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Thrash Metal

Arcania : une machinerie redoutable

Efficace et déterminée, la formation basée (en partie) à Angers nous aura fait languir une décennie avant de nous offrir sa troisième réalisation. Faisant abstraction des modes et en évitant soigneusement l’uniformité bien réelle du registre, ARCANIA s’appuie sur des morceaux bien ciselés, un frontman imperturbable, un duo basse/batterie fusionnel et deux guitaristes dont la complicité est magnifiée par des solos virtuoses. Sur « Lost Generation », le groupe oscille entre hargne et des parties mélodiques très fédératrices : une maturité qui rend son Thrash Metal implacable et féroce.

ARCANIA

« Lost Generation »

(Independant)

Les aléas de la vie, les projets de chacun et d’autres avortés, puis la pandémie ont émaillé les dix dernières années d’ARCANIA et ont retardé la sortie de son troisième album. Mais « Lost Generation » est bel et bien là et le quatuor frappe très fort. Enregistré et mixé au Dome Studio près d’Angers par David Potvin, on y retrouve le Thrash Metal auquel il nous avait déjà habitués sur « Sweet Angel Dust » et « Dreams Are Dead ». A mi-chemin entre des fondations Old School estampillées Bay Area et une approche très moderne, le compromis est parfaitement à l’équilibre.

Elaborées entre 2016 et 2019, les compositions de « Lost Generation » ne souffrent d’aucun jet lag. Bien au contraire, elles sonnent très actuelles et la puissance de la production les rend intemporelles et modernes. ARCANIA ne triche pas et cela décuple sa force. Avec des musiciens de ce calibre, il est même surprenant, et dommage surtout, que le combo ne soit pas plus reconnu au regard notamment de l’actuelle scène hexagonale. Très travaillés et d’une fluidité inflexible, les dix titres varient dans les ambiances comme dans les tempos avec beaucoup de finesse.

Sur des riffs acérés, les deux guitaristes ouvrent les hostilités avec le morceau-titre, soutenus par une rythmique massive et groovy. Très véloce, ARCANIA assène un Thrash Metal dense, tout en soignant également ses accroches vocales (« Hope Won’t Last », dont on retrouve un écho intelligemment placé sur « What Will Remain »). Et si la seconde partie du disque est légèrement moins musclée, mais tout aussi technique, elle est peut-être la plus intéressante (« The Void », « Social Suicide », « Harder You Fall »  et le magistral « Now The Sun Won’t Shine »). Une leçon avec les formes.  

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Metal Progressif

Wire Edge : une puissante sérénité

Toujours aussi précis dans la structure de ses morceaux, WIRE EDGE se présente avec un format court après des débuts enthousiasmants en 2020. Loin des stéréotypes, le groupe affiche beaucoup de liberté et d’audace sur ce « Salt Of The Earth » assez surprenant. Sur 25 minutes intenses, on évolue dans un Metal Progressif tout en variation, inspiré et aussi plus chaleureux que précédemment. Les Français ont pris du volume, de l’expérience et cela s’entend.

WIRE EDGE

« Salt Of The Earth »

Apparu il y a quatre ans avec un premier album convaincant, « Workhorse Empire », une petite année seulement après sa création, WIRE EDGE donne enfin une suite à son aventure. Cependant, pas de deuxième opus pour le moment, mais un EP de quatre titres encore une fois très prometteur et à la direction musicale quelque peu différente. Les aspects plus Dark se sont dissipés au profit d’un Metal Progressif plus resserré et, de fait, plus efficace dans le songwriting, tout en restant très élaboré et subtil.

Techniquement, WIRE EDGE montre toujours la même facilité d’interprétation, malgré des compositions parfois tortueuses. Avec beaucoup de maîtrise et une personnalité qui s’affine, le quatuor s’est concentré sur quatre morceaux aux durées variées et dont les atmosphères ont cette fois un aspect peut-être plus abordable. C’est « Hollow places » qui ouvre le bal et qui fait un peu figure de longue intro sur un rythme posé et sans batterie, où le travail sur les voix, qui rappellera Metallica à certains, est particulièrement soigné.

Trois petites minutes plus tard et sur un enchaînement parfait, c’est le morceau-titre qui semble libérer les Parisiens, tant l’édifice se met à trembler pour s’étendre sur plus de huit minutes. C’est d’ailleurs aussi le cas sur « Cities Of None », sorte de titre jumeau où le côté Metal de WIRE EDGE prend le dessus entrecoupé de quelques passages aériens bien sentis. Enfin, sur « Towers », le combo se livre sur un format plus ‘classique’ et accrocheur. « Salt Of The Earth » est finalement très complet… mais bien trop court !

« Salt Of The Earth » de WIRE EDGE est disponible sur toutes les plateformes.

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Blues Blues Rock Contemporary Blues

Phil Vermont : une ponctualité exemplaire

En bénéficiant de la distribution de Dixiefrog et du savoir-faire d’un co-producteur de renom, le bluesman originaire de Rouen s’offre une entrée en matière confortable et audacieuse. Sur un Blues Rock alerte et cuivré, il décline une vision artistique où la modernité fait corps avec la tradition en se faisant très Rock, Funky et plus intime aussi. « Time Has Come » vient confirmer le talent de PHIL VERMONT, qui réalise une première discographique très réussie, et très personnelle.

PHIL VERMONT

« Time Has Come »

(Rock & Hall Distribution)

Après avoir passé de longues années à arpenter la scène afin d’acquérir une solide expérience, le temps semble donc venu pour PHIL VERMONT de voler de ses propres ailes et de délivrer son propre répertoire. Cela dit, « Time Has Come » ne ressemble en aucun cas à une sorte de bilan de ce qu’il serait devenu en tant que musicien, mais présente plutôt un album abouti, très varié et homogène et qui nous fait traverser plusieurs courants et époques du Blues avec beaucoup de liberté et de fluidité dans le jeu.

Guitariste accompli et chanteur convaincant, PHIL VERMONT se dévoile sur onze compositions assez éclectiques, auxquelles il faut ajouter une reprise pleine de fougue de « Tribal Dance » de Peter Green. Et en changeant quelque peu de l’ambiance très British Blues de l’original, le Normand lui a réservé un traitement aussi intense que spontané. C’est justement ce qui fait sa force de pouvoir passer d’un claquement de doigt d’approches très classiques du siècle dernier à des sonorités contemporaines très vives.

Certes, si PHIL VERMONT reste le principal acteur et moteur de « Time Has Come », il a pu profiter de l’expérience du plus français des Américains, Neil Black, qui produit l’ensemble avec lui et intervient même sur deux titres (« Me And The Devil » et « The Waders »). Et les musiciens qui l’accompagnent forment aussi un groupe soudé et complice. Expérimenté et inspiré, il offre beaucoup de couleur et de relief. Et le fait que la rythmique soit enregistrée en live libère un groove authentique et savoureux. Un album de grande classe !

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Death Metal France

Mercyless : le sens de l’éthique [Interview]

Pour beaucoup, MERCYLESS représente l’époque dorée du Death Metal français, une génération qui a posé les bases du genre dans l’hexagone. Cette bouillonnante scène des années 90 résonne encore chez beaucoup et, après plus de 30 ans de bons et loyaux services, le combo de Mulhouse a su garder cette rudesse, ce côté très obscur et robuste qui se déverse de manière brutale et incandescente. Sorte de gardien de l’institution extrême, il perpétue une certaine tradition musicale, faite de codes précis et d’une vision claire, qui paraît aujourd’hui intemporelle. Avec son huitième album, « Those Who Reign Below », le groupe consolide sa position de pionnier et aussi de pilier d’un genre immuable. Et c’est encore son fondateur, chanteur et guitariste, Max Otero, qui en parle le mieux…

– Notre première interview dans le Rock’n Force version papier date de 1992 à l’occasion de la sortie de votre premier album, « Abject Offerings ». A l’époque déjà, il avait marqué les esprits et il ne fallait pas être devin pour comprendre que l’aventure allait durer. Tu es le dernier membre de la formation originelle, quel regard portes-tu sur le parcours de MERCYLESS aujourd’hui ?

C’est un long parcours semé de beaucoup de choses ! (Rires) Dans les années 90, on a forgé notre style avec la sortie des deux premiers albums, qui nous ont marqué ainsi que pas mal de gens. Ensuite, on a pris une voie différente, car on voulait aussi découvrir d’autres horizons sans regarder en arrière. De 1995 à 2000, on était en dessous de ce qu’on aurait pu faire, mais c’était aussi une époque différente. Beaucoup de choses avaient aussi changé dans nos vies personnelles, dans notre façon de voir les choses et la musique. Ensuite, nous nous sommes mis en stand-by pour, peut-être, attendre le bon moment… et ça nous a pris 10 ans ! C’est long, mais cela nous a permis de continuer la musique, souvent ensemble d’ailleurs, sous une autre approche. En 2010, on est revenu encore plus fort avec de nouvelles convictions et l’envie aussi de reprendre l’histoire là où elle s’était arrêtée. Nous nous sommes donnés les moyens de continuer MERCYLESS dans la version des débuts, c’est-à-dire du Metal comme on savait le faire.

– « Those Who Reign Below » est votre huitième album et ce qui est impressionnant, c’est qu’il s’inscrit vraiment dans la continuité de votre discographie, à savoir un style très identifié dans les années 80/90 et une intention qui reste inchangée. C’est important pour toi de rester ancrer dans le Death Metal des origines ?

Oui, ça fait déjà un moment qu’on avait envie de réaliser un album comme celui-ci. C’est presqu’un hommage à cette scène et aussi à ce qu’on a pu vivre dans les années 90. Je pense que c’est dans ce domaine-là qu’on se sent le mieux, c’est-à-dire dans une musique directe, sans concession, violente et malsaine. On voulait vraiment rester dans ce crédo, car on y est bien et parce que c’est aussi ce qu’on sait faire de mieux. On ne cherche pas à faire autre chose, mais plutôt à garder cette ligne directrice qu’on a depuis les années 90. Et depuis 2010, nous gardons cette intention et ce cap. On persévère là-dedans, car je trouve qu’on a encore des choses à dire. Malgré ce qu’on peut croire, ce n’est pas une musique qui est renfermée. Il y a beaucoup à faire et on considère chaque album comme une pierre portée à notre édifice. On souhaite marquer les esprits à notre façon.

– Max Otero –

– Bien sûr, MERCYLESS a beaucoup évolué en plus de 30 ans d’existence, ne serait-ce que techniquement. Pourtant les thèmes abordés sont les mêmes à peu de choses près. On a l’impression que notre époque alimente plus que jamais votre propos. La colère est plus grande aujourd’hui qu’à vos débuts ?

Oui, je pense. On vit une époque où nous sommes très influencés par le monde extérieur, même si on essaie de se focaliser sur autre chose avec la musique, car elle nous le permet. Mais on a tellement de choses à faire sortir de nous que c’est une sorte d’exutoire, un vrai besoin et je crois que la colère représente exactement ce que nous avons au fond de nous. Et le meilleur moyen de l’exprimer est de jouer cette musique. Elle ne nous a jamais quittés, on ne lui a jamais tourné le dos. Au contraire, elle nous a toujours poussés à créer et à aller faire des concerts. Aujourd’hui, et plus que jamais, faire ressortir ce qu’on peut avoir de plus malsain en nous est encore plus important. 

– J’aimerais qu’on s’arrête un moment sur une chose. Cela fait deux fois que tu me parles de ce côté ‘malsain’. Qu’est-ce que tu entends par là ?

En fait, le Death Metal est une musique très revendicative par rapport à toutes ses influences, tout ce qu’elle a aussi engendré dans les années 90 et aussi ce qu’on a vécu. Le terme ‘malsain’ est une sorte d’expression pour définir ce qui en ressort. Elle a toujours eu ce côté fait de plein de paramètres à travers les riffs, les voix, les paroles, … Tout ça bouillonne et c’est un besoin qu’on a de vouloir exprimer une facette de notre personnalité. Et c’est vrai que c’est cet aspect qui ressort le plus souvent et il est proportionnel à ce que l’on voit autour de nous.

– D’accord, mais le mot ‘malsain’ a quelque chose de rédhibitoire, c’est quelque chose qu’on ne veut pas toucher, ni approcher…

Oui et je le revendique complètement. C’est quelque chose qui navigue en eaux troubles dans beaucoup de domaines que ce soit dans les croyances, dans les religions et dans la société actuelle. On essaie, en fait, d’évacuer ce qu’on ressent comme étant le pire de tout ça dans notre quotidien. C’est notre façon de dire que cette musique est malsaine, car elle est représentative de notre vision de tout ce qui nous entoure.

– Je situe mieux et je te comprends. Revenons à la musique avec le numérique, qui a pris le dessus sur la grande majorité des productions. Pourtant, « Those Who Reign Below » possède un son très organique, brut et presque live. C’est pour cette raison que vous avez fait appel à Raph Henry du Studio Heldscala ? Pour obtenir cette sonorité très roots et authentique ?

Exactement. On a travaillé presqu’un an sur cet album. On avait donc tous les morceaux avec la façon de les interpréter et on en avait déjà parlé avec Raph qu’on connait depuis des années. Il connait bien MERCYLESS et il aime ce qu’on a fait à nos débuts. On a beaucoup travaillé en pré-prod’ et on voulait vraiment faire ressortir ce côté très organique et très direct. On cherchait à retrouver cette espèce d’aura et de mysticisme, qui existaient dans les années 90. Et comme tu dis, il y a un côté très live, car on a très peu travaillé en numérique. On voulait justement obtenir des sons qui sortent de l’ampli, une édition très légère pour avoir une batterie qui colle justement à qu’on voulait vraiment avoir. On souhaitait retrouver le son de cette époque qui correspond complètement à MERCYLESS. Et Raph Henry a réussi à sculpter tout ça pour atteindre ce son profond et sombre. Et on retrouve aussi un peu ce son de K7, lorsqu’on mettait les premières démos de Morbid Angel ou Autopsy. On avait besoin de ça, alors qu’aujourd’hui, on a des productions de plus en plus surcompressées et très fortes, qui sont destinées à des écoutes plus modernes et numérisées. Nous avons voulu faire l’inverse. C’est même devenu assez difficile d’ailleurs, mais on a réussi à obtenir ce qu’on voulait.

– D’ailleurs, MERCYLESS est très attaché à ce son et ce style Old School. Qu’est-ce qu’il signifie et représente pour toi, et t’est-il déjà venu à l’esprit d’en changer comme d’autres ont pu le faire ? Ou est-ce que cette approche ‘moderne’ te laisse indifférent ?

(Silence)… Il y a une histoire de nostalgie peut-être derrière tout ça. Il y a quelque chose de rassurant et ça nous conforte dans ce que nous sommes. Et on a du mal à se retrouver dans toutes ces sorties qu’on voit presque tous les jours avec des centaines d’albums qui sont de plus en plus produits de la même manière sur l’édition, les applications, les plugins, … Ce sont très souvent les mêmes sons de guitares, de batterie surproduites et ainsi de suite. On voulait éviter ça, car ça ne correspond pas à notre vision de voir les choses, même si on est aussi plongé là-dedans. Le son de MERCYLESS est très cru et très bas et il n’a pas besoin de fioritures. On s’est aussi aperçu, en s’essayant à des sons plus modernes, que nous n’arrivions pas à obtenir quelque chose qui colle à notre personnalité. Avec cet album, on revient à l’essentiel et c’est ce qu’on voulait en restant dans une ligne directrice claire et très 90’s. Il y a toute une génération qui est habituée à un son très moderne, y compris dans les styles extrêmes, qui a sans doute du mal à entrer là-dedans, mais cela correspond vraiment à quelque chose pour beaucoup d’autres.

– Max Otero & Gautier Merklen –

– Et puis, l’autre nouveauté sur ce nouvel album est l’arrivée derrière les fûts de Johann Voirin, qui officie aussi chez Mortuary. Il se fond parfaitement dans le moule du groupe. C’était important aussi qu’il ait cette culture Old School et underground, d’autant qu’il livre une prestation incroyable et tout en puissance ?

Il y a eu un petit travail quand même au départ. Forcément, il vient d’un groupe plutôt axé sur le Brutal Grind Death pour faire court. Et MERCYLESS a un côté Old School avec des paramètres et une définition de jeu, qui demandaient un petit ajustement par rapport à Mortuary. Il a surtout fallu qu’on se comprenne au niveau de notre univers, pas au niveau technique évidemment. Il s’est ensuite très bien fondu dans le style, dans les arrangements et dans le travail sur les nouveaux morceaux. Et le résultat est exactement celui qu’on attendait, à savoir un aspect dynamique, vif et très direct.

– Chez MERCYLESS, et contrairement à beaucoup d’autres groupes dans le Death Metal, il y a une violence viscérale, qui est presque libératoire. Et la présence du diable et de la religion plus largement planent toujours autant sur « Those Who Reign Below ». Le sujet est inépuisable, surtout lorsqu’on voit l’état du monde actuel. Où te places-tu dans cette époque du règne des réseaux sociaux où tout n’est qu’apparence ?

On a totalement changé d’époque, c’est vrai. Je pense qu’on a aussi cette chance d’avoir ce recul et d’avoir connu les années 80/90, où il y avait beaucoup de découvertes et d’apprentissage, qui se faisaient sur la longueur. MERCYLESS est né et vient de là. On fait partie de ce temps où on enregistrait des démos nous-mêmes et on avançait petit à petit. Il n’y avait pas tous les contrats discographiques et toutes les sorties comme aujourd’hui. On a construit le groupe au fil des années, ce qui n’est pratiquement plus possible maintenant. Tout va tellement vite. Les réseaux sociaux s’emballent très vite pour tout et n’importe quoi et sans vraiment savoir où on va. Et la différence aussi, c’est que nous avons gardé cette liberté de ton. On utilise aussi les réseaux sociaux avec parcimonie, essentiellement pour promouvoir le groupe et garder le contact avec le public. J’ai su conserver un regard extérieur sur tout ça. Et puis, il y a un bouton ‘off’, si tu veux continuer à regarder le monde évoluer, sans pour autant avoir le nez dans les écrans comme on veut nous l’imposer. C’est difficile, car c’est très présent et ça fait aussi partie de l’évolution de cette société. Il faut faire avec et garder les outils qui sont à notre disposition. Mais en revanche, il faut conserver beaucoup de recul par rapport à tout ça. On tend vers un monde qui devient de plus en plus médiocre, parce qu’on laisse tout le monde s’engouffrer là-dedans sans garder ce qui est positif. On croit qu’on peut apprendre des choses, mais il y a un côté très abrutissant et bête à la base de tous ces réseaux sociaux et tout ce qu’il y a autour. Par moment, il faut vraiment décrocher de ça et garder une certaine distance. Sinon, ça peut très vite nous rendre fou.

– Yohann Voirin & Yann Tligui –

– Tu prêches un convaincu ! Justement, je reviens à la colère et à cette violence viscérale dont on parlait tout à l’heure et aussi au fait que les textes de MERCYLESS tournent essentiellement autour de la religion et l’idée du diable notamment. C’est un sujet qui ne vous lâche pas finalement ?

Non, pas du tout. Cela vient du début du groupe, en fait. Notre musique est liée à ça et, comme tu dis, le sujet est inépuisable. A une époque qui est basée sur les croyances et les religions dans le monde entier, on voit que ça mène vers des défiances, des déviances et des perversions terribles. Et il y a toujours derrière, en ligne de mire, ce besoin de croire et de se réfugier derrière quelque chose, en l’occurrence des textes sacrés, etc… Et tout ça ne mène pas forcément les gens vers un bien-être, ou un monde où on se laisserait réfléchir. Il y a, en effet, beaucoup à puiser dans tout ça. Quand on évoque les démons, par exemple, sur « I Am Hell », je parle des prêtres pédophiles qu’on a vus à la une de beaucoup de médias ces dernières années. L’Eglise catholique est devenue à un moment donné un refuge pour des gens qui sont de vrais dangers. C’est une façon de dire que le diable est souvent déguisé et se niche aussi chez l’être humain.  

– MERCYLESS, avec quelques autres toujours en activité, est un pilier et un pionnier du Metal extrême français. Contrairement à certains, vous n’avez pas dévié de votre trajectoire. Est-ce que vous courrez toujours après le même objectif, c’est-à-dire rester fidèle au milieu underground et le faire vivre ? D’ailleurs, comment le définirais-tu aujourd’hui ?

(Silence) … Bonne question. On peut en effet se poser beaucoup de questions car, aujourd’hui, parler d’underground, c’est presque se foutre de la gueule du monde. Actuellement tout est pensé et réfléchi par rapport à Internet, aux réseaux sociaux, etc… Tout part là-dessus et cela a vraiment changé la donne. Dans les années 90, tout se faisait encore avec les petites mains. Il fallait travailler beaucoup de choses : la musique, les textes, le disque, la distribution, la comm’, … C’était très compliqué et très long. Aujourd’hui, j’essaie toujours de rester connecter à ce monde-là et de le suivre. Et dans cette musique, il y a toujours de l’activité et c’est tant mieux ! Dans les années 2000, cela avait un peu disparu et maintenant, on a la chance d’avoir de nouveaux groupes qui sont là depuis un bon moment et qui sortent des albums de très bonne qualité. C’est là-dedans, et avec eux, que je me sens le mieux. C’est ce que j’écoute le plus, que ce soit en France ou à l’étranger. Je me tiens informer et j’essaie de partager tout ça du mieux possible, y compris au niveau des concerts. On continue d’ailleurs à tourner avec ce genre de groupes avec de petites conditions et dans des petites salles. On n’oublie pas d’où l’on vient et aussi que d’autres nous ont aidés. C’est une chose qu’on tient à faire à notre tour. Avec un peu de bouteille, on arrive à partager et à découvrir de nouvelles choses et ça me fait toujours autant plaisir ! Ce sont des groupes qui ont une certaine ‘grinta’ et une envie d’aller de l’avant. Je me dis que tout n’est pas perdu, même si le mot ‘underground’ ne veut plus dire grand-chose aujourd’hui.

– Vous avez aussi récemment réédité « Abject Offerings » et une compilation de vos premières démos, ce qui est une bonne chose compte tenu de leur rareté. L’industrie musicale a été bouleversée depuis les débuts de MERCYLESS et elle est aujourd’hui méconnaissable. Comment est-ce que tu perçois l’envahissement du streaming et du tout-numérique ? Comment vous êtes-vous adaptés et est-ce que le Death Metal, au sens large, en a aussi subit les conséquences ?

Le Death Metal a quelque chose d’intemporel. Maintenant, par rapport au numérique et au téléchargement sur les plateformes qui diffusent la musique aujourd’hui, c’est vrai que c’est assez étrange. Cela dit, le Death Metal a ceci de particulier qu’il y a un réel attachement à l’objet à travers le vinyle, le CD, les K7, etc…. Ca a toujours existé et ça existe encore aujourd’hui. Personnellement, et ça concerne aussi plein de gens autour de moi, j’ai du mal à écouter un album sur une plateforme. J’ai toujours le réflexe de mettre un CD ou un vinyle. J’aime aussi prendre mon temps pour écouter ça dans de bonnes conditions. On est encore nombreux à avoir ce besoin de découvrir les choses en ayant le produit dans les mains. On a gardé cette fibre, qui nous anime encore. Aujourd’hui, c’est un autre monde. Et puis, je crois qu’on a aussi besoin de se retrouver dans ce petit espace bien à nous. On découvre plus facilement chaque petit arrangement notamment et le Death Metal permet ça. On s’y met aussi bien sûr, mais c’est un peu aller vers la facilité. 

– En France, on a vu émerger une nouvelle scène de Metal extrême, qui n’a pas grand-chose à voir avec celle qu’on a connu avec vous, c’est-à-dire MERCYLESS, Loudblast, Massacra, No Return et Agressor dans les années 90. Sincèrement, existe-t-il une sorte de famille entre les anciens que je viens de citer, et que penses-tu des nouvelles formations hexagonales ?

C’est un peu compliqué pour moi, car je ne me retrouve pas beaucoup dans les formations modernes pour toutes les raisons dont on parle depuis le début de l’interview. Le son, l’approche, la conception, etc… Je trouve même que le terme de groupe a complètement disparu. On a l’impression que ce sont des assemblages de personnes, qui sont là juste pour fabriquer quelque chose, être dans la ‘hype’ du moment et tirer sa petite épingle en se disant que c’est moderne, frais et neuf. Et alors, on y va. Ce n’est pas notre vision et elle peut même paraître austère pour certains. Mais on ne s’y retrouve pas dans tout ce mélange de styles extrêmes. Ca vient aussi de la vision et de l’interprétation musicale, qui a changé et qui est très différente. C’est le monde moderne qui leur amène ça et ils ont besoin d’être dans le truc du moment pour se sentir bien. Honnêtement, ça me passe sous le nez et ça disparait aussitôt ! (Rires)

– Pour revenir aux groupes français des années 90 cités plus haut, j’ai vraiment l’impression que depuis vous cinq, il n’y a pas eu grand-chose sur la scène hexagonale. Je ne vois pas d’héritiers directs… et j’avoue qu’un plateau vous réunissant serait assez génial !

Je crois que tu as raison, car on vient aussi d’une époque où chacun faisait un truc très, très différent de l’autre. Cela nous a tous amené vers des fan-bases opposées, qui pouvaient quand même se rejoindre. Mais chacun avait sa vision et son propre son. C’est vrai qu’aujourd’hui, il n’y aurait aucun problème à monter un plateau comme ça, au contraire, car nous sommes tous restés ancrés dans ce qu’on sait faire de mieux. Forcément, les héritiers derrière sont peu nombreux dans le sens où très peu de groupes et de personnes ont gardé cet esprit de concevoir la musique et ont plutôt évolué suivant les modes. Certains reconnaissent des influences chez nous. Mais pour ce qui est de perpétuer tout ça, il n’y a pas grand-monde, en effet. Et je pense que nous sommes nombreux à partager ce sentiment.

– Enfin, qui dit nouvel album, dit concerts. Est-ce qu’encore aujourd’hui, vous pouvez compter sur un réseau underground suffisamment solide pour monter une tournée par vous-mêmes sans passer par les tourneurs qui font la pluie et le beau temps en France ?

Carrément et c’est ce qu’on fait depuis des années ! On connait beaucoup de petits tourneurs, des gars à l’ancienne et très ‘DIY’, qui ont des réseaux de salles et de plus petits lieux. On y arrive bien et c’est la seule façon pour nous de ne pas lâcher des 7.000/10.000€ pour des supports tournées, où tu joues 25 minutes à 19h à l’ouverture des portes. Et puis, ça n’apporte plus grand-chose à des groupes comme nous, en tout cas. Après, c’est mon opinion. Mais on essaie de faire comme ça, parce qu’on s’y retrouve et qu’il y a une espèce d’osmose globale. C’est très bon pour le psychisme de tout le monde, car on rencontre des gens sympas. Et il y a une grande proximité. Ca demande forcément un peu plus de boulot, mais on s’en sort très bien. C’est sûr qu’on ne va pas faire 20 dates à travers 15 pays, mais on joue, on fait des festivals et des petites tournées aussi avec des groupes dans notre lignée, voire plus petits. Tout se passe très bien et le public répond présent.

Le huitième et nouvel album de MERCYLESS, « Those Who Reign Below », est disponible chez Osmose Productions.

(Photos portraits live : Eddy Gheorghe)

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Death Metal Thrash Metal

Loudblast : à la croisée des chemins

Pilier essentiel de la scène Metal extrême hexagonale depuis bientôt quatre décennies, le combo nordique avance à l’envie et sans compromis. Suite au ténébreux « Manifesto » sorti en pleine pandémie et qui l’avait laissé quelque peu sur sa faim faute de concert, LOUDBLAST ressurgit avec un opus complet et varié, sombre aussi. Avec 13 titres qui se présentent comme autant de tableaux, le Thrash/Death de « Altering Fates And Destinies » fait toujours frissonner grâce à un mur de guitare exceptionnel, une rythmique massive et une profondeur vocale incroyable.

LOUDBLAST

« Altering Fates And Destinies »

(Listenable Records)

A l’aube de son quarantième anniversaire, la formation originaire de Lille se réinvente encore et « Altering Fates And Destinies » peut se percevoir comme une sorte d’introspection de la part de son leader historique, Stéphane Buriez. Le chanteur, guitariste et principal compositeur semble avoir livré ce qui fait l’essence-même de LOUDBLAST depuis toutes années : un Death Metal toujours teinté de Thrash avec, au-delà d’une avalanche de riffs, quelques mélodies qui viennent se nicher au creux de l’oreille presque discrètement.

S’il ne bénéficiait pas de l’imposante production d’aujourd’hui, on pourrait se croire au croisement de « Disincarnate », « Sublime Dementia » et surtout de l’emblématique « Cross The Threshold ». LOUDBLAST ne joue pas pour autant un revival 90’s prévisible mais, au contraire, affirme son style à travers un jeu beaucoup plus précis et frappant. Aux côtés de son frontman, Frédéric Leclercq tient la basse et offre même quelques solos de guitare bien sentis, tout comme Niklaus Bergen, tandis que Nicolas Muller martèle ses fûts avec force.

Cela dit, on retrouvera Hervé Coquerel à la batterie lors de la tournée, puisqu’il se consacre désormais au live. Organique et puissant, « Altering Fates And Destinies » se déploie donc sur près d’une heure dans une même atmosphère, faite de forts contrastes. Et surtout LOUDBLAST ne se contente pas de bastonner, il distille aussi des morceaux mid-tempos au fil de l’album, offrant de la respiration et de l’impact. Enfin, le quatuor n’a rien oublié, ni effacé de son parcours et conserve une rageuse saveur Old School chevillée au corps.

(Photo : Anthony Dubois)

Retrouvez la chronique de « Manifesto » :

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Psych Sludge Stoner Doom

Oda : mystic vibes

Fait-maison et enregistré live pour l’essentiel, ce premier opus des trois musiciens de la capitale devrait ravir les amateurs de Stoner Doom/Sludge. Les atmosphères vaporeuses un brin incantatoires de « Bloodstained » montrent déjà un groupe déterminé et adepte des morceaux d’une bonne longueur. En abordant des climats très changeants, ODA évite pourtant de se perdre et se montre même vraiment costaud et captivant. Des débuts très encourageants.

ODA

« Bloodstained »

(Independant)

Fondé en 2021 seulement, Cyril Thommered (batterie), Emmanuel Brège (basse) et Thomas Féraud (chant, guitare) n’ont pas tardé à se mettre à l’ouvrage et à construire leur propre univers musical. Le fond est Doom et Occult, tandis que la forme se dessine dans un Stoner Rock rugueux et très Fuzz. L’objectif d’ODA est d’assembler toutes les pièces de cet appétissant puzzle et de donner vie à des morceaux qui sont autant d’invitations à un voyage à la fois sombre, chaotique et envoûtant.

Tout en travaillant d’arrache-pied et en donnant quelques concerts, le trio parisien se forge vite un son et une identité. Avec « Bloodstained », ODA s’affirme déjà comme une formation solide et cette première réalisation autoproduite en dit long sur ses ambitions. Enregistrée au coeur de la forêt de Brocéliande, l’ambiance mystique qui l’entoure semble même avoir offert un supplément d’âme à l’atmosphère profondément mélancolique et terriblement organique, qui règne sur les six titres.

Oscillant entre six et onze minutes, les morceaux de « Bloodstained » réservent quelques surprises. Si la lourdeur et l’épaisseur de sa doublette rythmique donne du corps, le côté massif bascule d’une lenteur ténébreuse dans des fulgurances Sludge au groove gras, d’où émerge au lointain un chant tout à coup presque délicat. Inquiétant et âpre, ODA ne néglige pas pour autant les mélodies… comme pour mieux nous renvoyer dans les cordes (« Children Of The Night », « Rabid Hole », « Mourning Star » et le saisissant « Zombi »). Prometteur !

(Photo : Thomas Féraud)

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Classic Rock Hard 70's

Winecraft : pied au plancher

Même si les influences sont manifestes, tout comme l’intention d’ailleurs, la formation de l’Est de la France nous embarque 50 ans en arrière au temps des pionniers et des légendes du Hard Rock et du Classic Rock. Pourtant, le propos de WINECRAFT est très actuel, seule sa musique libère une couleur vintage. Costaud et mélodique, il invoque les névroses de notre époque et ne boude pas son plaisir à faire de ces tensions des envolées inspirées et entêtantes. Une entrée en matière très réussie avec ce « Witchcraft’n Excess Wine » relevé.

WINECRAFT

« Witchcraft’n Excess Wine »

(Independant)

De toute évidence, il souffle un air de revival sur le Rock actuellement (c’est cyclique, comme dirait l’autre !) et la scène française commence à tirer son épingle du jeu dans le domaine. Bien sûr, on ne peut ignorer les deux beaux représentants issus des terres bretonnes, Komodor et Moundrag (et leur fusion !), et il faut dorénavant mentionner également WINECRAFT, dont le premier effort s’inscrit dans cette même veine. Le Classic Rock du quintet évoque bien entendu, et avec beaucoup d’efficacité, les 70’s et leur grain de folie.

Récemment rassemblés du côté de Strasbourg, les membres du groupe se sont déjà aguerris au sein d’autres formations, puis ont enchaîné avec quelques concerts. Car, c’est justement l’ADN et le nerf de la guerre chez WINECRAFT : la scène ! Ça l’est même au point que « Witchcraft’n Excess Wine » a été enregistré dans des conditions live, afin de capter au mieux l’énergie et la fougue de ses six morceaux… auxquels il faut d’ailleurs ajouter un septième issu en l’occurrence d’une prestation en public (« Who’ll Make It Out Alive ? »).

Bien produit, ce premier EP, long d’une bonne demi-heure tout de même, expose ce son brut et organique, qui constituait la saveur et l’authenticité de cette époque bénie si créative. WINECRAFT maîtrise et connait son sujet, ce qui lui offre une évidente légitimité et une belle crédibilité dans ses compos. Musicalement, l’ambiance renvoie à Led Zeppelin, l’orgue à Deep Purple et certaines parties vocales à Motörhead. Autant dire qu’on s’y sent bien et « Witchcraft’n Excess Wine » régale (« A Protest Love Song », « Back In Town »).

(Photo : Les Photos d’Alumine)

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France Rock

Daran : l’itinérant [Interview]

Insatiable voyageur, c’est dans ce « Grand Hôtel Apocalypse » à l’atmosphère toujours aussi sincère et délicate que DARAN a posé ses valises pour un onzième et très attendu nouvel album, sept ans après « Endorphine ». Aussi discret que sa musique est d’une finesse rare, le musicien se livre sur de nouvelles chansons aux textes forts et aux mélodies limpides. De retour dans une formule en trio, c’est l’aspect Rock qui ressurgit à travers onze morceaux intemporels d’une grande clarté. L’occasion de parler de leur réalisation et de leur création entre la Bretagne, la Californie, Montréal et le Mexique.

– Avec « Grand Hôtel Apocalypse », tu fais un retour à un Rock assez épuré, peut-être pas aussi vigoureux qu’il y a quelques années, mais en tout cas plus électrique que tes derniers albums. Tu avais le besoin et l’envie de retrouver un style plus direct et plus relevé aussi ?

En fait, j’aime bien partir avec un tuyau. Je pense que de la contrainte naît souvent des choses intéressantes. Là, je me suis dit que l’idée de départ était le power trio, c’est-à-dire guitare-basse-batterie. Pas de pédales non plus, en direct sur les amplis et sans overdubs. En fait, un album qu’on peut amener sur scène sans toucher à rien. C’était le but. Quelque chose où l’on fait une balance de cinq minutes et ça marche dans un bar ou dans un stade… ou au Bar du Stade ! (Rires)

– Tu as enregistré l’album seul en studio, ce qui donne une production intime, dont on a l’habitude, et également très dynamique. « Grand Hôtel Apocalypse » a aussi été réalisé en peu de temps. Il te fallait une espèce état d’urgence pour capter aussi une certaine fraîcheur ?

L’autre partie de ma vie professionnelle est de faire de la production en studio pour les autres. Et puis, « Endorphine » datant d’avant le Covid, je ne concevais pas de faire d’album sans faire de la scène. Or, après la pandémie, les salles avaient déjà épongé tout ce qu’elles avaient mis de côté durant cette période et j’avais aussi énormément de travail et plus une minute à moi. Il s’est trouvé qu’un projet s’est déplacé. Un projet de trois semaines. Ça m’a libéré de façon soudaine un peu de liberté et je me suis dit que c’était le moment ou jamais. Tout s’est donc fait durant cette période.

– Plus étonnant, c’est la batterie qui a été enregistrée et jouée à Los Angeles par Norm Block, dont on connaît le travail avec Alain Johannes et Mark Lanegan notamment. Justement, il a un jeu très imprégné de Desert Rock, qui correspond parfaitement à l’album. Il est par ailleurs également producteur. Comment a eu lieu cette rencontre si évidente finalement ?

Je travaille de temps en temps à Los Angeles et il avait été le batteur sur un album que j’avais produit là-bas. J’avais été tellement impressionné que je m’étais dit qu’il fallait le prendre ! C’est vraiment un batteur de Rock avec énormément de finesse et de musicalité. Et comme il est producteur, il a aussi une vision plus globale et il possède un studio incroyable. C’est un fou de matériel et il a des micros hallucinants. J’étais amoureux de son son et il m’a paru évident de faire l’album avec lui.

– Et vous l’avez produit ensemble ?

C’est assez amusant, parce que je savais que je voulais lui demander de faire les batteries. Alors, je lui ai envoyé les morceaux avec tous les instruments, dont la batterie avec ses sons à lui. Je lui ai envoyé tout ça en lui demandant s’il souhaitait refaire en vrai tout ce que j’avais fait en faux ! (Rires). Il a été surpris, honoré et amusé. On s’est mis d’accord et il a fait le travail.

– J’ai lu que tu avais écrit, réalisé et enregistré l’album entre Montréal, la Bretagne, le Mexique et la Californie. Cela peut paraître étonnant compte tenu de la différence supposée des atmosphères, et pourtant il y a une réelle unité sonore et musicale sur l’album. Finalement, dans quel endroit as-tu été le plus inspiré ?

Tout a été fait en Bretagne : guitare, basse, batterie et chant. Ensuite, les voix définitives ont été enregistrées à Montréal, les batteries ont été réalisées à Los Angeles et je l’ai mixé au Mexique. C’est juste que c’était en plein hiver et que, pour mixer l’album et comme j’en avais un autre à mixer aussi, partir au soleil était une bonne idée. C’est pour ça que ça a l’air aussi international, mais tout est parti de Bretagne sur cet album… (Rires)

– Il y a aussi une chose surprenante sur l’album, c’est le déroulé des chansons. Même si elles ne sont pas directement liées entre elles, à l’instar d’un album-concept, le disque donne vraiment l’impression d’avoir un début et une fin. C’est assez rare. Tu avais le désir de raconter une sorte d’histoire, de mener l’auditeur au gré de quelques épisodes ?

C’est aussi parce que j’aime bien jouer l’album dans son intégralité sur scène. Un peu façon Pink Floyd : il y a un nouvel album, alors on le joue. Je réserve les anciens morceaux à une deuxième partie. Sachant que j’allais jouer tout ça d’une traite, j’ai évidemment pensé aux enchaînements scéniques. Il a été construit comme une setlist de concert finalement. C’est peut-être ce qui créé ce chemin lisible. J’avais déjà fait des albums ‘tout-attaché’ comme « Le Petit Peuple Du Bitume » et « Endorphine » avec un fil conducteur. Ils ont d’ailleurs été joués comme ça sur scène.

– Toujours à tes côtés, on retrouve ton ami et parolier de longue date, Pierre-Yves Lebert. Tout d’abord, j’aimerais savoir de quelle manière vous travaillez ensemble. Le plus évident semble être que tu te bases sur ses textes pour composer les mélodies, le climat et le tempo des chansons. Vous fonctionnez comme ça, ou il n’y a pas de processus fixe entre-vous ?

En règle générale, on travaille comme ça. On a de grandes discussions préalables, où on commence à tomber des textes et ensuite, je démarre. Mais là, comme la période s’est libérée de manière assez soudaine, j’ai fait tout l’album en yaourt ! (Rires) Il a donc du faire des textes sur des mélodies déjà ciselées et faire rentrer tout ça au chausse-pied, ce qui demande beaucoup de travail. Cela dit, je lui apporté des bribes et j’avais aussi couché du texte qu’il a évidemment amené à un niveau poétique que je n’aurais jamais tout seul. Ca a été notre façon de travailler. On fait une sorte d’auteur-compositeur à deux !

– Pour écrire ce genre de textes aussi intimes et dans lesquels tu te reconnais aussi forcément, vous devez très, très bien vous connaître. Est-ce qu’il vous arrive tout de même de faire quelques petits ‘brainstorming’ ensemble autour de la structure de l’album, par exemple, et de son contenu au niveau des paroles ? Ou lui laisses-tu entièrement carte blanche la plupart du temps ?

Il y a toujours un ‘brainstorming’ préalable et il arrive aussi parfois que j’amène un sujet par chanson. J’ai même couché des phrases. Je mets une empreinte. Sur ce nouvel album, j’avais aussi le désir d’abandonner mon côté ‘social’, car rien ne change (Sourires), et de faire des choses dont je suis peut-être plus proche. Il y a de moi dans presque toutes les chansons.

– Justement, tu as eu plusieurs paroliers, dont bien sûr et en premier lieu Alana Filippi, Miossec aussi sur quelques morceaux (« Gala, Gala, Etc… », « Le Hall De L’Hôtel », « Le Monde Perdu ») et donc Pierre-Yves Lebert dernièrement. Comme Alana et lui se connaissaient également, est-ce que tu y vois une certaine continuité, même lointaine ? C’est une sorte de cercle finalement…

Ils se connaissaient et c’est par Alana que j’ai connu Pierre-Yves, car son frère est comédien. Elle avait fait le Conservatoire d’Arts Dramatique à Nantes avec lui. Et c’est lui qui m’avait dit qu’il avait un frère qui faisait de la musique. Et quand on s’est séparé avec Alana, elle ne voulait plus trop continuer à écrire avec moi. Donc, je me suis tourné vers Pierre-Yves, dont j’avais remarqué la plume à une époque où je l’avais aidé à faire des maquettes. Cela a été une transition en douceur. Un jour, je l’ai rappelé en lui demandant s’il faisait toujours des chansons, car il faisait un milliard de choses. Il m’a renvoyé un paquet, dans lequel il y avait à peu près tous les textes de « Pêcheur de Pierres ».

– Et puis, ce qui est une grande chance aussi, c’est qu’au bout de onze albums, on te reconnaît, et on t’a toujours reconnu d’ailleurs, au niveau des textes. Il y a une certaine continuité chez les auteurs…

J’ai un autre exemple comme ça. C’est le nombre de personnes qui ont bossé pour Alain Bashung et c’était toujours du Alain Bashung ! Je pense qu’inconsciemment, on doit projeter quelque chose qui oriente. Je ne sais pas…

– J’aimerais que l’on dise aussi un mot de la pochette de l’album, qui me rappelle celle du « Petit Peuple Du Bitume » (2007). Y a-t-il un petit côté nostalgique ? Et de quelle manière reflète-t-elle l’atmosphère de ce nouvel album pour toi ?

C’est une photo qu’a prise mon père quand j’avais dix ans. On sortait des cartons avec ma grande sœur, où il y avait de vieilles photos. On est tombé là-dessus et elle m’a dit : voilà, tu l’as ta pochette ! Et c’est resté ! (Rires) Oui, il y a une vraie ressemblance avec celle du « Petit Peuple Du Bitume », sauf que ce n’est pas moi sur celle-là. C’est vrai qu’à l’époque, ma mère a eu un doute et m’a demandé si c’était une photo de moi ! (Rires) Ce petit garçon me ressemblait un peu quand j’étais petit. Voilà, maintenant, les gens ont vraiment la tête que j’avais petit.

– Il s’est aussi passé sept ans depuis « Endorphine ». Outre les concerts qui ont suivi, les moments passés aux Rencontres d’Astaffort en tant qu’intervenant, tu travailles aussi avec des artistes au Québec notamment. Comment es-tu venu à cette autre facette du métier ?

Je fais beaucoup de choses en production, oui. J’ai toujours aimé et je n’ai jamais conçu la musique sans toucher aux boutons. Donc, me voilà ingénieur du son, mixeur, arrangeur, producteur artistique… Je fais beaucoup d’albums pour les autres et dans des styles extrêmement variés. C’est ce qui m’amuse le plus ! Et je fais beaucoup d’artistes émergents. D’ailleurs, cela m’ennuierait que, si un jour l’un d’eux marche très fort, on ne vienne plus me chercher que pour un style précis. J’adore faire énormément de choses et le renouvellement est une source de jouvence pour moi.

Le nouvel album de DARAN, « Grand Hôtel Apocalypse », sort le 11 octobre chez Pineapple French Pop/Believe France/Kuroneko Medias.

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[No One Is Innocent] : l’avenir en pointillé… [Interview]

Si NO ONE IS INNOCENT reprendra la route l’an prochain, son avenir discographique est, quant à lui, plus qu’incertain. L’engagement que cela demande en termes d’investissement personnel a fait naître chez Kemar et Tranber, historiques frontman et bassiste du groupe, cette réflexion sur l’avenir de leur énergivore combo. En attendant, c’est donc avec un ‘Best Of’ un peu particulier, que le quintet revient dans les bacs en proposant quelques inédits et surtout deux nouveaux titres, « L’Arrière-Boutique du Mal » et « Ils Marchent », qui ouvrent et ferment « Colères ». Au total, ce sont 16 morceaux qui ont marqué les esprits et la scène française durant ces 30 ans de combat musical. L’occasion de discuter avec Kemar de cette belle aventure, de ce disque, de notre époque et d’une suite tant espérée…   

– Sans entrer dans les détails des problèmes judicaires qui t’ont touché, NO ONE IS INNOCENT a vu son line-up éclater à ce moment-là. Comment est-ce que tu l’as ressenti et de quelle manière as-tu reconstruit le groupe ?

Avec Tranber, on a senti qu’émotionnellement, les autres l’avaient mal vécu. Et dans ces moments-là, il y a un peu d’animosité et certaines choses qui refont surface. Ça ne nous a pas plu et nous a même un peu refroidis. Il y a aussi eu des désaccords sur la façon de revenir, c’est-à-dire la date, les concerts et certains voulaient aussi lever le pied. Bref, trop de trucs lourds et au-delà de ça, le fait d’arrêter n’était pas vraiment au rendez-vous pour Tranber et moi. A un moment donné, il ne faut pas se forcer à remonter dans un bus et, finalement, faire croire aux gens qu’on est de super potes et qu’on aime jouer ensemble. Ça ne marche pas comme ça dans NO ONE ! Ensuite, ils ont décidé d’eux-mêmes de quitter le groupe. Et puis, on s’est dit aussi que ce n’était pas la première fois qu’on vivait ça. Les lines-up ont souvent été difficiles dans le groupe, parce que cela implique beaucoup d’énergie, de la fatigue, … Il faut pouvoir supporter tout ça aussi. Et puis, on ne raconte pas des choses anodines, non plus, et ça peut déboucher sur des débats un peu houleux. On s’est très vite retourné pour trouver d’autres musiciens, et voilà.

– On te sait combatif, mais est-ce que l’idée de mettre fin à l’aventure NO ONE IS INNOCENT t’a tout de même traversé l’esprit ?

Oui ! Avec Tranber, elle nous avait déjà traversé l’esprit. J’ai commencé à lui en parler bien avant. Nous sommes vraiment très liés et même au début de la composition d’« Ennemis », j’ai senti quelque chose. Il y aussi le fait de devoir assumer ce que demande physiquement NO ONE quand tu joues un concert parfois quatre fois par semaine. Tu perds des ‘points de vie’ et c’est une chose qu’on avait déjà abordé. Ce n’est pas forcément une question artistique, car on avait encore des morceaux et on n’avait pas envie de se freiner. Mais l’assumer sur scène, c’est vraiment différent ! On ne triche pas ! Faire un concert avec un pied de micro, c’est carrément impossible ! Je recherche une transe, c’est-à-dire l’inattendu et voir ce qu’il va se passer. Chaque concert est différent et cela demande une énergie énorme. Et puis, il y a aussi cette idée de faire l’album de trop. C’est quelque chose qui m’angoisse total ! Je n’ai pas envie d’être Kiss, Deep Purple ou Alice Cooper ! (Rires) On a peut-être une exigence scénique plus forte qui joue sur certains membres et c’est normal. Et c’est vrai qu’avec les gars qu’on a choisi, eux seraient partants pour continuer, sortir des albums et repartir sur la route ! Mais, ils ne sont pas à notre place.

Kemar & Tranber, piliers du groupe

– A en juger par les deux inédits « L’arrière-boutique Du Mal » et « Ils Marchent », NO ONE IS INNOCENT repart sur de solides bases. Il y a toujours cette culture du riff et ce son qui vous caractérise tant. J’imagine que les nouveaux membres connaissaient le groupe, puisque la ligne directrice est respectée et l’ADN très perceptible. Comment se sont  passées les discussions au moment de composer ?  

Si tu prends Fred Mariolle (guitare – NDR), il a toujours gravité autour de NO ONE, il a même fait des concerts avec nous et il a surtout co-écrit deux titres de « Propaganda » à l’époque. C’est la première personne qu’on a appelé ! Ensuite il nous a présenté Mathys (Dubois, batterie – NDR) qu’on avait déjà vu jouer en concert avec un autre groupe et il nous avait tapé dans l’œil. Et puis Marceau (guitare – NDR), c’est Mathys qui l’a rencontré dans un festival et qui lui a dit qu’on cherchait un guitariste. Et c’est parti comme ça ! C’est génial ! (Rires)

– Dans votre large discographie, il manquait un ‘Best Of’, c’est vrai. Est-ce que, justement, ce retour sous un nouveau line-up était l’occasion de marquer le coup, et surtout d’amorcer une nouvelle ère chez NO ONE INNOCENT, sans parler de nouveau départ ?

C’est vrai qu’un ‘Best Of’, ça pose une cloison et c’était voulu. Après les concours de circonstance font que cela se fait avec un nouveau line-up. Mais avec Tranber, on avait déjà décidé de mettre une fin au chapitre. Mais c’est peut-être aussi tant mieux que cela se fasse comme ça ! Il y a une espèce de fraîcheur. Lors du dernier concert qu’on a donné cet été en Belgique, on a eu l’impression avec Tranbert qu’on n’avait pas ressenti un tel enthousiasme depuis longtemps ! C’était vraiment cool !

– « Colères » balaie plusieurs périodes de vos 30 ans d’activités bien sûr, et présente aussi plusieurs titres live. C’était important pour un groupe de scène comme vous d’en mettre autant ? Et puis, l’énergie sur ces versions est incroyable…

En fait, ces morceaux ont beaucoup évolué sur scène par rapport à ce qu’ils pouvaient raconter sur les versions studio. Et puis, ce sont des titres qui marquent aussi une période de l’histoire du groupe. Je pense à « Nomenklatura », par exemple, qui nous figent dans notre combat contre les extrêmes que ce soit politiques ou religieuses. « Chile » est le fruit de notre voyage au Chili et en Argentine avec cette phrase de Pablo Neruda qui est scandé : « Nous gagnerons même si tu ne le crois », qui est pour moi très emblématique de ce qu’est NO ONE, en fait. Mettre ces versions-là avait beaucoup de sens.

– Et puis, il y a cette version de « Massoud » revisitée avec le Lahad Orchestra, ce qui lui donne un aspect encore plus oriental. Peux-tu nous en dire plus sur les conditions d’enregistrement et surtout la démarche en elle-même ?

C’est venu d’une rencontre faite par hasard avec un groupe de musiciens influencés par les musiques orientales et qui donnent des cours aussi. Leur répertoire est aussi constitué de chansons qui ne sont pas anodines et qui donnent même lieu à des débats un peu houleux. On leur a proposé de travailler avec nous sur la réorientation orientale de trois/quatre titres. Ils ont été super enthousiastes, d’autant que les morceaux de NO ONE ne sont pas forcément ce qu’ils écoutent tous les jours. Il y avait une espèce de challenge très intéressant et cela nous permettait aussi d’entendre nos chansons différemment. Et surtout, on a eu la chance de les jouer avec eux et ça a été magique ! C’est une seconde jeunesse pour ces morceaux. A un autre niveau bien sûr, il y a un petit côté Led Zep quand Page et Plant ont joué « Kashmir » avec The Egyptian Orchestra (dirigé par Hossam Ramzi – NDR).

– L’ombre de ‘Charlie Hebdo’ plane aussi sur « Colères » avec notamment un discours très poignant d’une des journalistes. Les conditions ce soir-là, à la Cigale à Paris, étaient très spéciales. Comment se sent-on à ce moment-là sur scène ? Entre émotion et colère ?            

Il y a tout qui se mélange à ce moment-là… Je sais que j’ai craqué ce soir-là avec le discours de Marika Bret de ‘Charlie Hebdo’. Et puis, c’était en plein concert, cela faisait déjà une heure qu’on jouait et nous étions en tension totale. L’adrénaline était à son max. Alors, quand elles sont venues parler… Et puis, il y a tout ce que cela a représenté pour nous aussi avec « Charlie ». Tous ces sentiments-là se sont mêlés. Avec Tranbert, c’est aussi notre génération et il y avait tous ces gens qui renvoyaient tellement d’affection en scandant ‘Charlie’. C’était une ode à la résistance, c’est peut-être dix fois plus fort que de jouer un morceau !

– C’est ce que j’allais te dire,  car ce n’est pas un morceau, mais un discours. Et puis, il est présent sur le ‘Best Of’ entre les chansons sans préparer de suite au disque…

C’était important ! Avec Tranber, on s’est dit qu’il fallait qu’on le mette, parce que c’est aussi un moment crucial de notre carrière. C’est tout ce qu’on a essayé de construire avec ce groupe. Et il exorcise l’horreur également, tout en étant un instant de résistance. C’est tout ce qu’on a toujours voulu faire avec NO ONE !

– Un mot quand même sur l’actualité, qui est un sujet viscéral chez NO ONE IS INNOCENT. Entre le FN (appelons-les par leur nom !) en France, l’extrême droite partout en Europe, les meurtres à Gaza et ailleurs, certaines chansons de votre répertoire ressurgissent. J’imagine qu’en ce moment les idées de textes ne manquent pas… Qu’arrive-t-il à nos sociétés ?

J’ai l’impression que le mot ‘Colère’ n’a jamais été aussi scandé, hurlé et évoqué qu’en ce moment. Il y a tellement de carences au niveau judiciaire, économique, sociétal… Tout s’entremêle et il y a une espèce de dérèglement. On parle de dérèglement climatique, mais il y a aussi celui-là dans nos sociétés. C’est ce dont je parle dans « Ils Marchent » et qui fait vraiment flipper. (Silence) Pour être honnête avec toi, j’ai l’impression qu’on est en sursis. Ce morceau est un témoignage qui dit ça, que nous sommes en sursis du pire ! Il faut que les lignes bougent… C’est aussi pour cette raison qu’on a décidé de l’interpréter de cette façon-là, sans mettre les watts à 12 pour le dire. Ce sont les gars qui m’ont dit spontanément que ce texte-là n’avait pas besoin d’être scandé. Et dans l’histoire du groupe, il y a aussi eu des morceaux très forts qui n’avaient pas besoin d’être joué les potards à fond. On avait envie de dire des choses et là, il y a une menace et une peur qui transpirent du morceau. Je pense que nous sommes très nombreux à le ressentir. J’espère que la chanson fera un peu mouche chez les gens qui sont sensibles musicalement et aussi au niveau du texte. Vraiment, cela fait 30 ans que NO ONE est là et je n’ai jamais ressenti ça… Et on a été de tous les combats pour lutter contre les extrêmes, le racisme, les blitzkriegs sociales, les fous de religions, … Mais ça là, ce sursis du pire, je ne l’ai jamais autant ressenti.

– Pour conclure et rester un court instant sur le sujet, il y a une question que je pose à certains groupes quand l’évidence est manifeste : est-ce qu’on peut écouter et apprécier NO ONE IS INNOCENT et être de droite ?

Ouais, bien sûr ! NO ONE n’est pas seulement un groupe à texte. Pourquoi un mec de droite n’aura-t-il pas envie de kiffer juste la musique ? En concert, je ne suis pas sûr que les gens devant nous soient tous de gauche…

– Vous leur mettez quand même plein la gueule…!

Oui… Mais je pense qu’il y a une façon de dire les choses. Si on était un groupe Punk premier degré, genre ‘Macron enculé !’ etc…, ce serait le cas, bien sûr. Il y a des mecs qui m’ont déjà dit : ‘je suis de droite, mais je vous écoute’. Alors, pourquoi je vais commencer à l’emmerder ? (Rires) C’est Kurt Cobain qui disait : « Je ne suis pas gay, même si j’aimerais bien, juste pour faire chier les homophobes ». Alors, que tu sois de droite ou de gauche, j’ai envie de dire que si tu viens nous voir, c’est avant tout parce que tu aimes la musique. Il ne faut pas oublier que NO ONE est un groupe qui fait de la musique et, après, qui dit des choses. Tu sais, à certains moments, je me suis trouvé un peu déstabilisé, parce qu’on ne me parlait presque plus de musique. Effectivement, il y a dans les textes des sujets souvent tellement lourds et importants. Alors forcément, cela rebondissait et les gens avaient envie de parler de ça. C’est quelque chose que je ressens encore. Et pour être complètement honnête avec toi, les politiques culturelles des mairies de droite sont parfois plus cool que celles de gauche. Ça nous ait arrivé des dizaines de fois en parlant avec des directeurs de salle qu’on nous dise qu’avec des maires de droite, on leur donnait les clefs et on faisait le point dans un an. Alors qu’avec la gauche, c’est souvent : ‘Attention, on veut avoir la main sur la programmation’. Une façon de dire que la culture, c’est nous. Ca existe et ce n’est pas une légende ! C’est aussi un détail qui veut dire beaucoup de choses…

Le ‘Best Of’ de [NO ONE IS INNOCENT], « Colères », est disponible chez Verycords.

Photos : Guihal Nicko (2), Erwan Raphalen (4) et zOz (5).

Retrouvez l’interview de Kemar à la sortie de « Ennemis » et la chronique de l’album :

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Classic Rock France Heavy Blues

Armellino : groovy pleasure [Interview]

Autour de la fratrie ARMELLINO, Yann à la guitare et Alban à la batterie, sont venus se greffer Vincent Martinez à la guitare et au chant, et Jacques Mehard Baudot à la basse pour donner vie à un quatuor au groove très 70’s et à l’énergie très actuelle. Fort d’un premier album, « Heritage Blend », qui en dit déjà long sur le niveau et les intentions des quatre musiciens, c’est avec un grand plaisir qu’on replonge dans l’âge d’or du Heavy Blues et du Classic Rock, preuve s’il en est que dans l’hexagone, on sait aussi y faire en matière de Rock…. Et sans nostalgie ! Entretien avec Yann et le plus discret Vincent autour de ce premier opus, qui en appelle déjà d’autres.

– Tout d’abord, j’aimerais que vous reveniez sur la création d’ARMELLINO. Certes, il y a cette réunion de guitaristes, mais vu le nom du groupe, il s’agit aussi d’une histoire de famille, non ?

Yann : Je connais Vincent depuis longtemps, cela remonte à 2006 lorsqu’il était déjà guitariste et chanteur du groupe Jakes. A l’époque, je faisais partie du label ‘Why Note’ (Nocturne Distribution). Nous avions organisé une release party pour la sortie de l’album « I Have A Dream » de The Reverend au Hard Rock Café à Paris. C’est Jakes qui a ‘chauffé’ la salle et par la même occasion m’a retourné la tête ! J’ai été tout de suite séduit par l’énergie et les compositions, une claque ! Je leur ai proposé de les signer sur le label, mais cela n’a pas abouti, car le groupe s’est séparé peu de temps après… J’ai toujours gardé une oreille attentive à ce que faisait Vincent artistiquement, notamment avec Carousel Vertigo, que je trouvais vraiment très chouette. Quand il a quitté le groupe, nous avons pensé que c’était le bon moment pour commencer à travailler ensemble (enfin !). Il y a des évidences qui mettent du temps à se concrétiser. Quand nous avons terminé le travail de composition, il a fallu trouver un nom. Une étape toujours un peu délicate. Comme tu le soulignais dans ta question, mon frère Alban est à la batterie, donc oui, c’est aussi une histoire de famille. C’est Vincent qui a eu l’idée de se présenter tout simplement sous le nom d’ARMELLINO et ça nous a semblé être la meilleure option.

Vincent : De mon coté, j’ai toujours suivi les productions de Yann. Depuis notre rencontre, il m’a toujours supporté et j’ai toujours gardé dans un coin de la tête l’idée qu’on ferait quelque chose ensemble à un moment donné.

– Vous vous côtoyez depuis quelques années à travers vos différents projets et dans des registres assez différents. Le Heavy Blues et/ou le Classic Rock ne sont malheureusement pas très répandus en France, pourtant ARMELLINO est la preuve qu’on sait y faire. Comment expliquez cette absence dans l’hexagone et qu’est-ce qui vous a finalement convaincu de vous lancer ?

Yann : Quand on s’est décidé à travailler ensemble, nous n’avons pas parlé de ‘direction artistique’ ou de choix de style. Cela s’est fait naturellement. On avait juste envie de passer de bons moments à écrire, jammer… bref, jouer ! Et notre langage commun est ce mélange de Heavy, de Blues et de Rock avec une dose de Soul. Effectivement, ce style n’est pas très répandu en France mais, avec Internet, les artistes souffrent moins des ‘barrières frontalières’ comme c’était le cas il y a quelques années. Aujourd’hui, j’observe que ça bouge pas mal par ici. Il y a de nombreux artistes et groupes vraiment chouettes comme les Red Beans & Pepper Sauce, Rozedale, Jessie Lee & The Alchemists (et oui !), Nico Chona, Little Odetta, Mat Ninat…. et pas mal d’autres.

– Même si « Heritage Blend » ne laisse pas planer le doute quant à  vos références, quelle était votre ambition première, même avec un registre qui s’impose de lui-même dès le départ ?

Yann : Notre première ambition était de se faire plaisir et de partager un genre musical qui perdure malgré les modes. Comme je te le disais précédemment, nous n’avions pas de ligne directrice, ce qui donne à l’arrivée des titres assez variés où l’on peut retrouver pas mal de styles différents. C’est une liberté artistique très éloignée des formats que l’on peut imposer en Pop, en Rap, etc…

Vincent : Et Yann étant très prolifique, c’est très excitant de le suivre dans ses propositions.

– La première chose que l’on remarque chez ARMELLINO est cette complicité entre vous deux au niveau des guitares. Est-ce que c’est quelque chose que vous avez particulièrement travaillé et comment vous répartissez-vous les rôles, notamment au niveau du lead ?

Yann : Quand on s’est retrouvé guitare en main, c’était un peu comme si on avait toujours travaillé ensemble, tant musicalement qu’humainement. Je trouve que Vincent a un phrasé, un groove et une expression musicale digne des plus grands. C’est un cadeau de jouer avec lui. Et en plus, il a une voix Blues Rock Soul, qui sert parfaitement le style. Nous n’avons pas vraiment réfléchi au partage des rôles concernant les lead. C’est pour cela que, suivant les titres, nous ‘chorussons’, si je puis dire, parfois seul ou alors à deux. Ca se fait vraiment au feeling…

Vincent : D’ailleurs, en live, il nous arrive d’étendre certaines plages de guitares et parfois d’échanger nos solos par rapport à l’album.

– Au-delà de l’aspect guitaristique et purement technique d’ARMELLINO, vous avez également le talent de composer des chansons mélodiquement efficaces et entêtantes. Comment cela se passe-t-il au niveau de l’écriture ? Vous échangez d’abord sur des idées de riffs, ou partez-vous aussi d’une ligne vocale ?

Yann : On part très souvent d’une idée de riff que l’on fait tourner. Et quand on sent qu’il se passe quelque chose, on laisse mûrir et ça évolue doucement. Il y a des titres qui ont mis un certain temps à être finalisés, je pense notamment à « These Bones ». On avait le riff d’intro, qui peut évoquer « Oh Well », mais le refrain est venu bien après. C’est d’ailleurs un morceau qui a failli passer à la trappe (ce qui aurait été un véritable sacrilège ! – NDR).

Vincent : Notre but, c’est d’abord la chanson et son ambiance.

– On l’a dit, vous œuvrez dans un registre qui prend racine dans les années 70/80, ce qui offre une saveur vintage délicate. Pourtant, « Heritage Blend » sonne très actuel et ce n’est pas qu’une question de matériel ou de technique. L’idée est-elle de prolonger ce style en lui insufflant une touche moderne, ce qui voudrait aussi dire que le chapitre de ces années-là n’est pas clos…

Yann : Je crois que le chapitre de ces années ‘bénies’ n’est pas près de se refermer. Tout est parti de là et les productions de l’époque n’ont quasiment pas vieilli. C’est loin d’être le cas sur les productions des années 80/90, sur lesquelles il y avait excès de vitesse sur les réverb’ et le traitement des batteries, qui donnait la migraine. C’est dommage, car il y avait de très bons albums aussi pendant cette période. Mais de par leur production, on a du mal à les réécouter aujourd’hui, ce qui n’est pas le cas des Led Zeppelin, Kiss, Cream, Bad Co, etc… On est revenu depuis pas mal de temps à des productions qui ne dénaturent pas le son à proprement parler, un ‘sonner vrai’, qui caresse plutôt les oreilles.

– Un petit mot aussi au sujet des très bonnes parties d’orgue Hammond de Fabien Saussage et de celles de Little Magic Sam à l’harmonica. Elles apportent à ARMELLINO une couleur Southern et beaucoup de chaleur à l’album. Vous aviez besoin de cet équilibre entre Rock et Blues pour construire votre répertoire ?

Yann : Assez vite, on a entendu d’autres instruments sur différents titres. L’orgue, le piano et l’harmonica se sont imposés naturellement, c’est une vraie valeur ajoutée. Fabien et Little Magic Sam ont fait un travail remarquable, c’est un cadeau de les avoir avec nous. Ils ont eu une totale liberté pour s’exprimer. C’est pourquoi, sur certains titres, il y a de l’orgue et du piano, car Fabien le sentait comme ça et il a eu raison ! Sur « Hardly Yours », on avait demandé à Little Magic Sam de rentrer au moment du chorus de guitare. Et à l’arrivée, il a eu envie de jouer sur tout le morceau : une super idée et une belle inspiration avec ses phrases qui répondent au chant de Vincent. Merci à eux.

– « Heritage Blend » contient onze chansons, dont deux reprises, d’ailleurs très bien produites par Didier Théry qu’on connait pour son travail avec Gaëlle Buswel notamment. Il y a d’abord « Fire » d’Etta James chantée par Jessie Lee Houllier de ‘Jessie Lee & The Alchemists’. Le choix paraît très spontané vu le reste de l’album. Mais pourquoi chante-t-elle seule ? Un duo ne vous a pas tenté ?

Yann : Vincent, qui a déjà travaillé avec Didier Théry, a tout de suite pensé à lui pour réaliser l’album. C’est quelqu’un de très patient, à l’écoute des artistes et qui s’est impliqué dans le projet en y ajoutant ses idées de chœurs, de percus et de batterie. C’est une belle rencontre. Concernant « Fire », l’idée de proposer un featuring à Jessie s’est vite imposée, car elle est parfaite pour rendre cet hommage à Etta James. Un duo aurait été chouette, mais nous n’avons pas eu l’occasion de le mettre en place. Peut-être une prochaine fois ?

Vincent : J’adore quand Yann rend hommage à la Soul et au R’n B. Et avec Jessie, la version est géniale ! On s’est bien éclaté !

– Et il y a cette reprise acoustique du classique de Thin Lizzy, « Dancing In The Moonlight ». Je comprends parfaitement votre choix, car la chanson est géniale, et j’aimerais savoir comment vous l’avez imaginé dans cette version assez épurée et lumineuse…

Yann : On avait envie de faire une autre reprise et Thin Lizzy est l’un des nombreux groupes qui nous rassemble. Il restait à trouver le bon titre. On s’est dit que reprendre un morceau plus Rock serait un peu trop ‘attendu’, donc le choix de « Dancing In The Moonlight » est venu assez naturellement. A l’inverse de la chanson d’Etta James, on l’a tout de suite pensé en acoustique. J’aime beaucoup l’interprétation tout en finesse de Vincent sur ce titre, qui n’est pas facile à chanter. J’aurais bien également tenté « The Sun Goes Down », mais ça nous semblait plus acrobatique en acoustique. Le répertoire de Thin Lizzy est une vraie mine d’or.   

Vincent : C’était super quand Yann a commencé à jouer « Dancing In The Moonlight » en acoustique… Et on adore Thin Lizzy.

– Enfin, vous êtes tous les quatre des musiciens aguerris et très occupés et j’espère que « Heritage Blend » n’est pas un simple one-shot. Comment envisagez-vous l’avenir d’ARMELLINO ? Avec de la scène et aussi une suite discographique ?

Yann : Nous l’espérons aussi ! (Sourires) On va essayer de tourner le plus possible jusqu’à fin 2025. Ça va aussi dépendre de l’accueil des médias et du public. Concernant la suite discographique, nous avons déjà quelques idées ‘sous le coude’. Donc oui, il y en aura une, ce n’est pas un one-shot !

L’album d’ARMELLINO, « Heritage Blend », est disponible chez May I Records/Pias.

Photos : Yann Armellino à la guitare (2), Alban Armellino à la batterie (3), Vincent Martinez à la guitare et au chant (4) et Jacques Mehard Baudot à la basse (5).

Et une fois n’est pas coutume, découvrez le clip de la chanson « I’m Only Me » :