie de le jouer, même en partie, car il y a de la nouveauté à présenter. Maintenant, 2025 est une année un peu particulière, car on fête les 20 ans du groupe, donc on a envie de jouer d’anciens titres aussi. On veut en intégrer certains qu’on n’a pas joués depuis très longtemps, en ajoutant certains arrangements pour les fondre dans le set. On y travaille ! (Sourires)

– Pour conclure, est-ce vous travaillez déjà sur le chapitre final ? Ou alors, allez-vous faire une pause pour vous concentrer exclusivement à la scène ?

(Rires) J’ai des morceaux ! En fait, je compose constamment, dès que je peux. Ce n’est pas ciblé, mais j’ai des choses. J’essaie de me mettre sur mes machines le plus possible, mais il n’y a rien de défini. C’est un peu ce qu’on se disait au début de l’interview… (Sourires) Et j’ai aussi besoin de voir où « Saddiction » va nous mener et à quelle sauce on va être mangé ! (Rires)

Le nouvel album de HANGMAN’S CHAIR, « Saddiction », est disponible chez Nuclear Blast.

Photos : Andy Julia

Retrouvez également l’interview du groupe au moment de la sortie de « A Loner » :

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Post-Metal Sludge

Hølls : un jaillissement d’émotions

La formation de Besançon n’élude pas la violence sur son premier album, mais elle le fait avec beaucoup de finesse à travers son post-Metal, et en fait même un terrain de jeu tourmenté et souvent aérien. Très organique dans le son, HØLLS avance sur un line-up costaud : basse, batterie, deux guitares et une frontwoman habitée par des textes forts et sensibles. Avec « Ill », le combo explore les consciences et dépeint une époque trouble et incertaine avec beaucoup de conviction et d’aplomb. Le début d’une belle aventure. 

HØLLS

« Ill »

(Independant)

Avec tout juste deux ans d’existence, HØLLS se présente avec un premier opus plutôt audacieux. Sombre et jouant sur un clair-obscur bien maîtrisé, le quintet nous propulse dans un post-Metal aux multiples facettes, qui nous parcourt de sensibilité Screamo et même Sludge, dès lors que sa rythmique accélère la cadence. A la tête du combo, on retrouve la chanteuse Sandra Chatelain dont la palette vocale navigue entre chant clair et saturé, ce qui libère véritablement l’empreinte musicale des Francs-Comtois, dont l’originalité est palpable et souvent insaisissable.

Car, si ce Metal tout en nuances passe d’atmosphères très progressives à des coups de massue explosifs, c’est bel et bien la frontwoman qui donne le ton et sert de marqueur à un registre chaloupé, véloce et mélodique. Cela dit, HØLLS prend le soin de ne pas se perdre, et nous avec, dans ces méandres noirs et mélancoliques dans lesquels il se meut avec une fluidité autant musicale que vocale. Les thèmes abordés ici semblent coller à cette génération, qui raconte sans far de légitimes inquiétudes sur la santé mentale, qui se détériore à travers toute une société.

Entre colère et détresse, il émane beaucoup de force des six morceaux, qui s’enchaînent après une intro délicate. Et comme pour mieux porter son propos, HØLLS prend le soin d’éviter tout formatage. Sur « Ill », les titres sont d’une longueur qui prend justement le temps d’installer des ambiances travaillées, souvent progressives, qui ne manquent pas de nous emporter et où détresse et souffrance côtoient un espoir souvent caché, mais bien réel. Le groupe affirme une identité solide que l’on retrouve sur des compositions bien structurées et envoûtantes (« Fall Into Decay », « Thorns », « Upsetters », « Endless Night »).  

Photo : Guillaume Vidal

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Post-Metal Sludge

Alta Rossa : une obscure démesure

Si ALTA ROSSA a choisi un autre angle d’attaque pour ce ténébreux « A defiant Cure », il reste musicalement aussi radical et sauvage, ce qui n’empêche d’ailleurs pas les nuances… et elles sont nombreuses. Très loin du défouloir qu’il peut inspirer de prime abord, ce deuxième opus des Français est constitué de frappes chirurgicales, assénées avec fermeté, et il nous propulse dans des passages très changeants, assommants et littéralement perforants. Une expérience qui devient de plus en plus unique, tant elle est menée avec brio.

ALTA ROSSA

« A Defiant Cure »

(Source Atone Records)

Il y a deux ans, ALTA ROSSA avait signé ses débuts avec le dévastateur « Void Of An Era », un premier opus fracassant taillé dans un post-Metal tentaculaire. La barre était haute et pourtant elle est largement franchie. «  A Defiant Cure » vient confirmer les intentions et surtout l’identité musicale du groupe qui, elle aussi, va puiser dans les tréfonds du Sludge, du Black Metal et du Hard-Core. Pour ce qui est de la rage et de la colère qui animent le combo depuis sa création, elles sont intactes et probablement même renforcées, grâce à un objectif musical mieux ciblé.

Si habituellement, les formations de post-Metal jouent beaucoup sur l’aspect aérien du genre, chez ALTA ROSSA, le côté atmosphérique est plutôt lourd et pesant. Froid et noir, « A Defiant Cure » se veut pourtant plus positif que son prédécesseur. Là où « Void Of An Era » était un constat brutal sur notre époque, il est question ici d’un appel à la rébellion afin de vaincre cet obscurantisme ambiant. Et la vision du quintet de Besançon n’appelle pas vraiment à un changement en douceur, car dès « Exalted Funeral », la tempête bat son plein et ce n’est que le commencement.

Massive et cinglante, la doublette de guitariste offre vélocité et puissance, tandis que la rythmique basse/batterie se montre impériale et martèle avec force et assiduité. Avec un frontman qui se montre imposant, les titres prennent des allures monumentales. ALTA ROSSA offre tout de même deux courtes respirations avec « Minotaur » et « Where We Drown Our Nightmares » », qui encadre le génial « The Art Of Tyrant #slash #The Minotaur » et frayent un passage pour la seconde partie du disque. « A Defiant Cure » devient vite très obsédant (« The Emperors », « Stratisfaction », « Fields Of Solar Flames »). Vertigineux !

Photo : Mathilde Dupanloup

Retrouvez la chronique du premier album :

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Death Metal Doom Post-Metal Sludge

For The Storms : la noirceur des embruns

Faire tenir l’équilibre entre une lourdeur presque insoutenable et la légèreté du vide, c’est l’ambition et la réussite de FOR THE STORMS sur ce nouvel effort qui va puiser, dans un post-Metal doomesque aux mélodies saisissantes, une robustesse teintée de résistance assez fascinante. « Losing What’s Left Of Us » n’est pas un album facile, de ceux qu’on écoute par hasard. Non, il provoque immédiatement un magnétisme incroyable et on se fait happer sur plus d’une heure par les fulgurances Death et Sludge qui trouvent leur finesse dans l’épaisseur d’un propos haletant.

FOR THE STORMS

« Losing What’s Left Of Us »

(Meuse Music Records)

Dans le registre post-Doom/Death, « Losing What’s Left Of Us » est probablement l’album le plus complet qu’il m’ait été donné d’écouter. FOR THE STORMS ne contente pas de jouer sa musique, il la vit pleinement et de ce chaos apparent naît une quantité de nuances, qui sont autant d’émotions fortes distillées et exprimées avec une sincérité, qui libère forcément quelques frissons. Le Metal du quatuor est forgé avec une fermeté et une audace magistrale dans un ensemble à la fois mouvant et fluide et dont on découvre les nombreux détails au fil des écoutes. Car on y retourne inéluctablement et de manière quasi-inconscience.

La force d’attraction de FOR THE STORMS va chercher si loin qu’il est même étonnant que les Italiens n’aient sorti que « The Grieving Path », il y a trois ans, avant cet imposant deuxième album. On pourrait penser qu’ils peaufinent et affinent leur style de longue date, et pourtant la jeune formation lombarde (2019) fait preuve d’une maturité et d’une créativité incroyable. Fracassant et ténébreux un moment, délicat et souple l’instant suivant, la construction de l’édifice ne doit rien au hasard. Divisé en trois chapitres différenciés par les deux interludes qui viennent distinctement les scinder, l’ascension se fait graduellement.

Car, si cette progression musicale se déroule en plusieurs parties, elle s’articule avec une facilité qui rend « Losing What’s Left Of Us » très lisible. Sur des morceaux d’une bonne longueur, FOR THE STORMS développe à travers ses textes, en jouant aussi sur des passages presque silencieux tant ils sont éthérés, une réflexion assez sombre sur nos tourments et notre appréhension de l’avenir dans un nihilisme insistant. Très aérienne et massive, cette nouvelle réalisation est également un cri immense et une ode à un espoir à retrouver. On ne s’y perd jamais, on se laisse simplement guider par cette beauté profonde et captivante.

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Post-Metal

Le Grand Déclin : ascensionnel

Pour produire un tel premier opus, fut-il composé de seulement quatre morceaux, il faut un minimum d’aplomb et surtout, en plus des qualités techniques et d’interprétations inhérentes, une solide envie de bousculer quelques codes établis. C’est précisément l’intention qui anime LE GRAND DECLIN et qui rend sa musique si attirante. Le travail sur les voix et les guitares est remarquable, tandis que la rythmique nous porte vers des sommets avec une puissance et une finesse redoutable. A suivre donc de très près…

LE GRAND DECLIN

« Le Grand Déclin »

(Independant)

La tendance actuelle est au format court, mais il en sort tellement qu’il devient difficile d’en faire le tri, le plus souvent aussi de se faire une idée d’un groupe et surtout d’émerger de ce flux incessant. Cependant, à l’heure où certains publient des albums dépassant tout juste la demi-heure, d’autres font de même avec un EP de quatre titres. C’est donc à travers des morceaux assez longs (de six à huit minutes) que LE GRAND DECLIN a décidé de diffuser son premier effort éponyme. Et le post-Metal qu’il propose est captivant à bien des égards.

C’est la rencontre entre Lussi (MyPollux, Lussi In The Sky) et MaaAx (The Etherist, Dawn Of The Tigers) qui a donné vie à ce nouveau combo de la scène française, et l’audace dont il fait déjà preuve laisse augurer d’un avenir plus que prometteur. D’autant que le duo n’a pas fait les choses à moitié, puisqu’il a confié le mix au grand Chris Edrich (Leprous, Klone, The Ocean, TesseracT) pour un résultat largement à la hauteur de ses compostions. D’entrée de jeu, LE GRAND DECLIN prend déjà de la hauteur et c’est une très bonne chose.  

Homogène et bien structuré, « Le Grand Déclin » doit aussi beaucoup à l’état d’esprit peu conventionnel de la formation. Car, outre Lussi au chant et MaaAx à la guitare et à la basse, le duo créateur (et créatif) accueille aussi Aurélien Ouzoulias (Mörglbl, Satan Jokers) derrière les fûts et il offre beaucoup de relief à l’ensemble (« The Church of Blasphemy », « Black Star »). Aguerri, LE GRAND DECLIN se meut dans des atmosphères aussi mélancoliques que polymorphes, guidé par des voix claires et growlées. Des débuts savoureux et saisissants.

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France Post-Metal Progressif

Maudits : l’énergie de la liberté [Interview]

C’est toujours un plaisir de pouvoir suivre la progression d’un groupe en qui l’on croit depuis ses débuts et de voir où il en est quelques années plus tard. Depuis son premier effort éponyme sorti juste avant la pandémie, MAUDITS suit son chemin et affine un style original déjà perçu à l’époque. Le trio ne cesse de bousculer son post-Metal instrumental, le parant de cordes notamment, et évoluant dorénavant dans des sphères encore plus progressives et cinématographiques. L’occasion de faire le point avec son guitariste et compositeur, Olivier Dubuc, et d’évoquer avec lui le très bon « Précipice », sorti il y a quelques semaines maintenant chez Source Atone Records.

– J’ai le plaisir de vous suivre depuis vos débuts en 2020 et je trouve votre ascension assez exemplaire. Vous en êtes à votre deuxième album, vous avez sorti un EP, un split avec SaaR et le live à l’Opéra de Reims. Vous n’êtes si MAUDITS ça au final !

Non, non ! On avance ! (Rires) On travaille sur notre truc, on prend du plaisir. Je pense que, quelque soit le domaine, quand tu fais les choses de manière relâchée, ça se passe bien et le résultat est plutôt bon. En tout cas, chez MAUDITS, c’est ce que l’on fait et tout va bien.

– D’ailleurs, ce qui est remarquable, c’est qu’en quatre ans, vous avez pu expérimenter tous les formats existants, à savoir l’album, l’EP, le Live et le split. Est-ce que l’approche dans la composition est toujours la même, ou les exercices sont vraiment différents ?

Ca peut être différent, oui. Au niveau de l’évolution du projet et des sorties, il y a eu des choses assez similaires, mais où l’on a mis autant d’énergie à chaque fois. Et il y a eu des sorties de circonstances. Si tu prends le premier EP, « Angle Mort », nous n’avions pas prévu forcément de le sortir dans ce format-là. Ce sont des recompositions de morceaux déjà existants. Mais comme on avait sorti le premier album entre deux confinements, on s’est dit qu’on allait attendre, car personne ne savait ce qui allait se passer et on voulait vraiment le défendre en live. L’approche peut donc être différente suivant les circonstances. Mais elle n’est pas forcément moins libre. On peut garder une ligne directrice déterminée en fonction de ça.

– Vous venez de sortir votre deuxième album, « Précipices » il y a peu, et la première chose qui m’a frappé, c’est que je vous trouve moins ‘timides’, beaucoup plus sûrs de vous dans l’élaboration de votre style. J’ai le sentiment que vous faites enfin ce que vous avez en tête depuis le départ. C’est le cas ?

Oui, on peut le percevoir comme ça. Ca n’a pas forcément été ressenti de notre côté. On a fait ce que l’on avait à faire sur le moment. Nous n’avons pas eu de pression et au contraire, l’expérience acquise depuis les débuts nous a permis de trouver notre ton et notre son. En tout cas, de mon point de vue, c’est la meilleure réalisation que j’ai sortie et j’en suis content à 100%. Je pense que c’est très abouti et c’est le résultat de ces dernières années de travail. On a fait ce que l’on avait envie t’entendre, sans se préoccuper de donner dans tel ou tel style et sans aucune pression extérieure.

– Je ne sais pas si le titre va dans ce sens, mais il y a un vrai gouffre entre vos deux albums, si on ne tient pas compte des EPs. Sans aller jusqu’à dire que vous êtes méconnaissables, il y a une touche qui se précise et qui tient d’ailleurs aussi peut-être à la présence depuis quelques temps de Raphaël Verguin au violoncelle. L’apport des cordes distingue vraiment MAUDITS de la scène post-Metal française. De quelle manière est-ce qu’il intervient dans la composition ? Sur vos propositions, ou plutôt ses idées personnelles ?

C’est vrai qu’au niveau du style, le fait de mettre du violoncelle, d’en mettre beaucoup, et aussi de le laisser s’exprimer sur les morceaux, nous distingue du reste de la scène post-Metal. Elle n’en met pas la plupart du temps, ou alors juste sous forme d’arrangement et pas forcément avec de vrais instruments. C’est souvent noyé dans la musique du groupe. C’est vrai que Raphaël a vraiment mis sa patte. Et comme nous faisons tout à fond, et en vrai, ce nouvel album prend cette ampleur. On a aussi cherché à se marquer clairement dans un esprit de musique de film. On n’hésite pas et on ne s’enferme pas, non plus. On suit nos envies, sans aucune retenue. On essaie toujours de faire du mieux possible. Entre les deux albums, on a poussé les curseurs plus haut et cela s’entend probablement. On maîtrise vraiment notre sujet et on sait où on veut aller. Les choses se font de manière fluide et naturellement. Avec le recul, je pense que MAUDITS est également aujourd’hui plus marqué par le Rock Progressif dans les structures et la liberté de faire. Il y a un esprit 70’s, plus riche et plus travaillé.

– MAUDITS reste toujours ancré dans le post-Metal, mais les variations sont beaucoup plus nombreuses sur ce nouvel album. On y décèle des éléments post-Rock surtout, mais aussi Doom et progressifs. « Précipices » est clairement plus ‘cinématographique’ dans l’approche. C’est vers cela que vous voulez tendre depuis le split notamment ?

On voulait ça, même si ça s’est fait naturellement. Si tu prends le split, notre morceau (« Breken », qui est décliné en trois parties – NDR) est très écrit et très cinématographique. Il s’est construit aussi sur des arrangements de cordes avec du violon et du violoncelle. Lorsqu’on fait les maquettes, Raphaël intervient vraiment en dernier et souvent au moment des prises. Et c’est la même chose pour Emmanuel (Rousseau, multi-instrumentiste – NDR), qui est aussi co-producteur de l’album et qui écrit avec moi depuis le début. Il apporte beaucoup au niveau des arrangements. Et finalement, tout ça s’est un peu construit sans que l’on puisse le prévoir. Le projet est très libre, mais le postulat de départ est de faire le mieux possible et tant que nous ne sommes pas contents, on ne le sort pas. Il faut que l’on soit totalement satisfait, mais sans y passer trop de temps, non plus. Ca n’aurait plus de sens. Et là-dessus, nous sommes tous d’accord et on ne lâchera rien !

– J’aimerais aussi qu’on dise un mot de ce « Live at Opéra Reims », qui contient trois morceaux sur 30 minutes. Comment l’enregistrement s’est-il passé, car ce n’est pas un lieu habituel. Y avait-il du public, car ce n’est pas perceptible ? Et est-ce qu’il s’agit plus d’une performance que d’un Live finalement ?

C’est un peu les deux, car il n’y avait pas de public. En fait, lorsque cela a été tourné, c’était dans cette période avec beaucoup de confinements et où les concerts n’étaient pas autorisés. L’idée de départ était de trouver un beau lieu pour faire une belle vidéo de promo. On ne savait même pas que ce serait à l’Opéra de Reims, d’ailleurs. En fait, de par son activité professionnelle, Erwan (Lombard, basse – NDR) avait comme client le directeur de l’Opéra et au fil des discussions, il lui a proposé tout simplement de le faire là-bas. On lui a donné nos dates et il nous a gentiment prêté les lieux pendant deux jours avec tout le staff de l’opéra et gratuitement. On avait juste à apporter notre matos. On a donc pu faire plusieurs prises, mais on a gardé l’enregistrement fidèle et intact en y retouchant juste très légèrement quelques petits détails, qui arrivent naturellement dans tous les concerts. L’ensemble a juste été remixé et surtout remasterisé. Le gros du travail a été sur le montage des images.

– Est-ce qu’il y avait une portée particulière pour vous de vous produire dans un endroit aussi symbolique ?

Carrément, le lieu est super et l’acoustique est incroyable. Même s’il n’y avait pas de public, l’endroit est fou ! Et puis, on a été accompagné et soutenu par une équipe géniale, notamment au niveau des lumières. Mais c’est finalement après coup, en voyant les images, qu’on a vraiment pris conscience du lieu et du rendu. A ma connaissance, nous sommes le seul groupe de Metal, ou assimilé, à avoir fait ça à l’Opéra de Reims.

– Revenons sur l’album et notamment au morceau caché en toute fin que je laisse aux lecteurs le plaisir de découvrir. La petite surprise vient du fait que l’on y entend une voix féminine, ce qui peut surprendre de la part d’un groupe instrumental. Tu peux nous en dire plus sur cette présence énigmatique ?

Sans entrer dans les détails, Chris (Christophe Hiegel, batterie – NDR) a perdu quelqu’un de proche durant le processus de composition. L’idée était de rendre hommage à cette personne en faisant un morceau caché. C’est d’ailleurs une décision qui s’est prise au dernier moment. Au départ, c’était juste une piste instrumentale. Puis, j’ai eu l’idée de lui demander s’il pouvait récupérer des vidéos ou des messages parlés pour les mettre en fond. Et la décision était aussi de cacher le morceau et de ne pas en parler. On voulait un vrai hommage. Ainsi, on a fait un montage à partir de voix récupérées sur des messages vocaux, via une amie de cette personne. J’ai ensuite écrit une trame atmosphérique avec des accords que j’avais en tête avec Emmanuel. Je connaissais un peu la personne en question et à la fin, on était vraiment rincé. C’était vraiment épuisant, surtout lorsqu’on connait les circonstances et le contenu de son propos. Je suis très content du résultat, car ce n’est pas de la pleurnicherie. C’est beaucoup plus un hommage serein que triste.

– Enfin, j’aimerais qu’on évoque aussi la scène, puisque vous venez d’achever une mini-tournée avec le groupe Parlor. J’imagine que vous avez définitivement trouvé vos marques et peut-être aussi votre public. Qu’en retenez-vous au final ?

Oui, on a fait cette petite semaine de tournée qu’on a monté entièrement nous-mêmes. Ca a été un gros boulot d’environ deux/trois mois qu’on a fait avec Yann de Parlor pour trouver des dates, des salles, négocier les cachets et la logistique. Globalement, ça s’est bien passé. C’est une belle expérience, assez éreintante quand même, car on n’a pas de roadies et on a tout fait nous-mêmes. C’était vraiment sympa d’enchainer les dates comme ça, dans des lieux et des configurations différentes aussi, car ce n’est pas quelque chose qu’on a l’habitude de faire. Et puis, on s’est très bien entendu avec Parlor, qui est composé d’anciens membres de SaaR qui s’était séparé après le split justement. Nos registres sont très différents, eux sont dans un Hard-Core avec un côté Punk très second degré. C’était vraiment une super expérience !

Le dernier album de MAUDITS, « Précipice », est disponible chez Source Atone Records.

Retrouvez aussi les chroniques et les interviews du groupe accordées à Rock’n Force :

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Groove Metal Metal Progressif Post-Metal

Hippotraktor : heavy monster

La Belgique fournit régulièrement des formations atypiques qui se font plaisir en repoussant les frontières et les limites du Metal. A cette belle liste vient s’ajouter dans la durée HIPPOTRAKTOR avec un deuxième album monstrueusement exigeant et perfectionniste. Dans un post-Metal très progressif et Groove, « Stasis » développe une énergie sinueuse franchement phénoménale et d’une puissance qui s’affiche sans complexe en opposition à des passages apparemment plus éthérés.   

HIPPOTRAKTOR

« Stasis »

(Pelagic Records)

Avec « Meridian » sorti il y a trois ans, HIPPOTRAKTOR avait soigneusement posé les fondations d’un Metal moderne assez fulgurant et façonné sur des bases progressives, Groove et post-Metal. Et ce premier opus en avait secoué plus d’un par sa maîtrise, sa production et surtout l’originalité avec laquelle les Belges avaient réussi à mettre en œuvre la fluidité de tous ces éléments. Avec « Stasis », le combo ne fait pas autre chose, si ce n’est qu’il le fait encore mieux et en affichant une assurance indéfectible. Solide et massif, il paraît franchement inarrêtable.

Doté des redoutables Sander Rom (L’Itch) et Stefan de Graef (Psychonaut) au chant qui créent une sorte de miroir vocal très contrasté, HIPPOTRAKTOR peut développer à l’envie ce choix des nuances qui le rend imprévisible. Parfaitement produit par son guitariste Chiaran Verheyden, « Stasis » joue et trouve même l’équilibre entre les extrêmes tout au long des sept morceaux. Violent, aérien, lourd, voire écrasant, le jeu du quintet impressionne autant par la grande technicité de ses membres que dans la structures des titres.  

Cela dit, derrière l’imposante machine à broyer se niche aussi une formation sachant évoluer tout en finesse dans un post-Metal plus léger et parfois même contemplatif. Assez complexe dans la composition, HIPPOTRAKTOR n’en reste pas moins très lisible et on se laisse vite emporter par la multiplicité des reliefs et des tessitures sonores, le tout dans un ensemble millimétré (« Descent », « Stasis », « The Indifferent Human Eye », « Silver Tongue », « Echoes »). Avec une telle réalisation, les prestations scéniques s’annoncent aussi magistrales que résolument intenses.

Photo : Sam Coussens
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Metal Progressif Post-Metal Sludge

Cobra The Impaler : une odyssée sauvage

Combinant les courants les plus novateurs du Metal, COBRA THE IMPALER s’est forgé une personnalité forte et originale. Si « Colossal Gods » avait déjà posé de solides fondations, « Karma Collision » vient enfoncer le clou magistralement. Entre Sludge, Prog et post-Metal, la formation originaire de Belgique s’autorise de belles embardées, faisant d’elle l’une des plus intéressantes du moment. Un voyage musical saisissant.

COBRA THE IMPALER

« Karma Collision »

(Listenable Records)

Il y a deux ans, COBRA THE IMPALER avait littéralement propulsé un énorme pavé avec « Colossal Gods », un premier album étonnamment mature, audacieux et surtout très créatif. Les Belges se sont forgés un univers très personnel, où le Metal tend vers le Progressif, le Sludge et le Groove avec une touche très particulière. Avec « Karma Collision », ils vont encore plus loin en se frayant un chemin entre Mastodon et Gojira, tout en imposant un style désormais facilement identifiable.

Mené par son guitariste et tout aussi brillant illustrateur, Tace DC, COBRA THE IMPALER parvient encore à surprendre grâce à de nouveaux titres racés, musclés et toujours aussi intenses. Comme pour le premier opus, la production a été confiée à Ace Zec, batteur du combo, et elle s’inscrit avec beaucoup de puissance, de clarté et de densité une fois encore. Et la variété du chant d’Emmanuel Remmerie, soutenu aux chœurs par Michele De Fendis, libère un territoire mélodique très riche vocalement.

Toujours aussi lourd et dynamique, « Karma Collision » fait même preuve d’avant-gardisme grâce à un duo de guitaristes très complémentaires, qui multiplie les riffs et les solos de haut vol. COBRA THE IMPALER s’aventure aussi dans des contrées Thrash comme post-Metal et, finalement, on découvre un peu plus cette nouvelle réalisation au fil des écoutes (« Magnetic Hex », « Season Of The Savage », « The Fountain », « The Message » et le morceau-titre). Depuis sa création le quintet réalise un véritable sans-faute.

Photo : Visuels Germaux

Retrouvez la chronique du premier album :

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Atmospheric Post-Metal Sludge

Inner Landscape : crépusculaire

Très live dans l’approche, la formation rhodanienne balance un premier album déjà très mature sur des références américaines que l’on rencontre assez peu en France. Très robuste grâce un Sludge puissant et robuste, INNER LANDSCAPE ne joue pas forcément l’écrasement, puisque le combo s’appuie aussi sur un post-Metal atmosphérique, qui confère des instants très contemplatifs et assez cinématographiques à « 3h33 », une réalisation à la production irréprochable et aux arrangements très soignés.

INNER LANDSCAPE

« 3H33 »

(Klonosphere/Season Of Mist)

Exigeant et pointilleux, Klonosphere n’a pas son pareil pour dénicher les pépites Metal de l’hexagone et être techniquement à la hauteur est l’une des premières prérogatives. Et de ce côté-là, INNER LANDSCAPE coche toutes les cases dès son arrivée sur la scène française. Il faut aussi préciser que les Lyonnais œuvrent dans un registre qui est plutôt confidentiel par chez nous. En effet, sur de solides et épaisses fondations Sludge, un post-Metal atmosphériques vient offrir un peu de légèreté à « 3h33 ». 

La pochette en elle-même donne le ton quant au contenu. C’est à la fois brut et rugueux, tout en étant assez lumineux. INNER LANDSCAPE joue sur les contrastes et le pari est plus que réussi. D’entrée de jeu, le chant hurlé saute justement à la gorge entre growl et scream, ce qui confirme le parti-pris du quatuor, même si quelques nuances apporteraient très probablement un peu plus de relief aux morceaux. Et cela vient également poser le son très organique de ce « 3h33 », très abouti.

Si le Sludge domine l’ensemble par son épaisseur et son aspect massif, les parties instrumentales libèrent des ambiances toutes en finesse et en précision, notamment grâce à un batteur qui joue sur le décalage des structures (« The Order Of Things », « Old Ghosts », « Unexpressive Fall »). Puis, INNER LANDSCAPE s’offre un break chaotique avec le bien-nommé « Wreckage » pour enchaîner sur le monumental morceau-titre, long de huit minutes. Malgré un format un peu spécial, le quatuor séduit déjà.

Photo : Jean-Sébastien Mattant
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Post-HardCore Post-Metal Progressif

Matrass : le temps du changement

Même si c’est son premier album et qu’il s’aventure dans un registre jusqu’ici inédit pour lui, MATRASS réalise le tour de force de se mouvoir très habillement dans un Post-Metal Progressif créatif et composé de multiples éléments, tous parfaitement assimilés. Avec « Cathedrals », les Français frappent forts et s’installent avec détermination aux côtés des meilleurs combos du genre, grâce une belle technique et une prestation éclatante de leur chanteuse. 

MATRASS

« Cathedrals »

(La Tangente)

Après deux EPs, le quintet fait (déjà) table rase du passé en changeant radicalement de style et de batteur par la même occasion. Malgré la belle fusion Metal affichée sur « Inner Wars » il y a deux ans, MATRASS opte cette fois pour un post-Metal Progressif lorgnant sur le post-HardCore et le post-Rock. Il semblerait que le style fasse de plus en plus d’émules dans l’hexagone, tant le nombre de formations évoluant dans la même veine voit son nombre grandir depuis quelques années. « Cathedrals » apparait donc comme une sorte de renaissance, de nouveau départ.

Et ce virage vers un Metal résolument moderne est vraiment bien négocié par les Bordelais, qui s’offrent là l’occasion de pousser l’expérimentation musicale beaucoup plus loin. Que ce soit au niveau des structures des morceaux comme dans leurs tessitures, « Cathedrals » est un premier opus très abouti, riche et à travers lequel les deux guitaristes peuvent exprimer leur plein potentiel, tout comme la technicité de la rythmique et la polyvalence vocale de Clémentine Browne, la frontwoman de MATRASS, dont le chant alterne le clair et le growl avec la même aisance.

Et pour mieux affirmer sa nouvelle identité sonore, les Girondins s’appuient sur une production massive et aérée. Car s’ils n’hésitent pas à se montrer explosifs sur les moments forts, les longues plages instrumentales ne sont pas en reste. MATRASS y livre quelques instants suspendus de toute beauté. Malgré sa courte expérience dans ce registre post-Metal Progressif, avec « Cathedrals » il libère des titres dont la construction et l’interprétation sont irréprochables (« Shreds », « Glimpses », « Appetite For Comfort », « Adrift » et le morceau-titre.). Une entrée en matière saisissante !

Photo : Théo Pierrel